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JULIANE KAMINSKI
est maître de
conférences au
département
de psychologie
de l’université
de Portsmouth,
Angleterre.
BRIAN HARE
est professeur
d’anthropologie
évolutive et
co-directeur
du Duke Canine
Cognition Center
à l’université
Duke, États-Unis.
BERTRAND L.
DEPUTTE est
professeur
émérite
d’éthologie à
l’école nationale
vétérinaire de
Maisons-Alfort,
France.
V
ous pensez que votre chien ne dépassera
guère « Assis », « Viens » et « Rapporte » ?
Détrompez-vous, certains sont capables
de retenir plus de 200 mots ! « Au départ,
les propriétaires de ces chiens ne les ont
pas entraînés intensément. Ils se sont aperçus que
leur chien retenait les noms d’objets et ont continué
à leur apprendre, sous la forme de jeux », explique
Juliane Kaminski, chercheuse à l’université de
Portsmouth, en Angleterre, qui a étudié l’un de ces
surdoués. Ceux-ci sont à la fois dotés d’une impor-
tante mémoire et de capacités de déduction. Ainsi
Rico, le chien en question, peut rapporter un objet
dont il entend pour la première fois le nom, en choi-
sissant celui qui lui est inconnu. Un autre chien,
Chaser, a mémorisé plus d’un millier de mots, deve-
nant l’animal qui en connait le plus ! Ces cas sont
Inutile d’aller très loin pour
trouver des compétences
intellectuelles remarquables
chez les animaux. Par certains
aspects, les chiens sont plus
doués que les singes, y compris
les chimpanzés ! Pourtant,
ces capacités ont longtemps été
ignorées des spécialistes.
LES CHIENS,
de vrais génies !
L’intelligence
animale
PAR MARYSE CHABALIER
LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 57
exceptionnels, mais soulignent les étonnantes capa-
cités cognitives de nos amis canins. Les chercheurs
ne s’y intéressent pourtant que depuis une quin-
zaine d’années.
COMPRÉHENSION DE GESTES ET DE
PHRASES. La communication verbale est très
utilisée par les propriétaires de chiens. Si la
compréhension d’un mot isolé est une évidence,
celle d’une suite de mots l’est moins. Des cher-
cheurs brésiliens ont donc étudié la réponse d’une
femelle d’origine bâtarde, sans compétences
cognitives initiales particulières, à des combinai-
sons d’actions et d’objets : elle devait par exemple
rapporter une balle, montrer une clé ou inverse-
ment. La chienne a réalisé la bonne action sur le
bon objet, elle a donc la capacité à saisir indivi-
duellement le sens des mots et à associer leur
sens, ce qui constitue les prémices de la syntaxe.
Les gestes sont également une forme importante
de communication. Prenons deux pots retournés,
Quelles capacités cognitives sont indispensables
aux chiens guides d’aveugle ?
Leur principale qualité est l’adaptation aux aléas.
Un chien guide d’aveugle doit être en mesure de
prendre des initiatives. En cas d’obstacles, il doit
trouver des contournements ou des raccourcis.
Il doit aussi reconnaître les situations dans
lesquelles il ne peut pas répondre à une demande,
et le communiquer à son maître en se positionnant
auprès de lui. Une autre capacité importante
est la mémorisation des parcours.
ADAMDODD/GETTYIMAGES
dont l’un cache de la nourriture. Vous ne vous
étonnerez pas qu’en l’absence d’autres indices,
un chien se dirige vers celui pointé par l’expéri-
mentateur. Pourtant, cette compétence le distingue
des autres animaux. Lorsqu’ils sont confrontés
au même exercice, les chimpanzés ignorent le
geste de l’humain. Seuls d’autres animaux domes-
tiques, comme le chat, le cheval ou la chèvre se
servent spontanément de nos gestes. Mais tous
les chats n’en sont pas capables, contrairement
aux chiens, qui montrent dès l’âge de six semaines
les mêmes compétences qu’un adulte. L’espèce
canine est aussi la seule à comprendre des gestes
aussi subtils qu’un mouvement de tête ou même
un coup d’œil.
