SlideShare une entreprise Scribd logo
1
Travail de maturité
Quel est le rôle du franquisme dans
la volonté d’indépendance de la Catalogne ?
Spagnolo Tania
CECG Madame de Staël
Octobre 2017
« Volonté d’indépendance », Photo personnelle, 2016.
2
Table des matières
Introduction………..……………….………………………….......................................................................................................... 3
1. Synthèse de l’histoire de la Catalogne………..……………………………….......................................................... 4
1.1. Naissance de la Catalogne.………..…..………………........................................................................... 4
1.2. 1640 et 1714, les premières soumissions par l’impôt.………..……………............................. 6
1.3. La création du Gouvernement
catalan.………..…..……………….................................................... 8
1.4. Le franquisme.………..…..………………...................................................................................................... 10
1.5. Le post-franquisme.………..…..………………........................................................................................... 12
2. Témoignages de la guerre civile……………………………….………..……………………....…………………………. 14
2.1. JUVE Mercedes, Catalane, républicaine……................................................................................ 14
2.2. HITOS Rafael, Andalous, soldat franquiste………..…..…........................................................... 14
3. La Catalogne du XXIème
siècle………..…….……....................................................................................................... 16
3.1. Le réveil de la mémoire…..….................................................................................................................. 16
3.2. La volonté d’indépendance présente en profondeur dans la structure
sociale…………………………………..……….................................................................................................... 18
3.3. Madrid se défend avec des moyens anti-démocratiques..................................................... 19
3.4. Une Catalogne qui se sent rejetée.………….................................................................................... 20
3.5. La Catalogne utilise des moyens démocratiques..................................................................... 21
3.6. L’Espagne appauvrit la Catalogne ………..…................................................................................... 22
3.7. Le soutien international au mouvement démocratique catalan……………....................... 24
3.8. Le nationalisme collectiviste et le nationalisme individualiste………................................. 25
3.9. Le sport comme vecteur politique……………………………..…......................................................... 26
3.10. Le courage catalan en réponse à la peur du franquisme.................................................... 28
3.11. La Catalogne de demain : démocratie ou oppression ?........................................................ 29
3.12. Synthèse des interviews………………………………………………......................................................... 31
Conclusion……………………………………………………........................................................................................................... 32
Bilan personnel………..………………………………................................................................................................................. 34
Bibliographie…………………………………..…………………………………………………………………………………………… 35
Déclaration d’authenticité………………………………………..………………………………………………………………….. 39
Annexes…………………………………………………………………………..………………………………………………………….. 40
Annexe 1 : Remerciements..……………….............................................................................................................. 40
Annexe 2 : Questionnaire et réponses des interviews.………..……………………….................................... 41
Annexe 3 : Courriel aux municipalités catalanes pour la loi sur la mémoire historique…………….. 50
3
Introduction
Mon intérêt pour ce sujet vient tout d’abord de mes origines espagnoles, provenant de ma
mère. Son père est Castillan et sa mère est Catalane. Nous nous rendons régulièrement en
Catalogne. Nous avons ainsi pu observer sur place les mouvements d’indépendance
catalans de ces dernières années.
Actuellement et depuis quelques années, nous observons de fortes tensions centrées sur le
peuple catalan, tant en Catalogne, que dans le reste de l’Espagne. En Catalogne, les
manifestations se multiplient pour arborer cette volonté d’indépendance en portant fièrement
le drapeau catalan, aussi suspendu à de très nombreux balcons et fenêtres. Pour concrétiser
ce mouvement, des votations régionales sont organisées en Catalogne, l’objectif étant de
démontrer et légitimer le rassemblement populaire pour cette volonté d’indépendance. Mais
le Gouvernement espagnol refusant qu’un vote sur ce sujet soit effectué, ce sont plutôt des
consultations populaires qui sont mises en place, sans validité juridique.
C’est ainsi que je cherche à comprendre pourquoi la Catalogne aspire à se détacher de
l’Espagne et à devenir indépendante. Il s’agit d’analyser comment ce processus s’est
déclenché, comprendre cette persistance, ainsi que déterminer les raisons pour lesquelles
l’Espagne s’y oppose. Il sera donc question de chercher dans le passé de l’Espagne pour
trouver les causes qui ont provoqué cette rupture entre Catalans et Espagnols. Nous
analyserons le rôle que le franquisme a eu, ainsi que les événements antécédents qui
remontent plus loin dans le passé et qui sont à l’origine de cette volonté d’indépendance de
la Catalogne, mais également d’éventuelles raisons plus récentes, postérieures au
franquisme, vu qu’il est censé s’être terminé à la mort de Franco en 1975 et que déjà plus de
quarante ans se sont passés. Ce travail s’appuiera sur les différences de traitement faites
aux Catalans et aux autres Espagnols, pour constater une réelle focalisation, un accent
négatif pointé sur les Catalans.
Il s’agira donc de répondre aux questions suivantes :
- Le franquisme est-il responsable de la volonté d’indépendance de la Catalogne ?
- Y a-t-il d’autres causes qui en sont responsables ?
- Y a-t-il des différences de traitement entre la Catalogne et les autres régions ?
« La quête d’indépendance des Catalans »,
http://img.radio-canada.ca/2012/11/22/635x357/121122_7j2kf_catalogne-en-chiffres_sn635.jpg, 2012.
4
1. Synthèse de l’histoire de la Catalogne
1.1. Naissance de la Catalogne
La naissance de la Catalogne remonte au Xème
siècle, elle a donc plus de 1'000 ans. C’est à
cette époque que cette région s’individualise socialement et politiquement. Elle était
subdivisée en de nombreux comtés (comme ceux de Barcelone, de Gérone, mais aussi
certains qui se trouvaient dans la France actuelle, tel que celui du Roussillon) et ce sont les
comtes de Barcelone qui organisèrent leur union1
. Les comtes de Barcelone, proches du roi,
étaient des représentants administratifs du roi ; par la suite, cette fonction devint héréditaire2
.
Leurs comtés se situaient à Barcelone et aux alentours de Barcelone. Ils améliorèrent une
structure d’unification mise en place par Oliba (Oliva de Besalù, dit Oliba, comte de Berga et
de Ripoll, devenu évêque de Vic3
), fondateur de monastères, qui réunit les régions du nord
des Pyrénées et du sud des Pyrénées, pour protéger le peuple des conséquences des
guerres féodales, en particulier les paysans et les artisans4
. Ce rassemblement de comtés
est inclus dans l’empire de Charlemagne et représente la région frontière avec la montée
musulmane provenant du Maroc. En 987, un des comtes de Barcelone demande de l’aide à
l’empire contre le siège des musulmans, mais sans réponse. C’est cet abandon qui est
déterminé comme l’acte fondateur de l’indépendance catalane, car la population est
contrainte à se défendre seule.
En 1150, la Catalogne et l’Aragon se sont associés pour former la conféderation de
Catalogne et d’Aragon. Dans cette confédération, les deux pays conservaient leur
autonomie, néanmoins la Catalogne a pris de la puissance et s’est développée
maritimement. La Catalogne s’est battue pendant plus d’un siècle contre la papauté et contre
la France pour obtenir un rôle dans le commerce maritime, en raison de sa position au bord
de la Méditérannée. A cette époque, c’est le latin qui était en vigueur dans toute cette région
européenne, mais le catalan était utilisé dans les milieux culturels de façon très étendue et
bien au-delà de la Catalogne5
.
En 1162 est créée la Principauté de Catalogne par les comtes de Barcelone, un Etat formé
d’une union de comtés indépendants, dont certains, à nouveau, sont sur le territoire français
actuel, tel que celui de Perpignan, et les îles Baléares y sont aussi intégrées. La capitale est
Barcelone, la langue est le catalan et une forme de parlement, les Corts, établit une
uniformisation des lois. Il est important de relever que cette forme de parlement représente le
premier parlement de l’histoire avant même celui de l’Angleterre, au XVIIIème
siècle, selon le
discours de Pau Casals, éminent violoncelliste catalan exilé lors de la guerre civile, devant
l’assemblée des Nations Unies à New York en 19716
. La configuration finale de cet Etat ne
se terminera qu’en 14917
.
1
Cbrava.com [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.cbrava.com/fr/magazine/les-dates-cles-
de-lhistoire-de-la-catalogne/
2
Pyreneescatalanes.fr [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://pyreneescatalanes.free.fr/Thematiques/Familles/ComtesBarcelone.php
3
Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliva_de_Besalù
4
Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://oliba.catnord.cat/?page_id=137
5
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, historien à l’Université de Barcelone, « Catalogne : Histoire, Langue & Culture »,
conférence donnée le 10 juin 2017 à Lausanne, invité par le Centre Culturel Catalan de Lausanne et Genève.
6
Paucasals.org [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse :
http://www.paucasals.org/fr/-PAU-CASALS-Discours-aux-Nations-Unies/
7
LEJEUNE Irène, enseignante au Collège de Genève, cours 2015-2016.
5
Au XVème
siècle apparaît la politique d’absorption de la Castille sous les rois catholiques
Fernando et Isabel, imposant autoritarisme et centralisme, ce qui a affecté négativement les
libertés locales de la Catalogne. La monarchie était en effet un obstacle pour le
développement économique du pays. Les Catalans se sont retrouvés dans l’impossibilité de
maintenir leur commerce maritime très développé. Lors de la découverte de l’Amérique, la
Catalogne, de même que les Aragonais et les Valenciens, ne pouvaient pas commercer
avec l’Amérique, c’était chasse gardée des Castillans et des Andalous8
.
8
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
6
1.2. 1640 et 1714, les premières soumissions par l’impôt
En 1640, une dégradation se produit entre le camp catalan et celui de la Castille. C’est la
guerre des Segadors, guerre des moissonneurs : des révoltes populaires des paysans
catalans se manifestent contre les autorités castillanes, lors de la hausse d’impôts de la part
du roi Philippe IV pour financer la guerre, guerre que ne voulaient pas les Catalans.
Pour mettre fin aux conflits, le Gouvernement demande de l’aide à la France, qui en profite
pour prendre le Roussillon et la moitié du comté de Cerdagne, actuelle région française du
Languedoc-Roussillon. Les Catalans étaient donc perdants à deux niveaux : la soumission à
un impôt à l’Etat qui les avait annexés pour une guerre à laquelle ils s’opposaient et une
conclusion du conflit en leur défaveur avec une perte de territoire.
La guerre des Segadors
« Corpus de sang de H. Miralles » 1907, w ikipédia, 2017.
En 1701, la Catalogne était contre le couronnement du roi de Castille Philippe V ; pour cette
raison, ses troupes attaquèrent la Catalogne. En 1714, ce roi veut soumettre la Principauté
de Catalogne, mais les Catalans résistent. Le 11 septembre 1714, les troupes du roi donne
l’assaut final dans la cité de Barcelone, ce qui détruit beaucoup de maisons. La Catalogne
est détruite, le roi interdit le Gouvernement et le Parlement catalans et y impose les lois
espagnoles. Le catalan est interdit, de même que les pratiques propres à la culture catalane.
Philippe V supprime toutes les universités catalanes. Tout était enseigné en castillan dans
les écoles, mais le catalan reste la langue parlée par la population catalane.
C’est cette date du 11 septembre 1714, qui marque l’intégration de la Catalogne dans
l’Espagne, ce qui la contraint à payer de forts impôts au pouvoir central et qui asphyxiera les
Catalans9
.
Pour les Catalans, le 11 septembre 1714 marque le début de leurs problèmes. C’est avec
cet événement que l’on comprend que la Catalogne n’a jamais souhaité faire partie de
l’Espagne, mais y a été contrainte par les armes et, de plus, en y perdant toutes ses
caractéristiques et c’est là certainement un des éléments essentiels de sa recherche
d’indépendance. 1714 marque la fin des éléments d’indépendance qui subsistaient en
Catalogne et c’est pour cela que c’est cette année-là qui est reprise comme symbole pour la
récupération de l’indépendance.
9
Ibid.
7
Pour bien saisir cette violence subie par la Catalogne, faisons une comparaison avec l’Etat
de Genève. Lorsqu’il a été intégré dans la Confédération Hélvétique, ce n’est pas par la
contrainte, mais de sa propre volonté qu’il y a adhéré et en conservant son statut de
République.
L’Espagne devient une République le 11 février 1873, mais déjà en 1876, une monarchie
constitutionnelle est installée par le roi Alphonse XII, avec un Parlement.
Au cours de la féodalité du XIXème
siècle, les propriétés privées des Catalans sont
confisquées par l’Etat et par l’Eglise, notamment les champs. A cette époque
d’industrialisation, la Catalogne devient le centre producteur le plus important de la région en
tissu et en étoffe de laine et de coton. C’est ainsi qu’apparaît une classe ouvrière importante,
des associations d’artisans, tels que des tisserands, qui formeront un mouvement politique
nouveau, d’où sera issue notamment une tendance anarchiste catalane. Parrallèlement
apparaîssent des groupes de poètes qui lancent la renaissance de la culture catalane, après
un siècle de déclin. Des chants catalans très populaires unissent et renforcent ces groupes.
Un catalanisme politique surgit à la fin du XIXème
siècle. En 1880 a lieu le premier congrès
catalaniste, qui aboutit en 1890 à un mémorial de révendication adressé au pouvoir espagnol
et en 1892 aux bases de la constitution catalane, qui représente le premier document
indépendantiste. Un pacte avec le Gouvernement espagnol permet la fondation de la
communauté catalane. Pour la première fois, la langue catalane redevient autorisée.
En 1898, l’Espagne subit une perte importante de ses colonies, notamment Cuba, Porto-
Rico et les Philippines. Cet élément de déstabilisation économique donne lieu à la création
de l’union des grands entrepreneurs catalans, qui débouchera aussi en 1901 au premier
parti catalan, qui connut un grand succès en Catalogne10
.
En 1914, est créée la Mancommunauté de Catalogne (Gouvernement local limité),
organisme formé par l’union administrative des quatre conseils généraux catalans. Elle sera
supprimée en 192311
.
De 1923 à 1930, sous le règne du roi Alphonse XIII, s’installe la dictature de Miguel Primo de
Rivera, qui a chamboulé l’Espagne.
Incapable de surmonter la crise mondiale de 1929, le roi l’oblige à démissionner pour que la
monarchie ne soit pas perçue comme affaiblie.
10
Ibid.
11
Necesito que entiendas, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017],
https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA
8
1.3. La création du Gouvernement catalan
En 1931, toujours avec Alphonse XIII, ont eu lieu les élections politiques durant lesquelles
les républicains sont sortis vainqueurs : ce fut ainsi la seconde République12
. En même
temps, une République catalane est proclamée, mais ne dure que trois jours13
.
Cette période de 1931 à 1933 portait le nom de El Bienio Progresista (bienio signifie période
de deux années, période biannuelle) prônant le progrès.
La victoire de la gauche étant incompatible avec le règne du roi Alphonse XIII, il décida de
s’exiler à Marseille.
Manuel Azaña, alors président d’Espagne, éprouvait, comme de nombreux républicains, une
haine contre l’église, qui avait toujours été violente aux côtés de la dictature précédente et
du monarchisme ; il n’empêcha pas les actes de violence républicains telle que la destruction
par le feu des églises et des couvents.
Il mit en place plusieurs lois progressistes : séparer l’Eglise de l’Etat, permettre le mariage
civil plutôt que le mariage à l’église, accorder le divorce inaccessible jusque-là, une
transformation de l’éducation en permettant à tous d’étudier en rendant l’école gratuite, ainsi
que séparer la religion de l’éducation en la rendant laïque et la mise en place du système de
retraite.
C’est pendant cette seconde République espagnole que le nationalisme catalan, mouvement
républicain s’opposant à la monarchie, a créé en 1932, la Generalitat : Gouvernement
catalan.
La Catalogne et le Pays basque se battaient déjà pour leur indépendance avec des actes
anarchiques et violents. C’est à ce moment-là qu’une certaine autonomie fut accordée avec
El Estatuto Catalán14
. Ce Statut catalan est une loi qui organise l’autonomie de la Catalogne,
en respect de la constitution espagnole15
.
En 1933 déjà prend fin le mandat de Manuel Azaña et donc de nouvelles élections ont lieu,
où la droite sort victorieuse.
Cette période de 1933 à 1936 porte le nom de El Bienio Negro (période biannuelle sombre)
prônant le retour en arrière.
En 1934, Lluís Companys est le président de la Generalitat de Catalogne ; il élabore une loi
pour améliorer la situation économique et sociale de ses paysans, mais le tribunal
constitutionel d’Espagne l’annule. Lluís Companys réagit et proclame l’Etat de Catalogne,
mais l’Espagne répond avec une répression. Elle incarcère le président régional Lluís
Companys et suspend le Statut d’autonomie de la Catalogne.
En 1936, le général Fransisco Franco fait un coup d’état. La guerre civile d’Espagne
commence et il la gagne en trois ans. Cela signifie la fin de la République espagnole, la
défaite de la Catalogne et, dès 1939, le début de quarante ans de dictature militaire. 150’000
Catalans sont déportés dans des prisons et des camps de concentration. 4’000 Catalans
sont fusillés pour des motifs politiques, dont Lluís Companys. La langue catalane reste
complètement interdite et tous les symboles catalans sont réprimandés.
12
LEJEUNE, idem note 7.
13
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
14
LEJEUNE, idem note 7.
15
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
9
José Antonio Primo de Rivera, le fils du dictateur Miguel Primo de Rivera, était au pouvoir et
fonda la Phalange Espagnole, mouvement fasciste de droite.
Lors des élections de 1936 deux parties s’opposaient : el Frente Popular (le Front Populaire)
de gauche avec 34,3% de vote et el Frente Nacional (le Front National) de droite avec 33,2%
de vote. La gauche gagnait de peu, mais un coup d’état fut provoqué.
Le général Franco fut proclamé chef d’état en 1936. Il s’est montré rusé et impitoyable avec
l’aide de l’Italie et de l’Allemagne, qui lui envoyaient des avions, des munitions et des
troupes, notamment en 1938 lors de la batalla del Ebro (la bataille de l’Ebre, l’Ebre étant un
fleuve d’Espagne) qui provoqua beaucoup de morts. Par la suite et durant l’année 1939, en
pleine guerre civile et juste avant l’avènement du franquisme, 440’000 réfugiés partirent en
France, où beaucoup s’installèrent définitivement, 10’000 en Afrique du Nord et beaucoup
aussi en Amérique du Sud. C’est pour cette raison qu’en France, beaucoup de noms de
famille sont d’origine espagnole comme Fernandez, Lopez, Rodriguez, etc. Cet exil de
masse porte le nom de la Retirada (la retraite). 12’000 Espagnols ont été déportés dans des
camps de concentrations et quelques 30'000 Républicains disparus continuent à être
retrouvés dans les charniers de l’Espagne16
.
16
Idem.
10
1.4. Le franquisme
En Espagne, le 1er
avril n’est pas considéré comme un jour de plaisanterie, car il marque le
début de la dictature de Franco en 1939, qui avait proclamé que la guerre était finie et que
les nationalistes avaient gagnés17
.
Dès 1939, le franquisme réduit le Gouvernement catalan au silence. L’arrivée du général
Franco a interrompu toute évolution et a fortement fait régresser les droits catalans. Le
catalan a disparu de la presse, des écoles et de la vie publique. Il n’était autorisé que dans le
milieu familial. L’Eglise entretenait son lien avec les paroissiens en latin et non pas en
catalan. Une grande campagne anti-catalans se forme et l’expression « Les Catalans sont
de la merde » ressort souvent 18
.
Un rationnement fut mis en place à cause du manque de nourriture, il fallait acheter ses
coupons, disponibles une fois par semaine et s’il y avait une perte ou un vol, il fallait survivre
avec ce qui restait. Le franquisme avait mis en place une manœuvre scandaleuse pour
limiter la croissance des naissances dans la population républicaine19
. Ce procédé était
d’annoncer à la famille que l’enfant n’avait pas survécu, puis l’enfant était adopté par une
famille franquiste. Encore aujourd’hui des personnes recherchent leurs réels parents20
.
L’interdiction du catalan fut un grand problème pour la Catalogne et ceux qui ne suivaient
pas cette règle étaient mis en prison. Certains apprenaient le castillan, mais une grande
partie du peuple, vivant à la campagne, était analphabète et ne pouvait ainsi pas apprendre
le castillan. Nous pouvons donc comprendre une certaine haine des générations suivantes,
privées de leurs proches, soit emprisonnés, soit tués, pour l’unique raison qu’ils ne pouvaient
apprendre une nouvelle langue, que leur langue maternelle, et préfèrent ainsi parler catalan
pour faire valoir aussi les droits de leurs aïeux qui n’ont pas pu le faire.
Le régime franquiste prévoyait que grâce à la forte migration interne en Espagne des années
1960, en provenance d’Andalousie, d’Aragon et de Castille, que le problème des Catalans se
terminerait, par étouffement dans la masse de migrants, mais cela ne fut pas le cas21
.
Cette dictature durera jusqu’en 1975, la période la plus sombre étant l’après guerre de 1939
à 1959, durant laquelle le peuple perdit droits et libertés.
Le général Franco
« 1 avril 1939 : Fin de la guerre d’Espagne de Grégory Gennaro », patriotismesocial.fr, 2017.
17
LEJEUNE, idem note 7.
18
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
19
ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011, p.8.
20
AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de Genève, 19 janvier 2013, p.7.
21
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
11
Au niveau international, l’Espagne de Franco ne cachait pas sa répression du peuple
catalan. Par exemple, lors du concours international de la chanson de l’Eurovision, dans les
années 1960, il avait remplacé le chanteur qui avait gagné les sélections espagnoles, parce
qu’il chantait en catalan. Le fait qu’il soit arrivé en finale démontre que le peuple espagnol
n’était pas dérangé par la langue catalane de sa chanson, mais Franco ne pouvait pas
accepter que son pays soit représenté par une langue qu’il interdisait. Il remplaça donc ce
chanteur par une chanteuse qui chantait en castillan22
.
La terreur franquiste dura juqu’au bout puisqu’en 1974, le Catalan Salvador Puig i Antich est
torturé et assassiné à l’âge de 26 ans par la police franquiste, en raison de son
appartenance à un mouvement révolutionnaire anarchiste et à l’homicide contesté d’un
