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COMMERCE INTERNATIONAL ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE
Jean-Claude Berthélemy
Dalloz | « Revue d'économie politique »
2005/5 Vol. 115 | pages 591 à 611
ISSN 0373-2630
DOI 10.3917/redp.155.0591
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2005-5-page-591.htm
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Commerce international
et diversification économique
Jean-Claude Berthélemy*
Dans cet article nous proposons tout d’abord une discussion des arguments en faveur
d’une politique de diversification économique, en examinant les gains de la diversifi-
cation à la lumière des enseignements récents de la théorie du commerce international.
Puis nous étudions les déterminants de la diversification, sur la base d’une analyse
économétrique comparative sur une quarantaine de pays développés, émergents et en
transition. Au-delà d’une relation en forme de U inversé entre le développement éco-
nomique et la diversification, nous montrons que la diversification économique peut
être étroitement associée aux formes nouvelles de la spécialisation internationale que
sont l’échange intra-branche et la décomposition internationale des processus produc-
tifs. Loin de pouvoir être associée à des politiques protectionnistes, une politique de
diversification réussie doit par conséquent s’appuyer sur une participation active à la
mondialisation.
diversification - échange intra-branche - croissance économique
International trade and economic diversification
We start this article with a discussion of the arguments in favour of economic diversi-
fication policies, and we revisit the analysis of the gains of diversification in the light of
new trade theory analyses. Then we study the factors that determine diversification, in
a cross-section econometric framework based on data collected for some forty develo-
ped, emerging and transition economies. Beyond the inverted-U shape relation
between economic development and diversification, which has been explored earlier in
the literature, we show that economic diversification is linked to new forms of trade
specialisation, which are intra-industry trade and the international segmentation of
production processes. Instead of being associated with protectionism, a successful
diversification policy needs therefore to be based on an active participation in globali-
sation.
diversification - intra-industry trade - economic growth
Classification JEL: F1, F43, O14
* TEAM – CNRS et Université Paris I (Panthéon – Sorbonne).
•
B
ERNARD
L
ASSUDRIE
-D
UCHÊNE
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La diversification économique est considérée depuis les années 1930
comme un enjeu important pour les politiques régionales et les politiques
commerciales et industrielles nationales ; elle est également un thème cen-
tral dans les discussions sur les politiques de développement. De nombreu-
ses contributions économiques ont montré les avantages procurés par la
diversification en termes de dilution des risques, de même que les théories
de la croissance et du développement ont mis en évidence l’apport de la
diversification au processus de développement. Face à cet apparent consen-
sus sur les bénéfices de la diversification dans une grande partie de la
littérature économique, il y a deux paradoxes.
Le premier de ces paradoxes est que très peu de travaux ont été menés
pour identifier les facteurs explicatifs de la diversification. En dehors de
travaux à vocation opérationnelle qui analysent des instruments de politique
industrielle ou commerciale pouvant influencer la diversification, comme la
création de zones franches d’exportation (par exemple Johansson et Nilsson
[1997]), à notre connaissance seul un article récent de Imbs et Wacziarg
[2003]), qui montre une relation en forme de U inversé entre la diversifica-
tion et le niveau de développement économique, offre une étude systéma-
tique des déterminants de la diversification. Encore faut-il noter que cette
contribution reste partielle quant à l’identification des déterminants de la
diversification. Un approfondissement de l’analyse est nécessaire, dans la
mesure où il paraît inconcevable qu’un phénomène touchant autant aux
caractéristiques structurelles des économies puisse s’expliquer sur la seule
base de considérations d’ordre macro-économique.
Le second paradoxe est que la littérature sur les bienfaits de la diversifi-
cation néglige largement les enseignements de la théorie pure du commerce
international, qui nous disent que la spécialisation selon les avantages com-
paratifs, en apparence antinomique avec la diversification, est favorable au
bien-être. Les développements récents de la théorie du commerce interna-
tional, concernant notamment l’étude des déterminants de l’échange intra-
branche, nous fournissent toutefois des pistes pour résoudre ce paradoxe.
En explorant cette voie, nous mettrons d’ailleurs à jour de nouveaux déter-
minants de la diversification, liés précisément à ces nouvelles formes de la
spécialisation internationale.
Nous proposons à la section 2 une rapide revue des enjeux de la diversi-
fication, tels qu’ils sont présentés par les tenants des politiques visant à
renforcer cette diversification au niveau national ou régional, et nous com-
plétons cette analyse à la section 3 par une mise en perspective des ensei-
gnements que l’on peut tirer de la théorie du commerce international pour
étudier les conséquences de la diversification. Le reste de l’article est consa-
cré à une analyse des déterminants la diversification : après avoir précisé
nos sources et définitions à la section 4, nous nous livrerons à la section 5 à
un exercice économétrique sur des données de comparaison internationale
couvrant une quarantaine de pays, visant à identifier les déterminants de la
diversification. Cette analyse nous permettra de confirmer la courbe en U
inversé de Imbs et Wacziarg, mais aussi de montrer la fragilité de l’interpré-
tation que ces auteurs en ont donné. En effet, notre analyse nous conduira à
privilégier, comme facteurs explicatifs de la diversification, deux dimensions
récentes de la spécialisation internationale, dont l’étude a été initiée en
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France par Bernard Lassudrie-Duchêne : l’explication de l’échange intra-
branche par la notion de pays intermédiaire, et la décomposition internatio-
nale des processus productifs.
1. Les enjeux de la diversification
1.1. La dilution des risques
Un pays ou une région dont l’activité économique est diversifiée est
moins sensible aux aléas conjoncturels, dès lors que les aléas qui frappent
les différents secteurs ne sont pas parfaitement corrélés positivement. Ce
thème est apparu dès la crise des années 1930 dans la littérature économi-
que, notamment dans le domaine de l’économie régionale. Il est particuliè-
rement important aujourd’hui pour les pays qui exportent des matières pre-
mières, dont les fluctuations des cours sont très fortes. Il constitue sans
doute pour les pays en développement le motif le plus évident de recherche
d’une plus grande diversification. Les succès des pays émergents sont sans
doute en partie imputables à leurs progrès significatifs sur la voie de la
diversification. D’après les calculs d’indices de diversification que nous uti-
liserons plus loin dans cet article, la Chine est même devenue aujourd’hui le
pays le plus diversifié au monde, et l’expérience récente a montré sa grande
capacité à résister aux conséquences des fluctuations du marché internatio-
nal, malgré son ouverture économique croissante. A l’inverse, des pays dont
les exportations sont peu diversifiées connaissent une forte instabilité éco-
nomique, provoquée par celle de leurs recettes d’exportations. Cette obser-
vation avait déjà été établie par Massell [1970] à partir de d’une étude éco-
nométrique sur un ensemble de 55 pays développés et en développement,
et continue aujourd’hui à faire l’objet d’investigations comme par exemple
récemment par Stanley et Bunag [2001] sur le cas de l’Amérique centrale.
Comme en atteste depuis longtemps la littérature d’économie régionale
sur les États-Unis (Attaran et Zwick [1987]), l’intérêt de ce thème n’est tou-
tefois pas restreint aux seuls pays en développement. De même différents
travaux dans cet esprit ont été menés plus récemment sur l’Union euro-
péenne, entre autres choses pour éclairer l’analyse des conséquences natio-
nales et régionales de chocs asymétriques (Aiginger et alii [1999]).
L’analyse de la diversification comme moyen de réduire les risques peut
être étendue à la question de la vulnérabilité d’une économie ou d’une
région face aux changements technologiques ou à l’arrivée de nouveaux
concurrents sur ses marchés. De ce point de vue encore, l’atténuation des
risques procurée par la diversification n’est pas simplement un enjeu pour
les pays en développement, mais il l’est aussi pour les pays développés. Les
différents pays et les différentes industries ne peuvent pas en effet tous se
protéger contre l’émergence de nouveaux concurrents ou de nouvelles tech-
nologies en se plaçant à la frontière des avancées technologiques.
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1.2. La croissance et le développement
économique
Le débat sur la diversification a été très tôt présent dans la théorie du
développement, à la suite notamment de l’introduction de l’hypothèse d’ex-
ternalités pécuniaires entre les secteurs (Rosenstein-Rodan [1943]), qui a
conduit à l’élaboration de la théorie des industries entraînantes. Les travaux
de Leontief [1963] ont également permis de développer la thèse selon la-
quelle la diversification industrielle prenant la forme d’une densification de
la matrice des échanges interindustriels était une composante importante du
développement économique. Cette thèse a fait récemment l’objet d’une mo-
délisation par Ortiz [2002].
Dans la théorie récente de la croissance, le modèle de Romer [1990], en
introduisant un effet bénéfique pour la croissance d’une diversification des
intrants, a fourni un nouvel argument en faveur de la diversification. Si le
modèle de Romer s’appuie sur la variété des intrants, celui-ci peut tout aussi
bien être adapté pour montrer que la diversification des productions (que
celles-ci soient utilisées comme intrants ou non) est elle aussi bénéfique à la
croissance (Feenstra et alii [1999]). L’argument repose en fait simplement sur
la concavité de la surface de transformation de l’économie, dont la consé-
quence la plus immédiate est que généralement la production qui procure le
revenu maximum à l’économie est un point intérieur sur cette surface de
transformation. Dans ces conditions, plus l’économie peut produire de biens
différents et plus, toutes choses égales par ailleurs, son revenu est élevé.
Un inconvénient de la diversification de la production peut être toutefois
que, en présence de rendements d’échelle croissants dans la production, il
est préférable de concentrer les moyens de production dans un seul secteur
ou dans un petit nombre de secteurs, ce qui constitue un obstacle à la
réalisation des gains de la diversification, notamment dans les pays de pe-
tite taille.
En pratique, différents travaux empiriques ont montré que la croissance
et/ou la productivité des facteurs étaient liées positivement plutôt que néga-
tivement à la diversification de l’économie. Ceci a été montré, avec des
méthodologies différentes, par Feenstra et alii [1999] en ce qui concerne la
Corée et Taiwan, par Berthélemy et Chauvin [2000] à propos des pays émer-
gents d’Asie, par Berthélemy et Söderling [2001] sur des données de pays
africains, par Taylor [2003] en ce qui concerne l’Amérique latine, par
Al-Marhubi [2000] sur un panel de 91 pays développés et en développement
et par de Ferranti et alii [2002] sur un panel d’une cinquantaine de pays à
différents niveaux de développement.
Il y a donc une forte présomption pour que la diversification présente des
avantages pour une économie, à différents stades du développement éco-
nomique. Cette thèse a toutefois inspiré dans le passé des stratégies écono-
miques malencontreuses, notamment dans différents pays en développe-
ment, qui ont conduit, à la suite des enseignements de Rosenstein-Rodan et
de ses successeurs, à mettre en place des politiques de diversification vo-
lontaristes, sous la protection de barrières commerciales. Cette approche
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présente des coûts évidents, et se révèle le plus souvent contre-productive
pour le développement économique, comme par exemple dans le cas de
l’Algérie ou de l’Inde (avant les réformes d’ouverture), en raison des ineffi-
cacités de grande ampleur associées à la fermeture commerciale. Il nous
faut donc relativiser les conclusions précédentes, en examinant dans quelle
mesure les arguments en faveur de la diversification entrent en contradic-
tion avec ceux de la théorie pure du commerce international, qui nous dit au
contraire que le bien-être d’une économie est maximisé quand celle-ci se
spécialise, selon ses avantages comparatifs.
2. La diversification et la théorie
du commerce international
2.1. Avantages comparatifs, spécialisation
et diversification
En apparence, la recherche d’une plus grande diversification économique
entre en contradiction avec les enseignements de la théorie pure du com-
merce international. En effet, cette théorie nous indique que la spécialisation
est favorable à l’efficacité économique. Ainsi, dans le modèle ricardien, la
spécialisation optimale voudra dans le cas général que l’on se spécialise
complètement, tandis que dans le modèle des proportions de facteurs il y a
dans le cas général spécialisation, même si celle-ci est incomplète, dans un
nombre de produits qui n’excède pas le nombre de facteurs de production
considéré dans le modèle.
Toutefois, ces résultats sont à interpréter avec nuance. Tout d’abord,
même dans le modèle ricardien il peut exister des cas de spécialisation
incomplète, ce qui arrive par exemple dans un monde où il y a un plus grand
nombre de biens différents que de pays (ce qui correspond bien au monde
réel), un même pays pouvant être alors amené à produire plusieurs biens.