TOUS LES CHIENS NE SONT PAS ÉGAUX. Des
chercheurs hongrois ont remarqué des différences
entre les races travaillant en contact étroit avec
l’homme, comme les chiens de berger ou ceux
rapportant le gibier, et celles qui ont moins de
58 / LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014
L’intelligence
animale
L’adaptation aux aléas,
qualité n°1 des chiens
guides d’aveugle
Florence Gaunet, chargée
de recherche au laboratoire
de psychologie cognitive
de l’université de Provence,
étudie notamment les
relations entre les personnes
déficientes visuelles
et les chiens guides.
contacts visuels avec nous, tels les chiens de garde
ou de traîneau et les pisteurs. Tous les types de
chiens réussissent à choisir le bon pot en se basant
sur le pointé d’un humain. Mais les races “indé-
pendantes” ont un taux de réussite individuel plus
faible. Selon les auteurs, la sélection de ces races
par l’homme aurait amélioré l’attention aux indi-
cations données et leur compréhension. La morpho-
logie joue également un rôle. L’équipe de
scientifiques a comparé les chiens de type brachy-
céphale, qui ont un museau court et des yeux vers
l’avant – comme les boxers et les bouledogues –,
avec les chiens dolichocéphales, qui ont eux un
crâne allongé et les yeux plus latéraux – à l’image
des lévriers et des teckels. Ces derniers ont un taux
de réussite de 60 %, contre 80 % pour les spéci-
mens aux yeux frontaux. Les neurones au niveau
de la rétine de ceux-ci sont plus centraux, ce qui
leur fournirait une meilleure acuité visuelle et les
empêcherait d’être distraits par des mouvements
périphériques.
Si la compréhension d’un mot
isolé est une évidence, celle d’une suite
de mots l’est moins
Dans ce test,
le chien doit
rapporter une
version plus grande
de l’objet qui lui
est présenté.
Ces chiens prennent-ils en compte
le handicap de leur maître quand
ils le sollicitent ?
Nous avons testé la demande de
nourriture et de jouet, en comparant
des chiens de compagnie avec des
chiens guides. La différence est très
tenue. Pour les deux catégories,
le moyen privilégié pour indiquer
un objet est d’alterner le regard entre
le maître et l’objet désiré. Mais nous
avons remarqué un léchage sonore
des babines plus fréquent lors de
la demande de nourriture par les
chiens guides. Il n’y a pas de différence
pour le jouet. Sans entraînement,
l’apprentissage spontané ne se fait pas
sur le tard, or les chiens guides n’ont
pas été élevés avec des malvoyants.
Qu’en est-il de l’utilisation des gestes ?
Lors d’une expérience d’utilisation
du geste de direction vers une croquette
cachée, les chiens guides ont tendance
à négliger un signe de la tête de la part
de leur maître. Quand ils n’ont pas
compris la demande, ils sont plus
nombreux à venir vers leur propriétaire,
ce qui est un résultat de leur
apprentissage.
VIVIENFENZKEKOSMOSVERLAG
LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 59
LES BORDER COLLIE, CHAMPIONS DE LA
MÉMOIRE. Difficile de faire une étude plus appro-
fondie, comme l’explique Brian Hare, chercheur à
l’université Duke, au États-Unis : « Pour savoir
quelle race est la meilleure en communication ou
en empathie, j’aurais besoin d’au moins trente
chiens de chaque race. Si vous prenez toutes les
races du monde, vous aurez besoin de 6 000 à
12 000 chiots, des décennies de travail et des
millions de dollars. Pas étonnant que personne ne
l’ait fait ! » Néanmoins le border collie semble très
doué pour la mémorisation des mots. Tous les
chiens connaissant des centaines de mots, comme
Rico et Chaser, font partie de cette race, à l’excep-
tion d’un yorkshire.