policier. Franco est mort en novembre 1975 et un mois encore avant sa mort, en octobre
1975, étaient exécutées pour des raisons politiques les deux dernières victimes du régime
franquiste23
.
22
RICHARD Jean-Marc, « L'Eurovision de la chanson comme caisse de résonance politique » [Enregistrement vidéo], Tout un
monde, Lausanne, RTS1, 9 mai 2017.
23
HUERGA Manuel, Salvador [DVD], Royaume Uni, Mediapro, 2006.
12
1.5. Le post-franquisme
La mort de Franco permet à l’Espagne de commencer la transition vers la démocratie.
Le roi Juan Carlos, petit-fils du roi Alphonse XIII qui avait cédé son pouvoir à la deuxième
République d’Espagne en 1931, désigné par Franco pour lui succéder en tant que roi
d’Espagne, était pour la démocratie et ainsi en 1976, Adolfo Súarez, président du
Gouvernement, mit en marche le processus de changement politique.
En 1977, la Generalitat, Gouvernement catalan, est réinstaurée et devient la première
institution républicaine postérieure au franquisme, alors que le Parlement catalan avait
réussi, encore pendant le franquisme, à se réunir en 1971, issu d’une large union anti-
franquiste. Le Statut d’autonomie de la Catalogne est réintroduit24
; il était supprimé depuis la
guerre civile.
En 1978, la nouvelle constitution espagnole nie le droit d’autodétermination de la Catalogne
et ferme ainsi la porte à une éventuelle indépendance.
L’Espagne, qui en moins de 20 ans renforce son économie et ses secteurs agricole,
touristique et industriel, intègre l’Union Européenne en 1986.
Elle est composée de 17 régions autonomes, qui ont toutes leur Parlement et leur drapeau,
certaines ont même leur propre langue qui est enseignée à l’école en plus du castillan,
première langue officielle espagnole, mais qui n’est la langue maternelle que de 55%
seulement de toute la population espagnole : le basque, le galicien, le catalan et l’aranais, ce
dernier étant une seconde langue en Catalogne, dans le Val d’Aran, reconnue aussi comme
langue officielle par le Statut de Catalogne25
. Les régions puissantes comme la Catalogne et
le Pays basque manifestent leur envie de se séparer de l’Espagne, car celle-ci ponctionne
trop fortement leur contribution, ce qui les empêche d’atteindre leur plénitude économique,
sociale et culturelle. La Catalogne, contrairement au Pays basque, n’avait et n’a toujours
aucune prérogative fiscale26
.
Dans cette démocratie mise en place par l’Espagne, el Partido Popular (le Parti Populaire)
est fondé par des franquistes. Il désigne la droite et non plus la gauche que représentait el
Frente Popular (le Front Populaire). Avant, la droite était représentée par el Frente Nacional
(le Front National). Cette appropriation du terme partisan « populaire » par la droite porte à
confusion, auprès de la population pour les votations : le peuple croit voter pour la gauche en
raison de l’appellation « populaire », alors que leur voix va à la droite.
24
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
25
wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 15 août 2017], disponible à l’adresse :
https://fr.w ikipedia.org/w iki/Langues_en_Espagne#Langues_ayant_un_statut_officiel_dans_certaines_communaut.C3.A9s_auto
nomes
26
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
13
Franco avait l’intention de verrouiller son système institutionnel pour que son régime lui
survive, enfermer l’Espagne dans un silence sur elle-même et sur son histoire et ainsi
écraser toutes les velléités des vaincus. La machine était bien cadenassée. Cette
instauration de la terreur a connu son comble par le remplacement des exécutions par
fusillement par la méthode atroce de l’exécution par strangulation et broyage des vertèbres
cervicales avec le garrot métalique, comme ce fut le cas pour les dernières victimes du
franquisme en 1974 et 1975. Le symbole de cet écrasement des vaincus est matérialisé par
le gigantesque tombeau de Franco, dans la région de Madrid, construit au-dessus d’un
énorme charnier où ont été jetés les corps de 35'000 soldats républicains, qui sont toujours
portés disparus pour leur famille. Ce site est l’un des plus visité d’Espagne et vénéré par
ceux qui aujourd’hui sont encore franquistes, un Espagnol sur deux pensant que Franco a
été bénéfique au pays27
. La survivance du franquisme est présente dans les nombreuses
lois franquistes qui n’ont pas été abolies plus de quarante ans après la soi-disant fin du
franquisme, malgré les nombreuses demandes d’abrogation. C’est ainsi le seul pays
d’Europe qui n’a pas aboli les lois d’un régime fasciste28
.
27
Arte.tv [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://info.arte.tv/fr/lespagne-face-aux-fantomes-du-
franquisme
28
PEPIN Patrick, Histoires intimes de la Guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des vaincus, Paris, Nouveau monde, 2009,
p.162.
14
2. Témoignagesde la guerrecivile
2.1. JUVE Mercedes, Catalane, républicaine :
A propos de son positionnement comme républicaine, elle explique : « Les raisons pour
lesquelles nous nous battions sont celles qui dictent la paix : le respect de l’individu, de la
démocratie, de la liberté d’expression. Nous avions raison. »
Elle raconte que quand elle était enfant, sa famille habitait Madrid, bien qu’ils étaient
Catalans. Son père, lors d’une réunion à la maison avec des étudiants, subit une descente
de police, qui embarqua tout le monde et confisqua des livres de la bibliothèque, notamment
des romans français, apparus comme suspects simplement parce qu’ils étaient dans une
langue étrangère. Un autre jour, lors d’un défilé militaire à Madrid, il n’a pas ôté son chapeau
lors du passage du drapeau, ce qui était une obligation et lui a valu d’être giflé par un
policier. Elle précise : « Je comprends alors combien il tient ce drapeau du roi en horreur29
. »
2.2. HITOS Rafael, Andalous, soldat franquiste :
Ce témoignage ne parle pas directement des Catalans, mais ils sont englobés dans les
républicains et vu que les Catalans furent parmi les plus réprimés des républicains, ce
témoignage a son importance, car il nous apporte le point de vue de l’autre partie.
Il a longtemps vécu à Grenade avec sa famille, puis il a suivi son éducation à Madrid dans
un établissement catholique très pieu. En 1931, à l’âge de 13 ans, il a été contraint de
retourner à Grenade, car des groupements républicains de type marxiste brûlaient des
bâtiments de l’Eglise, dont son école religieuse. Nous devons expliquer ici que parmi les
républicains de la deuxième République espagnole de 1931 à 1933, qui étaient
principalement de gauche, se trouvaient également des marxistes d’extrême gauche. C’est
de ces groupements que provinrent des actes de violence, tout particulièrement contre
l’Eglise au sens large, en raison du fait que l’Eglise espagnole, toujours aux côtés de la
droite et notamment de la précédente dictature de Primo de Rivera, participait à la forte
répression du peuple. Son retour à Grenade s’est fait par contrainte et c’est cela qui explique
son sentiment d’horreur face à cette violence contre l’Eglise qu’il honorait et la raison de son
opposition aux républicains.
29
DANA Jean-Yves, J’ai vécu la guerre d’Espagne : 1936-1939, recueil de témoignages, Paris, Bayard jeunesse, 2006, pp. 6-
10.
15
Nous souhaitons préciser qu’il est donc important de relever que les extrémistes républicains
ont commis une erreur en agissant aussi brutalement, car l’Eglise était un des fondements
de l’Espagne et c’est donc avec ces saccagements provenant d’une minorité, que les
républicains se sont mis l’Espagne à dos.
Bien que républicain, le grand poète Federico García Lorca était un ami de son père et
Rafael Hitos a vécu son arrestation en 1936, qui aboutit à son exécution au début de la
guerre civile. Avec cet élément, il explique sa peine en précisant : « Car, si dans les deux
camps, des minorités usent de méthodes extrêmes pour prendre le pouvoir, la majorité, elle,
ne souhaite pas cela. »
A cette époque-là, les républicains étaient assimilés au communisme et ce sentiment de
peur face à l’expansion du communisme, créa beaucoup d’amalgames malheureux en
Espagne, mais aussi partout ailleurs dans le monde. La mission de Rafael Hitos pendant la
guerre civile était de combattre le communisme plutôt que les républicains. Il avait d’ailleurs
des amis républicains. Selon son point de vue, qui était celui d’une majorité de l’Espagne,
Franco a sauvé l’Espagne du communisme et lui a permis aussi d’éviter de participer à la
deuxième Guerre mondiale. Il ne nie toutefois pas la face sombre de Franco 30
.
Ce témoignage nous permet de préciser que les Brigades internationales, qui vinrent
apporter leur soutien aux républicains durant la guerre civile, composées de la classe
ouvrière européenne, mais aussi américaine, étaient effectivement dirigées par les
communistes soviétiques, qui en étaient aussi à l’origine31
.
30
Ibid., pp .34, 35 et 48.
31
BEEVOR Antony, La Guerre d’Espagne, Paris, Le livre de poche, 2016, pp. 289 et ss.
16
3. La Catalognedu XXIème
siècle
« Le bras de fer entre Madrid et la Catalogne se poursuit »,
Site du collectif catalan Oliba, 2014.
3.1. Le réveil de la mémoire
Après la mort du dictateur, il a fallu attendre le début des années 2000 pour assister au
« réveil » de la mémoire espagnole32
, en ce qui concerne notamment la recherche par leur
famille des victimes du franquisme disparues, dont beaucoup ne réapparaissent seulement
que petit à petit au XXIème
siècle dans les nombreux charniers découverts. Il en va de même
du scandale des bébés volés, qui ne retrouvent leurs parents qu’à présent, paralysés durant
trente ans de post-franquisme, par la chape de silence alimenté par la peur installée par le
régime franquiste. Le franquisme avait arraché les bébés à leur mère, les faisant passer pour
morts, pour la simple raison qu’elles étaient républicaines, ou encore en situation sociale
précaire, les rendant indignes, selon le régime, d’élever des enfants. Ces bébés étaient
vendus, notamment par les institutions religieuses où avait lieu l’accouchement, à des
couples bourgeois franquistes33+34
. Ce climat de peur intense nous permet de comprendre
pourquoi les Catalans ont attendu les années 2000 pour se réveiller et faire valoir leur
volonté d’indépendance. Nous allons voir ici quels événements ont permis ce réveil au
XXIème
siècle.
En 2006 est amélioré le Statut d’autonomie de la Catalogne. Autonomie n’égale pas
indépendance et c’est une ambivalence qui a des influences négatives pour l’indépendance
de la Catalogne. L’autonomie existe depuis longtemps en Catalogne, tandis que la volonté
d’indépendance est nouvelle, même si elle resurgit du passé. Le Pays basque en revanche
se contente de son statut d’autonomie et n’a pas de volonté d’indépendance, en tout cas
démonstrative et il reste en observation de ce qu’il advient du cas catalan. En Galice, il y a
aussi un mouvement indépendantiste, mais pour l’instant assez discret.
Le transfert de l’autonomie à l’indépendance a suivi l’ouverture de l’Espagne, d’un point de
vue économique, sur l’Europe et le monde35
.
32
PEPIN Patrick, op. cit., n. 26, p. 161.
33
ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011, p.8.
34
AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de Genève, 19 janvier 2013, p.7.
35
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
17
Nous pensons que la Catalogne est au premier rang pour cette internationalisation de
l’Espagne, tant par sa position au nord-est, à la frontière française, en ce qui concerne
l’Europe, que par sa large présence sur la Méditerranée. Quant au reste du monde, son
aéroport international et à nouveau sa position maritime l’avantagent nettement. Nous
voyons ainsi à cette époque actuelle l’apparition d’une volonté de moderniser le Statut de la
Catalogne et une volonté d’assainir le passé.
En 2007 entre en vigueur la loi espagnole sur la mémoire historique pour reconnaître leurs
droits aux victimes du franquisme. Cette loi permet notamment de rechercher les victimes
disparues, mais son application est très variable selon la situation géographique en
Espagne. Alors que les municipalités catalanes et basques s’activent pour aller de l’avant
dans cette recherche pénible, celles de l’Andalousie et de la Castille ignorent sciemment
cette législation démocratique et progressiste. « Cette mémoire est comme une boule de
neige qui se charge au fur et à mesure qu’elle roule » disait Patrick Pépin en 200936
, mais en
2017, il semblerait, comme nous l’avons entendu lors de nos interviews, que cette loi,
instaurée par le chef d’Etat socialiste Zapatero, qui avait lui même des proches concernés
par l’horreur du franquisme, soit plutôt étouffée par le Gouvernement actuel de droite (Parti
Populaire, PP) de Rajoy aux racines franquistes.
Nous avons souhaité connaître l’avancement de cette loi sur la mémoire historique et ainsi
nous avons adressé un courriel demandant l’état actuel de son application et de son
évolution à 3 municipalités catalanes, choisies pour leur engagement différent dans
l’indépendantisme :
- Barcelone, capitale de la Catalogne à engagement variable pour l’indépendance, les partis
politiques classiques (Parti Populaire, PP, et Parti Socialiste, PSOE) y étant opposés et les
partis séparatistes récents étant très actifs notamment pour l’organisation des énormes
manifestations de rue pour l’indépendance, avec aussi des partis séparatistes anciens, telle
que l’Esquerra Republicana (la Gauche Républicaine) ;
- Blanes, ville côtière d’une certaine importance, qui a connu une très forte migration de
Castillans et Andalous dans le secteur du textile dans les années 1960, ce qui pourrait avoir
marginalisé les Catalans ;
- Vic, ville de l’intérieur de la région, haut lieu du catalanisme.
Nous n’avons pas reçu de réponses à ce jour, malgré nos rappels, mais nous joignons en
annexe 3 deux informations récentes qui témoignent de l’application de cette loi.
36
PEPIN Patrick, op. cit., n. 26, p. 36.
18
3.2. La volonté d’indépendance présente en profondeur dans la structure
sociale
Nous observons donc que l’indépendantisme catalan est porté non seulement par des
individus et des associations privées d’individus, tels que l’ANC, Assemblea Nacional
Catalana (Assemblée Nationale Catalane) et l’Omnium Cultural (Cercle Culturel), mais
également par des institutions publiques, telles que les municipalités catalanes et nous
verrons plus loin que la Catalogne elle-même en tant qu’institution publique au statut de
région autonome, est en première ligne. C’est là un élément très important dans ce
processus de séparation, car il ne provient pas que du secteur privé, mais est désormais
fermement implanté, nous le verrons plus loin, dans le secteur public, qui en est devenu l’un
des moteurs. Ainsi, les municipalités affichent publiquement leur indépendantisme en posant
des panneaux officiels d’indication avec la mention qu’elles sont pour l’indépendance,
comme nous pouvons le voir sur les deux images ci-dessous. Sur la seconde, nous
constatons la violence espagnole opposée à l’indépendance, le graffiti « Espanya » venant
cacher l’expression d’indépendance, le paradoxe étant que le terme « Espanya » est écrit en
catalan, car en castillan ce serait « España ».
« Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance »,
http://w w w .directe.cat/noticia/273753/arrenquen-el-retol-de-municipi-per-la-independencia-de-la-garriga
, 2017.
« Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance »,
http://baluartedigital.opennemas.com/articulo/separatismo/ayuntamiento-manresa-ha-tenido-reponer-diez-veces-letreros-
separatistas/20160402151300000872.html
19
3.3. Madrid se défend avec des moyens anti-démocratiques
Le Gouvernement espagnol utilise différents moyens pour contrer l’indépendantisme
catalan ; la dissimulation d’informations en est un. Il refusait depuis longtemps de publier les
bilans fiscaux régionaux. Ce n’est qu’en 2008 qu’il cède à la pression. Le déficit fiscal de la
Catalogne accumulé depuis 1986 apparaît comme supérieur à 200'000 millions d’euros. Cet
énorme trou financier est la conséquence de 26 ans d’exploitation fiscale, selon notre
source. La Catalogne a contribué à raison de 8% de son PIB au fond de solidarité espagnol.
Ceci est un taux de soutien qui n’a jamais été appliqué dans un autre état européen. Depuis
le XIXème
siècle, la Catalogne est le moteur industriel de l’Espagne, mais 26 ans
d’exploitation fiscale ont provoqué la chute de la Catalogne de la première à la quatrième
place du classement des régions selon le PIB par habitant. Le régime fiscal actuel l’empêche
de pouvoir légiférer pour conserver la partie des impôts qu’elle prélève et dont elle a besoin.
Elle ne peut pas s’adapter au monde moderne sans avoir ses propres capitaux. Chaque
Catalan paie 2'251 euros par année de plus qu’il devrait. Si ce vol s’arrêtait pendant un mois,
tous les enfants de Catalogne pourraient aller à l’école gratuitement durant un an. La
contribution de la Catalogne est abusive, les Catalans ne réclament pas des privilèges
fiscaux, mais uniquement de pouvoir bénéficier des mêmes droits que les autres régions
espagnoles et ainsi de pouvoir reconstituer son économie37
. Cette rétention d’information
tenue secrète est anti-démocratique et témoigne d’un comportement issu du régime
franquiste.
En 2010, le tribunal constitutionnel d’Espagne dicte des peines contre le nouveau Statut
d’autonomie de Catalogne de 2006, supprime beaucoup d’articles et conteste des termes
trop sensibles. En agissant ainsi ce pouvoir judiciaire se contente de se baser sur une
constitution dépassée et refuse de prendre en considération les outils modernes actuels du
droit international, tel que le droit à l’autodétermination des peuples.
La population proteste pacifiquement dans les rues de Barcelone. Les manifestations ne
changent rien. La Catalogne demande le respect à la différence, elle réclame aussi de
pouvoir récolter ses propres taxes, une prérogative que possède le Pays basque. Cette
décision judiciare de 2010 marque le déclenchement de la colère pacifique du peuple
catalan, exprimée par les organisations de référendum et les manifestations de rue qui les
accompagnent.
Le pouvoir centraliste espagnol majoritairement de droite n’a jamais eu un comportement
démocratique et s’est plutôt vu imposer la démocratie. De l’autre côté politique, il y a aussi
une gauche espagnole fortement opposée à la Catalogne indépendante.
Le système et les institutions espagnols conservent les fondements franquistes et n’ont pas
finalisé leur transition post-franquiste. La structure centralisatrice espagnole empêche
l’ouverture qui permettrait de prendre en considération des mouvements
d’autodétermination.
37
Stop l’espoli reportage de la fondation Catdem avec interview de plusieurs professeurs d’universités, [En ligne]. [Consulté le
24 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.elpuntavui.cat/article/3-politica/17-politica/640067-una-professora-acusa-
w ert-de-vetar-la-per-posicionar-se-a-favor-del-sobiranisme.html
20
3.4. Une Catalogne qui se sent rejetée
Voici l’avis d’un Catalan actif pour l’indépendance qui résume bien l’opinion publique, ou en
tout cas la partie qui demande l’indépendance :
Le séparatisme catalan n’est pas un rêve des politiciens catalans, ni du Gouvernement
régional de Catalogne, ni une manière d’échapper à la crise économique espagnole. Il s’agit
en réalité da la répercussion des faits historiques sur le futur.
Dans l’histoire de la Catalogne, l’Etat catalan a été interdit plusieurs fois et, de même, la
langue catalane a été interdite comme langue officielle de la Catalogne. La Catalogne a
beaucoup souffert durant son histoire et a supporté de nombreuses injustices. Peu à peu un
sentiment nationaliste grandit dans la société catalane. La Catalogne sera une des régions
d’Espagne où la répression franquiste a été la plus féroce. Des membres du clergé espagnol
hurlaient : « Chiens catalans, vous n’êtes pas dignes du sol qui vous enfante. »
« Artur Mas, président précédent de la Generalitat, a été inhabilité parce qu’il n’a pas
respecté les lois espagnoles et la constitution espagnole. Cette constitution date de la mort
de Franco et la population espagnole l’avait votée, car elle symbolisait la fin du tunnel.
Aujourd’hui cette constitution est trop ancienne et ne tient pas compte des réalités actuelles.
C’est aussi pour cette raison que 80% des participants à la consultation de 2014 ont été en
faveur de l’indépendance. Bien que la loi soit la loi, elle doit refléter la volonté du peuple.
L’entêtement injustifié à se cacher derrière les lois anciennes, aurait pour conséquence que
les femmes n’auraient toujours pas le droit de vote, l’esclavage ne serait toujours pas aboli,
les femmes seraient encore brûlées pour avoir été accusées de sorcellerie et il y aurait
toujours une hiérarchie de classe selon la couleur de peau. Les lois changent et évoluent
constamment38
. »
Dans l’état actuel démocratique espagnol, un ministre de l’éducation veut supprimer le
catalan des matières obligatoires scolaires en Catalogne. Cette discrimination a déjà une
réalité maintenant, car si un seul élève veut que le cours soit donné en castillan, le cours
devra être fait en castillan. Il y a un acharnement contre les Catalans qui sont depuis trop
longtemps les bouc-émissaires. Ceci est visible actuellement : la Catalogne représente 20%
de l’économie nationale, mais ceci n’assure pas en Catalogne le bien-être équivalent. La
Catalogne est comme une colonie espagnole, c’est pour cela qu’en 2012, en 2013 et en
2014, la population catalane est sortie dans la rue et beaucoup d’entre eux ont manifesté
pour quelque chose qui aurait dû être obtenu il y a de nombreuses années : l’indépendance.
« Le peuple catalan décide de « désobéir », notamment avec l’organisation d’un référendum,
interdit par Madrid, transformé en consultation, aussi interdite par Madrid. Les Catalans sont
épuisés de vivre dans un pays dans lequel ils ne sont pas appréciés, pas valorisés, où il ne
leur est pas permis de s’exprimer, un pays qui attaque leur langue et qui les retient
uniquement pour leur grand pouvoir économique. Un état démocratique, où le
Gouvernement refuse que le peuple donne son opinion, démontre le plus grand acte de
lâcheté qu’un Gouvernement puisse avoir. Les Catalans aiment l’Espagne, apprécient sa
culture, ses réussites et son essor, mais ils n’ont plus confiance dans le Gouvernement
espagnol. Le plus grand cadeau qu’ils aimeraient serait de récupérer leur liberté, la liberté de
décider, de penser, de s’exprimer, une liberté qu’ils implorent depuis des siècles de manière
pacifique39
. »
38
Victor Peña responde a Rosa Diez, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse :
https://www.youtube.com/watch?v=r8tuhJYS_wM
39
Necesito que entiendas, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], vidéo disponible à l’adresse :
https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA
21
3.5. La Catalogne utilise des moyens démocratiques
C’est en 2014, 300ème
anniversaire de la chute de Barcelone en 1714, qu’a eu lieu la
première votation catalane sur l’indépendance. En fait, suite au refus de Madrid qui a interdit
une votation qui n’aurait eu lieu que dans une seule région, les Catalans l’ont transformée en
consultation populaire, l’objectif était de relever l’opinion du peuple catalan sur
l’indépendance. Les résultats de cette consultation furent aussi refusés, car Madrid la
considéra comme anticonstitutionnelle. Le « oui » pour l’indépendance était porté par 80%
des 2 millions de Catalans qui ont participé sur un corps électoral de 5,4 millions40
. Il faut tout
de même relever que le taux de participation de 27% est faible.
« Le Gouvernement espagnol fait croire au peuple espagnol et au monde que
l’indépendance est un tunnel sans sortie. Ils font croire que les Catalans détestent l’Espagne,
