1. 1
Université
Paris-‐Dauphine
Master
I
-‐
Ingénierie
Economique
et
Financière
UE
Mémoire
Sujet
:
«
Méthodes
de
structuration
de
portefeuilles
ISR
»
Nada
Benslimane
Celia
Fseil
Directeur
de
mémoire
:
Ph.
Bernard
2. 2
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
3
INTRODUCTION
4
I
–
SELECTION
DES
TITRES
ISR
5
A)
Screening
négatif
………………………………………………………………………………………………………
5
1)
Définition
…………………………………………………………………………………………………….
5
2)
Classifications
des
filtres
………………………………………………………………………………
5
3)
Revue
de
la
littérature
………………………………………………………………………………….
7
B)
Pondération
des
critères
ESG
…………………………………………………………………………………….
11
1)
Pondération
selon
l’approche
Best-‐in-‐Class
……………………………………………………
11
a)
Exemples
introductifs
………………………………………………….
……………………
11
b)
Méthodologie
d’Amundi
………………………………………………
……………………
12
2)
Pondération
selon
les
préférences
de
l’investisseur
………………………………………...
14
a)
Modèle
AHP
d’aide
à
la
prise
de
décision
……………………………………………
15
b)
Théorie
des
ensembles
flous
ou
«
fuzzy
sets
»
…………………………………….
18
c)
Le
modèle
Fuzzy-‐AHP
……………………………………………………………………….
22
II
–
OPTIMISATION
DU
PORTEFEUILLE
ISR
27
A)
Optimisation
espérance-‐variance
sous
contrainte
de
scores
ESG
minimales
………………….
27
a)
Choix
optimal
des
actifs
risqués
………………………………………………………………………
27
b)
Allocation
optimale
entre
portefeuille
risqué
et
actif
sans
risque………………………
35
B)
Théorie
des
rendements
sociaux
……………………………………………………………………………...…
42
a)
Modèle
théorique
à
5
paramètres
…………………………………………………………………..
43
b)
Modèle
théorique
simplifié
à
trois
paramètres
………………………………………………...
48
III
–
APPLICATION
:
TENTATIVE
DE
STRUCTURATION
D’UN
PORTEFEUILLE
ISR
51
A)
Choix
des
titres
…………………………………………………………………………………………………………
51
B)
Screening
négatif
………………………………………………………………………………………………………
52
C)
Scoring
…………………………………………………………………………………………………………………..…
57
1)
Choix
des
sous-‐critères
…………………………………………………………………………....…...
57
2)
Traitement
des
données
manquantes
……………………………………………………………
59
3)
Attribution
de
notes
par
sous-‐critères
…………………………………………………………...
62
4)
Pondération
des
critères
par
la
méthode
Fuzzy-‐AHP
……………………………………...
67
D)
Choix
de
l’actif
sans
risque
ISR
……………………………………………………………………………….…
76
E)
Fonction
global
du
fichier
Excel
et
du
code
VBA
…………………………………………………………
80
F)
Optimisation
sous
Matlab
………………………………………………………………………………………….
81
CONCLUSION
83
BIBLIOGRAPHIE
84
WEBOGRAPHIE
85
3. 3
REMERCIEMENTS
Nous tenons avant tout à remercier Monsieur Philippe Bernard d’avoir
accepté d’encadrer notre mémoire et d’avoir répondu à nos interrogations.
Nous remercions également Michel Anid de Bloomberg Londres pour son
aide précieuse et ses conseils quant à l’utilisation des fonctions ESG de
Bloomberg, ainsi que M.B., gérant de portefeuille, de nous avoir permis
d’assister à un secteur review dans le cadre de la gestion d’un fond ISR.
4. 4
Introduction:
« A good portfolio is more than a long list of good stocks and bonds. It is a balanced
whole, providing the investor with protections and opportunities with respect to a
wide range of contingencies ». Ces mots marqués de la plume du fondateur de la
théorie moderne du portefeuille, Harry Markowitz, raisonnent aujourd’hui comme
une évidence. Equilibre, protection, respect et opportunités, tels sont les mots
d’ordre de l’Investissement Socialement Responsable (ISR).
Apparu dans les années 1960, les fonds ISR ont pendant longtemps été la risée du
milieu financier du fait de leur sous-performance par rapport aux fonds
traditionnels. Méprisés, on les surnommait même les «butt of Wall Street jokes »1 .
Pour rattraper la performance des fonds traditionnels, une grande majorité des fonds
SRI se sont progressivement dénaturés. En effet, l’idée selon laquelle l’exclusion de
titres privait les gérants de certains gains était répandue, si bien que ces derniers
devenaient de plus en plus laxistes à l’égard des considérations éthiques des
portefeuilles, délaissant les véritables raisons pour lesquels ces fonds avaient été
créés en premier lieu. Il est vrai que les sin stocks, à savoir les actions émises par
des entreprises impliquées dans des secteurs tels que le tabac, la pornographie ou
l’alcool, ont toujours surperformé le marché. Cependant, la demande de fonds
purement éthiques, reflétant au mieux les convictions et valeurs des investisseurs
existent de longue date, quand bien même nombreux sont les assets managers qui
utilisent l’ISR comme argument marketing.
Dans ce contexte, nous décidons de replacer les préférences des investisseurs au
centre des questions relatives aux méthodes de structuration de fonds ISR. Notre
mémoire n’a pas pour objectif de dresser un tableau complet et exhaustif de
l’investissement socialement responsable. Nous avons volontairement choisi de
privilégier une approche quantitative du sujet, plutôt que de nous attarder sur des
méthodes relevant de l’analyse financière et technique. Nous exposons des modèles
très peu utilisés dans le milieu professionnel, voire à ce jour encore purement
théoriques, mais que nous trouvons entièrement adaptés à la réalisation de l’objectif
que nous poursuivons.
Nous exposons dans un premier temps, trois grandes méthodes de sélection de
titres sur la base de critères environnementaux (E), sociaux (S) et de gouvernance
(G) ; de la plus élémentaire (screening négatif) à la plus innovante (le modèle
Fuzzy-AHP) en passant par la plus utilisée dans le milieu professionnel (Best-in-
Class).
Dans un second temps nous nous focalisons sur l’optimisation des titres
sélectionnés au préalable ; tout d’abord en intégrant au modèle classique
d’espérance variance une contrainte de score ESG minimale, puis en redéfinissant
intégralement la fonction d’utilité de l’investisseur par la théorie des rendements
sociaux.
Enfin, nous tentons avec les moyens dont nous disposons de structurer un fond
socialement responsable en se préoccupant avant tout de satisfaire au mieux les
préférences et les convictions de l’investisseur.
1 Barnett, M.L. et Salomon, R.M. (2006). Beyond dichotomy: the curvilinear relationship
between social responsibility and financial performance
5. 5
I – Sélection des titres ISR
A) SCREENING NÉGATIF
Le screening négatif est historiquement la pratique la plus récurrente de sélection
des titres. La littérature etudiant son impact sur la performance des fonds ISR est
ancienne et exhaustive. Capelle-Blancard et Monjon (2012)2 recensent par exemple
plus de 50 études empiriques réalisées entre 1991 et 2012. Toutefois, une grande
majorité de ces études s’attache à comparer la performance de fonds ISR à celles de
fonds non ISR, ce qui ne peut fournir comme conclusion que leur supériorité ou
infériorité.
Des études plus récentes tentent d’apporter des conclusions plus fines à la question
du screening négatif. En comparant cette fois-ci les fonds ISR entre eux, la recherche
tente de déterminer l’impact des choix relatifs au screening négatif sur les
performances des fonds ISR.
Dans ce qui suit, nous commençons par définir le screening négatif et la
classification des filtres, avant de nous attacher à exposer les différentes hypothèses
émises par la littérature et les conclusions qui en sont tirées.
1) Définition
Le screening négatif est une méthode de définition de référentiel qui consiste à
exclure tout titre, tout actif, toute entreprise émettrice ne franchissant pas un filtre
défini au préalable par l’investisseur socialement responsable. Il s’agit pour
l’investisseur d’exclure les actifs ne se conformant pas avec ses convictions en
matière d’éthique, de pratique environnementale, sociale et de gouvernance.
2) Classifications des filtres
Un première classification, proposée par De Brito, Desmartin, Lucas-Leclin, Perrin
(2005)3, distingue deux catégories de filtres: filtres sur les activités et filtres sur les
pratiques.
Filtres sur les activités Filtres sur les pratiques
- Tabac
- Alcool
- Nucléaire
- Armement
- Pornographie
- Pesticides
- Corruption
- Blanchiment d’argent
- Evasion fiscale
- Violation des droits fondamentaux
- Discriminations sur le lieu de travail
- Esclavage, travail forcé, travail des
enfants
Une seconde classification, plus fine cette fois-ci, consiste à distinguer des filtres
dits « thématiques » de filtres dits transversaux.
2 Capelle-Blancard, G. et Monjon, S. (2012). The performance of socially responsible funds:
does the screening process matter?
3 De Brito, C. Desmartin, J.P. Lucas-Leclin, V. Perrin, F. (2005), L’investissement socialement
responsable
6. 6
Filtres thématiques :
Parmi les plus récurrents et les plus souvent utilisés, nous répertorions les suivants :
« Sin screens » Filtres éthiques Filtres gouvernance
Filtres
environnementaux
- Alcool
- Tabac
- Pornographie
- Jeux d’argent
- Tests sur
animaux
- Test sur le
génome humain et
eugénisme
- Travail des
enfants
- Esclavage /
Travail forcé
- Armement
- Corruption
- Evasion fiscale
- Spéculation
-Manque de
transparence
- Violation des
droits syndicaux
- Energie et
déchets nucléaires
- Production de
pesticides
- Production
d’OGM
Citant le Social Investment Forum, Dupré, Girerd-Potin et Kassoua (2003) 4 affirment
qu’aux Etats-Unis, les « sin screens » constituaient plus de la moitié des filtres
utilisés pour le screening des fonds ISR au début des années 2000.
Filtres transversaux :
Les filtres transversaux visent à rassembler plusieurs thématiques ou dimensions
sous un même filtre. Capelle-Blancard et Monjon (2012) citent comme exemple de
filtres transversaux l’adoption des principes de la charte UN Global Compact. Cette
charte tire ses 10 principes de différents textes de référence balayant les dimensions
éthique, environnementale et de gouvernance :
• Déclaration universelle des droits de l’homme (dimension éthique)
• Déclaration de l’Organisation internationale du Travail (dimension éthique et
gouvernance)
• Déclaration de Rio (dimension environnementale)
• Convention des Nations Unies contre la corruption (dimension gouvernance).
Afin d’illustrer l’étendue des dimensions abordées, nous en reproduisons ici les dix
principes5 :
4 Dupré, D. Girerd-Potin, I. et Kassoua, R. (2003). Adding an ethical dimension to ethical
investing
5 https://www.unglobalcompact.org/languages/french/dix_principes.html
Droits de l'homme
1 - Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de
l'Homme dans leur sphère d'influence ;
2 - A veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l'Homme.
Droit du travail
3 - Les entreprises sont invitées à respecter la liberté d'association et à reconnaître le droit de négociation
collective ;
4 - L'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ;
5 - L'abolition effective du travail des enfants ;
6 - L'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
Environnement
7 - Les entreprises sont invitées à appliquer l'approche de précaution face aux problèmes touchant l'environnement ;
8 - A entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d'environnement ;
9 - A favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement.
Lutte contre la corruption
10 - Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds
et les pots-de-vin.
7. 7
Comme le montreront les résultats empiriques révélés par la littérature plus loin
dans cette partie, l’intérêt pour l’investisseur d’utiliser des filtres transversaux réside
dans le fait que ceux-ci permettent d’aborder le screening négatif de manière
holistique en prenant en compte les trois dimensions E, S et G.
Par ailleurs, ce type de screening a pour effet de réduire de manière plus faible
l’univers d’investissement de départ dans la mesure où ils n’éliminent pas des
secteurs entiers. Par exemple, le secteur pharmaceutique réalise quasi-
systématiquement des tests sur des animaux en amont de la mise sur le marché de
ses différents produits. L’adoption du filtre éthique « filtre sur les animaux » aura
donc pour effet d’exclure le secteur pharmaceutique dans son ensemble, tandis
qu’un filtre transversal tel que la ratification de la charte «UN Global Compact»
n’exclura que les entreprises du secteur pharmaceutique ne l’ayant pas ratifié.
Notons toutefois la limite de ce type de filtre : une entreprise peut très bien ratifier
une charte sans pour autant la respecter. Ainsi ce type de filtre ne peut être utilisé
séparément des critères thématiques sous peine de compromettre la dimension
socialement responsable de l’univers d’investissement.
3) Revue de la littérature
En 2012, Capelle-Blancard et Monjon (2012)6 recensent quatre travaux de recherche
majeurs sur la question, chacun testant des hypothèses complémentaires de l’effet
du screening sur la performance.