En dehors de ces cas rarissimes, les chiens se
distinguent par leur capacité à identifier certains
états mentaux des êtres humains. Le visage étant
une source importante d’informations, des cher-
cheurs français ont testé la compréhension de nos
expressions par les chiens. Parmi les quatre
émotions testées (la joie, la colère, le dégoût et la
peur), seule la colère a suscité une réaction claire.
« Cette réponse est liée à un conditionnement,
note Bertrand Deputte, professeur émérite à
l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, qui a dirigé
l’étude. Cette réaction n’arrive qu’avec les chiens
adultes, qui ont appris à extraire cette mimique. »
Et donc, à la reconnaître et à anticiper ses consé-
quences. Autrement dit, nos compagnons ont inté-
rêt à savoir détecter les signes avant-coureurs
d’une punition et au moindre froncement de sour-
cils, ils détournent le regard et reculent.
LES ABOIEMENTS, PRESQU’UN DISCOURS.
Si les paroles ou les expressions émotionnelles
sont un outil puissant de communication entre
l’homme et son “meilleur ami”, l’échange d’infor-
Tous les chiens
connaissant des centaines
de mots font partie de
la race border collie
La capacité du chien à comprendre nos gestes semble s’être
développée lors de sa domestication. Pour preuve, le loup, son
plus proche parent, réussit moins bien les exercices impliquant
de suivre les gestes d’un humain pour trouver de la nourriture.
Ceci est vrai même lorsque le loup a été élevé dès son plus
jeune âge comme un chien. Seule une étude contredit cette
affirmation, mais il lui est reproché de comparer des loups
intensément socialisés avec des chiens élevés en chenil.
Deux hypothèses sont proposées pour expliquer la façon dont
les canidés ont acquis cette compétence. Selon la première,
il s’agirait d’un effet secondaire ayant accompagné la sélection
d’individus dociles. Une étude sur des renards sibériens soutient
cette thèse. Afin d’étudier le processus de domestication, les
renards les moins agressifs vis-à-vis de l’homme ont été
sélectionnés. Au bout de six générations, ils réussissent les tests
de pointage mieux que leurs congénères non sélectionnés. Un
comportement plus amical pourrait donc être lié à des
compétences sociales plus développées. La seconde hypothèse
suggère que l’homme aurait consciemment sélectionné les
individus comprenant le mieux ses indications, dans le but de
les utiliser pour la chasse ou la conduite de troupeaux. Dans ce
cas, les capacités de compréhension auraient spécifiquement et
volontairement été développées. Une hypothèse envisageable,
puisqu’il s’agit du seul domaine où les compétences des chiens
surpassent réellement celles d’autres mammifères.
RÉFÉRENCE
n J. Kaminski et M. Kitzschner, Do dogs get the point ? A review
of dog-human communication ability, Learning and Motivation,
novembre 2013.
Mieux communiquer :
un héritage de
la domestication
FUSE/GETTYIMAGES
60 / LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014
L’intelligence
animale
RÉFÉRENCES
n D. Ramos et C. Ades,
Two-Item sentence
comprehension by a dog
(Canis familiaris), PLoS
ONE, février 2012.
n M. Gácsi et coll.,
Effects of selection for
cooperation and attention
in dogs, Behavioral and
Brain Functions, juillet
2009.
n B. Hare et V. Woods,
The genius of dogs : how
dogs are smarter than
you think, Dutton Adult,
2013.
n J. Kaminski, A. Pitsch
et M. Tomasello, Dogs
steal in the dark, Animal
cognition, mai 2013.
le fait que certains chiens aboient même s’ils sont
seuls. Pourtant, selon des chercheurs hongrois
cités par Brian Hare dans son livre The genius of
dogs, les aboiements auraient une signification
plus complexe. Lorsqu’on leur passe des enregis-
trements, les chiens ont tendance à ignorer des
aboiements d’un congénère isolé, mais sont au
contraire très attentifs à des aboiements produits
en présence d’un étranger. De même, ils hésitent
davantage à s’approcher d’un os quand ils
entendent un grognement émis pour défendre de
la nourriture plutôt qu’en réaction à un intrus.
