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Sud Ouest - mercredi 11 mai 2022
VITICULTURE
Les chauves-souris pour alliées
Juliette Thévenot, gironde@sudouest.fr
Une grande noctule, ici prise dans un filet lors d’une campagne d’étude. ARCHIVES THIBAULT TOULEMONDE /
« SO »
Fin avril, des viticulteurs girondins ont assisté à une formation afin de mieux connaître
les chauves-souris, qui aident à combattre les ravageurs des vignes, et savoir les
écouter
La nuit est bien installée au domaine du château Chatard, à Saint-Germainde-Grave, près de
Langon, lors-qu’une dizaine de viticulteurs girondins s’apprêtent à partir à la recherche des
chauves-souris. Le groupe se déplace autour du bâtiment principal, dans les allées du domaine
proches des arbres et des imposantes haies, les yeux rivés sur la tablette. Rapidement,
l’application détecte le premier chiroptère. « Une noctule commune vient de passer », se réjouit
l’une des viticultrices. En quelques minutes, une dizaine de chauves-souris vole au-dessus du
groupe.
Se balader dans les parcelles la nuit, une tablette à la main, peut paraître étrange. Pourtant,
c’est ce que ces viticulteurs vont devoir faire dans leur domaine, les prochains mois. Tous sont
Gironde
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sensibles à la biodiversité, sont adhérents de l’association Agrobio Gironde et participent au
projet Cap Chir’Aux. Ce programme participatif d’étude des chauves-souris a été lancé en 2021
pour une durée de trois ans par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Aquitaine, en
partenariat avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), le bureau d’études
Eliomys et Agrobio Gironde.
Alternative aux pesticides ?
Financé par la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département de la Gironde et le Conseil
interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), le projet vise à « établir un portrait-robot du
paysage viticole idéal pour les chauves-souris » et ainsi favoriser leur activité dans les vignes,
indique Yohan Charbonnier, chargé de mission scientifique à la LPO.
Et pour cause, les chauves-souris sont des alliées de taille pour les viticulteurs. Ces
mammifères sont des prédateurs d’eudémis et de cochylis, des papillons dont les larves, les
vers de grappe, ravagent les cultures. « En mangeant ces tordeuses de la grappe, les chauves-
souris limitent ainsi les dégâts sur les vignes », ajoute le spécialiste. Plus précisément, selon
une étude sur l’activité et l’utilité des chauves-souris dans les vignes menée entre 2017 et 2020
par la LPO, l’Inrae et Eliomys dans 23 parcelles en Gironde, elles diminuent de 14 à 15 % le
nombre de perforations en moyenne.
À l’heure où l’utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires est de plus en plus
controversée et où de nombreux viticulteurs tentent de s’en passer, la présence des chauves-
souris sur un domaine viticole est une alternative intéressante. « Les chauves-souris ne sont
pas le remède miracle pour sortir des pesticides, mais c’est l’une des alternatives à mettre en
place », tempère Yohan Charbonnier. Toutefois, avant d’espérer réussir à limiter l’utilisation des
traitements insecticides grâce aux chauves-souris, il est nécessaire de faire grossir les
populations de ces mammifères dans les vignes et ainsi renforcer leur service.
Les chauves-souris sont des prédatrices de papillons dont les larves ravagent les cultures
Micro à ultrasons
C’est pour cette raison que la LPO met à contribution les principaux concernés : 15 viticulteurs
basés en Haute Gironde, à Lapouyade, à Blaye et dans l’Entre-deux-Mers vont devoir se
partager une tablette équipée d’une application et d’un micro sensible aux ultrasons des
chauves-souris, afin qu’ils puissent réaliser des relevés en autonomie.
Pour avoir les meilleurs résultats possibles, Yohan Charbonnier conseille aux viticulteurs de
faire cet inventaire deux fois dans la saison, entre mai et octobre, pendant une soirée sans pluie
lorsque la température dépasse les 16 degrés, et de déambuler pendant trente minutes au
moins entre les vignes et sur l’ensemble du domaine. « Cela permet de savoir s’il y a des
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chauves-souris sur un domaine, de quelles espèces et où on les trouve majoritairement »,
précise le spécialiste.
Une mission qui ravit les viticulteurs. « La formation m’a donné envie de mieux connaître
l’environnement des chauves-souris et de savoir ce qui se passe dans mon domaine », confie
Anne Larrat, du château Chatard. « Je vois beaucoup de chauves-souris chez moi et c’est
passionnant de pouvoir en savoir plus grâce à la tablette », ajoute Cécile Mallié-Verdier,
propriétaire du château Brethous, à Camblanes-et-Meynac.
D’AUTRES TRAVAUX
Dans la région, d’autres groupes de viticulteurs font également partie de ce projet. Des
tablettes circulent notamment à Sauternes, à Saint-Émilion et dans le Médoc. En parallèle
du programme d’écoute des chauves-souris, l’année prochaine, la LPO prévoit d’attraper
plusieurs chiroptères pour leur poser des capteurs, suivre leurs déplacements, en
apprendre davantage sur leurs habitudes et leurs lieux de vie.