détestent sa culture, sa langue, qu’il est interdit de parler castillan dans les écoles catalanes,
alors que près de la moitié des matières sont enseignées en castillan. Faire croire à la
population que les Catalans détestent l’Espagne est un mensonge, et donc anti-
démocratique. Plus de 1,8 millions de personnes ont voté en faveur d’un nouvel état. Est-ce
possible que les Catalans indépendantistes aient endoctriné des milliers de personnes pour
que la Catalogne devienne un état indépendant ? Ou est-il plus réaliste que le
Gouvernement espagnol ait conscience de la réalité objective et ne fait que la cacher pour
que les autres régions ne veuillent pas se joindre à la Catalogne, afin de se séparer de
l’Espagne ? Beaucoup d’Espagnols, résidents en Catalogne, ont voté en faveur de
l’indépendance. Est-ce le fruit de l’endoctrinement ? Ou de l’intolérance41
? »
« L’Espagne, une démocratie ? », Photo personnelle, 2016.
40
Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://oliba.catnord.cat/?cat=6
41
Catalunya, un petit gegant, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse :
http://dubtessobrelaindependencia.blogspot.com.es/2015/04/catalunya-un-petit-gegant-per-victor.html
22
3.6. L’Espagne appauvrit la Catalogne
« Il serait peut être judicieux de montrer une réalité inconnue d’une partie de la population.
La Catalogne est la communauté autonome qui apporte le plus à l’économie espagnole,
avec jusqu'à 22% du PIB national, mais de manière surprenante, les étudiants catalans
reçoivent seulement 5% de toutes les bourses de l’état central, alors que les étudiants
madrilènes en reçoivent 58%. Il est surprenant de savoir que le ministre de la culture fait une
dépense annuelle pour chaque Espagnol de 47 euros, mais pour chaque Catalan de
seulement 5 euros. Un prix Nobel d’économie soutient que si la Catalogne était un état, elle
serait jusqu'à sept fois plus riche dans le pire des cas. En analysant les statistiques du
Gouvernement espagnol, il ressort que 40% des trains considérés comme obsolètes
circulent en Catalogne, alors que seulement 4% dans la région de Madrid. Il a été construit
20 km de routes en Catalogne et 900 km à Madrid dans les vingt dernières années. Les
investissements du Gouvernement espagnol dans l’AVE, nouveaux trains à haute vitesse,
sont trois fois plus importants dans la région de Madrid qu’en Catalogne. 16 milliards d’euros
par an quittent la Catalogne, sans aucun retour, sans aucune contre-prestation. Ainsi, les
Catalans, qui n’arrêtent pas de donner au Gouvernement central, seraient considérés
comme des fanatiques42
?»
Depuis la 1ère
République espagnole en 1873, il n’y a pas eu un seul chef d’Etat espagnol
originaire de Catalogne, alors que la Catalogne a eu un président d’origine andalouse. La
Catalogne, bien que de tous temps sous l’emprise de l’Espagne, a développé un caractère
d’intégration, tandis que le Gouvernement central de Madrid, ainsi que le reste de l’Espagne,
a toujours démontré une aversion envers les Catalans.
Ce sont vraiment les impôts qui ont été de manière réitérée le moyen de pression le plus
important de l’Espagne sur la Catalogne. En effet, cet élément important de pression et
d’étouffement de l’économie régionale revient fréquemment dans l’histoire de la Catalogne :
événement des Segadors en 1640, annexion de la Catalogne en 1714 et situation des trente
dernières années (depuis 1986), héritée du régime du franquisme, avec une rétention
indécente de la répartition fiscale due aux Catalans.
Cette inégalité de traitement dans la répartition fiscale se retrouve dans les disproportions
injustes dont certaines sont citées ci-dessus par Victor Peña : autoroutes (amélioration du
réseau et péages), universités (taxes et bourses) et réseau ferroviaire.
Ainsi, avec les refus récurrents du Gouvernement espagnol face aux multiples requêtes
légitimes des Catalans, ce qui est ressenti comme une « intransigeance autiste du
Gouvernement Rajoy »43
, la Catalogne a aujourd’hui de réelles exigences politiques, alors
que pendant longtemps elle se contentait d’une affirmation identitaire culturelle. Et dans ce
transfert idéologique, ressurgit le sentiment républicain, qui, en plus d’être
fondamentalement opposé au régime franquiste qui survit au sein du Partido Popular, PP
(Parti Populaire), véritable leader politique espagnol, n’a, de plus, jamais accepté le régime
monarchique espagnol.
42
Ibid.
43
Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://oliba.catnord.cat/?p=1142#more-1142
23
Divers rapports et études ont démontrés que la Catalogne, si elle devenait indépendante, ne
sortirait pas de l’Union européenne pour de multiples raisons d’intérêts communs avec l’Etat
espagnol et avec les autres pays de l’Union europénne, ainsi qu’avec les économies, les
banques et les entreprises de ces Etats.
La Catalogne veut redevenir une République. L’UE donnera certainement sa préférence à
des relations avec une nouvelle République plutôt qu’avec l’ancienne structure monarchique
espagnole. La Catalogne devenant une République s’intégrerait ainsi parfaitement dans une
Europe de Républiques : à l’ouest, le Portugal est une République, en ayant aboli la
monarchie constitutionnelle en 1910 déjà, à l’est, la France, l’Italie, l’Allemagne sont des
Républiques et la Confédération Helvétique est formée de Républiques.
Si la Catalogne était devenue indépendante à l’époque de la monnaie espagnole, la peseta,
ce serait un problème pour qu’elle crée sa propre monnaie, mais elle est intégrée dans la
monnaie euro et donc déjà adaptée sur ce point à l’UE.
Si l’indépendance n’a pas lieu, il est très probable que les sièges des grandes banques
catalanes soient transférées à Madrid, en raison du caractère centraliste de l’Etat espagnol,
ce qu’elles ne souhaitent pas. C’est ce qui s’est déjà passé avec la banque basque BBVA et
la banque cantabrique Santander44
.
Nous précisons que cet avis est donné par la banque catalane Sabadell, une très grande
banque internationale, ce qui démontre l’intérêt des banques catalanes au mouvement
indépendantiste.
44
Assemblea.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : https://assemblea.cat/?q=node/11677
24
3.7. Le soutien international au mouvement démocratique catalan
Le CNI, Centre National d’Intelligence espagnol, qui correspond aux services secrets
espagnols, a remis un rapport confidentiel au chef du Gouvernement espagnol Rajoy en
septembre 2016. Il est question du nationalisme catalan et de certaines avancées sensibles
et dérangeantes que l’Etat espagnol cherchait à tenir secrètes.
Une des informations de ce rapport est que les Parlements hollandais, danois et norvégien
se sont montrés récemment très insistants pour demander au Gouvernement national
espagnol qu’il accepte d’être ouvert à la négociation avec le Gouvernement régional catalan
pour le référendum d’autodétermination de la Catalogne. Non seulement cette information
est cachée à la nation espagnole, mais, plus grave encore, elle est couverte par un
mensonge, le ministre des affaires étrangères Dastis ayant publiquement affirmé que ni
l’Union européenne, ni le Conseil européen ne sont favorables à une telle consultation
officielle du peuple catalan. Il cherche ainsi à étouffer les proclamations de ces 3 parlements
européens, parce qu’elles risquent d’avoir un effet domino et se transmettre à d’autres
assemblées européennes. Il est très curieux que quasiment aucun média espagnol ne se
soit occupé de cette information, qui pourrait être l’embryon d’un modèle applicable dans
d’autres pays de l’Union européenne.
Dans ce rapport secret, il est question aussi de l’inquiétant rapprochement d’un député
européen catalan à Vienne, Adam Casals, expert en relations internationales, vers la
Slovénie, la Croatie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie, 5 pays indépendants de l’UE
depuis à peine 30 ans, qui ont une sensibilité très marquée envers le processus de
sécession, qu’ils ont eux-mêmes connus lors de la chute du mur de Berlin et de la déroute
du régime soviétique qui s’en est suivie. Cette liaison très inquiétante pour le Gouvernement
espagnol lui a valu l’appellation abusive d’ « ambassadeur de Catalogne » en Autriche45
,
cette région n’ayant évidemment pas d’ambassadeur, fonction réservée aux représentants
d’une nation.
« Manifestation pour le référendum », Photo personnelle, 2016.
Nous constatons que malgré les refus systématiques d’entrée en matière de Madrid, ce qui
est un réel frein, la Catalogne persévère dans le développement de la structure de sa société
en vue de la nation qu’elle souhaite devenir. Ainsi, il y a deux ou trois ans, a été créé le
Registre Officiel des Catalans vivant à l’étranger, géré par la Catalogne et consistant
notamment à pouvoir répertorier les Catalans vivant à l’étranger, afin de pouvoir les faire
participer essentiellement aux votations catalanes.
Aujourd’hui, le catalan n’est pas parlé seulement dans l’Etat espagnol de Catalogne, mais
aussi dans d’autres régions espagnoles, le pays valencien, les îles Baléares, également
dans la Catalogne du nord en France, à Andorre et dans un village de Sardaigne en Italie46
.
45
Esdiario.com [En ligne]. [Consulté le 25 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.esdiario.com/104537730/El-inquietante-informe-sobre-la-verdad-catalana-que-el-CNI-ha-enviado-a-Rajoy.html
46
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
25
3.8. Le nationalisme collectiviste et le nationalisme individualiste
Liah Greenfeld, une des grandes expertes mondiales du nationalisme, professeur aux
Universités de Boston et de Hong Kong, affirme qu’il est impossible que les Espagnols
entendent la volonté d’indépendance des Catalans. Elle explique que l’Espagne applique un
nationalisme collectiviste, centré sur la collectivité, à savoir la nation, comme ceux des pays
de l’Europe de l’est ou de la Russie. Il ne s’agit donc pas d’un nationalisme axé sur la
reconnaissance de l’individu, comme celui de la Catalogne et de la plupart des pays
développés, qui donne du pouvoir aux personnes, promeut la tolérance et l’inclusivité. En
raison de cette différence fondamentale d’idéologie, le nationalisme collectiviste espagnol ne
peut pas entendre la demande du nationalisme individualiste catalan.
Elle rappelle le phénomène historique de Franco, qui, au lieu de développer le nationalisme
espagnol comme souhaité, va plutôt catalyser les sentiments nationaux catalans et basques,
soit tout le contraire de ce qu’il voulait.
Les nationalismes différents produisent des démocraties différentes, soit une démocratie
libérale qui sauvegarde les droits des individus, soit une démocratie sociopopulaire qui peut
laisser mourir ses citoyens sans s’en soucier, car l’important pour celle-ci est la nation et non
l’individu.
Pour le nationalisme individualiste, elle prend à titre d’exemple le britannique et elle rappelle
que lorsque les Americains se séparèrent des Britanniques, ceux-ci considérèrent cette
volonté comme une chose légitime et les laissèrent partir facilement. Il en irait de même de
l’Ecosse si sa volonté était plus marquée. Ils ne sont évidemment pas contents d’une telle
séparation, mais ils la considèrent comme légitime.
Elle relève aussi que la force du mouvement indépendantiste catalan est sa non-violence47
.
Ce nationalisme collectiviste de l’Espagne permet de comprendre pourquoi le pouvoir
centraliste de Madrid refuse à tout prix la sécession d’une de ses régions. Selon José Boix-
Ochoa, ancien chef de chirurgie pédiatrique renommé de Barcelone, à la différence de la
France et de l’Angleterre, l’Espagne a perdu toutes ses colonies et ainsi son rayonnement
impérialiste mondial. Il est devenu maintenant primordial qu’elle ne perde pas plus de
territoire. Lui qui, depuis Barcelone, eut beaucoup de responsabilités avec des relations
importantes tant avec l’Espagne que le reste du monde, considère que Madrid traite la
Catalogne comme si c’était une colonie périphérique. Il souligne le fait que la périphérie
côtière de la Catalogne et de la région Valencienne, n’ont jamais eu de caractère conquérant
guerrier comme Madrid, mais plutôt un caractère commerçant, provenant de sa situation sur
la Méditerranée. Selon lui, la situation de tension extrême actuelle entre la Catalogne et
l’Espagne n’est que l’aboutissement d’une situation qui s’est dégradée depuis longtemps en
raison de la permissivité de la Catalogne provenant de son caractère commerçant, qui a
permis au caractère conquérant de l’Espagne centralisatrice d’instaurer petit à petit son
autorité48
.
47
Ara.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.ara.cat/politica/LIAH-GREENFELD-
Impossible-espanyols-entenguin_0_1725427473.html
48
Hdfutur.cat [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse : http://hdfutur.cat/es/jose-boix-ochoa/
26
3.9. Le sport comme vecteur politique
L’indépendantisme catalan s’appuie sur la renommée internationale de son équipe phare de
football, le FC Barcelone, à plusieurs reprises championne mondiale dans des compétitions
inter-clubs. Il faut rappeler que le championnat de football espagnol est l’un des plus
importants au monde, certains clubs étant parmi les plus riches de la planète et les stars
internationales montrant un grand intérêt à y participer. Ce club est très important au niveau
de sa taille et de sa puissance financière. Son stade, le Camp Nou, est l’un des plus grands
au monde, avec ses près de 100'000 places assises. L’énorme club de fans qui assiste
assidûment aux matchs représente une forte capacité d’expression. Depuis 2015, chaque
match est une manifestation de la volonté d’indépendance de la Catalogne. A un instant très
précis du match, la 17ème
minute et 14ème
seconde, le public catalan entame un chant
indépendantiste : « IN… INDE… INDEPENDENCIA ». Il est fait référence à l’année 1714,
lors de laquelle eut lieu la chute de Barcelone face aux troupes espagnoles ; le jour de cet
événement, le 11 septembre, étant devenu le jour national catalan avec des énormes
manifestations dans les rues de Barcelone. La manifestation de la chute de Barcelone en
1714 a commencé en 2014 pour célébrer le 300ème
anniversaire. C’est dès ce moment-là
que Barcelone célèbre le 11 septembre chaque année dans ses rues et que le Camp Nou
clame la 17ème
minute et 14 seconde à chaque match. C’est un véritable appel à
l’indépendance clamé par des dizaines de miliers de supporters, qui démontrent à cet instant
précis leur engagement politique. Tous les matchs du Barça (c’est l’abréviation du FC
Barcelone), vu l’importance du club et du championnat, sont retransmis dans le monde
entier. Mais les téléspectateurs ne voient pas ce fantastique appel politique, car il est
soigneusment occulté par les nombreuses caméras. Comment ne pas penser qu’il y a là
derrière la main de fer manipulatrice de la Madrid centrale ? Cet événement public,
populaire, d’expression orale directe, démontre que les Catalans n’ont plus peur de
l’oppression madrilène. Néanmoins, beaucoup de Catalans craignent encore de s’exprimer
directement et frontalement, ou de s’exprimer tout court, sur ce sujet sensible, qui a causé la
mort, la disparition, la torture de nombreux proches. Cette démonstration politique lors d’une
manifestation sportive a été sanctionnée par la FIFA, Fédération Internationale de Football
Amateur. Les organisations indépendantistes catalanes ont ressenti cela comme une atteinte
à la liberté d’expression et ont multiplié encore davantage la manifestation des énormes
drapeaux catalans indépendantistes avec l’étoile, la estrellada, lors des matchs suivants, en
particulier lors de matchs internationaux pour amplifier la communication internationale de
leur volonté d’indépendance49
.
« La estrellada», http://jbcsport.net/new s, 2017.
49
Courrier international [En ligne]. [Consulté le 26 juillet 2017], disponible à l’adresse :
https://blog.courrierinternational.com/auberge-catalane/2016/04/05/1714-17-minutes-et-14-secondes/
27
Vu l’importance de ce club de football local et à son rôle de relai de l’indépendantisme, il est
opportun de se poser la question de ce qu’il deviendrait si la Catalogne devenait
indépendante. Cette interrogation est très présente parmi la population. Le FC Barcelone est
géographiquement rattaché à ce championnat, vu que les Pyrénées le séparent de son autre
voisin, la France. Il existe d’autres exemples de participations extérieures à des
championnats nationaux de football : Andorre participe au championnat espagnol, Monaco
participe au championnat français, Saint-Marin participe au championnat italien. Pour ces
raisons, il semble tout à fait possible que le FC Barcelone poursuivrait sa participation au
championnat espagnol, en cas d’indépendance de la Catalogne. Cela serait très important
pour qu’il conserve son statut de grand club mondial, car il dépend de sa participation à ce
grand championnat national. Evidemment, nous pouvons nous attendre à un risque de
boycott de la part du club central du championnat, le Real Madrid CF, très marqué par le
passé franquiste et considéré comme le club du roi, alors que le FC Barcelone incarne
encore aujourd’hui la Catalogne, au passé et à l’esprit encore actuel républicains, dans une
Espagne qui, rappelons-le, n’est pas une République. Il faut relever que l’équipe nationale
espagnole de football, actuellement parmi les plus fortes au monde, ayant gagné récemment
la Coupe du Monde et la Coupe d’Europe, est composée d’une importante partie de joueurs
catalans. Cet élément sera certainement pris en considération lors de la décision de
maintenir le FC Barcelone dans le championnat espagnol, en cas d’indépendance.
28
3.10. Le courage catalan en réponse à la peur du franquisme
Le drapeau catalan avec l’étoile sur fond bleu est une version séparatiste. C’est ce drapeau
qui de plus en plus a remplacé le drapeau catalan originel (sans étoile) aux fenêtres des
indépendantistes. Il y a lieu de relever ici qu’il s’agit-là d’un incroyable acte de courage de la
part de ces Catalans, dont leur famille a été persécutée pour le simple fait d’exprimer leur
fierté naturelle d’être Catalans. Pendant les quarante ans de franquisme, les Catalans ont dû
développer des stratégies de dissimulation de leurs signes distinctifs, car c’était une question
de survie. Comme les nazis allaient chercher les juifs, pour les exterminer, les franquistes
faisaient de même avec les Catalans démonstratifs et la seule chance de rester en vie était
de renoncer à toutes les expressions du catalanisme : la langue, la sardane, danse
traditionnelle catalane, les habits typiques catalans, tels que les espadrilles catalanes, la
barretina, chapeau catalan, les chants catalans et bien sûr le drapeau catalan. Ainsi, voir
aujourd’hui aux fenêtres tous ces drapeaux catalans et de plus, des drapeaux séparatistes,
représente un réel acte de courage, sachant que le franquisme n’est pas éteint.
Il en va de même, comme témoignage de courage, des chants catalans et notamment des
chants indépendantistes, comme celui dont nous avons parlé à propos du Camp Nou,
chanté dans une foule de près de 100'000 personnes. Dans ces gradins de football se
trouvent beaucoup d’opposants au catalanisme, qui sont là pour le plaisir sportif, en qui
subsiste des tendances franquistes et qui sont fortement irrités de côtoyer ces
indépendantistes.
Ce courage catalan s’organise aussi de façon officielle avec la pose des panneaux officiels
d’indication des municipalités pour l’indépendance, dont nous avons parlé plus haut.
29
3.11. La Catalogne de demain : démocratie ou oppression ?
La toute dernière actualité sur l’indépendance de la Catalogne est l’organisation d’un
référendum en Catalogne le 1er
octobre 2017 pour l’indépendance et pour choisir entre la
monarchie constitutionnelle de l’Espagne et une nouvelle République catalane. Nous
apprenons par des personnes catalanes qu’en juillet 2017, la Guardia Civil, police nationale
de Madrid fondée sur des structures franquistes, s’est présentée à l’aube, vers les cinq
heures du matin, au domicile de Jaume Clotet, directeur général de la communication de la
Generalitat de Catalogne, pour l’auditionner au commissariat sur l’organisation de ce
référendum. Cette convocation brutale s’est faite sans mandat du juge, ce qui a amené la
Generalitat à porter plainte et ce qui nous démontre une fois encore et au plus actuel des
faits la présence toujours latente du franquisme50
.
En juillet 2017, des agents sans uniforme de la Guardia Civil, mais masqués, font irruption
au Parlement et au Gouvernement catalans pour contrôler les financements du parti catalan
au pouvoir. Cette brutalité exprime le fait que le Gouvernement espagnol veut réinstaurer la
peur du régime franquiste face à sa crainte du mouvement de sécession qu’il n’arrive pas
contrôler51
.
L’ancien président du Gouvernement catalan (2010-2016), Artur Mas a été condamné en
mars 2017 d’inéligibilité politique pour « désobéissance ». De plus, il est présumé avoir
détourné des fonds publics pour l’organisation de la consultation populaire de 2014 et il
pourrait devoir payer de sa fortune personnelle52
.
A propos du nouveau référendum du 1er
octobre 2017, Madrid met en avant des sanctions
financières. La capitale menace de suspendre une partie de son financement à la Catalogne,
en particulier les fonds qui concernent les écoles et les hôpitaux catalans. Le système
centraliste espagnol prévoit que le 90% des impôts perçus par le Gouvernement catalan part
à Madrid, qui en reverse ensuite une partie à cette région autonome, selon une clef de
répartition qui dépend de la richesse de la région et en y percevant des intérêts. Madrid
refuse que les impôts du peuple espagnol soient destinés à financer un référendum
sécessionniste. Ainsi, le Gouvernement catalan doit désormais envoyer chaque semaine à
Madrid un certificat attestant qu’aucune dépense n’a été effectuée en lien avec l’organisation
du référendum53
. Il semble évidemment naturel que l’Espagne s’oppose fermement au
financement d’un mouvement séparatiste avec l’argent du contribuable, mais il faut relever
aussi que l’insuffisante redistribution de Madrid vers la Catalogne, qui limite de plus en plus
l’autonomie de la Catalogne dans les faits, est précisément l’un des éléments principaux de
la volonté d’indépendance.
50
Elpais.com[En ligne]. [Consulté le 4 août 2017], disponible à l’adresse :
https://elpais.com/ccaa/2017/07/29/catalunya/1501351468_940473.html
51
Letemps.ch [En ligne]. [Consulté le 9 août 2017], disponible à l’adresse :
https://www.letemps.ch/economie/2017/08/01/entre-madrid-barcelone-drole-guerre-economique
52
Ibid.
53
Ibid.
30
Ce qui ressort de l’actualité, c’est que le mouvement d’indépendance est porté à présent par
une nouvelle génération. Cette nouvelle génération, fils et petits-fils des victimes, possèdent
l’énergie de l’espoir d’un changement, car notamment ils n’ont plus le poids direct de
l’oppression, même s’ils en ressentent quand même la présence indirecte. Et la génération
des victimes se sent portée et attirée par cette nouvelle génération. Concrètement, nous
pouvons constater qu’Artur Mas, ancien président de la Generalitat, qui a beaucoup porté
l’indépendantisme, était néanmoins quand même trop lié avec les freins des anciennes
structures. Tandis que les deux nouvelles premières personnalités de la Catalogne, Carles
Puigdemont et Oriol Junqueras, nouveaux président et vice-président de la Generalitat,
paraissent être plus détachés du passé espagnol, l’un ayant été maire de Gérone, qui est
devenue une ville florissante et l’autre, historien universitaire. A la différence de leurs
prédécesseurs, ce sont des indépendantistes convaincus de longue date. Cette nouvelle
génération montre qu’elle n’a plus peur en affichant la Estrellada, en chantant
l’indépendance et en organisant des votations officieuses, interdites par Madrid, par la
