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Pascal Leonardi


Carnet d'Inde




         1
       Danaïde
© Danaïde, Paris, 2010
  ISBN 23-09-2004



         2
3
4
Sonia




5
6
She is flower, she is butterfly

     sometimes i want to be elsewhere
    I want to be a piano note in the air
       To be in her when she breathes
because my inspiration in her breath is

                                    P.L.




            La femme fleur et papillon

       Fleur et papillon dans sa chair,
                          Je la regarde
                 Au bord de l'horizon,
          Au seuil du bout du monde,
                 Par delà les blés murs
        Et tout ce qu'il y aurait à dire
                          Je le laisse là
               Dans le chaud du cœur
                    Où c'est sa place...

                                    P.L.




 7
8
Itinéraire de Voyage




Lundi 25 Avril      Jaipur (Rjastan)               11

Mardi 26 Avril      Jaipur, Barhakpur              19

Mercredi 27 Avril   Barakpur, Agra                 23

Jeudi 28 Avril      Agra (Uttar Pradesh)           29

Vendredi 29 Avril   Agra                           33

Samedi 30 Avril     Vanarasi                       37

Dimanche 1er mai    Sarnath, Varanassi             47

Lundi 2 mai         Varanassi                      49

Mardi 3 mai         Varanassi – train              55

Mercredi 4 mai      Haridwar (Uttar Anchal)        61

Jeudi 5 mai         Haridwar (Rien ne va plus !)   65

Vendredi 6 mai      Haridwar                       68

Samedi 7 Mai        Haridwar, Uttarkashi           71

Dimanche 8 mai      Uttarkashi, Gangotri           77

Lundi 9 mai         Gangotri, Rishikech            85

Mardi 10 mai        Rishikech                      91

Mercredi 11 mai     Rishikech                      100

Jeudi 12 mai        Rishikech                      103




                       9
10
Lundi 25 Avril             Jaipur

            Deux jours et deux nuits en Inde. Et tant de choses se sont passées.
         C’est beau, agressif, à chaque instant déstabilisant. C’est une terre de
         liberté pour les animaux : chiens, cochons, paons, singes, chameaux,
         vaches, éléphants… Tous au cœur des Hommes et dans un naturel
         incroyable. Que dire de ce monde où les hommes comme les femmes
         se marchent les uns sur les autres, tant la densité de population est
         élevée, mangent dans les poubelles ; et où les animaux sont respectés
         comme des dieux. La pauvreté ne s’exprime pas toujours comme on
         l’imagine. Elle développe les sens. Les personnes que nous avons
         croisées sont malines et savent tirer profit de toutes les faiblesses, les
         nôtres entre autre. Ils ont raison, ils nous montrent l’excès dans lequel
         nous sommes tombés nous « les riches ». Nous consommons, nous
         sommes des machines à consommer.
            Les plus touchants sont les enfants, ici les enfants travaillent, 10
         ans, peut-être moins. Ils travaillent avec leurs boutiques ambulantes,
         leurs sacs plastiques dans lesquels ils entassent bouteilles vides,
         cartons ou autres déchets récupérés un tas d’ordure déjà visité par les
         vaches et les porcs. Mais ils restent des enfants innocents : Lorsque les
         adultes essaient de nous vendre quelque chose, eux nous sourient,
         nous saluent où nous demandent du shampoing. Leur sourire nous fait
         oublier la dureté du reste.
            Les femmes sont assez absentes. Elles sont là, on les voit avec leurs
         saris aux couleurs vives. Mais elles sont loin du contact que l’on
         cherche à établir avec la population. La vie de la ville semble une
         affaire d’hommes, le commerce, les courses, tout le paysage urbain est
         masculin.




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Mardi 26 Avril             Jaipur, Barhakpur

            Nous avons quitté Jaipur ce matin après avoir bu un « lassi » en
         guise de petit déjeuner. Entre autre activité à Jaipur nous avons visité
         des temples hindous. Notre guide est hindous, il pratique comme la
         plupart des indiens.
            Le Monkey temple avec ses innombrables singes a qui nous avons
         donné de jeunes concombres assez étranges à manger. Ce temple est
         en pleine nature, il est inséré entre les montagnes. De là coule une
         source dont personne ne connaît l’origine assure le guide. Deux
         bassins – celui du haut pour les hommes et celui du bas pour les
         femmes. Elles sont sur le bord du bassin, assises, à nettoyer, debout,
         elles se changent ou allongée un peu en retrait. Elles sont toutes
         habillées de saris aux couleurs étincelantes. C’est vraiment magnifique
         ces couleurs qui contrastent avec les jaunes et rose pâles des
         bâtiments. Elles enchantent l’espace et font pour nous, non hindous,
         de ce lieux un espace divin.
            Plus tard dans la journée nous sommes redescendus dans le centre
         de Jaipur à dos d’éléphant. Expérience intéressante !
            Enfin nous avons terminé la soirée d’hier dans la famille de notre
         guide, vraisemblablement sa sœur et sa mère qui nous ont préparées à
         manger. La jeune fille à épluché par terre au milieu de la terrasse.
         Pendant que nous buvions, des enfants (et des adultes), arrivaient de
         partout pour nous regarder. Les enfants de la maison ont dansé pour
         nous, ils étaient très excités. Nous avons mangé tous les trois avec
         notre guide par terre au milieu de cette modeste terrasse sous les
         étoiles. Les femmes nous observaient attentives. Elles surveillaient
         nos assiettes – dès qu’elles étaient vides elles nous tendaient nans et
         plats. Silencieuses, curieuses, intriguées et à notre service. On était un
         peu gênés, partagés entre l’idée de finir les plats par politesse et l’idée
         que ce que nous venions d’engloutir chacun correspondait à plusieurs
         de leurs repas. En tout cas ce fut une agréable soirée. Notre premier
         vrai contact avec un foyer indien.
            Aujourd’hui donc nous sommes arrivés à Barakpur, temple de
         l’ornithologie. Entre Jaipur et Barakpur nous avons traversé la
         campagne du Rajasthan. Le paysage est aride, désertique, mais peuplé,
         toujours peuplé. Les bergers, les bergères et leurs troupeaux. Un sari
         rouge électrique, orange ou bleu au milieu des bruns du désert. C’est
         unique ! Nous voyons en traversant ce désert que même ici l’activité
         redouble : les camions qui transportent céréales, Hommes et animaux,
         les kilomètres de briques de terre (gris marron) entassées autour d’une
         cheminée fumante dans l’attente d’être cuite (elles deviennent alors
         rouges) et expédiée vers un chantier. C’est un paysage en
         effervescence. Je n’arrive pas encore a savoir s’il s’effondre, s’il renaît
         ou si cela annonce pour les prochaines décennies une puissance
         extraordinaire. La quasi totalité de ce » que nous croisons est en ruine.




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Le soir nous sommes allés en rickchaw dans le village de Barakpur.
En route nous passons a côté de différent étalages sur roue qui propose
des fruits et légumes, des jus de citrons… et des bâtiments dont un
immense qui a l’air a peu près en état par rapport au reste. Le
rickchaw nous dit que c’est une école. Elle est immense ! Le village
lui semble très pauvre et tout y est en ruine. Cependant tout semble
bien fonctionner. Des enfilades de petites échoppes engoncées les
unes à côté des autres et les habitations au dessus. La moitié des toits
sont inexistants. Les murs sont sales et à moitié écroulés. Malgré cette
pauvreté et toujours cette surpopulation les gens semblent paisibles,
allongés sur le sol de leur boutique, à un mètre au dessus de la rue. Les
boutiques sont étroites, parfois plus étroites que la hauteur d’un
homme qui est obligé de se plier pour s’allonger. Nous visitons deux
temples hindous et une mosquée. De l’esplanade du plus grand
temple, nous surplombons la ville et les rues. Une vision de ruine.
Dans l’encadrement de ce qui devrait être des fenêtres nous voyons
des petites filles assise qui discutent sur le rebord du mur crasseux,
noir et défoncé. Lorsqu’elles me voient, elles sourient, curieuse. Je
leur fais coucou de la main, elles me répondent ravis.




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Mercredi 27 Avril                  Barakpur, Agra

             Il devient très difficile de savoir quel jour nous sommes ! Tôt ce
         matin nous sommes partis en rickchaw pour profiter de ce qui fait la
         richesse de Barakpur : Les oiseaux et animaux sauvages. Nous avons
         vu des douzaines d’oiseaux différents, serpent, antilopes, tortue d’eau,
         vache bien sur, daim. Le paysage est fait de steppe et au loin la
         brousse où vit un tigre que nous n’avons pas eu la chance de voir.
         Notre rickchaw est le même que celui qui nous a fait visiter la ville la
         veille. Il est très sympa. Une cinquantaine d’années. Il nous explique
         de nombreuses choses sur la ville la veilles et les animaux
         aujourd’hui. Il connaît leur nom le chalachite vert, un genre de grosse
         perruche, le blue ?? noir et bleu, magnifique…) , leur cri, leur couleur,
         leur sexe. Il les repères là où nous n’aurions jamais regardé… Il
         plaisante aussi avec nous. Ce n’est pas un rickchay comme les autres,
         il cumule l’emploi de rickchaw et guide national. Je lui demande s’il a
         appris toutes ces choses a l’école. Il rit en me regardant et me dit qu’il
         n’est jamais allé a l’école. Il a tout appris par goût ! L’école est une
         chose tellement évidente pour nous. Sa surprise quand je lui ai posé la
         question nous montre comme ici ce n’est pas le cas.
             Nous rentrons à l'hôtel après 3 bonnes heures de ballade dans la
         nature. En route pour Agra. Nous nous arrêtons a Sikri, un ville
         fortifiée Moghol. Cette ville entièrement déserte et de pierres rouges
         me fait penser à la cité interdite. C’est paisible.
             De là nous repartons et arriverons à Agra. Nous arriverons encore
         dans un hôtel trop luxueux qui ne nous aide pas à nous mettre dans
         l’ambiance de ce pays. Au contraire cela entretiens une certaine
         distance qui ne nous ravis pas vraiment. Notre première sortie, sans
         notre guide a vite été écourté. D’une part nous n’arrivions pas à
         trouver notre chemin. Non seulement nos cartes sont fausses, mais en
         plus les rues ne sont pas indiquées et quand certains éléments
         pourraient nous aider, l’écriture est en alphabet hindi et indéchiffrable
         pour nous. D’autre part l’expérience de la rue seuls sans guide est très
         difficile émotionnellement. Nous sommes littéralement harcelé en
         permanence – rickshaw qui nous suivent, nous interpellent, ne nous
         quittent plus, mendiants qui se collent à nous, femmes, enfants,
         estropiés… Le tout sous une chaleur et une pollution incroyable. C’est
         très dur nous cédons et rentrons. Je crois que ce genre de chose est
         inimaginable pour les français que nous sommes. L’atmosphère est
         oppressante. Drôle de sentiment que d’être face à ces gens, dans une
         grande souffrance, visible jusque dans l’atmosphère, qui te demandent
         peu de choses – quelques roupies, à manger – et que l’on sait qu’il ne
         faut rien donner sous peine d’être assaillis.




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Le soir lorsque nous ressortons avec Sushil, le guide, l’ambiance
est différente, d’un geste il éloigne tous les rickchaw. Sa simple
présence a nos côtés suffit même à les dissuader de nous approcher.
Sushil commence à comprendre que nous souhaitons marcher,
découvrir l’Inde en étant au plus près de la populations. Jusqu'à
présent il était sans cesse à nous traîner dans des manufactures pour
nous pousser à consommer. La dernière riche bijouterie où il nous a
perfidement emmené prétextant un thé et un chilum chez un ami a lui
a jeté un froid. Il l’a vu nous n’avons pas apprécié. IL fait donc ce
petit effort. Il nous emmène boire un thé indien « à l’indienne », dans
la rue. Nous sommes assis avec des vieux sur des planches à l’entrée
d’une petite cour entre deux boutiques ambulantes sur roue, toute
bringuebalante et crasseuses. Les vieux rient nous questionnent et
rapidement nous proposent quelques substances et autres actes
illicites. Toujours dans le but à peine dissimulé de nous extraire
quelques poignées de roupies. Nous finissons notre thé tout de même
ravis de cet instant au cœur de la rue.
    Nous repartons à pied dans une petite rue perpendiculaire à l’axe
principal. Puis nous tournons à droite de sorte que nous nous
retrouvons dans une petite rue parallèle à l’axe principale. Nous
débouchons sur une ruelle d’habitations indiennes comme incrustés
dans les murs. Cela consiste en une à deux pièces carrés l’une derrière
l’autre. La façade des maisons n’existe pas, elles sont totalement
ouvertes sur la ruelle étroite. A l’intérieur tout est visible – paillasses,
linge, vaisselle. Certaines, les plus modestes sont quasiment vide. Un
vieux est allongé sur une paillasse. D’autre sont surchargés d’objets et
de photos d’idoles. Tout est bien rangé et propre. Les gens vivent à
moitié à l’intérieur et a moitié dans la rue. Cette rue est très colorée –
bleue, pourpre, jaune – et propre malgré toutes les activités qui s’y
déroulent. Les gens cuisinent sur le pas de l’entrée, par terre. D’autres,
un homme lave son linge dans le petit cour d’eau qui parcours la
ruelle. Des enfants à moitié nus prennent leur douche dans la rue avec
un seau et un bol. De l’eau coule en un long filet d’un tuyau hissé à
une dizaine de mètres. Des enfants rient, courent et jouent autour de
cette petite cascade. Ils ont l’air heureux. Une petite fille est allongée
entre la ruelle et sa maison. Elle écrit le plus paisiblement du monde.
Lorsqu’elle nous voit, elle lève la tête, nous fait un grand sourire et
nous lance un « hello » très amicale. Toute la vie qui se déroule dans
cette petite rue semble d’une grande tranquillité. Ce qui contraste
énormément avec ce qui se passe dans la rue principale a quelques
mètres de là. On y trouve le chaos des boutiques, la saleté par terre, et
la danse folle de tous les véhicules (animal ou à moteur). De cette
petite rue caché émerge un sentiment de bonheur une atmosphère de
partage (communauté) incroyable malgré l’apparente pauvreté. Voilà
peut-être le visage intime de l’Inde, celui qui envoûte.




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26
Après ce moment de bonheur qui nous a totalement fait oublié nos
souffrances de l’après midi, nous allons avec Sushil sur la terrasse
d’un hôtel où nous pouvons voir le Taj Mahal disparaître dans la nuit
et la pollution. La terrasse est sur le toit. Nous nous asseyons a une
table et y restons une dizaine de minutes. Puis nous changeons de
place pour être au centre de la terrasse où nous sommes seuls. Il fait
encore chaud, la nuit tombe. Nous finissons nos bières (Indian beer =
Kingfisher)quand le guide nous dit que nous allons descendre manger
à l’intérieur. Nous étions bien en terrasse donc Nicolas demande
pourquoi nous devons redescendre ? Effectivement le cadre était
magnifique et idéal. Moins de trente seconde après la question de
Nicolas, le vent s’est levé et est devenu très violent. Nos sacs
s’envolaient, la nappe et tous les couverts, assiettes et verres emmenés
avec. Une partie du toit, un grand panneau en métal, à cédé et s’est
littéralement envolé et est venu rebondir sur la première table où nous
nous étions assis avant de basculer dans le vide pour aller s’écraser sur
le sol 4 étages plus bas. Plus bas où les étalages fragiles, les toits en
planches, les boutiques toute entières résistaient difficilement pour
certaines, cédaient pour d’autres. Vent, sable, objets, papiers… Nous
venons de vivre une tempête et avons frôlé la décapitation !




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Jeudi 28 Avril             Agra

            Une personne me manque. Bon anniversaire Sonia !
            Nous voilà embellis d’une année tous les deux. Notre premier
         anniversaire commun – toi en France et moi en Inde. Je pense à toi
         depuis ce matin. Je te dédie cette histoire :
            Shah Jahan, petit fils d’Akbar Shah Jahan, fut roi de l’Inde au
         XVIIème siècle et féru d’architecture. L’Inde compte parmi ses trésors
         plusieurs œuvres architecturales commandées par ce roi. Notamment
         toute une aile du fort d’Agra. Celui-ci est si important que les rois et
         empereurs en ont souvent fait leur résidence. L’inde compte un autre
         de ces trésors, encore plus unique, une pure beauté. Ce bâtiment est au
         centre de notre histoire. Shah Jahan aimait particulièrement le marbre
         et la marqueterie sur marbre blanc. Ses œuvres même si elles
         s’inscrivent dans des monuments massifs et guerrier, comme le fort
         d’Agra, elles restent fines, d’une grande beauté et très singulières.
            Shah Jahan fut marié deux fois. Il aima sa seconde femme d’un
         Amour indicible. Alors qu’elle allait le combler d’un enfant elle
         mourut en couche en 1631. Sa femme son Amour s’appelait Mumtaz
         Mahal. Le sombra dans le désespoir et la tristesse la plus profonde. Il
         entrepris donc d’offrir a son Amour défunte un caveau à la hauteur de
         son Amour. Il souhaita faire construire un mausolée unique de marbre
         blanc entièrement marqueté de pierres semi-précieuses. Pour cela il
         mit toute sa puissance au service de cette œuvre qu’il entreprit en
         1631. Il s’entoura des meilleurs architectes d’Europe. L’architecte en
         chef Maître Issa un iranien. La légende dit que Shah Jahan voulut que
         l’architecte ressente toute la douleur qu’il pouvait éprouver afin qu’il
         construise un bâtiment dont la beauté et l’intensité égaleraient cette
         douleur. Ainsi il fit assassiner la femme de l’architecte ! 200 000
         ouvriers travaillèrent à édifier l’impensable. Il fallut attendre 1653,
         soit 22 ans avant que ce chef d’œuvre fusse achevé et que Mumtaz
         Mahal puisse y reposer. Ce bâtiment est au bord du fleuve Yamuna. Il
         est inscrit dans un espace de plusieurs centaines de mètres. Les sous
         bassement entièrement en marbre représentent un carré de 100m de
         côté. Il est surmonté d’un bâtiment de marbre blanc fin marqueté de
         pierres semi-précieuses et de dentelles de marbre qui fait plusieurs
         dizaines de mètres de hauteur. Sa beauté est ineffable. Le soleil qui
         arrose cet édifice de ses rayons lui donne milles teintes de bleu ou rose
         en passant par violet. Le bâtiment est composé de quatre coupoles qui
         encadrent un immense dôme. Le dôme au centre duquel se trouve le
         cénatope (tombeau) de Mumtaz Mahal. Parallèlement à cet ouvrage
         Shah Jahan à fait construire dans le même marbre un peu plus loins
         sur le Yamuna le fort d’Agra, d’immenses appartements pour lui et sa
         cour et des mosquées. Ses appartements donnaient sur le Yamuna et
         bien sur sur le mausolée de sa femme. Sah Jahan continua de diriger
         son royaume. Son fils Avrengzeb Jahan, très ambitieux, prit une part
         importante dans la vie du royaume jusqu'à ce qu’il renverse son père.



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30
Il le fit enfermé en 1658 dans ses appartements. Sah Jahan resta
prisonnier dans ses appartements à regarder sa femme sur la Yamuna
jusqu’en 1666. date où il mourut après huit ans d’enfermement. Sah
Jahan put enfin rejoindre sa femme après 35 ans de séparation dans
cette demeure éternelle. Il s’agit du Taj Mahal.
   Le Taj Mahal est à la démesure de l’Amour de cet homme, roi de
l’Inde, pour sa femme.

   Le Taj Mahal est le bâtiment que nous avons visité ce matin. Un
grand moment d’émotion ! Nous sommes allés ensuite au fort d’Agra
où nous avons vu les appartements de Sah Jahan. L’après midi Pierre
et moi avons tentés une sortie seuls dans les rues. L’expérience à été
plus concluante que la veille, nous prenons nos marques.

   Le soir le guide nous pose un lapin ! Donc nous entreprenons
d’aller seul en touctouc dans un quartier a priori intéressant – le Taj
Ganj – Le quartier est effectivement des plus pittoresque et
accueillant. Nous arrivons jusqu’au restaurant sans trop de problèmes.
Nous sommes assez content (et fier de nous). Nous sommes encore sur
le toit d’un hôtel, très modeste cette fois. Nous avons une vue sur tout
le quartier et même plonger nos regards indiscrets par la fenêtre de
certaines maisons – des femmes coiffent leurs longs cheveux…
   En rentrant nous allons dans un cyber essayer d’envoyer quelques
mails pour rassurer tout le monde.

   J’ai Sonia au téléphone je suis très content. Le temps nous manque
mais on peut échanger quelques mots. Je lui donne mon premier
sentiment sur l’Inde et quelques anecdotes. Elle me manque.
D’entendre sa voix toute douce et de la savoir loin me rend triste.
J’aimerais la tenir dans mes bras…




                                  31
32
Vendredi 29 Avril                  Agra

            Je suis en ce moment dans le train pour Varanassi (Bénares), ce qui
         explique mon écriture tremblante. Nous avons passés la moitié de la
         journée en tractations et formalités pour préparer la suite du voyage
         (dans un tour opérator). Réservation de billets, planification, calculs,
         négociations… Ici tout est négociable sans exception.

            J’ai oublié hier de mentionner un épisode « tragi-comique ».
         Nicolas, le seul d’entre nous trois qui n’a pas eu de vaccination
         antirabique s’est fait mordre par un singe ! Nous ne nous sommes pas
         trop inquiétés au début. Nous avons même ris de la cocasserie de
         l’histoire. Puis lorsqu’on en a parlé à Sushil, son regard nous a fait
         comprendre la gravité de la situation. Donc nous sommes allés
         aujourd’hui dans un hôpital pour qu’on lui fasse une injection
         d’antirabique. On lui a donc fait l’injection. Le problème c’est qu’il y
         a 5 injections à effectuer à des dates précises. Première difficulté avoir
         un médicament à la date voulue. Il ne se vend que dans peu d’endroits
         ici et ne se conserve qu’a 4°C ! Le 6 mai où nous serons dans l’Uttar
         anchal nous risquons de ne pas en trouver. Or il lui faut une injection
         ce jour. Deuxième difficulté je vais devoir lui faire l’injection
         (intramusculaire). Tout cela rajoute un peu de piment à ce voyage déjà
         très très épicé.