Nous récapitulons brièvement dans le tableau suivant les grandes hypothèses testées
par chacun des auteurs et les conclusions apportées:
Auteurs Taille
échantillon
Zone
géographique
Hypothèses /
Objet d’étude
Conclusions
Barnett,
Salomon
(2006) 7
61 Etats-Unis
Impact du type
et de
l’intensité du
screening sur
la performance
des fonds ISR
Il existe une relation en U entre
l’intensité du screening et la
performance financière des fonds ISR.
Renneboog
Ter Horst,
Zhang
(2008) 8
440 17 pays
Impact du
nombre des
différents
types de filtres
sur la
performance
La présence de filtres de la dimension
sociale a tendance à faire baisser la
performance des fonds ISR.
Le nombre de filtres de type « sin », de
type éthique ou de type
environnemental n’a pas d’impact
significatif.
Lee,
Humphrey,
Benson,
Ahn
(2010)9
61 Australie
Impact du
nombre de
filtres sur la
performance
Un nombre de filtres important a un
impact négatif sur la performance des
fonds ISR.
Un nombre de filtres important réduit
le risque systématique.
Capelle-
Blancard,
Monjon
(2012) 5
116 France
Impact du
screening
négatif, du
nombre de
filtres et du
type de filtres
La performance des fonds ISR est impactée
par le screening négatif
Il existe une relation en U entre le nombre de
filtres et la performance des fonds ISR.
Les filtres thématiques réduisent la
performance des fonds ISR. Les filtres
transversaux n’ont pas d’impact.
6 Capelle-Blancard,G. et Monjon,S. (2012). The performance of socially responsible funds:
does the screening process matter?
7 Barnett, M.L. et Salomon, R.M. (2006). Beyond dichotomy: the curvilinear relationship
between social responsibility and financial performance
8 Renneboog, L. Ter Horst, J. et Zhang, C. (2008). The price of ethics and stakeholder
governance : Evidence from socially responsible mutual funds
9 Lee, D.D. Humphrey, J.E. Benson, K.L. et Ahn, J.Y.K. (2010). Socially responsible investment
fund performance: the impact of screening intensity
8. 8
Dans ce qui suit, nous nous focalisons sur les conclusions empiriques mises en
évidence par Barnett et Salomon (2006)10 et Capelle-Blancard et Monjon (2012)11.
Nous présentons uniquement la formulation des hypothèses de ces derniers, qui
reprennent très largement celles émises par Barnett et Salomon (2006)10 tout en
exposant conjointement leurs raisonnements.
Série 1 : Quelle est la relation entre l’intensité du screening et la performance
financière d’un fond ISR ?
Hypothèse 1 : Un nombre de filtres plus important réduit la performance d’un fond
ISR
Hypothèse 2 : La relation entre le nombre de filtres et la performance d’un fond ISR
est une « relation en U »
Comme pour les travaux de Barnett et Salomon10, il s’agit de trancher entre deux
conceptions opposées résumées par les deux hypothèses énoncées par Derwall,
Koedijk et Ter Horst (2011)12 .
D’une part, la « shunned-stock hypothesis » ou « hypothèse des titres écartés »,
considère que l’application de filtres ISR ampute le référentiel de l’investisseur des
titres socialement-indésirables, alors que ceux-ci fournissent les performances les
plus élevées. L’idée sous-jacente à cette hypothèse est que ces titres, contrairement
aux titres ISR, fournissent une prime en compensation de la désutilité sociale
engendrée par l’activité de l’entité émettrice. Ainsi, la diversification du fond en est
pénalisée et expose ce dernier à un risque spécifique plus important.
D’autre part, la « errors-in-expectations hypothesis » ou « hypothèse d’erreur dans
les prévisions » considère que le marché sous-évalue la performance future des
fonds ISR car il sous-estime l’impact de la responsabilité sociétale des entreprises
(RSE) sur les cash-flows futurs. Ainsi, l’application de filtres tendrait à écarter les
entreprises les plus risquées et à ne conserver que celles qui sont le mieux gérées et
dont les performances sont le moins variables, notamment à la baisse.
Conclusions H1 et H2 :
Il apparaît au premier abord que l’application de filtres négatifs heurte la
performance des fonds ISR de manière significative. Toutefois, les auteurs
remarquent que la relation entre le nombre de filtres et la performance est bel et
bien une relation « en U ». Barnett et Salomon (2006)10 et Capelle-Blancard et
Monjon (2012)11 aboutissent au même constat : l’application de filtres négatifs
pénalise initialement l’investisseur. Puis, passant un seuil, le nombre de filtres tend à
redresser la performance des fonds. Néanmoins, cette dernière n’atteint jamais le
niveau des fonds n’en appliquant aucun. On reproduit ci-dessous le schéma
illustratif proposé par Capelle-Blancard et Monjon (2012)11 comparant leurs résultats
à ceux de Barnett et Salomon (2006)10.
10 Barnett, M.L. et Salomon, R.M. (2006). Beyond dichotomy: the curvilinear relationship
between social responsibility and financial performance
11 Capelle-Blancard, G. et Monjon, S. (2012). The performance of socially responsible funds:
does the screening process matter?
12 Derwall, J. Koedijk, K. et Ter Horst, C. (2008). Socially responsible fixed income funds
9. 9
Figure 1. Comparaison des nombres seuils de filtres entre les études empiriques réalisées par
Barnett et Salomon (2006) et Capelle-Blancard et Monjon (2012)13.
Notons que le nombre seuil de filtres diffère entre les deux études. Pour Barnett et
Salomon (2006)14 dont l’échantillon était composé de fonds ISR américains, ce
nombre est égal à 8, tandis que pour Capelle-Blancard et Monjon (2012)13, dont
l’échantillon était composé de fonds ISR français, ce seuil avoisine celui des 4 filtres.
Série 2 : Le type de filtre négatif appliqué influe-t-il sur la performance d’un fond
ISR ?
Hypothèse 3 : Seuls les filtres thématiques ont un impact sur la performance des
fonds ISR. Les filtres transversaux n’ont pas d’impact significatif.
Comme nous l’avons expliqué plus haut, cela revient à tester l’hypothèse selon
laquelle l’application d’un filtre balayant plusieurs critères des dimensions ESG a
nécessairement un impact moins pénalisant qu’un filtre supprimant un secteur
entier. Cette hypothèse n’a pas été testée par Barnett et Salomon (2006)14.
Conclusions H3 :
Les tests empiriques révèlent que les filtres thématiques pénalisent significativement
la performance des fonds. Au contraire, les filtres transversaux n’ont aucun impact
significatif.
13 Capelle-Blancard, G. et Monjon, S. (2012). The performance of socially responsible funds:
does the screening process matter?
14 Barnett, M.L. et Salomon, R.M. (2006). Beyond dichotomy: the curvilinear relationship
between social responsibility and financial performance
10. 10
Hypothèse 4 : Le type de filtre choisi a un impact sur la performance d’un fond ISR
Hypothèse 4a : Un screening basé uniquement sur des filtres de la dimension
« Gouvernance » entraine des performances significativement différentes
Hypothèse 4b : Un screening basé uniquement sur des filtres de la dimension
« Social » entraine des performances significativement différentes
Hypothèse 4c : Un screening basé uniquement sur des filtres de la dimension
« Environnement » entraine des performances significativement différentes
Conclusions H4 :
Aucune de ces hypothèses ne se révèle concluante : un screening basé uniquement
sur l’une des dimensions E,S ou G n’engendre pas de performances significativement
différentes.
Les méthodes de screening présentées plus haut visent à épurer l’univers de titres
de départ. Mais ce premier filtre n’est pas suffisant. En effet, il est essentiel d’être en
mesure de comparer les différents titres restant sur la base de leur performance
sociale (S), environnementale (E) et de gouvernance (G). Pour ce faire, un score ESG
doit être attribué à chacun des titres de l’univers filtré selon des critères fixés à
l’avance. Dans ce qui suit, nous nous intéressons aux différentes méthodologies de
pondération des critères, qui conditionnent la note ESG finale d’un titre.
11. 11
B) PONDÉRATION DES CRITÈRES ESG
Le Score ESG d’un titre correspond à la notation globale de l’entreprise émettrice sur
la base de critères extra-financiers regroupés en trois grandes dimensions:
environnementale (E), sociétale (S), et de gouvernance (G). Ces différents critères
sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs sous-critères. On attribue donc un score à
l’entreprise sur la base de chaque sous-critère. Mais ces sous-critères sont
d’importance variable au sein d’une même dimension. Selon l’environnement
juridique et économique d’une entreprise, son secteur d’activité, ou tout
simplement les préférences et opinions des investisseurs, des poids (ou coefficients)
sont attribués à chaque sous critère au sein d’une même dimension. De la même
manière, les dimensions E, S et G sont elles aussi pondérées selon leur degré
d’importance.
1) Pondération selon l’approche Best-in-Class
Dans l’approche « Best-in-Class », qui consiste à sélectionner les meilleurs titres en
termes de performance éthique au sein d’un même secteur, des poids différents
sont attribuées aux dimensions E, S et G selon la nature du secteur considéré. Dans
le cadre de cette approche, ce sont les analystes extra-financiers qui jugent de
l’importance d’une dimension au sein du secteur qu’ils suivent. Prenons deux
exemples à titre de comparaison.
a) Exemples introductifs
Exemple du secteur financier :
La confiance accordée à un établissement financier est tributaire de sa réputation. Si
l’on analyse les scandales qui peuvent porter atteinte à la réputation d’une banque,
on remarque qu’il s’agit très rarement de scandales environnementaux ou sociaux.
Ils sont, pour la plupart, le fait d’une mauvaise gouvernance. Ainsi, les scandales
d’évasions fiscales, de blanchiment d’argent, ou encore de manipulations de marché
(diffusion d’informations fallacieuses, manipulation de cours), exposent les banques
non seulement à un risque de réputation, mais aussi à des poursuites judiciaires
pouvant donner lieu à des amendes conséquentes. La Deutsche Bank a ainsi écopé
d’une amende de 2,5 milliards de dollars pour manipulation du Libor15 en avril 2015.
Par ailleurs, lorsqu’un scandale de ce type surgit, cela se traduit en général par une
baisse du cours de l’action. En somme, un scandale financier engendre des coûts
supplémentaires, réduit la rentabilité de l’entreprise et nuit à la réputation de
l’établissement financier. Pour citer Warren Buffet, « It takes 20 years to build a
reputation and five minutes to ruin it. If you think about that, you’ll do things
differently ». Ce raisonnement pousse les analystes extra-financiers à accorder
beaucoup plus de poids aux critères de gouvernance par rapport aux critères
environnementaux et sociaux dans le secteur financier. Ainsi, ils pourraient
éventuellement décider d’attribuer un poids de 60% à la dimension G et de répartir
les 40% restants entre les critères E et S.
Exemple du secteur des services aux collectivités :
Dans le secteur des services aux collectivités (ou « utilities »), en revanche, c’est la
question environnementale qui domine. En effet, 28%16 des émissions de 𝐶𝑂! de
l’Union Européenne proviennent des générateurs électriques ; et le renforcement de
la régulation en la matière constitue une contrainte supplémentaire pour les
entreprises du secteur. La Commission Européenne s’est en effet fixée l’objectif de
15 http://www.forbes.com/sites/antoinegara/2015/04/23/deutsche-bank-pays-2-5-billion-
to-settle-libor-manipulation-suit/
16 European Environment Agency
12. 12
réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 203017. Ceci implique un
durcissement de la réglementation dans les années à venir, incitant les entreprises à
intégrer les énergies renouvelables à leur modèle économique. Par ailleurs, les
entreprises du secteur devront aussi faire face à une augmentation importante du
prix du carbone. En effet, la Commission Européenne prévoit de placer les 900
millions des quotas 𝐶𝑂! retirés du marché en juillet 2013 (« Backloading »)18 dans
une réserve (la Market Stability Reserve19) au lieu de les remettre sur le marché. Cette
réduction de l’offre de quotas aura pour conséquence de soutenir les prix du
carbone, engendrant des coûts supplémentaires pour les entreprises les plus
polluantes. Le prix du carbone, qui est aujourd’hui d’environ 5 euros la tonne,
devrait atteindre les 25 euros en 2025 (Reuters)20. Une transition énergétique est
donc inévitable.
Les entreprises du secteur des services aux collectivités devront donc, au plus vite,
adapter leurs stratégies à un environnement changeant et de plus en plus
contraignant sur le plan réglementaire.
b) Méthodologie d’Amundi
Les fonds ISR d’Amundi sont essentiellement des fonds Best-in-Class21. Dans un
article de recherche intitulé “ISR and Performance: Impact of ESG Criteria in Equity
and Bond Management processus”, l’équipe de recherche quantitative expose en
partie la méthodologie employée pour la pondération des différents critères. Le
processus d’analyse se décline en trois phases : une phase de pré-analyse, une
phase d’analyse à proprement parler et une phase de post-analyse. C’est au cours
de la phase de pré-analyse que le choix des critères et leur pondération se font.
