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Syndicat RÔLE ET
TRAVAILLEURS MIGRANTS
dilemme?
S'ABONNERSE
CONNECTERCRISE
MIGRATOIRE : UN
NOUVEAU ROLE
SYNDICAL ?
PAR NICOLAS GIANNAKOPOULOS
— 21.11.2015
Des vagues migratoires mondiales
L’Europe se réveille en pleine crise migratoire. La publication des images du corps sans
vie d’un petit garçon kurde sur les plages touristiques de Turquie, dont la « photo fait
taire le monde » selon Le Parisien , ont fait la « une » de tous les médias européens et
au-delà. On espérait alors une véritable « prise de conscience » chez les dirigeants
européens. Un « électrochoc » qui n’a pas eu lieu, et n’a pas fait oublier une réalité
internationale qui s’est accélérée depuis plus de 10 ans.
Nous traversons en effet la plus grande crise liée aux mouvements de population
depuis la Seconde guerre mondiale (Source : discours de Dimitris Avramopoulos,
Commissiaire européen à l’Immigration, prononcé le 14 août 2015 et repris par de
nombreux médias dont le Huffington Post). Cette crise concerne l’Europe, bien entendu,
mais aussi des régions du monde comme le Moyen-Orient ou le Proche-Orient, les
Etats-Unis et l’Amérique Latine, l’Asie et le Pacifique. Aucune région, même la Sibérie
orientale n’échappe à ces mouvements de population de masse qui ont deux causes
principales : la guerre et la pauvreté.
La guerre en Syrie est l’un des foyers migratoire les plus importants aujourd’hui. A
cheval entre l’Asie et l’Europe, la Turquie, un pays charnière, compte aujourd’hui plus
de 2 millions de réfugiés, provenant essentiellement de Syrie. Il s’agit de la plus
importante population de réfugiés d’un seul conflit en une génération (Source :
déclaration du 9 juillet 2015 de António Guterres, Haut Commissaire de l’Agence des
Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), cité dans Le Figaro) . Le Liban accueille
également plus d’un million de réfugiés syriens et la Jordanie en accueille plus de 1
millions, après avoir accueilli plusieurs millions de réfugiés Palestiniens il y a des
décennies, sans compter les réfugiés irakiens fuyant la guerre et le chaos armé qui
ravage ce pays.
En Asie, entre 2010 et 2015, l’Union européenne a alloué la somme de Eur 57,3
millions (Source : Union européenne, Direction générale Aide humanitaire (ECHO)).
destinée à la seule région de Rakhine, au Myanmar, afin de venir en aide aux
Rohingyas, une minorité persécutée par les autorités locales et nationales. Ceci alors
que l’ONU estime à quelque 25’000 Rohingyas ayant pris la mer entre janvier et mars
2015 uniquement (Source : UNHCR, cité par Le Monde du 13.05.2015), et que les pays
voisins, dans un geste de mépris et de dédain, détournent les navires de réfugiés vers
d’autres rivages, les condamnant à une mort certaine. Les mouvements migratoires
entre les pays du Sud est asiatique se comptent en dizaines de millions de personnes.
Le nombre de chinois s’installant en Sibérie russe a été multiplié par 10 en 5 ans.
Toutes ces personnes se cherchent une sécurité, du travail et un futur pour eux-mêmes
et leurs familles.
Le sous-continent indien est à la fois source et objectif pour de nombreux migrants qui
s’expatrient vers les pays du Golfe, les Etats-Unis, le Canada et l’Angleterre. L’Inde est
également hôte de mouvements de populations massifs de pays limitrophes en guerre
ou en instabilité (Népal, Bangladesh) mais également internes (exode rural, extrême
pauvreté).
L’Australie, qui est depuis plusieurs années confrontée à une vague de migrants
provenant d’Indonésie, des Philippines ou des pays limitrophes, les renvoient chez qui
veut bien les accepter à coup de millions de dollars. L’ancien Premier Ministre
australien venait même « donner la leçon » à l’Union Européenne en vantant son
modèle qualifié par le Guardian de « cruel ».
Aux Etats-Unis, la campagne présidentielle de 2016 est rythmée par des diatribes
violentes des prétendants contre les « latinos », et les « immigrés mexicains ». En cela,
Donald Trump tient pour l’instant le haut du pavé, rejoint dans ses vociférations
électorales par ses challengers républicains alors qu’ils sont les principaux
responsables des immigrations afghanes et irakiennes dans le monde suite aux
interventions armées dans ces pays.
En Afrique, les différents « printemps arabes » plus ou moins avortés ont fait sauter les
verrous dictatoriaux conduisant à la mer Méditerranée puis à l’Europe. Les boats people
remplissent la mer de morts et les côtes de migrants « zombifiés » par des mois voire
des années de déplacements.
Au-delà des aspects tragiques que ces phénomènes produisent, les médias, les
responsables politiques ou académiques évoquent jusqu’à la nausée un problème
global. Un constat correct, mais incomplet. Incomplet car il néglige des composantes
qui sont la cause de ces mouvements et qui passent sous silence les éléments
principaux qui pourraient permettre un résolution à long terme de ces souffrances
humaines.
Les conséquences de ces flux migratoires ont également un impact important sur
plusieurs plans locaux, d’où la préférence du terme «glocal» au terme « global »,
conjonction des deux échelles spatiales à un moment particulier.
Aux composantes culturelles, religieuses, politiques et économiques, il faut ajouter une
composante criminelles qui est loin d’être cantonnée aux « passeurs » et qui nécessite
une réflexion de fond de la part de chaque citoyen et citoyenne des pays d’accueils,
notamment des pays dit « riches ». Comme souvent, c’est en Europe que ces
problématiques se cristallisent le plus rapidement.
L’Europe est un « bazar »
Lors du Conseil des ministres des Affaires étrangères du samedi 5 septembre 2015,
des voix dénonçant la situation des migrants se sont fait entendre. L’Europe, comme
souvent, s’est montrée divisée et les tensions entre pays de l’Est et de l’Ouest étaient
flagrantes.
Ainsi, le jeune ministre des affaires étrangères autrichien, Sebastian Kurz, n’a pas
hésité à qualifié de « bazar » (Source : RTS.ch, édition en ligne du 5 septembre 2015)
les tergiversions européennes sur le sujet.
En revanche, la Hongrie, quand à elle, a pointé du doigt l’Allemagne, qui poursuit à
présent une stratégie d’ouverture et d’accueil cahin-caha. Son chef de la diplomatie a
ainsi dénoncé « une série de déclarations irresponsables de certains dirigeants
politiques européens ». Pour Peter Szijjrato, la faute en revient « à la politique
migratoire de l’Union européenne » (Source : idem). Le premier ministre hongrois ne
veut pas entendre parle de quotas tant que « le flux n’est pas endigué » (Source : Le
Soir, édition en ligne du 7 septembre 2015).
Prié de dire lors d’une interview si les gardes-frontières auraient le droit de tirer ( !) sur
les migrants lors d’une tentative de passage à la frontière, le premier ministre populiste
a déclaré que « cela ne serait pas nécessaire (Source : Le Figaro, édition en ligne du 7
septembre 2015) » aux vues de la barrière « infranchissable ». Ils seront en revanche «
arrêtés ».
Pour rappel, la Hongrie dresse une clôture de 3,5m de haut le long de ses 175
kilomètres de frontières avec la Serbie et des rajouts sur ses frontières Croates et
Roumaines. Elle demeure toutefois la principale voie terrestre empruntée par les
migrants pour arriver en Europe.
Le 3 septembre 2015, durant une visite officielle en Suisse, la chancelière allemande
Angela Merkel annonçait un accord inédit entre la France et l’Allemagne portant sur des
« quotas contraignants » de réfugiés (Source : Le Monde, édition en ligne du 3
septembre 2015) , une position commune qui sera soumise aux institutions
européennes le 14 septembre 2015.
Sa position s’est nettement infléchie par rapport à une ligne « dure » et conservatrice de
l’Allemagne qui prévalait encore lorsque la Chancelière demeurait embarrassées vis-à-
vis d’une réfugiée palestinienne (Source : Le Point, édition en ligne du 16 juillet 2015),
pleurant sur son sort.
Le 7 septembre 2015, Berlin annonce un plan d’urgence de 6 milliards d’euros, pour
moitié à verser aux Länders, le reste destinés au gouvernement fédéral, afin de palier à
cette vague de migrants massifs. Plusieurs médias, dont La Tribune y voient une
stratégie en plusieurs points : d’abord, on la soupçonne de réagir émotivement à la
situation et de suivre la volonté populaire à un moment où sa position devenait
intenable. Ensuite, il s’agirait d’une manœuvre pour se démarquer des autres dirigeants
européens et ainsi « donner le ton » en Europe. Enfin, la Chancelière souhaiterait
redorer son blason et celui de son pays, très critiqué pour son entêtement au sujet de la
crise grecque. Enfin, les démographes perçoivent une nécessité de l’apport de sang
frais, l’Allemagne étant, comme tous les pays européens, vieillissant.