            Une fois libéré de ces formalités administratives et hospitalières
         nous décidons de retourner dans le Taj Ganj. C’est un mélange entre le
         souque et le bidonville avec des couleurs vives en plus. Nous sommes
         plus détendus que d’habitude parce que les gens se contentent ici de
         nous dévisager sans nous solliciter. A chaque coin de rue l’espace se
         rétrécie. Nous sommes au cœur du Taj Ganj. D’un commerce à l’autre
         les odeurs changent. Les odeurs sont très fortes. Depuis notre arrivée
         en Inde nous sentons une forte odeur, un peu étrangère. L’odeur de la
         pauvreté et de l’Orient mélangés. Je crois que nous nous sommes un
         peu habitués à cette odeur ambiante car son timbre générique nous le
         sentons presque plus. Nous sentons s’exprimer maintenant les
         nuances, les variations, celles des épices, des plantes aromatiques, des
         différents plats qui mijotent dans de grandes gamelles, de la
         pourriture, de l’urine, de la fumée qui s’échappe d’un tas d’ordure
         (c’est ainsi qu’ils font disparaître pas mal d’ordures, en les brûlant à
         même le sol dans la rue). Les rues sont étroites, chargées de
         commerces et de toiles tendues au dessus des étalages. Mais il se
         dégage une certaine beauté, une harmonie.




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Par endroit tout est assez calme, chacun attend assis par terre ou
allongé dans son commerce en discutant ou en travaillant. Mais
ailleurs les étalages toujours à même le sol débordent d’activité – des
hommes soudent, balaient, coupent du bois, trient les déchets, tapent,
sculptent – je rappel que tout ces étalages sont collés les uns aux
autres. Ce qui ressemble à une danse rythmée par les gestes de chacun
et les sons de chacune de leurs activités. Ce quartier est réellement très
agréable mais nous devons rentrer car un train nous attends.
    Notre train est à 20h34 (normalement !). Mais comme les routes et
la circulation sont imprévisibles, notre chauffeur préfère partir d’Agra
vers 17h30. Il n’y a pourtant que 30km a parcourir. En fin de compte
nous ne mettons qu’une heure, à peine plus. Arrivé à la gare nous
sommes un peu perdus. Nous souhaitons manger mais il ne semble y
avoir que deux bouibouis sombre et très crasseux. Nous avons
quelques doutes quant à la qualité de la nourriture pour nos fragiles
estomacs d’européens. Un genre de hangar avec un grand panneau aux
chiffres et noms en hindi incompréhensible sert de hall de gare. Les
bancs sont pleins d’indiens, beaucoup allongés qui dorment. Dehors
des vieux installent un tapis, déposent devant eux deux photos, une
bougie et se lancent dans une petite cérémonie particulière.
    Nous décidons d’aller dans un des deux bouibouis, nous sommes
équipés : Imodium, Motilium… Ils semblent n’avoir qu’un seul
choix : « Rice Sapati » ? Nous ne savons absolument pas ce que c’est !
Nous en commandons trois. Il s’agit en fait de riz blanc qu’un garçon
derrière une marmite noir prend a pleine main pour le mettre dans nos
assiettes. A cela il ajoute une sauce vert foncée qui semble être a base
d’épinard. Pas mauvais !
    L’heure du train approche et il est temps de trouver le quai n°3. Je
suis les indications de notre chauffeur qui nous avait expliqué
comment trouver ce quai. Et oui !!! Sur les quais pas de numéros, pas
de repères, pas grand chose en fait On est encore Plus perdu Un vieil
indien nous voit dans l’embarras et vient à notre rescousse, c’est un
porteur, il nous indique un quai qui ne correspond pas à celui qu’on
pensait être le 3.
    On apprend de surcroit que notre train a 30 minutes de retard et
qu’il n’arrive pas a9h30 mais à 9 heures le lendemain. Des trains
passent bondés des gens dépassent des trains, empilés. C’est comme si
le train vomissait des gens. Là on a peur, dans l’hypothèse où l’on
arriverait à trouver notre train (ce qui n’est pas sur !) de ne pas avoir
de place pour nous et nos bagages. Finalement le train arrive sur un
autre quai que celui du porteur.
    Il avait pris les indications sur notre billet et là on se rend compte
qu’il ne sait pas lire et donc, il ne sait où sont nos places, notre wagon
et notre train jusqu’à présent.
     Bon il se fait aider par un contrôleur, nous conduit dans le train et
nous demande 30 roupies.




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Samedi 30 Avril          Vanarasi


          [Aucun trouble digestif du au repas de la veille.]

           Finalement notre train arrive vers 5h00 du matin. Quelqu’un nous
        conduit à l’hôtel Siddharta.
           Je suis curieux et anxieux à la fois à l’idée de découvrir seul
        Vanarasi , mais l’envie est trop forte je repars seul de l’hôtel (les
        autres dorment) pour Vanarasi dans l’idée de voir la Gange.
           Je marche pendant 1h30 dans les rues, je me perd un peu et je n’ai
        pas un roupie sur moi pour rentrer en rickchaw.
           J’insiste et retrouve enfin mon chemin. En effet, dans les rues tout
        est écrit en hindi donc on ne peut rien comprendre et cette ville est
        trop inconnue pour que j’ai pu mémoriser le moindre repère, résultat,
        je n’ai pu trouver le Gange.
           L’après midi nous nous lançons dans notre première journée sans
        guide, seuls dans les rues de la frénésie de cette ville sainte. Les
        grandes rues recrachent à un rythme incessant des toutoucs, des gens,
        des rickchaws, des vélos. Plus aucun ordre, plus de règles il faut
        passer c’est au plus fort ou au plus déterminé que reviens la priorité.
        Tout défile comme si toute cette vie était portée par le courant d’un
        fleuve, pas d’arrêt pas de stop, le flot coule.
           Dans ce flot nous sommes arrêtés par différents
           types qui souhaitent nous vendre des choses, nous attires dans leur
        magasin, nous vendre des produits illicites ou simplement nous guider
        moyennant bien sur quelques roupies.
           Nous arrivons près du Gange, nous ne le voyons pas encore mais
        l’excitation est grande.
           La légende dit que le Gange est né des dieux de Vichnou puis Shiva
        qui emprisonna
           Le fleuve dans sa chevelure avant de le libérer sur la terre.
           Il est au cœur de la vie et de la mort des indiens.

           Ça y est nous voilà devant le fleuve.
           On est impressionné excité.
           Tout au long du fleuve est constitué de ghât au niveau à Vanarasi
           Ce sont des espaces qui débouchent sur le fleuve.
           De grandes marches pour descendre. C’est là que les hindous
        prient, se lavent pour se purifier, font leur vaisselle, déposent des
        offrandes. On voit des buffles dans l’eau et sur les marches.
           Il n’y a pas beaucoup de monde car il est déjà tard. Les indiens se
        lèvent à l’aube ici c’est vars 4 h00 du matin. Sur ces ghâts, nous
        croisons beaucoup d’hommes saints habillés en orange, aux cheveux
        et à la barbe longue, des mendiants des estropiés, des malades qui
        nous sollicitent pour quelques roupies. Nous avançons et voyons au
        loin des brasiers !



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On s’approche, oui c’est bien ça nous sommes dans un ghât de
crémation. C’est impressionnant : des corps attendent sur le sol dans
des linges d’autres brûlent. L’odeur me rappel celle des salles de
dissection en médecine. C’est assez désagréable. Des gens préparent
un bûcher. D’autres amènent un corps enveloppé et le trempe dans le
Gange ; d’autres tapent à grand coup de bâton sur les corps calcinés
pour qu’ils finissent de brûler. Des enfants jouent à côté ou ajoutent
des bûches sur un brasier. Tout se passe dans une totale indifférence
vis-à-vis de ces corps morts. Ce qui est étrange. Je suppose que la
phase de deuil à lieu avant. A cet endroit le corps ne représente plus
rien, il faut le faire disparaître pour libérer l’esprit du mort. Nous
restons là a regarder à regarder les corps brûler quelques instants avant
de poursuivre notre chemin.
    De ghât en ghât nous voyons aussi pas mal de pêcheurs assis sur
une pierre et des enfants jouer sur des tas d’ordures. Nous nous
asseyons au bord de l’eau sur une grande marche et contemplons le
paysage. L’envie est trop forte je me déchausse et mets les pieds dans
le Gange. Les autres me suivent timidement. Ça y est nous sommes
entrés en contact avec le fleuve sacré ! Nous restons là encore un
moment à contempler, assis, quand une petite fille mignonne comme
tout surgit et nous tends un panier en nous disant d’une voix très
douce « Good Karma, good Karma ». Dans le panier se trouvent
quatre petits réceptacles confectionnés avec des feuilles séchées et de
la taille d’un bol. Dedans des fleurs orange, de cette couleur des
hommes saints. Et au centre une petite bougie. La petite fille nous
sourit. Elle est si mignonne, nous lui faisons un « oui » de la tête.
Alors elle prend trois des petits paniers de fleurs, les pose sur une
marche et les allume délicatement. Elle nous les tends et nous fait
signe de les déposer dans le Gange, ce que nous faisons. Nous les
regardons flotter. Nous lui donnons cinquante roupies pour ses petites
fleurs. A ses yeux et son étonnement nous comprenons que c’est
beaucoup trop, nous insistons car cette petite fille est vraiment
charmante. Du coup elle allume une quatrième petite bougie, elle nous
la tend, mais nous l’invitons à offrir elle-même ce petit panier au
Gange. Nous regardons les quatre paniers de fleurs s’éloigner sur le
gange. Un instant plein de douceur, un instant magique.
    Nous poursuivons notre ballade de ghât en ghât, de bâtiment en
bâtiment, de temple en temple.
    Petit retour en ville pour acheter de l’eau. Nous buvons beaucoup
d’eau car il fait chaud, très chaud. On en profite pour s’arrêter dans un
cyber. J’ai Sonia sur messenger, ça me fait beaucoup de bien.
    De retour sur les ghât nous faisons le chemin inverse. Retour à la
« carmination place ». Toujours ce défilé incessant de corps morts.
Nous nous asseyons pour peut-être comprendre quelques gestes de ce
rituel.




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Les corps arrivent sur un genre de civière en bambou porté par
quatre hommes. Le corps est totalement recouvert de linges, de fleurs.
Il y a des tissus ordinaire et d’autres dorés. Ce corps emmailloté est
immergé dans le Gange quelques secondes puis ramené sur la berge
où il sera abandonné parfois deux heures le temps de mettre en place
le bûcher. Bûche par bûche les hommes de la famille vont construire
un bûcher à la longueur et à la hauteur variable. Le corps est ensuite
dépouillé de quelques linges, disposé sur le bûcher, recouvert de
quelques bûches. Là un homme à la tête rasée sauf une petite mèche à
l’arrière du crâne arrive avec un petit flambeau. Il fera cinq fois le tour
du bûcher avant d’y mettre le feu. Une fois allumé d’autres hommes
seront responsables de la bonne combustion en entretenant le feu à
l’aide d’un bambou.
   Les hindous croient en la réincarnation. Toute cette cérémonie a
pour but de purifier le corps en le trempant dans le fleuve sacré et
ensuite de libérer l’âme du défunt afin qu’elle puisse s’élever vers le
ciel et réintégrer un nouveau corps, humain ou non. Une âme doit
ainsi suivre tout un cycle de réincarnation pour atteindre l’état de
grâce et mettre fin ce qui met fin ce cycle. Six catégories de personnes
sont considérées comme pures et peuvent donc être jetées directement
dans le Gange sans être incinérées – les bébés, les femmes enceintes,
les lépreux, ceux atteint de la variole, les mort par piqûre de serpent et
les sadhus (?). Le feu que porte l’homme rasé est un feu sacré
conservé dans un temple au dessus du ghât. Ce feu n’a cessé de brûler
depuis plus de deux mille ans. (*feu dieu ?)
   Il faut trois cent cinquante kilos de bois et trois heures pour brûler
un corps. Lorsque le corps est brûlé l’âme est libérée. Le bois s’achète
sur le ghât. IL est cher et assez rare dans cette région, ce qui fait que
les plus pauvres ne peuvent pas s’acheter suffisamment de bois... Au
moment où nous observons, il y a justement deux cas qui se
présentent. Celui d’une famille probablement riche car le corps est
bien emmailloté totalement recouvert de bois. Mais à côté le spectacle
est tout autre, plus violent, inconcevable : un vieil homme repose sur
un bûcher allumé, il n’est absolument pas emmailloté, son corps est
visible ! Le bûcher laisse apparaître toute la tête et les jambes à partir
du haut des cuisses. Le corps sous mes yeux se consume. Des enfants
jouent autour. Ils déposent un morceau de bois de temps en temps.
C’est surréaliste. Ce corps visible en train de brûler. Les jambes dans
le vide, la tête. Les enfants qui jouent autour. Des hommes qui
discutent, rient, impassibles, détachés. D'autres hommes qui pêchent
plus loin ou se baignent. C'est fou ! Je regarde là et suis assez
déconcerté.
   Ceux qui n'ont pas assez d'argent et donc de bois, comme ce vieil
homme ne brûlent donc pas entièrement. Les restes sont jetés aux
poissons dans le Gange. Il est dit que les poissons qui mangent ces
chairs humaines pourraient se réincarner en Homme.




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Je n'ai pas encore rencontré le comble de l'horreur, ce que nous
avons vu et qui nous à le plus choqué sur cette place : il semble
réellement que le corps n'ai plus aucune signification pour les hindous
à ce moment. L'âme étant libérée, le corps n'est que déchet. Et ce
déchet pourtant si particulier sert comme tous les autres déchets à
alimenter la vie. Ce sont les chiens qui se régalent de ces restes
inhabituels. En toute quiétude sous les yeux de tous, ils se régalent de
corps d'hommes à moitié brûlés.
   Un chien s'empare de quelque chose, traverse le ghât dans notre
direction. Vision d'horreur, il tient dans sa gueule un bassin humain
totalement décharné avec une partie de la colonne vertébrale qui traine
dans la terre. Il passe à côté de nous. Nous n'en croyons pas nos yeux !
   Nous quittons ce ghât un peu choqué et silencieux pour un ghât où
doit se dérouler une cérémonie pour le Gange. L'atmosphère y est
toute autre. Nous retrouvons une foule de personnes, des centaines,
des couleurs vives. L'ambiance est festive. Musique traditionnelle et
chant religieux. Nous sommes tous assis face au Gange, la cérémonie
dure pas loin d'une heure. Des enfants courent et jouent. Beaucoup
viennent vers nous pour essayer de nous vendre des cartes postales ou
des petits pots de peinture et tampons. Il y a des hommes saints
partout. Ce sont en général des vieux (mendiants) cheveux et barbe
grise longue vêtus de tissus orange. Ces couleurs, ces saris, cette
musique, toute cette effervescence nous a fait oublier notre
traumatisme. Nous nous sentons si bien que l'on s'avance pour se
mettre au plus près de la scène principale. Je suis résolu a me laisser
pénétrer. Je souhaite faire plus que de rester un simple observateur, je
veux participer. La cérémonie commence.
   Cinq hommes plutôt jeunes et vaillants vont face au Gange
effectuer des gestes rituels avec des sortes de plumeaux, des coupelles
qui libèrent une épaisse fumée d'encens et enfin d'autres coupelles en
argent à tête de cobra enflammés. Le tout au rythme des chants, des
gongs et de dizaines de clochettes agités par des femmes. A la fin de
leur danse les cinq hommes passent parmi nous et distribuent des
fleurs d'offrande. Nous ne savons pas trop si nous pouvons nous
permettre d'aller plus loin dans notre participation. L'homme
s'approche de moi – j'hésite une seconde. Il me regarde... Je lui tend
mes mains et il dépose une poignée de fleurs orange et jaune dans le
creux de mes mains. Le chant envoutant de toute la foule reprend.
Nous essayons de comprendre ce qu'il se passe. Nous sommes là avec
nos fleurs dans les mains. Les cinq hommes finissent par souffler dans
un gros coquillage au son sourd de corne. Ce qui annonce la fin de la
cérémonie. Tous les gens se lèvent et en file indienne se dirigent vers
le Gange. Je suis décidé à aller jusqu'au bout. J'entre dans la file sans
savoir ce qui m'attend, sans savoir ce qu'il va falloir faire. J'observe
devant moi ce que font les gens et j'essaie de reproduire les gestes
simples qu'ils effectuent. Je dépose ensuite les fleurs dans le Gange
délicatement. Je remue l'eau, j'en prend un peu dans le creux de ma
main et me la verse sur la tête d'avant en arrière, deux fois. Puis je
retourne sur la place.



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Voilà la seconde offrande de la journée faite au Gange, celle-ci et
celle que la petite fille nous a donné l'occasion de faire plus tôt.
   Varanassi, ville mystique, pleine de contraste. Cette culture est
profondément différente de la nôtre, avec des codes qui parfois nous
choquent mais qui ont un sens ici peut être plus qu'ailleurs.




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Dimanche 1er mai                  Sarnath, Varanassi



           Le matin je suis légèrement patraque. Je déjeune mais
        difficilement. La veille le réceptionniste de l'hôtel nous a parlé d'une
        ancienne cité bouddhiste crée autour du lieu où Bouddha après avoir
        reçu l'illumination a fait son premier discours public sous un arbre.
        Une place sainte, un lieu de pèlerinage aujourd'hui. Effectivement j'ai
        lu dans un livre du Dalaï Lama que le premier discours public, le
        premier tour de la roue du Dharma avait été prononcé près de
        Varanassi, point de départ de la diffusion du Bouddhisme dans toute
        l'Asie. Ce au VIIème siècle avant J.C.
           Donc le samedi mon excitation est immense à l'idée d'aller sur ce
        lieu qu'a foulé Bouddha, et où il fit naître cette philosophie, un des
        mode de pensé les plus sain.
           Nous allons a Sarnath en taxi. Mes troubles digestifs se précisent.
        J'ai même la nausée dans le taxi. Mais bon, j'ai l'espoir que cela passe.
        Arrivé à Sarnath, un Bouddhiste bénévole (Ashok) nous accueille et
        nous propose de nous guider. Nous le suivons et buvons ses paroles.
        Enfin ! Je ne vais vraiment plus. Cela ne fait pas dix minutes qu'il a
        commencé ses explications que ça y est je le sait je vais vomir. Le
        temps pour nous de faire comprendre mon état au guide et lui
        demandant si je voulais les toilettes « one or two », je n'ai pas le temps
        d'arriver aux toilettes je vomis en pleine course dans l'allée principale
        du site. A partir de la mon état n'a fait que s'aggraver. J'ai vaguement
        voulu continuer ensuite a suivre l'histoire de cette cité si importante a
        mes yeux. La découverte de l'arbre sacré, la visite d'un temple... Mais
        la fièvre est montée. Le brouillard. J'ai vomi a nouveau, bile sang.
        Nous sommes ensuite rentré à l'hôtel. J'ai cependant pu voir ce lieu
        paisible et tranquille en comparaison avec Varanassi. J'ai pu aller
        auprès de l'arbre sacré où Bouddha a délivré son message dans un
        mélange de douleur et de grande émotion.
           J'ai probablement fait une déshydratation . Je suis resté toute la
        journée au lit – très mal. C'est déjà difficile d'être malade chez soi,
        mais là à moitié inconscient à plus de six milles kilomètres de chez
        moi, de mes proches, dans ce pays difficile – j'ai été pris de doutes,
        tout était insupportable. La moindre odeur me donnait la nausée, les
        klaxons incessant dans la rue me rendaient fou. A ce moment j'ai
        profondément eu envie du seul réconfort de celle qui m'attendait en
        France.
           L'Inde me recracherait-elle ? Est-ce un signe ? J'ai même dans a
        tête, poussé par la douleur pensé à écourter mon séjour en envisageant
        les différentes possibilités d'annulation de train et d'échange de billet
        d'avion. Sonia, je ne pensait qu'à la retrouver...




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Lundi 2 mai               Varanassi


            Je me réveille légèrement barbouillé mais beaucoup mieux que la
        veille. Les litres d'eau citronnée que j'ai bu, l'encefuril et le motilium
        m'ont apaisé. Cependant hors de question de manger – tout m'écœure.
            Malgré cela je me sent bien, très bien. Nous allons en direction des
        ghâts dans le but de faire un tour en bateau sur le Gange. Dans les
        rues, toutes les angoisses, les tensions, les agressions que nous
        ressentions auparavant ont pour ma part totalement disparu. Je suis
        bien, très bien à Varanassi, à l'aise. Cette ville est superbe ! Peut-être
        ai-je passé avec succès cette épreuve. Je suis passé à l'étape, à
        l'épreuve suivante. L'Inde m'a accepté, a moi maintenant de la trouver.
        Je suis réellement serein contrairement à la veille.
            Nous arrivons sur les ghâts et montons a bord d'une barque en bois.
        Les rames sont en bambou au bout desquels sont cloués des planches
        usées, lissées, polies par les kilomètres sur le fleuve. Nous nous
        éloignons de la berge habité (l'autre berge ressemble à un désert).
        Varanassi s'étend sur une seule berge comme si le fleuve formait une
        barrière infranchissable. Du bateau nous prenons conscience de cette
        opposition entre le vide et l'abondance, entre l'inertie et le mouvement.
        D'ici la ville se dresse devant nous – les ghâts avec leurs hautes
        marches surplombés de temples, de ruines magnifiques de résidences
        magnifiques. Cet alignement est haut et impressionnant, puissant,
        comme un mur d'enceinte, une forteresse. Il rame tranquillement dans
        le silence, a peine perturbé par le bruit des rames qui pénètrent dans
        l'eau. Il ferme les yeux comme s'il dormait tout en ramant le plus
        paisiblement du monde. Nous voyons la ville défiler au fur et à mesure
        que nous descendons le fleuve. Chaque bâtiment a sa propre couleur
        bien que la tendance générale soit au pourpre. Certains sont de couleur
        de pierre grise, d'autres sont beiges. D'autres encore sont décorés de
        vaches et de divinités sculptés ou peintes en rouge et bleu.
            Nous avons encore en tête le ghât de crémation de la veille avec
        tout le déroulement et les « déchets » humains dans le Gange. A
        chaque fois que nous voyons quelque chose au loin flotter, nous nous
        interrogeons ! Mais sans réellement penser que cela soit possible. Le
        bateau glisse sur l'eau et nous croisons bambous, offrandes de fleurs,
        déchets ménagers... Et au loin une chose gonflée comme un ballon qui
        semble se rapprocher du bateau. Nous nous regardons et essayons
        d'identifier la chose au fur et à mesure qu'elle se rapproche. Un
        cadavre oui ! Mais un cadavre de chien boursouflé. Nous avons croisé
        plusieurs cadavres de chien dans la ville, sur le marché, un chien en
        train de se dessécher au soleil, dans les rues un autre, près de l'hôtel, et
        encore un près d'un ghât. Tous les animaux ici sont très calmes,
        surtout les vaches. Et que ce soient les chèvres, les buffles, les singes,
        tous vivent au milieu des Hommes en parfaite harmonie. Les uns
        comme les autres s'ignorent et vivent leur vie en se respectant.