INTELLIGENCES MULTIPLES. Communication,
mémoire… Les études sur la cognition canine
révèlent des résultats surprenants. Nous pourrions
aussi citer l’exemple d’une chienne capable d’asso-
cier des symboles à des objets ou à des activités
et de les utiliser correctement. Selon les spécia-
listes, il n’existe pas une intelligence, mais un
ensemble de capacités cognitives. Et pour
certaines, notre ami à quatre pattes est dépassé :
les singes comprennent mieux que lui l’état
psychologique des autres, et il est incapable de
faire la différence entre une ou plusieurs
croquettes ! ●
mation peut même être plus subtil. Quel chien n’a
jamais profité que son maître ait le dos tourné
pour voler de la nourriture ? Jusqu’à récemment,
le degré d’aptitude cognitive impliquée dans ce
comportement n’était pas clair. En effet, la simple
vue d’un être humain, et notamment de ses yeux,
pourrait constituer un signal dissuasif sans que
l’animal ait forcément conscience de ce qu’est
capable ou non de voir l’humain. Juliane Kaminski
s’est penchée sur cette question. Elle a placé le
chien dans une pièce avec de la nourriture, et a
fait varier l’éclairage de certains endroits de la
salle. Se sachant surveillé, le chien prenait plus
souvent la nourriture dans l’obscurité. Par contre,
la luminosité autour de l’expérimentateur n’a
aucune incidence sur son comportement. Comme
d’autres mammifères, le chien comprend donc ce
que les autres perçoivent et en tient compte dans
ses décisions.
Comme les aptitudes de communication avec
les humains, la capacité d’expression des chiens
est plus complexe qu’il n’y paraît. Plusieurs
scientifiques ont avancé que les aboiements ne
reflètent que l’état d’alerte du chien. Leurs
conclusions s’appuient sur la variation de la
structure des aboiements entre individus, et sur
Chaser a une mémoire
d’éléphant ! Ce border
collie a retenu le nom de
plus d’un millier de jouets.
Le chien utilise les
gestes d’une personne
située face à lui. Une
fois lâché, il se dirigera
vers le bon pot, qui
cache de la nourriture.
DUKECANINECOGNITIONCENTER
DR
LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 61

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  • 2. JULIANE KAMINSKI est maître de conférences au département de psychologie de l’université de Portsmouth, Angleterre. BRIAN HARE est professeur d’anthropologie évolutive et co-directeur du Duke Canine Cognition Center à l’université Duke, États-Unis. BERTRAND L. DEPUTTE est professeur émérite d’éthologie à l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, France. V ous pensez que votre chien ne dépassera guère « Assis », « Viens » et « Rapporte » ? Détrompez-vous, certains sont capables de retenir plus de 200 mots ! « Au départ, les propriétaires de ces chiens ne les ont pas entraînés intensément. Ils se sont aperçus que leur chien retenait les noms d’objets et ont continué à leur apprendre, sous la forme de jeux », explique Juliane Kaminski, chercheuse à l’université de Portsmouth, en Angleterre, qui a étudié l’un de ces surdoués. Ceux-ci sont à la fois dotés d’une impor- tante mémoire et de capacités de déduction. Ainsi Rico, le chien en question, peut rapporter un objet dont il entend pour la première fois le nom, en choi- sissant celui qui lui est inconnu. Un autre chien, Chaser, a mémorisé plus d’un millier de mots, deve- nant l’animal qui en connait le plus ! Ces cas sont Inutile d’aller très loin pour trouver des compétences intellectuelles remarquables chez les animaux. Par certains aspects, les chiens sont plus doués que les singes, y compris les chimpanzés ! Pourtant, ces capacités ont longtemps été ignorées des spécialistes. LES CHIENS, de vrais génies ! L’intelligence animale PAR MARYSE CHABALIER LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 57