C’est l’un des enseignements du modèle ricardien à deux pays avec conti-
nuum de biens développé par Dornbush, Fisher et Samuelson [1977]. Dans
ce modèle, le bien-être d’un pays augmente à l’équilibre général quand les
circonstances du marché international lui permettent de produire un plus
grand nombre de biens, parce que cela lui permet d’améliorer ses termes de
l’échange factoriels, et plus le nombre de biens qu’il produit est grand, plus
son économie peut être considérée comme diversifiée.
De plus, le fait que le nombre de facteur exerce en général – sauf dans les
cas de spécialisation incomplète tels que celui mentionné précédemment –
une contrainte limitative sur le nombre de biens dans lequel une économie
peut se spécialiser implique aussi que si un pays dispose d’un grand nom-
bre de facteurs de productions différenciés, il pourra avoir une spécialisation
diversifiée. Ce serait par exemple le cas dans un modèle à facteurs spécifi-
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ques que l’on peut concevoir comme des savoir-faire particuliers associés à
différents produits. Parvenir à se diversifier dépendrait alors de la création
du plus grand nombre possible de facteurs spécifiques, c’est-à-dire de l’ac-
cumulation de savoir-faire, et une plus grande diversification ne serait alors
pas en contradiction avec la théorie des avantages comparatifs, et serait
associée à un niveau de développement plus élevé.
Cette approche nous amène en fait à considérer des modèles qui ont été
initialement conçus pour expliquer l’échange intra-branche dans un cadre
cohérent avec la théorie des avantages comparatifs. Il s’agit en particulier de
l’approche développée par Abdel-Rahman [1987], qui associe l’échange
intra-branche à la combinaison d’avantages spécifiques de firmes (nos fac-
teurs spécifiques) et de l’avantage comparatif des nations.
Une voie d’inspiration similaire, et complémentaire de la précédente,
consiste à considérer, comme Lassudrie-Duchêne et Mucchielli [1979], le
développement de l’échange intra-branche dans des pays dits « intermédiai-
res ». Dans cette approche, les pays intermédiaires sont des économies qui
ont, pour des produits technologiquement avancés, intensifs en capital et
capital humain, un avantage comparatif par rapport aux pays en développe-
ment, mais un désavantage par rapport aux pays les plus développés. De ce
fait, quelque soit le produit considéré, un pays intermédiaire se retrouve en
situation d’avantage comparatif par rapport à une partie de ses partenaires.
Dans un monde où les conditions d’un libre-échange parfait ne sont pas
réunies, de telle sorte que tous les arbitrages multilatéraux ne s’exercent
pas, il peut en résulter que ce pays intermédiaire exporte une gamme très
diversifiée de produits, tout en respectant, dans chacune de ses relations
commerciales bilatérales, les avantages comparatifs. Il y aurait ainsi chez
ces pays intermédiaires à la fois une grande diversification, et un échange
intra-branche développé. L’observation empirique établie par Fontagné et
Freudenberg [1997], selon laquelle la majorité des échanges intra-branche
des pays européens s’explique par une différenciation verticale des produits,
certaines qualités d’un produit donné étant exportées tandis que d’autres
sont importées, apporte des éléments qui corroborent cette analyse, puis-
que dans ce cadre un pays exporte un grand nombre de produits, à un
niveau donné dans la gamme de qualité de ces produits, déterminé notam-
ment par son niveau de développement technologique, tout en important
les autres niveaux de qualité de ces mêmes produits.
Une autre voie, explorée notamment par Lassudrie-Duchêne, Berthélemy
et Bonnefoy [1986], consiste à considérer la décomposition internationale
des processus productifs. Ce phénomène, qui a pris de l’ampleur au cours
des dernières décennies, se traduit par la décomposition de la fabrication
des biens finals en un grand nombre de composants assemblés par la suite,
et par la diversification des sources d’approvisionnements de ces compo-
sants. Cette décomposition se traduit alors par une plus grande diversité
potentielle des exportations, parce qu’elle permet de combler les écarts de
compétitivité, comme par exemple dans le cas de l’industrie aéronautique
en France (Lassudrie-Duchêne, Berthélemy et Bonnefoy) ou de celui de nom-
breuses exportations de biens manufacturés chinoises (Lemoine et Unal-
Kezenci [2004]). Il y a alors, de nouveau, congruence entre la diversification
et le développement des échanges internationaux, qui peut d’ailleurs pren-
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dre, à un niveau relativement agrégé des nomenclatures du commerce in-
ternational, la forme d’échanges intra-branche, dans la mesure où les com-
posants et produits assemblés échangés sur le marché international
appartiendraient à la même industrie.
2.2. Nouvelle théorie du commerce
international et diversification
L’introduction des échanges intra-branche dans notre discussion ne doit
évidemment pas se limiter aux apports qui s’inscrivent dans les prolonge-
ments de la théorie des avantages comparatifs. La « nouvelle théorie » du
commerce international, qui met en avant des flux d’échange intra-branche
associés à la différentiation horizontale des produits, doit également ici être
considérée. Dans ce contexte, plus des pays sont similaires et plus ils échan-
gent entre eux, sous forme de commerce intra-branche. Dans ces théories,
le développement de l’échange intra-branche, qui est favorable au bien être
en permettant de disposer d’une plus grande diversité de produits, et de
bénéficier d’une plus grande efficacité économique en raison de la réduction
des marges de monopole, est tout à fait cohérent avec la recherche d’une
plus grande diversification de l’économie : plus il y a d’échange intra-
branche, plus le nombre de produits qui font l’objet d’une production de la
part des entreprises nationales est grand.
Un cas d’école illustrant ce raisonnement nous est fourni par le modèle de
Krugman [1981], qui considère l’échange dans un modèle à deux pays et
deux industries, où les avantages comparatifs sont définis par des dotations
en facteurs spécifiques associés à chacune des deux industries ; dans ce
modèle, un pays peut exporter un grand nombre de variétés dans chaque
industrie, et l’intensité de l’échange intra-branche dépend de l’importance
relative des échanges croisés à l’intérieur de chaque industrie et des échan-
ges de produits de la première industrie contre ceux de la seconde industrie.
Il apparaît alors que l’intensité de l’échange intra-branche et la diversifica-
tion de l’économie sont tous deux des fonctions croissantes de la similarité
des deux pays, définie par la différence de leurs dotations factorielles.
Au terme de ce rapide examen des liens entre la diversification économi-
que et l’échange international, il apparaît que les développements récents
de l’économie internationale, que ce soit dans le cadre de la théorie pure du
commerce international, ou dans celui de la nouvelle théorie du commerce
international, suggèrent que la diversification n’est pas nécessairement un
obstacle à une spécialisation commerciale efficace, dès lors que cette diver-
sification peut être associée à des facteurs qui sont les mêmes que ceux qui
déterminent l’échange intra-branche.
Un corollaire de cette conclusion est que, parmi les facteurs qui détermi-
nent la diversification économique, se trouvent probablement ceux qui ex-
pliquent l’échange intra-branche. Sauf politique interventionniste, la diversi-
fication se développe parce qu’elle est bénéfique d’un point de vue
économique, et elle l’est quand elle peut être associée au développement
d’une spécialisation intra-branche.
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L’objet de notre article n’est cependant pas de contribuer à l’explication
des échanges intra-branche, sujet qui a été déjà largement traité dans la
littérature antérieure (voir par exemple Greenaway et Milner [1986], et, pour
une revue plus récente, Greenaway et Torstensson [1997], et nous considé-
rerons donc ici le caractère intra-branche de la spécialisation comme une
donnée d’observation, que d’autres analyses permettent d’expliquer, mais
qui contient aussi de l’information sur les déterminants de la diversification
économique.
Il reste enfin qu’une voie alternative de diversification, explorée par le
passé par de nombreux pays en développement, consiste à favoriser l’émer-
gence d’une industrie nationale diversifiée à l’abri de barrières protection-
nistes. Même si, comme indiqué précédemment, cette approche est discu-
table d’un point de vue normatif, nous ne pourrons cependant pas
complètement l’écarter de notre analyse des déterminants de la diversifica-
tion.
3. Définition et mesure
de la diversification
Une économie est dite diversifiée si sa structure productive est dispersée
en un grand nombre d’activités différentes les unes des autres par la nature
des biens et services produits. Une difficulté réside toutefois dans le passage
de cette définition conceptuelle à une mesure opérationnelle de la diversifi-
cation. Il y a à cet égard deux questions à résoudre : comment caractériser la
diversification par un indice synthétique et sur quelles variables économi-
ques la mesurer.
3.1. Indices de concentration
et de diversification
Différentes mesures de la diversification sont envisageables et ont été
proposées dans les travaux antérieurs. La catégorie la plus utilisée, que ce
soit pour des études d’économie industrielle (Jacquemin et Berry [1979]) ou
des études d’économie régionale (Attaran et Zwick [1987]) et de comparai-
son internationale (de Peretti et alii [2002]), repose sur le calcul d’indices de
concentration, dont le plus connu est l’indice de Herfindahl, et dont la for-
mule la plus générale est la suivante :
I = 兺
i = 1
n
Pi wi [1]
où n est le nombre de produits considérés, Pi est la proportion du produit i
dans l’activité totale, wi est une pondération attribuée au produit i, qui est
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une fonction croissante de Pi si l’on définit un indice de concentration (et
donc décroissante si l’on définit un indice de diversification).
Trois applications particulières de cette formule ont généralement retenu
l’attention :
L’indice de Herfindahl, pour lequel wi est égal à Pi :
H = 兺
i = 1
n
Pi
2
[2]
L’indice d’entropie, pour lequel wi est égal à ln 共 1/Pi 兲 − qui est la défini-
tion usuelle de la dispersion utilisée dans les sciences physiques :
E = 兺
i = 1
n
Pi ln 共 1/Pi 兲 [3]
La part des N plus grandes productions dans le total, pour lequel Pi est
égal à 1 pour ces N plus grandes productions et à 0 sinon :
GN = 兺
i ∈ ν 共 N 兲
Pi [4]
Où ν 共 N 兲 désigne l’ensemble des industries qui ont les N plus grandes
valeurs de Pi.
Comme l’indiquent Jacquemin et Berry, l’indice d’entropie est préférable à
l’indice de Herfindahl dans la mesure où il est décomposable. Compte tenu
du fait que tous ces indices sont sensibles au degré de désagrégation de la
nomenclature, le fait de pouvoir le décomposer (et donc de définir la part de
l’entropie qui est imputable à une désagrégation plus fine de la nomencla-
ture) constitue un avantage. Pour les mêmes raisons, l’entropie est égale-
ment un indicateur préférable à la part des N plus grandes valeurs. Dans la
suite, nous utiliserons toutefois ces 3 indices pour vérifier la robustesse de
nos résultats (en prenant N = 5 pour le troisième indice). Par ailleurs, afin de
rendre les résultats directement comparables, nous normaliserons ces indi-
cateurs, de sorte à ce qu’ils prennent tous des valeurs théoriques comprises
entre 0 et 100, ce qui revient à prendre le complément à 100 des indices H et
GN préalablement multipliés par 100, et à multiplier E par 100/ln (n). De la
sorte, nos trois indicateurs seront interprétables comme des indicateurs de
diversification (et non pas de concentration), croissants avec la diversité de
l’activité économique.
D’autres catégories d’indicateurs ont été proposées dans la littérature.
Certains auteurs (par exemple Imbs et Wacziarg) utilisent également un
indice de Gini, mais, outre le fait qu’il n’est pas décomposable, il présente
l’inconvénient de mesurer non pas la concentration proprement dite, mais
l’inégalité de la distribution des données considérées.
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3.2. Choix de la variable étudiée
Comme indiqué en introduction, les premières études menées sur la di-
versification ont porté plutôt sur la diversification des régions. Le choix s’est
donc tourné naturellement, pour calculer les indices de diversification, vers
l’utilisation de variables économiques que l’on peut mesurer à cet échelon,
qui sont essentiellement la production et l’emploi. L’inconvénient toutefois
de ces variables est qu’elles ne sont que rarement disponibles à un niveau
de désagrégation élevé. Il en va de même évidemment pour les observa-
tions au niveau national. Par suite, le niveau de désagrégation utilisé est
faible. Ainsi, les calculs de diversification menés par Imbs et Wacziarg [2003]
sont réalisés, en ce qui concerne la production et l’emploi manufacturier
selon une nomenclature de l’ONUDI en 28 secteurs, et en ce qui concerne la
production et l’emploi dans les biens et services selon une nomenclature de
l’OCDE en 20 secteurs.