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Sauf, sauf curieusement les chiens qui sont très souvent agressifs et
très maladifs. Je crois qu'ils sont tous rongés par la maladie de leur
peau jusqu'au fond de leur yeux plein de pu et probablement par le
rage. Depuis la morsure de Nico par un singe et devant l'hostilité des
chiens nous adoptons une attitude des plus méfiante. Nous passons
aussi loin que possible des chiens.
   Nous poursuivons donc notre ballade sur le Gange après cet
interlude macabre. Nous passons a côté de troupeaux de buffles
immergés au pied des ghâts. Parfois un homme sur le dos d'un d'entre
eux le brosse pour le laver. Les buffles n'ont d'émerger que la tête avec
leurs grosses cornes en spirale. D'autres buffles parcourent les ghât sur
ces grandes marches. Tout est si paisible et tranquille d'ici. Nous
voyons a nouveau une chose étrange qui attire tout de suite notre
attention et qui se rapproche du bateau. Encore un chien gonflé ?
Pensions nous ! Mais non ! Cette fois ce n'est pas un chien. Nous
sommes muets et très choqué quand « la chose » longe le flan du
bateau a deux mètre environ. Non là plus de doute ! Il s'agit d'un être
si pur dans la tradition indienne qu'il n'est pas nécessaire de brûler son
corps. En le jetant simplement dans le Gange son corps sera libéré. Ce
n'est donc pas qu'une légende ou une tradition abandonnée. Cette
façon de faire a toujours cours. Nous venons de croiser le corps d'un
bébé qui flottait sur le ventre. Nous poursuivons notre route. Nous ne
sommes ici à l'abri d'aucune surprise.
   Le batelier nous dépose sur la berge. Nous avons du parcourir deux
kilomètres ou plus en descendant le fleuve. Nous refaisons donc tous
le chemin inverse en parcourant les différents ghâts à pied. Nous
sommes à l'écart du centre et l'ambiance est beaucoup moins
survoltée. Nous croisons toutes sortes d'animaux, des Sadhus, des
femmes qui étendent d'immenses bandes de tissu à même le sol après
les avoir lavé dans le fleuve. Très agréable ballade de retour. Nous
passons par la vieille ville. Les rues sont très étroites et sans réelle
symétrie – un peu moyenâgeuse – s'y entassent boutiques, étalages,
habitations, des gens par terre, des vaches qui déboulent dans des rues
si étroites qu'on a du mal à s'y croiser ! Cet endroit est un vrai
labyrinthe dans lequel naturellement nous nous perdons ! Sans jamais
rebrousser chemin nous arrivons sans le vouloir à repasser par trois
fois au même endroit.
   Nous en profitons pour faire quelques emplettes avant de retourner
au ghât principal, notre point de repère, celui de la cérémonie de la
veille. Là, comme à l'accoutumée des hommes nous saluent par un
« Hello ! » et nous tendent la main que nous leur serrons. Ils
commencent a nous la malaxer puis ils nous font asseoir. Pourquoi pas
! Deux minutes après nous voilà allongé sur un vieux sac de toile au
milieu du ghât pour nous faire masser. Nico et Pierre avaient parlé de
vouloir se faire masser donc nous nous sommes laissé entrainé tous les
trois dans cette nouvelle aventure même si ce n'étais pas trop de mon
goût. Ils ont exploré notre corps du sommet du crâne au bout des
orteils pendant près de quarante cinq minutes.




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52
Un massage drainant selon eux qui devait nous détendre pendant
plusieurs semaines. J'ai trouvé ces palpations un peu douloureuses
parfois. Pour les pieds c'était assez agréable. Nous rentrons ensuite en
ville et à l'hôtel car nous prévoyons de nous lever à quatre heure du
matin pour voir le lever du soleil sur le Gange. C'est a ce moment que
le paysage est le plus intense et que la communion entre les gens et le
fleuve est la plus forte.




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Mardi 3 mai               Varanassi – train


            Toute petite nuit. Nous avons du nous coucher vers minuit pour un
        réveil à quatre heures du matin. Ce matin le réceptionniste de l'hôtel
        ne s'est pas trompé sur l'horaire contrairement a la veille où ils nous
        avait réveillé une heure trente trop tard – cinq heure trente – nous nous
        étions donc rendormis le soleil s'étant déjà levé. A quatre heure vingt
        nous sommes en route pour ne rien rater. Nous prenons un rickshaw à
        trois pour ne pas perdre de temps. Il est très tôt, il fait encore nuit et
        pourtant il y a des gens un peu partout dans la ville qui s'activent déjà.
        La journée commence tôt ici car le soleil se lève tôt et durant la
        journée la température est difficile a supporter. Les boutiques sont
        encore fermées. Des gens dorment partout dans les rues, dans les
        rickshaw, dans les touctouc, par terre et même;sur des étales de
        marché. Certains ballaient un peu partout. J'ai remarqué que malgré la
        saleté apparente, les indiens nettoient et ballaient en permanence. La
        ville est salle et de façon générale toutes les villes car tout est jeté
        n'importe où dans une nonchalance déroutante, pas de poubelles ni
        structure de nettoyage. Par conséquent, chacun avec son petit balai
        nettoie son espace et forme un petit tas d'ordure qu'il brulera ensuite
        ou qui viendra grossir un autre tas d'ordure en attente. Les animaux se
        régalent de ces ordures. Les vaches qui semblent très friandes du
        carton, les cochons, les chèvres... Le balai indien se compose d'une
        poignée de brindille attachés entre elle. IL ne mesure pas plus de
        cinquante centimètres de long ce qui oblige pour balayer a se plier
        littéralement en deux.
            Nous arrivons sur le ghât, il y a des gens partout mais pas encore en
        très grand nombre. Certains font leur toilette dans le Gange pendant
        que d'autres prient dans l'eau en effectuant des gestes et mouvements
        rituels. Les brahmanes ou ce que nous prenons pour des brahmanes
        préparent les différentes mixtures pour « bénir » et aposer ces tâches
        superposées qu'arborent les hindous sur leur front. Ce sont des
        poudres rouges, oranges et blanches diluées et mélangés a l'eau du
        fleuve qui formeront une pâte plus ou moins liquide.
            A peine arrivés une petite fille se presse vers nous pour nous
        proposer d'acheter des offrandes – un panier en feuille de bananier
        avec dedans des fleurs orange et blanche et une petite flammèche qui
        brûle au milieu. Nous en achetons trois. Vingt roupies chacune, ce qui
        est un peu cher mais nous cédons volontiers à l'idée de participer a
        nouveau à la vie de ce lieu. Il n'est pas encore cinq heure du matin
        que nous avons donc déjà fait notre première offrande au Gange. A
        peine le panier déposé à la surface de l'eau un brahmane vient se
        dresser devant nous, dit quelques mots en hindi, une prière
        probablement et dépose avec son doigt rouge sur notre front une
        première tâche colorée. Nous sommes maintenant bénit par un
        brahmane. Il nous en coûtera cent roupies. Nous faisons quelques pas
        pour nous asseoir sur les marches.


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Un autre brahmane surgit devant nous. Quelques prières en hindi à
nouveau et une nouvelle tâche, orange cette fois-ci, vient se
superposer à la rouge. Lui nous en fera une également sur le sommet
du crâne. La vies est ainsi faite ici, de croyance, pratique, religion,
cérémonie, rituel. Nous sommes au cœur.
    Nous restons assis bariolés et amusés a regarder le Gange et la ville
s'éveiller. La foule gonfle et arrive près de l'eau, se déshabille et se
baigne. . Chacun va ensuite de sa propre volonté voir les brahmanes
près de leurs modestes installation faite d'un parasol de feuille tissé,
d'un tapis au sol et de petits récipients et coupelles en métal qui
contiennent les poudres et pommade. D'autres resteront là assis
comme nous sur les marches. Des offrandes de fleurs par dizaines
avec ces petites flammes qui glissent ensemble sur le fleuve comme
dans un ballet de lumière orangé. L'eau semble le centre de tout. Elle
est récupéré, bu, versé sur les têtes ou simplement emporté dans des
cruches en métal. Le soleil se lève progressivement. Sa lumière doré et
chaude se reflète sur l'eau depuis l'autre rive désertique jusque sur les
gens qui se baignent. Les femmes immergées portent des saris aux
couleurs vives, rouge, bleu, orange, jaune... Elles sont immergées
jusqu'aux cuisses dans ce bain de lumière où elles répètent des gestes
rituels qui ressemblent à une danse. Autour de nous certains méditent
profondément dans la position du lotus, leur corps simplement drapés
d'un grand linge. C'est impressionnant, envoutant. Les sadhus, ces
hommes oranges ont envahis l'espace. Ils sont assis, contemplent ou
discutent entre eux. Toute la vie s'éveille avec le Gange au rythme du
soleil. Cette ville est le Gange, le Gange est cette ville. La population
ne fait qu'un avec le fleuve, les croyances, les gestes, les rituels sont la
respiration de ce monde d'harmonie et de couleurs.

    Contraint d'écourter ce sublime moment nous rentrons à l'hôtel car
un taxi doit nous prendre à neuf heure trente pour nous conduire à la
gare. Nous avons vingt heures de train pour arriver à Dhama Dun dans
la région de l'Uttar Anchal.
    Notre train doit partir théoriquement à dix heure vingt. Sur le quai
de la gare aucune indication, aucun panneau d'affichage. Donc nous
ne savons ni quel quai surveiller ni bien sur où se trouvera notre
Wagon et comme les trains ici dépassent la centaine de mètre de long
l'inquiétude pointe le bout de son nez. Enfin nous pensons avoir
trouvé le quai. Après de multiples tentatives inefficaces auprès de
différentes personnes nous remarquons que notre wagon sera le seul a
avoir des vitres car climatisé. Nous nous plaçons alors à l'endroit des
wagon climatisés des autres trains. Nous comprenons que notre train
est annoncé un peu en retard. Cependant un train arrive à l'heure dite.
Nous montons dedans. Le numéro de nos places ne correspond
absolument pas ce que nous lisons dans ce train. Nous attendons le
contrôleur afin qu'il nous aide à trouver nos places alors qu'un homme
voyant notre air totalement perdu nous demande nos billets pour nous
aider. Nous sommes a environ de trente secondes du départ du train
lorsqu'il s'aperçoit que nous ne sommes pas dans le bon train ! Dans
un vent de panique nous ressortons précipitamment !


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Les trains défilent sur le quai, des retards successifs sont annoncés.
Ce n'est qu'a midi et demi, avec deux heures de retard que notre train
montrera le bout de son nez... Ici ça semble normal ! Nous voilà en
route pour vingt heures. Nous mettons a parti ce temps pour finir de
bien organiser le séjour dans l'Uttar Anchal sachant que le six mai il
faudra être dans la plus grande ville de cette région pour trouver le
vaccin de Nico. Ce qui change notre plan de route initial. Nous
décidons finalement de quitter le train à Haridwar, un peu avant Dena
Dun, soit théoriquement à quatre heure du matin. Toutes les heures
nous entendons une nouvelle annonce de retard à l'arrivée. Ce qui fait
que l'on se réveille sans cesse de peur de manquer l'arrêt. Le train
arrive enfin a Haridwar à huit heure du matin, soit quatre heures de
retard au final.
   Les trains ici c'est comme ça, on sait pas quand ils partent, on sait
pas si c'est le nôtre, on sait pas quand il arrive. Pour les indiens ça
semble normal.

   Dans le train, j'ai encore quelques angoisses – Sonia me manque
beaucoup. J'aimerais l'appeler, la voir, qu'elle soit là... Tout serait
moins difficile à supporter si elle était avec moi ici en Inde. J'ai hâte
de la retrouver. Le temps est long, je me rend compte comme je tiens
à elle, comme j'ai besoin d'elle. Elle me donne beaucoup ma Sonia. Je
me rend compte que je n'ai pas toujours la patience que je devrais
avoir avec elle. Elle est si douce, si gentille avec moi. Elle me
manque...




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Mercredi 4 mai            Haridwar


           Dans le train nous avons choisis un hôtel dans le lonely planet.
        C'est à pied que nous nous y rendons après qu'un garçon nous ai guidé.
        Là on nous propose une grande chambre. Deux en fait séparées par
        une cloison. Il y a un balcon et vue sur le Gange qui longe le bâtiment.
        Parfait ! Le temps de poser les sacs et direction petit déjeuner.

           Cette région est au pied de l'Himalaya. Dès notre arrivé nous avons
        remarqué que les paysages étaient très différents de ceux du Rajastan
        et de l'Uttar Pradesh. Ici il y a beaucoup de la verdure, une riche
        végétation. Fini les paysages arides. La ville est aussi beaucoup plus
        calme et les gens ne nous interpellent presque pas. Et surtout ils
        n'insistent pas. Cette ville à l'air plus paisible, moins frénétique. Peut-
        être allons nous pouvoir nous détendre un peu.
           Haridwar est la ville la plus sainte du pays pour les hindous. Notre
        Lourdes à nous français. Depuis toujours cette ville a été un lieu de
        pèlerinage. En particulier lors d'une fête qui se déroule tous les ans, la
        Khumba Méla. Tous les douze ans à lieu une célébration particulière
        qui rassemble le plus grand nombre de pèlerin au monde venant de
        partout et de toutes religions confondues. C'est dire la valeur
        spirituelle de ce lieu. A nouveau le Gange en est la raison. C'est ici
        qu'il sort de l'Himalaya pour se jeter dans les plaines de l'Inde du
        Nord.

           Après avoir fait un petit tour en ville nous nous mettons en route
        pour Mansa Devi Temple. Ce temple est dédié à l'épouse de Shiva. IL
        est un passage nécessaire pour tout bon pèlerin. Au sommet d'une
        colline nous y accédons par un télésiège après avoir acheté de quoi
        faire les offrandes de circonstance (riz soufflé, noix de coco, pastilles
        rouges...). Dès l'arrivée il nous faut faire quelques donations aux
        brahmanes qui nous bénissent et nous décorent le front d'un point
        orange puis rouge. Nous arrivons dans un espace qui fait penser à une
        fête foraine, un genre de « hindouland ». Un labyrinthe de couloirs qui
        ouvrent sur des petits temples un peu partout où chaque dieu est
        célébré. Des boutiques à souvenirs avec toute sorte de breloque plus
        ou moins lié a la religion (pierres astrales, huiles, bracelet, collier de
        pierres, boucles d'oreilles, livre...).
           Voilà le temple de Shiva – là un homme assis près d'une statue et
        entouré par les fumées d'encens nous verse une cuillère de lait de coco
        dans la main. Nous singeons les personnes qui nous ont précédés en
        buvant le lait et en nous passant la main sur la tête d'avant en arrière
        avant de ressortir. Pierre s'achète une « bagouse » avec une grosse
        émeraude, sa pierre astrale. Moi je prends deux livres illustrés sur
        Bouddha et Vishnu, des livres pour enfant. Curieux, nous prolongeons
        encore quelques instants dans ce lieu. Tous les gens présents
        connaissent tous les gestes. C'est pour eux et même les plus petit


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comme une seconde nature. Toute la vie de ce pays est définitivement
faite autour des dieux et de l'hindouisme – Vishnu, Shiva, Hanuman,
Ganesh, Rama... Être brahmane ou sadhu ici, c'est comme être
boulanger chez nous : on en a tous besoin, tous les jours, il y en a
partout, avec la dimension spirituelle en plus bien sûr. Et comme les
boulangers ils vous prennent quelques roupies pour leur services. Les
hindous, et je pourrais dire les indiens car quasiment tous sont hindous
(82%) vivent par la religion qui ponctue leurs journées depuis plus de
trois mille ans. Ce n'est pas comme « chez nous » pour attendre le
paradis mais pour progresser dans leur prochaine réincarnation,
devenir meilleur dans la vie suivante. On ne travaille pas ici pour cette
vie présente mais pour la (les) suivante(s). La finalité est d'atteindre le
Moksha, la délivrance du cycle des réincarnations. La société est
hiérarchisé autour du système des castes. Celui qui respecte le mode
de conduite afférent a sa caste, son dharma, augmentera ses chances
de renaître dans la peau d'un homme de caste supérieure. Son karma
dans la vie présente déterminera la qualité de sa vie suivante. Le
processus de renaissance, de réincarnation est appelé Samsara (vie sur
terre). Donc chaque hindou œuvre non pas pour améliorer sa vie
présente mais pour mieux préparer la suivante. Un intouchable, de la
caste la plus basse, n'a pas l'ambition dans sa vie présente d'évoluer. Il
est intouchable et le restera toute sa vie. Il se contentera de répondre
aux critères de l'intouchabilité pour préparer son futur samsara. Ainsi
de renaissance en renaissance chacun espère être libéré de ce cycle par
le moksha. Il semble qu'à chaque caste corresponde certains corps de
métier. Par exemple les rickshaw sont des intouchables. Plus on côtoie
la population et plus on ressent cette hiérarchie au quotidien. Les
rickshaw (intouchables) ne sont pas respectés ni sur la route, ni dans
les échanges qu'ils ont avec les autres. Ils sont traités un peu comme
des esclaves. On leur parle mal, les paie une misère pour un travail
épuisant, difficile dans un pays très chaud. Eux, en retour, se taisent,
acquièrent de la tête aux agressions ou restent silencieux. A Jaïpur j'ai
pu voir un rickshaw se faire battre par un policier en plein carrefour.
Une scène plutôt choquante !

   Si l'on se plonge dans les textes sacrés on peut dénombrer près de
trois cent trente dieux. Il y en a six ou sept principaux :
− Braman – C'est « le » dieu créateur de toute forme de vie. Il est la
    vérité absolue. IL ne revêt aucune forme.
− Brahma – Dieu créateur de l'univers. Il médite beaucoup. Il est
    souvent représenté assis sur un lotus émergeant du nombril de
    Vishnu Il chevauche un cygne.
− Vishnu – Il veille sur l'univers et s'assure que soit préservé le bien,
    l'action correcte. Il est représenté avec quatre bras tenant un lotus,
    une conque, un disque et une massue. C'est de l'orteil de Vishnu
    que sort le Gange. Il habite au paradis appelé Vaikumtha.
− Shiva – Dieu destructeur mais sans qui aucune création ne serait
    possible. Grand yogi, ascète qui vit retiré dans l'Himalaya. Il est
    souvent représenté avec un serpent autour du cou et armé d'un
    trident. Il chevauche un taureau. Il est si respectueux et généreux


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avec sa femme Parvati qu'il représente aux yeux des femmes le
    mari idéal...
   Les hindous n'adorent pas tous les dieux. Ils font un choix et
consacrent leur vie à celui ou ceux qui ont retenu leur attention.
Généralement ce sont des dieux parmi les plus « célèbres », les
principaux. Ce qui montre une grande souplesse dans la façon de
pratiquer. Nico a choisi Ganesh, celui à la tête d'éléphant ! Moi, c'est
Bouddha !

   Les femmes ne peuvent jamais atteindre le Moksha. Ce qu'elles
peuvent espérer de mieux c'est d'être réincarner en homme. Un
Homme qui ne respecte pas son Dharma pourra être réincarné en
animal.

   Dans l'après midi nous allons voir un spécialiste des activités
natures locales. Il a l'air sérieux et sympathique. Nous organisons avec
lui toute notre dernière semaine : safari photo, voyage de trois jours
pour remonter jusqu'à la source du Gange dans l'Himalaya à un peu
plus de trois mille mètres d'altitude, et enfin un peu de rafting sur le
Gange. Et au cours de ce petit périple, visite d'une cité bouddhiste et
baignade dans des sources chaudes. C'est un bon programme mais le
tiendra t-on ?

  Depuis Varanassi notre voyage est guidé par le Gange dont nous
remontons le cours. En atteindrons nous la source ?

   Le soir après nous être un peu reposé à l'hôtel nous allons sur le
Hark-Péri ghât où tous les soirs se déroule une grande cérémonie
d'offrande au fleuve. Quand nous arrivons, une heure en avance, il y a
déjà des centaines de personnes assises sur les marches du ghât en
train d'attendre. Une heure plus tard ce sont des milliers de personnes
toutes assises par terre et nous au milieu. C'est une ville très pieuse
avec des règles très strictes. Alors que nous sommes en plein air,
Pierre qui allume une cigarette se fait immédiatement reprendre par
plusieurs personnes. Lorsque nous nous pulvérisons de l'insect-écran,
l'odeur gène, et on nous le fait bien sentir...
   Le ghât est disposé de part et d'autre d'un canal détourné du Gange.
Le Gange étant un peu à l'écart de la ville. Mais pour la foule, le
Gange c'est ici sur ce ghât qui se trouve lui-même juste au pied d'une
montagne au sommet de laquelle nous distinguons un temple
entièrement blanc. Ce ghât est fait de deux sortes d'hémicycles qui se
feraient face avec le canal au centre. Un temple rouge se trouve adossé
à l'hémicycle qui nous fait face. Avant que la nuit ne tombe nous
voyons le soleil se coucher et disparaître derrière la montagne. Les
couleurs sont magnifiques – un tamisé rose et violet crépusculaire qui
ne fait que sublimer la blancheur lumineuse et immaculée du temple
qui trône là haut. Le temple rouge en face de nous qui au départ
paraissait plutôt anodin prend maintenant une tout autre allure avec la
nuit. Il est réellement magnifique. La nuit a effacé tous les vieux
bâtiments gris et défoncés qui dominait sur l'arrière plan et


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assombrissait la beauté de l'espace. La cérémonie commence. Les gens
par moment entonnent des chants en suivant le rythme de la musique.
Plusieurs hommes avec des coupes d'argent à tête de cobra d'où
s'échappent des flammes répètent les mêmes gestes que lors de la
cérémonie à Varanassi. L'atmosphère et le cadre est ici beaucoup plus
impressionnant. La montagne et la lumière donne une toute autre
dimension à l'événement.. Cependant les hommes qui dirigent la
cérémonie semblent moins habiles, plus hésitants. Cette cérémonie est
néanmoins très belle. Tout au long de celle-ci nous voyons voguer a
vive allure des fleurs, ces petits paniers en feuille de bananier avec un
petit flambeau. Tout ce spectacle est magnifique.
    Lorsque la cérémonie se termine nous restons encore quelques
instant comme nous en avons pris maintenant l'habitude pour observer
le monde évoluer. Un famille indienne nous demande à être prise en
photo avec nous. Ce qui nous arrive assez souvent. Nous sommes des
curiosités
    En rentrant nous passons par les ruelles qui longent le ghât. C'est
littéralement « Kitch-land ». Les boutiques proposent toute sorte de
breloques en toc un peu comme à Marsa-Devi Temple. C'est assez
drôle. Nous essayons ensuite de trouver un restaurant et nous prenons
conscience que la ville entière est végétarienne et ne fait que de la
cuisine indienne que nos estomac ne commencent à plus supporter.