L’équipe se base sur les données fournies par une multitude de fournisseurs ou
agences de notation extra-financière telles que Vigeo, Sustainalytics ou encore MSCI,
afin de mieux appréhender et cerner les enjeux au sein des différents secteurs, mais
aussi d’analyser l’attitude des entreprises suivies face à ces enjeux sectoriels. Dans
la phase d’analyse, les différentes données sont traitées et les notes ESG sont
établies et diffusées. Enfin, la phase de post-analyse est celle de la recherche et du
back-testing. Nous ne visons pas ici à exposer l’intégralité de la méthodologie
d’Amundi; nous nous focalisons volontairement sur la phase de pré-analyse, dans la
mesure où c’est à ce stade là que se fait la pondération des différents critères.
La pondération des critères se fonde sur le postulat selon lequel la performance ESG
d’une entreprise peut avoir un impact sur la valeur de cette dernière au travers de
trois « vecteurs de performance » que sont : la réputation, l’efficacité opérationnelle,
et la réglementation. Les analystes doivent pouvoir déterminer dans un premier
temps la probabilité qu’un évènement relatif à un critère donné ait un impact sur la
performance de l’entreprise. Ensuite, leur travail consiste à quantifier l’impact de
l’évènement sur la performance. L’article prend pour exemple le critère
environnemental « Eau » dans le secteur des services aux collectivités et l’analyse
selon les trois vecteurs. Les auteurs estiment que l’évènement « fuite d’eau »
n’expose pas vraiment une entreprise à un risque de réputation dans la mesure où il
s’agit d’un « phénomène peu connu de la population ». De ce fait, ils considèrent
que la probabilité pour qu’une fuite d’eau ait un impact sur la performance d’une
entreprise via la vecteur « réputation » est faible : 1/5. Par ailleurs, si cet évènement
devait avoir un impact sur la performance de l’entreprise, celui-ci resterait faible ;
17 http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/01/22/la-commission-europeenne-propose-
de-reduire-de-40-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-d-ici-a-
2030_4352182_3244.html
18 http://www.info-compensation-carbone.com/marche-du-carbone-reforme-europe/
19 http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/reform/index_en.htm
20 http://www.info-compensation-carbone.com/marche-du-carbone-reforme-europe/
21 Berg, F., Laguiche, S. , Le Berthe, T. , Musso, A. , & Sorange, A. (March, 2014) ISR and
Performance: Impact of ESG Criteria in Equity and Bond Management processes, Amundi
discussion.
13. 13
sur une échelle de 1 à 5, l’impact est évalué à 2 sur 5. Le score du critère en matière
de réputation est alors évalué à 1x2, soit 2.
D’un point de vue opérationnel, un évènement de la sorte a incontestablement un
impact sur la performance de l’entreprise avec une probabilité de 5/5 puisqu’il
engendre systématiquement des coûts. Ces coûts étant généralement très
conséquents, on considère que l’impact est maximal sur la performance d’une
entreprise de ce secteur (5/5). Le critère totalise donc un score de 5x5, soit 25 sur le
plan de l’efficacité opérationnelle. De la même manière, l’analyse se poursuit sur le
plan réglementaire. Elle conclut qu’il y a une probabilité de 3/5 pour qu’une fuite
d’eau ait un impact sur la performance via le vecteur « réglementation », et quantifie
cet impact à 3/5. Ceci correspond à un score de 9. En sommant les différents scores
obtenus, le critère « Eau » obtient un score total de 36 au sein de la dimension E.
Le même raisonnement s’applique pour les différents critères environnementaux
sélectionnés. Le poids d’un critère dans la dimension E est alors calculé selon la
formule suivante :
𝑝𝑜𝑖𝑑𝑠!"#$è!" !
!"#$%&"'% !
=
𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!
𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!!
!
𝑜ù 𝑗 = 𝐸, 𝑆 𝑜𝑢 𝐺
𝑛 = 𝑛𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑟𝑖𝑡è𝑟𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑖𝑚𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑗
Les critères au sein des dimensions S et G sont pondérés selon le même processus.
Une fois ces poids attribués, il faut aussi octroyer des poids aux critères E, S, et G
selon le secteur considéré. La formule est la suivante lorsque l’on considère un
secteur k :
𝑝𝑜𝑖𝑑𝑠!"#$%&"'% !
!"#$"%& !
=
𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!!
!
𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!!
! + 𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!!
! + 𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒!
!!
!
De cette façon, plus un critère est susceptible d’impacter négativement la
performance financière d’une entreprise, plus le poids qui lui est accordé au sein du
secteur en question est important.
L’approche Best-in-class porte en elle une justification économique. Elle ne tient pas
forcément compte des préférences de l’investisseur, dans la mesure où ce sont les
analystes extra-financiers qui décident de l’importance à accorder à un critère en
fonction de son impact sur la rentabilité des entreprises d’un secteur donné. Ces
méthodologies permettent certes d’allier business et éthique, mais elles émanent
avant tout d’un raisonnement économique, qui in fine conduit à défendre des valeurs
éthiques.
Une toute autre approche- et c’est celle que nous retiendrons dans notre modèle-
consiste à pondérer les critères selon les préférences des investisseurs. La fonction
d’utilité de l’investisseur ISR est, en effet, non seulement fonction du rapport
risque/rentabilité de son portefeuille, mais aussi de sa performance ESG.
Ce qui nous intéresse ici, c’est de définir une performance ESG, telle qu’elle est
perçue par l’investisseur, puisque c’est ainsi qu’elle sera intégrée dans sa fonction
d’utilité. Il ne s’agit bien évidemment pas de fausser les données publiées par les
entreprises. L’emprunte carbone d’une entreprise est un fait. Mais la perception qu’a
un investisseur de cette emprunte carbone va dépendre de sa sensibilité. Elle est
interprétée au travers du prisme de sa subjectivité. Elle lui est donc propre. En
fonction de ses valeurs, de son éducation et d’un grand nombre de paramètres qui
lui sont propres, un investisseur va donc inconsciemment, préférer accorder plus
d’importance à certains critères par rapport à d’autres. Bien évidemment, ces
préférences varient d’un profil d’investisseur à l’autre.
14. 14
Nous considérons donc que la performance ESG d’un portefeuille est relative, et non
absolue. En effet, sur le plan environnemental, un investisseur pourrait considérer
que la problématique de l’eau l’emporte sur celle des émissions de gaz à effet de
serre par exemple. Dans cette optique, un poids plus important sera attribué au
critère « Eau ». A un niveau supérieur, on pourrait également estimer que
l’environnement est prioritaire face aux questions de gouvernance d’entreprise. Le
raisonnement d’un tel investisseur pourrait être le suivant : Les catastrophes
naturelles se multiplient, le réchauffement climatique est palpable, l’eau se fait de
plus en plus rare dans certaines régions de la planète, menaçant la survie de
certaines espèces, menaçant la survie de l’homme, la question de la place des
minorités dans la gouvernance d’entreprise est donc secondaire. Cette façon de
penser conduirait à attribuer un coefficient plus important à la dimension E par
rapport à la dimension G.
2) Pondération selon les préférences de l’investisseur
Cerner au mieux les préférences des investisseurs est une tâche difficile. Tout
d’abord parce que tous les investisseurs sont différents fondamentalement, de par
leur âge, leur sexe, leur milieu social, leur éducation et une multitude de critères
socio-culturels. Un investisseur est avant tout une personne avec un vécu, et un
profil psychologique qui lui est propre. Tous ces facteurs font ce qu’il est. Ils
conditionnent sa façon de penser et donc de prendre des décisions. Certes,
l’investisseur est un individu rationnel, nous ne remettons aucunement en cause
cette rationalité. Mais ses préférences guident aussi ses choix. Et ces préférences
sont subjectives, relatives.
D’après Saaty22, toute prise de décision nécessite :
• la connaissance du problème et de l’objectif final à atteindre,
• le choix des critères et sous-critères sur lesquels les différentes alternatives
sont évaluées,
• la détermination des parties prenantes, à savoir des personnes directement
concernées et donc impactées par cette décision.
L’idée étant bien évidemment de prendre la meilleure décision parmi les différentes
alternatives possible. Ceci suppose de définir un ordre de priorité parmi les
différentes alternatives qui se présentent. Ce raisonnement est aussi valable lorsque
le problème consiste à trouver la meilleure allocation possible entre différentes
alternatives (allocation d’actifs par exemple). Il faut donc pouvoir évaluer ces
alternatives sur la base de critères et de sous critères préalablement définis, qui font
également l’objet d’une priorisation. Pour ce faire, Saaty a défini un modèle connu
sous le nom « Analytic hierarchy process » (AHP) ou processus de hiérarchie
analytique.
22 Saaty, T.L(2008). Decision making with the analytic hierarchy process, Int. J. Services
Sciences, Vol.1, No.1, pp.83-98
15. 15
a) Modèle AHP d’aide à la prise de décision
Le modèle AHP ou Analytic Hierarchy process a été développé par Saaty dans les
années 198023. Ce modèle est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’intégrer
des éléments « intangibles » dans le processus de décision. Les préférences des
investisseurs font partie de ces éléments intangibles. Il permet aussi une meilleure
compréhension des problèmes décisionnels complexes reposant sur une multitude
de critères, grâce à la hiérarchisation de ces derniers. L’idée ici est de laisser le
décideur juger de l’importance de chaque critère au travers d’une comparaison par
paires. Le modèle permet in fine de déterminer les poids de chaque alternative.
Ce modèle se décline en trois grandes étapes : La hiérarchisation, la comparaison
par paires (ou l’établissement de jugements comparatifs), et enfin, la détermination
des priorités et la mesure de la cohérence du modèle.
Première étape : La Hiérarchisation
Cette étape consiste à diviser le processus décisionnel en plusieurs niveaux
hiérarchiques, le premier niveau correspondant au plus haut niveau hiérarchique. Il
s’agit de l’objectif final à atteindre. Le deuxième niveau est celui des critères
d’évaluation des alternatives (ou choix), et le troisième niveau est celui des sous-
critères. Le plus bas niveau de la hiérarchie correspond toujours aux alternatives (ou
choix) qui se présentent au décideur.
Le schéma suivant illustre cette hiérarchie pour n critères et k sous-critères par
critère. Chaque alternative est évaluée sur la base de chaque sous-critère.
Figure 2 .Structure hiérarchique d’un modèle AHP
23 Saaty, T.L (1980), The Analytic Hierarchy Process: Planning, Priority Setting,
Resource Allocation, McGraw-Hill
16. 16
Deuxième étape : Les comparaisons par paires (« Pair-Wise Comparisons »)
Il s’agit ici de construire des matrices comparant les éléments d’un même niveau
entre eux. Cette comparaison ne se fait qu’entre les éléments directement
subordonnés au même élément du niveau supérieur. Elle repose sur une échelle
linguistique développée par Saaty. Cette-dernière permet d’attribuer des nombres
aux réponses données à une question concernant la comparaison d’un élément à un
autre. Il s’agit d’une échelle de 1 à 9, qui exprime le degré d’importance d’un
élément par rapport à l’autre. L’idée de cette échelle est fondamentalement simple.
Lorsqu’un un chiffre n , compris entre 1 et 9, apparait dans la matrice, cela signifie
que l’élément considéré est n fois plus important que celui auquel il est comparé. Ce
dernier est donc réciproquement n fois moins important.
L’échelle linguistique24 de Saaty se présente ainsi (traduite de l’anglais):
Echelle linguistique Valeurs numériques
• Même importance
• Légèrement plus important
• Notablement plus important
• Beaucoup plus important
• Indiscutablement plus important
• Valeurs intermédiaires
(compromis)
1
3
5
7
9
2, 4, 6,8
• Réciproques pour exprimer la
comparaison inverse
Inverse du nombre (1/n)
La matrice de comparaison 𝑀 !,! de n éléments entre eux se présente ainsi : Sa
diagonale ne comporte que des 1. En effet, un élément comparé à lui-même est par
définition de même importance. Par ailleurs, de part et d’autre de la diagonale se
trouvent les réciproques. 𝑀 !,! est une matrice réciproque et positive (« positive
reciprocal matrice »).
𝑀 =
𝑎!! ⋯ 𝑎!!
⋮ ⋱ ⋮
𝑎!! ⋯ 𝑎!!
=
1 ⋯ 𝑎!!
⋮ ⋱ ⋮
𝑎!! ⋯ 1
=
1 ⋯ 𝑎!!
⋮ ⋱ ⋮
𝑎!!
!!
⋯ 1
Où les 𝑎!" correspondent à la traduction des réponses des décideurs selon l’échelle
linguistique de Saaty.
Troisième étape : Détermination des poids des différents critères
Cette troisième étape consiste à calculer les poids de chacun des éléments d’un
niveau hiérarchique donné. On se base sur les matrices de comparaison obtenues.
Considérons notre matrice M :
𝑀 =
1 ⋯ 𝑎!!
⋮ ⋱ ⋮
𝑎!!
!!
⋯ 1
24 Pankaj Gupta, P., Mehlawat, M.K., Inuiguchi, M., & Chandra, S. (2014). Fuzzy Portfolio
Optimization. Advances in Hybrid Multi-criteria Methodologies. Chapter 7, Springer, Studies in
Fuzziness and Soft computing.