société civile54
.
54
Hdfutur.cat, idemnote 45.
31
3.12. Synthèse des interviews
Nous avons interviewé des personnes catalanes, d’autres espagnoles, ainsi que des non
espagnoles, d’âge variable, en activité ou à la retraite.
Les personnes interviewées sont en faveur de l’indépendance, mais certaines, des
personnes catalanes, ne se sont pas prononcées et nous avons senti des restes de la peur
du passé qui les empêchaient de s’exprimer clairement.
Est ressorti le sentiment d’oppression provenant de Madrid, qui empêche de vivre une vie
libre en démocratie.
Le souvenir de la souffrance d’un proche est quasiment toujours présent et les traces
persistantes du franquisme ne font aucun doute.
En imaginant une Catalogne indépendante, les interviewés ne se font pas de souci pour ce
nouvel état, bien qu’ils reconnaissent une difficulté initiale pour démarrer.
Un interviewé universitaire a fait une remarque intéressante concernant l’économie. Selon
lui, les énergies renouvelables ne sont pas mises à profit en Espagne, car le Gouvernement
central privilégierait l’énergie hydro-électrique, déjà bien installée et reposant sur des
contrats juteux. L’interviewé souhaiterait que la Catalogne soit indépendante notamment
pour qu’elle puisse se distinguer en appliquant les techniques actuelles utilisées dans le
monde entier avec les énergies naturelles, telles que celles qui proviennent du soleil et du
vent.
Nous regrettons de ne pas avoir eu de réponses de quatre personnes cibles, dont le profil
nous semblait très intéressant. Il s’agit de :
- CARBO BOSCH Merce, Catalane et Suissesse, assistante sociale à Genève, aujourd’hui
retraitée en Catalogne ;
- INGLIN RECHE Núria, Catalane et Suissesse, membre de l’Assemblée Nationale Catalane
de l’étranger à Lausanne/Genève et du Centre Culturel Catalan de Lausanne/Genève ;
- MAS Pierre, Catalan, technicien à Genève.
32
Conclusion
Nous nous rendons compte à travers toutes ses lectures, vidéos, rencontres et interviews,
que la Catalogne nourrissait un énorme espoir à la mort de Franco, en 1975, l’espoir que la
démocratie qui se mettait en place lui permettrait de voir ses droits respectés, ainsi que ses
aspirations de changement de sa vision de la société. Malheureusement, d’année en année,
de décennie en décennie, et aujourd’hui depuis plus de quarante ans, les choses n’ont pas
réellement changés. Les mentalités n’ont pas évolué et, avec le temps qui passe, au lieu de
sentir l’oppression d’antan se dissiper, nous constatons plutôt bel et bien que l’idéologie
franquiste est toujours présente en Espagne, certes globalement modérée, mais toujours
prête à ressurgir en lieu et place d’une réelle démocratie, qui écoute les opinions, les prend
en considération, recherche un consensus entre les différents mouvements. Ainsi, il nous
semble assez naturel que la Catalogne ait abandonné tout espoir de concertation avec
l’Espagne, auprès de qui, rappelons-le, elle n’a jamais souhaité adhérer, et qu’elle persévère
avec toujours plus de conviction vers sa volonté d’indépendance.
Ainsi, arrivés à la conclusion de ce travail de recherche, nous pouvons nous reposer la
question introduite initialement, « Quel est le rôle du franquisme dans la volonté de
l’indépendance de la Catalogne ? » et la réponse, compte tenu de ce que nous avons
développé, est que le franquisme a certes une part de responsabilité dans ce mouvement de
sécession, mais que ce n’est pas la seule raison, bien qu’elle soit majoritaire. Le rôle du
franquisme est un rôle de catalyseur : Franco avait la ferme volonté de tuer dans l’œuf toutes
les velléités des opposants au pouvoir, en exécutant notamment les contestataires basques
et catalans. Si cette stratégie semble avoir fonctionné avec les Basques, c’est le contraire
qui s’est produit avec les Catalans, comme nous l’avons vu, et qui continue à se développer.
En effet, les Catalans ont transformé leur peur pour réalimenter la récupération de leurs
origines et parvenir à une Catalogne indépendante, forte, innovatrice, prospère, tournée vers
l’extérieur, adjectifs qui la caractérisent déjà. Avec le temps, et même au travers de
l’oppression franquiste et post-franquiste, elle a développé sa société, l’a adaptée au monde
moderne qui l’entoure, tant sur le plan économique, que politique et culturel.
Donc si le franquisme a bel et bien un rôle moteur dans la volonté d’indépendance de la
Catalogne, il existe d’autres raisons pour lesquelles la Catalogne souhaite se détacher de
l’Espagne. Nous avons dit à plusieurs reprises que jamais la Catalogne n’a accepté d’être
rattachée à l’Espagne. Cela s’est fait par la force en 1714. En 300 ans d’intégration forcée
avec l’Espagne, elle n’a jamais adhéré au régime monarchique qui a toujours prévalu en
Espagne, depuis 1714 à nos jours, même si le système monarchique actuel est très
nettement amoindri. N’oublions pas que la Catalogne avait mis en place un des premiers
parlements de l’histoire au XIIème
siècle, ce qui était une énorme avancée de structure
politique démocratique, qui fut détruite par le régime monarchique. Au XXIème
siècle, les
Catalans n’aiment toujours pas le roi d’Espagne, ni Juan Carlos Ier
, impliqué dans la
corruption, ni son fils Felipe VI, perchés sur leur fortune, insensibles aux besoins sociaux des
démunis de la population. Un élément qui démontre aujourd’hui encore l’omniprésence de la
structure monarchique centralisatrice est le fait qu’à tous les niveaux, les règlements
législatifs s’appellent Real decreto (décret royal) et sont décidés directement par le
Gouvernement, qui détient le pouvoir exécutif, sans passer par le Parlement, censé
représenter le peuple. Nous y voyons là un lien étroit entre le Gouvernement et la
monarchie.
Une dernière raison pour laquelle la Catalogne souhaite défaire son lien imposé avec
l’Espagne vient du souvenir de la période antérieure à 1714. La Catalogne, alors
indépendante, connaissait une expansion commerciale maritime renommée dans le pourtour
méditerranéen. Couper le frein à main espagnol, c’est se propulser vers le monde qui
l’entoure.
33
C’est là en fait la première raison de la volonté de la Catalogne de recouvrer son
indépendance, retrouver son efficacité économique, sabordée d’abord par les rois
successifs, puis par le franquisme.
Nous avons constaté, lors des interviews et des lectures, que les torts sont partagés. La
population se souvient des horreurs du franquisme, mais se rappelle aussi des dérapages
importants des Républicains, lorsque leurs clans extrémistes marxistes menaient des actions
violentes contre l’Eglise au sens large, mais également de manière arbitraire contre des
individus dont il avait été juste entendu vaguement qu’ils soutenaient ou aidaient des
personnes impliquées dans le camp opposé. Cela semble amener une partie de la
population vivant en Catalogne à ne pas se prononcer de manière unilatérale pour
l’indépendance, à développer une tendance à pardonner le passé négatif du franquisme et à
se positionner plutôt pour une Espagne unie sans séparatisme.
Un élément important à relever dans cette recherche de l’indépendance de la Catalogne est
son caractère pacifique. Il est un obstacle pour Madrid qui l’empêche d’utiliser une
répression musclée, militaire, policière, comme ce fut le cas pour les mouvements
d’opposition basques pour contrer la violence de l’ETA (groupement de libération du Pays
basque). Et cet élément est sans conteste un atout pour la Catalogne sur le plan
international, car le monde y est sensible, comme on peut le constater avec les expressions
de soutien de certains états, dont nous avons parlé, encore récents et timides, mais
néanmoins existants. Madrid sait qu’un faux pas de sa part, avec une action trop tranchée,
entraînerait l’apparition d’une vague plus importante de soutien international. Ainsi, la
Catalogne, autant les citoyens individuellement que collectivement par les associations, mais
également le Gouvernement catalan, utilisent des techniques pacifiques d’oppositions déjà
utilisées dans l’histoire par Mahatma Gandhi et Martin Luther King, telle que la
désobéissance civile, qui correspondent à l’utilisation des citations suivantes :
« Quand une loi est injuste, le plus juste est de désobéir », Mahatma Gandhi,
« Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir. », Thomas Jefferson,
« L’acte de désobéissance comme acte de liberté est le commencement de la raison. »,
Erich Fromm.
34
Bilan personnel
Sur le plan personnel, ce travail m’a énormément apporté et j’ai accordé beaucoup de temps
à son élaboration.
J’ai acquis de nouvelles connaissances sur un sujet qui me tient à cœur, mais qui pourrait
être négligé si l’on se fie uniquement à la pointe de l’iceberg sans approfondir ses
recherches.
Grâce à mon implication et à ma connaissance acquise sur le sujet, j’ai su percevoir
l’engagement de chaque personne d’une manière objective tout en les reliant aux
événements du passé.
De plus, j’ai modifié mon regard sur les Catalans qui ont souffert et qui se battent pour que la
justice leur soit rendue.
Par ailleurs, j’ai pu constater, grâce aux nouvelles rencontres que j’ai eu l’occasion de faire,
la différence entre les actions de l’Espagne et le mouvement pacifique catalan.
Je me suis rendu compte de l’ampleur de l’opposition de l’Espagne, car celle-ci cherche à
opprimer au lieu d’être à l’écoute.
En outre, j’ai observé les différents points de vue à propos de l’indépendance de la
Catalogne, selon les origines ou les familles des personnes concernées.
J’ai apprécié prendre contact avec des Catalans, afin de connaître leur avis et j’aimerais
m’engager davantage, car en étant plus engagée, je pourrais continuer à me forger mon
propre avis sur ce sujet.
Le questionnaire d’interview s’est adressé à douze personnes, dont huit ont répondu.
J’aurais souhaité avoir un plus large éventail d’interviewés, mais cela s’est avéré plus
compliqué que je pensais, en raison de la période estivale de vacances et de l’éloignement
des personnes ciblées, qui se trouvaient soit en Catalogne, soit dans le reste de l’Espagne.
Néanmoins, la profusion d’informations et des différentes positions de la population dans
l’actualité des médias sur internet ont relativisé l’importance des interviews, qui n’apportent
pas d’éléments déterminants supplémentaires à ma recherche.
Finalement, malgré l’aspect douloureux, j’ai eu beaucoup d’intérêt à analyser l’influence que
le régime franquiste a eu sur l’état actuel de la Catalogne et notamment sur l’influence de la
mentalité des Catalans.
J’espère que l’Espagne avancera son processus de modernisation et qu’elle accordera la
démocratie que la Catalogne lui demande pacifiquement.
35
Bibliographie :
1. LIVRES
BEEVOR Antony, La Guerre d’Espagne, Paris, Le livre de poche, 2016.
DANA Jean-Yves, J’ai vécu la guerre d’Espagne : 1936-1939, recueil de témoignages, Paris,
Bayard jeunesse, 2006.
PEPIN Patrick, Histoires intimes de la Guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des
vaincus, Paris, Nouveau monde, 2009.
2. ARTICLE D’UN PERIODIQUE PAPIER
AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de
Genève, 19 janvier 2013, p.7.
ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011,
p.8.
3. INTERVIEWS
BALTRONS CARRATALA Enriqueta, Catalane et Suissesse, retraitée, interview du 27 juillet
2017.
BALTRONS RUIZ Isabel, Catalane et Suissesse, technicienne en laboratoire, HUG,
interview du 31 juillet 2017.
BORDALLO DETERMAN Esther, Catalane et Hollandaise, employée commerciale en
Catalogne, interview du 31 juillet 2017.
CASTILBLANQUE Gloria et Augusti, Catalans, retraités, interview du 31 juillet 2017.
FERNANDEZ Emili, retraitée, interview du 31 juillet 2017.
PASTOR DURAN Xavier, médecin et professeur de la Faculté de médecine de l’Université
de Barcelone, interview du 12 août 2017.
RUIZ Felipe, Italien et Suisse, taximan, interview du 31 juillet 2017.
VAQUER Erik, Catalan, infirmier en salle d’opération, interview du 9 août 2017.
4. SITES INTERNET
Ara.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.ara.cat/politica/LIAH-GREENFELD-Impossible-espanyols-
entenguin_0_1725427473.html
Arte.tv [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://info.arte.tv/fr/lespagne-face-aux-fantomes-du-franquisme
Assemblea.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse :
https://assemblea.cat/?q=node/11677
36
Catalunya radio [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.ccma.cat/324/estudiar-a-la-universitat-a-catalunya-pot-costar-el-triple-que-en-
una-altra-comunitat/noticia/2769647/
Catalunya, un petit gegant, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo
disponible à l’adresse :
http://dubtessobrelaindependencia.blogspot.com.es/2015/04/catalunya-un-petit-gegant-per-
victor.html
Cbrava.com [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://www.cbrava.com/fr/magazine/les-dates-cles-de-lhistoire-de-la-catalogne/
Courrier international [En ligne]. [Consulté le 26 juillet 2017], disponible à l’adresse :
https://blog.courrierinternational.com/auberge-catalane/2016/04/05/1714-17-minutes-et-14-
secondes/
Elnacional.cat [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.elnacional.cat/es/politica/eurodiputada-sueca-boicot-espanol-soberanismo-
bruselas_132774_102.html
Esdiario.com [En ligne]. [Consulté le 25 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.esdiario.com/104537730/El-inquietante-informe-sobre-la-verdad-catalana-que-el-
CNI-ha-enviado-a-Rajoy.html
Elplural.com [En ligne]. [Consulté le 6 février 2017], disponible à l’adresse :
http://www.elplural.com/politica/2017/02/06/puigdemont-acompana-mas-en-su-camino-hacia-
el-palacio-de-justicia
Hdfutur.cat [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse :
http://hdfutur.cat/es/jose-boix-ochoa/
Letemps.ch [En ligne]. [Consulté le 9 août 2017], disponible à l’adresse :
https://www.letemps.ch/economie/2017/08/01/entre-madrid-barcelone-drole-guerre-
economique
Necesito que entiendas, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], vidéo
disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA
Obres.casa-paisos-catalans.eu [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à
l’adresse : http://obres.casa-paisos-catalans.eu/europe/joan_becat/ref_becat_2014.pdf
Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://oliba.catnord.cat
Paucasals.org [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse :
http://www.paucasals.org/fr/-PAU-CASALS-Discours-aux-Nations-Unies/
Pyreneescatalanes.free.fr [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://pyreneescatalanes.free.fr/Thematiques/Familles/ComtesBarcelone.php
Stop l’espoli reportage de la fondation Catdem avec interview de plusieurs professeurs
d’universités, [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], disponible à l’adresse :
http://www.elpuntavui.cat/article/3-politica/17-politica/640067-una-professora-acusa-wert-de-
vetar-la-per-posicionar-se-a-favor-del-sobiranisme.html
37
Victor Peña responde a Rosa Diez, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017],
vidéo disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=r8tuhJYS_wM
VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.vilaweb.cat/noticies/el-tribunal-suprem-espanyol-obre-judici-oral-a-homs-pel-9-n/
VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.vilaweb.cat/noticies/els-ultres-assaltants-del-centre-blanquerna-la-diada-del-
2013-hauran-danar-a-preso/
VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse :
http://www.vilaweb.cat/noticies/video-el-dia-que-saenz-de-santamaria-va-dir-el-mateix-que-
ha-portat-joan-coma-a-laudiencia-espanyola/
Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 15 juillet 2017], disponible à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_en_Espagne#Langues_ayant_un_statut_officiel_dans_c
ertaines_communaut.C3.A9s_autonomes
Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliva_de_Besalù
5. EMISSIONS DE RADIO
RICHARD Jean-Marc, « L'Eurovision de la chanson comme caisse de résonance politique »
[Enregistrement vidéo], Tout un monde, Lausanne, RTS1, 9 mai 2017.
6. FILMS (DVD)
CALVO Salvador, Les enfants volés [DVD], Espagne, Mediaset españa et MOD
producciones, 2013.
HUERGA Manuel, Salvador [DVD], Royaume Uni, Mediapro, 2006.
7. IMAGES, PHOTOGRAPHIES
Directe.cat, « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance »,
Site de Directe.cat, [En ligne], [Consulté le 4.08.2017], disponible à l’adresse :
http://www.directe.cat/noticia/273753/arrenquen-el-retol-de-municipi-per-la-independenciade-
la-garriga, 2017.
Francesc, « Le bras de fer entre Madrid et la Catalogne se poursuit », Site du collectiu Oliba,
[En ligne], [Consulté le 23.07.2017], disponible à l’adresse :
http://international.reagrupament.cat/wp-content/uploads/2014/11/EspagneCatalogne.jpg.
GENNARO Grégory « 1 avril 1939 : Fin de la guerre d’Espagne », patriotismesocial.fr, [En
ligne], [Consulté le 26.07.2017], disponible à l’adresse :
http://patriotismesocial.fr/1-avril-1939-fin-de-la-guerre-civile-en-espagne/
MARTI Juan, « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance »,
Site de Baluarte Digital, [En ligne], [Consulté le 4.08.2017], disponible à l’adresse :
http://baluartedigital.opennemas.com/articulo/separatismo/ayuntamiento-manresa-ha-tenido-
reponer-diez-veces-letreros-separatistas/20160402151300000872.html
MIRALLES H., « Corpus de sang », wikipédia, [En ligne].
[Consulté le 26.07.17], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Els_Segadors
38
Radio Canada, « La quête d’indépendance des Catalans », Site de Radio Canada, [En
ligne], [Consulté le 23.07.2017], disponible à l’adresse :
http://img.radio-canada.ca/2012/11/22/635x357/121122_7j2kf_catalogne-en-
chiffres_sn635.jpg.
SPAGNOLO Tania, « l’Espagne, une démocratie », Photo personnelle.
SPAGNOLO Tania, « Manifestation pour le référendum», Photo personnelle.
SPAGNOLO Tania, « Volonté d’indépendance », Photo personnelle.
8. NOTES ET SUPPORTS DE COURS
LEJEUNE Irène, enseignante au Collège de Genève, cours 2015-2016.
9. CONFERENCE
Professeur PAGES I BLANCH Pelai, historien à l’Université de Barcelone, « Catalogne :
Histoire, Langue & Culture », conférence donnée le 10 juin 2017 à Lausanne, invité par le
Centre Culturel Catalan de Lausanne et Genève.
39
Déclaration d’authenticité
PLAGIAIRE
 plaЗјєR  n. – plagiere 1584 ; lat. plagiarius « celui qui vole les esclaves d’autrui »,
du gr. Plagios « oblique, fourbe »  Personne qui pille ou démarque les ouvrages
des auteurs.
PLAGIER
 plaЗјє  v.tr. – 1801; de plagiat 1 Copier (un auteur) en s’attribuant indûment des
passages de son œuvre. => imiter, piller.
(Petit Robert I - éd. 1996)
L'élève
Prénom NOM : ........................................................................................................
Groupe : ........................................................................................................
Maître-sse accompagnant-e : .................................................................................
atteste avoir conçu et rédigé personnellement, dans son style propre, le
travail de maturité ci-joint;
atteste notamment ne pas avoir eu recours au plagiat et avoir
systématiquement et clairement mentionné tous les emprunts faits à
autrui.
Lieu, date et signature : ……………………………………………………………………...
40
Annexes
Annexe 1 : Remerciements
Nous remercions les personnes qui nous ont aidé, stimulé, motivé dans l’accomplissement
de ce travail de maturité et qui ont eu la sensibilité de nous transmettre leur passion pour ce
sujet : Augusti et Gloria Castilblanque, Núria Inglin Reche, mes parents et ma grand-mère
maternelle, sans oublier mon enseignante d’espagnol au collège de Staël, Madame Irène
Lejeune.
Ces remerciements s’adressent aussi à ceux pour qui cette histoire tragique a bouleversé le
cours de la vie et qui pourtant n’en ont pas perdu le goût, et qui, sans renier leurs
engagements, ont su garder une vigueur combattante et leur foi en l’homme. Mais aussi à
ceux dont la mémoire douloureuse ou joyeuse nous a aidé à trouver la distance que nous
espèrons juste, entre indignation et espoir.
Nos remerciements ne peuvent épargner ceux qui, sur le chemin de la mémoire, nous ont
offert leur temps.
Nous ne pouvons oublier, dans ces remerciements, les personnes qui ont souffert de cette
oppression et c’est ce qui nous a interpelé et donné l’idée de construire un travail de maturité
autour de cette thématique.
41
Annexe 2 : Questionnaire des interviews
L’indépendance de la Catalogne
1. Quel âge avez-vous ? Que edad tiene ?
2. D'où venez-vous ? (origine) De donde es (origen)?
3. Quelle est votre situation professionnelle actuelle ? Cual es su situación profesional
actual ?
4. Êtes-vous pour ou contre l'indépendance de la Catalogne ? Et pourquoi
Es usted por o contra la independencia de la Cataluña ? Y porque
5. Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent les Catalans à réclamer leur
indépendance ?
Según usted cuales son las razones que hagan que los Catalanes quieren la
independencia ?
6. Vos proches ont-ils souffert de l’oppression de la dictature du franquisme dans le passé ?
Sus seres queridos sufriraron de la opresión de la dictatura del franquismo en el pasado ?
7. Ressentez-vous aujourd’hui encore une oppression centriste de Madrid ?
Siente usted aun que hay una opresión centralista que viene de Madrid ?
8. Selon vous, quels seraient les avantages et les désavantages vis-à-vis de cette
indépendance ?
Según usted cuales serían las ventajas y los inconvenientes de esta independencia ?
9. Pourquoi le Gouvernement espagnol refuse-t-il ce référendum ?
Porque el gobierno español deniega este referendum ?
10. Le « non » de Rajoy sans justification est-il un reste de franquisme ?
El « no » de Rajoy sin justificación es un resto del franquismo ?
11. Quelles seraient les conséquences d'une indépendance catalane ? (économique,
politique, sportive, vis-à-vis de l’UE)
Cuales serían las consecuencias de la independencia catalana ? (económica, política,
deportista en la Unión Europea)
12. Voyez-vous une similitude ou une différence entre l’indépendance catalane et celle de
l’Ecosse ?
Vea usted una similitud o una diferencia entre la independencia catalana y la de escocia ?
13. Avez-vous une anecdote à propos de la volonté de la Catalogne à devenir indépendant ?
Tiene usted un recuerdo que querría compartir a proposito de la voluntad de la Cataluña al
devenir independiente ?
42
Réponses des interviews :
Réponses de Enriqueta Baltrons Carratala
Question 1 : « 87 ans »
Question 2 : « Je viens de Barcelone, j’ai vécu 37 ans en Suisse (de 1959 à 1996). »
Question 3 : « Je suis à la retraite. »
Question 4 : « Peu importe, à cause de la déception »
Question 5 : « Je ne sais pas, je suis neutre. (Le souvenir douloureux du passé m’empêche
de me positionner.) »
Question 6 : « Le frère de mon père fut arrêté pour une confusion de langage. »
Question 7 : « Avant oui, maintenant non. »
Question 8 : « Je ne sais pas, je ne vois pas l’issue de l’indépendance ; je me rappelle de
l’époque de la faim. »
Question 9 : « C’est pour ces refus continus que je suis partie en Suisse. »
Question 10 : « Je pense que oui, beaucoup de gens ne l’aiment pas. »
Question 11 : « Je ne sais pas. »
Question 12 : « Je ne sais pas. »
Question 13 : « La jeunesse veut l’indépendance, les plus âgés ne s’y engagent pas, dû à
leur souffrance. Il faut se rappeler que la Catalogne est plus ancienne que l’Espagne. A
l’époque de Franco, tous les livres furent brûlés, les théâtres fermés… Le plus frappant se
remarque dans les couples mixtes, une personne castillane et l’autre catalane, c’est toujours
la langue castillane qui est imposée en famille et c’est toujours le conjoint castillan qui
impose l’autorité. »
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne
Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne