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Jeudi 5 mai                       Haridwar (Rien ne va plus !)


           Pierre me réveille à sept heure trente – il est malade ! Il ne va pas
        du tout depuis deux heures du matin. Il souffre du ventre – diarrhée,
        fièvre, vomissements, faiblesse physique. Les mêmes symptômes que
        moi quelques jours auparavant. Je lui donne le traitement qui m'avait
        soulagé. Anti-vomitifs, anti-diarrhéiques, doliprane. Il reste au lit mais
        après quelques heures on ne constate aucune amélioration. Au
        contraire son cas s'aggrave. Il semble qu'il ne pourra pas participer au
        safari. Pierre nous demande d'appeler un médecin, ce que nous
        faisons. Le médecin arrive et rend son diagnostique, « dysenterie,
        déshydratation... c'est grave ! ». C'est vrai que depuis quelques jours
        nous sommes tous les trois un peu dérangés. Immédiatement le
        médecin met Pierre sous perfusion pour le réhydrater. A la solution de
        perfusion il ajoute quatre autres produits qu'il introduit dans la
        bombonne de perfusion à l'aide d'une seringue. Ainsi qu'une piqure
        très douloureuse dans la fesse. Après quelques trente cinq minutes et
        deux bombonnes de perfusion de cinq cent millilitres (1 litres en tout)
        directement dans le sang, Pierre se sent à peine mieux. Le médecin
        reste bien une heure pour surveiller l'évolution de son patient. Il nous
        dit qu'il repassera le soir. Après être allés chercher la prescription en
        pharmacie et en nous assurant que Pierre avait tout le nécessaire a
        portée de main, Nico et moi partons pour le rendez-vous safari. Je
        commence a avoir moi aussi quelques signes inquiétants – diarrhée
        depuis la veille, légère fièvre... Nous arrivons sur le lieu de rendez-
        vous. Notre guide n'est pas encore là. Je vais de plus en plus mal de
        minute en minute – Vertiges, faiblesse, chaleur insupportable et froid
        la minute suivante. Je me mets à hésiter sérieusement. J'ai pourtant
        terriblement envie d'aller faire ce safari dans cette réserve naturelle.
        Mon état ne cesse de s'aggraver. Je vais maintenant très mal. Je décide
        donc de rentrer à l'hôtel et laisse Nico seul. Le retour à pied est un
        calvaire. J'ai très soif et me sent faible et fragile. En arrivant je me
        couche en ne sachant quelle position adopter pour atténuer mes
        douleurs à l'abdomen. Après quelques instants, je meurs littéralement
        de soif mais je n'ai même plus la force ni la possibilité de boire. J'ai
        pourtant une bouteille d'eau à côté de mon lit. Rien ne passe plus.
        Dans la soirée le médecin est de retour pou Pierre qui a droit au même
        traitement que le matin – deux bombonnes de perfusions et piqures.
        Le médecin m'examine, le verdict tombe – intoxication, dysenterie et
        forte déshydratation. J'ai donc droit au même traitement que Pierre.
        Nous sommes tous les deux extrêmement malade. Le médecin semble
        très bon car son traitement de choc nous ramène très légèrement. En
        deux jours et demi nous aurons eu huit bombonnes de perfusion pour
        Pierre et six pour moi, quatre piqures dans les fesses (aïe !) et une
        semaine de traitement de cheval. Nous vivons de très durs moments.
        Je suis de plus en plus convaincu de vouloir rentrer le quatorze et non
        le vingt et un.


                                           65
66
Je n'en peu plus d'être malade et cette aversion pour la nourriture et
les odeurs ne nous aide pas à nous remettre. Nous ne mangeons pour
ainsi dire plus. C'est la perfusion de solution glucosée qui nous
alimente en plus de nous réhydrater. Pliés en deux de douleur nous ne
pouvons dormir.




                                  67
Vendredi 6 mai            Haridwar


            Pierre ne va pas mieux, moi a peine. Le médecin nous fait sa visite
        matinale. C'est reparti, perf et injections. Dans l'après midi je vais un
        tout petit peu mieux. Nico qui a joué les infirmières à notre chevet
        depuis le début en a un peu marre, il veut sortir. Je souhaite
        l'accompagner. Je suis encore faible, mais je ressent une légère
        amélioration, moins de fièvre. Donc nous sortons, mais hors de
        question d'aller en ville, je ne supporte plus les odeurs agressives qui
        émanent de chaque boutique, de chaque tas d'ordure. J'ai la nausée.
        Nous quittons donc la ville pour aller voir le « vrai » Gange, pas le
        canal. Il se trouve un peu à l'écart, nous devons traverser un pont. En
        approchant de l'autre rive nous voyons un bidonville au milieu d'un
        coin assez sauvage et désertique. Un chacal est en train de se régaler
        avec la dépouille d'un singe. Nous descendons sous le pont pour aller
        dans le lit du Gange à moitié asséché. Nous nous rendons compte qu'il
        nous faut passer au milieu d'une d'une partie des habitants du
        bidonville. L'endroit sous ce pont est glauque. Les gens nous
        dévisagent. Nous ne sommes pas rassurés mais nous traversons quand
        même. Nous arrivons enfin dans le lit du fleuve où le paysage est
        superbe. Sur ce qui devait être une île, il y a des arbres secs, et
        complètement nus. Le paysage est ici assez désertique. Le lit en lui-
        même est tapissé de galets et de sable. Nous faisons quelques
        prélèvements en souvenir de cet endroit où le Gange émerge de
        l'Himalaya. Quelques photos de vaches ou d'hommes solitaires qui
        traversent ce désert. Le lit creusé et asséché forme une petite vallée
        sinueuse. Je trouve ça très beau, j'y suis bien et serein, excepté mes
        douleurs physiques. Je m'attarderai bien mais Nico me rappel que le
        médecin doit passer vers dix sept heure pour poursuivre le traitement.
        Rebelotte le médecin accroche la bombonne de perfusion à la poignée
        de la fenêtre ouverte à laquelle je suis relié par un tube d'un mètre
        cinquante environ. La veille cette posture m'avait occasionné quelques
        angoisses. Effectivement à la nuit tombée et notre fenêtre au dessus du
        cours d'eau était la porte d'entrée idéale pour plus d'un troupeau de
        moustiques. Les moustiques ici sont synonyme de Paludisme.
        Jusqu'alors nous avons pu nous protéger de toute leurs agressions avec
        notre insect-écran et des vêtements qui recouvre tout notre corps. Mais
        là mon bras nu étendu sous la fenêtre s'est trouvé être un vrai terrain
        de jeu gastronomique pour eux... Le plus angoissant fut lorsqu'une
        bulle d'air se mit sortir de la bombonne et à parcourir le tube vers mon
        bras. J'ai essayé d'alerter le médecin dans la pièce a côté par le biais
        de Nico puis directement en haussant la voix dans la limite de mes
        forces. Mais le médecin zen et avec un sourire très amusé m'a dit que
        ce n'était pas grave la bulle est grosse elle ne passera pas !!!! Quelques
        suées dont je me serait bien passé a ce moment. Mes bras et mes
        fesses n'en peuvent plus des aiguilles. Nous voyons tellement le


                                           68
médecin que l'on sympathise, on échange des cadeaux. Nous lui
donnons une pièce de un euro. Il nous donne a chacun une pièce rare
et ancienne de un roupie et une petite pièce sainte. Il me donne une
petite statuette de Vishnu en métal.
   J'ai toujours la ferme intention de rentrer le quatorze à Paris avec
les autres. Le voyage devient physiquement très dur et surtout Sonia
me manque beaucoup. J'ai appelé Alitalia dans l'après-midi mais tous
les vols sont complets jusqu'au dix-neuf et de plus mon billet n'est ni
échangeable, ni remboursable. Je demande donc au médecin s'il
accepterai de me faire un certificat médical qui justifierai de mon
rapatriement. Il est d'accord et me le fait. Il va maintenant falloir tenter
le coup à l'aéroport. Je sent que mon corps n'en peu plus, et celui de
Pierre non plus. Pierre est toujours alité quand Nico et moi allons
essayer de manger. Je dois manger pour reprendre des forces. Mais la
simple idée de manger me donne la nausée maintenant. Je commande
une salade de concombre, c'est léger, et un milkshake banane. J'avale
très difficilement une dizaine de rondelles de concombre et suis repus.
Des douleurs abdominales me reviennent. Je ne peux donc plus
manger ni sentir quoi que ce soit. Ça tourne au cauchemar. Je suis
épuisé et le retour à l'hôtel est un calvaire.




                                    69
70
Samedi 7 Mai             Haridwar, Uttarkashi


           Jour de notre départ pour la source spirituelle du Gange. Là où elle
       sort des montagnes de l'Himalaya, de la chevelure de Shiva. Je crois
       que le thème de notre voyage est scellé. Le Gange, ce qu'il est et d'où
       il vient...
           Mais notre état de santé nous permettra t-il d'aller au bout de
       l'aventure ? Rien n'est moins sûr !
           Nous attendons encore le médecin ce matin. Il arrive vers huit
       heure pour nous mettre définitivement d'aplomb, ce qui n'est pas
       gagné en particulier pour Pierre. Notre taxi passe nous prendre vers
       neuf heure trente. Le médecin arrive et nous perfuse immédiatement.
       Nous n'échapperont pas non plus à la douloureuse piqure dans notre
       petit fessier. Il ne veut pas que nous partions en mauvais état. Il se sent
       « responsable ». Il envoi un garçon chercher un autre médicament qui
       devrait nous soulager. On avale difficilement un thé, un café, un ou
       deux gâteaux et le médicament. Ce traitement de cheval nous remet à
       peu près d'aplomb pour le départ qui ne se fera que vers onze heure,
       fin de ma perf.
           Nous montons dans le taxi. Notre chauffeur qui ne semble pas
       parler anglais effectue avant de partir un petit rituel qui nous amuse un
       peu et nous surprends : il se secoue les doigts derrière les oreilles puis
       sur la tête et touche une petite photo de divinité sur son tableau de
       bord. C'est bon maintenant nous pouvons partit en toute sécurité, il
       met le contact. Au revoir Haridwar et en route pour l'Himalaya à la
       source du Gange. Le voyage doit prendre deux jours.
           Haridwar n'est pas dans l'Himalaya, la ville est cependant entourée
       par quelques hauteurs qu'ils appelleraient ici des collines.
           Les paysages changent rapidement et deviennent très vert. La
       sécheresse des plaine que l'on a côtoyé jusqu'alors a disparu.
       L'architecture des habitations changent aussi. Curieusement, les
       maisons en s'éloignant de la ville, deviennent plus spacieuse et
       presque luxueuse. Elles sont en dur parfois avec un étage aux couleurs
       pastels. Jusqu'à présent les maisons dans les villes étaient étroites,
       petites et entassées. Dans les campagnes c'était plutôt des assemblages
       de tôles et de briques. Là on se rapproche de la villa avec jardin.
           Voilà enfin les montagnes. La chaine mythique est maintenant sous
       nos yeux. La route devient étroite et commence a serpenter. La
       végétation est de plus en plus dense et des feuillus font leur apparition.
       On voit aussi de drôles d'arbres sans aucune feuilles. Ils sont juste
       habillés de grosses fleurs rouges vives. Ces arbres sont magnifique et
       ressortent d'autant plus que la végétation autour est verte sombre. Ces
       abres m'intrigues, il faut que je les prenne en photo. Plus on s'enfonce
       dans les montagnes et plus elles deviennent monumentales, raides, des
       remparts infranchissables. Des épineux, des sapins apparaissent.
       Progressivement les conifères remplacent les feuillus moins
       nombreux.


                                          71
72
Des petits groupes de nomades assis sur le bord de la route croisent
notre chemin. De vrais petits campements éphémères au milieu
desquels un feu, des gamelles, des bombonnes en cuivre ou en inox
chauffent. Beaucoup sont allongés aux milieu des bêtes, d'autres
travaillent. Des femmes coiffent leurs enfants. Autour d'eux ni maison,
ni abri, rien !. Leur toit – le ciel, leur pays – la liberté et les saisons.
Leurs visages et leurs habits sont différents de ceux des indiens. Ce
sont des populations de l'Himalaya aux yeux plus bridés, aux
pommettes saillantes. Toutes les femmes que nous croisons, nomades
ou non, ne portent plus de saris. Leurs vêtements restent colorés mais
sont plus fonctionnels, plus appropriés aux travaux difficiles et aux
longues marches. Des foulards rouges ou verts sur la tête, des tuniques
longues aux couleurs ternis par la poussière et la terre, et dessous
parfois des pantalons. Nous croisons maintenant des genres d'abris
construit au dessus des falaises au bord des routes étroites. Ces abris
en bois, et tôle pour les plus luxueux reposent sur des pilotis qui se
jettent dans les ravins. Les maisons sont comme en équilibre fragile au
dessus du vide. Les routes sont de plus en plus sinueuses et abîmées.
Parfois même plus de route mais de la terre et une cascade qui tombe
et traverse le chemin.
    Des bergers qui conduisent leur troupeaux de chèvres, de moutons,
des centaines d'animaux qui prennent toute la route. Ils ont un petit
bonnet pointu rouge sur la tête, assez rigolo. Traverser ces troupeaux
est toute une aventure sur ces routes étroites à flan de montagne et
souvent sans rambardes. Les animaux sont collés sur toutes les faces
de la voiture, on peut les toucher. Le chauffeur avance doucement, il
n'hésite pas néanmoins a tamponner le cul d'un mouton de son pare
choc avant quand cela est nécessaire. Les bergers s'évertuent tant bien
que mal à écarter leurs animaux du passage. Ils nous regardent. Nous
sommes aussi curieux pour eux que la situation ne l'est pour nous.
    Sur la route passent quelques pèlerins, des hommes saints, les
sadhus qui drapés de tissus oranges comme des capes gravitent
lentement pas à pas. Ils ont un turban orange, de longues barbes et une
longue chevelure emmêlée. Des ermites qui remonte au temple à la
source du Gange. Parfois ils sont assis par terre au bord de la route
avec leur couverture et leur gamelle de fer blanc à la main. Ils sont
paisibles, inaccessibles, contemplatifs. Des femmes marchent solitaire
avec d'énormes bottes de paille ou de blé sur leur dos courbé. La botte
tient grâce à une sangle leur ceinture la tête...
    Toutes ces personnes sont la vie de l'Himalaya. On voit sur leur
visage toute la difficulté de vivre ici. Lors d'un arrêt dans une cahute
qui propose boisson et nourriture, nous avons l'occasion de voir ces
nomades de l'Himalaya de près. On établis quelques contacts, esquisse
quelques mots. Je leurs demande si je peux les prendre en photo. Ils
acceptent. Je photographie une femme et son bébé. Puis une vieille
portant un bébé également. Il y a des enfants. Les femmes sont
magnifiques avec leurs bijoux dorés, en particulier un large anneau
dans le nez duquel pendent des dentelures or qui viennent recouvrir
toute la bouche. Elles ont un foulard sur la tête façon Tzigane.



                                    73
74
Une belle rencontre. Ce début d'aventure dans l'Himalaya est un
moment merveilleux. Nous nous éloignons du brouhaha des villes
indiennes pour la nature sauvage de ce hautes montagnes. Les gens ici,
pauvre et avec des vies difficiles ne mendient pas, jamais, même
lorsque l'on souhaite les prendre en photo. Je n'ai pas le sentiment
d'être en Inde, pas dans l'Inde que j'ai vu jusqu'à présent. Ici je me sent
mieux.

   Sur la route extrêmement dangereuse nous croisons de nombreux
panneaux de la « Border Route Organisation » (BRO). Ces messages
incitent à la prudence et à ralentir. Chez nous ce serait « Ralentir » ou
« Prudence »... Les leurs sont d'un tout autre genre plus imagé, plein
d'humour, presque poétiques :

−   On the land go slow friend
−   Licence to drive not to fly
−   Life is a journey complete it
−   Drive slowly life longer
−   Wish you a safe and happy journey
−   The sweetness of life is devotion
−   This is highway not runway
−   Life is full of fun don't ganble with it

   Dernière curiosité avant d'arriver. Nous voyons un homme au loin
en plein milieu du lit du Gange très asséché encaissé entre les flan de
deux montagnes. Seul dans cette nature il est en train de balayer le sol
fait de pierres et de sable. !?

   Nous voilà enfin a Uttarkashi où nous dormirons – notre halte.
Après nous être installés dans un hôtel où il n'y a ni douche ni eau
chaude nous allons en ville pour visiter et dîner. J'ai beaucoup de mal
a circuler dans les rues, les odeurs sont violentes, j'ai la nausée. Cela
est du a mon aversion pour la nourriture depuis ce qui nous est arrivé
– l'idée de devoir manger me retourne le cœur, mais il le faut pour ne
pas faiblir et pour prendre mon antibiotique. Nous nous apercevons
très vite que cette ville est aussi à 100% végétarienne. Nico qui
pourtant n'a pas été malade commence lui-aussi à angoisser vis-à-vis
de la nourriture. Cette question est un cauchemar pour nous trois.
Nous entrons dans un restaurant qui affiche et propose des plats
« continentaux ». Il est d'apparence très classe jusqu'à ce que nous
voyons des petites souris circuler librement entre les tables. En fait de
plats continentaux nous trouvons des curiosités comme celle que Nico
a choisie, des cacahuètes chaudes avec des concombres ! Je me
contenterai moi d'un bouillon de légumes.




                                    75
76
Dimanche 8 mai           Uttarkashi, Gangotri


          Depuis les quelques kilomètres avant l'arrivée a Uttarkashi les
       montagnes étaient faites de terrasses, d'immenses terrasses qui
       dessinent les contours circulaires des montagnes. On dirait des lignes
       de niveau à même la montagne. Sur ces terrasses successives se
       développent des cultures de blé ou une végétation plus sauvage. Les
       terrasses vont du sommet de certaines collines jusque dans la vallée où
       elles sont inondées. Probablement des rizières. Le soleil qui se reflète
       sur ces flans apporte une couleur magnifique – dorée vers les
       sommets, le blé est argenté dans la vallée et les rizières inondées. Ces
       paysages de terrasses sont touts différents. Toutes ces lignes courbes
       dessinent l'empreinte unique de chaque montagne, comme une carte
       d'identité, une empreinte digitale. C'est la première fois que je vois ce
       type de paysage, des rizières. Je trouve ça très beau. J'imagine toute la
       difficulté des paysans a travailler ici, de manière traditionnelle bien
       sûr, à la main, avec des charrues, des faux, et tout le travail d'irrigation
       de récolte et de stockage. Les montagnes sont si raides et l'accès
       difficile.
          Nous voilà en route pour la source dès huit heure du matin. Premier
       arrêt devant quelques baraques en tôle. Au dessus de nous des
       bâtiments en dur et à côté des sources chaudes. Nous sommes dans
       l'Himalaya, nous approchons des trois mille mètres. La température
       encore douce a cependant chutée par rapport à la vallée. Nous allons
       nous baigner. Nous touchons d'abord de la main, l'eau est très très
       chaude. Nous mettons tous un pied. Ça brûle et nous ne sommes pas
       sûr de pouvoir entrer dans l'eau où la température doit être entre
       quarante cinq et cinquante degrés. Je descend de quelques marches
       progressivement. Je vais bien mettre 7 à 8 minutes pour pouvoir
       m'immerger jusqu'au cou et ressortir immédiatement. La chaleur est
       trop dur a supporter. Les autres me suivent et l'on ressort tous. Le
       chauffeur, assez sympathique et qui marmonne un anglais à l'accent
       incompréhensible arrive, se déshabille et en un bond saute tout entier
       dans l'eau. Il nous regarde et sourit. Il va plus loin, il prend sa
       respiration se bouche le nez et plonge entièrement pendant une
       quinzaine de secondes. Défi ! Nous ne pouvons rester là sans essayer.
       Nous redescendons dans l'eau, non sans mal, à tour de rôle et nous
       exécutons une courte apnée. Dur, chaud mais on l'a fait. Pendant que
       nous nous séchons et nous rhabillons, le chauffeur se savonne dans le
       bassin voisin et y fait même sa lessive. Ici on fait sa lessive en public,
       depuis Varanassi nous avons vu les gens laver leur linge dans le
       Gange, dans l'eau qui coure le long des rues, dans un filet d'eau qui
       coule d'un mur ou d'une montagne.
          Ce bain nous aura fait beaucoup de bien, nous sommes maintenant
       bien détendu dans la voiture a poursuivre notre aventure. Le paysage
       était dejà apaisant. Nous flottons ! Les montagnes vers lesquelles nous
       nous dirigeons maintenant sont de plus en plus hautes et ciselées.