Nous proposons d’utiliser plutôt les données du commerce international,
qui permettent une désagrégation beaucoup plus poussée. Feenstra et alii
[1999] utilisent une nomenclature en plus de 10 000 produits pour étudier la
diversification en Corée et Taiwan, mesurée par leurs exportations à desti-
nation des États-Unis. Pour notre part, afin de ne pas limiter notre analyse
aux échanges avec un partenaire particulier, nous ferons nos calculs à partir
des données du commerce international désagrégées selon la CTCI à 4
positions, ce qui représente 1 265 catégories de produits. Pour contrôler la
robustesse de nos résultats, nous les répliquerons aussi en ne considérant
que les biens manufacturés, ce qui représente 906 catégories de produits.
L’inconvénient majeur des données de commerce international est qu’el-
les ne recouvrent qu’une partie de l’activité, puisque les services en sont par
définition exclus. Cependant, même les données les plus fines utilisées par
Imbs et Wacziarg sur l’ensemble des biens et services ne distinguent en tout
que 9 catégories hors agriculture, mines et industries manufacturières. La
perte d’information occasionnée par l’omission des services est dans ces
conditions minime, si l’on accepte que l’enjeu essentiel de la diversification
ne réside pas dans le partage de l’activité entre productions de biens et de
services, qui est essentiellement fonction du niveau de développement des
économies. Un second inconvénient est que l’on n’approche ici la spéciali-
sation qu’à travers le commerce international, plutôt que pour l’ensemble de
la production. Cet inconvénient est cependant un avantage pour l’étude de
la diversification sous l’angle de l’analyse de la spécialisation internationale,
ce qui est notre objectif ici. Le risque éventuel le plus sérieux est de négliger
des expériences de diversification associées à des politiques protectionnis-
tes, qui permettent de développer des productions pour le marché national,
mais pas de les exporter. Ce risque est toutefois modéré, si l’on croit aux
théories à la Linder selon lesquelles l’exportation n’est que le prolongement
du marché national.
600 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy
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4. Déterminants de la diversification
4.1. La thèse de Imbs et Wacziarg
A notre connaissance, la seule étude comparative internationale disponible
sur les déterminants de la diversification économique est celle de Imbs et
Wacziarg [2003]. Ces deux auteurs mettent en œuvre des tests non-
paramétriques et paramétriques sur des données de panel pour étudier les
effets du développement économique, mesuré par le revenu par habitant, sur
le degré de diversification. Ils montrent que la diversification est initialement
croissante, puis décroissante, en fonction du revenu, avec un seuil de retour-
nement se situant autour de 9 000 dollars de 1985 (mesurés en parité de
pouvoir d’achat par rapport aux États-Unis). Pour ces auteurs, les explications
que l’on peut donner à ces observations relèvent de mécanismes macroéco-
nomiques caractéristiques du processus de développement économique. Les
changements des structures de consommation (loi de Engel) et la diversifica-
tion des risques (Acemoglu et Zilibotti [1997]) accompagnent le développe-
ment. En revanche, la spécialisation internationale et les effets d’aggloméra-
tion, étudiés par la nouvelle économie géographique (Krugman [1991]),
devraient d’après ces auteurs créer des forces conduisant à une relation in-
verse. Dans un premier temps, les facteurs favorables à la diversification
l’emporteraient, tandis que dans un deuxième stade du développement éco-
nomique ce sont les facteurs de concentration qui prédomineraient.
Une interprétation complémentaire peut être trouvée dans le modèle théo-
rique de Hausmann et Rodrik [2003]. Partant de l’hypothèse que l’identifica-
tion des niches dans lesquelles une économie peut être compétitive est à la
fois coûteuse initialement et de connaissance commune dès lors qu’une pre-
mière entreprise a développé une production rentable dans une niche parti-
culière, ces auteurs montrent que, au cours du processus de développement,
la diversification d’une économie est initialement trop faible, puis trop élevée
dans un deuxième stade. Un corollaire de ce modèle est que le nombre de
biens produits dans une économie est initialement faible, augmente quand
cette économie se développe, et est appelé à diminuer par la suite.
Rien toutefois ne garantit que l’explication du résultat trouvé par Imbs et
Wacziarg soit purement imputable à des facteurs de nature macro-
économique. Comme nous le développerons dans la suite, une interprétation
alternative peut être proposée : celle de la théorie du pays intermédiaire de
Lassudrie-Duchêne et Mucchielli. Si l’on adopte cette approche, et si l’on
admet en première analyse que le revenu par habitant n’est pas un mauvais
indicateur pour identifier les pays intermédiaires, alors les pays se situant aux
extrêmes de l’échelle de comparaison des revenus auront des avantages
comparatifs plus marqués que ceux se situant à un point médian, et par suite
auront une spécialisation plus forte, associée à un échange de type inter-
branche, et donc présenteront aussi une moindre diversification économique.
Cette première analyse doit toutefois être complétée par la prise en
compte de la taille économique des pays, notamment s’agissant de l’analyse
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de la diversification des exportations : si les petits pays ont tendance, toutes
choses égales par ailleurs, à commercer plus que les grands, il est naturel
également que leur activité économique soit plus concentrée, car ils ne
disposent pas d’un marché, notamment concernant les facteurs de produc-
tion, permettant d’étendre autant que les grands pays la diversité de leurs
activités. Dans l’article de Imbs et Wacziarg, l’omission de cette variable
n’était pas gênante, dans la mesure où ces auteurs ont travaillé en données
de panel avec des effets fixes, mais il est bien entendu nécessaire de l’intro-
duire dans une analyse de comparaison internationale statique.
Nous avons testé l’effet de ces variables sur un ensemble de 41 pays, dans
lequel figurent la plupart des pays membres de l’OCDE, ainsi que différents
pays en transition et en développement présentant déjà une proportion
significative d’exportation de biens manufacturés1. Ce choix nous permet de
travailler avec un échantillon de pays relativement homogène, et pour les-
quels les données de commerce international sont de meilleure qualité que
celles des pays les moins avancés.
Le tableau 1 reporte les résultats des tests de l’hypothèse de Imbs et
Wacziarg, complétée par l’introduction de la population pour contrôler l’effet
de la taille des pays2. D’une manière générale, quelque soit l’indicateur
utilisé, ces tests ne permettent pas de rejeter l’hypothèse d’un effet succes-
sivement positif puis négatif du niveau de développement sur la diversifica-
tion. Seuls les résultats pour l’indice de Herfindahl calculé sur les exporta-
tions de biens manufacturés ne sont pas significatifs. Par ailleurs, les
différentes mesures conduisent à estimer un seuil de retournement assez
stable, compris entre 19 000 et 24 000 dollars par habitant (en dollars de
parité de pouvoir d’achat de 1999). Ce seuil de retournement est un peu plus
élevé que celui de Imbs et Wacziarg, que l’on peut évaluer à 13 000 dollars
de 1999 si l’on tient compte de l’évolution du pouvoir d’achat du dollar entre
1985 et 1999. Il partage notre échantillon en deux parts de taille relativement
égale, puisque la médiane des revenus par habitant des pays de notre
échantillon se situe environ à 19 000 dollars. Une explication possible de la
différence entre notre estimation du seuil de retournement et celle de Imbs
et Wacziarg peut résider dans l’utilisation de données trop agrégées par ces
auteurs. En effet, des données trop agrégées conduisent à sous-estimer la
diversification d’une manière qui n’est pas uniforme : ce biais sera sans
doute plus faible aux premiers stades du développement que dans les pays
développés. En effet, dans le premier cas, l’économie est principalement
spécialisée dans les activités agricoles, et la diversification potentielle à l’in-
térieur de ce secteur est limitée, tandis que dans les pays développés les
industries manufacturières, qui se prêtent beaucoup mieux à la diversifica-
tion, jouent un rôle prépondérant. Par suite, l’écart entre la courbe de l’in-
dice de diversification en fonction du niveau de développement qui serait
obtenue avec des données plus désagrégées et la courbe observée par Imbs
et Wacziarg devrait s’amplifier avec le niveau de développement, déplaçant
vers le haut son seuil de retournement.
1. Nous avons également éliminé les petits pays. La liste des pays étudiés figure à l’an-
nexe A.
2. Les définitions précises et les sources des données sont indiquées à l’annexe B.
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Toutefois, seule une faible part de la variance est expliquée, ce qui sug-
gère la nécessité de chercher des explications complémentaires. C’est à quoi
nous nous attachons dans la suite, en étudiant plus précisément les déter-
minants de l’entropie. C’est en effet cet indicateur qui semble, au vu des
résultats du tableau 1, se prêter le mieux à l’analyse, même si les différents
indicateurs étudiés sont assez étroitement corrélés entre eux, et conduisent
à des résultats analogues.
4.2. Échange intra-branche, décomposition
internationale des processus productifs
et diversification
Comme nous l’avons indiqué dans la section 3, l’intensité de l’échange
intra-branche et la diversification devraient avoir des déterminants com-
muns. Les travaux disponibles sur les facteurs explicatifs de l’échange intra-
branche utilisent le plus souvent des données bilatérales, ou des données
industrielles. Dans l’un et l’autre cas, ils mettent en évidence des variables
explicatives propres aux observations utilisées, telles que les revenus com-
parés et la distance des partenaires commerciaux (données bilatérales) ou la
différentiation des produits et les dépenses de R& D et de publicité (données
industrielles)3. Il serait illusoire de vouloir introduire ici un ensemble aussi
riche de variables explicatives de l’échange intra-branche.
Nous pouvons cependant introduire dans notre équation un indicateur
d’échange intra-branche, afin de capter l’influence de ces variables. C’est ce
3. Voir Greenaway et Milner [1986].
Tableau 1. diversification et niveau de développement économique
Entropie
Entropie
manuf.
Herfindhal
Herfindhal
manuf.
G5 G5 manuf.
Population 2,212*** 1,972*** 0,863** 0,802* 2,826*** 2,366***
(0,476) (0,531) (0,378) (0,445) (0,752) (0,814)
Revenu 2,831*** 2,166** 1,337* 0,873 3,365** 2,030*
(0,899) (0,828) (0,685) (0,681) (1,365) (1,209)
Revenu2
– 0,069*** – 0,048** – 0,035* – 0,018 – 0,085** – 0,045
(0,026) (0,021) (0,018) (0,016) (0,038) (0,030)
Constante 43,300*** 47,734*** 85,753*** 86,792*** 43,306*** 48,796***
(7,132) (7,753) (5,970) (6,731) (11,399) (11,403)
R2
0,37 0,30 0,26 0,14 0,29 0,19
Méthode d’estimation : moindres carrés ordinaires avec écart-types corrigés pour
l’hétéroscédasticité des résidus.
Entre parenthèse : écart-types
Nombre d’observations : 41
*** = significatif au seuil de 1 %
** = significatif au seuil de 5 %
* = significatif au seuil de 10 %
Source des données : voir annexe B.
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que nous faisons dans la suite, en ajoutant à la liste des variables « explica-
tives » de la diversification l’indicateur de Grubel et Lloyd, qui est utilisé
usuellement pour mesurer l’intensité de l’échange intra-branche. Cepen-
dant, compte tenu de l’hypothèse du pays intermédiaire, nous pouvons
considérer que cette intensité de l’échange intra-branche est elle-même une
fonction croissante puis décroissante du revenu par habitant. Ceci introduit
en fait une interprétation alternative de la relation en forme de U inversé
entre le revenu et la diversification.
L’introduction conjointe de l’indice de Grubel et Lloyd et des variables de
revenu et de revenu au carré utilisées pour capter l’effet « pays intermé-
diaire » pose toutefois un problème d’identification, et ne permet pas direc-
tement de tester l’hypothèse de Imbs et Wacziarg contre l’hypothèse d’une
explication de la diversification qui transiterait par le développement de
l’échange intra-branche. De fait, les variables de revenu et de revenu au carré
ne sont alors plus significatives, comme le montrent les deux premières co-
lonnes du tableau 2, mais cela n’apporte pas d’élément décisif pour retenir
l’explication par l’échange intra-branche plutôt que celle de Imbs et Wacziarg.
Tableau 2. diversification des exportations, échange intra-branche,
et décomposition internationale des processus productifs
Entropie
Entropie
manuf.
Entropie
Entropie
manuf.
Entropie
Entropie
manuf.