Contenu connexe

En vedette

2024 State of Marketing Report – by Hubspot
2024 State of Marketing Report – by Hubspot2024 State of Marketing Report – by Hubspot
2024 State of Marketing Report – by Hubspot
Marius Sescu
 
Everything You Need To Know About ChatGPT
Everything You Need To Know About ChatGPTEverything You Need To Know About ChatGPT
Everything You Need To Know About ChatGPT
Expeed Software
 
Product Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
Product Design Trends in 2024 | Teenage EngineeringsProduct Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
Product Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
Pixeldarts
 
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental HealthHow Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
ThinkNow
 
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdfAI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
marketingartwork
 
Skeleton Culture Code
Skeleton Culture CodeSkeleton Culture Code
Skeleton Culture Code
Skeleton Technologies
 
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
Neil Kimberley
 
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
contently
 
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
Albert Qian
 
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie InsightsSocial Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
Kurio // The Social Media Age(ncy)
 
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
Search Engine Journal
 
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
SpeakerHub
 
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
Clark Boyd
 
Getting into the tech field. what next
Getting into the tech field. what next Getting into the tech field. what next
Getting into the tech field. what next
Tessa Mero
 
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search IntentGoogle's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
Lily Ray
 
How to have difficult conversations
How to have difficult conversations How to have difficult conversations
How to have difficult conversations
Rajiv Jayarajah, MAppComm, ACC
 
Introduction to Data Science
Introduction to Data ScienceIntroduction to Data Science
Introduction to Data Science
Christy Abraham Joy
 
Time Management & Productivity - Best Practices
Time Management & Productivity -  Best PracticesTime Management & Productivity -  Best Practices
Time Management & Productivity - Best Practices
Vit Horky
 
The six step guide to practical project management
The six step guide to practical project managementThe six step guide to practical project management
The six step guide to practical project management
MindGenius
 
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
RachelPearson36
 

En vedette (20)

2024 State of Marketing Report – by Hubspot
2024 State of Marketing Report – by Hubspot2024 State of Marketing Report – by Hubspot
2024 State of Marketing Report – by Hubspot
 
Everything You Need To Know About ChatGPT
Everything You Need To Know About ChatGPTEverything You Need To Know About ChatGPT
Everything You Need To Know About ChatGPT
 
Product Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
Product Design Trends in 2024 | Teenage EngineeringsProduct Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
Product Design Trends in 2024 | Teenage Engineerings
 
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental HealthHow Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
How Race, Age and Gender Shape Attitudes Towards Mental Health
 
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdfAI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
AI Trends in Creative Operations 2024 by Artwork Flow.pdf
 
Skeleton Culture Code
Skeleton Culture CodeSkeleton Culture Code
Skeleton Culture Code
 
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
PEPSICO Presentation to CAGNY Conference Feb 2024
 
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
Content Methodology: A Best Practices Report (Webinar)
 
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
How to Prepare For a Successful Job Search for 2024
 
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie InsightsSocial Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
Social Media Marketing Trends 2024 // The Global Indie Insights
 
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
Trends In Paid Search: Navigating The Digital Landscape In 2024
 
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
5 Public speaking tips from TED - Visualized summary
 
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
ChatGPT and the Future of Work - Clark Boyd
 
Getting into the tech field. what next
Getting into the tech field. what next Getting into the tech field. what next
Getting into the tech field. what next
 
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search IntentGoogle's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
Google's Just Not That Into You: Understanding Core Updates & Search Intent
 
How to have difficult conversations
How to have difficult conversations How to have difficult conversations
How to have difficult conversations
 
Introduction to Data Science
Introduction to Data ScienceIntroduction to Data Science
Introduction to Data Science
 
Time Management & Productivity - Best Practices
Time Management & Productivity -  Best PracticesTime Management & Productivity -  Best Practices
Time Management & Productivity - Best Practices
 
The six step guide to practical project management
The six step guide to practical project managementThe six step guide to practical project management
The six step guide to practical project management
 
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
Beginners Guide to TikTok for Search - Rachel Pearson - We are Tilt __ Bright...
 