                                           77
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80
Ces montagnes sont jeunes et n'ont pas encore eu le temps de
souffrir du travail de l'érosion. Les sommets sont comme des pointes
de flèches. Depuis un moment déjà les sommets sont enneigés. Cette
neige se rapproche. De chaque côté de nous se dressent des sommets
de cinq mille à six mille mètres. Plus de doutes c'est l'Himalaya. Nous
traversons une coulée de neige avec la voiture. Les premières neiges
de l'Himalaya à portée de main. Je suis excité et impressionné.
L'ascension continue de lacet en lacet de plus en plus escarpés et
reculés. Cependant la vie est toujours là – des gens, pèlerins,
nomades... les premiers avancent toujours imperturbables, les autres
nous regardent curieux tout en poursuivant leurs occupations. Enfin
arrivés à Gangotri, le chauffeur nous laisse à l'entrée de la ville, nous
devrons finir à pied jusqu'à l'hôtel « Rest house ». EN montant nous
croisons une vrai splendeur, quelque chose d'incroyable. Une chute
d'eau qui coule d'un rocher très étrange. Nous ne le savons pas encore
à cet instant mais il s'agit de la source su Gange ! Sans que nous le
sachions notre but est maintenant atteint. Nous restons quelques
instants devant ce spectacle avant de rejoindre l'hôtel à quelques
mètres. En nous installant nous mesurons l'état de délabrement de
l'hôtel et les condition qui dans le froid de l'Himalaya risquent d'être
difficile. Ni eau chaude et ni électricité, c'est à dire pas de chauffage
non plus. Nous ressortons immédiatement pour nous balader avec
dans l'idée de remonter encore au delà de cette source spirituelle dans
la montagne. Mais avant nous repassons devant la source, là où le
Gange émerge de la chevelure de Shiva probablement matérialisée par
cet immense rocher blond roux, poli, lissé, sculpté par les eaux. Le
rocher présente des courbes si douces, harmonieuses, des rondeurs
pleines de sensualité qu'il peut aisément faire penser à la longue
chevelure d'une déesse qui ondule dans le courant du fleuve.
   Nous essayons ensuite de trouver le temple que viennent ici visiter
tous les pèlerins. Un temple du XVIIIème siècle qui fait parti d'un
ensemble de quatre temples, tous se situant dans l'Himalaya à la
source spirituelle d'un fleuve sacré – le Yamuna à Yamundre, le
Gange à Gangotri, la Mandakini à Kedarnath et l'Alakmanda à
Birnath. Les sadhus font le voyage à pied, plus d'un millier de
kilomètre. Nous ne trouvons pas le temple tout de suite et nous nous
essoufflons très vite et l'on remarque que tout les trois avons les
tempes serrées et de légers vertiges L'altitude ! Pierre n'en peu plus il
rentre. Nico et moi sommes fermement décidés à remonter le Gange le
plus haut possible. Nous prenons un chemin qui semble longer le
fleuve en amont. Il est quinze heure trente environ, il faut nous presser
car la nuit tombe vite. Le début est très difficile. Nous sommes très
essoufflés. Je sens mon cœur marteler ma poitrine. Y arriverons nous ?
Nous nous éloignons rapidement du village, la grimpette commence.
Le paysage prends de plus en plus d'altitude. Nous sommes
maintenant à une trentaine de mètre au dessus du Gange sur un petit
chemin escarpé. Nous sommes cernés par des montagnes
monumentales. Celle qui se trouve en face de nous sur l'autre rive à
son pic à près de six mille mètre d'après nos cartes.