Population 1,833*** 1,656*** 1,803*** 1,730*** 1,559*** 1,550***
(0,575) (0,566) (0,552) (0,518) (0,377) (0,410)
Revenu 0,943 0,234 0,852 0,489
(0,862) (0,733) (0,825) (0,712)
Revenu2
– 0,029 – 0,006 – 0,027 – 0,012
(0,024) (0,019) (0,023) (0,018)
Intra-
branche
0,285*** 0,253**
(0,064) (0,097)
Intra-
branche
0,305*** 0,212** 0,320*** 0,257***
Instrumenté (0,088) (0,104) (0,081) (0,083)
DIPP 0,950*** 1,201*** 0,959*** 1,156*** 0,982*** 1,195***
(0,252) (0,243) (0,256) (0,252) (0,268) (0,261)
Constante – 28,453 – 42.490** – 29,221 – 39.976* – 26,960 – 41,412*
(20,062) (19,935) (20,813) (20,490) (21,694) (21,193)
R2
0,66 0,65 0,66 0,65 0,63 0,65
Méthode d’estimation : moindres carrés ordinaires (1re
et 2e
colonne) et doubles
moindres carrés ordinaires (3e
à 6e
colonne), avec écart-types corrigés pour l’hétéros-
cédasticité des résidus
Entre parenthèse : écart-types
Nombre d’observations : 41
*** = significatif au seuil de 1 %
** = significatif au seuil de 5 %
* = significatif au seuil de 10 %
DIPP = décomposition internationales des processus productifs, mesurée par l’entropie
sur les importations de biens manufacturés
Source des données : voir annexe B.
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Nous pouvons cependant instrumenter l’indice d’échange intra-branche
avec un ensemble de variables qui comprend non seulement le revenu et le
revenu au carré, mais aussi un certain nombre d’autres variables qui en sont
indépendantes. Ceci permet alors de mieux cerner les déterminants de la
diversification qui sont associés spécifiquement à l’échange intra-branche,
par opposition à l’hypothèse de Imbs et Wacziarg. Nous en proposons ici
principalement deux. La première est le degré d’ouverture de l’économie,
mesuré par la part des échanges totaux dans le PIB, qui se justifie par le fait
que l’échange intra-branche est favorisé par l’abaissement des barrières
protectionnistes, qui facilite l’apparition d’échanges internationaux en l’ab-
sence d’avantages comparatifs. La seconde est la part des exportations de
biens manufacturés dans les exportations totales, qui tient compte du fait
que la différentiation des produits caractérise surtout les industries manu-
facturières. Nous avons également introduit, mais avec un succès limité (et
sans que cela affecte nos résultats), une variable indicatrice de l’apparte-
nance à l’Union européenne (à quinze), destinée à capter le fait que la
construction européenne ait pu stimuler les échanges de nature intra-
branche entre ses pays membres.
Sur cette base, nous obtenons les estimations reportées dans les 3e
et la
4e
colonnes du tableau 2, où il apparaît clairement que les mécanismes
associés au développement de l’échange intra-branche doivent être retenus,
et que l’hypothèse de Imbs et Wacziarg est rejetée : même instrumenté
comme indiqué précédemment, notre indicateur d’échange intra-branche
reste très significatif, tandis que le revenu et le revenu au carré ne le sont
pas. Nous pouvons dans ces conditions éliminer ces deux dernières varia-
bles de la liste des variables explicatives (l’élimination du seul terme de
revenu au carré ne modifie pas les résultats concernant le terme linéaire).
Ceci conduit aux résultats reportés dans les 4e
et 5e
colonnes du tableau 2,
où il apparaît que les paramètres des variables explicatives conservées, de
même que le coefficient de détermination, restent à peu près inchangés. Le
seuil de retournement en fonction du revenu par habitant dans l’équation
d’instrumentation de l’indice de Grubel et Lloyd se situe autour de
23 000 dollars, et est donc cohérent avec les estimations du tableau 1.
Dans les différentes estimations reportées au tableau 2, nous avons éga-
lement introduit un terme qui rend compte de l’influence de la décomposi-
tion internationale des processus productifs sur la diversification. Il n’existe
pas d’indicateur simple et direct pour mesurer ce phénomène. Toutefois,
comme il conduit à une diversification des importations, sous forme d’im-
portations de composants manufacturés variés, une approche possible
consiste à l’identifier indirectement à travers la diversification de ces in-
trants. Ainsi, la décomposition internationale des processus productifs
conduirait à une coïncidence entre la diversification des importations, qui en
est la manifestation la plus immédiate et la diversification des exportations,
qu’elle permet en étendant la capacité des pays à être compétitifs sur un
nombre croissant de produits. C’est ce que nous vérifions au tableau 2 (ligne
DIPP), en introduisant comme variable explicative l’indice d’entropie des
importations de biens manufacturés, qui présente un effet toujours très si-
gnificatif, avec un paramètre dont la valeur est de manière stable proche de
1. Il est utile de noter aussi que, quand on introduit comme variable expli-
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cative l’entropie des importations, sans l’indice d’échange intra-branche,
cette variable conserve sa significativité et un paramètre d’un niveau com-
parable au précédent (résultat non reporté), ce qui suggère que la décom-
position internationale des processus productifs est bien un facteur explica-
tif de la diversification économique en lui-même, indépendamment des
déterminants généraux de l’échange intra-branche, et ce même si la décom-
position internationale des processus productifs conduit en partie à de
l’échange intra-branche.
On obtient ainsi au tableau 2 une explication assez complète des différen-
ces de diversification observées entre les pays étudiés, puisque nos varia-
bles expliquent près des deux tiers de l’entropie des exportations, contre
environ un tiers seulement au tableau 1.
*
* *
Cet article nous a permis de montrer que l’on pouvait soutenir la thèse
selon laquelle la diversification économique est souhaitable pour un pays,
tout en conservant un cadre d’analyse cohérent avec celui développé en
faveur du libre échange par la théorie du commerce international. Cette
réflexion nous a permis de mettre en évidence le rôle majeur que peuvent
jouer, dans les processus de diversification économique, les nouvelles for-
mes du commerce international que sont les échanges intra-branche et la
décomposition internationale des processus productifs. Il apparaît alors que
la diversification n’est pas seulement le résultat mécanique d’une progres-
sion dans des étapes de diversification, telles que décrites par Imbs et Wac-
ziarg, mais aussi la conséquence de stratégies efficaces de participation à la
mondialisation à travers lesquelles différents pays peuvent développer à
leur avantage leurs échanges internationaux tout comme leurs tissus indus-
triels.
Cette contribution appelle sans doute des prolongements théoriques, pour
mieux intégrer la diversification, la spécialisation internationale et la crois-
sance économique dans un cadre théorique cohérent. D’autres investiga-
tions empiriques sont également souhaitables, dans au moins deux direc-
tions. Tout d’abord, il serait utile d’intégrer dans l’analyse les pays les moins
avancés, dont le niveau actuel de diversification particulièrement bas cons-
titue un obstacle à leur développement difficile à surmonter. Ensuite, il
conviendrait d’étudier la dynamique de la diversification, pour évaluer la
vitesse à laquelle des progrès peuvent être envisagés en matière de diver-
sification.
Au-delà de l’analyse théorique et économétrique, cet article a de nom-
breux prolongements possibles en matière de réflexion sur les politiques
économiques que les pays peuvent mener pour tirer partie de la mondiali-
sation. Loin d’adhérer aux politiques industrielles et commerciales protec-
tionnistes qui ont été menées par de nombreux pays en développement par
le passé, et sont encore prônées par les tenants de l’anti-mondialisation,
nous suggérons au terme de notre analyse une politique de diversification
qui s’appuie sur l’ouverture commerciale. Les succès de la Chine, qui est
devenue, tout en s’ouvrant au commerce international, le pays dont l’éco-
nomie est la plus diversifiée au monde, de même que ceux d’autres pays
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émergents, comme la Thaïlande, qui sont beaucoup plus diversifiés que des
économies latino-américaines de taille et de niveau de vie comparables,
comme la Colombie, montrent tout l’intérêt de cette approche pour les pays
émergents et ceux qui aspirent à le devenir. De même, la grande diversifi-
cation observée 10 ans après leur ouverture économique dans des pays en
transition comme la Pologne ou la République tchèque suggère que le pro-
cessus d’élargissement de l’Union européenne pourra aller de pair avec le
maintien, voire le renforcement, de la diversification économique des na-
tions européennes, qui sera nécessaire pour absorber des chocs asymétri-
ques quand ces pays deviendront membres de la zone euro.
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Annexes
Annexe 1. Liste des pays étudiés
Pays membres de l’OCDE
(hors nouveaux membres)
Pays émergents
et en transition
Australie Italie Afrique du Sud
Autriche Japon Argentine
Belgique Norvège Brésil
Canada Mexique Chili
Corée Nouvelle Zélande Chine
Danemark Pays-Bas Colombie
Espagne Pologne Inde
États-Unis Portugal Israël
Finlande République tchèque Malaisie
France Royaume-Uni Pakistan
Grèce Suède Philippines
Hongrie Suisse Singapour
Irlande Turquie Thaïlande
Tunisie
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Annexe 2. Définitions et sources des variables
Données sur la diversification et la structure du commerce
international :
Les définitions sont expliquées dans le texte. Tous les indicateurs de diversifica-
tion sont transformés de manière à avoir des valeurs extrêmes théoriques compri-
ses entre 0 et 100.
Herfindahl = 100*冉1 − 兺
i = 1
n
共 Xi
/X. 兲冊
Entropie = − 共 100/ln 共 n 兲 兲*兺
i = 1
n
共 Xi
/X. 兲 ln 共 Xi
/X. 兲
G5
= 100*冉1 − 兺
i ∈ ν 共 5 兲
共 Xi
/X. 兲冊
Où ν 共 5 兲 désigne l’ensemble des industries qui on les 5 plus grandes valeurs de
Xi
/X.
Intrabranche = 100*
冢1 −
兺
i = 1
n
兩Xi
− Mi兩
兺
i = 1
n
Xi
+ Mi
冣
Où Xi
désigne les exportations du bien i, Mi
les importations du bien i.
Source : calculs à partir des données de la base Comtrade (CD-Rom PCTAS de
l’International Trade Centre) pour l’année 1999 (1998 pour le Chili et l’Inde), selon la
classification CTCI à 4 positions.
Données macroéconomiques :
Ouverture : ratio entre le total du commerce (importations + exportations) et le
PIB (en pourcentage).
Population : population totale, en centaines de millions d’habitants.
Revenu : PIB courant par habitant en milliers dollars de parité de pouvoir d’achat,
1999.
Source : Données du CD-Rom World Development Indicators de la Banque Mon-
diale.