Berlin a déclaré vouloir accueillir 800’000 migrants en 2015.
Lors de sa traditionnelle conférence de presse, François Hollande a déclaré que «
24’000 migrants » (Source : Les Echos, édition en ligne du 7 septembre 2015)
pouvaient être accueillis sur sol français.
Pour une grande partie de la presse française, y compris de gauche, le président
français « abdique » face à l’Allemagne.
Evidemment, la donne a changé brutalement suite aux attentats qui ont ensanglanté
Paris.
De son côté, David Cameron, à la suite de ses homologues, a infléchi sa position. Le
premier ministre britannique a promis 137 millions d’euros de financement
supplémentaire pour la crise syrienne, élevant le montant total à cette aide à près de
1,4 milliard d’euros (Source : Le Monde, édition en ligne du 3 septembre 2015) (la plus
importante jamais observée au Royaume-Uni) alors que les négociations sur la situation
des migrants à Calais piétine entre la France et la Grande Bretagne.
Sans donner des chiffres vis-à-vis de l’accueil d’un contingent de réfugiés en
Angleterre, un employé de l’UNHCR l’a estimé à « environ 4’000 personnes de plus ».
Cameron souhaiterait que ces personnes proviennent de centres de réfugiés sous
l’égide de l’ONU en Turquie et au Liban, afin de palier « aux risques de la traversée de
la Méditerranée ».
Si la Hongrie a fait les gros titres en ce début du mois de septembre 2015 du fait de sa
gestion pour le moins étrange de l’afflux de migrants provenant principalement de Syrie
(mais aussi d’Afghanistan, du Kosovo et d’Albanie) arrivés sur son sol à travers le « mur
infranchissable » dressé sur sa frontière avec la Serbie, les autres pays de l’Est ne sont
pas en reste : la Pologne déclare ne pas vouloir de quotas de migrants, la Slovaquie
indique qu’elle n’accueillera que des migrants chrétiens (Source:
http://www.euractiv.fr/sections/justice-affaires-interieures/lue-choquee-face-au-souhait-
de-la-slovaquie-de-naccueillir-que) et la Roumanie renforce « préventivement » la
surveillance de sa frontière avec la Serbie pour empêcher le transit de ces migrants
lointains auxquels s’ajoutent des migrants kosovars et albanais fuyant la corruption de
leur pays.
Cette vague migratoire met l’Europe élargie et imparfaitement intégrée devant ses
propres craintes et fait resurgir les spectres de son passé plutôt sombre et sanglant.
Les migrants : un défi pour le modèle de société européen
Qu’ils proviennent du Proche-Orient ou d’Afrique, les migrants actuels, principalement
de confession musulmane, mettent les sociétés européennes au défi. Il ne s’agit pas
d’un défi, mais de multiples défis qui ont en commun la capacité d’adaptation de nos
propres modèles de société. Qu’on le veuille ou non, cette vague migratoire va changer
l’Europe, elle va changer nos sociétés, nos villes et nos villages. Cela a déjà commencé
et cela a des conséquences plus ou moins directes sur nos modèles, sur nos lois, sur
notre vie, notre travail, nos économies, notre sécurité et notre culture. Et visiblement,
cela ne fait que commencer.
L’afflux de migrants dans un territoire donné provoque toujours peur, rejet et parfois
violence. C’est d’autant plus vrai lorsque les valeurs et cultures des migrants sont
éloignées de celles des populations qui les accueillent. Les migrants italiens aux Etats-
Unis ont subit de fortes discriminations, mêmes si ils n’étaient pas très différents des
anglo-saxons au pouvoir. Les migrants irlandais ont subis les mêmes vexations. La
décolonisation a accompagné tant en France qu’en Angleterre des mouvements de
populations ne provoquant que rejet et scepticisme au sein des populations locales.
La stigmatisation actuelle autour de l’islam et du musulman en Europe, alimenté par
des actes terroristes sanglants isolés ou en groupe provoque aujourd’hui un rejet
d’autant plus fort et offre un terreau fertile pour des partis politiques qui captent ce
mécontentement et ces peurs pour les transformer en poids électoral leur permettant de
capter à leur tour le débat politique. Il en va exactement de même aux Etats-Unis,
même s’il ne s’agit pas d’islam, avec les immigrés latinos.
L’expression de ces peurs est toujours la même, reprise en cœur par tous les
mouvements ou partis pour qui ces peurs sont leur fond de commerce électoral :
différence de culture jusqu’à l’opposition, coûts endurés par les locaux, menace sur
l’emploi et menace sur une démocratie accrochée à ses codes historiques. Les
références historiques aussi sont nombreuses, dans un sens comme dans l’autre, mais
elles n’apportent ni explications satisfaisantes, ni solutions.
Le discours extrême fait la part belle au « bon sens » et à la « sagesse populaire ».
L’expression la plus usitée depuis des décennies, entendues tant à droit qu’à gauche,
reprends le thème de l’initiative Schwartzenbach en Suisse soit : « la barque est pleine
». Ce constat sera repris sous diverses formes, tant à droite qu’à gauche. Michel
Rocard, alors Premier Ministre français, déclarait lui même que « l’on ne peut accueillir
toute la misère du monde ».
Aujourd’hui, les droites dures et conservatrices européennes se font entendre haut et
fort. Pour Marine Le Pen, les migrants sont « pour la plupart, des réfugiés économiques
» (Source : interview à BFMTV, mis en ligne le 28 août 2015) et accuse, comme à son
habitude, le « laxisme de l’Europe ». Le premier ministre hongrois Victor Orban les
accuse également, de même que les conservateurs flamands et néerlandais, de tous
les maux de la Terre. Déjà en hausse des sondages depuis l’avènement de la crise
financière, plusieurs de ces populistes sont en tête de liste de leurs partis pour les
prochaines élections. Pour reprendre l’exemple français, un récent sondage indiquait
pour la première fois la victoire de la frontiste face à François Hollande au premier tour
de la présidentielle 2017 (Source : Le Parisien, édition en ligne du 6 septembre 2015,
selon un sondage Ifop pour RTL et Le Figaro) .
Dans le même temps, la réalité est tout autre. Ce qui se passe et que tout un chacun
peut constater par lui même, c’est la simple marche aux aspirations humaines : se créer
un avenir, avoir du travail, pouvoir fonder et/ou nourrir sa famille et vivre en paix.
L’insupportabilité de situations d’extrême dénuement ou d’extrême stigmatisation à
cause de sa couleur de peau, de sa religion ou de son origine va faire balancer une
frange minoritaire d’individus dans la radicalisation, tout comme des mouvements
d’extrême gauche ou de droite feront tomber certains de leurs membres dans le
terrorisme durant les années ‘70 et ’80 en Europe et aux Etats-Unis.
Des mécanismes sociaux profonds sont à l’œuvre au sein des populations migrantes.
Les regroupements culturels et ou nationaux se renforcent encore lorsqu’il y a
stygmatisation. Le rejet des institutions établies va renforcer des normativités parallèles,
dont les grands gagnants seront les réseaux criminels.
Déjà au 19ème siècle, l’immigration italienne puis latino aux Etats-Unis va engendrer ce
qui sera appelé dans les années ’60 la « political machine », à savoir l’organisation du
poids électoral des migrants dans un mécanisme politique qui bénéficiera à ses
organisateurs, dont beaucoup ne sont que des chefs mafieux.
L’une des réponses unanime, voire la seule, de l’Union Européenne sur la question des
migrants est « la lutte contre les passeurs », organisés comme de véritables mafias. Ce
n’est malheureusement qu’un début d’idée, puisque les faits découlants des
immigrations globales successives en Europe ont montré que les organisations
criminelles ethniquement basées profitent des faiblesses des membres de leurs
communautés pour en organiser l’exploitation : travail clandestin et prostitution sont les
deux principales sources de revenu de ces structures qui, un pied dans l’illégalité et un
autre dans la légalités deviennent peu à peu les véritables fossoyeurs du modèle
économique européen basé sur un ensemble de droits et de devoirs de l’individu vis-à-
vis de l’institution.
Pour un migrant, réfugié ou pas, le soucis principal est de subvenir à ses besoins.
Comme tout un chacun d’ailleurs. Ne pouvant trouver un travail légalement, ils se
tournent vers des acteurs peu scrupuleux qui, flairant la bonne affaire, n’hésitent pas à
les exploiter parfois sans vergogne étant donné que privé de droits, ils ne peuvent se
défendre en utilisant les voies légales. De plus, leurs documents sont soit confisqués,
soit inexistants, leurs interactions avec les populations locales sont réduites au
minimum et la langue est souvent un obstacle, autant que la compréhension fort limité
des institutions qui règissent notre vivre ensemble.