                                  81
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Carnet d'Inde
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  • 2. © Danaïde, Paris, 2010 ISBN 23-09-2004 2
  • 3. 3
  • 4. 4
  • 6. 6
  • 7. She is flower, she is butterfly sometimes i want to be elsewhere I want to be a piano note in the air To be in her when she breathes because my inspiration in her breath is P.L. La femme fleur et papillon Fleur et papillon dans sa chair, Je la regarde Au bord de l'horizon, Au seuil du bout du monde, Par delà les blés murs Et tout ce qu'il y aurait à dire Je le laisse là Dans le chaud du cœur Où c'est sa place... P.L. 7
  • 8. 8
  • 9. Itinéraire de Voyage Lundi 25 Avril Jaipur (Rjastan) 11 Mardi 26 Avril Jaipur, Barhakpur 19 Mercredi 27 Avril Barakpur, Agra 23 Jeudi 28 Avril Agra (Uttar Pradesh) 29 Vendredi 29 Avril Agra 33 Samedi 30 Avril Vanarasi 37 Dimanche 1er mai Sarnath, Varanassi 47 Lundi 2 mai Varanassi 49 Mardi 3 mai Varanassi – train 55 Mercredi 4 mai Haridwar (Uttar Anchal) 61 Jeudi 5 mai Haridwar (Rien ne va plus !) 65 Vendredi 6 mai Haridwar 68 Samedi 7 Mai Haridwar, Uttarkashi 71 Dimanche 8 mai Uttarkashi, Gangotri 77 Lundi 9 mai Gangotri, Rishikech 85 Mardi 10 mai Rishikech 91 Mercredi 11 mai Rishikech 100 Jeudi 12 mai Rishikech 103 9
  • 10. 10
  • 11. Lundi 25 Avril Jaipur Deux jours et deux nuits en Inde. Et tant de choses se sont passées. C’est beau, agressif, à chaque instant déstabilisant. C’est une terre de liberté pour les animaux : chiens, cochons, paons, singes, chameaux, vaches, éléphants… Tous au cœur des Hommes et dans un naturel incroyable. Que dire de ce monde où les hommes comme les femmes se marchent les uns sur les autres, tant la densité de population est élevée, mangent dans les poubelles ; et où les animaux sont respectés comme des dieux. La pauvreté ne s’exprime pas toujours comme on l’imagine. Elle développe les sens. Les personnes que nous avons croisées sont malines et savent tirer profit de toutes les faiblesses, les nôtres entre autre. Ils ont raison, ils nous montrent l’excès dans lequel nous sommes tombés nous « les riches ». Nous consommons, nous sommes des machines à consommer. Les plus touchants sont les enfants, ici les enfants travaillent, 10 ans, peut-être moins. Ils travaillent avec leurs boutiques ambulantes, leurs sacs plastiques dans lesquels ils entassent bouteilles vides, cartons ou autres déchets récupérés un tas d’ordure déjà visité par les vaches et les porcs. Mais ils restent des enfants innocents : Lorsque les adultes essaient de nous vendre quelque chose, eux nous sourient, nous saluent où nous demandent du shampoing. Leur sourire nous fait oublier la dureté du reste. Les femmes sont assez absentes. Elles sont là, on les voit avec leurs saris aux couleurs vives. Mais elles sont loin du contact que l’on cherche à établir avec la population. La vie de la ville semble une affaire d’hommes, le commerce, les courses, tout le paysage urbain est masculin. 11
  • 12. 12
  • 13. 13
  • 14. 14
  • 15. 15
  • 16. 16
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  • 19. Mardi 26 Avril Jaipur, Barhakpur Nous avons quitté Jaipur ce matin après avoir bu un « lassi » en guise de petit déjeuner. Entre autre activité à Jaipur nous avons visité des temples hindous. Notre guide est hindous, il pratique comme la plupart des indiens. Le Monkey temple avec ses innombrables singes a qui nous avons donné de jeunes concombres assez étranges à manger. Ce temple est en pleine nature, il est inséré entre les montagnes. De là coule une source dont personne ne connaît l’origine assure le guide. Deux bassins – celui du haut pour les hommes et celui du bas pour les femmes. Elles sont sur le bord du bassin, assises, à nettoyer, debout, elles se changent ou allongée un peu en retrait. Elles sont toutes habillées de saris aux couleurs étincelantes. C’est vraiment magnifique ces couleurs qui contrastent avec les jaunes et rose pâles des bâtiments. Elles enchantent l’espace et font pour nous, non hindous, de ce lieux un espace divin. Plus tard dans la journée nous sommes redescendus dans le centre de Jaipur à dos d’éléphant. Expérience intéressante ! Enfin nous avons terminé la soirée d’hier dans la famille de notre guide, vraisemblablement sa sœur et sa mère qui nous ont préparées à manger. La jeune fille à épluché par terre au milieu de la terrasse. Pendant que nous buvions, des enfants (et des adultes), arrivaient de partout pour nous regarder. Les enfants de la maison ont dansé pour nous, ils étaient très excités. Nous avons mangé tous les trois avec notre guide par terre au milieu de cette modeste terrasse sous les étoiles. Les femmes nous observaient attentives. Elles surveillaient nos assiettes – dès qu’elles étaient vides elles nous tendaient nans et plats. Silencieuses, curieuses, intriguées et à notre service. On était un peu gênés, partagés entre l’idée de finir les plats par politesse et l’idée que ce que nous venions d’engloutir chacun correspondait à plusieurs de leurs repas. En tout cas ce fut une agréable soirée. Notre premier vrai contact avec un foyer indien. Aujourd’hui donc nous sommes arrivés à Barakpur, temple de l’ornithologie. Entre Jaipur et Barakpur nous avons traversé la campagne du Rajasthan. Le paysage est aride, désertique, mais peuplé, toujours peuplé. Les bergers, les bergères et leurs troupeaux. Un sari rouge électrique, orange ou bleu au milieu des bruns du désert. C’est unique ! Nous voyons en traversant ce désert que même ici l’activité redouble : les camions qui transportent céréales, Hommes et animaux, les kilomètres de briques de terre (gris marron) entassées autour d’une cheminée fumante dans l’attente d’être cuite (elles deviennent alors rouges) et expédiée vers un chantier. C’est un paysage en effervescence. Je n’arrive pas encore a savoir s’il s’effondre, s’il renaît ou si cela annonce pour les prochaines décennies une puissance extraordinaire. La quasi totalité de ce » que nous croisons est en ruine. 19
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  • 21. Le soir nous sommes allés en rickchaw dans le village de Barakpur. En route nous passons a côté de différent étalages sur roue qui propose des fruits et légumes, des jus de citrons… et des bâtiments dont un immense qui a l’air a peu près en état par rapport au reste. Le rickchaw nous dit que c’est une école. Elle est immense ! Le village lui semble très pauvre et tout y est en ruine. Cependant tout semble bien fonctionner. Des enfilades de petites échoppes engoncées les unes à côté des autres et les habitations au dessus. La moitié des toits sont inexistants. Les murs sont sales et à moitié écroulés. Malgré cette pauvreté et toujours cette surpopulation les gens semblent paisibles, allongés sur le sol de leur boutique, à un mètre au dessus de la rue. Les boutiques sont étroites, parfois plus étroites que la hauteur d’un homme qui est obligé de se plier pour s’allonger. Nous visitons deux temples hindous et une mosquée. De l’esplanade du plus grand temple, nous surplombons la ville et les rues. Une vision de ruine. Dans l’encadrement de ce qui devrait être des fenêtres nous voyons des petites filles assise qui discutent sur le rebord du mur crasseux, noir et défoncé. Lorsqu’elles me voient, elles sourient, curieuse. Je leur fais coucou de la main, elles me répondent ravis. 21
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  • 23. Mercredi 27 Avril Barakpur, Agra Il devient très difficile de savoir quel jour nous sommes ! Tôt ce matin nous sommes partis en rickchaw pour profiter de ce qui fait la richesse de Barakpur : Les oiseaux et animaux sauvages. Nous avons vu des douzaines d’oiseaux différents, serpent, antilopes, tortue d’eau, vache bien sur, daim. Le paysage est fait de steppe et au loin la brousse où vit un tigre que nous n’avons pas eu la chance de voir. Notre rickchaw est le même que celui qui nous a fait visiter la ville la veille. Il est très sympa. Une cinquantaine d’années. Il nous explique de nombreuses choses sur la ville la veilles et les animaux aujourd’hui. Il connaît leur nom le chalachite vert, un genre de grosse perruche, le blue ?? noir et bleu, magnifique…) , leur cri, leur couleur, leur sexe. Il les repères là où nous n’aurions jamais regardé… Il plaisante aussi avec nous. Ce n’est pas un rickchay comme les autres, il cumule l’emploi de rickchaw et guide national. Je lui demande s’il a appris toutes ces choses a l’école. Il rit en me regardant et me dit qu’il n’est jamais allé a l’école. Il a tout appris par goût ! L’école est une chose tellement évidente pour nous. Sa surprise quand je lui ai posé la question nous montre comme ici ce n’est pas le cas. Nous rentrons à l'hôtel après 3 bonnes heures de ballade dans la nature. En route pour Agra. Nous nous arrêtons a Sikri, un ville fortifiée Moghol. Cette ville entièrement déserte et de pierres rouges me fait penser à la cité interdite. C’est paisible. De là nous repartons et arriverons à Agra. Nous arriverons encore dans un hôtel trop luxueux qui ne nous aide pas à nous mettre dans l’ambiance de ce pays. Au contraire cela entretiens une certaine distance qui ne nous ravis pas vraiment. Notre première sortie, sans notre guide a vite été écourté. D’une part nous n’arrivions pas à trouver notre chemin. Non seulement nos cartes sont fausses, mais en plus les rues ne sont pas indiquées et quand certains éléments pourraient nous aider, l’écriture est en alphabet hindi et indéchiffrable pour nous. D’autre part l’expérience de la rue seuls sans guide est très difficile émotionnellement. Nous sommes littéralement harcelé en permanence – rickshaw qui nous suivent, nous interpellent, ne nous quittent plus, mendiants qui se collent à nous, femmes, enfants, estropiés… Le tout sous une chaleur et une pollution incroyable. C’est très dur nous cédons et rentrons. Je crois que ce genre de chose est inimaginable pour les français que nous sommes. L’atmosphère est oppressante. Drôle de sentiment que d’être face à ces gens, dans une grande souffrance, visible jusque dans l’atmosphère, qui te demandent peu de choses – quelques roupies, à manger – et que l’on sait qu’il ne faut rien donner sous peine d’être assaillis. 23
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  • 25. Le soir lorsque nous ressortons avec Sushil, le guide, l’ambiance est différente, d’un geste il éloigne tous les rickchaw. Sa simple présence a nos côtés suffit même à les dissuader de nous approcher. Sushil commence à comprendre que nous souhaitons marcher, découvrir l’Inde en étant au plus près de la populations. Jusqu'à présent il était sans cesse à nous traîner dans des manufactures pour nous pousser à consommer. La dernière riche bijouterie où il nous a perfidement emmené prétextant un thé et un chilum chez un ami a lui a jeté un froid. Il l’a vu nous n’avons pas apprécié. IL fait donc ce petit effort. Il nous emmène boire un thé indien « à l’indienne », dans la rue. Nous sommes assis avec des vieux sur des planches à l’entrée d’une petite cour entre deux boutiques ambulantes sur roue, toute bringuebalante et crasseuses. Les vieux rient nous questionnent et rapidement nous proposent quelques substances et autres actes illicites. Toujours dans le but à peine dissimulé de nous extraire quelques poignées de roupies. Nous finissons notre thé tout de même ravis de cet instant au cœur de la rue. Nous repartons à pied dans une petite rue perpendiculaire à l’axe principal. Puis nous tournons à droite de sorte que nous nous retrouvons dans une petite rue parallèle à l’axe principale. Nous débouchons sur une ruelle d’habitations indiennes comme incrustés dans les murs. Cela consiste en une à deux pièces carrés l’une derrière l’autre. La façade des maisons n’existe pas, elles sont totalement ouvertes sur la ruelle étroite. A l’intérieur tout est visible – paillasses, linge, vaisselle. Certaines, les plus modestes sont quasiment vide. Un vieux est allongé sur une paillasse. D’autre sont surchargés d’objets et de photos d’idoles. Tout est bien rangé et propre. Les gens vivent à moitié à l’intérieur et a moitié dans la rue. Cette rue est très colorée – bleue, pourpre, jaune – et propre malgré toutes les activités qui s’y déroulent. Les gens cuisinent sur le pas de l’entrée, par terre. D’autres, un homme lave son linge dans le petit cour d’eau qui parcours la ruelle. Des enfants à moitié nus prennent leur douche dans la rue avec un seau et un bol. De l’eau coule en un long filet d’un tuyau hissé à une dizaine de mètres. Des enfants rient, courent et jouent autour de cette petite cascade. Ils ont l’air heureux. Une petite fille est allongée entre la ruelle et sa maison. Elle écrit le plus paisiblement du monde. Lorsqu’elle nous voit, elle lève la tête, nous fait un grand sourire et nous lance un « hello » très amicale. Toute la vie qui se déroule dans cette petite rue semble d’une grande tranquillité. Ce qui contraste énormément avec ce qui se passe dans la rue principale a quelques mètres de là. On y trouve le chaos des boutiques, la saleté par terre, et la danse folle de tous les véhicules (animal ou à moteur). De cette petite rue caché émerge un sentiment de bonheur une atmosphère de partage (communauté) incroyable malgré l’apparente pauvreté. Voilà peut-être le visage intime de l’Inde, celui qui envoûte. 25
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  • 27. Après ce moment de bonheur qui nous a totalement fait oublié nos souffrances de l’après midi, nous allons avec Sushil sur la terrasse d’un hôtel où nous pouvons voir le Taj Mahal disparaître dans la nuit et la pollution. La terrasse est sur le toit. Nous nous asseyons a une table et y restons une dizaine de minutes. Puis nous changeons de place pour être au centre de la terrasse où nous sommes seuls. Il fait encore chaud, la nuit tombe. Nous finissons nos bières (Indian beer = Kingfisher)quand le guide nous dit que nous allons descendre manger à l’intérieur. Nous étions bien en terrasse donc Nicolas demande pourquoi nous devons redescendre ? Effectivement le cadre était magnifique et idéal. Moins de trente seconde après la question de Nicolas, le vent s’est levé et est devenu très violent. Nos sacs s’envolaient, la nappe et tous les couverts, assiettes et verres emmenés avec. Une partie du toit, un grand panneau en métal, à cédé et s’est littéralement envolé et est venu rebondir sur la première table où nous nous étions assis avant de basculer dans le vide pour aller s’écraser sur le sol 4 étages plus bas. Plus bas où les étalages fragiles, les toits en planches, les boutiques toute entières résistaient difficilement pour certaines, cédaient pour d’autres. Vent, sable, objets, papiers… Nous venons de vivre une tempête et avons frôlé la décapitation ! 27
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  • 29. Jeudi 28 Avril Agra Une personne me manque. Bon anniversaire Sonia ! Nous voilà embellis d’une année tous les deux. Notre premier anniversaire commun – toi en France et moi en Inde. Je pense à toi depuis ce matin. Je te dédie cette histoire : Shah Jahan, petit fils d’Akbar Shah Jahan, fut roi de l’Inde au XVIIème siècle et féru d’architecture. L’Inde compte parmi ses trésors plusieurs œuvres architecturales commandées par ce roi. Notamment toute une aile du fort d’Agra. Celui-ci est si important que les rois et empereurs en ont souvent fait leur résidence. L’inde compte un autre de ces trésors, encore plus unique, une pure beauté. Ce bâtiment est au centre de notre histoire. Shah Jahan aimait particulièrement le marbre et la marqueterie sur marbre blanc. Ses œuvres même si elles s’inscrivent dans des monuments massifs et guerrier, comme le fort d’Agra, elles restent fines, d’une grande beauté et très singulières. Shah Jahan fut marié deux fois. Il aima sa seconde femme d’un Amour indicible. Alors qu’elle allait le combler d’un enfant elle mourut en couche en 1631. Sa femme son Amour s’appelait Mumtaz Mahal. Le sombra dans le désespoir et la tristesse la plus profonde. Il entrepris donc d’offrir a son Amour défunte un caveau à la hauteur de son Amour. Il souhaita faire construire un mausolée unique de marbre blanc entièrement marqueté de pierres semi-précieuses. Pour cela il mit toute sa puissance au service de cette œuvre qu’il entreprit en 1631. Il s’entoura des meilleurs architectes d’Europe. L’architecte en chef Maître Issa un iranien. La légende dit que Shah Jahan voulut que l’architecte ressente toute la douleur qu’il pouvait éprouver afin qu’il construise un bâtiment dont la beauté et l’intensité égaleraient cette douleur. Ainsi il fit assassiner la femme de l’architecte ! 200 000 ouvriers travaillèrent à édifier l’impensable. Il fallut attendre 1653, soit 22 ans avant que ce chef d’œuvre fusse achevé et que Mumtaz Mahal puisse y reposer. Ce bâtiment est au bord du fleuve Yamuna. Il est inscrit dans un espace de plusieurs centaines de mètres. Les sous bassement entièrement en marbre représentent un carré de 100m de côté. Il est surmonté d’un bâtiment de marbre blanc fin marqueté de pierres semi-précieuses et de dentelles de marbre qui fait plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Sa beauté est ineffable. Le soleil qui arrose cet édifice de ses rayons lui donne milles teintes de bleu ou rose en passant par violet. Le bâtiment est composé de quatre coupoles qui encadrent un immense dôme. Le dôme au centre duquel se trouve le cénatope (tombeau) de Mumtaz Mahal. Parallèlement à cet ouvrage Shah Jahan à fait construire dans le même marbre un peu plus loins sur le Yamuna le fort d’Agra, d’immenses appartements pour lui et sa cour et des mosquées. Ses appartements donnaient sur le Yamuna et bien sur sur le mausolée de sa femme. Sah Jahan continua de diriger son royaume. Son fils Avrengzeb Jahan, très ambitieux, prit une part importante dans la vie du royaume jusqu'à ce qu’il renverse son père. 29
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  • 31. Il le fit enfermé en 1658 dans ses appartements. Sah Jahan resta prisonnier dans ses appartements à regarder sa femme sur la Yamuna jusqu’en 1666. date où il mourut après huit ans d’enfermement. Sah Jahan put enfin rejoindre sa femme après 35 ans de séparation dans cette demeure éternelle. Il s’agit du Taj Mahal. Le Taj Mahal est à la démesure de l’Amour de cet homme, roi de l’Inde, pour sa femme. Le Taj Mahal est le bâtiment que nous avons visité ce matin. Un grand moment d’émotion ! Nous sommes allés ensuite au fort d’Agra où nous avons vu les appartements de Sah Jahan. L’après midi Pierre et moi avons tentés une sortie seuls dans les rues. L’expérience à été plus concluante que la veille, nous prenons nos marques. Le soir le guide nous pose un lapin ! Donc nous entreprenons d’aller seul en touctouc dans un quartier a priori intéressant – le Taj Ganj – Le quartier est effectivement des plus pittoresque et accueillant. Nous arrivons jusqu’au restaurant sans trop de problèmes. Nous sommes assez content (et fier de nous). Nous sommes encore sur le toit d’un hôtel, très modeste cette fois. Nous avons une vue sur tout le quartier et même plonger nos regards indiscrets par la fenêtre de certaines maisons – des femmes coiffent leurs longs cheveux… En rentrant nous allons dans un cyber essayer d’envoyer quelques mails pour rassurer tout le monde. J’ai Sonia au téléphone je suis très content. Le temps nous manque mais on peut échanger quelques mots. Je lui donne mon premier sentiment sur l’Inde et quelques anecdotes. Elle me manque. D’entendre sa voix toute douce et de la savoir loin me rend triste. J’aimerais la tenir dans mes bras… 31
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  • 33. Vendredi 29 Avril Agra Je suis en ce moment dans le train pour Varanassi (Bénares), ce qui explique mon écriture tremblante. Nous avons passés la moitié de la journée en tractations et formalités pour préparer la suite du voyage (dans un tour opérator). Réservation de billets, planification, calculs, négociations… Ici tout est négociable sans exception. J’ai oublié hier de mentionner un épisode « tragi-comique ». Nicolas, le seul d’entre nous trois qui n’a pas eu de vaccination antirabique s’est fait mordre par un singe ! Nous ne nous sommes pas trop inquiétés au début. Nous avons même ris de la cocasserie de l’histoire. Puis lorsqu’on en a parlé à Sushil, son regard nous a fait comprendre la gravité de la situation. Donc nous sommes allés aujourd’hui dans un hôpital pour qu’on lui fasse une injection d’antirabique. On lui a donc fait l’injection. Le problème c’est qu’il y a 5 injections à effectuer à des dates précises. Première difficulté avoir un médicament à la date voulue. Il ne se vend que dans peu d’endroits ici et ne se conserve qu’a 4°C ! Le 6 mai où nous serons dans l’Uttar anchal nous risquons de ne pas en trouver. Or il lui faut une injection ce jour. Deuxième difficulté je vais devoir lui faire l’injection (intramusculaire). Tout cela rajoute un peu de piment à ce voyage déjà très très épicé. Une fois libéré de ces formalités administratives et hospitalières nous décidons de retourner dans le Taj Ganj. C’est un mélange entre le souque et le bidonville avec des couleurs vives en plus. Nous sommes plus détendus que d’habitude parce que les gens se contentent ici de nous dévisager sans nous solliciter. A chaque coin de rue l’espace se rétrécie. Nous sommes au cœur du Taj Ganj. D’un commerce à l’autre les odeurs changent. Les odeurs sont très fortes. Depuis notre arrivée en Inde nous sentons une forte odeur, un peu étrangère. L’odeur de la pauvreté et de l’Orient mélangés. Je crois que nous nous sommes un peu habitués à cette odeur ambiante car son timbre générique nous le sentons presque plus. Nous sentons s’exprimer maintenant les nuances, les variations, celles des épices, des plantes aromatiques, des différents plats qui mijotent dans de grandes gamelles, de la pourriture, de l’urine, de la fumée qui s’échappe d’un tas d’ordure (c’est ainsi qu’ils font disparaître pas mal d’ordures, en les brûlant à même le sol dans la rue). Les rues sont étroites, chargées de commerces et de toiles tendues au dessus des étalages. Mais il se dégage une certaine beauté, une harmonie. 33
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  • 35. Par endroit tout est assez calme, chacun attend assis par terre ou allongé dans son commerce en discutant ou en travaillant. Mais ailleurs les étalages toujours à même le sol débordent d’activité – des hommes soudent, balaient, coupent du bois, trient les déchets, tapent, sculptent – je rappel que tout ces étalages sont collés les uns aux autres. Ce qui ressemble à une danse rythmée par les gestes de chacun et les sons de chacune de leurs activités. Ce quartier est réellement très agréable mais nous devons rentrer car un train nous attends. Notre train est à 20h34 (normalement !). Mais comme les routes et la circulation sont imprévisibles, notre chauffeur préfère partir d’Agra vers 17h30. Il n’y a pourtant que 30km a parcourir. En fin de compte nous ne mettons qu’une heure, à peine plus. Arrivé à la gare nous sommes un peu perdus. Nous souhaitons manger mais il ne semble y avoir que deux bouibouis sombre et très crasseux. Nous avons quelques doutes quant à la qualité de la nourriture pour nos fragiles estomacs d’européens. Un genre de hangar avec un grand panneau aux chiffres et noms en hindi incompréhensible sert de hall de gare. Les bancs sont pleins d’indiens, beaucoup allongés qui dorment. Dehors des vieux installent un tapis, déposent devant eux deux photos, une bougie et se lancent dans une petite cérémonie particulière. Nous décidons d’aller dans un des deux bouibouis, nous sommes équipés : Imodium, Motilium… Ils semblent n’avoir qu’un seul choix : « Rice Sapati » ? Nous ne savons absolument pas ce que c’est ! Nous en commandons trois. Il s’agit en fait de riz blanc qu’un garçon derrière une marmite noir prend a pleine main pour le mettre dans nos assiettes. A cela il ajoute une sauce vert foncée qui semble être a base d’épinard. Pas mauvais ! L’heure du train approche et il est temps de trouver le quai n°3. Je suis les indications de notre chauffeur qui nous avait expliqué comment trouver ce quai. Et oui !!! Sur les quais pas de numéros, pas de repères, pas grand chose en fait On est encore Plus perdu Un vieil indien nous voit dans l’embarras et vient à notre rescousse, c’est un porteur, il nous indique un quai qui ne correspond pas à celui qu’on pensait être le 3. On apprend de surcroit que notre train a 30 minutes de retard et qu’il n’arrive pas a9h30 mais à 9 heures le lendemain. Des trains passent bondés des gens dépassent des trains, empilés. C’est comme si le train vomissait des gens. Là on a peur, dans l’hypothèse où l’on arriverait à trouver notre train (ce qui n’est pas sur !) de ne pas avoir de place pour nous et nos bagages. Finalement le train arrive sur un autre quai que celui du porteur. Il avait pris les indications sur notre billet et là on se rend compte qu’il ne sait pas lire et donc, il ne sait où sont nos places, notre wagon et notre train jusqu’à présent. Bon il se fait aider par un contrôleur, nous conduit dans le train et nous demande 30 roupies. 35
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  • 37. Samedi 30 Avril Vanarasi [Aucun trouble digestif du au repas de la veille.] Finalement notre train arrive vers 5h00 du matin. Quelqu’un nous conduit à l’hôtel Siddharta. Je suis curieux et anxieux à la fois à l’idée de découvrir seul Vanarasi , mais l’envie est trop forte je repars seul de l’hôtel (les autres dorment) pour Vanarasi dans l’idée de voir la Gange. Je marche pendant 1h30 dans les rues, je me perd un peu et je n’ai pas un roupie sur moi pour rentrer en rickchaw. J’insiste et retrouve enfin mon chemin. En effet, dans les rues tout est écrit en hindi donc on ne peut rien comprendre et cette ville est trop inconnue pour que j’ai pu mémoriser le moindre repère, résultat, je n’ai pu trouver le Gange. L’après midi nous nous lançons dans notre première journée sans guide, seuls dans les rues de la frénésie de cette ville sainte. Les grandes rues recrachent à un rythme incessant des toutoucs, des gens, des rickchaws, des vélos. Plus aucun ordre, plus de règles il faut passer c’est au plus fort ou au plus déterminé que reviens la priorité. Tout défile comme si toute cette vie était portée par le courant d’un fleuve, pas d’arrêt pas de stop, le flot coule. Dans ce flot nous sommes arrêtés par différents types qui souhaitent nous vendre des choses, nous attires dans leur magasin, nous vendre des produits illicites ou simplement nous guider moyennant bien sur quelques roupies. Nous arrivons près du Gange, nous ne le voyons pas encore mais l’excitation est grande. La légende dit que le Gange est né des dieux de Vichnou puis Shiva qui emprisonna Le fleuve dans sa chevelure avant de le libérer sur la terre. Il est au cœur de la vie et de la mort des indiens. Ça y est nous voilà devant le fleuve. On est impressionné excité. Tout au long du fleuve est constitué de ghât au niveau à Vanarasi Ce sont des espaces qui débouchent sur le fleuve. De grandes marches pour descendre. C’est là que les hindous prient, se lavent pour se purifier, font leur vaisselle, déposent des offrandes. On voit des buffles dans l’eau et sur les marches. Il n’y a pas beaucoup de monde car il est déjà tard. Les indiens se lèvent à l’aube ici c’est vars 4 h00 du matin. Sur ces ghâts, nous croisons beaucoup d’hommes saints habillés en orange, aux cheveux et à la barbe longue, des mendiants des estropiés, des malades qui nous sollicitent pour quelques roupies. Nous avançons et voyons au loin des brasiers ! 37
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  • 39. On s’approche, oui c’est bien ça nous sommes dans un ghât de crémation. C’est impressionnant : des corps attendent sur le sol dans des linges d’autres brûlent. L’odeur me rappel celle des salles de dissection en médecine. C’est assez désagréable. Des gens préparent un bûcher. D’autres amènent un corps enveloppé et le trempe dans le Gange ; d’autres tapent à grand coup de bâton sur les corps calcinés pour qu’ils finissent de brûler. Des enfants jouent à côté ou ajoutent des bûches sur un brasier. Tout se passe dans une totale indifférence vis-à-vis de ces corps morts. Ce qui est étrange. Je suppose que la phase de deuil à lieu avant. A cet endroit le corps ne représente plus rien, il faut le faire disparaître pour libérer l’esprit du mort. Nous restons là a regarder à regarder les corps brûler quelques instants avant de poursuivre notre chemin. De ghât en ghât nous voyons aussi pas mal de pêcheurs assis sur une pierre et des enfants jouer sur des tas d’ordures. Nous nous asseyons au bord de l’eau sur une grande marche et contemplons le paysage. L’envie est trop forte je me déchausse et mets les pieds dans le Gange. Les autres me suivent timidement. Ça y est nous sommes entrés en contact avec le fleuve sacré ! Nous restons là encore un moment à contempler, assis, quand une petite fille mignonne comme tout surgit et nous tends un panier en nous disant d’une voix très douce « Good Karma, good Karma ». Dans le panier se trouvent quatre petits réceptacles confectionnés avec des feuilles séchées et de la taille d’un bol. Dedans des fleurs orange, de cette couleur des hommes saints. Et au centre une petite bougie. La petite fille nous sourit. Elle est si mignonne, nous lui faisons un « oui » de la tête. Alors elle prend trois des petits paniers de fleurs, les pose sur une marche et les allume délicatement. Elle nous les tends et nous fait signe de les déposer dans le Gange, ce que nous faisons. Nous les regardons flotter. Nous lui donnons cinquante roupies pour ses petites fleurs. A ses yeux et son étonnement nous comprenons que c’est beaucoup trop, nous insistons car cette petite fille est vraiment charmante. Du coup elle allume une quatrième petite bougie, elle nous la tend, mais nous l’invitons à offrir elle-même ce petit panier au Gange. Nous regardons les quatre paniers de fleurs s’éloigner sur le gange. Un instant plein de douceur, un instant magique. Nous poursuivons notre ballade de ghât en ghât, de bâtiment en bâtiment, de temple en temple. Petit retour en ville pour acheter de l’eau. Nous buvons beaucoup d’eau car il fait chaud, très chaud. On en profite pour s’arrêter dans un cyber. J’ai Sonia sur messenger, ça me fait beaucoup de bien. De retour sur les ghât nous faisons le chemin inverse. Retour à la « carmination place ». Toujours ce défilé incessant de corps morts. Nous nous asseyons pour peut-être comprendre quelques gestes de ce rituel. 39