Le rôle du franquisme dans la volonté d'indépendance de la Catalogne

  • 1. 1 Travail de maturité Quel est le rôle du franquisme dans la volonté d’indépendance de la Catalogne ? Spagnolo Tania CECG Madame de Staël Octobre 2017 « Volonté d’indépendance », Photo personnelle, 2016.
  • 2. 2 Table des matières Introduction………..……………….………………………….......................................................................................................... 3 1. Synthèse de l’histoire de la Catalogne………..……………………………….......................................................... 4 1.1. Naissance de la Catalogne.………..…..………………........................................................................... 4 1.2. 1640 et 1714, les premières soumissions par l’impôt.………..……………............................. 6 1.3. La création du Gouvernement catalan.………..…..……………….................................................... 8 1.4. Le franquisme.………..…..………………...................................................................................................... 10 1.5. Le post-franquisme.………..…..………………........................................................................................... 12 2. Témoignages de la guerre civile……………………………….………..……………………....…………………………. 14 2.1. JUVE Mercedes, Catalane, républicaine……................................................................................ 14 2.2. HITOS Rafael, Andalous, soldat franquiste………..…..…........................................................... 14 3. La Catalogne du XXIème siècle………..…….……....................................................................................................... 16 3.1. Le réveil de la mémoire…..….................................................................................................................. 16 3.2. La volonté d’indépendance présente en profondeur dans la structure sociale…………………………………..……….................................................................................................... 18 3.3. Madrid se défend avec des moyens anti-démocratiques..................................................... 19 3.4. Une Catalogne qui se sent rejetée.………….................................................................................... 20 3.5. La Catalogne utilise des moyens démocratiques..................................................................... 21 3.6. L’Espagne appauvrit la Catalogne ………..…................................................................................... 22 3.7. Le soutien international au mouvement démocratique catalan……………....................... 24 3.8. Le nationalisme collectiviste et le nationalisme individualiste………................................. 25 3.9. Le sport comme vecteur politique……………………………..…......................................................... 26 3.10. Le courage catalan en réponse à la peur du franquisme.................................................... 28 3.11. La Catalogne de demain : démocratie ou oppression ?........................................................ 29 3.12. Synthèse des interviews………………………………………………......................................................... 31 Conclusion……………………………………………………........................................................................................................... 32 Bilan personnel………..………………………………................................................................................................................. 34 Bibliographie…………………………………..…………………………………………………………………………………………… 35 Déclaration d’authenticité………………………………………..………………………………………………………………….. 39 Annexes…………………………………………………………………………..………………………………………………………….. 40 Annexe 1 : Remerciements..……………….............................................................................................................. 40 Annexe 2 : Questionnaire et réponses des interviews.………..……………………….................................... 41 Annexe 3 : Courriel aux municipalités catalanes pour la loi sur la mémoire historique…………….. 50
  • 3. 3 Introduction Mon intérêt pour ce sujet vient tout d’abord de mes origines espagnoles, provenant de ma mère. Son père est Castillan et sa mère est Catalane. Nous nous rendons régulièrement en Catalogne. Nous avons ainsi pu observer sur place les mouvements d’indépendance catalans de ces dernières années. Actuellement et depuis quelques années, nous observons de fortes tensions centrées sur le peuple catalan, tant en Catalogne, que dans le reste de l’Espagne. En Catalogne, les manifestations se multiplient pour arborer cette volonté d’indépendance en portant fièrement le drapeau catalan, aussi suspendu à de très nombreux balcons et fenêtres. Pour concrétiser ce mouvement, des votations régionales sont organisées en Catalogne, l’objectif étant de démontrer et légitimer le rassemblement populaire pour cette volonté d’indépendance. Mais le Gouvernement espagnol refusant qu’un vote sur ce sujet soit effectué, ce sont plutôt des consultations populaires qui sont mises en place, sans validité juridique. C’est ainsi que je cherche à comprendre pourquoi la Catalogne aspire à se détacher de l’Espagne et à devenir indépendante. Il s’agit d’analyser comment ce processus s’est déclenché, comprendre cette persistance, ainsi que déterminer les raisons pour lesquelles l’Espagne s’y oppose. Il sera donc question de chercher dans le passé de l’Espagne pour trouver les causes qui ont provoqué cette rupture entre Catalans et Espagnols. Nous analyserons le rôle que le franquisme a eu, ainsi que les événements antécédents qui remontent plus loin dans le passé et qui sont à l’origine de cette volonté d’indépendance de la Catalogne, mais également d’éventuelles raisons plus récentes, postérieures au franquisme, vu qu’il est censé s’être terminé à la mort de Franco en 1975 et que déjà plus de quarante ans se sont passés. Ce travail s’appuiera sur les différences de traitement faites aux Catalans et aux autres Espagnols, pour constater une réelle focalisation, un accent négatif pointé sur les Catalans. Il s’agira donc de répondre aux questions suivantes : - Le franquisme est-il responsable de la volonté d’indépendance de la Catalogne ? - Y a-t-il d’autres causes qui en sont responsables ? - Y a-t-il des différences de traitement entre la Catalogne et les autres régions ? « La quête d’indépendance des Catalans », http://img.radio-canada.ca/2012/11/22/635x357/121122_7j2kf_catalogne-en-chiffres_sn635.jpg, 2012.
  • 4. 4 1. Synthèse de l’histoire de la Catalogne 1.1. Naissance de la Catalogne La naissance de la Catalogne remonte au Xème siècle, elle a donc plus de 1'000 ans. C’est à cette époque que cette région s’individualise socialement et politiquement. Elle était subdivisée en de nombreux comtés (comme ceux de Barcelone, de Gérone, mais aussi certains qui se trouvaient dans la France actuelle, tel que celui du Roussillon) et ce sont les comtes de Barcelone qui organisèrent leur union1 . Les comtes de Barcelone, proches du roi, étaient des représentants administratifs du roi ; par la suite, cette fonction devint héréditaire2 . Leurs comtés se situaient à Barcelone et aux alentours de Barcelone. Ils améliorèrent une structure d’unification mise en place par Oliba (Oliva de Besalù, dit Oliba, comte de Berga et de Ripoll, devenu évêque de Vic3 ), fondateur de monastères, qui réunit les régions du nord des Pyrénées et du sud des Pyrénées, pour protéger le peuple des conséquences des guerres féodales, en particulier les paysans et les artisans4 . Ce rassemblement de comtés est inclus dans l’empire de Charlemagne et représente la région frontière avec la montée musulmane provenant du Maroc. En 987, un des comtes de Barcelone demande de l’aide à l’empire contre le siège des musulmans, mais sans réponse. C’est cet abandon qui est déterminé comme l’acte fondateur de l’indépendance catalane, car la population est contrainte à se défendre seule. En 1150, la Catalogne et l’Aragon se sont associés pour former la conféderation de Catalogne et d’Aragon. Dans cette confédération, les deux pays conservaient leur autonomie, néanmoins la Catalogne a pris de la puissance et s’est développée maritimement. La Catalogne s’est battue pendant plus d’un siècle contre la papauté et contre la France pour obtenir un rôle dans le commerce maritime, en raison de sa position au bord de la Méditérannée. A cette époque, c’est le latin qui était en vigueur dans toute cette région européenne, mais le catalan était utilisé dans les milieux culturels de façon très étendue et bien au-delà de la Catalogne5 . En 1162 est créée la Principauté de Catalogne par les comtes de Barcelone, un Etat formé d’une union de comtés indépendants, dont certains, à nouveau, sont sur le territoire français actuel, tel que celui de Perpignan, et les îles Baléares y sont aussi intégrées. La capitale est Barcelone, la langue est le catalan et une forme de parlement, les Corts, établit une uniformisation des lois. Il est important de relever que cette forme de parlement représente le premier parlement de l’histoire avant même celui de l’Angleterre, au XVIIIème siècle, selon le discours de Pau Casals, éminent violoncelliste catalan exilé lors de la guerre civile, devant l’assemblée des Nations Unies à New York en 19716 . La configuration finale de cet Etat ne se terminera qu’en 14917 . 1 Cbrava.com [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.cbrava.com/fr/magazine/les-dates-cles- de-lhistoire-de-la-catalogne/ 2 Pyreneescatalanes.fr [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://pyreneescatalanes.free.fr/Thematiques/Familles/ComtesBarcelone.php 3 Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliva_de_Besalù 4 Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://oliba.catnord.cat/?page_id=137 5 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, historien à l’Université de Barcelone, « Catalogne : Histoire, Langue & Culture », conférence donnée le 10 juin 2017 à Lausanne, invité par le Centre Culturel Catalan de Lausanne et Genève. 6 Paucasals.org [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse : http://www.paucasals.org/fr/-PAU-CASALS-Discours-aux-Nations-Unies/ 7 LEJEUNE Irène, enseignante au Collège de Genève, cours 2015-2016.
  • 5. 5 Au XVème siècle apparaît la politique d’absorption de la Castille sous les rois catholiques Fernando et Isabel, imposant autoritarisme et centralisme, ce qui a affecté négativement les libertés locales de la Catalogne. La monarchie était en effet un obstacle pour le développement économique du pays. Les Catalans se sont retrouvés dans l’impossibilité de maintenir leur commerce maritime très développé. Lors de la découverte de l’Amérique, la Catalogne, de même que les Aragonais et les Valenciens, ne pouvaient pas commercer avec l’Amérique, c’était chasse gardée des Castillans et des Andalous8 . 8 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 6. 6 1.2. 1640 et 1714, les premières soumissions par l’impôt En 1640, une dégradation se produit entre le camp catalan et celui de la Castille. C’est la guerre des Segadors, guerre des moissonneurs : des révoltes populaires des paysans catalans se manifestent contre les autorités castillanes, lors de la hausse d’impôts de la part du roi Philippe IV pour financer la guerre, guerre que ne voulaient pas les Catalans. Pour mettre fin aux conflits, le Gouvernement demande de l’aide à la France, qui en profite pour prendre le Roussillon et la moitié du comté de Cerdagne, actuelle région française du Languedoc-Roussillon. Les Catalans étaient donc perdants à deux niveaux : la soumission à un impôt à l’Etat qui les avait annexés pour une guerre à laquelle ils s’opposaient et une conclusion du conflit en leur défaveur avec une perte de territoire. La guerre des Segadors « Corpus de sang de H. Miralles » 1907, w ikipédia, 2017. En 1701, la Catalogne était contre le couronnement du roi de Castille Philippe V ; pour cette raison, ses troupes attaquèrent la Catalogne. En 1714, ce roi veut soumettre la Principauté de Catalogne, mais les Catalans résistent. Le 11 septembre 1714, les troupes du roi donne l’assaut final dans la cité de Barcelone, ce qui détruit beaucoup de maisons. La Catalogne est détruite, le roi interdit le Gouvernement et le Parlement catalans et y impose les lois espagnoles. Le catalan est interdit, de même que les pratiques propres à la culture catalane. Philippe V supprime toutes les universités catalanes. Tout était enseigné en castillan dans les écoles, mais le catalan reste la langue parlée par la population catalane. C’est cette date du 11 septembre 1714, qui marque l’intégration de la Catalogne dans l’Espagne, ce qui la contraint à payer de forts impôts au pouvoir central et qui asphyxiera les Catalans9 . Pour les Catalans, le 11 septembre 1714 marque le début de leurs problèmes. C’est avec cet événement que l’on comprend que la Catalogne n’a jamais souhaité faire partie de l’Espagne, mais y a été contrainte par les armes et, de plus, en y perdant toutes ses caractéristiques et c’est là certainement un des éléments essentiels de sa recherche d’indépendance. 1714 marque la fin des éléments d’indépendance qui subsistaient en Catalogne et c’est pour cela que c’est cette année-là qui est reprise comme symbole pour la récupération de l’indépendance. 9 Ibid.
  • 7. 7 Pour bien saisir cette violence subie par la Catalogne, faisons une comparaison avec l’Etat de Genève. Lorsqu’il a été intégré dans la Confédération Hélvétique, ce n’est pas par la contrainte, mais de sa propre volonté qu’il y a adhéré et en conservant son statut de République. L’Espagne devient une République le 11 février 1873, mais déjà en 1876, une monarchie constitutionnelle est installée par le roi Alphonse XII, avec un Parlement. Au cours de la féodalité du XIXème siècle, les propriétés privées des Catalans sont confisquées par l’Etat et par l’Eglise, notamment les champs. A cette époque d’industrialisation, la Catalogne devient le centre producteur le plus important de la région en tissu et en étoffe de laine et de coton. C’est ainsi qu’apparaît une classe ouvrière importante, des associations d’artisans, tels que des tisserands, qui formeront un mouvement politique nouveau, d’où sera issue notamment une tendance anarchiste catalane. Parrallèlement apparaîssent des groupes de poètes qui lancent la renaissance de la culture catalane, après un siècle de déclin. Des chants catalans très populaires unissent et renforcent ces groupes. Un catalanisme politique surgit à la fin du XIXème siècle. En 1880 a lieu le premier congrès catalaniste, qui aboutit en 1890 à un mémorial de révendication adressé au pouvoir espagnol et en 1892 aux bases de la constitution catalane, qui représente le premier document indépendantiste. Un pacte avec le Gouvernement espagnol permet la fondation de la communauté catalane. Pour la première fois, la langue catalane redevient autorisée. En 1898, l’Espagne subit une perte importante de ses colonies, notamment Cuba, Porto- Rico et les Philippines. Cet élément de déstabilisation économique donne lieu à la création de l’union des grands entrepreneurs catalans, qui débouchera aussi en 1901 au premier parti catalan, qui connut un grand succès en Catalogne10 . En 1914, est créée la Mancommunauté de Catalogne (Gouvernement local limité), organisme formé par l’union administrative des quatre conseils généraux catalans. Elle sera supprimée en 192311 . De 1923 à 1930, sous le règne du roi Alphonse XIII, s’installe la dictature de Miguel Primo de Rivera, qui a chamboulé l’Espagne. Incapable de surmonter la crise mondiale de 1929, le roi l’oblige à démissionner pour que la monarchie ne soit pas perçue comme affaiblie. 10 Ibid. 11 Necesito que entiendas, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA
  • 8. 8 1.3. La création du Gouvernement catalan En 1931, toujours avec Alphonse XIII, ont eu lieu les élections politiques durant lesquelles les républicains sont sortis vainqueurs : ce fut ainsi la seconde République12 . En même temps, une République catalane est proclamée, mais ne dure que trois jours13 . Cette période de 1931 à 1933 portait le nom de El Bienio Progresista (bienio signifie période de deux années, période biannuelle) prônant le progrès. La victoire de la gauche étant incompatible avec le règne du roi Alphonse XIII, il décida de s’exiler à Marseille. Manuel Azaña, alors président d’Espagne, éprouvait, comme de nombreux républicains, une haine contre l’église, qui avait toujours été violente aux côtés de la dictature précédente et du monarchisme ; il n’empêcha pas les actes de violence républicains telle que la destruction par le feu des églises et des couvents. Il mit en place plusieurs lois progressistes : séparer l’Eglise de l’Etat, permettre le mariage civil plutôt que le mariage à l’église, accorder le divorce inaccessible jusque-là, une transformation de l’éducation en permettant à tous d’étudier en rendant l’école gratuite, ainsi que séparer la religion de l’éducation en la rendant laïque et la mise en place du système de retraite. C’est pendant cette seconde République espagnole que le nationalisme catalan, mouvement républicain s’opposant à la monarchie, a créé en 1932, la Generalitat : Gouvernement catalan. La Catalogne et le Pays basque se battaient déjà pour leur indépendance avec des actes anarchiques et violents. C’est à ce moment-là qu’une certaine autonomie fut accordée avec El Estatuto Catalán14 . Ce Statut catalan est une loi qui organise l’autonomie de la Catalogne, en respect de la constitution espagnole15 . En 1933 déjà prend fin le mandat de Manuel Azaña et donc de nouvelles élections ont lieu, où la droite sort victorieuse. Cette période de 1933 à 1936 porte le nom de El Bienio Negro (période biannuelle sombre) prônant le retour en arrière. En 1934, Lluís Companys est le président de la Generalitat de Catalogne ; il élabore une loi pour améliorer la situation économique et sociale de ses paysans, mais le tribunal constitutionel d’Espagne l’annule. Lluís Companys réagit et proclame l’Etat de Catalogne, mais l’Espagne répond avec une répression. Elle incarcère le président régional Lluís Companys et suspend le Statut d’autonomie de la Catalogne. En 1936, le général Fransisco Franco fait un coup d’état. La guerre civile d’Espagne commence et il la gagne en trois ans. Cela signifie la fin de la République espagnole, la défaite de la Catalogne et, dès 1939, le début de quarante ans de dictature militaire. 150’000 Catalans sont déportés dans des prisons et des camps de concentration. 4’000 Catalans sont fusillés pour des motifs politiques, dont Lluís Companys. La langue catalane reste complètement interdite et tous les symboles catalans sont réprimandés. 12 LEJEUNE, idem note 7. 13 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5. 14 LEJEUNE, idem note 7. 15 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 9. 9 José Antonio Primo de Rivera, le fils du dictateur Miguel Primo de Rivera, était au pouvoir et fonda la Phalange Espagnole, mouvement fasciste de droite. Lors des élections de 1936 deux parties s’opposaient : el Frente Popular (le Front Populaire) de gauche avec 34,3% de vote et el Frente Nacional (le Front National) de droite avec 33,2% de vote. La gauche gagnait de peu, mais un coup d’état fut provoqué. Le général Franco fut proclamé chef d’état en 1936. Il s’est montré rusé et impitoyable avec l’aide de l’Italie et de l’Allemagne, qui lui envoyaient des avions, des munitions et des troupes, notamment en 1938 lors de la batalla del Ebro (la bataille de l’Ebre, l’Ebre étant un fleuve d’Espagne) qui provoqua beaucoup de morts. Par la suite et durant l’année 1939, en pleine guerre civile et juste avant l’avènement du franquisme, 440’000 réfugiés partirent en France, où beaucoup s’installèrent définitivement, 10’000 en Afrique du Nord et beaucoup aussi en Amérique du Sud. C’est pour cette raison qu’en France, beaucoup de noms de famille sont d’origine espagnole comme Fernandez, Lopez, Rodriguez, etc. Cet exil de masse porte le nom de la Retirada (la retraite). 12’000 Espagnols ont été déportés dans des camps de concentrations et quelques 30'000 Républicains disparus continuent à être retrouvés dans les charniers de l’Espagne16 . 16 Idem.
  • 10. 10 1.4. Le franquisme En Espagne, le 1er avril n’est pas considéré comme un jour de plaisanterie, car il marque le début de la dictature de Franco en 1939, qui avait proclamé que la guerre était finie et que les nationalistes avaient gagnés17 . Dès 1939, le franquisme réduit le Gouvernement catalan au silence. L’arrivée du général Franco a interrompu toute évolution et a fortement fait régresser les droits catalans. Le catalan a disparu de la presse, des écoles et de la vie publique. Il n’était autorisé que dans le milieu familial. L’Eglise entretenait son lien avec les paroissiens en latin et non pas en catalan. Une grande campagne anti-catalans se forme et l’expression « Les Catalans sont de la merde » ressort souvent 18 . Un rationnement fut mis en place à cause du manque de nourriture, il fallait acheter ses coupons, disponibles une fois par semaine et s’il y avait une perte ou un vol, il fallait survivre avec ce qui restait. Le franquisme avait mis en place une manœuvre scandaleuse pour limiter la croissance des naissances dans la population républicaine19 . Ce procédé était d’annoncer à la famille que l’enfant n’avait pas survécu, puis l’enfant était adopté par une famille franquiste. Encore aujourd’hui des personnes recherchent leurs réels parents20 . L’interdiction du catalan fut un grand problème pour la Catalogne et ceux qui ne suivaient pas cette règle étaient mis en prison. Certains apprenaient le castillan, mais une grande partie du peuple, vivant à la campagne, était analphabète et ne pouvait ainsi pas apprendre le castillan. Nous pouvons donc comprendre une certaine haine des générations suivantes, privées de leurs proches, soit emprisonnés, soit tués, pour l’unique raison qu’ils ne pouvaient apprendre une nouvelle langue, que leur langue maternelle, et préfèrent ainsi parler catalan pour faire valoir aussi les droits de leurs aïeux qui n’ont pas pu le faire. Le régime franquiste prévoyait que grâce à la forte migration interne en Espagne des années 1960, en provenance d’Andalousie, d’Aragon et de Castille, que le problème des Catalans se terminerait, par étouffement dans la masse de migrants, mais cela ne fut pas le cas21 . Cette dictature durera jusqu’en 1975, la période la plus sombre étant l’après guerre de 1939 à 1959, durant laquelle le peuple perdit droits et libertés. Le général Franco « 1 avril 1939 : Fin de la guerre d’Espagne de Grégory Gennaro », patriotismesocial.fr, 2017. 17 LEJEUNE, idem note 7. 18 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5. 19 ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011, p.8. 20 AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de Genève, 19 janvier 2013, p.7. 21 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 11. 11 Au niveau international, l’Espagne de Franco ne cachait pas sa répression du peuple catalan. Par exemple, lors du concours international de la chanson de l’Eurovision, dans les années 1960, il avait remplacé le chanteur qui avait gagné les sélections espagnoles, parce qu’il chantait en catalan. Le fait qu’il soit arrivé en finale démontre que le peuple espagnol n’était pas dérangé par la langue catalane de sa chanson, mais Franco ne pouvait pas accepter que son pays soit représenté par une langue qu’il interdisait. Il remplaça donc ce chanteur par une chanteuse qui chantait en castillan22 . La terreur franquiste dura juqu’au bout puisqu’en 1974, le Catalan Salvador Puig i Antich est torturé et assassiné à l’âge de 26 ans par la police franquiste, en raison de son appartenance à un mouvement révolutionnaire anarchiste et à l’homicide contesté d’un policier. Franco est mort en novembre 1975 et un mois encore avant sa mort, en octobre 1975, étaient exécutées pour des raisons politiques les deux dernières victimes du régime franquiste23 . 22 RICHARD Jean-Marc, « L'Eurovision de la chanson comme caisse de résonance politique » [Enregistrement vidéo], Tout un monde, Lausanne, RTS1, 9 mai 2017. 23 HUERGA Manuel, Salvador [DVD], Royaume Uni, Mediapro, 2006.
  • 12. 12 1.5. Le post-franquisme La mort de Franco permet à l’Espagne de commencer la transition vers la démocratie. Le roi Juan Carlos, petit-fils du roi Alphonse XIII qui avait cédé son pouvoir à la deuxième République d’Espagne en 1931, désigné par Franco pour lui succéder en tant que roi d’Espagne, était pour la démocratie et ainsi en 1976, Adolfo Súarez, président du Gouvernement, mit en marche le processus de changement politique. En 1977, la Generalitat, Gouvernement catalan, est réinstaurée et devient la première institution républicaine postérieure au franquisme, alors que le Parlement catalan avait réussi, encore pendant le franquisme, à se réunir en 1971, issu d’une large union anti- franquiste. Le Statut d’autonomie de la Catalogne est réintroduit24 ; il était supprimé depuis la guerre civile. En 1978, la nouvelle constitution espagnole nie le droit d’autodétermination de la Catalogne et ferme ainsi la porte à une éventuelle indépendance. L’Espagne, qui en moins de 20 ans renforce son économie et ses secteurs agricole, touristique et industriel, intègre l’Union Européenne en 1986. Elle est composée de 17 régions autonomes, qui ont toutes leur Parlement et leur drapeau, certaines ont même leur propre langue qui est enseignée à l’école en plus du castillan, première langue officielle espagnole, mais qui n’est la langue maternelle que de 55% seulement de toute la population espagnole : le basque, le galicien, le catalan et l’aranais, ce dernier étant une seconde langue en Catalogne, dans le Val d’Aran, reconnue aussi comme langue officielle par le Statut de Catalogne25 . Les régions puissantes comme la Catalogne et le Pays basque manifestent leur envie de se séparer de l’Espagne, car celle-ci ponctionne trop fortement leur contribution, ce qui les empêche d’atteindre leur plénitude économique, sociale et culturelle. La Catalogne, contrairement au Pays basque, n’avait et n’a toujours aucune prérogative fiscale26 . Dans cette démocratie mise en place par l’Espagne, el Partido Popular (le Parti Populaire) est fondé par des franquistes. Il désigne la droite et non plus la gauche que représentait el Frente Popular (le Front Populaire). Avant, la droite était représentée par el Frente Nacional (le Front National). Cette appropriation du terme partisan « populaire » par la droite porte à confusion, auprès de la population pour les votations : le peuple croit voter pour la gauche en raison de l’appellation « populaire », alors que leur voix va à la droite. 24 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5. 25 wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 15 août 2017], disponible à l’adresse : https://fr.w ikipedia.org/w iki/Langues_en_Espagne#Langues_ayant_un_statut_officiel_dans_certaines_communaut.C3.A9s_auto nomes 26 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 13. 13 Franco avait l’intention de verrouiller son système institutionnel pour que son régime lui survive, enfermer l’Espagne dans un silence sur elle-même et sur son histoire et ainsi écraser toutes les velléités des vaincus. La machine était bien cadenassée. Cette instauration de la terreur a connu son comble par le remplacement des exécutions par fusillement par la méthode atroce de l’exécution par strangulation et broyage des vertèbres cervicales avec le garrot métalique, comme ce fut le cas pour les dernières victimes du franquisme en 1974 et 1975. Le symbole de cet écrasement des vaincus est matérialisé par le gigantesque tombeau de Franco, dans la région de Madrid, construit au-dessus d’un énorme charnier où ont été jetés les corps de 35'000 soldats républicains, qui sont toujours portés disparus pour leur famille. Ce site est l’un des plus visité d’Espagne et vénéré par ceux qui aujourd’hui sont encore franquistes, un Espagnol sur deux pensant que Franco a été bénéfique au pays27 . La survivance du franquisme est présente dans les nombreuses lois franquistes qui n’ont pas été abolies plus de quarante ans après la soi-disant fin du franquisme, malgré les nombreuses demandes d’abrogation. C’est ainsi le seul pays d’Europe qui n’a pas aboli les lois d’un régime fasciste28 . 27 Arte.tv [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://info.arte.tv/fr/lespagne-face-aux-fantomes-du- franquisme 28 PEPIN Patrick, Histoires intimes de la Guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des vaincus, Paris, Nouveau monde, 2009, p.162.
  • 14. 14 2. Témoignagesde la guerrecivile 2.1. JUVE Mercedes, Catalane, républicaine : A propos de son positionnement comme républicaine, elle explique : « Les raisons pour lesquelles nous nous battions sont celles qui dictent la paix : le respect de l’individu, de la démocratie, de la liberté d’expression. Nous avions raison. » Elle raconte que quand elle était enfant, sa famille habitait Madrid, bien qu’ils étaient Catalans. Son père, lors d’une réunion à la maison avec des étudiants, subit une descente de police, qui embarqua tout le monde et confisqua des livres de la bibliothèque, notamment des romans français, apparus comme suspects simplement parce qu’ils étaient dans une langue étrangère. Un autre jour, lors d’un défilé militaire à Madrid, il n’a pas ôté son chapeau lors du passage du drapeau, ce qui était une obligation et lui a valu d’être giflé par un policier. Elle précise : « Je comprends alors combien il tient ce drapeau du roi en horreur29 . » 2.2. HITOS Rafael, Andalous, soldat franquiste : Ce témoignage ne parle pas directement des Catalans, mais ils sont englobés dans les républicains et vu que les Catalans furent parmi les plus réprimés des républicains, ce témoignage a son importance, car il nous apporte le point de vue de l’autre partie. Il a longtemps vécu à Grenade avec sa famille, puis il a suivi son éducation à Madrid dans un établissement catholique très pieu. En 1931, à l’âge de 13 ans, il a été contraint de retourner à Grenade, car des groupements républicains de type marxiste brûlaient des bâtiments de l’Eglise, dont son école religieuse. Nous devons expliquer ici que parmi les républicains de la deuxième République espagnole de 1931 à 1933, qui étaient principalement de gauche, se trouvaient également des marxistes d’extrême gauche. C’est de ces groupements que provinrent des actes de violence, tout particulièrement contre l’Eglise au sens large, en raison du fait que l’Eglise espagnole, toujours aux côtés de la droite et notamment de la précédente dictature de Primo de Rivera, participait à la forte répression du peuple. Son retour à Grenade s’est fait par contrainte et c’est cela qui explique son sentiment d’horreur face à cette violence contre l’Eglise qu’il honorait et la raison de son opposition aux républicains. 29 DANA Jean-Yves, J’ai vécu la guerre d’Espagne : 1936-1939, recueil de témoignages, Paris, Bayard jeunesse, 2006, pp. 6- 10.