17. 17
Le poids de l’élément i, noté 𝑤!, se calcule de la façon suivante :
• On calcule dans un premier temps la moyenne géométrique sur chaque ligne
i (pour chaque élément) :
𝑎! = 𝑎!"
!
!!!
!/!
• Le poids 𝑤! est alors :
𝑤! =
𝑎!
𝑎!
!
!!!
On obtient alors pour chaque matrice de comparaison un vecteur de poids 𝑤! (!!,….!!)
!
Mesure de la cohérence du modèle :
Saaty définit un ratio de cohérence CR25 (Consistency Ratio). Celui-ci permet de
contrôler la cohérence de la méthode employée. N’oublions pas que le décideur
compare des éléments (critères, sous-critères, et alternatives, entre eux). Ces
comparaisons doivent pouvoir refléter ses préférences. Et ces préférences se
caractérisent par leur transitivité. Autrement dit, prenons trois éléments A, B et C.
Imaginons qu’il s’agisse de critères. Si le décideur estime que le critère A est plus
important que le critère B, et que le critère B est plus important que le critère C ;
alors le critère C est nécessairement moins important que le critère A.
𝑠𝑖 𝐴 > 𝐵 𝑒𝑡 𝐵 > 𝐶 , 𝐴𝑙𝑜𝑟𝑠 𝐴 > 𝐵 > 𝐶
Ainsi, si les réponses du décideur ne sont pas cohérentes, si elles ne respectent pas
le principe de transitivité des préférences, ceci devrait apparaître dans les CR.
Le CR se calcule ainsi :
𝐶𝑅 =
𝐶𝐼
𝑅𝐼
Où CI correspond au « Consistency Index » ou, Indice de Cohérence :
CI =
λ!"# − n
n − 1
où n est l’ordre de la matrice carrée et λ!"# est la plus grande valeur propre de la
matrice de comparaison M , associée au vecteur des poids w obtenus (vecteur
propre).
Le 𝜆!"# est tel que26 :
𝑀𝑤 = 𝜆!"# 𝑤
Le RI, ou « Random Index » est une donnée obtenue par la simulation de
nombreuses matrices aléatoires. Elle correspond à une moyenne des CI obtenus pour
chacune de ces matrices. La table27 suivante a été obtenue par Saaty à partir de 500
matrices.
25 Pankaj Gupta, P., Mehlawat, M.K., Inuiguchi, M., & Chandra, S. (2014). Fuzzy Portfolio
Optimization. Advances in Hybrid Multi-criteria Methodologies. Chapter 7, Springer, Studies in
Fuzziness and Soft computing.
26 Csutora, R. , & Buckley, J.J. (1999). Fuzzy hierarchical analysis : the Lambda-Max method
27 Pelaez, J.I , Lamata, M.T. (2002) , A New Measure of Consistency for Positive Reciprocal
Matrices, ELSEVIER.
18. 18
Elle donne les RI obtenus en fonction de l’ordre des matrices :
n 1-2 3 4 5 6 7
RI 0 0.58 0.90 1.12 1.24 1.32
Figure 3 .Table des RI de Saaty
Interprétation du CR28 :
ü Si 𝐶𝑅 ≤ 0.10 alors le degré de cohérence est jugé satisfaisant
ü Si 𝐶𝑅 > 0.10 alors le modèle comporte certainement des incohérences. Il doit
être revu.
Nous nous plaçons maintenant du point de vue d’un gérant de fonds ISR qui se doit
d’interpréter les réponses de ses clients, autrement dit, l’expression même de leurs
préférences. Nous devons pouvoir traduire ces préférences, les quantifier afin d’être
en mesure de les inclure dans notre modèle. Nous l’avons vu, la table linguistique de
Saaty permet d’attribuer des quantités aux différentes réponses données. Nous ne
pouvons cependant pas utiliser celle-ci directement pour juger de l’importance
relative de nos différents critères. Tout d’abord parce que les investisseurs sont,
comme nous l’avons souligné, différents. Certains pourront dans leurs réponses,
amplifier leurs impressions ; d’autres seront plus dans la réserve. Ensuite, leurs
réponses seront souvent vagues, imprécises, floues. Le gérant ne pourra donc jamais
quantifier une réponse avec certitude. Pour pallier à l’incertitude et à l’imprécision,
Zadeh développe en 1965 une théorie des ensembles flous29 (ou « fuzzy set
theory »).
b) Théorie des ensembles flous ou « fuzzy sets »
Définition
Soit E, un sous-ensemble de ℝ. Soit x un élément quelconque de ℝ. La théorie
classique des ensembles considère que x est soit inclus dans E, soit exclu.
Autrement dit, si l’on note 𝜇! la fonction d’appartenance de x à l’ensemble E, celle-ci
est définie comme suit :
𝜇! 𝑥 =
0 𝑠𝑖 𝑥 ∉ 𝐸
1 𝑠𝑖 𝑥 ∈ 𝐸
Dans la théorie des sous-ensembles flous, l’idée d’une appartenance partielle de x
au sous-ensemble E n’est pas exclue. Autrement dit, cette théorie tient compte des
situations intermédiaires entre le tout ou rien et le vrai ou faux.
Prenons un exemple30 développé par Zadeh à titre d’illustration. Considérons la
variable « âge ». Cette variable peut être exprimée de deux façons. Celle-ci peut en
effet prendre des valeurs numériques précises, absolues (20 ans par exemple), ou
des « valeurs linguistiques » (« Jeune »). Cette dernière est une valeur subjective. En
effet, à partir de quel âge pouvons-nous considérer qu’une personne n’est
28 Pankaj Gupta, P., Mehlawat, M.K., Inuiguchi, M., & Chandra, S. (2014). Fuzzy Portfolio
Optimization. Advances in Hybrid Multi-criteria Methodologies. Chapter 7, Springer, Studies in
Fuzziness and Soft computing
29 Zadeh, L.A (1965). Fuzzy Sets. Information and control 8, 338-358, Department of
Electrical Engineering and Electronics, Research Laboratory University of California, Berkeley,
California
30 Zadeh, L.A (1975). The concept of Linguistic Variables and its Application to Approximate
Reasoning. Information Sciences 8, 199-249, Department of Electrical Engineering and
Electronics, Reasearch Laboratory University of California, Berkeley, California
19. 19
plus jeune ? Cette limite est bien évidemment floue ; certaines personnes
considéreront qu’un individu n’est plus jeune à partir de 45 ans, d’autres répondront
35 ou 50 ans. Le caractère relatif de la valeur linguistique « Jeune » fait qu’un
individu peut à la fois appartenir et ne pas appartenir au sous-ensemble « Jeune ».
L’intérêt de la théorie de Zadeh est qu’elle permet de définir des degrés de vérité (ou
« degrees of truth ») ou degrés d’appartenance.
Considérons maintenant un sous-ensemble flou F. F se définit de la façon suivante :
𝐹 = (𝑥, 𝜇! 𝑥 ), 𝑥𝜖𝐸 ,
Où la fonction d’appartenance 𝜇! de x à l’ensemble flou F est définie comme suit :
𝜇! = 0 𝑠𝑖 𝑥 ∉ 𝐹
0 < 𝜇! < 1 𝑠𝑖 𝑥 ∈ 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 à 𝐹
𝜇! = 1 𝑠𝑖 𝑥 𝜖 𝐹
Représentation graphique
Il existe de nombreuses représentations graphiques des fuzzy numbers selon la
nature de leur fonction d’appartenance. Lorsque celle-ci admet 1 comme maximum
(ce qui correspond au plus haut degré d’appartenance), on dit qu’elle est normalisée.
Pour des questions pratiques nous ne nous focaliserons que sur les représentations
triangulaires normalisées comme suit :
Figure 4. Représentation graphique d’un fuzzy number triangulaire
Un fuzzy number est décrit par (
!
!
,
!
!
)31 où 0 < 𝛼 ≤ 𝛽 ≤ 𝛾 ≤ 𝛿. Ces lettres grecques
correspondent aux différents intervalles sur lesquels la fonction change de tendance.
Toutes les valeurs inférieures à 𝛼 et supérieures à 𝛾 n’appartiennent pas au sous-
ensemble flou considéré. Leur degré d’appartenance est nul. Dans l’intervalle [𝛼 , 𝛽]
la fonction d’appartenance est linéaire et strictement croissante. Elle atteint un
maximum de 1 (appartenance totale) en 𝛽 = 𝛾. Sur l’intervalle [𝛾, 𝛿] la fonction est
linéaire et strictement décroissante ; elle s’annule en 𝛿 . 𝛼 𝑒𝑡 𝛿 sont donc,
respectivement, les limites inférieure et supérieure de l’ensemble flou. Ce sont les
valeurs qui, avec certitude, n’appartiennent pas à l’ensemble flou considéré. 𝛽 est la
valeur qui appartient avec certitude à l’ensemble. Plus les valeurs se rapprochent
de 𝛽, plus leur degré d’appartenance est important. Inversement, plus les valeurs
s’éloignent de 𝛽, moins leur degré d’appartenance est important.
31 Buckley, J.J. (1985). Fuzzy hierarchy analysis. Fuzzy Sets and Systems 17, 233-247
20. 20
Exemple : Imaginons que l’on demande à un individu de comparer la taille d’un objet
X à celle d’un objet Y. Celui-ci répond vaguement: « la taille de X doit faire environ 5
fois la taille de Y ». Cette réponse pourrait être illustrée comme suit :
Cas où 𝛾 = 𝛽 : La forme obtenue est un triangle
Figure 5. Représentation graphique d’un exemple de fuzzy number triangulaire
Cas où 𝛾 > 𝛽 : La forme obtenue est un trapèze
Figure 6. Représentation graphique d’un exemple de fuzzy number sous forme de trapèze
De façon générale et dans le cadre d’une représentation linéaire, « lorsque deux des
nombre 𝛼, 𝛽 ou 𝛽, 𝛾 ou 𝛾, 𝛿 sont égaux, le segment correspondant n’existe pas »32.
32 Buckley, J.J. (1985). Fuzzy hierarchy analysis. Fuzzy Sets and Systems 17, 233-247
21. 21
Règles de calcul sur les « Fuzzy numbers » triangulaires33 :
Soient à et Ñ deux fuzzy numbers triangulaires, tels que :
à = 𝑙, 𝑚, 𝑛 𝑒𝑡 Ñ = (𝑢, 𝑣, 𝑤)
Nous définissons :
o La somme:
à + Ñ = 𝑙, 𝑚, 𝑛 + 𝑢, 𝑣, 𝑤 = (𝑙 + 𝑢, 𝑚 + 𝑣, 𝑛 + 𝑤)
o Le produit :
à . Ñ = 𝑙, 𝑚, 𝑛 . 𝑢, 𝑣, 𝑤 = (𝑙. 𝑢, 𝑚. 𝑣, 𝑛. 𝑤)
o Le quotient :
Ã
Ñ
=
(𝑙, 𝑚, 𝑛)
(𝑢, 𝑣, 𝑤)
=
𝑙
𝑤
,
𝑚
𝑣
,
𝑛
𝑢
o L’inverse (Réciproque) :
Ã!!
= 𝑙, 𝑚, 𝑛 !!
=
1
𝑢
,
1
𝑚
,
1
𝑙
, 𝑙, 𝑚, 𝑢 > 0
o Les puissances :
à 𝒙
= (𝑙, 𝑚, 𝑛) 𝒙
= (𝑙 𝒙
, 𝑚!
, 𝑛!
)
o « Défuzzification » : Pour passer d’un fuzzy number triangulaire à un nombre
ordinaire D(Ã)
𝐷 Ã =
𝑙 + 2𝑚 + 𝑛
4
33 Zadeh, L.A (1975). The concept of Linguistic Variables and its Application to Approximate
Reasoning. Information Sciences 8, 199-249, Department of Electrical Engineering and
Electronics, Reasearch Laboratory University of California, Berkeley, California.
22. 22
c) Le modèle Fuzzy-AHP
Le modèle Fuzzy-AHP34 développé par Buckley (1985), repose sur les mêmes
principes que le modèle AHP, à la seule différence que celui-ci tient compte du
caractère vague et imprécis des réponses de l’investisseur. En effet, ce modèle se
base sur une échelle linguistique à la Saaty, pour laquelle chaque réponse
correspond à un fuzzy number triangulaire.
L’échelle linguistique35 traduite de l’anglais se présente comme suit:
Fuzzy number Echelles linguistiques Fonction d’appartenance
triangulaire associée
1 Aussi important (1,1,3)
3 Modérément plus important (1,3,5)
5 Plus important (3,5,7)
7 Beaucoup plus important (5,7,9)
9 Extrêmement plus important (7,9,9)
Gupta, Mehlawat, Inuiguchu et Chandra35, ont recours à un modèle Fuzzy-AHP afin
de déterminer les scores ESG de leurs titres et leur poids.
Nous exposons ici leur méthode en ne retenant que ce qui nous intéresse, à savoir la
pondération des différents critères et sous critères E, S, G.
Première Etape : La Hiérarchisation
• Niveau 1 : Notre objectif final est d’attribuer une note ESG à chacun des titres de
notre univers.