Impact des migrants légaux et illégaux sur le marché du travail et l’économie
Ainsi, le véritable danger des migrations provient de l’intégration de ces flux d’individus
dans un marché parfois déjà saturé de l’emploi et de la production. L’absence de droits
de ces travailleurs et travailleuses, couplé à un ensemble régulatoire rigide et des
contrôles assez rares permet à des entreprises de baisser leurs coûts de production en
employant des individus qui ne sont pas payés correctement, ne bénéficient d’aucune
protection sociale et « prennent la place » des locaux qui « jouent selon les règles ». Le
résultat est une destructuration des réglementations en place que ni les locaux, ni les
migrants ne respectent, les premiers parce qu’ils s’alignent sur les prix pratiqués en
général et économisent là où les autre le font, et les seconds parce qu’ils n’ont pas de
droits.
Le niveau d’étude de ce phénomène de fond est affligeant. Pour certains chercheurs,
pour certains migrants, le travail dit « au noir » « agit comme une aide sociale » (Source
: Huffington Post, édition en ligne du 30 juillet 2015) , rapportent plusieurs personnes
ouvrant dans le milieu de l’accueil des migrants.
Des universitaires dénoncent en outre une certaine hypocrisie, affirmant que « parmi les
migrants arrivés dans des embarcations de fortune en Italie, certains finiront par récolter
nos légumes » (Source : Johan Rochel, vice-président du think tank suisse Foraus et
titulaire d’un doctorat portant sur les politiques d’immigrations européennes, dans une
interview du Temps, édition en ligne du 31 juillet 2015. ). Qu’ils se rassurent, c’est déjà
le cas depuis bien longtemps en Espagne et dans le Sud de l’Italie.
Deux économistes (Source : Emmanuelle Auriol, Ecole d’économie de Toulouse, et
Alice Mesnard, City University of London, citées dans Le Monde, édition en ligne du 20
avril 2015) avancent la thèse d’ouvrir les flux en vendant des visas d’entrée, tout en
réprimant sévèrement le travail au noir.
Le « dumping salarial » est également régulièrement évoqué, notamment en Suisse ou
dans certains pays Européens qui ne se sont pas gênés de lui donner une profession
(plombier) et une nationalité (polonaise). Plusieurs cas sont cités, dont en Suisse
(Source : 24 heures, édition en ligne du 24 février 2014). La problématique est souvent
confondue avec l’immigration « contractuelle » (entre pays membres de la zone
Schengen) et/ou l’immigration « choisie » (politique mis en oeuvre par un Etat au niveau
national, ou encore celle directement en lien avec les réfugiés).
Sans même tomber dans des filières mafieuses, les travailleurs qui n’ont pas le droit de
l’être travaillent quand même. Ils sont aidés par leurs familles, par leurs amis, mais ne
paient souvent aucune charge sociale, n’ont aucune protection professionnelle ou
sociale puisqu’ils n’en ont pas le droit. Cela participe également au nivellement par le
bas et à la faillite de nos systèmes puisque de moins en moins de personnes travaillent
selon « les règles », tirant vers le bas des prix dont, d’une manière ou d’une autre, nous
profitons tous à un moment ou un autre.
Les quelques recherches et articles que nous avons pu consulter sur le sujet du travail
des migrants en situations illégales en Europe montrent que le problème lui même est
le produit de deux facteurs: la restriction au marché du travail légal du fait de la
qualification « illégale » de ces migrants et les « avantages des employeurs à utiliser de
la main d’oeuvre non déclarée » (Source: C. Boswell and Th. Straubhaar, « The Illegal
Employement of Foreigners in Europe » in Intereconomics, 2004) . C. Boswell et Th
Straubhaar (cf. ci-dessous), se référant aux chiffres de la Commission Européenne en
2003, indiquent que 70% au moins des personnes entrées illégalement en Europe
étaient employés illégalement aussi. Dans la même veine, H. Hentorf et J. Moebert
(2004) indiquent clairement le model économique des entrepreneurs qui profitent de la
main d’oeuvre illégale en y incluant un model économique du « marché de l’immigration
illégale » (Source: H. Hentorf and J. Moebert, « The Demand for Illegal Immigration and
the Market Outcomes » in Intereconomics, 2004). G. Tapinos indique la même chose,
se référant tant à la situation européenne qu’américaine, historique et présente: c’est
principalement l’employeur qui bénéficie de la situation des travailleurs migrants
illégaux » (Source:
http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th
e_labour_market.html) .
Enfin, selon A. Venturini (Source: A. Venturini, « Do Illegal Migrants Compete with
National Workers ? », in Intereconomics, 2004), il apparaît clair, sur la base des rares
études scientifiques réalisées alors, que le travailleur migrant illégal endommage le
travailleur local par une compétition qui vient de l’organisation du travail et de la
production non-déclarée. En soit, il apparaît que tant le travailleur migrant illégal que le
travailleur local sont victime des irrégularités orchestrées par un système de vases
communicants qui bénéficient au plus rapide et au plus malin. De même il serait vain de
tenter de cherche un coupable en la personne de l’entrepreneur qui cherche à survivre,
même dans l’illégalité lorsque le faire dans la légalité ne devient plus possible.
Des statistiques étonnantes sur le travail au noir, publiées par l’Union Européenne en
2012, montrent que ce phénomène représente bien plus qu’un élément marginal dans
la création de la richesse nationale :
En France, un rapport de la Cour des Comptes un « manque à gagner » des
assurances sociales, du au travail non déclaré, de 20 à 25 milliards d’Euros, avec un
doublement du montant de la fraude en 8 ans.
Selon Georges Tapinos, de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Source:
http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th
e_labour_market.html) , la problématique des migrants ne peut se résumer qu’à un
contrôle physique des flux migratoires où à des conceptions uniquement tournées vers
les réseaux mafieux et l’économie illégale. G. Tapinos remarque à juste titre q’en 1998
déjà, le US Immigration and Naturalization Service avait démantelé une organisation qui
à elle seule avait permi le trafic de plus de 10’000 travailleurs latinos clandestinements
arrivés aux Etats-Unis. La même année, plus de 2 millions de faux papiers avaient étés
saisis dans un atelier à Los Angeles.
On sait que la plupart des migrants paient des sommes bien supérieures à un simple
billet d’avion pour arriver en Europe. Le coût moyen d’une traversée de la Méditerranée
vers la Grèce était estimé à 500 EUR, certains payant évidemment beaucoup plus. Le
transfert de l’Afrique vers l’Europe, notamment Lampedusa, coûterait entre USD 400 et
USD 700 aux migrants africains.
En 2015, on estimait le coût moyen par personne d’un migrant de Mosoul à Paris à
1’600 EUR. On fait rapidement le calcul: 500’000 réfugiés (qui naturellement ne
viennent pas tous de Mosoul mais souvent de beaucoup plus loins) fois 1600 EUR, cela
nous fait un marché de plus de 800 millions d’EUR. De plus, il y a aujourd’hui beaucoup
plus que un demi million de réfugiés d’Asie centrale, du proche Orient, d’Afrique ou
même des Balkans, puisque les réfugiés Kosovars et Albanais représenteraient, selon
les dernières statistiques de l’EU, à plus de 17% du total de la vague migratoire
actuelle.
D’un autre côté, on estime que le « marché du contrôle migratoire » pèse environ 1
milliard d’Euro par an depuis 2014. En effet, les politiques sécuritaires Européennes
aux frontières ont financé largement des sociétés de sécurité de tous ordres jusqu’à des
hauteurs vertigineuses. Même l’ESA (Agence Spatiale Européenne) a tiré son épingle
du jeu. Et cela n’inclus pas les budgets militaires. Selon les données de l’administration
espagnole, le mur de Ceuta aura coûté entre 2005 et 2014 la somme de 25 million
d’Euros et celui de Melilla celle de 47 millions d’Euros. De 2005 à 2015, le mur de
Calais aura coût la bagatelle de 25 millions d’Euros également dont 15 millions pour la
seule année 2015.
Un autre décompte, plus macabre celui ci, recense 30’000 migrants morts depuis 2000,
principalement en Méditerranée entre les côtes Lybiennes et les côtes italiennes de
Lampedusa et de Sicile (Source: http://www.themigrantsfiles.com/).
En additionnant les revenus générés par les « passages », la sécurité des frontières et
leur surveillance et l’impact des économies non-déclarées en % des PIB des pays
respectifs, le « chiffre d’affaire de la migration illégale » se compte en dizaine de
milliards d’Euros chaque année. Il faut toutefois rajouter à cela le coût direct des
migrants illégaux sur les sociétés, en dépenses sociales, mais surtout en coûts induits
sur l’économie, puisque les employeurs qui emploient des migrants illégalement ne
paient ni charges sociales, ni protections diverses, ni assurances, ni caisses de pension
etc. Enfin, ces employeurs tirent vers le bas les prix rabotant inais aussi surement que
les vagues rabotent la grève les emplois qualifiés et non qualifiés des concurrents qui
agissent légalement mais perdent des marchés. En fin de compte, le marché des
migrants, qui est certainement aussi sous-évalué à cause du fameux « chiffre noir »
coûte aux économies plusieurs centaines de milliards d’Euros chaque année,
notamment dans l’espace Européen.
