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- 1. 30Stratégies N° 1809 09/04/2015
INSPIRATIONS
Tendances
Tout est métaTpublicitéLes films qui montrent les coulisses du cinéma triomphent aux oscars, les séries regorgent
d’autoréférences. La mise en abyme permanente, ou la vague « méta », gagne désormais la publicité.
Delphine Le Goff @DelphineLeGoff1LdOggdLgLL
dans son atelier de
Séville, son vieux
maître Pacheco
lui avait prodigué
ce simple conseil :
« L’image doit sortir du cadre. »
Au crépuscule de sa vie, en 1656,
Diego Velasquez n’avait pas ou-
blié le précepte de son mentor.
Les Ménines happent sans faillir
ceux qui les observent. Qui peint
qui ? Qui regarde quoi ? Sous les
lambris du palais de Philippe IV,
Velasquez se représente face à
la toile, la palette à la main, tan-
dis que les yeux des autres prota-
gonistes – une naine, un chape-
ron, une infante ensevelie sous
le brocart – sont plantés droit de-
vant eux. Sur un miroir, au fond,
on discerne les visages du couple
royal. Images réfléchies et ré-
flexion sur l’art. Vertige.
Nouveau « buzzword ». Si l’on de-
vait aujourd’hui décrire pour la
première fois le chef-d’œuvre du
« peintre des peintres » (actuelle-
ment l’objet d’une rétrospective
au Grand Palais), le qualifierait-
on d’« œuvre méta » ? Pas impos-
sible. « Est méta une œuvre qui a
conscience d’être une œuvre, brise
le quatrième mur, s’adresse au
public », résume Pierre Langlais,
journaliste spécialiste des sé-
ries à Télérama. Le terme, dérivé
du préfixe grec méta (qui signifie
« après », « au-delà de »), est deve-
nu, ces dernières années, un nou-
veau « buzzword ».
La preuve avec Birdman, dernier
oscar du meilleur film, qui narre
les tribulations d’un acteur vieil-
lissant, abonné aux rôles de su-
per-héros, incarné par Michael
Keaton… ex-Batman. « Birdman
constitue la troisième victoire en
quatre ans d’un méta-film, après
The Artist et Argo, qui donnent à
voir les coulisses de l’industrie du
rêve », écrit Troy Campbell, cher-
cheur en sciences sociales à l’uni-
versité de Duke, dans une tribune
du Huffington Post.
Arrêts sur image.Sunset Boule-
vard, La Nuit américaine, Le Mé-
pris, The Player… Le septième
art regorge de références méta.
Le monde des séries a été conta-
miné. « L’âge de pierre du méta ?
Sans doute la sitcom Sauvés par
le gong, dans laquelle le person-
nage Zach effectuait des arrêts
sur image pour analyser la situa-
tion, estime Pierre Langlais. Ce
système narratif devient courant
avec l’expertise des téléspecta-
teurs : Kevin Spacey multiplie les
apartés au public dans House of
Cards. Dans Community, le per-
sonnage d’Abed se réfère ouverte-
ment aux saisons précédentes de
la série… »
« Dézoomer la focale à l’infini,
montrer les coulisses, réchauffe le
discours. A fortiori lorsqu’il s’agit
de publicité », considère Nicolas
Moreau, consultant en stratégies
digitales chez Publicis Consultants
Net Intelligenz, et auteur d’un mé-
moire de fin d’études au Celsa sur
les mèmes (lire encadré). De fait,
©MitchellHaaseth/NBC
Laméta-
publicitéflatte
l’intelligence
dupublic
enadmettant
qu’elle le
manipule.
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Enfocus Software - Intescia Strategies 30.pdf - 1