• Niveau 2 : Cette notation se fait sur la base de critères E, S et G
• Niveau 3 : Chacun de ces critères (E, S, G) est subdivisé en plusieurs sous-
critères sélectionnés.
• Niveau 4 : Nos retrouvons ici nos alternatives, à savoir les différentes titres de
notre univers.
Notre Hiérarchie se présente donc comme suit :
Figure 8. Structure hiérarchique d’un modèle AHP, appliqué à la notation ESG
34 Buckley, J.J. (1985). Fuzzy hierarchy analysis. Fuzzy Sets and Systems 17, 233-247
35 Pankaj Gupta, P., Mehlawat, M.K., Inuiguchi, M., & Chandra, S. (2014). Fuzzy Portfolio
Optimization. Advances in Hybrid Multi-criteria Methodologies. Chapter 7, Springer, Studies in
Fuzziness and Soft computing.
23. 23
Deuxième et troisième étapes : Comparaisons par paires (« Pair-Wise Comparisons »)
et calcul des poids
Etant donné que nous nous intéressons uniquement à la pondération des critères et
sous-critères, nous ferons abstraction du traitement du niveau 4. Nous ne
comparerons pas les différents actifs entre eux. Le raisonnement ne s’en trouve pas
modifié. Nous remontons donc la hiérarchiser de droite à gauche.
§ Niveau 3
Nous détaillons les calculs et le raisonnement pour une matrice.
Imaginons que nous présentons le questionnaire suivant à un investisseur. Celui-ci
coche la réponse qui lui convient.
Parmi les sous-critères environnementaux proposés, quelle importance relative
accordez-vous aux différents critères ? (Exemple : si vous jugez que le critère E1 est
moins important que le critère E2, cochez la case « Moins important » de la colonne « E1 vs
E2 » )
Degré
d’importance
E1 vs E2 E1 vs E3 E2 vs E3
Extrêmement
moins important
Beaucoup moins
important
Moins important
Modérément
moins important
Aussi important
Modérément plus
important
X
Plus important X
Beaucoup plus
important
Extrêmement plus
important
X
Fuzzy number
associé à la
réponse
5 9 3
Nous reportons ces réponses dans la matrice de comparaison par paires. Rappelons
qu’il s’agit d’une matrice positive et réciproque. Les autres réponses sont donc
directement déduites de celles données par l’investisseur.
E Sous-critère E1 Sous-critère E2 Sous-critère E3
Sous-critère E1 1 5 9
Sous-critère E2 5!!
1 3
Sous-critère E3 9!!
3!!
1
Le calcul des poids finaux des sous-critères environnementaux nécessite de passer
par quatre étapes :
- Le calcul des moyennes géométriques dans un premier temps
- Le calcul des poids exprimés en fuzzy-numbers dans un second temps
- La défuzzification des poids dans un troisième temps
- La normalisation des poids pour finir
24. 24
On rappelle les relations suivantes :
Fuzzy number
Fonction
d’appartenance
Réciproque
Fonction
d’appartenance de
la réciproque
1 (1,1,3) 1!! (1/3 , 1, 1)
3 (1,3,5) 3!! (1/5 , 1/3 , 1)
5 (3,5,7) 5!! (1/7 , 1/5, 1/3)
7 (5,7,9) 7!! (1/9 , 1/7 , 1/5)
9 (7,9,9) 9!! (1/9 , 1/9, 1/7)
Calcul des moyennes géométriques :
On commence par calculer la moyenne géométrique des réponses pour chaque
critère ( i.e sur chaque ligne). Elle est calculée sur la base des règles de calcul
exposées plus haut. La moyenne géométrique obtenue sera également un fuzzy-
number.
Sous-critère E1 :
𝑒! = 1,1,3 . 3,4,7 . 7,9,9
!
! = (1×3×7, 1×5×9, 3×7×9)!/!
= (21
!
!, 45
!
!, 189
!
!)
On trouve :
𝑒! = (2.7589, 3.5569, 5.7288)
Sous-critère E2 :
𝑒! =
1
7
,
3
5
, 5
!/!
= (0.5227,0.8434, 1.7099)
Sous-critère E3 :
e! = (
1
45
,
1
27
,
3
7
)
!
! = (0.2811 , 0.3333, 0.7539)
Calcul des poids :
On calcule le poids de chaque critère selon la formule :
𝑤!!
=
𝑒!
𝑒!
!
!
On a :
𝑒! = 2.7589, 3.5569, 5.7288 +
!
!
0.5227,0.8434, 1.7099 + 0.2811 , 0.3333, 0.7539
Soit :
𝑒! = 3.5627, 4.7336, 8.1926
!
!
𝑤!!
=
2.7589, 3.5569 , 5.7288
3.5627 , 4.7336 , 8.1926
=
2.7589
8.1926
,
3.5569
4.7336
,
5.7288
3.5627
= (0.336, 0.741, 1.610)
25. 25
De la même manière , on trouve :
𝑤!!
= (0.064 , 0.180 , 0.480)
et :
𝑤!!
= (3.427×10!!
, 7.041×10!!
, 0.212)
Défuzzification :
Les poids obtenus sont exprimés en fuzzy numbers. Il faut donc les « défuzzifier »,
c’est-à-dire les transformer en réels.
On rappelle la formule pour passer d’un fuzzy à un réel:
Soit à = 𝑙, 𝑚, 𝑛 un fuzzy-number triangulaire :
𝐷 Ã =
𝑙 + 2𝑚 + 𝑛
4
On note 𝑤!!
!
le poids défuzzifié :
𝑤!!
!
=
0.336 + 2×0.741 + 1.610
4
= 0.857
De la même manière on obtient :
𝑤!!
!
= 0.226
et :
𝑤!!
!
= 0.097
Les poids obtenus n’étant pas normalisés, une dernière étape consiste à les
normaliser.
Normalisation :
On note 𝑤!!
le poids normalisé, obtenu pour chaque sous-critère. Il est obtenu selon
la formule suivante :
𝑤!!
=
𝑤!!
!
𝑤!!
!!
!
On obtient alors :
𝑤!!
=
0.857
0.857 + 0.226 + 0.097
= 0.73
𝑤!!
= 0.19
𝑤!!
= 0.08
On a bien : 𝑤!!
+ 𝑤!!
+ 𝑤!!
= 1
26. 26
Les résultats sont synthétisés dans le tableau suivant :
E Sous-critère E1 Sous-critère E2 Sous-critère E3 Poids normalisé
Sous-critère E1 1 5 9 0.73
Sous-critère E2 5!! 1 3 0.19
Sous-critère E3 9!!
3!!
1 0.08
Ce raisonnement est valable pour toutes les autres matrices de comparaison. Les
résultats suivants ont été calculés grâce à une macro VBA que nous avons
programmée.
S Sous-critère S1 Sous-critère S2 Sous-critère S3 Poids normalisé
Sous-critère S1 1 3 3!! 0.27
Sous-critère S2 3!!
1 7!!
0.10
Sous-critère S3 3 7 1 0.63
G
Sous-critère
G1
Sous-critère G2 Sous-critère G3 Poids normalisé
Sous-critère G1 1 3!!
3 0.28
Sous-critère G2 3 1 5 0.60
Sous-critère G3 3!!
5!!
1 0.12
§ Niveau 2:
Critères E S G Poids normalisé
E 1 3 7 0.62
S 3!!
1 5 0.31
G 7!!
5!!
1 0.07
Interprétation : La note attribuée à un titre sur le plan environnemental comptera
pour 62% de sa note ESG finale. La dimension sociale, elle, comptera pour 31%.
Enfin, le critère « Gouvernance » comptera seulement pour 7% de la note finale.
27. 27
II – Optimisation du portefeuille SRI
Dans cette partie nous présentons deux modèles d’optimisation de portefeuille ISR.
Ces modèles restent au jour d’aujourd’hui très théoriques. En effet, dans la pratique,
les assets managers disposent d’optimisateurs avec contraintes de tracking error du
type BarraOne, comme c’est le cas de l’équipe quantitative d’Amundi36.
Ainsi notre but est d’expliquer les fondements de ces deux modèles, de les
expliquer, et d’aboutir à la résolution optimale.
A) OPTIMISATION ESPÉRANCE-VARIANCE SOUS CONTRAINTE DE SCORES ESG MINIMAL
Dans cette sous-partie, nous présentons le travail de recherche de Drut (2010)37.
Ce papier de recherche explore l’impact de l’introduction d’une contrainte
supplémentaire (score ESG minimal à satisfaire pour le portefeuille) en fonction de
l’aversion au risque de l’investisseur. La démarche est simple : nous partons de
l’étude d’un portefeuille d’un investisseur non-ISR, puis nous introduisons la
contrainte et explorons l’impact conjoint de cette contrainte et de l’aversion au
risque de l’investisseur sur la performance du portefeuille ISR. Best et Grauer
(1990) 38 ont résolu des problèmes d’optimisation similaires. Ainsi, nous ne
démontrons pas la résolution, préférant nous pencher sur l’impact de l’aversion au
risque de l’investisseur face à l’introduction d’une contrainte extra financière.
a) Choix optimal de actifs risqués
Programme de maximisation classique d’un investisseur insensible à l’ISR39
On considère l’univers suivant :
• n titres
• μ = [𝜇!, 𝜇!, … , 𝜇!] : vecteur des rendements espérés des titres
• Σ = (𝜎!,!) : matrice (n,n) des variances-covariances des titres
• w = [𝑤!, 𝑤!, … , 𝑤!] : vecteur des poids (tel que 𝑤!
!
!!! = 1)
• λ : niveau d’aversion au risque de l’investisseur (qu’on pose comme supérieur
à 0)
On définit les relations suivantes :
• L’espérance du portefeuille : µμ! = µμw′
• La variance du portefeuille : 𝜎!
!
= 𝑤!
𝛴𝑤
D’où le programme de maximisation suivant40 :
max 𝑤!
µμ −
𝜆
2
𝑤!
𝛴𝑤
𝑠𝑐. 𝑤!
!
!!!
= 1
36 Berg,F. de Laguiche, S. Le Berthe,T. Russo, A. Sorange, A. 2014. ISR and performance:
impact of ESG criteria in equity and bond management processes
37 Drut, B. 2010. Social responsability and mean-variance portfolio selection
38 Best, M. et Grauer, R. 1990. On the sensitivity of mean-variance efficient portfolios to
change in asset means: some analytical and computational results
39 Nous le notons II-ISR
40 Markowitz, H. 1952. Portfolio Selection
28. 28
Best et Grauer (1990)41 montrent que la solution à ce problème est la suivante :
𝑤 =
𝛴!!
𝐼
𝑐
+
1
𝜆
𝛴!!
𝜇 − 𝐼
𝑎
𝑐
avec
𝐼 : vecteur de uns
𝑎 = 𝐼!
𝛴!!
𝜇 = 𝜇′𝛴!!
𝐼
𝑐 = 𝐼′ 𝛴!!
𝐼
On pose également pour la suite
𝑏 = 𝜇!
𝛴!!
𝜇
𝑑 = 𝛷!
𝛴!!
𝐼 = 𝐼!
𝛴!!
Φ
𝑒 = 𝛷!
𝛴!!
𝜇 = 𝜇!
𝛴!!
𝛷
𝑓 = 𝜙!
𝛴!!
𝜙
On introduit la contrainte extra financière
La contrainte extra financière correspond à un score ESG minimal associé au
portefeuille.
Ainsi pour un univers donné, on a :
• Φ = [∅!, ∅!, … , ∅!] : vecteur des scores ESG associés à chaque titre de l’univers
On pose comme hypothèses que les scores ESG sont indépendants de l’espérance et
du risque associés à chacun des titres (ce qui exclue une quelconque corrélation
entre les scores et les rendements) et que les scores sont additifs.
Ainsi, on définit ainsi la relation suivante :
• Le score ESG du portefeuille : 𝛷! = 𝑤!
𝛷 = 𝑤!
!
!!! . 𝛷!
En utilisant l’expression de w, solution du problème de maximisation, pour exprimer
l’espérance et le score ESG du portefeuille, nous aboutissons à une relation linéaire
entre eux.
On exprime l’espérance du portefeuille
𝜇! = 𝜇!
𝑤
= 𝜇!
𝛴!!
𝐼
𝑐
+
1
𝜆
𝛴!!
𝜇 − 𝛴!!
𝐼
𝑎
𝑏
=
𝐼𝛴!!
𝜇
𝑐
+
1
𝜆
𝜇′ 𝛴!!
𝜇 + 𝜇!
𝛴!!
𝐼
𝑎
𝑐
=
𝑎
𝑐
+
1
𝜆
𝑏 − 𝑎.
𝑎
𝑐
=
𝑎
𝑐
+
1
𝜆
𝑏
𝑐
𝑐 − 𝑎.
𝑎
𝑐
=
1
𝑐
(𝑎 +
1
𝜆
(𝑏𝑐 − 𝑎!
))
41 Best, M. et Grauer, R. 1990. On the sensitivity of mean-variance efficient portfolios to
change in asset means: some analytical and computational results
29. 29
ainsi que le score ESG du portefeuille :
𝛷! = 𝛷!