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Références bibliographiques
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610 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy
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Commerce international et diversification économique ————————————— 611
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  • 1. COMMERCE INTERNATIONAL ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE Jean-Claude Berthélemy Dalloz | « Revue d'économie politique » 2005/5 Vol. 115 | pages 591 à 611 ISSN 0373-2630 DOI 10.3917/redp.155.0591 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2005-5-page-591.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Dalloz. © Dalloz. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 2. Commerce international et diversification économique Jean-Claude Berthélemy* Dans cet article nous proposons tout d’abord une discussion des arguments en faveur d’une politique de diversification économique, en examinant les gains de la diversifi- cation à la lumière des enseignements récents de la théorie du commerce international. Puis nous étudions les déterminants de la diversification, sur la base d’une analyse économétrique comparative sur une quarantaine de pays développés, émergents et en transition. Au-delà d’une relation en forme de U inversé entre le développement éco- nomique et la diversification, nous montrons que la diversification économique peut être étroitement associée aux formes nouvelles de la spécialisation internationale que sont l’échange intra-branche et la décomposition internationale des processus produc- tifs. Loin de pouvoir être associée à des politiques protectionnistes, une politique de diversification réussie doit par conséquent s’appuyer sur une participation active à la mondialisation. diversification - échange intra-branche - croissance économique International trade and economic diversification We start this article with a discussion of the arguments in favour of economic diversi- fication policies, and we revisit the analysis of the gains of diversification in the light of new trade theory analyses. Then we study the factors that determine diversification, in a cross-section econometric framework based on data collected for some forty develo- ped, emerging and transition economies. Beyond the inverted-U shape relation between economic development and diversification, which has been explored earlier in the literature, we show that economic diversification is linked to new forms of trade specialisation, which are intra-industry trade and the international segmentation of production processes. Instead of being associated with protectionism, a successful diversification policy needs therefore to be based on an active participation in globali- sation. diversification - intra-industry trade - economic growth Classification JEL: F1, F43, O14 * TEAM – CNRS et Université Paris I (Panthéon – Sorbonne). • B ERNARD L ASSUDRIE -D UCHÊNE REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 3. La diversification économique est considérée depuis les années 1930 comme un enjeu important pour les politiques régionales et les politiques commerciales et industrielles nationales ; elle est également un thème cen- tral dans les discussions sur les politiques de développement. De nombreu- ses contributions économiques ont montré les avantages procurés par la diversification en termes de dilution des risques, de même que les théories de la croissance et du développement ont mis en évidence l’apport de la diversification au processus de développement. Face à cet apparent consen- sus sur les bénéfices de la diversification dans une grande partie de la littérature économique, il y a deux paradoxes. Le premier de ces paradoxes est que très peu de travaux ont été menés pour identifier les facteurs explicatifs de la diversification. En dehors de travaux à vocation opérationnelle qui analysent des instruments de politique industrielle ou commerciale pouvant influencer la diversification, comme la création de zones franches d’exportation (par exemple Johansson et Nilsson [1997]), à notre connaissance seul un article récent de Imbs et Wacziarg [2003]), qui montre une relation en forme de U inversé entre la diversifica- tion et le niveau de développement économique, offre une étude systéma- tique des déterminants de la diversification. Encore faut-il noter que cette contribution reste partielle quant à l’identification des déterminants de la diversification. Un approfondissement de l’analyse est nécessaire, dans la mesure où il paraît inconcevable qu’un phénomène touchant autant aux caractéristiques structurelles des économies puisse s’expliquer sur la seule base de considérations d’ordre macro-économique. Le second paradoxe est que la littérature sur les bienfaits de la diversifi- cation néglige largement les enseignements de la théorie pure du commerce international, qui nous disent que la spécialisation selon les avantages com- paratifs, en apparence antinomique avec la diversification, est favorable au bien-être. Les développements récents de la théorie du commerce interna- tional, concernant notamment l’étude des déterminants de l’échange intra- branche, nous fournissent toutefois des pistes pour résoudre ce paradoxe. En explorant cette voie, nous mettrons d’ailleurs à jour de nouveaux déter- minants de la diversification, liés précisément à ces nouvelles formes de la spécialisation internationale. Nous proposons à la section 2 une rapide revue des enjeux de la diversi- fication, tels qu’ils sont présentés par les tenants des politiques visant à renforcer cette diversification au niveau national ou régional, et nous com- plétons cette analyse à la section 3 par une mise en perspective des ensei- gnements que l’on peut tirer de la théorie du commerce international pour étudier les conséquences de la diversification. Le reste de l’article est consa- cré à une analyse des déterminants la diversification : après avoir précisé nos sources et définitions à la section 4, nous nous livrerons à la section 5 à un exercice économétrique sur des données de comparaison internationale couvrant une quarantaine de pays, visant à identifier les déterminants de la diversification. Cette analyse nous permettra de confirmer la courbe en U inversé de Imbs et Wacziarg, mais aussi de montrer la fragilité de l’interpré- tation que ces auteurs en ont donné. En effet, notre analyse nous conduira à privilégier, comme facteurs explicatifs de la diversification, deux dimensions récentes de la spécialisation internationale, dont l’étude a été initiée en 592 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 4. France par Bernard Lassudrie-Duchêne : l’explication de l’échange intra- branche par la notion de pays intermédiaire, et la décomposition internatio- nale des processus productifs. 1. Les enjeux de la diversification 1.1. La dilution des risques Un pays ou une région dont l’activité économique est diversifiée est moins sensible aux aléas conjoncturels, dès lors que les aléas qui frappent les différents secteurs ne sont pas parfaitement corrélés positivement. Ce thème est apparu dès la crise des années 1930 dans la littérature économi- que, notamment dans le domaine de l’économie régionale. Il est particuliè- rement important aujourd’hui pour les pays qui exportent des matières pre- mières, dont les fluctuations des cours sont très fortes. Il constitue sans doute pour les pays en développement le motif le plus évident de recherche d’une plus grande diversification. Les succès des pays émergents sont sans doute en partie imputables à leurs progrès significatifs sur la voie de la diversification. D’après les calculs d’indices de diversification que nous uti- liserons plus loin dans cet article, la Chine est même devenue aujourd’hui le pays le plus diversifié au monde, et l’expérience récente a montré sa grande capacité à résister aux conséquences des fluctuations du marché internatio- nal, malgré son ouverture économique croissante. A l’inverse, des pays dont les exportations sont peu diversifiées connaissent une forte instabilité éco- nomique, provoquée par celle de leurs recettes d’exportations. Cette obser- vation avait déjà été établie par Massell [1970] à partir de d’une étude éco- nométrique sur un ensemble de 55 pays développés et en développement, et continue aujourd’hui à faire l’objet d’investigations comme par exemple récemment par Stanley et Bunag [2001] sur le cas de l’Amérique centrale. Comme en atteste depuis longtemps la littérature d’économie régionale sur les États-Unis (Attaran et Zwick [1987]), l’intérêt de ce thème n’est tou- tefois pas restreint aux seuls pays en développement. De même différents travaux dans cet esprit ont été menés plus récemment sur l’Union euro- péenne, entre autres choses pour éclairer l’analyse des conséquences natio- nales et régionales de chocs asymétriques (Aiginger et alii [1999]). L’analyse de la diversification comme moyen de réduire les risques peut être étendue à la question de la vulnérabilité d’une économie ou d’une région face aux changements technologiques ou à l’arrivée de nouveaux concurrents sur ses marchés. De ce point de vue encore, l’atténuation des risques procurée par la diversification n’est pas simplement un enjeu pour les pays en développement, mais il l’est aussi pour les pays développés. Les différents pays et les différentes industries ne peuvent pas en effet tous se protéger contre l’émergence de nouveaux concurrents ou de nouvelles tech- nologies en se plaçant à la frontière des avancées technologiques. Commerce international et diversification économique ————————————— 593 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 5. 1.2. La croissance et le développement économique Le débat sur la diversification a été très tôt présent dans la théorie du développement, à la suite notamment de l’introduction de l’hypothèse d’ex- ternalités pécuniaires entre les secteurs (Rosenstein-Rodan [1943]), qui a conduit à l’élaboration de la théorie des industries entraînantes. Les travaux de Leontief [1963] ont également permis de développer la thèse selon la- quelle la diversification industrielle prenant la forme d’une densification de la matrice des échanges interindustriels était une composante importante du développement économique. Cette thèse a fait récemment l’objet d’une mo- délisation par Ortiz [2002]. Dans la théorie récente de la croissance, le modèle de Romer [1990], en introduisant un effet bénéfique pour la croissance d’une diversification des intrants, a fourni un nouvel argument en faveur de la diversification. Si le modèle de Romer s’appuie sur la variété des intrants, celui-ci peut tout aussi bien être adapté pour montrer que la diversification des productions (que celles-ci soient utilisées comme intrants ou non) est elle aussi bénéfique à la croissance (Feenstra et alii [1999]). L’argument repose en fait simplement sur la concavité de la surface de transformation de l’économie, dont la consé- quence la plus immédiate est que généralement la production qui procure le revenu maximum à l’économie est un point intérieur sur cette surface de transformation. Dans ces conditions, plus l’économie peut produire de biens différents et plus, toutes choses égales par ailleurs, son revenu est élevé. Un inconvénient de la diversification de la production peut être toutefois que, en présence de rendements d’échelle croissants dans la production, il est préférable de concentrer les moyens de production dans un seul secteur ou dans un petit nombre de secteurs, ce qui constitue un obstacle à la réalisation des gains de la diversification, notamment dans les pays de pe- tite taille. En pratique, différents travaux empiriques ont montré que la croissance et/ou la productivité des facteurs étaient liées positivement plutôt que néga- tivement à la diversification de l’économie. Ceci a été montré, avec des méthodologies différentes, par Feenstra et alii [1999] en ce qui concerne la Corée et Taiwan, par Berthélemy et Chauvin [2000] à propos des pays émer- gents d’Asie, par Berthélemy et Söderling [2001] sur des données de pays africains, par Taylor [2003] en ce qui concerne l’Amérique latine, par Al-Marhubi [2000] sur un panel de 91 pays développés et en développement et par de Ferranti et alii [2002] sur un panel d’une cinquantaine de pays à différents niveaux de développement. Il y a donc une forte présomption pour que la diversification présente des avantages pour une économie, à différents stades du développement éco- nomique. Cette thèse a toutefois inspiré dans le passé des stratégies écono- miques malencontreuses, notamment dans différents pays en développe- ment, qui ont conduit, à la suite des enseignements de Rosenstein-Rodan et de ses successeurs, à mettre en place des politiques de diversification vo- lontaristes, sous la protection de barrières commerciales. Cette approche 594 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 6. présente des coûts évidents, et se révèle le plus souvent contre-productive pour le développement économique, comme par exemple dans le cas de l’Algérie ou de l’Inde (avant les réformes d’ouverture), en raison des ineffi- cacités de grande ampleur associées à la fermeture commerciale. Il nous faut donc relativiser les conclusions précédentes, en examinant dans quelle mesure les arguments en faveur de la diversification entrent en contradic- tion avec ceux de la théorie pure du commerce international, qui nous dit au contraire que le bien-être d’une économie est maximisé quand celle-ci se spécialise, selon ses avantages comparatifs. 