Même si ils sont les boucs émissaires idéaux, ce ne sont pas les migrants qui sont à
l’origine de cette situation: ce sont nous mêmes, autochtones, qui scions la branche sur
laquelle nous sommes confortablement assis car nous voulons toujours plus pour moins
cher, ce qui, et nous mettons une pression professionnelle supplémentaire sur nos
emplois légaux qui doivent être toujours plus performants pour rester compétitifs devant
une concurrence mondiale, acharnée, et pas toujours « réglo ».
Conditions de travail ? Travail des syndicats ?
Puisque le principal effet réel de l’afflux de migrants, économiques ou réfugiés
politiques est, sur notre société, leur intégration imparfaite voire mafieuse dans un
système de production économique, on est en devoir de s’interroger sur les analyses et
solutions éventuellement apportées par ces mêmes organismes qui ont la charge et la
mission, de veiller au développement et au respect des règles, de protéger les
travailleurs et de garantir que les conditions de travail soient les mêmes pour tous,
comme le recommande la Charte des Droits de l’Hommes et les Conventions
Internationales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). En gros, quels sont les
positions des syndicats vis-à-vis de cette crise migratoire ?
Ayant eu la chance d’observer le travail de certains syndicalistes vis-à-vis des
travailleurs exploités par les organisations criminelles italiennes en Lombardie il y a
quelques années, il se trouvait que ces organisations étaient bien les seules qui, parmi
les institutions privées ou publiques, venaient à la rencontre de ces travailleurs pas si
clandestins que cela, exploités par leurs employeurs, généralement des « caporali »
agissant en n-ième sous-contractance, sur des chantiers publics ou privés de toutes
tailles et de tous budgets.
Les réponses sont, c’est peu de le dire, assez inquiétantes. En effet, si bien des
acteurs, politiques, médias, universitaires ou ONG s’expriment et prennent position sur
l’immigration de manière récurrente, les syndicats restent étonnament silencieux sur le
sujet.
Pourquoi cet assourdissant silence sur ce phénomène migratoire massif ? Pourquoi
leurs prises de positions n’interpellent pas les autorités mais se contentent d’appeler à
la mobilisation ? Pourquoi lapident-ils leurs adversaires politiques plutôt que de
proposer des solutions ? Et, surtout, au vu de leurs thèmes de prédilections, pourquoi
ne disent-ils rien sur le thème de la migration et de l’emploi dans leurs pays respectifs ?
Notre analyse se base sur de la documentation en ligne, fournie essentiellement par les
sites internet des syndicats eux-mêmes. Pour chaque organisation, nous avons
recherché les termes « migration », « migrants », « réfugiés » et « asile » dans l’option
recherche du site (si disponible). Un tri a été ensuite fait entre les prises de positions
locales ou nationales et celles en lien avec les problématiques internationales, celles
qui nous intéressent. De manière générale, les nouvelles (news), prises de positions et
communiqués de presse ont été passés en revue pour une période de trois ans en
moyenne (2015-2013, voire 2012 si possible). De même, nous avons essayé d’être
attentifs si le syndicat poursuit une campagne sur le thème des réfugiés ou des
migrants.
Nous relevons que très peu de syndicats nationaux ont pris position de manière forte
sur le sujet des migrants/réfugiés. Pour la plupart des grands syndicats européens
examinés, leurs préoccupations sont principalement liées à des revendications
nationales telles que le droit de grève, la liberté syndicale, le droit des travailleurs, la
question des retraites ou encore celle de cotisations sociales. L’essentiel des sujets
européens ou européanisés, se focalise sur le partenariat économique transatlantique
(TTIP), qui préoccupe de manière importante les syndicats.
Nous noterons toutefois une exception notable, celle de la Confédération Syndicale
Européenne (ETUC) qui publie beaucoup plus que les autres syndicats sur la question
des migrants, mais malheureusement très peu sur les impacts profonds de ces
migrations et encore moins sur des solutions innovantes. Les communiqués semblent
plutôt vouloir essayer de mettre le plus de pression possible sur les Ministres
Européens afin qu’ils adoptent des solutions communes, viables et efficaces, tant dans
la gestion que dans le respect de la dignité humaine.
Outre-atlantique, les prochaines élections américaines justifient un regain d’activités
des syndicats, proches du parti démocrate pour la plupart. L’immigration est traitée
évidemment sous l’angle de considérations régionales (immigrants mexicains et
canadiens).
De manière générale, dans les prises de positions internationales des syndicats
étudiés, lorsqu’il est question des réfugiés, la majorité des publications renvoient à la
situation de la Palestine/Gaza, pour la période étudiée.
En France, la CFDT est un grand syndicat français. La migration n’apparaît pas comme
un enjeu majeur, ni dans ses prises de positions, si dans ses articles. La Confédération
générale du travail (CGT), propose une page dédiée au phénomène de la migration,
dans laquelle s’articulent trois grands dossiers : le droit des migrants, la libre circulation
et le droit d’asile. Ceci dit, concernant la première thématique, le « dossier » n’a pas été
mis à jour depuis 2008. Enfin, Force ouvrière n’a publié quelques articles sur la
thématique ainsi qu’une prise de position, appelant l’Europe a plus de solidarité, en date
du 19 mai 2015.
En Italie, la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL), concentre son activité à
l’international plutôt sur des sujets européens (TTIP, droits des travailleurs, etc). Une
seule prise de position a été faite sur le sujet de la migration entre 2015 et 2014. De son
côté, la Confederazione Italiana Sindacato Lavoratori (CISL), accorde a priori une
grande importance au phénomène migratoire et tout semble indiquer qu’au moins une
personne soit dédiée à l’étude de cette thématique au sein du syndicat. De 2009 à
2014, 22 prises de positions ou évènements on été organisés en lien avec le sujet, mais
un seul en 2014. Enfin, l’Unione italiane del lavoro (UIL), à, durant les deux dernières
années, émis une seule publication concernant la thématique de la migration, en
réaction au référendum du 9 février en Suisse.
La Suisse compte deux grands syndicats, Unia et l’Union syndicale suisse (USS), ainsi
qu’une dizaine mouvements syndicaux sectoriels. Le premier, entre 2010 et 2015, n’a
publié que cinq prises de positions au sujet de la question migratoire, et un seul
(Source: site officiel d’Unia, article intitulé «La Suisse doit accueillir 10% des migrant-e-
s sauvés en Méditerranée», publié le 16.05.2015) concernant directement la thématique
de l’afflux massif de migrants provenant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan et transitant
par la mer Méditerranée. L’USS, de son côté, réagi à deux reprises (Source: site officiel
de l’USS, article intitulé « Tôt ou tard, tous y passeraient ! », paru le 25.09.2014 et «
Halte à une politique migratoire sans humanité », paru le 19 juin 2012), en 2012 et
2014.
En Belgique, la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB), est
plutôt actif dans ses prises de positions et publications (2 à 3 par semaines, ce qui
tranche avec d’autres organisations). Entre 2015 et 2012, une seule prise de position,
faite le 24 avril 2015, concerne directement la problématique des migrants et, plus
précisément dans le cas d’espèce, un appel à la lutte contre les passeurs. La
Confédération des syndicats chrétiens (CSC) mets en ligne uniquement ses plus
récentes prises de positions (articles et communiqués de presses), jusqu’à la date du
25 avril 2015. Sur cette –courte- période, le syndicat n’a pris position qu’une seule fois,
le 3 septembre 2015, suite à la publication dans la presse de clichés du petit Aylan, ce
garçon kurde mort noyé et qui a ému l’Europe entière, et conduit récemment plusieurs
dirigeants européens à infléchir leurs positions en matière d’asile. La Fédération
générale du travail en Belgique (FGTB) est également très actif sur le web, avec
plusieurs publications (news, communiqués de presses, etc) par semaine. Entre 2015
et 2013 toutefois, seules deux mentionnent la problématique des migrants, dont une du
26 août 2015, et l’autre au sujet de la journée internationale des migrants datée du 18
décembre 2013.
Outre Atlantique, aux Etats-Unis, l’American Federation of Labour – Congress of
Industrials Organisations (AFLCIO) – est l’unique membre américain de la CSI. De
source budgétaire, cette association de syndicats américain a été l’un des plus gros
contributeurs financiers pour l’exercice 2013 de la CSI (environ un million et demi
d’euros, sur un total de seize). Sans surprise, le site Internet du syndicat regorge
d’informations, dont un dossier très complet sur l’immigration. Cela dit, ils concernent
bien entendu des problématiques liées à la migration aux Etats-Unis, donc
essentiellement provenant du Mexique, du Canada et de la Corée du Sud.