𝑤
=
𝛷!
𝛴!!
𝐼
𝑐
+
𝛷!
𝜆
𝛴!!
𝜇 − 𝐼
𝑎
𝑐
=
𝑑
𝑐
+
1
𝜆
𝛷!
𝛴!!
𝜇 − 𝛷 𝛴!!
𝐼
𝑎
𝑐
=
𝑑
𝑐
+
1
𝜆
𝑒 − 𝑑
𝑎
𝑐
=
𝑑
𝑐
+
1
𝜆
𝑒
𝑐
𝑐
− 𝑑
𝑎
𝑐
=
1
𝑐
(𝑑 +
1
𝜆
𝑒𝑐 − 𝑑𝑎 )
On exprime
!
!
en fonction de 𝜇! pour ensuite l’injecter dans l’expression de 𝛷! :
1
𝜆
=
𝑐𝜇! − 𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
Ainsi, nous réecrivons 𝛷! :
𝛷! =
1
𝑐
𝑑 +
𝑐𝜇! − 𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
=
1
𝑐
𝑑
𝑏𝑐 − 𝑎!
𝑏𝑐 − 𝑎!
+
𝑐𝜇! − 𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
=
1
𝑐
𝑑𝑏𝑐 − 𝑑𝑎!
𝑏𝑐 − 𝑎!
+
𝑐𝜇! 𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
−
𝑎 𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
=
1
𝑐
𝑑𝑏𝑐 − 𝑑𝑎!
− 𝑎𝑒𝑐 + 𝑑𝑎!
𝑏𝑐 − 𝑎!
+ 𝑐𝜇!
𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
=
𝑑𝑏 − 𝑎𝑒
𝑏𝑐 − 𝑎!
+ 𝜇!
𝑒𝑐 − 𝑑𝑎
𝑏𝑐 − 𝑎!
Que nous pouvons également écrire de la sorte :
𝛷! = 𝛿! + 𝛿!µμ!
avec
𝛿! =
𝜇!
𝛴!!
𝜇 𝐼!
𝛴!!
𝛷 − (𝐼!
𝛴!!
𝜇)(𝜇!
𝛴!!
𝛷)
𝐼! 𝛴!! 𝐼 𝜇! 𝛴!! 𝜇 − (𝐼! 𝛴!! 𝜇)!
𝛿! =
𝜇!
𝛴!!
𝛷 𝐼!
𝛴!!
𝐼 − (𝐼!
𝛴!!
𝜇)(𝐼!
𝛴!!
𝛷)
𝐼! 𝛴!! 𝐼 𝜇! 𝛴!! 𝜇 − (𝐼! 𝛴!! 𝜇)!
La note du portefeuille est donc une fonction linéaire de l’espérance du portefeuille
𝜇! et dépend uniquement de μ, Σ, Φ.
30. 30
En faisant tendre les valeurs de μ vers 0 et +∞, nous parvenons à déterminer les
bornes de 𝛷! :
lim
!! →!
𝛷! = lim
!! →!
𝛿! =
𝑑
𝑐
=
𝐼!
𝛴!!
𝛷
𝐼! 𝛴!! 𝐼
lim
!! → !
𝛷! = ∞
Dès lors, si 𝛿! > 0 alors 𝛷! 𝜖
!!!!!!
!!!!!!
; +∞ et si 𝛿! < 0, alors 𝛷! 𝜖 −∞ ;
!!!!!!
!!!!!!
.
Dans ce qui suit, on note 𝜌 =
!!!!!!
!!!!!!
.
Il apparaît alors que le signe de 𝛿! joue un rôle essentiel. En effet, il représente le
trade-off entre l’aversion au risque et les notations ESG du portefeuille.
Pour 𝛿! > 0, les portefeuilles les mieux notés sont au sommet de la frontière
efficiente insensible à l’ISR42, ce qui signifie que ce sont des portefeuilles avec un
risque élevé et que les investisseurs averses au risque sont pénalisés.
Inversement, lorsque 𝛿! < 0 les portefeuilles les mieux notés sont au point le plus
bas de la FEI-ISR, ce qui signifie que ce sont des portefeuilles avec des risques plus
faibles et que les investisseurs averses au risque sont avantagés.
Programme de maximisation d’un investisseur sensible à l’ISR43
On introduit dorénavant l’existence d’un investisseur sensible à l’ISR. Celui-ci se
distingue de l’II-ISR par l’ajout d’une contrainte supplémentaire à son programme de
maximisation, en celle d’un score de ESG de portefeuille minimal.
Le programme de maximisation s’écrit donc de la sorte :
max 𝑤!
µμ −
𝜆
2
𝑤!
𝛴𝑤
𝑠𝑐. 𝑤!
!
!!!
= 1
𝛷! = 𝛷!
𝑤 ≥ 𝛷!
On définit 𝜆! comme la valeur seuil d’aversion au risque.
42 Nous la notons FEI-ISR
43 Nous le notons IS-ISR
31. 31
Si 𝛿! < 0, alors plus l’espérance du portefeuille est importante, plus sa notation sera
faible.
• Si ρ > 𝛷!, alors la valeur de la borne supérieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus élevée que l’exigence minimale de l’investisseur. Pour que la FEI-
ISR ne soit pas modifiée, il faut que l’investisseur soit hautement averse au
risque
o Si λ < 𝜆!`, alors la FES-ISR44 est située en deçà de la FEI-ISR (*)
o Si λ > 𝜆!, alors la FES-ISR et la FEI-ISR sont identiques
• Si ρ < 𝛷!, alors la valeur de la borne supérieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus faible que l’exigence minimale de l’investisseur. Les FEI-ISR et
FES-ISR sont alors radicalement différentes (*)
Si 𝛿! > 0, alors plus l’espérance du portefeuille est importante, plus sa notation sera
élevée.
• Si ρ < 𝛷!, alors la valeur de la borne inferieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus faible que l’exigence minimale de l’investisseur. Pour que la FEI-
ISR ne soit pas modifiée, il faut que l’investisseur soit faiblement averse au
risque
o Si λ < 𝜆!, alors la FES-ISR et la FEI-ISR sont identiques
o Si λ > 𝜆!`, alors la FES-ISR est située en deçà de la FEI-ISR (*)
• Si ρ > 𝛷!, alors la valeur de la borne inferieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus élevée que l’exigence minimale de l’investisseur. Les FEI-ISR et
FES-ISR sont alors inchangées
Les (*) désignent les situations où la FEI est affectée. Nous représentons les quatre
cas par les graphiques ci-dessous :
44 Frontière efficiente sensible à l’ISR
32. 32
Figure 9. Cas avec 𝛿! < 0 et ρ < 𝛷!
Figure 10. Cas avec 𝛿! > 0 et ρ < 𝛷!
33. 33
Figure 11. Cas avec 𝛿! < 0 et ρ > 𝛷!
Figure 12. Cas avec 𝛿! > 0 et ρ > 𝛷!
34. 34
Best et Grauer 45 (1990) déterminent la valeur limite de 𝜆! et donc les espérance et
variance du portefeuille limite, nous le démontrerons pas :
𝜆! =
𝑎𝑑 − 𝑐𝑒
𝑑 − 𝛷! 𝐼! 𝛴!! 𝐼
𝜆! =
𝐼!
𝛴!!
𝜇 𝛷!
𝛴!!
𝐼 − (𝐼!
𝛴!!
𝐼 )(𝛷!
𝛴!!
𝜇)
(𝛷! − 𝛷! 𝐼) 𝛴!! 𝐼
𝐸! =
1
𝑐
𝑎 +
1
𝜆!
𝑏𝑐 − 𝑎!
𝐸! =
1
𝐼! 𝛴!! 𝐼
𝜇!
𝛴!!
𝐼 +
1
𝜆!
𝜇!
𝛴!!
𝜇 𝐼!
𝛴!!
𝐼 – 𝜇!
𝛴!!
𝐼 !
𝑉! =
1
𝑐
1 +
1
𝜆!
! 𝑏𝑐 − 𝑎!
𝑉! =
1
𝐼! 𝛴!! 𝐼
1 +
1
𝜆!
! 𝜇!
𝛴!!
𝜇 𝐼!
𝛴!!
𝐼 – 𝜇!
𝛴!!
𝐼 !
45 Best, M. et Grauer, R. 1990. On the sensitivity of mean-variance efficient portfolios to
change in asset means: some analytical and computational results
35. 35
b) Allocation optimale entre portefeuille risqué et actif sans risque
Programme de maximisation classique d’un investisseur insensible à l’ISR (II-
ISR)
Nous considérons maintenant l’univers suivant :
• n titres
• μ = [𝜇!, 𝜇!, … , 𝜇!] : vecteur des rendements espérés des titres
• Σ = (𝜎!,!) : matrice (n,n) des variance-covariances des titres
• Φ = [∅!, ∅!, … , ∅!] : vecteur des scores ESG des titres
• w = [𝑤!, 𝑤!, … , 𝑤!] : vecteur des poids (tel que 𝑤!
!
!!! = 1)
• λ : niveau d’aversion au risque de l’investisseur (qu’on pose comme supérieur
à 0)
• r : taux de l’actif sans risque
• 𝑤! : poids de l’actif sans risque
• Φ* : score ESG de l’actif sans risque
Nous définissons les relations suivantes :
• L’espérance du portefeuille : 𝜇! = 𝑤𝜇!
+ 𝑤! 𝑟
• La variance du portefeuille : 𝜎!
!
= 𝑤!
𝛴𝑤
• Le score ESG du portefeuille : 𝛷! = 𝑤𝛷!
+ 𝑤! 𝛷∗
D’où le programme de maximisation suivant 46 :
max 𝑤!
µμ + 𝑤! 𝑟 −
𝜆
2
𝑤!
𝛴𝑤
𝑠𝑐. 𝑤!
𝐼 + 𝑤! = 1
Best et Grauer (1990)47 montrent que le couple solution à ce problème est le
suivant :
𝑤 =
1
𝜆
[𝛴!!
𝑘]
𝑤! = 1 −
1
𝜆
[𝐼!
𝛴!!
𝑘]
avec
𝑘 = 𝜇 − 𝑟𝐼
La solution à ce problème de maximisation constitue la droite des marchés des
capitaux ou capital market line.
46 Sharpe, W. 1964, Capital asset prices: a theory of market equilibrium under conditions of
risk
47 Best, M. et Grauer, R. 1990. On the sensitivity of mean-variance efficient portfolios to
change in asset means: some analytical and computational results
36. 36
On introduit la contrainte extra financière
Dans le cas présent, la contrainte extra-financière correspond à une contrainte de
score minimum du portefeuille alloué entre le portefeuille risqué et l’actif sans
risque.
On pose comme hypothèse que les scores ESG sont indépendants de l’espérance et
du risque associés à chacun des titres (ce qui exclut une quelconque corrélation
entre les scores et les rendements des titres) et que les scores sont additifs.
Cette contrainte s’écrit donc de la sorte :
𝛷! = 𝑤𝛷!
+ 𝑤! 𝛷∗
En utilisant les expressions de w et 𝑤!, solutions du problème de maximisation, pour
exprimer l’espérance et le score ESG du portefeuille, nous aboutissons à une relation
linéaire entre eux.
On exprime l’espérance du portefeuille :
𝜇! = 𝑤𝜇!
+ 𝑤! 𝑟
=
𝜇!
𝜆
𝛴!!
𝑘 + 𝑟 1 −
1
𝜆
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝑟 +
1
𝜆
𝜇!
𝛴!!
𝑘 − 𝑟𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝑟 +
1
𝜆
𝜇!
𝛴!!
− 𝑟𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝑟 +
1
𝜆
𝜇!
𝛴!!
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝑟 +
1
𝜆
𝑘!
𝛴!!
𝑘
Ainsi que le score ESG du portefeuille :
𝛷! = 𝑤𝛷!
+ 𝑤! 𝛷∗
= 𝛷!
1
𝜆
𝛴!!
𝑘 + 𝛷∗
1 −
1
𝜆
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+
1
𝜆
𝛷!
𝛴!!
𝑘 − 𝛷∗
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+
1
𝜆
𝛷!
𝛴!!
− 𝛷∗
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+
1
𝜆
𝛷!
− 𝛷∗
𝐼!
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+
1
𝜆
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
On exprime
!
!
en fonction de 𝜇! pour ensuite l’injecter dans l’expression de 𝛷! :
1
𝜆
=
𝜇! − 𝑟
𝑘! 𝛴!! 𝑘
37. 37
Ainsi, nous réécrivons 𝛷! :
𝛷! = 𝛷∗
+
1
𝜆
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+
𝜇! − 𝑟
𝑘! 𝛴!! 𝑘
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
= 𝛷∗
+ 𝜇!
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
𝑘! 𝛴!! 𝑘
− 𝑟
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
𝑘! 𝛴!! 𝑘
= 𝛷∗
− 𝑟
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
𝑘! 𝛴!! 𝑘
+ 𝜇!
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
𝑘
𝑘! 𝛴!! 𝑘
Que nous pouvons également écrire de la sorte :
𝛷! = 𝛿!
∗
+ 𝛿!