2. La diversification et la théorie du commerce international 2.1. Avantages comparatifs, spécialisation et diversification En apparence, la recherche d’une plus grande diversification économique entre en contradiction avec les enseignements de la théorie pure du com- merce international. En effet, cette théorie nous indique que la spécialisation est favorable à l’efficacité économique. Ainsi, dans le modèle ricardien, la spécialisation optimale voudra dans le cas général que l’on se spécialise complètement, tandis que dans le modèle des proportions de facteurs il y a dans le cas général spécialisation, même si celle-ci est incomplète, dans un nombre de produits qui n’excède pas le nombre de facteurs de production considéré dans le modèle. Toutefois, ces résultats sont à interpréter avec nuance. Tout d’abord, même dans le modèle ricardien il peut exister des cas de spécialisation incomplète, ce qui arrive par exemple dans un monde où il y a un plus grand nombre de biens différents que de pays (ce qui correspond bien au monde réel), un même pays pouvant être alors amené à produire plusieurs biens. C’est l’un des enseignements du modèle ricardien à deux pays avec conti- nuum de biens développé par Dornbush, Fisher et Samuelson [1977]. Dans ce modèle, le bien-être d’un pays augmente à l’équilibre général quand les circonstances du marché international lui permettent de produire un plus grand nombre de biens, parce que cela lui permet d’améliorer ses termes de l’échange factoriels, et plus le nombre de biens qu’il produit est grand, plus son économie peut être considérée comme diversifiée. De plus, le fait que le nombre de facteur exerce en général – sauf dans les cas de spécialisation incomplète tels que celui mentionné précédemment – une contrainte limitative sur le nombre de biens dans lequel une économie peut se spécialiser implique aussi que si un pays dispose d’un grand nom- bre de facteurs de productions différenciés, il pourra avoir une spécialisation diversifiée. Ce serait par exemple le cas dans un modèle à facteurs spécifi- Commerce international et diversification économique ————————————— 595 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 7. ques que l’on peut concevoir comme des savoir-faire particuliers associés à différents produits. Parvenir à se diversifier dépendrait alors de la création du plus grand nombre possible de facteurs spécifiques, c’est-à-dire de l’ac- cumulation de savoir-faire, et une plus grande diversification ne serait alors pas en contradiction avec la théorie des avantages comparatifs, et serait associée à un niveau de développement plus élevé. Cette approche nous amène en fait à considérer des modèles qui ont été initialement conçus pour expliquer l’échange intra-branche dans un cadre cohérent avec la théorie des avantages comparatifs. Il s’agit en particulier de l’approche développée par Abdel-Rahman [1987], qui associe l’échange intra-branche à la combinaison d’avantages spécifiques de firmes (nos fac- teurs spécifiques) et de l’avantage comparatif des nations. Une voie d’inspiration similaire, et complémentaire de la précédente, consiste à considérer, comme Lassudrie-Duchêne et Mucchielli [1979], le développement de l’échange intra-branche dans des pays dits « intermédiai- res ». Dans cette approche, les pays intermédiaires sont des économies qui ont, pour des produits technologiquement avancés, intensifs en capital et capital humain, un avantage comparatif par rapport aux pays en développe- ment, mais un désavantage par rapport aux pays les plus développés. De ce fait, quelque soit le produit considéré, un pays intermédiaire se retrouve en situation d’avantage comparatif par rapport à une partie de ses partenaires. Dans un monde où les conditions d’un libre-échange parfait ne sont pas réunies, de telle sorte que tous les arbitrages multilatéraux ne s’exercent pas, il peut en résulter que ce pays intermédiaire exporte une gamme très diversifiée de produits, tout en respectant, dans chacune de ses relations commerciales bilatérales, les avantages comparatifs. Il y aurait ainsi chez ces pays intermédiaires à la fois une grande diversification, et un échange intra-branche développé. L’observation empirique établie par Fontagné et Freudenberg [1997], selon laquelle la majorité des échanges intra-branche des pays européens s’explique par une différenciation verticale des produits, certaines qualités d’un produit donné étant exportées tandis que d’autres sont importées, apporte des éléments qui corroborent cette analyse, puis- que dans ce cadre un pays exporte un grand nombre de produits, à un niveau donné dans la gamme de qualité de ces produits, déterminé notam- ment par son niveau de développement technologique, tout en important les autres niveaux de qualité de ces mêmes produits. Une autre voie, explorée notamment par Lassudrie-Duchêne, Berthélemy et Bonnefoy [1986], consiste à considérer la décomposition internationale des processus productifs. Ce phénomène, qui a pris de l’ampleur au cours des dernières décennies, se traduit par la décomposition de la fabrication des biens finals en un grand nombre de composants assemblés par la suite, et par la diversification des sources d’approvisionnements de ces compo- sants. Cette décomposition se traduit alors par une plus grande diversité potentielle des exportations, parce qu’elle permet de combler les écarts de compétitivité, comme par exemple dans le cas de l’industrie aéronautique en France (Lassudrie-Duchêne, Berthélemy et Bonnefoy) ou de celui de nom- breuses exportations de biens manufacturés chinoises (Lemoine et Unal- Kezenci [2004]). Il y a alors, de nouveau, congruence entre la diversification et le développement des échanges internationaux, qui peut d’ailleurs pren- 596 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 8. dre, à un niveau relativement agrégé des nomenclatures du commerce in- ternational, la forme d’échanges intra-branche, dans la mesure où les com- posants et produits assemblés échangés sur le marché international appartiendraient à la même industrie. 2.2. Nouvelle théorie du commerce international et diversification L’introduction des échanges intra-branche dans notre discussion ne doit évidemment pas se limiter aux apports qui s’inscrivent dans les prolonge- ments de la théorie des avantages comparatifs. La « nouvelle théorie » du commerce international, qui met en avant des flux d’échange intra-branche associés à la différentiation horizontale des produits, doit également ici être considérée. Dans ce contexte, plus des pays sont similaires et plus ils échan- gent entre eux, sous forme de commerce intra-branche. Dans ces théories, le développement de l’échange intra-branche, qui est favorable au bien être en permettant de disposer d’une plus grande diversité de produits, et de bénéficier d’une plus grande efficacité économique en raison de la réduction des marges de monopole, est tout à fait cohérent avec la recherche d’une plus grande diversification de l’économie : plus il y a d’échange intra- branche, plus le nombre de produits qui font l’objet d’une production de la part des entreprises nationales est grand. Un cas d’école illustrant ce raisonnement nous est fourni par le modèle de Krugman [1981], qui considère l’échange dans un modèle à deux pays et deux industries, où les avantages comparatifs sont définis par des dotations en facteurs spécifiques associés à chacune des deux industries ; dans ce modèle, un pays peut exporter un grand nombre de variétés dans chaque industrie, et l’intensité de l’échange intra-branche dépend de l’importance relative des échanges croisés à l’intérieur de chaque industrie et des échan- ges de produits de la première industrie contre ceux de la seconde industrie. Il apparaît alors que l’intensité de l’échange intra-branche et la diversifica- tion de l’économie sont tous deux des fonctions croissantes de la similarité des deux pays, définie par la différence de leurs dotations factorielles. Au terme de ce rapide examen des liens entre la diversification économi- que et l’échange international, il apparaît que les développements récents de l’économie internationale, que ce soit dans le cadre de la théorie pure du commerce international, ou dans celui de la nouvelle théorie du commerce international, suggèrent que la diversification n’est pas nécessairement un obstacle à une spécialisation commerciale efficace, dès lors que cette diver- sification peut être associée à des facteurs qui sont les mêmes que ceux qui déterminent l’échange intra-branche. Un corollaire de cette conclusion est que, parmi les facteurs qui détermi- nent la diversification économique, se trouvent probablement ceux qui ex- pliquent l’échange intra-branche. Sauf politique interventionniste, la diversi- fication se développe parce qu’elle est bénéfique d’un point de vue économique, et elle l’est quand elle peut être associée au développement d’une spécialisation intra-branche. Commerce international et diversification économique ————————————— 597 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 9. L’objet de notre article n’est cependant pas de contribuer à l’explication des échanges intra-branche, sujet qui a été déjà largement traité dans la littérature antérieure (voir par exemple Greenaway et Milner [1986], et, pour une revue plus récente, Greenaway et Torstensson [1997], et nous considé- rerons donc ici le caractère intra-branche de la spécialisation comme une donnée d’observation, que d’autres analyses permettent d’expliquer, mais qui contient aussi de l’information sur les déterminants de la diversification économique. Il reste enfin qu’une voie alternative de diversification, explorée par le passé par de nombreux pays en développement, consiste à favoriser l’émer- gence d’une industrie nationale diversifiée à l’abri de barrières protection- nistes. Même si, comme indiqué précédemment, cette approche est discu- table d’un point de vue normatif, nous ne pourrons cependant pas complètement l’écarter de notre analyse des déterminants de la diversifica- tion. 3. Définition et mesure de la diversification Une économie est dite diversifiée si sa structure productive est dispersée en un grand nombre d’activités différentes les unes des autres par la nature des biens et services produits. Une difficulté réside toutefois dans le passage de cette définition conceptuelle à une mesure opérationnelle de la diversifi- cation. Il y a à cet égard deux questions à résoudre : comment caractériser la diversification par un indice synthétique et sur quelles variables économi- ques la mesurer. 3.1. Indices de concentration et de diversification Différentes mesures de la diversification sont envisageables et ont été proposées dans les travaux antérieurs. La catégorie la plus utilisée, que ce soit pour des études d’économie industrielle (Jacquemin et Berry [1979]) ou des études d’économie régionale (Attaran et Zwick [1987]) et de comparai- son internationale (de Peretti et alii [2002]), repose sur le calcul d’indices de concentration, dont le plus connu est l’indice de Herfindahl, et dont la for- mule la plus générale est la suivante : I = 兺 i = 1 n Pi wi [1] où n est le nombre de produits considérés, Pi est la proportion du produit i dans l’activité totale, wi est une pondération attribuée au produit i, qui est 598 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 10. une fonction croissante de Pi si l’on définit un indice de concentration (et donc décroissante si l’on définit un indice de diversification). Trois applications particulières de cette formule ont généralement retenu l’attention : L’indice de Herfindahl, pour lequel wi est égal à Pi : H = 兺 i = 1 n Pi 2 [2] L’indice d’entropie, pour lequel wi est égal à ln 共 1/Pi 兲 − qui est la défini- tion usuelle de la dispersion utilisée dans les sciences physiques : E = 兺 i = 1 n Pi ln 共 1/Pi 兲 [3] La part des N plus grandes productions dans le total, pour lequel Pi est égal à 1 pour ces N plus grandes productions et à 0 sinon : GN = 兺 i ∈ ν 共 N 兲 Pi [4] Où ν 共 N 兲 désigne l’ensemble des industries qui ont les N plus grandes valeurs de Pi. Comme l’indiquent Jacquemin et Berry, l’indice d’entropie est préférable à l’indice de Herfindahl dans la mesure où il est décomposable. Compte tenu du fait que tous ces indices sont sensibles au degré de désagrégation de la nomenclature, le fait de pouvoir le décomposer (et donc de définir la part de l’entropie qui est imputable à une désagrégation plus fine de la nomencla- ture) constitue un avantage. Pour les mêmes raisons, l’entropie est égale- ment un indicateur préférable à la part des N plus grandes valeurs. Dans la suite, nous utiliserons toutefois ces 3 indices pour vérifier la robustesse de nos résultats (en prenant N = 5 pour le troisième indice). Par ailleurs, afin de rendre les résultats directement comparables, nous normaliserons ces indi- cateurs, de sorte à ce qu’ils prennent tous des valeurs théoriques comprises entre 0 et 100, ce qui revient à prendre le complément à 100 des indices H et GN préalablement multipliés par 100, et à multiplier E par 100/ln (n). De la sorte, nos trois indicateurs seront interprétables comme des indicateurs de diversification (et non pas de concentration), croissants avec la diversité de l’activité économique. D’autres catégories d’indicateurs ont été proposées dans la littérature. Certains auteurs (par exemple Imbs et Wacziarg) utilisent également un indice de Gini, mais, outre le fait qu’il n’est pas décomposable, il présente l’inconvénient de mesurer non pas la concentration proprement dite, mais l’inégalité de la distribution des données considérées. Commerce international et diversification économique ————————————— 599 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 11. 