  • 3. exceptionnels, mais soulignent les étonnantes capa- cités cognitives de nos amis canins. Les chercheurs ne s’y intéressent pourtant que depuis une quin- zaine d’années. COMPRÉHENSION DE GESTES ET DE PHRASES. La communication verbale est très utilisée par les propriétaires de chiens. Si la compréhension d’un mot isolé est une évidence, celle d’une suite de mots l’est moins. Des cher- cheurs brésiliens ont donc étudié la réponse d’une femelle d’origine bâtarde, sans compétences cognitives initiales particulières, à des combinai- sons d’actions et d’objets : elle devait par exemple rapporter une balle, montrer une clé ou inverse- ment. La chienne a réalisé la bonne action sur le bon objet, elle a donc la capacité à saisir indivi- duellement le sens des mots et à associer leur sens, ce qui constitue les prémices de la syntaxe. Les gestes sont également une forme importante de communication. Prenons deux pots retournés, Quelles capacités cognitives sont indispensables aux chiens guides d’aveugle ? Leur principale qualité est l’adaptation aux aléas. Un chien guide d’aveugle doit être en mesure de prendre des initiatives. En cas d’obstacles, il doit trouver des contournements ou des raccourcis. Il doit aussi reconnaître les situations dans lesquelles il ne peut pas répondre à une demande, et le communiquer à son maître en se positionnant auprès de lui. Une autre capacité importante est la mémorisation des parcours. ADAMDODD/GETTYIMAGES dont l’un cache de la nourriture. Vous ne vous étonnerez pas qu’en l’absence d’autres indices, un chien se dirige vers celui pointé par l’expéri- mentateur. Pourtant, cette compétence le distingue des autres animaux. Lorsqu’ils sont confrontés au même exercice, les chimpanzés ignorent le geste de l’humain. Seuls d’autres animaux domes- tiques, comme le chat, le cheval ou la chèvre se servent spontanément de nos gestes. Mais tous les chats n’en sont pas capables, contrairement aux chiens, qui montrent dès l’âge de six semaines les mêmes compétences qu’un adulte. L’espèce canine est aussi la seule à comprendre des gestes aussi subtils qu’un mouvement de tête ou même un coup d’œil. TOUS LES CHIENS NE SONT PAS ÉGAUX. Des chercheurs hongrois ont remarqué des différences entre les races travaillant en contact étroit avec l’homme, comme les chiens de berger ou ceux rapportant le gibier, et celles qui ont moins de 58 / LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 L’intelligence animale L’adaptation aux aléas, qualité n°1 des chiens guides d’aveugle Florence Gaunet, chargée de recherche au laboratoire de psychologie cognitive de l’université de Provence, étudie notamment les relations entre les personnes déficientes visuelles et les chiens guides.
  • 4. contacts visuels avec nous, tels les chiens de garde ou de traîneau et les pisteurs. Tous les types de chiens réussissent à choisir le bon pot en se basant sur le pointé d’un humain. Mais les races “indé- pendantes” ont un taux de réussite individuel plus faible. Selon les auteurs, la sélection de ces races par l’homme aurait amélioré l’attention aux indi- cations données et leur compréhension. La morpho- logie joue également un rôle. L’équipe de scientifiques a comparé les chiens de type brachy- céphale, qui ont un museau court et des yeux vers l’avant – comme les boxers et les bouledogues –, avec les chiens dolichocéphales, qui ont eux un crâne allongé et les yeux plus latéraux – à l’image des lévriers et des teckels. Ces derniers ont un taux de réussite de 60 %, contre 80 % pour les spéci- mens aux yeux frontaux. Les neurones au niveau de la rétine de ceux-ci sont plus centraux, ce qui leur fournirait une meilleure acuité visuelle et les empêcherait d’être distraits par des mouvements périphériques. Si la compréhension d’un mot isolé est une évidence, celle d’une suite de mots l’est moins Dans ce test, le chien doit rapporter une version plus grande de l’objet qui lui est présenté. Ces chiens prennent-ils en compte le handicap de leur maître quand ils le sollicitent ? Nous avons testé la