∗
𝜇!
avec
𝛿!
∗
= 𝛷∗
− 𝑟
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
(𝜇 − 𝑟𝐼)
(𝜇 − 𝑟𝐼)! 𝛴!!(𝜇 − 𝑟𝐼)
𝛿!
∗
=
𝛷 − 𝛷∗
𝐼 !
𝛴!!
(𝜇 − 𝑟𝐼)
(𝜇 − 𝑟𝐼)! 𝛴!!(𝜇 − 𝑟𝐼)
La note du portefeuille réparti entre l’actif risqué et l’actif sans risque est donc une
fonction linéaire de l’espérance du portefeuille 𝜇! et dépend uniquement de μ, Σ, Φ
et Φ*
.
En faisant tendre les valeurs de μ vers 0 et +∞, nous parvenons à déterminer les
bornes de 𝛷! :
lim
!! →!
𝛷! = lim
!! →!
𝛿!
∗
= 𝛷∗
lim
!! → !
𝛷! = ∞
Ainsi si 𝛿!
∗
> 0 alors 𝛷! 𝜖 𝛷∗
; +∞ et si 𝛿!
∗
< 0, alors 𝛷! 𝜖 −∞ ; 𝛷∗
.
Il apparaît alors que le signe de 𝛿!
∗
joue un rôle essentiel. En effet, il représente le
trade-off entre l’aversion au risque et les notations ESG du portefeuille reparti entre
l’actif risqué et l’actif sans risque.
Pour 𝛿!
∗
> 0, les portefeuilles les mieux notés sont au sommet de la CMLI-ISR48, ce
qui signifie que ce sont des portefeuilles avec un risque élevé et que les
investisseurs averses au risque sont pénalisés.
Inversement, lorsque 𝛿!
∗
< 0 les portefeuilles les mieux notés sont au point le plus
bas de la CMLI-ISR, ce qui signifie que ce sont des portefeuilles avec des risques
plus faibles et que les investisseurs averses au risque sont avantagés.
48 Capital market line insensible à l’ISR
38. 38
Programme de maximisation d’un investisseur sensible à l’ISR
L’IS-ISR se distingue de l’II-ISR par l’ajout d’une contrainte supplémentaire à son
programme de maximisation, en celle d’un score ESG minimal de répartition entre le
portefeuille risqué et l’actif sans risque.
Le programme de maximisation s’écrit donc de la sorte :
max 𝑤!
µμ + 𝑤! 𝑟 −
𝜆
2
𝑤!
𝛴𝑤
𝑠𝑐. 𝑤!
𝐼 + 𝑤! = 1
𝛷! = 𝑤𝛷!
+ 𝑤! 𝛷∗
≥ 𝛷!
On définit 𝜆!
∗
comme la valeur seuil d’aversion au risque.
Si 𝛿!
∗
< 0, alors plus l’espérance du portefeuille est importante, plus sa notation sera
faible.
• Si 𝛷∗
> 𝛷! , alors la valeur de la borne supérieure de la notation du
portefeuille 𝛷! est plus élevée que l’exigence minimale de l’investisseur. Pour
que la CMLI-ISR ne soit pas modifiée, il faut que l’investisseur soit hautement
averse au risque
o Si λ <𝜆!
∗
, alors la CMLS-ISR49 est située en deçà de la CMLI-ISR (*)
o Si λ >𝜆!
∗
, alors la CMLS-ISR et la CMLI-ISR sont identiques
• Si 𝛷∗
< 𝛷! , alors la valeur de la borne supérieure de la notation du
portefeuille 𝛷! est plus faible que l’exigence minimale de l’investisseur. Les
CMLI-ISR et CMLS-ISR sont alors radicalement différentes (*)
Si 𝛿!
∗
> 0, alors plus l’espérance du portefeuille est importante, plus sa notation sera
élevée.
• Si 𝛷∗
< 𝛷!, alors la valeur de la borne inferieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus faible que l’exigence minimale de l’investisseur. Pour que la
CMLI-ISR ne soit pas modifiée, il faut que l’investisseur soit faiblement averse
au risque
o Si λ < 𝜆!
∗
, alors la CMLS-ISR et la CMLI-ISR sont identiques
o Si λ > 𝜆!
∗
, alors la CMLS-ISR est située en deçà de la CMLI-ISR (*)
• Si 𝛷∗
> 𝛷!, alors la valeur de la borne inferieure de la notation du portefeuille
𝛷! est plus élevée que l’exigence minimale de l’investisseur. Les CMLI-ISR et
CLMS-ISR sont alors inchangées
Les (*) désignent les situations où la CMLI est affectée. Nous représentons les quatre
cas par les graphiques ci-dessous :
49 Capital Market Line Sensible à l’ISR
39. 39
Figure 13. Cas 𝛿!
∗
< 0 et 𝛷∗
< 𝛷!
Figure 14. Cas 𝛿!
∗
> 0 et 𝛷∗
< 𝛷!
40. 40
Figure 15. Cas 𝛿!
∗
< 0 et 𝛷∗
> 𝛷!
Figure 16. Cas 𝛿!
∗
> 0 et 𝛷∗
> 𝛷!
41. 41
Best et Grauer 50 (1990) déterminent la valeur limite de 𝜆! et donc les espérance et
variance du portefeuille limite, nous le redémontrerons pas :
𝜆!
∗
=
𝑘!
𝛴!!
𝛷 − 𝛷∗
𝐼
𝛷0 − 𝛷∗ 𝐼
𝜆!
∗
=
(𝜇 − 𝑟𝐼)!
𝛴!!
𝛷 − 𝛷∗
𝐼
𝛷0 − 𝛷∗ 𝐼
𝐸!
∗
= 𝑟 +
1
𝜆!
∗ 𝑘!
𝛴!!
𝑘
𝐸!
∗
= 𝑟 +
1
𝜆!
∗ 𝜇 − 𝑟𝐼 !
𝛴!!
𝜇 − 𝑟𝐼
𝑉!
∗
=
1
𝜆!
∗ ! 𝑘!
𝛴!!
𝑘
𝑉!
∗
=
1
𝜆!
∗ ! 𝜇 − 𝑟𝐼 !
𝛴!!
𝜇 − 𝑟𝐼
50 Best, M. et Grauer, R. 1990. On the sensitivity of mean-variance efficient portfolios to
change in asset means: some analytical and computational results
42. 42
B) THÉORIE DES RENDEMENTS SOCIAUX
Du moment que les notes ESG sont disponibles, l’application du model étudié plus
haut ne présente aucune difficulté. En effet, il ne s’agit au final que d’appliquer une
contrainte supplémentaire au modèle d’espérance-variance de Markowitz51 (1952),
en celle d’une note ESG minimum sur le portefeuille, en posant l’hypothèse que cette
dernière correspond à la somme pondérée des notes ESG de chacun des actifs du
portefeuille.
Toutefois, ce modèle ne mesure l’utilité de l’investisseur tire de son portefeuille ISR
qu’en terme financier.
Le modèle que nous présentons ci-dessous est tiré des travaux de Dorfleitner, Leidl
et Reeder52 sur la théorie des rendements sociaux. Bien que les auteurs l’appliquent
à la microfinance, elle trouve tout à fait une application au domaine de
l’investissement socialement responsable.
Fondements de la théorie :
Pour comprendre les fondements de cette théorie, il convient de discuter de ce qui
distingue un investisseur ISR d’un investisseur insensible à l’ISR.
En plaçant dans un portefeuille d’actifs, un investisseur classique a pour but de faire
fructifier son épargne. Sa finalité est donc purement financière.
Lorsque qu’investisseur décide de placer son épargne dans un fond ISR, il espère
certes une certaine rentabilité financière, mais il jouit également du fait de savoir
qu’il finance des projets qui ont un impact positif sur l’environnement, la
communauté, le salariat et la société dans son ensemble, à défaut de pourvoir
s’engager au quotidien. Cela lui procure donc une utilité supplémentaire, qu’il
conviendrait de considérer dans son choix de portefeuille.
Ainsi le point de départ du modèle des rendements sociaux est de considérer que
l’utilité d’un investisseur ISR ne provient pas seulement des rendements financiers
des actifs qu’il détient mais également de l’impact que ses placements ont sur la
société. C’est que l’on désigne par rendements sociaux.
La théorie des rendements sociaux a donc pour but d’aller au delà d’une simple
optimisation à la Markowitz1 après screening négatif et/ou positif que les auteurs
considèrent comme un exemple du concept de rationalité limitée de Simon53. En
effet l’investisseur n’étant pas en possession des informations, ni des capacités
cognitives pour mesurer l’impact de son investissement, il s’en voit obligé de réduire
son univers d’investissement avant d’optimiser les actifs subsistants, plutôt que de
résoudre le problème dans sa complexité initiale.
Nature des rendements sociaux :
Dans le cadre des travaux de Dorfleitner, Leidl et Reeder (2010)52, aucune méthode
de mesure objective n’est mentionnée. Toutefois les auteurs considèrent que les
rendements sociaux suivent un processus stochastique. Deux raisons expliquent
cette hypothèse: d’une part, les rendements sociaux sont imparfaitement
mesurables et d’une autre, le comportement des entreprises émettrices de titres à
51 Markowitz, H. 1952. Portfolio Selection
52 Dorfleitner G. Liedl, M. Reeder,J. 2010. Theory of social returns in portfolio choice with
application to microfinance
53 Simon, H. 1947, Administrative Behaviour: a Study of Decision-Making Processes in
Administrative Organization
43. 43
l’égard des trois dimensions E,S et G peut varier d’une période d’investissement à
une autre.
a) Modèle théorique à 5 paramètres
Nous considérons l’univers suivant :
• N titres décrits par le couple de rendements financiers (mesurés en termes
monétaires) et rendements sociaux (mesurés en termes non-monétaires)
(𝑅!, 𝑆!)
• Un investissement à une période tel que pour Vo, capital de départ en T= 0,
nous avons en T=1 un rendement financier Vo(1 + Ri) et un rendement social
VoSi pour chaque actif
• 𝜇!!
, 𝜎!!
, 𝜎!!!!
: espérance de rendements financiers d’un actif, sa variance, et
sa covariance avec le rendement financier d’un autre actif
• 𝜇!!
, 𝜎!!
, 𝜎!!!!
: espérance de rendements sociaux d’un actif, sa variance, et sa
covariance avec les rendements sociaux d’un autre actif
• 𝜎!!!!
: covariance, dite intra-actif, entre les rendements financiers et sociaux
d’un même actif
• 𝜎!!!!
: covariance, dite inter-actifs, entre les rendements financiers et sociaux
de deux différents actifs
Nous définissons les matrices suivantes :
• 𝑥 = [𝑥!, 𝑥!, … , 𝑥!] : vecteur des poids (tel que 𝑥!
!
!!! = 1)
• 𝜇! = [𝜇!!
, 𝜇!!
, … , 𝜇!!
] : vecteur des espérances de rendements financiers
• 𝛴! : matrice (N,N) des covariances des rendements financiers
𝛴! =
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
⋮ ⋱ ⋮
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
• 𝜇! = [𝜇!!
, 𝜇!!
, … , 𝜇!!
] : vecteur des espérances de rendement sociaux
• 𝛴! : matrice (N,N) des covariances des rendements sociaux
𝛴! =
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
⋮ ⋱ ⋮
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
• 𝛴!" : matrice (N,N) des covariances entre rendements sociaux et rendements
financiers
Les covariances intra-actif sont situées sur la diagonale de la matrice 𝛴!", les
covariances inter-actifs sont à l’extérieur
𝛴!" =
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
⋮ ⋱ ⋮
𝜎!!!!
… 𝜎!!!!
Par souci de clarification, nous reproduisons le schéma des auteurs détaillant
l’ensemble des covariances utilisées par le modèle :
44. 44
Figure 17. Ensemble des covariances entre deux actifs54
Nous définissons les relations suivantes au niveau du portefeuille :
• Le rendement financier du portefeuille : 𝑅! = 𝑥!
!
!!! 𝑅!
• Le rendement social du portefeuille : 𝑆! = 𝑥!
!
!!! 𝑆!
• L’espérance de rendements financiers du portefeuille : 𝜇!!
= 𝑥!
!
!!! 𝜇!!
• La variance des rendements financiers du portefeuille : 𝜎!!
!
= 𝑥′𝛴! 𝑥
• L’espérance de rendements sociaux du portefeuille : 𝜇!!
= 𝑥!
!
!!! 𝜇!!
• La variance des rendements sociaux du portefeuille : 𝜎!!
!
= 𝑥′𝛴! 𝑥
• La covariance entre les rendements financiers et rendements sociaux du
portefeuille : 𝜎!!!!
= 𝑥′𝛴!" 𝑥
La fonction d’utilité de l’investisseur s’écrit comme il suit :
𝑈 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 𝛽! 𝜎!!
!
− 𝛽! 𝜎!!
!
− 𝛽! 𝜎!!!!
Des rendements financiers et sociaux élevés augmentent l’utilité de l’investisseur.
Un risque sur les rendements financiers et sur les rendements sociaux et leur
corrélation heurtent son utilité.