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  • 41. Les corps arrivent sur un genre de civière en bambou porté par quatre hommes. Le corps est totalement recouvert de linges, de fleurs. Il y a des tissus ordinaire et d’autres dorés. Ce corps emmailloté est immergé dans le Gange quelques secondes puis ramené sur la berge où il sera abandonné parfois deux heures le temps de mettre en place le bûcher. Bûche par bûche les hommes de la famille vont construire un bûcher à la longueur et à la hauteur variable. Le corps est ensuite dépouillé de quelques linges, disposé sur le bûcher, recouvert de quelques bûches. Là un homme à la tête rasée sauf une petite mèche à l’arrière du crâne arrive avec un petit flambeau. Il fera cinq fois le tour du bûcher avant d’y mettre le feu. Une fois allumé d’autres hommes seront responsables de la bonne combustion en entretenant le feu à l’aide d’un bambou. Les hindous croient en la réincarnation. Toute cette cérémonie a pour but de purifier le corps en le trempant dans le fleuve sacré et ensuite de libérer l’âme du défunt afin qu’elle puisse s’élever vers le ciel et réintégrer un nouveau corps, humain ou non. Une âme doit ainsi suivre tout un cycle de réincarnation pour atteindre l’état de grâce et mettre fin ce qui met fin ce cycle. Six catégories de personnes sont considérées comme pures et peuvent donc être jetées directement dans le Gange sans être incinérées – les bébés, les femmes enceintes, les lépreux, ceux atteint de la variole, les mort par piqûre de serpent et les sadhus (?). Le feu que porte l’homme rasé est un feu sacré conservé dans un temple au dessus du ghât. Ce feu n’a cessé de brûler depuis plus de deux mille ans. (*feu dieu ?) Il faut trois cent cinquante kilos de bois et trois heures pour brûler un corps. Lorsque le corps est brûlé l’âme est libérée. Le bois s’achète sur le ghât. IL est cher et assez rare dans cette région, ce qui fait que les plus pauvres ne peuvent pas s’acheter suffisamment de bois... Au moment où nous observons, il y a justement deux cas qui se présentent. Celui d’une famille probablement riche car le corps est bien emmailloté totalement recouvert de bois. Mais à côté le spectacle est tout autre, plus violent, inconcevable : un vieil homme repose sur un bûcher allumé, il n’est absolument pas emmailloté, son corps est visible ! Le bûcher laisse apparaître toute la tête et les jambes à partir du haut des cuisses. Le corps sous mes yeux se consume. Des enfants jouent autour. Ils déposent un morceau de bois de temps en temps. C’est surréaliste. Ce corps visible en train de brûler. Les jambes dans le vide, la tête. Les enfants qui jouent autour. Des hommes qui discutent, rient, impassibles, détachés. D'autres hommes qui pêchent plus loin ou se baignent. C'est fou ! Je regarde là et suis assez déconcerté. Ceux qui n'ont pas assez d'argent et donc de bois, comme ce vieil homme ne brûlent donc pas entièrement. Les restes sont jetés aux poissons dans le Gange. Il est dit que les poissons qui mangent ces chairs humaines pourraient se réincarner en Homme. 41
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  • 43. Je n'ai pas encore rencontré le comble de l'horreur, ce que nous avons vu et qui nous à le plus choqué sur cette place : il semble réellement que le corps n'ai plus aucune signification pour les hindous à ce moment. L'âme étant libérée, le corps n'est que déchet. Et ce déchet pourtant si particulier sert comme tous les autres déchets à alimenter la vie. Ce sont les chiens qui se régalent de ces restes inhabituels. En toute quiétude sous les yeux de tous, ils se régalent de corps d'hommes à moitié brûlés. Un chien s'empare de quelque chose, traverse le ghât dans notre direction. Vision d'horreur, il tient dans sa gueule un bassin humain totalement décharné avec une partie de la colonne vertébrale qui traine dans la terre. Il passe à côté de nous. Nous n'en croyons pas nos yeux ! Nous quittons ce ghât un peu choqué et silencieux pour un ghât où doit se dérouler une cérémonie pour le Gange. L'atmosphère y est toute autre. Nous retrouvons une foule de personnes, des centaines, des couleurs vives. L'ambiance est festive. Musique traditionnelle et chant religieux. Nous sommes tous assis face au Gange, la cérémonie dure pas loin d'une heure. Des enfants courent et jouent. Beaucoup viennent vers nous pour essayer de nous vendre des cartes postales ou des petits pots de peinture et tampons. Il y a des hommes saints partout. Ce sont en général des vieux (mendiants) cheveux et barbe grise longue vêtus de tissus orange. Ces couleurs, ces saris, cette musique, toute cette effervescence nous a fait oublier notre traumatisme. Nous nous sentons si bien que l'on s'avance pour se mettre au plus près de la scène principale. Je suis résolu a me laisser pénétrer. Je souhaite faire plus que de rester un simple observateur, je veux participer. La cérémonie commence. Cinq hommes plutôt jeunes et vaillants vont face au Gange effectuer des gestes rituels avec des sortes de plumeaux, des coupelles qui libèrent une épaisse fumée d'encens et enfin d'autres coupelles en argent à tête de cobra enflammés. Le tout au rythme des chants, des gongs et de dizaines de clochettes agités par des femmes. A la fin de leur danse les cinq hommes passent parmi nous et distribuent des fleurs d'offrande. Nous ne savons pas trop si nous pouvons nous permettre d'aller plus loin dans notre participation. L'homme s'approche de moi – j'hésite une seconde. Il me regarde... Je lui tend mes mains et il dépose une poignée de fleurs orange et jaune dans le creux de mes mains. Le chant envoutant de toute la foule reprend. Nous essayons de comprendre ce qu'il se passe. Nous sommes là avec nos fleurs dans les mains. Les cinq hommes finissent par souffler dans un gros coquillage au son sourd de corne. Ce qui annonce la fin de la cérémonie. Tous les gens se lèvent et en file indienne se dirigent vers le Gange. Je suis décidé à aller jusqu'au bout. J'entre dans la file sans savoir ce qui m'attend, sans savoir ce qu'il va falloir faire. J'observe devant moi ce que font les gens et j'essaie de reproduire les gestes simples qu'ils effectuent. Je dépose ensuite les fleurs dans le Gange délicatement. Je remue l'eau, j'en prend un peu dans le creux de ma main et me la verse sur la tête d'avant en arrière, deux fois. Puis je retourne sur la place. 43
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  • 45. Voilà la seconde offrande de la journée faite au Gange, celle-ci et celle que la petite fille nous a donné l'occasion de faire plus tôt. Varanassi, ville mystique, pleine de contraste. Cette culture est profondément différente de la nôtre, avec des codes qui parfois nous choquent mais qui ont un sens ici peut être plus qu'ailleurs. 45
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  • 47. Dimanche 1er mai Sarnath, Varanassi Le matin je suis légèrement patraque. Je déjeune mais difficilement. La veille le réceptionniste de l'hôtel nous a parlé d'une ancienne cité bouddhiste crée autour du lieu où Bouddha après avoir reçu l'illumination a fait son premier discours public sous un arbre. Une place sainte, un lieu de pèlerinage aujourd'hui. Effectivement j'ai lu dans un livre du Dalaï Lama que le premier discours public, le premier tour de la roue du Dharma avait été prononcé près de Varanassi, point de départ de la diffusion du Bouddhisme dans toute l'Asie. Ce au VIIème siècle avant J.C. Donc le samedi mon excitation est immense à l'idée d'aller sur ce lieu qu'a foulé Bouddha, et où il fit naître cette philosophie, un des mode de pensé les plus sain. Nous allons a Sarnath en taxi. Mes troubles digestifs se précisent. J'ai même la nausée dans le taxi. Mais bon, j'ai l'espoir que cela passe. Arrivé à Sarnath, un Bouddhiste bénévole (Ashok) nous accueille et nous propose de nous guider. Nous le suivons et buvons ses paroles. Enfin ! Je ne vais vraiment plus. Cela ne fait pas dix minutes qu'il a commencé ses explications que ça y est je le sait je vais vomir. Le temps pour nous de faire comprendre mon état au guide et lui demandant si je voulais les toilettes « one or two », je n'ai pas le temps d'arriver aux toilettes je vomis en pleine course dans l'allée principale du site. A partir de la mon état n'a fait que s'aggraver. J'ai vaguement voulu continuer ensuite a suivre l'histoire de cette cité si importante a mes yeux. La découverte de l'arbre sacré, la visite d'un temple... Mais la fièvre est montée. Le brouillard. J'ai vomi a nouveau, bile sang. Nous sommes ensuite rentré à l'hôtel. J'ai cependant pu voir ce lieu paisible et tranquille en comparaison avec Varanassi. J'ai pu aller auprès de l'arbre sacré où Bouddha a délivré son message dans un mélange de douleur et de grande émotion. J'ai probablement fait une déshydratation . Je suis resté toute la journée au lit – très mal. C'est déjà difficile d'être malade chez soi, mais là à moitié inconscient à plus de six milles kilomètres de chez moi, de mes proches, dans ce pays difficile – j'ai été pris de doutes, tout était insupportable. La moindre odeur me donnait la nausée, les klaxons incessant dans la rue me rendaient fou. A ce moment j'ai profondément eu envie du seul réconfort de celle qui m'attendait en France. L'Inde me recracherait-elle ? Est-ce un signe ? J'ai même dans a tête, poussé par la douleur pensé à écourter mon séjour en envisageant les différentes possibilités d'annulation de train et d'échange de billet d'avion. Sonia, je ne pensait qu'à la retrouver... 47
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  • 49. Lundi 2 mai Varanassi Je me réveille légèrement barbouillé mais beaucoup mieux que la veille. Les litres d'eau citronnée que j'ai bu, l'encefuril et le motilium m'ont apaisé. Cependant hors de question de manger – tout m'écœure. Malgré cela je me sent bien, très bien. Nous allons en direction des ghâts dans le but de faire un tour en bateau sur le Gange. Dans les rues, toutes les angoisses, les tensions, les agressions que nous ressentions auparavant ont pour ma part totalement disparu. Je suis bien, très bien à Varanassi, à l'aise. Cette ville est superbe ! Peut-être ai-je passé avec succès cette épreuve. Je suis passé à l'étape, à l'épreuve suivante. L'Inde m'a accepté, a moi maintenant de la trouver. Je suis réellement serein contrairement à la veille. Nous arrivons sur les ghâts et montons a bord d'une barque en bois. Les rames sont en bambou au bout desquels sont cloués des planches usées, lissées, polies par les kilomètres sur le fleuve. Nous nous éloignons de la berge habité (l'autre berge ressemble à un désert). Varanassi s'étend sur une seule berge comme si le fleuve formait une barrière infranchissable. Du bateau nous prenons conscience de cette opposition entre le vide et l'abondance, entre l'inertie et le mouvement. D'ici la ville se dresse devant nous – les ghâts avec leurs hautes marches surplombés de temples, de ruines magnifiques de résidences magnifiques. Cet alignement est haut et impressionnant, puissant, comme un mur d'enceinte, une forteresse. Il rame tranquillement dans le silence, a peine perturbé par le bruit des rames qui pénètrent dans l'eau. Il ferme les yeux comme s'il dormait tout en ramant le plus paisiblement du monde. Nous voyons la ville défiler au fur et à mesure que nous descendons le fleuve. Chaque bâtiment a sa propre couleur bien que la tendance générale soit au pourpre. Certains sont de couleur de pierre grise, d'autres sont beiges. D'autres encore sont décorés de vaches et de divinités sculptés ou peintes en rouge et bleu. Nous avons encore en tête le ghât de crémation de la veille avec tout le déroulement et les « déchets » humains dans le Gange. A chaque fois que nous voyons quelque chose au loin flotter, nous nous interrogeons ! Mais sans réellement penser que cela soit possible. Le bateau glisse sur l'eau et nous croisons bambous, offrandes de fleurs, déchets ménagers... Et au loin une chose gonflée comme un ballon qui semble se rapprocher du bateau. Nous nous regardons et essayons d'identifier la chose au fur et à mesure qu'elle se rapproche. Un cadavre oui ! Mais un cadavre de chien boursouflé. Nous avons croisé plusieurs cadavres de chien dans la ville, sur le marché, un chien en train de se dessécher au soleil, dans les rues un autre, près de l'hôtel, et encore un près d'un ghât. Tous les animaux ici sont très calmes, surtout les vaches. Et que ce soient les chèvres, les buffles, les singes, tous vivent au milieu des Hommes en parfaite harmonie. Les uns comme les autres s'ignorent et vivent leur vie en se respectant. 49
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  • 51. Sauf, sauf curieusement les chiens qui sont très souvent agressifs et très maladifs. Je crois qu'ils sont tous rongés par la maladie de leur peau jusqu'au fond de leur yeux plein de pu et probablement par le rage. Depuis la morsure de Nico par un singe et devant l'hostilité des chiens nous adoptons une attitude des plus méfiante. Nous passons aussi loin que possible des chiens. Nous poursuivons donc notre ballade sur le Gange après cet interlude macabre. Nous passons a côté de troupeaux de buffles immergés au pied des ghâts. Parfois un homme sur le dos d'un d'entre eux le brosse pour le laver. Les buffles n'ont d'émerger que la tête avec leurs grosses cornes en spirale. D'autres buffles parcourent les ghât sur ces grandes marches. Tout est si paisible et tranquille d'ici. Nous voyons a nouveau une chose étrange qui attire tout de suite notre attention et qui se rapproche du bateau. Encore un chien gonflé ? Pensions nous ! Mais non ! Cette fois ce n'est pas un chien. Nous sommes muets et très choqué quand « la chose » longe le flan du bateau a deux mètre environ. Non là plus de doute ! Il s'agit d'un être si pur dans la tradition indienne qu'il n'est pas nécessaire de brûler son corps. En le jetant simplement dans le Gange son corps sera libéré. Ce n'est donc pas qu'une légende ou une tradition abandonnée. Cette façon de faire a toujours cours. Nous venons de croiser le corps d'un bébé qui flottait sur le ventre. Nous poursuivons notre route. Nous ne sommes ici à l'abri d'aucune surprise. Le batelier nous dépose sur la berge. Nous avons du parcourir deux kilomètres ou plus en descendant le fleuve. Nous refaisons donc tous le chemin inverse en parcourant les différents ghâts à pied. Nous sommes à l'écart du centre et l'ambiance est beaucoup moins survoltée. Nous croisons toutes sortes d'animaux, des Sadhus, des femmes qui étendent d'immenses bandes de tissu à même le sol après les avoir lavé dans le fleuve. Très agréable ballade de retour. Nous passons par la vieille ville. Les rues sont très étroites et sans réelle symétrie – un peu moyenâgeuse – s'y entassent boutiques, étalages, habitations, des gens par terre, des vaches qui déboulent dans des rues si étroites qu'on a du mal à s'y croiser ! Cet endroit est un vrai labyrinthe dans lequel naturellement nous nous perdons ! Sans jamais rebrousser chemin nous arrivons sans le vouloir à repasser par trois fois au même endroit. Nous en profitons pour faire quelques emplettes avant de retourner au ghât principal, notre point de repère, celui de la cérémonie de la veille. Là, comme à l'accoutumée des hommes nous saluent par un « Hello ! » et nous tendent la main que nous leur serrons. Ils commencent a nous la malaxer puis ils nous font asseoir. Pourquoi pas ! Deux minutes après nous voilà allongé sur un vieux sac de toile au milieu du ghât pour nous faire masser. Nico et Pierre avaient parlé de vouloir se faire masser donc nous nous sommes laissé entrainé tous les trois dans cette nouvelle aventure même si ce n'étais pas trop de mon goût. Ils ont exploré notre corps du sommet du crâne au bout des orteils pendant près de quarante cinq minutes. 51
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  • 53. Un massage drainant selon eux qui devait nous détendre pendant plusieurs semaines. J'ai trouvé ces palpations un peu douloureuses parfois. Pour les pieds c'était assez agréable. Nous rentrons ensuite en ville et à l'hôtel car nous prévoyons de nous lever à quatre heure du matin pour voir le lever du soleil sur le Gange. C'est a ce moment que le paysage est le plus intense et que la communion entre les gens et le fleuve est la plus forte. 53
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  • 55. Mardi 3 mai Varanassi – train Toute petite nuit. Nous avons du nous coucher vers minuit pour un réveil à quatre heures du matin. Ce matin le réceptionniste de l'hôtel ne s'est pas trompé sur l'horaire contrairement a la veille où ils nous avait réveillé une heure trente trop tard – cinq heure trente – nous nous étions donc rendormis le soleil s'étant déjà levé. A quatre heure vingt nous sommes en route pour ne rien rater. Nous prenons un rickshaw à trois pour ne pas perdre de temps. Il est très tôt, il fait encore nuit et pourtant il y a des gens un peu partout dans la ville qui s'activent déjà. La journée commence tôt ici car le soleil se lève tôt et durant la journée la température est difficile a supporter. Les boutiques sont encore fermées. Des gens dorment partout dans les rues, dans les rickshaw, dans les touctouc, par terre et même;sur des étales de marché. Certains ballaient un peu partout. J'ai remarqué que malgré la saleté apparente, les indiens nettoient et ballaient en permanence. La ville est salle et de façon générale toutes les villes car tout est jeté n'importe où dans une nonchalance déroutante, pas de poubelles ni structure de nettoyage. Par conséquent, chacun avec son petit balai nettoie son espace et forme un petit tas d'ordure qu'il brulera ensuite ou qui viendra grossir un autre tas d'ordure en attente. Les animaux se régalent de ces ordures. Les vaches qui semblent très friandes du carton, les cochons, les chèvres... Le balai indien se compose d'une poignée de brindille attachés entre elle. IL ne mesure pas plus de cinquante centimètres de long ce qui oblige pour balayer a se plier littéralement en deux. Nous arrivons sur le ghât, il y a des gens partout mais pas encore en très grand nombre. Certains font leur toilette dans le Gange pendant que d'autres prient dans l'eau en effectuant des gestes et mouvements rituels. Les brahmanes ou ce que nous prenons pour des brahmanes préparent les différentes mixtures pour « bénir » et aposer ces tâches superposées qu'arborent les hindous sur leur front. Ce sont des poudres rouges, oranges et blanches diluées et mélangés a l'eau du fleuve qui formeront une pâte plus ou moins liquide. A peine arrivés une petite fille se presse vers nous pour nous proposer d'acheter des offrandes – un panier en feuille de bananier avec dedans des fleurs orange et blanche et une petite flammèche qui brûle au milieu. Nous en achetons trois. Vingt roupies chacune, ce qui est un peu cher mais nous cédons volontiers à l'idée de participer a nouveau à la vie de ce lieu. Il n'est pas encore cinq heure du matin que nous avons donc déjà fait notre première offrande au Gange. A peine le panier déposé à la surface de l'eau un brahmane vient se dresser devant nous, dit quelques mots en hindi, une prière probablement et dépose avec son doigt rouge sur notre front une première tâche colorée. Nous sommes maintenant bénit par un brahmane. Il nous en coûtera cent roupies. Nous faisons quelques pas pour nous asseoir sur les marches. 55
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  • 57. Un autre brahmane surgit devant nous. Quelques prières en hindi à nouveau et une nouvelle tâche, orange cette fois-ci, vient se superposer à la rouge. Lui nous en fera une également sur le sommet du crâne. La vies est ainsi faite ici, de croyance, pratique, religion, cérémonie, rituel. Nous sommes au cœur. Nous restons assis bariolés et amusés a regarder le Gange et la ville s'éveiller. La foule gonfle et arrive près de l'eau, se déshabille et se baigne. . Chacun va ensuite de sa propre volonté voir les brahmanes près de leurs modestes installation faite d'un parasol de feuille tissé, d'un tapis au sol et de petits récipients et coupelles en métal qui contiennent les poudres et pommade. D'autres resteront là assis comme nous sur les marches. Des offrandes de fleurs par dizaines avec ces petites flammes qui glissent ensemble sur le fleuve comme dans un ballet de lumière orangé. L'eau semble le centre de tout. Elle est récupéré, bu, versé sur les têtes ou simplement emporté dans des cruches en métal. Le soleil se lève progressivement. Sa lumière doré et chaude se reflète sur l'eau depuis l'autre rive désertique jusque sur les gens qui se baignent. Les femmes immergées portent des saris aux couleurs vives, rouge, bleu, orange, jaune... Elles sont immergées jusqu'aux cuisses dans ce bain de lumière où elles répètent des gestes rituels qui ressemblent à une danse. Autour de nous certains méditent profondément dans la position du lotus, leur corps simplement drapés d'un grand linge. C'est impressionnant, envoutant. Les sadhus, ces hommes oranges ont envahis l'espace. Ils sont assis, contemplent ou discutent entre eux. Toute la vie s'éveille avec le Gange au rythme du soleil. Cette ville est le Gange, le Gange est cette ville. La population ne fait qu'un avec le fleuve, les croyances, les gestes, les rituels sont la respiration de ce monde d'harmonie et de couleurs. Contraint d'écourter ce sublime moment nous rentrons à l'hôtel car un taxi doit nous prendre à neuf heure trente pour nous conduire à la gare. Nous avons vingt heures de train pour arriver à Dhama Dun dans la région de l'Uttar Anchal. Notre train doit partir théoriquement à dix heure vingt. Sur le quai de la gare aucune indication, aucun panneau d'affichage. Donc nous ne savons ni quel quai surveiller ni bien sur où se trouvera notre Wagon et comme les trains ici dépassent la centaine de mètre de long l'inquiétude pointe le bout de son nez. Enfin nous pensons avoir trouvé le quai. Après de multiples tentatives inefficaces auprès de différentes personnes nous remarquons que notre wagon sera le seul a avoir des vitres car climatisé. Nous nous plaçons alors à l'endroit des wagon climatisés des autres trains. Nous comprenons que notre train est annoncé un peu en retard. Cependant un train arrive à l'heure dite. Nous montons dedans. Le numéro de nos places ne correspond absolument pas ce que nous lisons dans ce train. Nous attendons le contrôleur afin qu'il nous aide à trouver nos places alors qu'un homme voyant notre air totalement perdu nous demande nos billets pour nous aider. Nous sommes a environ de trente secondes du départ du train lorsqu'il s'aperçoit que nous ne sommes pas dans le bon train ! Dans un vent de panique nous ressortons précipitamment ! 57
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  • 59. Les trains défilent sur le quai, des retards successifs sont annoncés. Ce n'est qu'a midi et demi, avec deux heures de retard que notre train montrera le bout de son nez... Ici ça semble normal ! Nous voilà en route pour vingt heures. Nous mettons a parti ce temps pour finir de bien organiser le séjour dans l'Uttar Anchal sachant que le six mai il faudra être dans la plus grande ville de cette région pour trouver le vaccin de Nico. Ce qui change notre plan de route initial. Nous décidons finalement de quitter le train à Haridwar, un peu avant Dena Dun, soit théoriquement à quatre heure du matin. Toutes les heures nous entendons une nouvelle annonce de retard à l'arrivée. Ce qui fait que l'on se réveille sans cesse de peur de manquer l'arrêt. Le train arrive enfin a Haridwar à huit heure du matin, soit quatre heures de retard au final. Les trains ici c'est comme ça, on sait pas quand ils partent, on sait pas si c'est le nôtre, on sait pas quand il arrive. Pour les indiens ça semble normal. Dans le train, j'ai encore quelques angoisses – Sonia me manque beaucoup. J'aimerais l'appeler, la voir, qu'elle soit là... Tout serait moins difficile à supporter si elle était avec moi ici en Inde. J'ai hâte de la retrouver. Le temps est long, je me rend compte comme je tiens à elle, comme j'ai besoin d'elle. Elle me donne beaucoup ma Sonia. Je me rend compte que je n'ai pas toujours la patience que je devrais avoir avec elle. Elle est si douce, si gentille avec moi. Elle me manque... 59
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  • 61. Mercredi 4 mai Haridwar Dans le train nous avons choisis un hôtel dans le lonely planet. C'est à pied que nous nous y rendons après qu'un garçon nous ai guidé. Là on nous propose une grande chambre. Deux en fait séparées par une cloison. Il y a un balcon et vue sur le Gange qui longe le bâtiment. Parfait ! Le temps de poser les sacs et direction petit déjeuner. Cette région est au pied de l'Himalaya. Dès notre arrivé nous avons remarqué que les paysages étaient très différents de ceux du Rajastan et de l'Uttar Pradesh. Ici il y a beaucoup de la verdure, une riche végétation. Fini les paysages arides. La ville est aussi beaucoup plus calme et les gens ne nous interpellent presque pas. Et surtout ils n'insistent pas. Cette ville à l'air plus paisible, moins frénétique. Peut- être allons nous pouvoir nous détendre un peu. Haridwar est la ville la plus sainte du pays pour les hindous. Notre Lourdes à nous français. Depuis toujours cette ville a été un lieu de pèlerinage. En particulier lors d'une fête qui se déroule tous les ans, la Khumba Méla. Tous les douze ans à lieu une célébration particulière qui rassemble le plus grand nombre de pèlerin au monde venant de partout et de toutes religions confondues. C'est dire la valeur spirituelle de ce lieu. A nouveau le Gange en est la raison. C'est ici qu'il sort de l'Himalaya pour se jeter dans les plaines de l'Inde du Nord. Après avoir fait un petit tour en ville nous nous mettons en route pour Mansa Devi Temple. Ce temple est dédié à l'épouse de Shiva. IL est un passage nécessaire pour tout bon pèlerin. Au sommet d'une colline nous y accédons par un télésiège après avoir acheté de quoi faire les offrandes de circonstance (riz soufflé, noix de coco, pastilles rouges...). Dès l'arrivée il nous faut faire quelques donations aux brahmanes qui nous bénissent et nous décorent le front d'un point orange puis rouge. Nous arrivons dans un espace qui fait penser à une fête foraine, un genre de « hindouland ». Un labyrinthe de couloirs qui ouvrent sur des petits temples un peu partout où chaque dieu est célébré. Des boutiques à souvenirs avec toute sorte de breloque plus ou moins lié a la religion (pierres astrales, huiles, bracelet, collier de pierres, boucles d'oreilles, livre...). Voilà le temple de Shiva – là un homme assis près d'une statue et entouré par les fumées d'encens nous verse une cuillère de lait de coco dans la main. Nous singeons les personnes qui nous ont précédés en buvant le lait et en nous passant la main sur la tête d'avant en arrière avant de ressortir. Pierre s'achète une « bagouse » avec une grosse émeraude, sa pierre astrale. Moi je prends deux livres illustrés sur Bouddha et Vishnu, des livres pour enfant. Curieux, nous prolongeons encore quelques instants dans ce lieu. Tous les gens présents connaissent tous les gestes. C'est pour eux et même les plus petit 61