Au Canada, Congrès du Travail du Canada (CTD) a publié une étude en 2013, où il
ressort que « 75% des emplois créés au Canada entre 2010 et 2011 ont été dotés de
travailleurs migrants internationaux, même si 1,4 millions de résidents canadiens étaient
au chômage ». Il s’agit du seul syndicat faisant un lien entre immigration et chômage à
ce stade. De son côté, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) est également
membre de la CSI. Leurs nouvelles sur le site Internet ne sont visibles que jusqu’en
2013, et aucune publication ne mentionne la problématique des migrants/réfugiés (sauf
du point de vues de l’intégration sur le territoire national). Enfin, la Confédération des
syndicats nationaux (CSN) évoque parfois la problématique de la migration dans un
cadre national, mais de manière marginale sur les trois dernières années. A l’occasion
de la journée internationale des migrants (le 18 décembre), la CSN publie un
communiqué, de manière traditionnelle, entre 2013 et 2011.
A l’autre bout du Monde, l’Australie a aussi été étudiée à cause des prises de positions
de son Premier Ministre M. Abbott et de sa politique migratoire. L’Australian Council of
Trade Unions (ACTU), est l’unique syndicat australien membre de la CSI. L’ACTU
possède une rubrique intitulée « Solidarité internationale », divisée en quatre catégories
: défense des droits humains, aide humanitaire, participation avec des organes
internationaux (CSI et ILO), standards et droits internationaux. La problématique de la
migration ne revêt pourtant qu’une importance mineure et où une seule prise de
position, adressée le 28 octobre 2009 au ministre de l’immigration et de la citoyenneté,
apparaît en ligne. La rubrique « discours et opinion » ne dispense aucune information
concernant les mots-clés « migration », « immigration » ou « réfugié ».
Nous avons élargi notre étude aux syndicats existant dans d’autres grands pays du
Sud, notamment l’Inde et le Népal.
En Inde, le Hind Mazdoor Sabha est une organisation membre de la CSI qui a
récemment pris ses distance et s’est montré très critique vis-à-vis de cette organisation
dont elle est pourtant l’un des plus gros contributeur. Les prises de positions et
communiqués de presse sont tous écrits à la suite et de manière non ordonnée sur leur
site Internet. Certaines de ces informations relaient les positions de la CSI. Aucun
dossier ne fait mention spécifiquement de problématiques au sujet de la migration, mais
vu que le syndicat republie des propos de la CSI et d’autres organisations partenaires,
la thématique y est présente de manière succincte. Le Indian National Trade Union
Congress (INTUC), grand et très influent syndicat indien est plutôt critique envers la
CSI. Plusieurs de ses membres, dont des cadres, ont émis de vives remarques au sujet
de la gestion financière de la CSI. Malheureusement, le site Internet du syndicat est très
peu détaillé en ce qui concerne ses positions et publications concernant les travailleurs
migrants. Enfin, le Self Empoyed Women Association (SEWA), également membre de
la CSI, dont la particularité est de défendre les droits et intérêts de la condition féminine,
a publié plusieurs études ou même livres sur divers sujets. Aucun ne concernent la
question des réfugiés ou de la migration.
Au Népal, la General Federation of Nepalese Trade Unions (GEFONT) est un syndicat
népalais membre de la CSI. Il possède un dossier lié aux travailleurs migrants sur
Internet assez fourni où le moteur de recherche du site recense plus de 115 news liées
au mot-clé « migrants ». Ceci dit, certains mélangent la problématique au niveau local
(immigration) et celle internationale (travailleurs Népalais à l’étranger, notamment dans
les pays du Golfe). Le syndicat à l’air d’être plutôt actif sur la matière, notamment en ce
qui concerne les travailleurs migrants népalais dans les pays du Golfe. De son côté, le
Nepal Trade Union Congress (NTUC), également membre de la CSI, est un des rares
syndicats à avoir publié un document entier sur le thème de la migration et racisme (en
népalais, donc impossible d’en connaître le contenu). Le reste des publications étant en
népalais, il est impossible d’établir une claire statistique. Le plus grand syndicat
népalais (INDECONT) vient de publier un avis très critique concernant le rôle de la CSI
dans le cadre de la gestion du problème des travailleurs migrants.Enfin, le All Nepal
Federation of Trade Unions (ANTUF) est le plus grand des syndicats népalais, membre
de la CSI. Sur leur site Internet, il existe bien un onglet « document » regroupant policy
papers, rapports et conférence de presse, mais ceux-ci sont vides de contenu.
Impossible d’établir une claire statistique.
Face à un telle problématique globale, il est une organisation syndicale incontournable
dont la plupart des syndicats cités ci-dessous sont membres : la CSI (Confédération
Syndicale Internationale) ou ITUC (International Trade Union Confederation). Cette
organisation faîtière, dont le siège est à Bruxelles, représente depuis 2006, date de sa
création, 328 organisations affiliées de 162 pays. Il convient donc de regarder de plus
près leurs positions sur la question de la migration.
Entre 2011 et 2015, notre recherche effectuée avec les mêmes critères que tous les
autres syndicats montrent que pas moins de 58 (Source:: site officiel de la CSI, thème «
migration ». 20 publications concernent le Qatar, 7 les pays du Golfe dans leur
ensemble, 3 la Malaisie et 2 la Corée du Sud) déclarations ou prises de position ont été
effectuées par la CSI concernant la thématique. L’omniprésence de la situation des
travailleurs au Qatar est troublante étant donné le rôle, la mission et les membres de la
CSI, surtout dans la situation actuelle. A tel point que l’émirat semble être pris pour cible
par l’organisation. Pas moins de vingt publications ciblent la pétromonarchie et au
moins quatre autres le mentionnent expressément. A titre de comparaison, le petit Etat
voisin, les Emirats Arabes Unis, ne font l’objet que d’un seul article. Les « pays du Golfe
», sous cette appellation, n’appariassent que quatre fois également. Le Qatar
représente donc à lui seul plus de 40% des publications de l’ONG sur une période de
six années, sans compter une campagne de la CSI à son encontre. Dans une récente
étude de ce syndicat (Source: étude de la CSI intitulée « Les pires pays du monde pour
les travailleurs et les travailleuses », publiée le 10 juin 2015, en ligne), le Qatar est
considéré comme un des « pires pays concernant le droit des travailleurs », obtenant la
note de 5 (sur 5). Les sujets comme l’esclavage occupent également la CSI qui leur
consacrent 36 notifications (travail des enfants/travail forcé) dont 3 seulement concerne
l’émirat du Golfe et 5 l’ensemble des pays du Golfe (Emirats Arabes Unis et Arabie
Saoudite) depuis l’année 2011.
La dernière publication de la CSI en date du 7 Septembre 2015 porte sur le soutien à la
prise de position du HCR en faisant remarquer à juste titre (enfin) que certains pays
riches, comme les pays du Golfe, devraient accepter plus de migrants.
La CSI, tout comme la Confédération Européenne des Syndicats (CES), en tant que
représentants internationaux des différents syndicats nationaux sont actifs dans le
domaine des droits des travailleurs, tentant et rappelant à l’envi, à grand renfort de
sondages et de classements, les pays qui ne respectent pas les conventions de l’ONU
par rapport aux droits des travailleurs et en particulier la liberté de se réunir et de se
syndiquer. Même si la CSI semble monomaniaque du Qatar, elle se borne comme
l’ensemble des autres institutions, y compris l’Organisation Internationale du Travail
(OIT), à répéter le leitmotiv onusien, à savoir que « les travailleurs migrants doivent
avoir les mêmes droits que les travailleurs nationaux »
(Source:http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_I
LO_CODE:C143) . Durant la 104ème Conférence Internationale sur le Travail qui s’est
tenue à Genève du 1 au 13 Juin 2015, le Président de l’OIT, Guy Ryder déclarait que «
il n’y a pas de solutions simples » (Source: http://www.ilo.org/global/about-the-
ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–en/index.htm) au problème. Merci Monsieur
Ryder pour cette pertinente remarque. Nous notons que M. Ryder était Secrétaire
Général de la CSI avant Mme Burrows et que les « hauts niveaux de débats » de cette
104ème conférence ont étés « historisés » sur le site de l’OIT en une suite pathétique
de tweets hashtagués à outrance (Source: http://www.ilo.org/global/about-the-
ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–en/index.htm) . Les concepts de « fair
migration » ou de « decent work ». Ces débats parfois pratiques et souvent conceptuels
sont conclus par le Directeur Général Ryder qui indique que « Les mesures ponctuelles
pour stopper le flot de migrants ne font qu’effleurer le problème. Nous devons analyser
plus attentivement les causes profondes qui contraignent des personnes à mettre leur
vie en danger pour trouver du travail et la sécurité dans des pays étrangers ».
L’OIT indique toutefois que « l’élaboration de réponses efficaces exige l’engagement et
la participation des chefs d’entreprise et des dirigeants syndicaux ainsi que d’autres
parties prenantes à l’élaboration de réponses nationales propres à stimuler la
croissance et à créer des emplois, tout en préservant la protection sociale et du travail.