demande de nourriture et de jouet, en comparant des chiens de compagnie avec des chiens guides. La différence est très tenue. Pour les deux catégories, le moyen privilégié pour indiquer un objet est d’alterner le regard entre le maître et l’objet désiré. Mais nous avons remarqué un léchage sonore des babines plus fréquent lors de la demande de nourriture par les chiens guides. Il n’y a pas de différence pour le jouet. Sans entraînement, l’apprentissage spontané ne se fait pas sur le tard, or les chiens guides n’ont pas été élevés avec des malvoyants. Qu’en est-il de l’utilisation des gestes ? Lors d’une expérience d’utilisation du geste de direction vers une croquette cachée, les chiens guides ont tendance à négliger un signe de la tête de la part de leur maître. Quand ils n’ont pas compris la demande, ils sont plus nombreux à venir vers leur propriétaire, ce qui est un résultat de leur apprentissage. VIVIENFENZKEKOSMOSVERLAG LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 59
  • 5. LES BORDER COLLIE, CHAMPIONS DE LA MÉMOIRE. Difficile de faire une étude plus appro- fondie, comme l’explique Brian Hare, chercheur à l’université Duke, au États-Unis : « Pour savoir quelle race est la meilleure en communication ou en empathie, j’aurais besoin d’au moins trente chiens de chaque race. Si vous prenez toutes les races du monde, vous aurez besoin de 6 000 à 12 000 chiots, des décennies de travail et des millions de dollars. Pas étonnant que personne ne l’ait fait ! » Néanmoins le border collie semble très doué pour la mémorisation des mots. Tous les chiens connaissant des centaines de mots, comme Rico et Chaser, font partie de cette race, à l’excep- tion d’un yorkshire. En dehors de ces cas rarissimes, les chiens se distinguent par leur capacité à identifier certains états mentaux des êtres humains. Le visage étant une source importante d’informations, des cher- cheurs français ont testé la compréhension de nos expressions par les chiens. Parmi les quatre émotions testées (la joie, la colère, le dégoût et la peur), seule la colère a suscité une réaction claire. « Cette réponse est liée à un conditionnement, note Bertrand Deputte, professeur émérite à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, qui a dirigé l’étude. Cette réaction n’arrive qu’avec les chiens adultes, qui ont appris à extraire cette mimique. » Et donc, à la reconnaître et à anticiper ses consé- quences. Autrement dit, nos compagnons ont inté- rêt à savoir détecter les signes avant-coureurs d’une punition et au moindre froncement de sour- cils, ils détournent le regard et reculent. LES ABOIEMENTS, PRESQU’UN DISCOURS. Si les paroles ou les expressions émotionnelles sont un outil puissant de communication entre l’homme et son “meilleur ami”, l’échange d’infor- Tous les chiens connaissant des centaines de mots font partie de la race border collie La capacité du chien à comprendre nos gestes semble s’être développée lors de sa domestication. Pour preuve, le loup, son plus proche parent, réussit moins bien les exercices impliquant de suivre les gestes d’un humain pour trouver de la nourriture. Ceci est vrai même lorsque le loup a été élevé dès son plus jeune âge comme un chien. Seule une étude contredit cette affirmation, mais il lui est reproché de comparer des loups intensément socialisés avec des chiens élevés en chenil. Deux hypothèses sont proposées pour expliquer la façon dont les canidés ont acquis cette compétence. Selon la première, il s’agirait d’un effet secondaire ayant accompagné la sélection d’individus dociles. Une étude sur des renards sibériens soutient cette thèse. Afin d’étudier le processus de domestication, les renards les moins agressifs vis-à-vis de l’homme ont été sélectionnés. Au bout de six générations, ils réussissent les tests de pointage mieux que leurs congénères non sélectionnés. Un comportement plus amical pourrait donc être lié à des compétences