  • 15. 15 Nous souhaitons préciser qu’il est donc important de relever que les extrémistes républicains ont commis une erreur en agissant aussi brutalement, car l’Eglise était un des fondements de l’Espagne et c’est donc avec ces saccagements provenant d’une minorité, que les républicains se sont mis l’Espagne à dos. Bien que républicain, le grand poète Federico García Lorca était un ami de son père et Rafael Hitos a vécu son arrestation en 1936, qui aboutit à son exécution au début de la guerre civile. Avec cet élément, il explique sa peine en précisant : « Car, si dans les deux camps, des minorités usent de méthodes extrêmes pour prendre le pouvoir, la majorité, elle, ne souhaite pas cela. » A cette époque-là, les républicains étaient assimilés au communisme et ce sentiment de peur face à l’expansion du communisme, créa beaucoup d’amalgames malheureux en Espagne, mais aussi partout ailleurs dans le monde. La mission de Rafael Hitos pendant la guerre civile était de combattre le communisme plutôt que les républicains. Il avait d’ailleurs des amis républicains. Selon son point de vue, qui était celui d’une majorité de l’Espagne, Franco a sauvé l’Espagne du communisme et lui a permis aussi d’éviter de participer à la deuxième Guerre mondiale. Il ne nie toutefois pas la face sombre de Franco 30 . Ce témoignage nous permet de préciser que les Brigades internationales, qui vinrent apporter leur soutien aux républicains durant la guerre civile, composées de la classe ouvrière européenne, mais aussi américaine, étaient effectivement dirigées par les communistes soviétiques, qui en étaient aussi à l’origine31 . 30 Ibid., pp .34, 35 et 48. 31 BEEVOR Antony, La Guerre d’Espagne, Paris, Le livre de poche, 2016, pp. 289 et ss.
  • 16. 16 3. La Catalognedu XXIème siècle « Le bras de fer entre Madrid et la Catalogne se poursuit », Site du collectif catalan Oliba, 2014. 3.1. Le réveil de la mémoire Après la mort du dictateur, il a fallu attendre le début des années 2000 pour assister au « réveil » de la mémoire espagnole32 , en ce qui concerne notamment la recherche par leur famille des victimes du franquisme disparues, dont beaucoup ne réapparaissent seulement que petit à petit au XXIème siècle dans les nombreux charniers découverts. Il en va de même du scandale des bébés volés, qui ne retrouvent leurs parents qu’à présent, paralysés durant trente ans de post-franquisme, par la chape de silence alimenté par la peur installée par le régime franquiste. Le franquisme avait arraché les bébés à leur mère, les faisant passer pour morts, pour la simple raison qu’elles étaient républicaines, ou encore en situation sociale précaire, les rendant indignes, selon le régime, d’élever des enfants. Ces bébés étaient vendus, notamment par les institutions religieuses où avait lieu l’accouchement, à des couples bourgeois franquistes33+34 . Ce climat de peur intense nous permet de comprendre pourquoi les Catalans ont attendu les années 2000 pour se réveiller et faire valoir leur volonté d’indépendance. Nous allons voir ici quels événements ont permis ce réveil au XXIème siècle. En 2006 est amélioré le Statut d’autonomie de la Catalogne. Autonomie n’égale pas indépendance et c’est une ambivalence qui a des influences négatives pour l’indépendance de la Catalogne. L’autonomie existe depuis longtemps en Catalogne, tandis que la volonté d’indépendance est nouvelle, même si elle resurgit du passé. Le Pays basque en revanche se contente de son statut d’autonomie et n’a pas de volonté d’indépendance, en tout cas démonstrative et il reste en observation de ce qu’il advient du cas catalan. En Galice, il y a aussi un mouvement indépendantiste, mais pour l’instant assez discret. Le transfert de l’autonomie à l’indépendance a suivi l’ouverture de l’Espagne, d’un point de vue économique, sur l’Europe et le monde35 . 32 PEPIN Patrick, op. cit., n. 26, p. 161. 33 ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011, p.8. 34 AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de Genève, 19 janvier 2013, p.7. 35 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 17. 17 Nous pensons que la Catalogne est au premier rang pour cette internationalisation de l’Espagne, tant par sa position au nord-est, à la frontière française, en ce qui concerne l’Europe, que par sa large présence sur la Méditerranée. Quant au reste du monde, son aéroport international et à nouveau sa position maritime l’avantagent nettement. Nous voyons ainsi à cette époque actuelle l’apparition d’une volonté de moderniser le Statut de la Catalogne et une volonté d’assainir le passé. En 2007 entre en vigueur la loi espagnole sur la mémoire historique pour reconnaître leurs droits aux victimes du franquisme. Cette loi permet notamment de rechercher les victimes disparues, mais son application est très variable selon la situation géographique en Espagne. Alors que les municipalités catalanes et basques s’activent pour aller de l’avant dans cette recherche pénible, celles de l’Andalousie et de la Castille ignorent sciemment cette législation démocratique et progressiste. « Cette mémoire est comme une boule de neige qui se charge au fur et à mesure qu’elle roule » disait Patrick Pépin en 200936 , mais en 2017, il semblerait, comme nous l’avons entendu lors de nos interviews, que cette loi, instaurée par le chef d’Etat socialiste Zapatero, qui avait lui même des proches concernés par l’horreur du franquisme, soit plutôt étouffée par le Gouvernement actuel de droite (Parti Populaire, PP) de Rajoy aux racines franquistes. Nous avons souhaité connaître l’avancement de cette loi sur la mémoire historique et ainsi nous avons adressé un courriel demandant l’état actuel de son application et de son évolution à 3 municipalités catalanes, choisies pour leur engagement différent dans l’indépendantisme : - Barcelone, capitale de la Catalogne à engagement variable pour l’indépendance, les partis politiques classiques (Parti Populaire, PP, et Parti Socialiste, PSOE) y étant opposés et les partis séparatistes récents étant très actifs notamment pour l’organisation des énormes manifestations de rue pour l’indépendance, avec aussi des partis séparatistes anciens, telle que l’Esquerra Republicana (la Gauche Républicaine) ; - Blanes, ville côtière d’une certaine importance, qui a connu une très forte migration de Castillans et Andalous dans le secteur du textile dans les années 1960, ce qui pourrait avoir marginalisé les Catalans ; - Vic, ville de l’intérieur de la région, haut lieu du catalanisme. Nous n’avons pas reçu de réponses à ce jour, malgré nos rappels, mais nous joignons en annexe 3 deux informations récentes qui témoignent de l’application de cette loi. 36 PEPIN Patrick, op. cit., n. 26, p. 36.
  • 18. 18 3.2. La volonté d’indépendance présente en profondeur dans la structure sociale Nous observons donc que l’indépendantisme catalan est porté non seulement par des individus et des associations privées d’individus, tels que l’ANC, Assemblea Nacional Catalana (Assemblée Nationale Catalane) et l’Omnium Cultural (Cercle Culturel), mais également par des institutions publiques, telles que les municipalités catalanes et nous verrons plus loin que la Catalogne elle-même en tant qu’institution publique au statut de région autonome, est en première ligne. C’est là un élément très important dans ce processus de séparation, car il ne provient pas que du secteur privé, mais est désormais fermement implanté, nous le verrons plus loin, dans le secteur public, qui en est devenu l’un des moteurs. Ainsi, les municipalités affichent publiquement leur indépendantisme en posant des panneaux officiels d’indication avec la mention qu’elles sont pour l’indépendance, comme nous pouvons le voir sur les deux images ci-dessous. Sur la seconde, nous constatons la violence espagnole opposée à l’indépendance, le graffiti « Espanya » venant cacher l’expression d’indépendance, le paradoxe étant que le terme « Espanya » est écrit en catalan, car en castillan ce serait « España ». « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance », http://w w w .directe.cat/noticia/273753/arrenquen-el-retol-de-municipi-per-la-independencia-de-la-garriga , 2017. « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance », http://baluartedigital.opennemas.com/articulo/separatismo/ayuntamiento-manresa-ha-tenido-reponer-diez-veces-letreros- separatistas/20160402151300000872.html
  • 19. 19 3.3. Madrid se défend avec des moyens anti-démocratiques Le Gouvernement espagnol utilise différents moyens pour contrer l’indépendantisme catalan ; la dissimulation d’informations en est un. Il refusait depuis longtemps de publier les bilans fiscaux régionaux. Ce n’est qu’en 2008 qu’il cède à la pression. Le déficit fiscal de la Catalogne accumulé depuis 1986 apparaît comme supérieur à 200'000 millions d’euros. Cet énorme trou financier est la conséquence de 26 ans d’exploitation fiscale, selon notre source. La Catalogne a contribué à raison de 8% de son PIB au fond de solidarité espagnol. Ceci est un taux de soutien qui n’a jamais été appliqué dans un autre état européen. Depuis le XIXème siècle, la Catalogne est le moteur industriel de l’Espagne, mais 26 ans d’exploitation fiscale ont provoqué la chute de la Catalogne de la première à la quatrième place du classement des régions selon le PIB par habitant. Le régime fiscal actuel l’empêche de pouvoir légiférer pour conserver la partie des impôts qu’elle prélève et dont elle a besoin. Elle ne peut pas s’adapter au monde moderne sans avoir ses propres capitaux. Chaque Catalan paie 2'251 euros par année de plus qu’il devrait. Si ce vol s’arrêtait pendant un mois, tous les enfants de Catalogne pourraient aller à l’école gratuitement durant un an. La contribution de la Catalogne est abusive, les Catalans ne réclament pas des privilèges fiscaux, mais uniquement de pouvoir bénéficier des mêmes droits que les autres régions espagnoles et ainsi de pouvoir reconstituer son économie37 . Cette rétention d’information tenue secrète est anti-démocratique et témoigne d’un comportement issu du régime franquiste. En 2010, le tribunal constitutionnel d’Espagne dicte des peines contre le nouveau Statut d’autonomie de Catalogne de 2006, supprime beaucoup d’articles et conteste des termes trop sensibles. En agissant ainsi ce pouvoir judiciaire se contente de se baser sur une constitution dépassée et refuse de prendre en considération les outils modernes actuels du droit international, tel que le droit à l’autodétermination des peuples. La population proteste pacifiquement dans les rues de Barcelone. Les manifestations ne changent rien. La Catalogne demande le respect à la différence, elle réclame aussi de pouvoir récolter ses propres taxes, une prérogative que possède le Pays basque. Cette décision judiciare de 2010 marque le déclenchement de la colère pacifique du peuple catalan, exprimée par les organisations de référendum et les manifestations de rue qui les accompagnent. Le pouvoir centraliste espagnol majoritairement de droite n’a jamais eu un comportement démocratique et s’est plutôt vu imposer la démocratie. De l’autre côté politique, il y a aussi une gauche espagnole fortement opposée à la Catalogne indépendante. Le système et les institutions espagnols conservent les fondements franquistes et n’ont pas finalisé leur transition post-franquiste. La structure centralisatrice espagnole empêche l’ouverture qui permettrait de prendre en considération des mouvements d’autodétermination. 37 Stop l’espoli reportage de la fondation Catdem avec interview de plusieurs professeurs d’universités, [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.elpuntavui.cat/article/3-politica/17-politica/640067-una-professora-acusa- w ert-de-vetar-la-per-posicionar-se-a-favor-del-sobiranisme.html
  • 20. 20 3.4. Une Catalogne qui se sent rejetée Voici l’avis d’un Catalan actif pour l’indépendance qui résume bien l’opinion publique, ou en tout cas la partie qui demande l’indépendance : Le séparatisme catalan n’est pas un rêve des politiciens catalans, ni du Gouvernement régional de Catalogne, ni une manière d’échapper à la crise économique espagnole. Il s’agit en réalité da la répercussion des faits historiques sur le futur. Dans l’histoire de la Catalogne, l’Etat catalan a été interdit plusieurs fois et, de même, la langue catalane a été interdite comme langue officielle de la Catalogne. La Catalogne a beaucoup souffert durant son histoire et a supporté de nombreuses injustices. Peu à peu un sentiment nationaliste grandit dans la société catalane. La Catalogne sera une des régions d’Espagne où la répression franquiste a été la plus féroce. Des membres du clergé espagnol hurlaient : « Chiens catalans, vous n’êtes pas dignes du sol qui vous enfante. » « Artur Mas, président précédent de la Generalitat, a été inhabilité parce qu’il n’a pas respecté les lois espagnoles et la constitution espagnole. Cette constitution date de la mort de Franco et la population espagnole l’avait votée, car elle symbolisait la fin du tunnel. Aujourd’hui cette constitution est trop ancienne et ne tient pas compte des réalités actuelles. C’est aussi pour cette raison que 80% des participants à la consultation de 2014 ont été en faveur de l’indépendance. Bien que la loi soit la loi, elle doit refléter la volonté du peuple. L’entêtement injustifié à se cacher derrière les lois anciennes, aurait pour conséquence que les femmes n’auraient toujours pas le droit de vote, l’esclavage ne serait toujours pas aboli, les femmes seraient encore brûlées pour avoir été accusées de sorcellerie et il y aurait toujours une hiérarchie de classe selon la couleur de peau. Les lois changent et évoluent constamment38 . » Dans l’état actuel démocratique espagnol, un ministre de l’éducation veut supprimer le catalan des matières obligatoires scolaires en Catalogne. Cette discrimination a déjà une réalité maintenant, car si un seul élève veut que le cours soit donné en castillan, le cours devra être fait en castillan. Il y a un acharnement contre les Catalans qui sont depuis trop longtemps les bouc-émissaires. Ceci est visible actuellement : la Catalogne représente 20% de l’économie nationale, mais ceci n’assure pas en Catalogne le bien-être équivalent. La Catalogne est comme une colonie espagnole, c’est pour cela qu’en 2012, en 2013 et en 2014, la population catalane est sortie dans la rue et beaucoup d’entre eux ont manifesté pour quelque chose qui aurait dû être obtenu il y a de nombreuses années : l’indépendance. « Le peuple catalan décide de « désobéir », notamment avec l’organisation d’un référendum, interdit par Madrid, transformé en consultation, aussi interdite par Madrid. Les Catalans sont épuisés de vivre dans un pays dans lequel ils ne sont pas appréciés, pas valorisés, où il ne leur est pas permis de s’exprimer, un pays qui attaque leur langue et qui les retient uniquement pour leur grand pouvoir économique. Un état démocratique, où le Gouvernement refuse que le peuple donne son opinion, démontre le plus grand acte de lâcheté qu’un Gouvernement puisse avoir. Les Catalans aiment l’Espagne, apprécient sa culture, ses réussites et son essor, mais ils n’ont plus confiance dans le Gouvernement espagnol. Le plus grand cadeau qu’ils aimeraient serait de récupérer leur liberté, la liberté de décider, de penser, de s’exprimer, une liberté qu’ils implorent depuis des siècles de manière pacifique39 . » 38 Victor Peña responde a Rosa Diez, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=r8tuhJYS_wM 39 Necesito que entiendas, de PEÑA Victor [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], vidéo disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA
  • 21. 21 3.5. La Catalogne utilise des moyens démocratiques C’est en 2014, 300ème anniversaire de la chute de Barcelone en 1714, qu’a eu lieu la première votation catalane sur l’indépendance. En fait, suite au refus de Madrid qui a interdit une votation qui n’aurait eu lieu que dans une seule région, les Catalans l’ont transformée en consultation populaire, l’objectif était de relever l’opinion du peuple catalan sur l’indépendance. Les résultats de cette consultation furent aussi refusés, car Madrid la considéra comme anticonstitutionnelle. Le « oui » pour l’indépendance était porté par 80% des 2 millions de Catalans qui ont participé sur un corps électoral de 5,4 millions40 . Il faut tout de même relever que le taux de participation de 27% est faible. « Le Gouvernement espagnol fait croire au peuple espagnol et au monde que l’indépendance est un tunnel sans sortie. Ils font croire que les Catalans détestent l’Espagne, détestent sa culture, sa langue, qu’il est interdit de parler castillan dans les écoles catalanes, alors que près de la moitié des matières sont enseignées en castillan. Faire croire à la population que les Catalans détestent l’Espagne est un mensonge, et donc anti- démocratique. Plus de 1,8 millions de personnes ont voté en faveur d’un nouvel état. Est-ce possible que les Catalans indépendantistes aient endoctriné des milliers de personnes pour que la Catalogne devienne un état indépendant ? Ou est-il plus réaliste que le Gouvernement espagnol ait conscience de la réalité objective et ne fait que la cacher pour que les autres régions ne veuillent pas se joindre à la Catalogne, afin de se séparer de l’Espagne ? Beaucoup d’Espagnols, résidents en Catalogne, ont voté en faveur de l’indépendance. Est-ce le fruit de l’endoctrinement ? Ou de l’intolérance41 ? » « L’Espagne, une démocratie ? », Photo personnelle, 2016. 40 Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://oliba.catnord.cat/?cat=6 41 Catalunya, un petit gegant, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse : http://dubtessobrelaindependencia.blogspot.com.es/2015/04/catalunya-un-petit-gegant-per-victor.html
  • 22. 22 3.6. L’Espagne appauvrit la Catalogne « Il serait peut être judicieux de montrer une réalité inconnue d’une partie de la population. La Catalogne est la communauté autonome qui apporte le plus à l’économie espagnole, avec jusqu'à 22% du PIB national, mais de manière surprenante, les étudiants catalans reçoivent seulement 5% de toutes les bourses de l’état central, alors que les étudiants madrilènes en reçoivent 58%. Il est surprenant de savoir que le ministre de la culture fait une dépense annuelle pour chaque Espagnol de 47 euros, mais pour chaque Catalan de seulement 5 euros. Un prix Nobel d’économie soutient que si la Catalogne était un état, elle serait jusqu'à sept fois plus riche dans le pire des cas. En analysant les statistiques du Gouvernement espagnol, il ressort que 40% des trains considérés comme obsolètes circulent en Catalogne, alors que seulement 4% dans la région de Madrid. Il a été construit 20 km de routes en Catalogne et 900 km à Madrid dans les vingt dernières années. Les investissements du Gouvernement espagnol dans l’AVE, nouveaux trains à haute vitesse, sont trois fois plus importants dans la région de Madrid qu’en Catalogne. 16 milliards d’euros par an quittent la Catalogne, sans aucun retour, sans aucune contre-prestation. Ainsi, les Catalans, qui n’arrêtent pas de donner au Gouvernement central, seraient considérés comme des fanatiques42 ?» Depuis la 1ère République espagnole en 1873, il n’y a pas eu un seul chef d’Etat espagnol originaire de Catalogne, alors que la Catalogne a eu un président d’origine andalouse. La Catalogne, bien que de tous temps sous l’emprise de l’Espagne, a développé un caractère d’intégration, tandis que le Gouvernement central de Madrid, ainsi que le reste de l’Espagne, a toujours démontré une aversion envers les Catalans. Ce sont vraiment les impôts qui ont été de manière réitérée le moyen de pression le plus important de l’Espagne sur la Catalogne. En effet, cet élément important de pression et d’étouffement de l’économie régionale revient fréquemment dans l’histoire de la Catalogne : événement des Segadors en 1640, annexion de la Catalogne en 1714 et situation des trente dernières années (depuis 1986), héritée du régime du franquisme, avec une rétention indécente de la répartition fiscale due aux Catalans. Cette inégalité de traitement dans la répartition fiscale se retrouve dans les disproportions injustes dont certaines sont citées ci-dessus par Victor Peña : autoroutes (amélioration du réseau et péages), universités (taxes et bourses) et réseau ferroviaire. Ainsi, avec les refus récurrents du Gouvernement espagnol face aux multiples requêtes légitimes des Catalans, ce qui est ressenti comme une « intransigeance autiste du Gouvernement Rajoy »43 , la Catalogne a aujourd’hui de réelles exigences politiques, alors que pendant longtemps elle se contentait d’une affirmation identitaire culturelle. Et dans ce transfert idéologique, ressurgit le sentiment républicain, qui, en plus d’être fondamentalement opposé au régime franquiste qui survit au sein du Partido Popular, PP (Parti Populaire), véritable leader politique espagnol, n’a, de plus, jamais accepté le régime monarchique espagnol. 42 Ibid. 43 Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://oliba.catnord.cat/?p=1142#more-1142
  • 23. 23 Divers rapports et études ont démontrés que la Catalogne, si elle devenait indépendante, ne sortirait pas de l’Union européenne pour de multiples raisons d’intérêts communs avec l’Etat espagnol et avec les autres pays de l’Union europénne, ainsi qu’avec les économies, les banques et les entreprises de ces Etats. La Catalogne veut redevenir une République. L’UE donnera certainement sa préférence à des relations avec une nouvelle République plutôt qu’avec l’ancienne structure monarchique espagnole. La Catalogne devenant une République s’intégrerait ainsi parfaitement dans une Europe de Républiques : à l’ouest, le Portugal est une République, en ayant aboli la monarchie constitutionnelle en 1910 déjà, à l’est, la France, l’Italie, l’Allemagne sont des Républiques et la Confédération Helvétique est formée de Républiques. Si la Catalogne était devenue indépendante à l’époque de la monnaie espagnole, la peseta, ce serait un problème pour qu’elle crée sa propre monnaie, mais elle est intégrée dans la monnaie euro et donc déjà adaptée sur ce point à l’UE. Si l’indépendance n’a pas lieu, il est très probable que les sièges des grandes banques catalanes soient transférées à Madrid, en raison du caractère centraliste de l’Etat espagnol, ce qu’elles ne souhaitent pas. C’est ce qui s’est déjà passé avec la banque basque BBVA et la banque cantabrique Santander44 . Nous précisons que cet avis est donné par la banque catalane Sabadell, une très grande banque internationale, ce qui démontre l’intérêt des banques catalanes au mouvement indépendantiste. 44 Assemblea.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : https://assemblea.cat/?q=node/11677
  • 24. 24 3.7. Le soutien international au mouvement démocratique catalan Le CNI, Centre National d’Intelligence espagnol, qui correspond aux services secrets espagnols, a remis un rapport confidentiel au chef du Gouvernement espagnol Rajoy en septembre 2016. Il est question du nationalisme catalan et de certaines avancées sensibles et dérangeantes que l’Etat espagnol cherchait à tenir secrètes. Une des informations de ce rapport est que les Parlements hollandais, danois et norvégien se sont montrés récemment très insistants pour demander au Gouvernement national espagnol qu’il accepte d’être ouvert à la négociation avec le Gouvernement régional catalan pour le référendum d’autodétermination de la Catalogne. Non seulement cette information est cachée à la nation espagnole, mais, plus grave encore, elle est couverte par un mensonge, le ministre des affaires étrangères Dastis ayant publiquement affirmé que ni l’Union européenne, ni le Conseil européen ne sont favorables à une telle consultation officielle du peuple catalan. Il cherche ainsi à étouffer les proclamations de ces 3 parlements européens, parce qu’elles risquent d’avoir un effet domino et se transmettre à d’autres assemblées européennes. Il est très curieux que quasiment aucun média espagnol ne se soit occupé de cette information, qui pourrait être l’embryon d’un modèle applicable dans d’autres pays de l’Union européenne. Dans ce rapport secret, il est question aussi de l’inquiétant rapprochement d’un député européen catalan à Vienne, Adam Casals, expert en relations internationales, vers la Slovénie, la Croatie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie, 5 pays indépendants de l’UE depuis à peine 30 ans, qui ont une sensibilité très marquée envers le processus de sécession, qu’ils ont eux-mêmes connus lors de la chute du mur de Berlin et de la déroute du régime soviétique qui s’en est suivie. Cette liaison très inquiétante pour le Gouvernement espagnol lui a valu l’appellation abusive d’ « ambassadeur de Catalogne » en Autriche45 , cette région n’ayant évidemment pas d’ambassadeur, fonction réservée aux représentants d’une nation. « Manifestation pour le référendum », Photo personnelle, 2016. Nous constatons que malgré les refus systématiques d’entrée en matière de Madrid, ce qui est un réel frein, la Catalogne persévère dans le développement de la structure de sa société en vue de la nation qu’elle souhaite devenir. Ainsi, il y a deux ou trois ans, a été créé le Registre Officiel des Catalans vivant à l’étranger, géré par la Catalogne et consistant notamment à pouvoir répertorier les Catalans vivant à l’étranger, afin de pouvoir les faire participer essentiellement aux votations catalanes. Aujourd’hui, le catalan n’est pas parlé seulement dans l’Etat espagnol de Catalogne, mais aussi dans d’autres régions espagnoles, le pays valencien, les îles Baléares, également dans la Catalogne du nord en France, à Andorre et dans un village de Sardaigne en Italie46 . 45 Esdiario.com [En ligne]. [Consulté le 25 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.esdiario.com/104537730/El-inquietante-informe-sobre-la-verdad-catalana-que-el-CNI-ha-enviado-a-Rajoy.html 46 Professeur PAGES I BLANCH Pelai, idem note 5.
  • 25. 25 3.8. Le nationalisme collectiviste et le nationalisme individualiste Liah Greenfeld, une des grandes expertes mondiales du nationalisme, professeur aux Universités de Boston et de Hong Kong, affirme qu’il est impossible que les Espagnols entendent la volonté d’indépendance des Catalans. Elle explique que l’Espagne applique un nationalisme collectiviste, centré sur la collectivité, à savoir la nation, comme ceux des pays de l’Europe de l’est ou de la Russie. Il ne s’agit donc pas d’un nationalisme axé sur la reconnaissance de l’individu, comme celui de la Catalogne et de la plupart des pays développés, qui donne du pouvoir aux personnes, promeut la tolérance et l’inclusivité. En raison de cette différence fondamentale d’idéologie, le nationalisme collectiviste espagnol ne peut pas entendre la demande du nationalisme individualiste catalan. Elle rappelle le phénomène historique de Franco, qui, au lieu de développer le nationalisme espagnol comme souhaité, va plutôt catalyser les sentiments nationaux catalans et basques, soit tout le contraire de ce qu’il voulait. Les nationalismes différents produisent des démocraties différentes, soit une démocratie libérale qui sauvegarde les droits des individus, soit une démocratie sociopopulaire qui peut laisser mourir ses citoyens sans s’en soucier, car l’important pour celle-ci est la nation et non l’individu. Pour le nationalisme individualiste, elle prend à titre d’exemple le britannique et elle rappelle que lorsque les Americains se séparèrent des Britanniques, ceux-ci considérèrent cette volonté comme une chose légitime et les laissèrent partir facilement. Il en irait de même de l’Ecosse si sa volonté était plus marquée. Ils ne sont évidemment pas contents d’une telle séparation, mais ils la considèrent comme légitime. Elle relève aussi que la force du mouvement indépendantiste catalan est sa non-violence47 . Ce nationalisme collectiviste de l’Espagne permet de comprendre pourquoi le pouvoir centraliste de Madrid refuse à tout prix la sécession d’une de ses régions. Selon José Boix- Ochoa, ancien chef de chirurgie pédiatrique renommé de Barcelone, à la différence de la France et de l’Angleterre, l’Espagne a perdu toutes ses colonies et ainsi son rayonnement impérialiste mondial. Il est devenu maintenant primordial qu’elle ne perde pas plus de territoire. Lui qui, depuis Barcelone, eut beaucoup de responsabilités avec des relations importantes tant avec l’Espagne que le reste du monde, considère que Madrid traite la Catalogne comme si c’était une colonie périphérique. Il souligne le fait que la périphérie côtière de la Catalogne et de la région Valencienne, n’ont jamais eu de caractère conquérant guerrier comme Madrid, mais plutôt un caractère commerçant, provenant de sa situation sur la Méditerranée. Selon lui, la situation de tension extrême actuelle entre la Catalogne et l’Espagne n’est que l’aboutissement d’une situation qui s’est dégradée depuis longtemps en raison de la permissivité de la Catalogne provenant de son caractère commerçant, qui a permis au caractère conquérant de l’Espagne centralisatrice d’instaurer petit à petit son autorité48 . 47 Ara.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.ara.cat/politica/LIAH-GREENFELD- Impossible-espanyols-entenguin_0_1725427473.html 48 Hdfutur.cat [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse : http://hdfutur.cat/es/jose-boix-ochoa/
  • 26. 26 3.9. Le sport comme vecteur politique L’indépendantisme catalan s’appuie sur la renommée internationale de son équipe phare de football, le FC Barcelone, à plusieurs reprises championne mondiale dans des compétitions inter-clubs. Il faut rappeler que le championnat de football espagnol est l’un des plus importants au monde, certains clubs étant parmi les plus riches de la planète et les stars internationales montrant un grand intérêt à y participer. Ce club est très important au niveau de sa taille et de sa puissance financière. Son stade, le Camp Nou, est l’un des plus grands au monde, avec ses près de 100'000 places assises. L’énorme club de fans qui assiste assidûment aux matchs représente une forte capacité d’expression. Depuis 2015, chaque match est une manifestation de la volonté d’indépendance de la Catalogne. A un instant très précis du match, la 17ème minute et 14ème seconde, le public catalan entame un chant indépendantiste : « IN… INDE… INDEPENDENCIA ». Il est fait référence à l’année 1714, lors de laquelle eut lieu la chute de Barcelone face aux troupes espagnoles ; le jour de cet événement, le 11 septembre, étant devenu le jour national catalan avec des énormes manifestations dans les rues de Barcelone. La manifestation de la chute de Barcelone en 1714 a commencé en 2014 pour célébrer le 300ème anniversaire. C’est dès ce moment-là que Barcelone célèbre le 11 septembre chaque année dans ses rues et que le Camp Nou clame la 17ème minute et 14 seconde à chaque match. C’est un véritable appel à l’indépendance clamé par des dizaines de miliers de supporters, qui démontrent à cet instant précis leur engagement politique. Tous les matchs du Barça (c’est l’abréviation du FC Barcelone), vu l’importance du club et du championnat, sont retransmis dans le monde entier. Mais les téléspectateurs ne voient pas ce fantastique appel politique, car il est soigneusment occulté par les nombreuses caméras. Comment ne pas penser qu’il y a là derrière la main de fer manipulatrice de la Madrid centrale ? Cet événement public, populaire, d’expression orale directe, démontre que les Catalans n’ont plus peur de l’oppression madrilène. Néanmoins, beaucoup de Catalans craignent encore de s’exprimer directement et frontalement, ou de s’exprimer tout court, sur ce sujet sensible, qui a causé la mort, la disparition, la torture de nombreux proches. Cette démonstration politique lors d’une manifestation sportive a été sanctionnée par la FIFA, Fédération Internationale de Football Amateur. Les organisations indépendantistes catalanes ont ressenti cela comme une atteinte à la liberté d’expression et ont multiplié encore davantage la manifestation des énormes drapeaux catalans indépendantistes avec l’étoile, la estrellada, lors des matchs suivants, en particulier lors de matchs internationaux pour amplifier la communication internationale de leur volonté d’indépendance49 . « La estrellada», http://jbcsport.net/new s, 2017. 49 Courrier international [En ligne]. [Consulté le 26 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://blog.courrierinternational.com/auberge-catalane/2016/04/05/1714-17-minutes-et-14-secondes/