3.2. Choix de la variable étudiée Comme indiqué en introduction, les premières études menées sur la di- versification ont porté plutôt sur la diversification des régions. Le choix s’est donc tourné naturellement, pour calculer les indices de diversification, vers l’utilisation de variables économiques que l’on peut mesurer à cet échelon, qui sont essentiellement la production et l’emploi. L’inconvénient toutefois de ces variables est qu’elles ne sont que rarement disponibles à un niveau de désagrégation élevé. Il en va de même évidemment pour les observa- tions au niveau national. Par suite, le niveau de désagrégation utilisé est faible. Ainsi, les calculs de diversification menés par Imbs et Wacziarg [2003] sont réalisés, en ce qui concerne la production et l’emploi manufacturier selon une nomenclature de l’ONUDI en 28 secteurs, et en ce qui concerne la production et l’emploi dans les biens et services selon une nomenclature de l’OCDE en 20 secteurs. Nous proposons d’utiliser plutôt les données du commerce international, qui permettent une désagrégation beaucoup plus poussée. Feenstra et alii [1999] utilisent une nomenclature en plus de 10 000 produits pour étudier la diversification en Corée et Taiwan, mesurée par leurs exportations à desti- nation des États-Unis. Pour notre part, afin de ne pas limiter notre analyse aux échanges avec un partenaire particulier, nous ferons nos calculs à partir des données du commerce international désagrégées selon la CTCI à 4 positions, ce qui représente 1 265 catégories de produits. Pour contrôler la robustesse de nos résultats, nous les répliquerons aussi en ne considérant que les biens manufacturés, ce qui représente 906 catégories de produits. L’inconvénient majeur des données de commerce international est qu’el- les ne recouvrent qu’une partie de l’activité, puisque les services en sont par définition exclus. Cependant, même les données les plus fines utilisées par Imbs et Wacziarg sur l’ensemble des biens et services ne distinguent en tout que 9 catégories hors agriculture, mines et industries manufacturières. La perte d’information occasionnée par l’omission des services est dans ces conditions minime, si l’on accepte que l’enjeu essentiel de la diversification ne réside pas dans le partage de l’activité entre productions de biens et de services, qui est essentiellement fonction du niveau de développement des économies. Un second inconvénient est que l’on n’approche ici la spéciali- sation qu’à travers le commerce international, plutôt que pour l’ensemble de la production. Cet inconvénient est cependant un avantage pour l’étude de la diversification sous l’angle de l’analyse de la spécialisation internationale, ce qui est notre objectif ici. Le risque éventuel le plus sérieux est de négliger des expériences de diversification associées à des politiques protectionnis- tes, qui permettent de développer des productions pour le marché national, mais pas de les exporter. Ce risque est toutefois modéré, si l’on croit aux théories à la Linder selon lesquelles l’exportation n’est que le prolongement du marché national. 600 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 12. 4. Déterminants de la diversification 4.1. La thèse de Imbs et Wacziarg A notre connaissance, la seule étude comparative internationale disponible sur les déterminants de la diversification économique est celle de Imbs et Wacziarg [2003]. Ces deux auteurs mettent en œuvre des tests non- paramétriques et paramétriques sur des données de panel pour étudier les effets du développement économique, mesuré par le revenu par habitant, sur le degré de diversification. Ils montrent que la diversification est initialement croissante, puis décroissante, en fonction du revenu, avec un seuil de retour- nement se situant autour de 9 000 dollars de 1985 (mesurés en parité de pouvoir d’achat par rapport aux États-Unis). Pour ces auteurs, les explications que l’on peut donner à ces observations relèvent de mécanismes macroéco- nomiques caractéristiques du processus de développement économique. Les changements des structures de consommation (loi de Engel) et la diversifica- tion des risques (Acemoglu et Zilibotti [1997]) accompagnent le développe- ment. En revanche, la spécialisation internationale et les effets d’aggloméra- tion, étudiés par la nouvelle économie géographique (Krugman [1991]), devraient d’après ces auteurs créer des forces conduisant à une relation in- verse. Dans un premier temps, les facteurs favorables à la diversification l’emporteraient, tandis que dans un deuxième stade du développement éco- nomique ce sont les facteurs de concentration qui prédomineraient. Une interprétation complémentaire peut être trouvée dans le modèle théo- rique de Hausmann et Rodrik [2003]. Partant de l’hypothèse que l’identifica- tion des niches dans lesquelles une économie peut être compétitive est à la fois coûteuse initialement et de connaissance commune dès lors qu’une pre- mière entreprise a développé une production rentable dans une niche parti- culière, ces auteurs montrent que, au cours du processus de développement, la diversification d’une économie est initialement trop faible, puis trop élevée dans un deuxième stade. Un corollaire de ce modèle est que le nombre de biens produits dans une économie est initialement faible, augmente quand cette économie se développe, et est appelé à diminuer par la suite. Rien toutefois ne garantit que l’explication du résultat trouvé par Imbs et Wacziarg soit purement imputable à des facteurs de nature macro- économique. Comme nous le développerons dans la suite, une interprétation alternative peut être proposée : celle de la théorie du pays intermédiaire de Lassudrie-Duchêne et Mucchielli. Si l’on adopte cette approche, et si l’on admet en première analyse que le revenu par habitant n’est pas un mauvais indicateur pour identifier les pays intermédiaires, alors les pays se situant aux extrêmes de l’échelle de comparaison des revenus auront des avantages comparatifs plus marqués que ceux se situant à un point médian, et par suite auront une spécialisation plus forte, associée à un échange de type inter- branche, et donc présenteront aussi une moindre diversification économique. Cette première analyse doit toutefois être complétée par la prise en compte de la taille économique des pays, notamment s’agissant de l’analyse Commerce international et diversification économique ————————————— 601 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 13. de la diversification des exportations : si les petits pays ont tendance, toutes choses égales par ailleurs, à commercer plus que les grands, il est naturel également que leur activité économique soit plus concentrée, car ils ne disposent pas d’un marché, notamment concernant les facteurs de produc- tion, permettant d’étendre autant que les grands pays la diversité de leurs activités. Dans l’article de Imbs et Wacziarg, l’omission de cette variable n’était pas gênante, dans la mesure où ces auteurs ont travaillé en données de panel avec des effets fixes, mais il est bien entendu nécessaire de l’intro- duire dans une analyse de comparaison internationale statique. Nous avons testé l’effet de ces variables sur un ensemble de 41 pays, dans lequel figurent la plupart des pays membres de l’OCDE, ainsi que différents pays en transition et en développement présentant déjà une proportion significative d’exportation de biens manufacturés1. Ce choix nous permet de travailler avec un échantillon de pays relativement homogène, et pour les- quels les données de commerce international sont de meilleure qualité que celles des pays les moins avancés. Le tableau 1 reporte les résultats des tests de l’hypothèse de Imbs et Wacziarg, complétée par l’introduction de la population pour contrôler l’effet de la taille des pays2. D’une manière générale, quelque soit l’indicateur utilisé, ces tests ne permettent pas de rejeter l’hypothèse d’un effet succes- sivement positif puis négatif du niveau de développement sur la diversifica- tion. Seuls les résultats pour l’indice de Herfindahl calculé sur les exporta- tions de biens manufacturés ne sont pas significatifs. Par ailleurs, les différentes mesures conduisent à estimer un seuil de retournement assez stable, compris entre 19 000 et 24 000 dollars par habitant (en dollars de parité de pouvoir d’achat de 1999). Ce seuil de retournement est un peu plus élevé que celui de Imbs et Wacziarg, que l’on peut évaluer à 13 000 dollars de 1999 si l’on tient compte de l’évolution du pouvoir d’achat du dollar entre 1985 et 1999. Il partage notre échantillon en deux parts de taille relativement égale, puisque la médiane des revenus par habitant des pays de notre échantillon se situe environ à 19 000 dollars. Une explication possible de la différence entre notre estimation du seuil de retournement et celle de Imbs et Wacziarg peut résider dans l’utilisation de données trop agrégées par ces auteurs. En effet, des données trop agrégées conduisent à sous-estimer la diversification d’une manière qui n’est pas uniforme : ce biais sera sans doute plus faible aux premiers stades du développement que dans les pays développés. En effet, dans le premier cas, l’économie est principalement spécialisée dans les activités agricoles, et la diversification potentielle à l’in- térieur de ce secteur est limitée, tandis que dans les pays développés les industries manufacturières, qui se prêtent beaucoup mieux à la diversifica- tion, jouent un rôle prépondérant. Par suite, l’écart entre la courbe de l’in- dice de diversification en fonction du niveau de développement qui serait obtenue avec des données plus désagrégées et la courbe observée par Imbs et Wacziarg devrait s’amplifier avec le niveau de développement, déplaçant vers le haut son seuil de retournement. 1. Nous avons également éliminé les petits pays. La liste des pays étudiés figure à l’an- nexe A. 2. Les définitions précises et les sources des données sont indiquées à l’annexe B. 602 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 14. Toutefois, seule une faible part de la variance est expliquée, ce qui sug- gère la nécessité de chercher des explications complémentaires. C’est à quoi nous nous attachons dans la suite, en étudiant plus précisément les déter- minants de l’entropie. C’est en effet cet indicateur qui semble, au vu des résultats du tableau 1, se prêter le mieux à l’analyse, même si les différents indicateurs étudiés sont assez étroitement corrélés entre eux, et conduisent à des résultats analogues. 4.2. Échange intra-branche, décomposition internationale des processus productifs et diversification Comme nous l’avons indiqué dans la section 3, l’intensité de l’échange intra-branche et la diversification devraient avoir des déterminants com- muns. Les travaux disponibles sur les facteurs explicatifs de l’échange intra- branche utilisent le plus souvent des données bilatérales, ou des données industrielles. Dans l’un et l’autre cas, ils mettent en évidence des variables explicatives propres aux observations utilisées, telles que les revenus com- parés et la distance des partenaires commerciaux (données bilatérales) ou la différentiation des produits et les dépenses de R& D et de publicité (données industrielles)3. Il serait illusoire de vouloir introduire ici un ensemble aussi riche de variables explicatives de l’échange intra-branche. Nous pouvons cependant introduire dans notre équation un indicateur d’échange intra-branche, afin de capter l’influence de ces variables. C’est ce 3. Voir Greenaway et Milner [1986]. Tableau 1. diversification et niveau de développement économique Entropie Entropie manuf. Herfindhal Herfindhal manuf. G5 G5 manuf. Population 2,212*** 1,972*** 0,863** 0,802* 2,826*** 2,366*** (0,476) (0,531) (0,378) (0,445) (0,752) (0,814) Revenu 2,831*** 2,166** 1,337* 0,873 3,365** 2,030* (0,899) (0,828) (0,685) (0,681) (1,365) (1,209) Revenu2 – 0,069*** – 0,048** – 0,035* – 0,018 – 0,085** – 0,045 (0,026) (0,021) (0,018) (0,016) (0,038) (0,030) Constante 43,300*** 47,734*** 85,753*** 86,792*** 43,306*** 48,796*** (7,132) (7,753) (5,970) (6,731) (11,399) (11,403) R2 0,37 0,30 0,26 0,14 0,29 0,19 Méthode d’estimation : moindres carrés ordinaires avec écart-types corrigés pour l’hétéroscédasticité des résidus. Entre parenthèse : écart-types Nombre d’observations : 41 *** = significatif au seuil de 1 % ** = significatif au seuil de 5 % * = significatif au seuil de 10 % Source des données : voir annexe B. Commerce international et diversification économique ————————————— 603 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 15. que nous faisons dans la suite, en ajoutant à la liste des variables « explica- tives » de la diversification l’indicateur de Grubel et Lloyd, qui est utilisé usuellement pour mesurer l’intensité de l’échange intra-branche. Cepen- dant, compte tenu de l’hypothèse du pays intermédiaire, nous pouvons considérer que cette intensité de l’échange intra-branche est elle-même une fonction croissante puis décroissante du revenu par habitant. Ceci introduit en fait une interprétation alternative de la relation en forme de U inversé entre le revenu et la diversification. L’introduction conjointe de l’indice de Grubel et Lloyd et des variables de revenu et de revenu au carré utilisées pour capter l’effet « pays intermé- diaire » pose toutefois un problème d’identification, et ne permet pas direc- tement de tester l’hypothèse de Imbs et Wacziarg contre l’hypothèse d’une explication de la diversification qui transiterait par le développement de l’échange intra-branche. De fait, les variables de revenu et de revenu au carré ne sont alors plus significatives, comme le montrent les deux premières co- lonnes du tableau 2, mais cela n’apporte pas d’élément décisif pour retenir l’explication par l’échange intra-branche plutôt que celle de Imbs et Wacziarg. Tableau 2. diversification des exportations, échange intra-branche, et décomposition internationale des processus productifs Entropie Entropie manuf. Entropie Entropie manuf. Entropie Entropie manuf. Population 1,833*** 1,656*** 1,803*** 1,730*** 1,559*** 1,550*** (0,575) (0,566) (0,552) (0,518) (0,377) (0,410) Revenu 0,943 0,234 0,852 0,489 (0,862) (0,733) (0,825) (0,712) Revenu2 – 0,029 – 0,006 – 0,027 – 0,012 (0,024) (0,019) (0,023) (0,018) Intra- branche 0,285*** 0,253** (0,064) (0,097) Intra- branche 0,305*** 0,212** 0,320*** 0,257*** Instrumenté (0,088) (0,104) (0,081) (0,083) DIPP 0,950*** 1,201*** 0,959*** 1,156*** 0,982*** 1,195*** (0,252) (0,243) (0,256) (0,252) (0,268) (0,261) Constante – 28,453 – 42.490** – 29,221 – 39.976* – 26,960 – 41,412* (20,062) (19,935) (20,813) (20,490) (21,694) (21,193) R2 0,66 0,65 0,66 0,65 0,63 0,65 Méthode d’estimation : moindres carrés ordinaires (1re et 2e colonne) et doubles moindres carrés ordinaires (3e à 6e colonne), avec écart-types corrigés pour l’hétéros- cédasticité des résidus Entre parenthèse : écart-types Nombre d’observations : 41 *** = significatif au seuil de 1 % ** = significatif au seuil de 5 % * = significatif au seuil de 10 % DIPP = décomposition internationales des processus productifs, mesurée par l’entropie sur les importations de biens manufacturés Source des données : voir annexe B. 604 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 16. Nous pouvons cependant instrumenter l’indice d’échange intra-branche avec un ensemble de variables qui