Ce processus nécessite également un dialogue équilibré sur la façon de faire en sorte
que les systèmes de migration puissent être justes et respectueux des droits de la
personne humaine, ce qui ne peut se faire qu’en coopération avec les régions
concernées ». C’est une des rares fois où nous verrons clairement mentionné le rôle
des syndicats dans l’équation qui pourrait apporter une solution aux problèmes
migratoires.
Des solutions ?
Certes le problème est complexe, mais cela ne veut pas dire qu’il soit compliqué. Entre
« l’immigration choisie », la « fermeture des frontières », la construction de murs et de
barrières de tous ordres (physiques autant qu’administratives), l’aide au développement
des pays d’origine des migrants et les « nécessaires besoins de l’économie », tout le
monde, politiques, économistes, sociologues ou médias y va de son couplet.
Malheureusement, l’immigration n’est pas un robinet qu’on ouvre ou que l’on ferme à
loisir. Il ne s’agit pas d’un courant d’air ni d’une rivière faite d’eau. Il s’agit d’êtres
humains.
Les chiffres de l’immigration et de l’asile publiés par l’Union Européenne ne sont pas
des plus clairs ni des plus faciles d’accès. D’une part parce que la statistique est un
processus de récolte de données qui prends du temps et qui ne peux s’adapter à
l’accélération massive d’une situation (dans ce cas l’afflux de migrants/réfugiés) et
d’autre part parce que la législation européenne n’est pas véritablement uniforme, ce
qui implique des reclassifications entre différentes catégories de personnes (et elles
sont nombreuses), entre « migrants », « réfugiés », « demandes d’asile » et toutes les
subtilités à l’intérieur de ces quelques sous-catégories.
Nous conseillons toutefois de visiter la page de l’Eurostat
(Source:http://ec.europa.eu/eurostat/web/asylum-and-managed-migration/statistics-
illustrated) consacrée à ce sujet qui propose également des cartes dynamiques
temporelles permettant d’appréhender l’évolution du phénomène de 2008 à 2014.
Le choix de l’immigration est un mensonge éhonté puisqu’aucun des Etats du « premier
monde » n’est capable de choisir les migrants qui arrivent sur leurs sols. L’immigration
« choisie » n’a comme résultat que deux effets pervers : créer une classe de migrants
sans aucuns droits ni existence légale et, par le non respect (parce qu’inapplicables)
des décisions de justices de renvoi, fragilise ce qui fait ce pourquoi ces migrants se
précipitent chez nous pour y trouver un avenir meilleur : l’Etat de Droit.
Le Droit est un outil qui vise les individus. Ainsi, le phénomène de masse de la
migration est traité de manière individuelle. En effet, les procédures d’asile,
principalement, sont des procédures qui individualisent les problèmes, les raisons, au
niveau de la personne et le cas échéant de sa famille. Il est bien clair que devant une
massification de l’immigration, les procédures individuelles soient complétement
dépassées comme une digue l’est lors d’une crue.
Construire des murs peut bien faire marcher l’industrie du barbelé et de la construction,
mais aucun mur, aussi haut soit-il, n’arrête ces mouvements désespérés en quête
d’avenir. Les deux barrières fortifiées des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au
Maroc, pourtant haute de 6 mètres, tuent plus qu’elles n’arrêtent. La Grèce a édifiée un
mur de barbelés sur sa frontière orientale avec la Thrace et la Hongrie fait de même
aujourd’hui sur sa frontière avec la Serbie. Les portions de barricades entre les Etats-
Unis et le Mexique n’arrêtent pas les migrants non plus. Même la mer Méditerranée ou
les traîtres isthmes indonésiens n’arrêtent pas les migrants dans la route vers
l’Australie.
Les barrières administratives sont également grotesques. Comme le faisait relever un
correspondant de la Radio Télévision Suisse (RTS) au journal télévisé de 19 :30 le 10
septembre 2015, le flot de migrants syriens s’échouant sur la frontière hongroise en
Serbie ressemblait à un « cirque tragique ». En effet, étant des réfugiés de guerre, ces
migrants ont légalement droit à un statut et une entrée sur le territoire européen, qui au
lieu de s’organiser le plus en amont possible pose au contraire toutes sortes de
barrières physiques aux migrants pour ne pas avoir à subir les retours et éventuels
renvois dus aux accords de Schengen et de Dublin.
Dans la dernière modification du 11 septembre 2014 du Pacte Européen sur
l’Immigration et l’Asile du 24 Septembre 2008 , l’Union Européenne se félicite de
l’adoption du régime d’asile commun (RAEC), du renforcement de la gouvernance du
système Schengen et du système européen de surveillance des frontières (Eurosur)
ainsi que des nouvelles tâches et ressources confiées à l’agence Frontex. L’ensemble
du document pointe spécifiquement l’immigration choisie d’une part et la lutte contre les
trafics d’autre part, qu’ils relèvent de l’exploitation forcée des migrants aux réseaux de
passeurs.
L’aide au développement quand à elle n’a visiblement pas répondu aux attentes qu’on
lui prêtait. Des milliers d’ouvrages, de rapports, de commentaires, de reportages,
positifs ou négatifs, ont étés consacrés à ce vaste thème. Rappelons que c’est en 2000
que l’ONU a, dans le cadre des « Objectifs du millénaire » (Source:
http://www.un.org./fr/millenniumgoals/index.shtml), précisé le sens et les objectifs de
l’aide publique au développement dont le principal était de réduire la pauvreté dans le
monde de moitié entre 2000 et 2015. Selon le rapport 2015 de l’OMD (Source:
http://www.un.org./fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf), la plupart des
objectifs sont en passe d’être réalisés. Le risque majeur pointé par ledit rapport (p.8)
mentionne entre autre les conflits qui sont aujourd’hui la cause principale de la vague
de migrants en Europe et dans le Moyen-Orient. Mais c’est également la pauvreté
relative qui pousse des millions d’Africains vers l’Europe et des millions de latino-
américains vers les Etats Unis, des millions d’Asiatiques vers l’Australie, les Etats-Unis
et le Canada et des millions de personne du sous-continent indien dans les pays du
Golfe, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Dans le même temps, la
pression sur les prix des matières premières, du pétrole et des produits agricoles,
accompagnés par une pollution galopante dans les grandes agglomérations urbaines
des pays en développement où s’entassent toujours plus de personnes font que les
systèmes de répartition ne fonctionnent plus et que les prévisions de rentabilité des
investissements dans les industries lourdes a chuté. Le manque d’infrastructures, de
coopération et d’indépendance des acteurs locaux fait que les industries
manufacturières locales ne se développent quasiment pas.
L’aide au développement est même tenu en échec au cœur même de l’Europe ou après
plusieurs décennies, les niveaux de vies ne sont même pas rejoints entre les pays de
l’Ouest Européen et ceux de l’Est Européen alors que la crise financière fait des
ravages sur l’emploi et l’investissement dans tout le continent. Malgré les 135 milliards
de USD d’aide publique au développement injectée en 2014, les résultats sont minés
par les conflits et les mouvements massifs de population. Il faut ajouter à cela les
montants considérables de l’aide privée effectuée notamment par des fondations
privées américaines (dont la Fondation Bill et Melinda Gates) qui soutenait 2’647 projets
en 2014 (Source:http://www.gatesfoundation.org/How-We-Work/Resources/Grantee-
and-Partner-Survey-Report).
Pourtant, comme le relèvent C. Boswell et Th. Staubhaar (op.cit), des solutions existent,
qui ont été déjà testées et dont l’efficacité est vérifiée par l’expérience. Il s’agit de
« mesures qui sont fortement susceptibles de réduire l’emploi illégal et dans un certain
sens, de minimiser les impacts négatifs sur les affaires, les libertés civiles et les droits
de migrants ». Ces mesures vont toutes vers une intégration progressive: (1)
l’expansion des programmes légaux d’immigration, ce qui signifie d’une certaine
manière assouplir les critères de légalité pour avoir plus de migrants légaux et moins
d’illégaux, (2) la régularisation qui met une pression sur les calculs des employeurs
sachant que la situation d’illégalité risque de ne durer qu’un temps, et pour les
employés créent un appel d’air et une motivation supplémentaire. Les auteurs relèvent
toutefois que les programmes de régularisation temporaires (sur des durées limitées)
comme il y a pu en avoir en Italie, en France, aux Etats Unis ou en Belgique, font que
beaucoup de travailleurs passent de l’illégalité à la légalité, puis retombent dans
l’illégalité. Les auteurs mentionnent également (3) un contrôle des entrées permettent
de « légaliser » d’une certaine mesure les entrées, mais aussi les sorties. Toutefois,
l’augmentation des critères de visas et le resserrement des contrôles douaniers à
permis aux réseaux de passeurs, qu’ils soient partie de réseaux criminels ou non, de
fleurir et de se développer. Toutefois, la plupart des migrants arrivaient à l’époque avec
des visas touriste et restaient ensuite illégalement dans les pays d’accueil en vue d’une
éventuelle régularisation. Les auteurs notent également que (4) les sanctions contre les
employeurs peuvent être efficaces et dissuasives. Toutefois, la plupart des pays
d’accueil des migrants ne mettent pas en oeuvre ces mesures légales de contrôle du
travail clandestin pour plusieurs raisons: manque de moyens, peines trop faibles,
craintes politiques, volonté de préserver le tissu économique national ou local etc. Ces
mesures restent donc très épisodiques, mais c’est justement cette inaction « complice »
qui fait que l’emploi « au noir » est toujours aussi recherché par les employeurs.