  • 27. 27 Vu l’importance de ce club de football local et à son rôle de relai de l’indépendantisme, il est opportun de se poser la question de ce qu’il deviendrait si la Catalogne devenait indépendante. Cette interrogation est très présente parmi la population. Le FC Barcelone est géographiquement rattaché à ce championnat, vu que les Pyrénées le séparent de son autre voisin, la France. Il existe d’autres exemples de participations extérieures à des championnats nationaux de football : Andorre participe au championnat espagnol, Monaco participe au championnat français, Saint-Marin participe au championnat italien. Pour ces raisons, il semble tout à fait possible que le FC Barcelone poursuivrait sa participation au championnat espagnol, en cas d’indépendance de la Catalogne. Cela serait très important pour qu’il conserve son statut de grand club mondial, car il dépend de sa participation à ce grand championnat national. Evidemment, nous pouvons nous attendre à un risque de boycott de la part du club central du championnat, le Real Madrid CF, très marqué par le passé franquiste et considéré comme le club du roi, alors que le FC Barcelone incarne encore aujourd’hui la Catalogne, au passé et à l’esprit encore actuel républicains, dans une Espagne qui, rappelons-le, n’est pas une République. Il faut relever que l’équipe nationale espagnole de football, actuellement parmi les plus fortes au monde, ayant gagné récemment la Coupe du Monde et la Coupe d’Europe, est composée d’une importante partie de joueurs catalans. Cet élément sera certainement pris en considération lors de la décision de maintenir le FC Barcelone dans le championnat espagnol, en cas d’indépendance.
  • 28. 28 3.10. Le courage catalan en réponse à la peur du franquisme Le drapeau catalan avec l’étoile sur fond bleu est une version séparatiste. C’est ce drapeau qui de plus en plus a remplacé le drapeau catalan originel (sans étoile) aux fenêtres des indépendantistes. Il y a lieu de relever ici qu’il s’agit-là d’un incroyable acte de courage de la part de ces Catalans, dont leur famille a été persécutée pour le simple fait d’exprimer leur fierté naturelle d’être Catalans. Pendant les quarante ans de franquisme, les Catalans ont dû développer des stratégies de dissimulation de leurs signes distinctifs, car c’était une question de survie. Comme les nazis allaient chercher les juifs, pour les exterminer, les franquistes faisaient de même avec les Catalans démonstratifs et la seule chance de rester en vie était de renoncer à toutes les expressions du catalanisme : la langue, la sardane, danse traditionnelle catalane, les habits typiques catalans, tels que les espadrilles catalanes, la barretina, chapeau catalan, les chants catalans et bien sûr le drapeau catalan. Ainsi, voir aujourd’hui aux fenêtres tous ces drapeaux catalans et de plus, des drapeaux séparatistes, représente un réel acte de courage, sachant que le franquisme n’est pas éteint. Il en va de même, comme témoignage de courage, des chants catalans et notamment des chants indépendantistes, comme celui dont nous avons parlé à propos du Camp Nou, chanté dans une foule de près de 100'000 personnes. Dans ces gradins de football se trouvent beaucoup d’opposants au catalanisme, qui sont là pour le plaisir sportif, en qui subsiste des tendances franquistes et qui sont fortement irrités de côtoyer ces indépendantistes. Ce courage catalan s’organise aussi de façon officielle avec la pose des panneaux officiels d’indication des municipalités pour l’indépendance, dont nous avons parlé plus haut.
  • 29. 29 3.11. La Catalogne de demain : démocratie ou oppression ? La toute dernière actualité sur l’indépendance de la Catalogne est l’organisation d’un référendum en Catalogne le 1er octobre 2017 pour l’indépendance et pour choisir entre la monarchie constitutionnelle de l’Espagne et une nouvelle République catalane. Nous apprenons par des personnes catalanes qu’en juillet 2017, la Guardia Civil, police nationale de Madrid fondée sur des structures franquistes, s’est présentée à l’aube, vers les cinq heures du matin, au domicile de Jaume Clotet, directeur général de la communication de la Generalitat de Catalogne, pour l’auditionner au commissariat sur l’organisation de ce référendum. Cette convocation brutale s’est faite sans mandat du juge, ce qui a amené la Generalitat à porter plainte et ce qui nous démontre une fois encore et au plus actuel des faits la présence toujours latente du franquisme50 . En juillet 2017, des agents sans uniforme de la Guardia Civil, mais masqués, font irruption au Parlement et au Gouvernement catalans pour contrôler les financements du parti catalan au pouvoir. Cette brutalité exprime le fait que le Gouvernement espagnol veut réinstaurer la peur du régime franquiste face à sa crainte du mouvement de sécession qu’il n’arrive pas contrôler51 . L’ancien président du Gouvernement catalan (2010-2016), Artur Mas a été condamné en mars 2017 d’inéligibilité politique pour « désobéissance ». De plus, il est présumé avoir détourné des fonds publics pour l’organisation de la consultation populaire de 2014 et il pourrait devoir payer de sa fortune personnelle52 . A propos du nouveau référendum du 1er octobre 2017, Madrid met en avant des sanctions financières. La capitale menace de suspendre une partie de son financement à la Catalogne, en particulier les fonds qui concernent les écoles et les hôpitaux catalans. Le système centraliste espagnol prévoit que le 90% des impôts perçus par le Gouvernement catalan part à Madrid, qui en reverse ensuite une partie à cette région autonome, selon une clef de répartition qui dépend de la richesse de la région et en y percevant des intérêts. Madrid refuse que les impôts du peuple espagnol soient destinés à financer un référendum sécessionniste. Ainsi, le Gouvernement catalan doit désormais envoyer chaque semaine à Madrid un certificat attestant qu’aucune dépense n’a été effectuée en lien avec l’organisation du référendum53 . Il semble évidemment naturel que l’Espagne s’oppose fermement au financement d’un mouvement séparatiste avec l’argent du contribuable, mais il faut relever aussi que l’insuffisante redistribution de Madrid vers la Catalogne, qui limite de plus en plus l’autonomie de la Catalogne dans les faits, est précisément l’un des éléments principaux de la volonté d’indépendance. 50 Elpais.com[En ligne]. [Consulté le 4 août 2017], disponible à l’adresse : https://elpais.com/ccaa/2017/07/29/catalunya/1501351468_940473.html 51 Letemps.ch [En ligne]. [Consulté le 9 août 2017], disponible à l’adresse : https://www.letemps.ch/economie/2017/08/01/entre-madrid-barcelone-drole-guerre-economique 52 Ibid. 53 Ibid.
  • 30. 30 Ce qui ressort de l’actualité, c’est que le mouvement d’indépendance est porté à présent par une nouvelle génération. Cette nouvelle génération, fils et petits-fils des victimes, possèdent l’énergie de l’espoir d’un changement, car notamment ils n’ont plus le poids direct de l’oppression, même s’ils en ressentent quand même la présence indirecte. Et la génération des victimes se sent portée et attirée par cette nouvelle génération. Concrètement, nous pouvons constater qu’Artur Mas, ancien président de la Generalitat, qui a beaucoup porté l’indépendantisme, était néanmoins quand même trop lié avec les freins des anciennes structures. Tandis que les deux nouvelles premières personnalités de la Catalogne, Carles Puigdemont et Oriol Junqueras, nouveaux président et vice-président de la Generalitat, paraissent être plus détachés du passé espagnol, l’un ayant été maire de Gérone, qui est devenue une ville florissante et l’autre, historien universitaire. A la différence de leurs prédécesseurs, ce sont des indépendantistes convaincus de longue date. Cette nouvelle génération montre qu’elle n’a plus peur en affichant la Estrellada, en chantant l’indépendance et en organisant des votations officieuses, interdites par Madrid, par la société civile54 . 54 Hdfutur.cat, idemnote 45.
  • 31. 31 3.12. Synthèse des interviews Nous avons interviewé des personnes catalanes, d’autres espagnoles, ainsi que des non espagnoles, d’âge variable, en activité ou à la retraite. Les personnes interviewées sont en faveur de l’indépendance, mais certaines, des personnes catalanes, ne se sont pas prononcées et nous avons senti des restes de la peur du passé qui les empêchaient de s’exprimer clairement. Est ressorti le sentiment d’oppression provenant de Madrid, qui empêche de vivre une vie libre en démocratie. Le souvenir de la souffrance d’un proche est quasiment toujours présent et les traces persistantes du franquisme ne font aucun doute. En imaginant une Catalogne indépendante, les interviewés ne se font pas de souci pour ce nouvel état, bien qu’ils reconnaissent une difficulté initiale pour démarrer. Un interviewé universitaire a fait une remarque intéressante concernant l’économie. Selon lui, les énergies renouvelables ne sont pas mises à profit en Espagne, car le Gouvernement central privilégierait l’énergie hydro-électrique, déjà bien installée et reposant sur des contrats juteux. L’interviewé souhaiterait que la Catalogne soit indépendante notamment pour qu’elle puisse se distinguer en appliquant les techniques actuelles utilisées dans le monde entier avec les énergies naturelles, telles que celles qui proviennent du soleil et du vent. Nous regrettons de ne pas avoir eu de réponses de quatre personnes cibles, dont le profil nous semblait très intéressant. Il s’agit de : - CARBO BOSCH Merce, Catalane et Suissesse, assistante sociale à Genève, aujourd’hui retraitée en Catalogne ; - INGLIN RECHE Núria, Catalane et Suissesse, membre de l’Assemblée Nationale Catalane de l’étranger à Lausanne/Genève et du Centre Culturel Catalan de Lausanne/Genève ; - MAS Pierre, Catalan, technicien à Genève.
  • 32. 32 Conclusion Nous nous rendons compte à travers toutes ses lectures, vidéos, rencontres et interviews, que la Catalogne nourrissait un énorme espoir à la mort de Franco, en 1975, l’espoir que la démocratie qui se mettait en place lui permettrait de voir ses droits respectés, ainsi que ses aspirations de changement de sa vision de la société. Malheureusement, d’année en année, de décennie en décennie, et aujourd’hui depuis plus de quarante ans, les choses n’ont pas réellement changés. Les mentalités n’ont pas évolué et, avec le temps qui passe, au lieu de sentir l’oppression d’antan se dissiper, nous constatons plutôt bel et bien que l’idéologie franquiste est toujours présente en Espagne, certes globalement modérée, mais toujours prête à ressurgir en lieu et place d’une réelle démocratie, qui écoute les opinions, les prend en considération, recherche un consensus entre les différents mouvements. Ainsi, il nous semble assez naturel que la Catalogne ait abandonné tout espoir de concertation avec l’Espagne, auprès de qui, rappelons-le, elle n’a jamais souhaité adhérer, et qu’elle persévère avec toujours plus de conviction vers sa volonté d’indépendance. Ainsi, arrivés à la conclusion de ce travail de recherche, nous pouvons nous reposer la question introduite initialement, « Quel est le rôle du franquisme dans la volonté de l’indépendance de la Catalogne ? » et la réponse, compte tenu de ce que nous avons développé, est que le franquisme a certes une part de responsabilité dans ce mouvement de sécession, mais que ce n’est pas la seule raison, bien qu’elle soit majoritaire. Le rôle du franquisme est un rôle de catalyseur : Franco avait la ferme volonté de tuer dans l’œuf toutes les velléités des opposants au pouvoir, en exécutant notamment les contestataires basques et catalans. Si cette stratégie semble avoir fonctionné avec les Basques, c’est le contraire qui s’est produit avec les Catalans, comme nous l’avons vu, et qui continue à se développer. En effet, les Catalans ont transformé leur peur pour réalimenter la récupération de leurs origines et parvenir à une Catalogne indépendante, forte, innovatrice, prospère, tournée vers l’extérieur, adjectifs qui la caractérisent déjà. Avec le temps, et même au travers de l’oppression franquiste et post-franquiste, elle a développé sa société, l’a adaptée au monde moderne qui l’entoure, tant sur le plan économique, que politique et culturel. Donc si le franquisme a bel et bien un rôle moteur dans la volonté d’indépendance de la Catalogne, il existe d’autres raisons pour lesquelles la Catalogne souhaite se détacher de l’Espagne. Nous avons dit à plusieurs reprises que jamais la Catalogne n’a accepté d’être rattachée à l’Espagne. Cela s’est fait par la force en 1714. En 300 ans d’intégration forcée avec l’Espagne, elle n’a jamais adhéré au régime monarchique qui a toujours prévalu en Espagne, depuis 1714 à nos jours, même si le système monarchique actuel est très nettement amoindri. N’oublions pas que la Catalogne avait mis en place un des premiers parlements de l’histoire au XIIème siècle, ce qui était une énorme avancée de structure politique démocratique, qui fut détruite par le régime monarchique. Au XXIème siècle, les Catalans n’aiment toujours pas le roi d’Espagne, ni Juan Carlos Ier , impliqué dans la corruption, ni son fils Felipe VI, perchés sur leur fortune, insensibles aux besoins sociaux des démunis de la population. Un élément qui démontre aujourd’hui encore l’omniprésence de la structure monarchique centralisatrice est le fait qu’à tous les niveaux, les règlements législatifs s’appellent Real decreto (décret royal) et sont décidés directement par le Gouvernement, qui détient le pouvoir exécutif, sans passer par le Parlement, censé représenter le peuple. Nous y voyons là un lien étroit entre le Gouvernement et la monarchie. Une dernière raison pour laquelle la Catalogne souhaite défaire son lien imposé avec l’Espagne vient du souvenir de la période antérieure à 1714. La Catalogne, alors indépendante, connaissait une expansion commerciale maritime renommée dans le pourtour méditerranéen. Couper le frein à main espagnol, c’est se propulser vers le monde qui l’entoure.
  • 33. 33 C’est là en fait la première raison de la volonté de la Catalogne de recouvrer son indépendance, retrouver son efficacité économique, sabordée d’abord par les rois successifs, puis par le franquisme. Nous avons constaté, lors des interviews et des lectures, que les torts sont partagés. La population se souvient des horreurs du franquisme, mais se rappelle aussi des dérapages importants des Républicains, lorsque leurs clans extrémistes marxistes menaient des actions violentes contre l’Eglise au sens large, mais également de manière arbitraire contre des individus dont il avait été juste entendu vaguement qu’ils soutenaient ou aidaient des personnes impliquées dans le camp opposé. Cela semble amener une partie de la population vivant en Catalogne à ne pas se prononcer de manière unilatérale pour l’indépendance, à développer une tendance à pardonner le passé négatif du franquisme et à se positionner plutôt pour une Espagne unie sans séparatisme. Un élément important à relever dans cette recherche de l’indépendance de la Catalogne est son caractère pacifique. Il est un obstacle pour Madrid qui l’empêche d’utiliser une répression musclée, militaire, policière, comme ce fut le cas pour les mouvements d’opposition basques pour contrer la violence de l’ETA (groupement de libération du Pays basque). Et cet élément est sans conteste un atout pour la Catalogne sur le plan international, car le monde y est sensible, comme on peut le constater avec les expressions de soutien de certains états, dont nous avons parlé, encore récents et timides, mais néanmoins existants. Madrid sait qu’un faux pas de sa part, avec une action trop tranchée, entraînerait l’apparition d’une vague plus importante de soutien international. Ainsi, la Catalogne, autant les citoyens individuellement que collectivement par les associations, mais également le Gouvernement catalan, utilisent des techniques pacifiques d’oppositions déjà utilisées dans l’histoire par Mahatma Gandhi et Martin Luther King, telle que la désobéissance civile, qui correspondent à l’utilisation des citations suivantes : « Quand une loi est injuste, le plus juste est de désobéir », Mahatma Gandhi, « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir. », Thomas Jefferson, « L’acte de désobéissance comme acte de liberté est le commencement de la raison. », Erich Fromm.
  • 34. 34 Bilan personnel Sur le plan personnel, ce travail m’a énormément apporté et j’ai accordé beaucoup de temps à son élaboration. J’ai acquis de nouvelles connaissances sur un sujet qui me tient à cœur, mais qui pourrait être négligé si l’on se fie uniquement à la pointe de l’iceberg sans approfondir ses recherches. Grâce à mon implication et à ma connaissance acquise sur le sujet, j’ai su percevoir l’engagement de chaque personne d’une manière objective tout en les reliant aux événements du passé. De plus, j’ai modifié mon regard sur les Catalans qui ont souffert et qui se battent pour que la justice leur soit rendue. Par ailleurs, j’ai pu constater, grâce aux nouvelles rencontres que j’ai eu l’occasion de faire, la différence entre les actions de l’Espagne et le mouvement pacifique catalan. Je me suis rendu compte de l’ampleur de l’opposition de l’Espagne, car celle-ci cherche à opprimer au lieu d’être à l’écoute. En outre, j’ai observé les différents points de vue à propos de l’indépendance de la Catalogne, selon les origines ou les familles des personnes concernées. J’ai apprécié prendre contact avec des Catalans, afin de connaître leur avis et j’aimerais m’engager davantage, car en étant plus engagée, je pourrais continuer à me forger mon propre avis sur ce sujet. Le questionnaire d’interview s’est adressé à douze personnes, dont huit ont répondu. J’aurais souhaité avoir un plus large éventail d’interviewés, mais cela s’est avéré plus compliqué que je pensais, en raison de la période estivale de vacances et de l’éloignement des personnes ciblées, qui se trouvaient soit en Catalogne, soit dans le reste de l’Espagne. Néanmoins, la profusion d’informations et des différentes positions de la population dans l’actualité des médias sur internet ont relativisé l’importance des interviews, qui n’apportent pas d’éléments déterminants supplémentaires à ma recherche. Finalement, malgré l’aspect douloureux, j’ai eu beaucoup d’intérêt à analyser l’influence que le régime franquiste a eu sur l’état actuel de la Catalogne et notamment sur l’influence de la mentalité des Catalans. J’espère que l’Espagne avancera son processus de modernisation et qu’elle accordera la démocratie que la Catalogne lui demande pacifiquement.
  • 35. 35 Bibliographie : 1. LIVRES BEEVOR Antony, La Guerre d’Espagne, Paris, Le livre de poche, 2016. DANA Jean-Yves, J’ai vécu la guerre d’Espagne : 1936-1939, recueil de témoignages, Paris, Bayard jeunesse, 2006. PEPIN Patrick, Histoires intimes de la Guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des vaincus, Paris, Nouveau monde, 2009. 2. ARTICLE D’UN PERIODIQUE PAPIER AFP, « Bébé volé sous Franco, une Espagnole retrouve sa mère », in La Tribune de Genève, 19 janvier 2013, p.7. ROTTET Pierre, « L’innommable scandale des bébés volés », in La Liberté, 5 août 2011, p.8. 3. INTERVIEWS BALTRONS CARRATALA Enriqueta, Catalane et Suissesse, retraitée, interview du 27 juillet 2017. BALTRONS RUIZ Isabel, Catalane et Suissesse, technicienne en laboratoire, HUG, interview du 31 juillet 2017. BORDALLO DETERMAN Esther, Catalane et Hollandaise, employée commerciale en Catalogne, interview du 31 juillet 2017. CASTILBLANQUE Gloria et Augusti, Catalans, retraités, interview du 31 juillet 2017. FERNANDEZ Emili, retraitée, interview du 31 juillet 2017. PASTOR DURAN Xavier, médecin et professeur de la Faculté de médecine de l’Université de Barcelone, interview du 12 août 2017. RUIZ Felipe, Italien et Suisse, taximan, interview du 31 juillet 2017. VAQUER Erik, Catalan, infirmier en salle d’opération, interview du 9 août 2017. 4. SITES INTERNET Ara.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.ara.cat/politica/LIAH-GREENFELD-Impossible-espanyols- entenguin_0_1725427473.html Arte.tv [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://info.arte.tv/fr/lespagne-face-aux-fantomes-du-franquisme Assemblea.cat [En ligne]. [Consulté le 22 janvier 2017], disponible à l’adresse : https://assemblea.cat/?q=node/11677
  • 36. 36 Catalunya radio [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.ccma.cat/324/estudiar-a-la-universitat-a-catalunya-pot-costar-el-triple-que-en- una-altra-comunitat/noticia/2769647/ Catalunya, un petit gegant, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse : http://dubtessobrelaindependencia.blogspot.com.es/2015/04/catalunya-un-petit-gegant-per- victor.html Cbrava.com [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.cbrava.com/fr/magazine/les-dates-cles-de-lhistoire-de-la-catalogne/ Courrier international [En ligne]. [Consulté le 26 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://blog.courrierinternational.com/auberge-catalane/2016/04/05/1714-17-minutes-et-14- secondes/ Elnacional.cat [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.elnacional.cat/es/politica/eurodiputada-sueca-boicot-espanol-soberanismo- bruselas_132774_102.html Esdiario.com [En ligne]. [Consulté le 25 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.esdiario.com/104537730/El-inquietante-informe-sobre-la-verdad-catalana-que-el- CNI-ha-enviado-a-Rajoy.html Elplural.com [En ligne]. [Consulté le 6 février 2017], disponible à l’adresse : http://www.elplural.com/politica/2017/02/06/puigdemont-acompana-mas-en-su-camino-hacia- el-palacio-de-justicia Hdfutur.cat [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse : http://hdfutur.cat/es/jose-boix-ochoa/ Letemps.ch [En ligne]. [Consulté le 9 août 2017], disponible à l’adresse : https://www.letemps.ch/economie/2017/08/01/entre-madrid-barcelone-drole-guerre- economique Necesito que entiendas, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], vidéo disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=p017QBzYVAA Obres.casa-paisos-catalans.eu [En ligne]. [Consulté le 31 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://obres.casa-paisos-catalans.eu/europe/joan_becat/ref_becat_2014.pdf Oliba.catnord.cat [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://oliba.catnord.cat Paucasals.org [En ligne]. [Consulté le 6 août 2017], disponible à l’adresse : http://www.paucasals.org/fr/-PAU-CASALS-Discours-aux-Nations-Unies/ Pyreneescatalanes.free.fr [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://pyreneescatalanes.free.fr/Thematiques/Familles/ComtesBarcelone.php Stop l’espoli reportage de la fondation Catdem avec interview de plusieurs professeurs d’universités, [En ligne]. [Consulté le 24 juillet 2017], disponible à l’adresse : http://www.elpuntavui.cat/article/3-politica/17-politica/640067-una-professora-acusa-wert-de- vetar-la-per-posicionar-se-a-favor-del-sobiranisme.html
  • 37. 37 Victor Peña responde a Rosa Diez, de PEÑA Victor, [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], vidéo disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=r8tuhJYS_wM VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.vilaweb.cat/noticies/el-tribunal-suprem-espanyol-obre-judici-oral-a-homs-pel-9-n/ VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.vilaweb.cat/noticies/els-ultres-assaltants-del-centre-blanquerna-la-diada-del- 2013-hauran-danar-a-preso/ VilaWeb [En ligne]. [Consulté le 26 janvier 2017], disponible à l’adresse : http://www.vilaweb.cat/noticies/video-el-dia-que-saenz-de-santamaria-va-dir-el-mateix-que- ha-portat-joan-coma-a-laudiencia-espanyola/ Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 15 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_en_Espagne#Langues_ayant_un_statut_officiel_dans_c ertaines_communaut.C3.A9s_autonomes Wikipedia.org [En ligne]. [Consulté le 23 juillet 2017], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliva_de_Besalù 5. EMISSIONS DE RADIO RICHARD Jean-Marc, « L'Eurovision de la chanson comme caisse de résonance politique » [Enregistrement vidéo], Tout un monde, Lausanne, RTS1, 9 mai 2017. 6. FILMS (DVD) CALVO Salvador, Les enfants volés [DVD], Espagne, Mediaset españa et MOD producciones, 2013. HUERGA Manuel, Salvador [DVD], Royaume Uni, Mediapro, 2006. 7. IMAGES, PHOTOGRAPHIES Directe.cat, « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance », Site de Directe.cat, [En ligne], [Consulté le 4.08.2017], disponible à l’adresse : http://www.directe.cat/noticia/273753/arrenquen-el-retol-de-municipi-per-la-independenciade- la-garriga, 2017. Francesc, « Le bras de fer entre Madrid et la Catalogne se poursuit », Site du collectiu Oliba, [En ligne], [Consulté le 23.07.2017], disponible à l’adresse : http://international.reagrupament.cat/wp-content/uploads/2014/11/EspagneCatalogne.jpg. GENNARO Grégory « 1 avril 1939 : Fin de la guerre d’Espagne », patriotismesocial.fr, [En ligne], [Consulté le 26.07.2017], disponible à l’adresse : http://patriotismesocial.fr/1-avril-1939-fin-de-la-guerre-civile-en-espagne/ MARTI Juan, « Panneau de signalisation d’une municipalité catalane pour l’indépendance », Site de Baluarte Digital, [En ligne], [Consulté le 4.08.2017], disponible à l’adresse : http://baluartedigital.opennemas.com/articulo/separatismo/ayuntamiento-manresa-ha-tenido- reponer-diez-veces-letreros-separatistas/20160402151300000872.html MIRALLES H., « Corpus de sang », wikipédia, [En ligne]. [Consulté le 26.07.17], disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Els_Segadors
  • 38. 38 Radio Canada, « La quête d’indépendance des Catalans », Site de Radio Canada, [En ligne], [Consulté le 23.07.2017], disponible à l’adresse : http://img.radio-canada.ca/2012/11/22/635x357/121122_7j2kf_catalogne-en- chiffres_sn635.jpg. SPAGNOLO Tania, « l’Espagne, une démocratie », Photo personnelle. SPAGNOLO Tania, « Manifestation pour le référendum», Photo personnelle. SPAGNOLO Tania, « Volonté d’indépendance », Photo personnelle. 8. NOTES ET SUPPORTS DE COURS LEJEUNE Irène, enseignante au Collège de Genève, cours 2015-2016. 9. CONFERENCE Professeur PAGES I BLANCH Pelai, historien à l’Université de Barcelone, « Catalogne : Histoire, Langue & Culture », conférence donnée le 10 juin 2017 à Lausanne, invité par le Centre Culturel Catalan de Lausanne et Genève.
  • 39. 39 Déclaration d’authenticité PLAGIAIRE  plaЗјєR  n. – plagiere 1584 ; lat. plagiarius « celui qui vole les esclaves d’autrui », du gr. Plagios « oblique, fourbe »  Personne qui pille ou démarque les ouvrages des auteurs. PLAGIER  plaЗјє  v.tr. – 1801; de plagiat 1 Copier (un auteur) en s’attribuant indûment des passages de son œuvre. => imiter, piller. (Petit Robert I - éd. 1996) L'élève Prénom NOM : ........................................................................................................ Groupe : ........................................................................................................ Maître-sse accompagnant-e : ................................................................................. atteste avoir conçu et rédigé personnellement, dans son style propre, le travail de maturité ci-joint; atteste notamment ne pas avoir eu recours au plagiat et avoir systématiquement et clairement mentionné tous les emprunts faits à autrui. Lieu, date et signature : ……………………………………………………………………...
  • 40. 40 Annexes Annexe 1 : Remerciements Nous remercions les personnes qui nous ont aidé, stimulé, motivé dans l’accomplissement de ce travail de maturité et qui ont eu la sensibilité de nous transmettre leur passion pour ce sujet : Augusti et Gloria Castilblanque, Núria Inglin Reche, mes parents et ma grand-mère maternelle, sans oublier mon enseignante d’espagnol au collège de Staël, Madame Irène Lejeune. Ces remerciements s’adressent aussi à ceux pour qui cette histoire tragique a bouleversé le cours de la vie et qui pourtant n’en ont pas perdu le goût, et qui, sans renier leurs engagements, ont su garder une vigueur combattante et leur foi en l’homme. Mais aussi à ceux dont la mémoire douloureuse ou joyeuse nous a aidé à trouver la distance que nous espèrons juste, entre indignation et espoir. Nos remerciements ne peuvent épargner ceux qui, sur le chemin de la mémoire, nous ont offert leur temps. Nous ne pouvons oublier, dans ces remerciements, les personnes qui ont souffert de cette oppression et c’est ce qui nous a interpelé et donné l’idée de construire un travail de maturité autour de cette thématique.
  • 41. 41 Annexe 2 : Questionnaire des interviews L’indépendance de la Catalogne 1. Quel âge avez-vous ? Que edad tiene ? 2. D'où venez-vous ? (origine) De donde es (origen)? 3. Quelle est votre situation professionnelle actuelle ? Cual es su situación profesional actual ? 4. Êtes-vous pour ou contre l'indépendance de la Catalogne ? Et pourquoi Es usted por o contra la independencia de la Cataluña ? Y porque 5. Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent les Catalans à réclamer leur indépendance ? Según usted cuales son las razones que hagan que los Catalanes quieren la independencia ? 6. Vos proches ont-ils souffert de l’oppression de la dictature du franquisme dans le passé ? Sus seres queridos sufriraron de la opresión de la dictatura del franquismo en el pasado ? 7. Ressentez-vous aujourd’hui encore une oppression centriste de Madrid ? Siente usted aun que hay una opresión centralista que viene de Madrid ? 8. Selon vous, quels seraient les avantages et les désavantages vis-à-vis de cette indépendance ? Según usted cuales serían las ventajas y los inconvenientes de esta independencia ? 9. Pourquoi le Gouvernement espagnol refuse-t-il ce référendum ? Porque el gobierno español deniega este referendum ? 10. Le « non » de Rajoy sans justification est-il un reste de franquisme ? El « no » de Rajoy sin justificación es un resto del franquismo ? 11. Quelles seraient les conséquences d'une indépendance catalane ? (économique, politique, sportive, vis-à-vis de l’UE) Cuales serían las consecuencias de la independencia catalana ? (económica, política, deportista en la Unión Europea) 12. Voyez-vous une similitude ou une différence entre l’indépendance catalane et celle de l’Ecosse ? Vea usted una similitud o una diferencia entre la independencia catalana y la de escocia ? 13. Avez-vous une anecdote à propos de la volonté de la Catalogne à devenir indépendant ? Tiene usted un recuerdo que querría compartir a proposito de la voluntad de la Cataluña al devenir independiente ?
  • 42. 42 Réponses des interviews : Réponses de Enriqueta Baltrons Carratala Question 1 : « 87 ans » Question 2 : « Je viens de Barcelone, j’ai vécu 37 ans en Suisse (de 1959 à 1996). » Question 3 : « Je suis à la retraite. » Question 4 : « Peu importe, à cause de la déception » Question 5 : « Je ne sais pas, je suis neutre. (Le souvenir douloureux du passé m’empêche de me positionner.) » Question 6 : « Le frère de mon père fut arrêté pour une confusion de langage. » Question 7 : « Avant oui, maintenant non. » Question 8 : « Je ne sais pas, je ne vois pas l’issue de l’indépendance ; je me rappelle de l’époque de la faim. » Question 9 : « C’est pour ces refus continus que je suis partie en Suisse. » Question 10 : « Je pense que oui, beaucoup de gens ne l’aiment pas. » Question 11 : « Je ne sais pas. » Question 12 : « Je ne sais pas. » Question 13 : « La jeunesse veut l’indépendance, les plus âgés ne s’y engagent pas, dû à leur souffrance. Il faut se rappeler que la Catalogne est plus ancienne que l’Espagne. A l’époque de Franco, tous les livres furent brûlés, les théâtres fermés… Le plus frappant se remarque dans les couples mixtes, une personne castillane et l’autre catalane, c’est toujours la langue castillane qui est imposée en famille et c’est toujours le conjoint castillan qui impose l’autorité. »