comprend non seulement le revenu et le revenu au carré, mais aussi un certain nombre d’autres variables qui en sont indépendantes. Ceci permet alors de mieux cerner les déterminants de la diversification qui sont associés spécifiquement à l’échange intra-branche, par opposition à l’hypothèse de Imbs et Wacziarg. Nous en proposons ici principalement deux. La première est le degré d’ouverture de l’économie, mesuré par la part des échanges totaux dans le PIB, qui se justifie par le fait que l’échange intra-branche est favorisé par l’abaissement des barrières protectionnistes, qui facilite l’apparition d’échanges internationaux en l’ab- sence d’avantages comparatifs. La seconde est la part des exportations de biens manufacturés dans les exportations totales, qui tient compte du fait que la différentiation des produits caractérise surtout les industries manu- facturières. Nous avons également introduit, mais avec un succès limité (et sans que cela affecte nos résultats), une variable indicatrice de l’apparte- nance à l’Union européenne (à quinze), destinée à capter le fait que la construction européenne ait pu stimuler les échanges de nature intra- branche entre ses pays membres. Sur cette base, nous obtenons les estimations reportées dans les 3e et la 4e colonnes du tableau 2, où il apparaît clairement que les mécanismes associés au développement de l’échange intra-branche doivent être retenus, et que l’hypothèse de Imbs et Wacziarg est rejetée : même instrumenté comme indiqué précédemment, notre indicateur d’échange intra-branche reste très significatif, tandis que le revenu et le revenu au carré ne le sont pas. Nous pouvons dans ces conditions éliminer ces deux dernières varia- bles de la liste des variables explicatives (l’élimination du seul terme de revenu au carré ne modifie pas les résultats concernant le terme linéaire). Ceci conduit aux résultats reportés dans les 4e et 5e colonnes du tableau 2, où il apparaît que les paramètres des variables explicatives conservées, de même que le coefficient de détermination, restent à peu près inchangés. Le seuil de retournement en fonction du revenu par habitant dans l’équation d’instrumentation de l’indice de Grubel et Lloyd se situe autour de 23 000 dollars, et est donc cohérent avec les estimations du tableau 1. Dans les différentes estimations reportées au tableau 2, nous avons éga- lement introduit un terme qui rend compte de l’influence de la décomposi- tion internationale des processus productifs sur la diversification. Il n’existe pas d’indicateur simple et direct pour mesurer ce phénomène. Toutefois, comme il conduit à une diversification des importations, sous forme d’im- portations de composants manufacturés variés, une approche possible consiste à l’identifier indirectement à travers la diversification de ces in- trants. Ainsi, la décomposition internationale des processus productifs conduirait à une coïncidence entre la diversification des importations, qui en est la manifestation la plus immédiate et la diversification des exportations, qu’elle permet en étendant la capacité des pays à être compétitifs sur un nombre croissant de produits. C’est ce que nous vérifions au tableau 2 (ligne DIPP), en introduisant comme variable explicative l’indice d’entropie des importations de biens manufacturés, qui présente un effet toujours très si- gnificatif, avec un paramètre dont la valeur est de manière stable proche de 1. Il est utile de noter aussi que, quand on introduit comme variable expli- Commerce international et diversification économique ————————————— 605 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 17. cative l’entropie des importations, sans l’indice d’échange intra-branche, cette variable conserve sa significativité et un paramètre d’un niveau com- parable au précédent (résultat non reporté), ce qui suggère que la décom- position internationale des processus productifs est bien un facteur explica- tif de la diversification économique en lui-même, indépendamment des déterminants généraux de l’échange intra-branche, et ce même si la décom- position internationale des processus productifs conduit en partie à de l’échange intra-branche. On obtient ainsi au tableau 2 une explication assez complète des différen- ces de diversification observées entre les pays étudiés, puisque nos varia- bles expliquent près des deux tiers de l’entropie des exportations, contre environ un tiers seulement au tableau 1. * * * Cet article nous a permis de montrer que l’on pouvait soutenir la thèse selon laquelle la diversification économique est souhaitable pour un pays, tout en conservant un cadre d’analyse cohérent avec celui développé en faveur du libre échange par la théorie du commerce international. Cette réflexion nous a permis de mettre en évidence le rôle majeur que peuvent jouer, dans les processus de diversification économique, les nouvelles for- mes du commerce international que sont les échanges intra-branche et la décomposition internationale des processus productifs. Il apparaît alors que la diversification n’est pas seulement le résultat mécanique d’une progres- sion dans des étapes de diversification, telles que décrites par Imbs et Wac- ziarg, mais aussi la conséquence de stratégies efficaces de participation à la mondialisation à travers lesquelles différents pays peuvent développer à leur avantage leurs échanges internationaux tout comme leurs tissus indus- triels. Cette contribution appelle sans doute des prolongements théoriques, pour mieux intégrer la diversification, la spécialisation internationale et la crois- sance économique dans un cadre théorique cohérent. D’autres investiga- tions empiriques sont également souhaitables, dans au moins deux direc- tions. Tout d’abord, il serait utile d’intégrer dans l’analyse les pays les moins avancés, dont le niveau actuel de diversification particulièrement bas cons- titue un obstacle à leur développement difficile à surmonter. Ensuite, il conviendrait d’étudier la dynamique de la diversification, pour évaluer la vitesse à laquelle des progrès peuvent être envisagés en matière de diver- sification. Au-delà de l’analyse théorique et économétrique, cet article a de nom- breux prolongements possibles en matière de réflexion sur les politiques économiques que les pays peuvent mener pour tirer partie de la mondiali- sation. Loin d’adhérer aux politiques industrielles et commerciales protec- tionnistes qui ont été menées par de nombreux pays en développement par le passé, et sont encore prônées par les tenants de l’anti-mondialisation, nous suggérons au terme de notre analyse une politique de diversification qui s’appuie sur l’ouverture commerciale. Les succès de la Chine, qui est devenue, tout en s’ouvrant au commerce international, le pays dont l’éco- nomie est la plus diversifiée au monde, de même que ceux d’autres pays 606 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 18. émergents, comme la Thaïlande, qui sont beaucoup plus diversifiés que des économies latino-américaines de taille et de niveau de vie comparables, comme la Colombie, montrent tout l’intérêt de cette approche pour les pays émergents et ceux qui aspirent à le devenir. De même, la grande diversifi- cation observée 10 ans après leur ouverture économique dans des pays en transition comme la Pologne ou la République tchèque suggère que le pro- cessus d’élargissement de l’Union européenne pourra aller de pair avec le maintien, voire le renforcement, de la diversification économique des na- tions européennes, qui sera nécessaire pour absorber des chocs asymétri- ques quand ces pays deviendront membres de la zone euro. Commerce international et diversification économique ————————————— 607 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 19. Annexes Annexe 1. Liste des pays étudiés Pays membres de l’OCDE (hors nouveaux membres) Pays émergents et en transition Australie Italie Afrique du Sud Autriche Japon Argentine Belgique Norvège Brésil Canada Mexique Chili Corée Nouvelle Zélande Chine Danemark Pays-Bas Colombie Espagne Pologne Inde États-Unis Portugal Israël Finlande République tchèque Malaisie France Royaume-Uni Pakistan Grèce Suède Philippines Hongrie Suisse Singapour Irlande Turquie Thaïlande Tunisie 608 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 20. Annexe 2. Définitions et sources des variables Données sur la diversification et la structure du commerce international : Les définitions sont expliquées dans le texte. Tous les indicateurs de diversifica- tion sont transformés de manière à avoir des valeurs extrêmes théoriques compri- ses entre 0 et 100. Herfindahl = 100*冉1 − 兺 i = 1 n 共 Xi /X. 兲冊 Entropie = − 共 100/ln 共 n 兲 兲*兺 i = 1 n 共 Xi /X. 兲 ln 共 Xi /X. 兲 G5 = 100*冉1 − 兺 i ∈ ν 共 5 兲 共 Xi /X. 兲冊 Où ν 共 5 兲 désigne l’ensemble des industries qui on les 5 plus grandes valeurs de Xi /X. Intrabranche = 100* 冢1 − 兺 i = 1 n 兩Xi − Mi兩 兺 i = 1 n Xi + Mi 冣 Où Xi désigne les exportations du bien i, Mi les importations du bien i. Source : calculs à partir des données de la base Comtrade (CD-Rom PCTAS de l’International Trade Centre) pour l’année 1999 (1998 pour le Chili et l’Inde), selon la classification CTCI à 4 positions. Données macroéconomiques : Ouverture : ratio entre le total du commerce (importations + exportations) et le PIB (en pourcentage). Population : population totale, en centaines de millions d’habitants. Revenu : PIB courant par habitant en milliers dollars de parité de pouvoir d’achat, 1999. Source : Données du CD-Rom World Development Indicators de la Banque Mon- diale. Commerce international et diversification économique ————————————— 609 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 21. Références bibliographiques ABDEL RAHMAN, K. [1987], Hypothèses concernant le rôle des avantages compa- ratifs des pays et des avantages spécifiques des firmes dans l’explication des échanges croisés de produits similaires, Revue d’Économie Politique, no 2, p. 165-192. ACEMOGLU D. et ZILIBOTTI F. [1997], Was Prometeus Unbound by Chance ? Risk, Diversification, and Growth, Journal of Political Economy, vol. 105(4), p. 709-751. AIGINGER K. et alii [1999], Specialization and (geographic) concentration of Euro- pean manufacturing, Background Paper for « The Competitiveness of European Industry : 1999 Report », European Commission. AL-MARHUBI F. [2000], Export diversification and growth : an empirical investiga- tion, Applied Economic Letters, vol. 7, p. 559-562. ATTARAN M. et ZWICK M. [1987], Entropy and other measures of industrial diver- sification, Quarterly Journal of Business and Economics, vol. 26(1), p. 17-34. BERTHÉLEMY J. C. et CHAUVIN S. [2000], Structural Changes in Asia and Growth Prospects after the Crisis, Document de travail du CEPII, no 00-09. BERTHÉLEMY J. C. et SÖDERLING L. [2001], The Role of Capital Accumulation, Adjustment and Structural Change for Economic Take-Off : Empirical Evidence from African Growth Episodes, World Development, vol. 29(2), p. 323-343. DORNBUSH R., FISHER S. et SAMUELSON P. A. [1977], Comparative Advantage, Trade, and Payments in a Ricardian Model with a Continuum of Goods, American Economic Review, vol. 67(5), p. 823-839. FEENSTRA R. C. et alii [1999], Testing endogenous growth in South Korea and Taiwan, Journal of Development Economics, vol. 60, p. 317-341. DE FERRANTI D. et alii [2002], From Natural Resources to the Knowledge Economy – Trade and Job quality, World Bank, Washington D.C. FONTAGNÉ L. et FREUDENBERG M. [1997], Intraindustry Trade Methological Issues Reconsidered, Document de Travail du CEPII, no 97-01. GREENAWAY D. et MILNER C. [1986], The Economics of Intra-Industry Trade, Basil Blackwell, Oxford. GREENAWAY D. et TORSTENSSON J. [1997], Back to the Future : Taking Stock of Intraindustry Trade’, Weltwirtschaftliches Archiv, vol. 133, p. 249-269. HAUSMANN R. et RODRIK D. [2003], Economic development as self-discovery, Journal of Development Economics, vol. 72, p. 603-633. IMBS J. et WACZIARG R. [2003], Stages of Diversification, American Economic Review, vol. 93(1), p. 63-86. JACQUEMIN A. P. et BERRY C. H. [1979], Entropy Measure of Diversification and Corporate Growth, Journal of Industrial Economics, vol. 27(4), p. 359-369. JOHANSSON H. et NILSSON L. [1997], Export Processing Zones as Catalysts, World Development, vol. 25(12), p. 2115-2128 ? KRUGMAN P. [1981], Intraindustry Specialization and the Gains from Trade, Journal of Political Economy, vol. 89(5), p. 959-973. KRUGMAN P. [1991], Geography and Trade, MIT Press, Cambridge. LASSUDRIE-DUCHÊNE B., BERTHÉLEMY J. C. et BONNEFOY F. [1986], Importation et production nationale, Economica, Paris. 610 ————————————————————————————————————————————— Jean-Claude Berthélemy REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)
  • 22. LASSUDRIE-DUCHÊNE B. et MUCCHIELLI J. L. [1979], Les échanges intra-branche et la hiérarchisation des avantages comparés dans le commerce international, Re- vue Économique, mai, p. 442-486. LEMOINE F. et UNAL-KESENCI D. [2004], Assembly Trade and Technology Transfer : The Case of China, World Development, vol. 32 (5), p. 829-850. LEONTIEF W. [1963], The Structure of Development, in W. Leontief, Input-Output Economics, chapter 8, 2nd edition, Oxford University Press, Oxford, 1986. MASSELL B. F. ([1970], Export Instability and Economic Structure, American Econo- mic Review, vol. 60 (4), p. 618-630. ORTIZ C. H. [2002], Economic Structure, International Income Differentials and Long-Run Growth, Revista de Analisis Economico, vol. 17(1), p. 45-70. ROMER P. [1990], Endogenous Technological Change, Journal of Political Economy, vol. 98, p. 71-102. ROSENSTEIN-RODAN P. N. [1943], « Problems of industrialization of Eastern and South-Eastern Europe », Economic journal, vol. 53, p. 202-211. STANLEY D. L. et BUNNAG S. [2001], A new look at the benefits of diversification : lessons from Central America, Applied Economics, vol. 33, p. 1369-1383. TAYLOR T. G. [2003], Export Diversification in Latin America and the Caribbean, International Trade Journal, vol. 17(2), p. 101-128. Commerce international et diversification économique ————————————— 611 REP 115 (5) septembre-octobre 2005 © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107) © Dalloz | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.137.107)