Beaucoup moins par les employés. En plus des sanctions, il serait aussi possible (5) de
mettre en place des avantages pour les entreprises qui emploient des travailleurs
légaux. Ces avantages sont difficiles à mettre en place sans contrôles mais des
initiatives locales ont montré, notamment dans le contrôle des appels d’offre publics et
de la sous-contractance, qu’il était possible d’avantager légalement des entreprises qui,
soit dit en passant, sont toutes sensées travailler légalement jusqu’à preuve du
contraire. Il faut toutefois que les donneurs d’ordres puissent se donner les moyens
d’agir en cas de contravention aux accords établis et ce de manière simple, rapide et
directe. Toutefois, cela se fait généralement au détriment direct des travailleurs
migrants illégaux qui du coup se retrouvent non seulement sans travail, mais également
stigmatisés pour avoir « volé le travail des indigènes ».
Les auteurs remarquent que cette relative « tolérance » des Etats au travail illégal,
travail au noir, esclavage moderne ou quelque soit le terme que l’on emploie pour le
décrire, lequel bénéficiait également à l’économie en général, est en passe d’être
terminée à cause de la crise migratoire que vivent les pays de l’OCDE, notamment
l’Europe et les Etats Unis depuis quelques années déjà.
Travail, famille et démocratie ?
Les problématiques et stigmatisations dont sont victime les migrants de tous ordres
sont multiples et parfois entremêlées. Comme nous l’avons relevé plus haut, elles font
le lit fertile de discours xénophobes qui attisent les peurs et les craintes les plus
apocalyptiques des locaux qui eux, par leur statut de citoyen, votent.
L’un des premier soucis de tout élu dans les grandes agglomérations européennes,
depuis de nombreuses années, est d’avoir à gérer des populations dont une grande
partie n’a pas son mot à dire sur ladite gestion au travers des voies démocratiques de
représentations et d’élections. Les migrants ne votent pas et à plus forte raison, ne
peuvent pas être élus. D’un point de vue systémique, il est extrêmement difficile de
gérer efficacement une population pour répondre à ses aspirations si l’on n’a pas de «
retour » d’une partie significative de cette même population. D’un autre côté, les
possibles effets extrêmes de la participation des migrants à l’exercice démocratique est
l’un des épouvantail régulièrement agité par des responsables politiques qui en profite
pour faire le plein de voix.
Afin de contourner cette situation « aveugle », plusieurs municipalités on depuis des
décennies tenté d’établir des canaux de retour d’information parallèles au niveau local
(municipalités, quartiers) au travers d’associations d’habitants diverses. Les exercices
de ce qui, en France, est communément appelé la « démocratie participative » provient
en fait de certains quartiers défavorisés des grandes villes américaines ou de tels
conseils de quartiers ont étés mis en place par les municipalités dans les années ’70
déjà, surfant sur la vague hippie, contestataire et les effets de la guerre du Vietnam.
Certaines de ces expériences ont étés couronnées de succès qui se constate encore
aujourd’hui, beaucoup par contre on étés des échecs pour différentes raisons. Nous ne
referons pas le débat concernant ces expériences sociales mais nous pouvons
renvoyer à une littérature abondante qui se trouve facilement sur internet.
La participation citoyenne des migrants est pourtant un aboutissement logique de nos
pays. En Suisse, dans certaines communes, les citoyens qui y habitent depuis 8 ans ou
plus on le droit de vote et, dans quelques unes, le droit d’éligibilité. Mais uniquement au
niveau local. Il ne s’agit pas seulement de faire « remonter des expériences » ou de
donner à une partie de la population habitante la possibilité de proposer des solutions
concrètes et locales pour le « vivre ensemble », il s’agit également d’un aboutissement
sur le plan de l’intégration et de ses responsabilités envers une société qui accueille. Il
ne faut pas oublier que la plupart du temps, les migrants viennent dans nos pays parce
qu’ils jouissent d’une cadre structurant, un Etat de Droit, qui garanti une certaine paix
sociale et physique ainsi qu’un certain niveau de vie appréciable. Mais cela ne s’est pas
fait tout seul. Cela comporte également des devoirs envers ladite société. Il est vrai que
lorsqu’on a vécu 20 ou 40 ans sous un régime totalement et visiblement corrompu,
désorganisé, dictatorial ou inexistant, les structures européennes, pour ne prendre
qu’elles, peuvent paraître étranges. Mais elles sont surtout idéalisées.
Si l’on considère l’histoire humaine depuis l’Antiquité, il n’est pas un endroit sur notre
planète qui n’ait autant souffert de la guerre, de la famine et des maladies que l’Europe.
Depuis l’Empire Romain, les périodes de paix se sont rarement étalées sur une
génération entière et les mouvements de populations ont étés nombreux et constants.
Est-ce à dire que c’est le produit d’une souffrance millénaire, culminant avec la
sauvagerie industrialisée de la deuxième Guerre mondiale qui a fait que, infiniment las,
le dégoût absolu de la violence ait accouché à des systèmes où l’on se parle plutôt que
de se tuer, cela n’est pas impossible et l’évolution est loin d’être terminée. Beaucoup
d’autres endroits dans le monde on soufferts de violents séismes de nature humaine : la
Révolution de 1917 en Russie, la violence systématisée et désincarnée de régimes
autoritaires, la Révolution culturelle en Chine, etc….on multiplierait les exemples à
l’infini. Nous ne devons jamais oublier les milliards de cadavres sur lesquels certains
dirigeants assoient une soi-disant « supériorité culturelle » européenne.
Tout comme l’idée de base de la mondialisation, tentant de faire disparaître l’intérêt des
guerres par l’accroissement de l’interdépendance économique, l’intégration réussie de
populations migrantes tient principalement au travail de ces derniers. Or, ce dernier est
aussi l’une des craintes mises en avant tant par les discours xénophobes, dans les
peurs réelles ou ressenties qu’ils engendrent et dans le comportement de certains
migrants aussi.
Les pays qui accueillent le plus de populations migrantes, dans et hors de l’UE sont
ceux qui le font principalement pour des raisons économiques, notamment du besoin de
main d’œuvre. Mais il y a également plusieurs autres raisons : repeuplement, ouverture
sur le monde, capacités d’influences et conquêtes de marchés existants ou futurs ainsi
qu’une chose fondamentale dans la bataille économique internationale : la culture.
Cette culture faite de références historiques, d’une langue, d’habitudes de vie et de
consommation est l’arme préférée des sociétés américaines depuis les années ’50, tout
comme l’était la culture anglaise et celles française et italienne auparavant. La culture
est l’arme économique par excellence qui engendre des codes communs et facilite la
compréhension mutuelle et par là la conclusion de contrats et l’ouverture de marchés
aux dépends de concurrents moins structurés.
Le travail est donc l’outil par excellence au travers duquel ces cultures se mélangent et
s’apprennent tout en s’influençant mutuellement. Les migrants travaillent, légalement ou
illégalement. Il travaillent et apprennent. Mais en Europe, c’est à nous de comprendre
ce qu’ils apprennent réellement de nous et ce que nous apprenons réellement d’eux.
Certaines choses sont irréconciliables mais peuvent cohabiter, comme la religion,
d’autres sont largement convergentes, notamment le travail.
Ceci est vrai pour les migrants en direction des pays dits « développés », soit ceux de
la zone OCDE. Mais cette constatation est également vraie pour les migrations entres
pays en développement: migrations internes à l’Afrique, au sous-continent indien, à
l’Amérique Latin ou à l’Asie Centrale. En effet, nombreux sont les travailleurs migrants
dans les zones d’exploitation agricoles ou minières en Afrique. Les travaux de
construction des infrastructures de la Coupe du Monde de football au Brésil ainsi que
les prochains Jeux Olympiques ont drainé d’énormes populations d’autres pays
d’Amérique Latine afin de répondre à la demande de main d’oeuvre sur les chantiers.
La migration est parfois aussi interne comme en Chine (de la campagne vers les villes)
ou en Russie (migrations vers l’Est). L’histoire nous montre également que les Etats
Unis ou le Canada ont vécu des flux migratoires à la fois internes et externes très
importants dans leurs histoires respectives et ont façonné la population du pays
aujourd’hui, tant dans sa composition culturel et ethnique que dans sa répartition
géographique.