  • 62. comme une seconde nature. Toute la vie de ce pays est définitivement faite autour des dieux et de l'hindouisme – Vishnu, Shiva, Hanuman, Ganesh, Rama... Être brahmane ou sadhu ici, c'est comme être boulanger chez nous : on en a tous besoin, tous les jours, il y en a partout, avec la dimension spirituelle en plus bien sûr. Et comme les boulangers ils vous prennent quelques roupies pour leur services. Les hindous, et je pourrais dire les indiens car quasiment tous sont hindous (82%) vivent par la religion qui ponctue leurs journées depuis plus de trois mille ans. Ce n'est pas comme « chez nous » pour attendre le paradis mais pour progresser dans leur prochaine réincarnation, devenir meilleur dans la vie suivante. On ne travaille pas ici pour cette vie présente mais pour la (les) suivante(s). La finalité est d'atteindre le Moksha, la délivrance du cycle des réincarnations. La société est hiérarchisé autour du système des castes. Celui qui respecte le mode de conduite afférent a sa caste, son dharma, augmentera ses chances de renaître dans la peau d'un homme de caste supérieure. Son karma dans la vie présente déterminera la qualité de sa vie suivante. Le processus de renaissance, de réincarnation est appelé Samsara (vie sur terre). Donc chaque hindou œuvre non pas pour améliorer sa vie présente mais pour mieux préparer la suivante. Un intouchable, de la caste la plus basse, n'a pas l'ambition dans sa vie présente d'évoluer. Il est intouchable et le restera toute sa vie. Il se contentera de répondre aux critères de l'intouchabilité pour préparer son futur samsara. Ainsi de renaissance en renaissance chacun espère être libéré de ce cycle par le moksha. Il semble qu'à chaque caste corresponde certains corps de métier. Par exemple les rickshaw sont des intouchables. Plus on côtoie la population et plus on ressent cette hiérarchie au quotidien. Les rickshaw (intouchables) ne sont pas respectés ni sur la route, ni dans les échanges qu'ils ont avec les autres. Ils sont traités un peu comme des esclaves. On leur parle mal, les paie une misère pour un travail épuisant, difficile dans un pays très chaud. Eux, en retour, se taisent, acquièrent de la tête aux agressions ou restent silencieux. A Jaïpur j'ai pu voir un rickshaw se faire battre par un policier en plein carrefour. Une scène plutôt choquante ! Si l'on se plonge dans les textes sacrés on peut dénombrer près de trois cent trente dieux. Il y en a six ou sept principaux : − Braman – C'est « le » dieu créateur de toute forme de vie. Il est la vérité absolue. IL ne revêt aucune forme. − Brahma – Dieu créateur de l'univers. Il médite beaucoup. Il est souvent représenté assis sur un lotus émergeant du nombril de Vishnu Il chevauche un cygne. − Vishnu – Il veille sur l'univers et s'assure que soit préservé le bien, l'action correcte. Il est représenté avec quatre bras tenant un lotus, une conque, un disque et une massue. C'est de l'orteil de Vishnu que sort le Gange. Il habite au paradis appelé Vaikumtha. − Shiva – Dieu destructeur mais sans qui aucune création ne serait possible. Grand yogi, ascète qui vit retiré dans l'Himalaya. Il est souvent représenté avec un serpent autour du cou et armé d'un trident. Il chevauche un taureau. Il est si respectueux et généreux 62
  • 63. avec sa femme Parvati qu'il représente aux yeux des femmes le mari idéal... Les hindous n'adorent pas tous les dieux. Ils font un choix et consacrent leur vie à celui ou ceux qui ont retenu leur attention. Généralement ce sont des dieux parmi les plus « célèbres », les principaux. Ce qui montre une grande souplesse dans la façon de pratiquer. Nico a choisi Ganesh, celui à la tête d'éléphant ! Moi, c'est Bouddha ! Les femmes ne peuvent jamais atteindre le Moksha. Ce qu'elles peuvent espérer de mieux c'est d'être réincarner en homme. Un Homme qui ne respecte pas son Dharma pourra être réincarné en animal. Dans l'après midi nous allons voir un spécialiste des activités natures locales. Il a l'air sérieux et sympathique. Nous organisons avec lui toute notre dernière semaine : safari photo, voyage de trois jours pour remonter jusqu'à la source du Gange dans l'Himalaya à un peu plus de trois mille mètres d'altitude, et enfin un peu de rafting sur le Gange. Et au cours de ce petit périple, visite d'une cité bouddhiste et baignade dans des sources chaudes. C'est un bon programme mais le tiendra t-on ? Depuis Varanassi notre voyage est guidé par le Gange dont nous remontons le cours. En atteindrons nous la source ? Le soir après nous être un peu reposé à l'hôtel nous allons sur le Hark-Péri ghât où tous les soirs se déroule une grande cérémonie d'offrande au fleuve. Quand nous arrivons, une heure en avance, il y a déjà des centaines de personnes assises sur les marches du ghât en train d'attendre. Une heure plus tard ce sont des milliers de personnes toutes assises par terre et nous au milieu. C'est une ville très pieuse avec des règles très strictes. Alors que nous sommes en plein air, Pierre qui allume une cigarette se fait immédiatement reprendre par plusieurs personnes. Lorsque nous nous pulvérisons de l'insect-écran, l'odeur gène, et on nous le fait bien sentir... Le ghât est disposé de part et d'autre d'un canal détourné du Gange. Le Gange étant un peu à l'écart de la ville. Mais pour la foule, le Gange c'est ici sur ce ghât qui se trouve lui-même juste au pied d'une montagne au sommet de laquelle nous distinguons un temple entièrement blanc. Ce ghât est fait de deux sortes d'hémicycles qui se feraient face avec le canal au centre. Un temple rouge se trouve adossé à l'hémicycle qui nous fait face. Avant que la nuit ne tombe nous voyons le soleil se coucher et disparaître derrière la montagne. Les couleurs sont magnifiques – un tamisé rose et violet crépusculaire qui ne fait que sublimer la blancheur lumineuse et immaculée du temple qui trône là haut. Le temple rouge en face de nous qui au départ paraissait plutôt anodin prend maintenant une tout autre allure avec la nuit. Il est réellement magnifique. La nuit a effacé tous les vieux bâtiments gris et défoncés qui dominait sur l'arrière plan et 63
  • 64. assombrissait la beauté de l'espace. La cérémonie commence. Les gens par moment entonnent des chants en suivant le rythme de la musique. Plusieurs hommes avec des coupes d'argent à tête de cobra d'où s'échappent des flammes répètent les mêmes gestes que lors de la cérémonie à Varanassi. L'atmosphère et le cadre est ici beaucoup plus impressionnant. La montagne et la lumière donne une toute autre dimension à l'événement.. Cependant les hommes qui dirigent la cérémonie semblent moins habiles, plus hésitants. Cette cérémonie est néanmoins très belle. Tout au long de celle-ci nous voyons voguer a vive allure des fleurs, ces petits paniers en feuille de bananier avec un petit flambeau. Tout ce spectacle est magnifique. Lorsque la cérémonie se termine nous restons encore quelques instant comme nous en avons pris maintenant l'habitude pour observer le monde évoluer. Un famille indienne nous demande à être prise en photo avec nous. Ce qui nous arrive assez souvent. Nous sommes des curiosités En rentrant nous passons par les ruelles qui longent le ghât. C'est littéralement « Kitch-land ». Les boutiques proposent toute sorte de breloques en toc un peu comme à Marsa-Devi Temple. C'est assez drôle. Nous essayons ensuite de trouver un restaurant et nous prenons conscience que la ville entière est végétarienne et ne fait que de la cuisine indienne que nos estomac ne commencent à plus supporter. 64
  • 65. Jeudi 5 mai Haridwar (Rien ne va plus !) Pierre me réveille à sept heure trente – il est malade ! Il ne va pas du tout depuis deux heures du matin. Il souffre du ventre – diarrhée, fièvre, vomissements, faiblesse physique. Les mêmes symptômes que moi quelques jours auparavant. Je lui donne le traitement qui m'avait soulagé. Anti-vomitifs, anti-diarrhéiques, doliprane. Il reste au lit mais après quelques heures on ne constate aucune amélioration. Au contraire son cas s'aggrave. Il semble qu'il ne pourra pas participer au safari. Pierre nous demande d'appeler un médecin, ce que nous faisons. Le médecin arrive et rend son diagnostique, « dysenterie, déshydratation... c'est grave ! ». C'est vrai que depuis quelques jours nous sommes tous les trois un peu dérangés. Immédiatement le médecin met Pierre sous perfusion pour le réhydrater. A la solution de perfusion il ajoute quatre autres produits qu'il introduit dans la bombonne de perfusion à l'aide d'une seringue. Ainsi qu'une piqure très douloureuse dans la fesse. Après quelques trente cinq minutes et deux bombonnes de perfusion de cinq cent millilitres (1 litres en tout) directement dans le sang, Pierre se sent à peine mieux. Le médecin reste bien une heure pour surveiller l'évolution de son patient. Il nous dit qu'il repassera le soir. Après être allés chercher la prescription en pharmacie et en nous assurant que Pierre avait tout le nécessaire a portée de main, Nico et moi partons pour le rendez-vous safari. Je commence a avoir moi aussi quelques signes inquiétants – diarrhée depuis la veille, légère fièvre... Nous arrivons sur le lieu de rendez- vous. Notre guide n'est pas encore là. Je vais de plus en plus mal de minute en minute – Vertiges, faiblesse, chaleur insupportable et froid la minute suivante. Je me mets à hésiter sérieusement. J'ai pourtant terriblement envie d'aller faire ce safari dans cette réserve naturelle. Mon état ne cesse de s'aggraver. Je vais maintenant très mal. Je décide donc de rentrer à l'hôtel et laisse Nico seul. Le retour à pied est un calvaire. J'ai très soif et me sent faible et fragile. En arrivant je me couche en ne sachant quelle position adopter pour atténuer mes douleurs à l'abdomen. Après quelques instants, je meurs littéralement de soif mais je n'ai même plus la force ni la possibilité de boire. J'ai pourtant une bouteille d'eau à côté de mon lit. Rien ne passe plus. Dans la soirée le médecin est de retour pou Pierre qui a droit au même traitement que le matin – deux bombonnes de perfusions et piqures. Le médecin m'examine, le verdict tombe – intoxication, dysenterie et forte déshydratation. J'ai donc droit au même traitement que Pierre. Nous sommes tous les deux extrêmement malade. Le médecin semble très bon car son traitement de choc nous ramène très légèrement. En deux jours et demi nous aurons eu huit bombonnes de perfusion pour Pierre et six pour moi, quatre piqures dans les fesses (aïe !) et une semaine de traitement de cheval. Nous vivons de très durs moments. Je suis de plus en plus convaincu de vouloir rentrer le quatorze et non le vingt et un. 65
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  • 67. Je n'en peu plus d'être malade et cette aversion pour la nourriture et les odeurs ne nous aide pas à nous remettre. Nous ne mangeons pour ainsi dire plus. C'est la perfusion de solution glucosée qui nous alimente en plus de nous réhydrater. Pliés en deux de douleur nous ne pouvons dormir. 67
  • 68. Vendredi 6 mai Haridwar Pierre ne va pas mieux, moi a peine. Le médecin nous fait sa visite matinale. C'est reparti, perf et injections. Dans l'après midi je vais un tout petit peu mieux. Nico qui a joué les infirmières à notre chevet depuis le début en a un peu marre, il veut sortir. Je souhaite l'accompagner. Je suis encore faible, mais je ressent une légère amélioration, moins de fièvre. Donc nous sortons, mais hors de question d'aller en ville, je ne supporte plus les odeurs agressives qui émanent de chaque boutique, de chaque tas d'ordure. J'ai la nausée. Nous quittons donc la ville pour aller voir le « vrai » Gange, pas le canal. Il se trouve un peu à l'écart, nous devons traverser un pont. En approchant de l'autre rive nous voyons un bidonville au milieu d'un coin assez sauvage et désertique. Un chacal est en train de se régaler avec la dépouille d'un singe. Nous descendons sous le pont pour aller dans le lit du Gange à moitié asséché. Nous nous rendons compte qu'il nous faut passer au milieu d'une d'une partie des habitants du bidonville. L'endroit sous ce pont est glauque. Les gens nous dévisagent. Nous ne sommes pas rassurés mais nous traversons quand même. Nous arrivons enfin dans le lit du fleuve où le paysage est superbe. Sur ce qui devait être une île, il y a des arbres secs, et complètement nus. Le paysage est ici assez désertique. Le lit en lui- même est tapissé de galets et de sable. Nous faisons quelques prélèvements en souvenir de cet endroit où le Gange émerge de l'Himalaya. Quelques photos de vaches ou d'hommes solitaires qui traversent ce désert. Le lit creusé et asséché forme une petite vallée sinueuse. Je trouve ça très beau, j'y suis bien et serein, excepté mes douleurs physiques. Je m'attarderai bien mais Nico me rappel que le médecin doit passer vers dix sept heure pour poursuivre le traitement. Rebelotte le médecin accroche la bombonne de perfusion à la poignée de la fenêtre ouverte à laquelle je suis relié par un tube d'un mètre cinquante environ. La veille cette posture m'avait occasionné quelques angoisses. Effectivement à la nuit tombée et notre fenêtre au dessus du cours d'eau était la porte d'entrée idéale pour plus d'un troupeau de moustiques. Les moustiques ici sont synonyme de Paludisme. Jusqu'alors nous avons pu nous protéger de toute leurs agressions avec notre insect-écran et des vêtements qui recouvre tout notre corps. Mais là mon bras nu étendu sous la fenêtre s'est trouvé être un vrai terrain de jeu gastronomique pour eux... Le plus angoissant fut lorsqu'une bulle d'air se mit sortir de la bombonne et à parcourir le tube vers mon bras. J'ai essayé d'alerter le médecin dans la pièce a côté par le biais de Nico puis directement en haussant la voix dans la limite de mes forces. Mais le médecin zen et avec un sourire très amusé m'a dit que ce n'était pas grave la bulle est grosse elle ne passera pas !!!! Quelques suées dont je me serait bien passé a ce moment. Mes bras et mes fesses n'en peuvent plus des aiguilles. Nous voyons tellement le 68
  • 69. médecin que l'on sympathise, on échange des cadeaux. Nous lui donnons une pièce de un euro. Il nous donne a chacun une pièce rare et ancienne de un roupie et une petite pièce sainte. Il me donne une petite statuette de Vishnu en métal. J'ai toujours la ferme intention de rentrer le quatorze à Paris avec les autres. Le voyage devient physiquement très dur et surtout Sonia me manque beaucoup. J'ai appelé Alitalia dans l'après-midi mais tous les vols sont complets jusqu'au dix-neuf et de plus mon billet n'est ni échangeable, ni remboursable. Je demande donc au médecin s'il accepterai de me faire un certificat médical qui justifierai de mon rapatriement. Il est d'accord et me le fait. Il va maintenant falloir tenter le coup à l'aéroport. Je sent que mon corps n'en peu plus, et celui de Pierre non plus. Pierre est toujours alité quand Nico et moi allons essayer de manger. Je dois manger pour reprendre des forces. Mais la simple idée de manger me donne la nausée maintenant. Je commande une salade de concombre, c'est léger, et un milkshake banane. J'avale très difficilement une dizaine de rondelles de concombre et suis repus. Des douleurs abdominales me reviennent. Je ne peux donc plus manger ni sentir quoi que ce soit. Ça tourne au cauchemar. Je suis épuisé et le retour à l'hôtel est un calvaire. 69
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  • 71. Samedi 7 Mai Haridwar, Uttarkashi Jour de notre départ pour la source spirituelle du Gange. Là où elle sort des montagnes de l'Himalaya, de la chevelure de Shiva. Je crois que le thème de notre voyage est scellé. Le Gange, ce qu'il est et d'où il vient... Mais notre état de santé nous permettra t-il d'aller au bout de l'aventure ? Rien n'est moins sûr ! Nous attendons encore le médecin ce matin. Il arrive vers huit heure pour nous mettre définitivement d'aplomb, ce qui n'est pas gagné en particulier pour Pierre. Notre taxi passe nous prendre vers neuf heure trente. Le médecin arrive et nous perfuse immédiatement. Nous n'échapperont pas non plus à la douloureuse piqure dans notre petit fessier. Il ne veut pas que nous partions en mauvais état. Il se sent « responsable ». Il envoi un garçon chercher un autre médicament qui devrait nous soulager. On avale difficilement un thé, un café, un ou deux gâteaux et le médicament. Ce traitement de cheval nous remet à peu près d'aplomb pour le départ qui ne se fera que vers onze heure, fin de ma perf. Nous montons dans le taxi. Notre chauffeur qui ne semble pas parler anglais effectue avant de partir un petit rituel qui nous amuse un peu et nous surprends : il se secoue les doigts derrière les oreilles puis sur la tête et touche une petite photo de divinité sur son tableau de bord. C'est bon maintenant nous pouvons partit en toute sécurité, il met le contact. Au revoir Haridwar et en route pour l'Himalaya à la source du Gange. Le voyage doit prendre deux jours. Haridwar n'est pas dans l'Himalaya, la ville est cependant entourée par quelques hauteurs qu'ils appelleraient ici des collines. Les paysages changent rapidement et deviennent très vert. La sécheresse des plaine que l'on a côtoyé jusqu'alors a disparu. L'architecture des habitations changent aussi. Curieusement, les maisons en s'éloignant de la ville, deviennent plus spacieuse et presque luxueuse. Elles sont en dur parfois avec un étage aux couleurs pastels. Jusqu'à présent les maisons dans les villes étaient étroites, petites et entassées. Dans les campagnes c'était plutôt des assemblages de tôles et de briques. Là on se rapproche de la villa avec jardin. Voilà enfin les montagnes. La chaine mythique est maintenant sous nos yeux. La route devient étroite et commence a serpenter. La végétation est de plus en plus dense et des feuillus font leur apparition. On voit aussi de drôles d'arbres sans aucune feuilles. Ils sont juste habillés de grosses fleurs rouges vives. Ces arbres sont magnifique et ressortent d'autant plus que la végétation autour est verte sombre. Ces abres m'intrigues, il faut que je les prenne en photo. Plus on s'enfonce dans les montagnes et plus elles deviennent monumentales, raides, des remparts infranchissables. Des épineux, des sapins apparaissent. Progressivement les conifères remplacent les feuillus moins nombreux. 71
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  • 73. Des petits groupes de nomades assis sur le bord de la route croisent notre chemin. De vrais petits campements éphémères au milieu desquels un feu, des gamelles, des bombonnes en cuivre ou en inox chauffent. Beaucoup sont allongés aux milieu des bêtes, d'autres travaillent. Des femmes coiffent leurs enfants. Autour d'eux ni maison, ni abri, rien !. Leur toit – le ciel, leur pays – la liberté et les saisons. Leurs visages et leurs habits sont différents de ceux des indiens. Ce sont des populations de l'Himalaya aux yeux plus bridés, aux pommettes saillantes. Toutes les femmes que nous croisons, nomades ou non, ne portent plus de saris. Leurs vêtements restent colorés mais sont plus fonctionnels, plus appropriés aux travaux difficiles et aux longues marches. Des foulards rouges ou verts sur la tête, des tuniques longues aux couleurs ternis par la poussière et la terre, et dessous parfois des pantalons. Nous croisons maintenant des genres d'abris construit au dessus des falaises au bord des routes étroites. Ces abris en bois, et tôle pour les plus luxueux reposent sur des pilotis qui se jettent dans les ravins. Les maisons sont comme en équilibre fragile au dessus du vide. Les routes sont de plus en plus sinueuses et abîmées. Parfois même plus de route mais de la terre et une cascade qui tombe et traverse le chemin. Des bergers qui conduisent leur troupeaux de chèvres, de moutons, des centaines d'animaux qui prennent toute la route. Ils ont un petit bonnet pointu rouge sur la tête, assez rigolo. Traverser ces troupeaux est toute une aventure sur ces routes étroites à flan de montagne et souvent sans rambardes. Les animaux sont collés sur toutes les faces de la voiture, on peut les toucher. Le chauffeur avance doucement, il n'hésite pas néanmoins a tamponner le cul d'un mouton de son pare choc avant quand cela est nécessaire. Les bergers s'évertuent tant bien que mal à écarter leurs animaux du passage. Ils nous regardent. Nous sommes aussi curieux pour eux que la situation ne l'est pour nous. Sur la route passent quelques pèlerins, des hommes saints, les sadhus qui drapés de tissus oranges comme des capes gravitent lentement pas à pas. Ils ont un turban orange, de longues barbes et une longue chevelure emmêlée. Des ermites qui remonte au temple à la source du Gange. Parfois ils sont assis par terre au bord de la route avec leur couverture et leur gamelle de fer blanc à la main. Ils sont paisibles, inaccessibles, contemplatifs. Des femmes marchent solitaire avec d'énormes bottes de paille ou de blé sur leur dos courbé. La botte tient grâce à une sangle leur ceinture la tête... Toutes ces personnes sont la vie de l'Himalaya. On voit sur leur visage toute la difficulté de vivre ici. Lors d'un arrêt dans une cahute qui propose boisson et nourriture, nous avons l'occasion de voir ces nomades de l'Himalaya de près. On établis quelques contacts, esquisse quelques mots. Je leurs demande si je peux les prendre en photo. Ils acceptent. Je photographie une femme et son bébé. Puis une vieille portant un bébé également. Il y a des enfants. Les femmes sont magnifiques avec leurs bijoux dorés, en particulier un large anneau dans le nez duquel pendent des dentelures or qui viennent recouvrir toute la bouche. Elles ont un foulard sur la tête façon Tzigane. 73
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  • 75. Une belle rencontre. Ce début d'aventure dans l'Himalaya est un moment merveilleux. Nous nous éloignons du brouhaha des villes indiennes pour la nature sauvage de ce hautes montagnes. Les gens ici, pauvre et avec des vies difficiles ne mendient pas, jamais, même lorsque l'on souhaite les prendre en photo. Je n'ai pas le sentiment d'être en Inde, pas dans l'Inde que j'ai vu jusqu'à présent. Ici je me sent mieux. Sur la route extrêmement dangereuse nous croisons de nombreux panneaux de la « Border Route Organisation » (BRO). Ces messages incitent à la prudence et à ralentir. Chez nous ce serait « Ralentir » ou « Prudence »... Les leurs sont d'un tout autre genre plus imagé, plein d'humour, presque poétiques : − On the land go slow friend − Licence to drive not to fly − Life is a journey complete it − Drive slowly life longer − Wish you a safe and happy journey − The sweetness of life is devotion − This is highway not runway − Life is full of fun don't ganble with it Dernière curiosité avant d'arriver. Nous voyons un homme au loin en plein milieu du lit du Gange très asséché encaissé entre les flan de deux montagnes. Seul dans cette nature il est en train de balayer le sol fait de pierres et de sable. !? Nous voilà enfin a Uttarkashi où nous dormirons – notre halte. Après nous être installés dans un hôtel où il n'y a ni douche ni eau chaude nous allons en ville pour visiter et dîner. J'ai beaucoup de mal a circuler dans les rues, les odeurs sont violentes, j'ai la nausée. Cela est du a mon aversion pour la nourriture depuis ce qui nous est arrivé – l'idée de devoir manger me retourne le cœur, mais il le faut pour ne pas faiblir et pour prendre mon antibiotique. Nous nous apercevons très vite que cette ville est aussi à 100% végétarienne. Nico qui pourtant n'a pas été malade commence lui-aussi à angoisser vis-à-vis de la nourriture. Cette question est un cauchemar pour nous trois. Nous entrons dans un restaurant qui affiche et propose des plats « continentaux ». Il est d'apparence très classe jusqu'à ce que nous voyons des petites souris circuler librement entre les tables. En fait de plats continentaux nous trouvons des curiosités comme celle que Nico a choisie, des cacahuètes chaudes avec des concombres ! Je me contenterai moi d'un bouillon de légumes. 75
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  • 77. Dimanche 8 mai Uttarkashi, Gangotri Depuis les quelques kilomètres avant l'arrivée a Uttarkashi les montagnes étaient faites de terrasses, d'immenses terrasses qui dessinent les contours circulaires des montagnes. On dirait des lignes de niveau à même la montagne. Sur ces terrasses successives se développent des cultures de blé ou une végétation plus sauvage. Les terrasses vont du sommet de certaines collines jusque dans la vallée où elles sont inondées. Probablement des rizières. Le soleil qui se reflète sur ces flans apporte une couleur magnifique – dorée vers les sommets, le blé est argenté dans la vallée et les rizières inondées. Ces paysages de terrasses sont touts différents. Toutes ces lignes courbes dessinent l'empreinte unique de chaque montagne, comme une carte d'identité, une empreinte digitale. C'est la première fois que je vois ce type de paysage, des rizières. Je trouve ça très beau. J'imagine toute la difficulté des paysans a travailler ici, de manière traditionnelle bien sûr, à la main, avec des charrues, des faux, et tout le travail d'irrigation de récolte et de stockage. Les montagnes sont si raides et l'accès difficile. Nous voilà en route pour la source dès huit heure du matin. Premier arrêt devant quelques baraques en tôle. Au dessus de nous des bâtiments en dur et à côté des sources chaudes. Nous sommes dans l'Himalaya, nous approchons des trois mille mètres. La température encore douce a cependant chutée par rapport à la vallée. Nous allons nous baigner. Nous touchons d'abord de la main, l'eau est très très chaude. Nous mettons tous un pied. Ça brûle et nous ne sommes pas sûr de pouvoir entrer dans l'eau où la température doit être entre quarante cinq et cinquante degrés. Je descend de quelques marches progressivement. Je vais bien mettre 7 à 8 minutes pour pouvoir m'immerger jusqu'au cou et ressortir immédiatement. La chaleur est trop dur a supporter. Les autres me suivent et l'on ressort tous. Le chauffeur, assez sympathique et qui marmonne un anglais à l'accent incompréhensible arrive, se déshabille et en un bond saute tout entier dans l'eau. Il nous regarde et sourit. Il va plus loin, il prend sa respiration se bouche le nez et plonge entièrement pendant une quinzaine de secondes. Défi ! Nous ne pouvons rester là sans essayer. Nous redescendons dans l'eau, non sans mal, à tour de rôle et nous exécutons une courte apnée. Dur, chaud mais on l'a fait. Pendant que nous nous séchons et nous rhabillons, le chauffeur se savonne dans le bassin voisin et y fait même sa lessive. Ici on fait sa lessive en public, depuis Varanassi nous avons vu les gens laver leur linge dans le Gange, dans l'eau qui coure le long des rues, dans un filet d'eau qui coule d'un mur ou d'une montagne. Ce bain nous aura fait beaucoup de bien, nous sommes maintenant bien détendu dans la voiture a poursuivre notre aventure. Le paysage était dejà apaisant. Nous flottons ! Les montagnes vers lesquelles nous nous dirigeons maintenant sont de plus en plus hautes et ciselées. 77
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  • 81. Ces montagnes sont jeunes et n'ont pas encore eu le temps de souffrir du travail de l'érosion. Les sommets sont comme des pointes de flèches. Depuis un moment déjà les sommets sont enneigés. Cette neige se rapproche. De chaque côté de nous se dressent des sommets de cinq mille à six mille mètres. Plus de doutes c'est l'Himalaya. Nous traversons une coulée de neige avec la voiture. Les premières neiges de l'Himalaya à portée de main. Je suis excité et impressionné. L'ascension continue de lacet en lacet de plus en plus escarpés et reculés. Cependant la vie est toujours là – des gens, pèlerins, nomades... les premiers avancent toujours imperturbables, les autres nous regardent curieux tout en poursuivant leurs occupations. Enfin arrivés à Gangotri, le chauffeur nous laisse à l'entrée de la ville, nous devrons finir à pied jusqu'à l'hôtel « Rest house ». EN montant nous croisons une vrai splendeur, quelque chose d'incroyable. Une chute d'eau qui coule d'un rocher très étrange. Nous ne le savons pas encore à cet instant mais il s'agit de la source su Gange ! Sans que nous le sachions notre but est maintenant atteint. Nous restons quelques instants devant ce spectacle avant de rejoindre l'hôtel à quelques mètres. En nous installant nous mesurons l'état de délabrement de l'hôtel et les condition qui dans le froid de l'Himalaya risquent d'être difficile. Ni eau chaude et ni électricité, c'est à dire pas de chauffage non plus. Nous ressortons immédiatement pour nous balader avec dans l'idée de remonter encore au delà de cette source spirituelle dans la montagne. Mais avant nous repassons devant la source, là où le Gange émerge de la chevelure de Shiva probablement matérialisée par cet immense rocher blond roux, poli, lissé, sculpté par les eaux. Le rocher présente des courbes si douces, harmonieuses, des rondeurs pleines de sensualité qu'il peut aisément faire penser à la longue chevelure d'une déesse qui ondule dans le courant du fleuve. Nous essayons ensuite de trouver le temple que viennent ici visiter tous les pèlerins. Un temple du XVIIIème siècle qui fait parti d'un ensemble de quatre temples, tous se situant dans l'Himalaya à la source spirituelle d'un fleuve sacré – le Yamuna à Yamundre, le Gange à Gangotri, la Mandakini à Kedarnath et l'Alakmanda à Birnath. Les sadhus font le voyage à pied, plus d'un millier de kilomètre. Nous ne trouvons pas le temple tout de suite et nous nous essoufflons très vite et l'on remarque que tout les trois avons les tempes serrées et de légers vertiges L'altitude ! Pierre n'en peu plus il rentre. Nico et moi sommes fermement décidés à remonter le Gange le plus haut possible. Nous prenons un chemin qui semble longer le fleuve en amont. Il est quinze heure trente environ, il faut nous presser car la nuit tombe vite. Le début est très difficile. Nous sommes très essoufflés. Je sens mon cœur marteler ma poitrine. Y arriverons nous ? Nous nous éloignons rapidement du village, la grimpette commence. Le paysage prends de plus en plus d'altitude. Nous sommes maintenant à une trentaine de mètre au dessus du Gange sur un petit chemin escarpé. Nous sommes cernés par des montagnes monumentales. Celle qui se trouve en face de nous sur l'autre rive à son pic à près de six mille mètre d'après nos cartes. 81
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