sociales plus développées. La seconde hypothèse suggère que l’homme aurait consciemment sélectionné les individus comprenant le mieux ses indications, dans le but de les utiliser pour la chasse ou la conduite de troupeaux. Dans ce cas, les capacités de compréhension auraient spécifiquement et volontairement été développées. Une hypothèse envisageable, puisqu’il s’agit du seul domaine où les compétences des chiens surpassent réellement celles d’autres mammifères. RÉFÉRENCE n J. Kaminski et M. Kitzschner, Do dogs get the point ? A review of dog-human communication ability, Learning and Motivation, novembre 2013. Mieux communiquer : un héritage de la domestication FUSE/GETTYIMAGES 60 / LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 L’intelligence animale
  • 6. RÉFÉRENCES n D. Ramos et C. Ades, Two-Item sentence comprehension by a dog (Canis familiaris), PLoS ONE, février 2012. n M. Gácsi et coll., Effects of selection for cooperation and attention in dogs, Behavioral and Brain Functions, juillet 2009. n B. Hare et V. Woods, The genius of dogs : how dogs are smarter than you think, Dutton Adult, 2013. n J. Kaminski, A. Pitsch et M. Tomasello, Dogs steal in the dark, Animal cognition, mai 2013. le fait que certains chiens aboient même s’ils sont seuls. Pourtant, selon des chercheurs hongrois cités par Brian Hare dans son livre The genius of dogs, les aboiements auraient une signification plus complexe. Lorsqu’on leur passe des enregis- trements, les chiens ont tendance à ignorer des aboiements d’un congénère isolé, mais sont au contraire très attentifs à des aboiements produits en présence d’un étranger. De même, ils hésitent davantage à s’approcher d’un os quand ils entendent un grognement émis pour défendre de la nourriture plutôt qu’en réaction à un intrus. INTELLIGENCES MULTIPLES. Communication, mémoire… Les études sur la cognition canine révèlent des résultats surprenants. Nous pourrions aussi citer l’exemple d’une chienne capable d’asso- cier des symboles à des objets ou à des activités et de les utiliser correctement. Selon les spécia- listes, il n’existe pas une intelligence, mais un ensemble de capacités cognitives. Et pour certaines, notre ami à quatre pattes est dépassé : les singes comprennent mieux que lui l’état psychologique des autres, et il est incapable de faire la différence entre une ou plusieurs croquettes ! ● mation peut même être plus subtil. Quel chien n’a jamais profité que son maître ait le dos tourné pour voler de la nourriture ? Jusqu’à récemment, le degré d’aptitude cognitive impliquée dans ce comportement n’était pas clair. En effet, la simple vue d’un être humain, et notamment de ses yeux, pourrait constituer un signal dissuasif sans que l’animal ait forcément conscience de ce qu’est capable ou non de voir l’humain. Juliane Kaminski s’est penchée sur cette question. Elle a placé le chien dans une pièce avec de la nourriture, et a fait varier l’éclairage de certains endroits de la salle. Se sachant surveillé, le chien prenait plus souvent la nourriture dans l’obscurité. Par contre, la luminosité autour de l’expérimentateur n’a aucune incidence sur son comportement. Comme d’autres mammifères, le chien comprend donc ce que les autres perçoivent et en tient compte dans ses décisions. Comme les aptitudes de communication avec les humains, la capacité d’expression des chiens est plus complexe qu’il n’y paraît. Plusieurs scientifiques ont avancé que les aboiements ne reflètent que l’état d’alerte du chien. Leurs conclusions s’appuient sur la variation de la structure des aboiements entre individus, et sur Chaser a une mémoire d’éléphant ! Ce border collie a retenu le nom de plus d’un millier de jouets. Le chien utilise les gestes d’une personne située face à lui. Une fois lâché, il se dirigera vers le bon pot, qui cache de la nourriture. DUKECANINECOGNITIONCENTER DR LE MONDE DE L’INTELLIGENCE – N° 35 – MARS/AVRIL 2014 / 61