En étudiant la valeur des coefficients 𝛽 nous constatons que lorsque :
- 𝛽! = 𝛽! = 𝛽! = 0 : nous retrouvons l’équation d’utilité du modèle de Markowitz
(1952)55
- 𝛽! = 𝛽! = 𝛽! = 0 : nous sommes dans le cas d’un investisseur de type « quaker56 »,
à savoir un fanatique de l’ISR dont l’utilité n’est procurée que par les rendements
sociaux
54 Dorfleitner G. Liedl, M. Reeder,J. 2010. Theory of social returns in portfolio choice with
application to microfinance
55 Markowitz, H. 1952. Portfolio Selection
56 En référence à la Société Religieuse des Amis (Quakers en anglais), mouvement religieux
aux Etats-Unis, souvent cité comme les initiateurs de l’ISR
45. 45
- 𝛽! = 𝛽! = 0 : nous sommes dans le cas d’un investisseur dit extrinsèquement
motivé, tel que défini par Sen57 (1987), à savoir un investisseur dont l’utilité liée aux
rendements sociaux ne provient que de l’espérance des rendements sociaux 𝜇!!
et
non de leur variation entre deux périodes. Concrètement, il s’agit de l’investisseur
dont l’utilité provient du fait d’informer ses pairs du caractère ISR de ses choix
d’investissement
- 𝛽! ≠ 𝛽! ≠ 𝛽! ≠ 𝛽! ≠ 𝛽! ≠ 0 : nous sommes dans le cas d’un investisseur dit
intrinsèquement motivé, tel que défini par Sen6 (1987), à savoir un investisseur dont
l’utilité dépend non seulement de l’espérance des rendements sociaux mais
également de leur variation au cours du temps
Le programme d’optimisation est donc le suivant :
max 𝑈 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 𝛽! 𝜎!!
!
− 𝛽! 𝜎!!
!
− 𝛽! 𝜎!!!!
= 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
+ 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
– 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥!
!
!!!
𝜎!!!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
𝑠𝑐. 𝑥!
!
!!!
= 1
Pour ce résoudre ce programme, nous passons par la méthode du Lagrangien :
𝐿 𝑥, 𝜆 = 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
+ 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
– 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥!
!
!!!
𝜎!!!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
− 𝜆 𝑥!
!
!!!
− 1
La condition de premier ordre s’écrit ainsi pour chaque actif i :
𝛿𝐿 𝑥, 𝜆
𝛿𝑥!
= 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 2𝛽! 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
– 2𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜎!!!!
− 𝛽! 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
+ 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
− 𝜆
𝛿𝐿 𝑥, 𝜆
𝛿𝑥!
= 0
𝜆 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 2𝛽! 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
– 2𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜎!!!!
− 𝛽! 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
+ 𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
Pour la contrainte :
𝛿𝐿 𝑥, 𝜆
𝛿𝜆
= 0
⇔ 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
+ 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
– 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥!
!
!!!
𝜎!!!!
− 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
− 𝑥!
!
!!!
− 1 = 0
57 Sen, A. 1987. On ethics and economics
46. 46
Nous posons :
• 𝑥∗
, la solution à ce problème d’optimisation :
𝑥∗
= [𝑥!
∗
, 𝑥!
∗
, … , 𝑥!
∗
, 𝜆]
• 𝑦 le vecteur de la somme de rendements financiers et sociaux avec une
colonne supplémentaire de 1
𝑦 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!,
, … , 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
, 1
• M comme la somme des matrices 𝛴!", 𝛴! auxquelles on rajoute une colonne
et une ligne de 0 pour les contraintes et la matrice 𝛴! à la quelle nous
rajoutons une colonne et une ligne de 1
On écrit 𝛴!
!
, 𝛴!
!
, 𝛴!"
!
:
𝛴!
!
=
2β3
σR1
R1
! 2β3
σR1
RN
1
! " ! !
2β3
σRN
R1
! 2β3
σRN
RN
1
1 ! 1 0
!
"
#
#
#
#
#
$
%
&
&
&
&
&
𝛴!
!
=
2β4
σS1
S1
! 2β4
σS1
SN
0
! " ! !
2β4
σSN
S1
! 2β4
σSN
SN
0
0 ! 0 0
!
"
#
#
#
#
#
$
%
&
&
&
&
&
𝛴!"
!
=
β5
σR1
S1
+σS1
R1
( ) ! β5
σR1
SN
+σS1
RN
( ) 0
! " ! !
β5
σRN
S1
+σSN
R1
( ) ! β5
σRN
SN
+σSN
RN
( ) 0
0 ! 0 0
!
"
#
#
#
#
#
#
$
%
&
&
&
&
&
&
Et leur somme 𝑀 :
𝑀 =
2β3
σR1
R1
+2β4
σS1
S1
+β5
σR1
S1
+σS1
R1
( ) ! 2β3
σR1
RN
+2β4
σS1
SN
+β5
σR1
SN
+σS1
RN
( ) 1
" # " "
2β3
σRN
R1
+2β4
σSN
S1
+β5
σRN
S1
+σSN
R1
( ) ! 2β3
σRN
RN
+2β4
σSN
SN
+β5
σRN
SN
+σSN
RN
( ) 1
1 ! 1 0
!
"
#
#
#
#
#
#
$
%
&
&
&
&
&
&
47. 47
Résolution du modèle :
Si M est inversible, la solution à ce problème est la suivante :
𝑥∗
= 𝑀!!
𝑦
Nous le démontrons en multipliant les deux termes de l’équation précédente par M :
𝑀𝑥∗
= 𝑀𝑀!!
𝑦 ⟺ 𝑀𝑥∗
= 𝑦
Prenons un exemple. Nous multiplions 𝑥∗
par la première ligne de M. on obtient :
𝑥! 2𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽!(𝜎!!!!
+ 𝜎!!!!
) + ⋯ + 𝑥! 2𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽!(𝜎!!!!
+ 𝜎!!!!
) + 𝜆
En comparant cette expression à celle de l’égalisation de la condition du premier
ordre du lagrangien à 0, nous pouvons écrire que :
𝑥! 2𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽!(𝜎!!!!
+ 𝜎!!!!
) + ⋯ + 𝑥! 2𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽! 𝜎!!!!
+ 𝛽!(𝜎!!!!
+ 𝜎!!!!
) + 𝜆 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
Ce qui vérifie bien la relation 𝑀𝑥∗
= 𝑦 et donc, si M est inversible, également l’égalité
𝑥∗
= 𝑀!!
𝑦.
Interprétation de la solution dans l’espace :
Dans l’espace, l’ensemble des solutions dépend du quintuple ( 𝛽!, 𝛽!, 𝛽!, 𝛽!, 𝛽!) .
Toutefois, aucun outil informatique ne permet de représenter les solutions du modèle
dans ℛ!
.
Dans ce qui suit, nous simplifions le modèle de sorte à pouvoir le représenter avec les
outils informatiques existants.
48. 48
b) Modèle théorique simplifié à trois paramètres
Nous faisons maintenant l’hypothèse que les rendements sociaux sont
déterministes. Ceci revient à considérer le modèle à 3 paramètres suivant.
L’utilité de l’investisseur s’écrit maintenant de la sorte :
𝑈 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 𝜎!!
!
soit avec 𝛽! = 𝛽! = 0. Les auteurs normalisent le dernier paramètre tel que 𝛽! = 1.
En étudiant la valeur des coefficients 𝛽 nous constatons que lorsque :
- 𝛽! = 𝛽! = 0, l’investisseur est uniquement averse au risque
- 𝛽! = 0, l’investisseur est uniquement sensible aux rendements sociaux
- 𝛽! = 0, l’investisseur est uniquement sensible aux rendements financiers
Le programme de maximisation est donc le suivant :
max 𝑈 = 𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
− 𝜎!!
!
= 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
+ 𝛽! 𝑥!
!
!!!
𝜇!!
− 𝑥!
!
!!!
𝑥! 𝜎!!!!
!
!!!
𝑠𝑐. 𝑥!
!
!!!
= 1
Avec 𝑀 inversible, on réutilise la solution trouvée précédemment :
𝑥∗
= 𝑀!!
𝑦
Afin d’exprimer les solutions 𝑥!, nous réécrivons la matrice 𝑀 qui est maintenant
composée uniquement par de la matrice 𝛴!
!
:
𝑀 = 𝛴!
!
=
2β3
σR1
R1
! 2β3
σR1
RN
1
! " ! !
2β3
σRN
R1
! 2β3
σRN
RN
1
1 ! 1 0
!
"
#
#
#
#
#
$
%
&
&
&
&
&
Si M est inversible, nous écrivons 𝑀!!
comme il suit :
𝑀!!
= 𝐾 =
𝑘!,! ⋯ 𝑘!,!!!
⋮ ⋱ ⋮
𝑘!!!,! ⋯ 𝑘!!!,!!!
49. 49
Résolution du modèle :
Ce qui permet de réécrire la solution au problème d’optimisation :
𝑥∗
= 𝐾𝑦
Prenons un exemple. Nous calculons la valeur de 𝑥!
∗
:
𝑥!
∗
= (𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
) 𝑘!,!
!
!!!
Ainsi, pour chaque i compris entre 1 et N, la solution à ce problème d’optimisation
est la suivante :
𝑥!
∗
= 𝑘!,!
!
!!!
𝛽! 𝜇!!
+ 𝛽! 𝜇!!
+ 𝑘!,!!!
Interprétation de la solution dans l’espace :
Il existe de nos jours des outils informatiques permettant de représenter
graphiquement la solution à notre modèle.
Nous reproduisons ci-dessous celle que les auteurs présentent :
Figure 18. Représentation graphique des solutions au modèle simplifié
50. 50
Cette représentation en 3 dimensions correspond à la représentation dans le plan de
la frontière efficiente de Markowitz58. Des auteurs59 travaillant sur les problèmes
d’optimisation tri-critères ont octroyé le nom de « non-dominated surface » à ce
résultat, soit la « surface non dominée » ou encore « surface efficiente ».
58 Markowitz, H. 1952. Portfolio Selection
59 Utz,S. Wimmer,M. Hirschberger,M. et Steuer,R. 2014, Tri-criterion inverse portfolio
optimization with application to socially responsible mutual funds
51. 51
III
–
Application
:
tentative
de
structuration
d’un
portefeuille
ISR
A) CHOIX DES TITRES
Bien que notre méthode s’applique à n’importe quel type d’actif, nous choisissons
de travailler sur un portefeuille d’actions.
Nous prenons le S&P Global 100 par les raisons suivantes :
1 – Il fournit une diversification internationale avec plus 11 pays représentés
2 – Il fournit une diversification sectorielle avec 10 différents secteurs dont 5
secteurs dont les pondérations dépassent les 10%
3 - La composition du S&P 100 a été relativement stable sur la période considérée
4 - Avec les 100 entreprises le composant, le nombre compagnies à étudier pour la
réalisation du screening négatif s’avère raisonnable
5 - Enfin il est plus aisé de trouver les données ESG nécessaires au scoring de
grandes capitalisations opérant à l’international que celle de mid ou small caps
Nous réalisons des extractions Bloomberg [Ticker : SPX] de prix daily des entreprises
du S&P 100 entre le 31 Décembre 2004 et le 31 Décembre 2014, ce qui représente
10 années de cotations et 2500 données.
L’étude de l’échantillon révèle les anomalies suivantes :
1 - Le S&P 100 sur la période ci-dessus est composé de 102 titres au lieu de 100,
avec les titres Royal Dutch Shell et Google apparaissant par deux fois. Ceci
s’explique par les stock splits réalisés par ces deux entreprises, le 30 Juin 1997 pour
Royal Dutch Shell60 et le 3 Avril 2014 pour Google61. Pour ne pas fausser nos calculs
des matrices de variance covariances, nous excluons le deuxième titre Google. Nous
conservons toutefois les deux titres Royal Dutch Shell.
2 - Les cotations pour les titres suivant commencent tardivement :
Titre Date de début de cotation dans
l’extraction
Premières données
disponibles
Seven & i Holdings Co Ltd 31/08/2005 06/05/1999
Texas Instruments Inc 02/01/2012 01/06/1972
Philip Morris International Inc 14/03/2008 14/03/2008
GDF Suez 07/07/2005 15/07/2005
Twenty-First Century Fox Inc 23/12/2008 11/03/1996
Nous n’avons pas de données pour GDF Suez avant le 15/07/2005, ainsi nous
décidons de repousser la date initiale au 15/07/2005. La cotation du titre Philip
Morris International commençant réellement plus tard, nous décidons de l’exclure.
Quant aux autres titres, nous complétons les données manquantes grâce à Yahoo
Finance. Ainsi, du fait de l’exclusion de Phillip Morris et du deuxième titre de
Google, notre échantillon se compose de 100 titres entre le 15/07/2005 et le
31/12/2014, ce qui représente 2363 données. L’ensemble des prix extraits se
retrouve dans la page Prix du fichier Excel.
60 http://www.shell.com/global/aboutshell/investor/shareholder-information/unification-
archive/rd-archive/share-capital-history.html
61 https://www.stocksplithistory.com/google/