Une des questions les plus souvent débattues depuis que le statu officiel ou non de
travailleur migrant existe concerne la question du regroupement familial. La Convention
no143 de l’OIT (Source: http://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by-
international-labour-standards/migrant-workers/lang–fr/index.htm) sur les travailleurs
migrants de 1975 (dispositions revisitées de la Convention de base de 1949) prévois
que les Etats qui accueillent des travailleurs migrants facilitent le regroupement familial
de ces travailleurs. Ladite Convention se base notamment sur la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme qui garanti l’égalité de traitement et de chances de
toute personne où qu’elle soit.
Force est de constater que les disparités d’applications de ce regroupement familial
entre les Etats, même Européens de l’Ouest, sont criantes. Même la Suisse a
longtemps été pointée du doigt pour son système de saisonnier par des pays comme la
France alors qu’aujourd’hui c’est la politique de regroupement familiale française qui est
directement remise en question. Le regroupement familial est un vrai objectif, mais il
doit être laissé à l’appréciation de chacun. D’un autre côté, certaines économies ne
peuvent réaliser l’ensemble des conditions de regroupement familial pour tous les
travailleurs migrants pour des questions de coûts et d’infrastructure. C’est un équilibre
éminemment politique entre les besoins de l’économie et ce que la population et cette
même économie peu supporter en terme de charges (financières, infrastructures,
culturelles etc.). Pour reprendre avec l’exemple Suisse, le regroupement familial à eu
un effet très bénéfique tant pour la Suisse que pour les pays d’origine des migrants.
Mais ces effet bénéfiques ont eu des coûts importants qui ne sont rentabilisés que sur
des termes longs, l’espace d’une génération en tout cas (25-30 ans), coûts qui ne sont
supportés qu’indirectement par le pays d’origine (perte de main d’oeuvre) et
entièrement par le pays d’accueil alors que les bénéfices sont partagés de manière
différentes et parfois même inverses. Toutefois, le regroupement familial s’accélère
lorsque les conditions de travail sont mauvaises dans l’une ou l’autre configuration.
Dans tous les cas, le regroupement familial agit comme accélérateur du mouvement
migratoire lui-même en le démultipliant par le nombre de membres de la famille et agit
également comme un démultiplicateur de problèmes lorsque les conditions d’accueil ou
de départ sont mauvaises car cela pousse l’ensemble d’une famille à aller chercher plus
loin des conditions de travail meilleures.
Réinventer le rôle historique des syndicats dans un monde globalisé
Lors de la révolution industrielle, notamment en Europe et plus particulièrement en
Angleterre, en France et en Allemagne, les syndicats ont étés, avec la guerre
(notamment la Première Guerre Mondiale) les principaux catalyseurs d’un changement
de paradigme dans le monde, cassant définitivement les grandes monarchies
absolutistes des siècles précédents et remplaçant au coeur des débats, depuis les
années 1900 jusqu’aux années 1950 les droits des travailleurs et leur qualité de vie.
C’est une combinaison de micro-luttes et de macro-effets politiques, géostratégiques,
économiques et sociaux qui ont, sans schémas préalables, conduits à la situation dont
bénéficient aujourd’hui les travailleurs d’Europe occidentale et, dans une certaine
mesure, du continent nord-américain. Mais une fossilisation des structures et une
calcification du débat met aujourd’hui, devant les enjeux d’un monde globalisé, ces
acquis sociaux en danger.
Disons le clairement: s’enfermer dans une forteresse, toute barbelée qu’elle soit, afin de
conserver des avantages – certains diront des privilèges – est une stratégie vouée à un
échec certain à plus ou moins long terme. Seule une stratégie d’intégration ne peut être
acceptable, à moins que nous ayons tous envie de retomber dans une sorte de Moyen
Age post-industriel fait de privilèges et de passes droits divers, bâtis sur une corruption
généralisée.
L’intégration signifie de se remettre en question, de chercher à assimiler sans se faire
phagocyter et cela est valable pour tous: migrants et locaux, où qu’ils soient dans le
monde.
Le travail pour les Droits réalisés par les syndicats aux niveaux sectoriels, puis
nationaux et enfin internationaux ne peut pas prétendre réussir sa mission globale sans
se transformer radicalement et rapidement. En effet, bon nombre de structures
syndicales historiques et européennes se sont constitués des réseaux d’appuis
économiques et politiques, renforcés après la chute de l’Union Soviétique qui par son
financement généreux mais conditionné aux objectifs politiques dudit pays faisait couler
des rivières d’argent dans les mains de responsables parfois peu scrupuleux ou parfois
exaltés.
Des rentes de situations se sont mises en place, des relais au sein des organisations
internationales se sont transformées en agences de placements pour syndicalistes à la
retraite et dans le même temps, les organisations syndicales perdent des membres et
ne représentent plus les mêmes forces politiques et sociales lesquelles avance la
plupart du temps en ordres dispersés. Devant la globalisation, les syndicats, organisés
en structures sectorielles et nationales soit se referment sur leurs prés-carrés, soit tente
de jouer la carte internationale à la manière d’ONGs de style Amnesty International ou
Human Rights Watch.
D’un autre côté, l’interdépendance économique entre Etats de culture et d’histoires
différentes rend les syndicats prisonniers de leurs carcans sectoriels et/ou nationaux,
comme le montre les protestations contre les traités d’accord de libre échange avec les
Etats Unis (TTIP) ou encore les luttes syndicales contre les délocalisations d’usines ou
de segments professionnels entiers. Il est donc clair que si bataille il y a pour les
conditions de travail, elle doit s’effectuer soit très localement, soit internationalement,
idéalement aux deux niveaux en même temps.
En 2005, un travail de recherche des syndicats italiens lombards (Source:L.Lusenti &
P.Pinardi, « Vite da Cantiere ; Nuovi schiavi e caporali a Milano e in Lombardia nel
millennio della globalizzazione », ComEdit, Milano, 2005) sur le travail au noir
d’immigrés (principalement d’Europe de l’Est) sur les chantiers de Milan et des
agglomérations de Lombardie mettait en lumière les structures simples et efficaces
d’exploitation d’une main d’œuvre qualifiée pourtant privée de droit parce qu’illégale, les
intérêt des donneurs d’ordres des chantiers et les intermédiaires mafieux ou
simplement criminels qui arrangeaient le passage des uns vers les autres en tirant les
prix vers le bas tout en conservant des marges plus qu’honorables sur le dos des
travailleurs en bout de chaîne.
Dans son rapport de 2013, la CNCPT (commissions paritaires italiennes entre les
syndicats et les pouvoirs publics) recensait en 2013 le chiffre de 52’046 accidents de
travail en Italie, en diminution de 46% depuis 2008 et un nombre d’incidents mortels
passant de 218 en 2008 à 137 en 2012. Concernant la construction de l’Expo 2015 à
Milan qui se tient actuellement, un rapport secret de l’INAIL relevait que « si l’Expo
s’était construite selon les règles de sécurité en vigueur dans les autres chantiers
italiens, il y aurait eu au moins « 18 milles accidents dont 40 mortels et 1’700 ayant des
conséquences permanentes sur les ouvriers » (Source:
http://www.ilgiorno.it/milano/infortuni-cantieri-expo-1.899823) . Grace aux contrôles
permanents des chantiers et aux méthodologies mises en place par les partenaires
sociaux et les pouvoirs publics afin d’éviter les entreprises sous-contractantes
fantômes, objet préféré des « caporali » mafieux pour exploiter sans conséquences la
main d’œuvre immigrée, aucun mort n’a été a déplorer sur le chantier de l’Expo. Nous
relevons toutefois qu’un jeune ouvrier d’origine albanaise, Klodian Elezi, 21 ans, mort
sur le chantier du périphérique de Milan juste à côté du chantier de l’Expo. Cet effort a
été mis après plusieurs années de négociations entre partenaires sociaux pour ne pas
répéter les erreurs qui avaient étés commises sur les chantiers précédents : les
Olympiades de Turin en 2006, le Mondial de football de 1990 et la construction de la
Fiera di Milano, à l’époque le plus grand chantier public d’Europe. Ce n’est qu’après
plus de 20 ans d’expériences accumulées que syndicats, entreprises et pouvoirs
publics se sont assis autour d’une table afin de fixer des règles communes
contraignantes limitant voir interdisant l’accès aux chantiers des entreprises qui ne
respectaient pas les conditions de travail légales pour leurs ouvriers, qu’ils soient
légaux ou illégaux.
Ce n’est pas par hasard que cette première prise de conscience s’est avérée dans le
Nord de l’Italie. Cette zone, la plus industrialisée d’Europe et une des plus dynamique
économiquement a vu son secteur de la construction bondir depuis les années 1970.
Les grands chantiers se sont succédés, en employant toujours de la main d’œuvre la
meilleure marché. Aux migrants du sud de l’Italie ont succédé les travailleurs migrants
du Maghreb, d’Europe de l’Est et maintenant du monde entier. Les organisations
criminelles se sont organisées très tôt en se plaçant comme intermédiaire obligatoire
entre la main d’œuvre et les entreprises en réinstaurant un système modernisé du «
caporalato » médiéval. L’argent ainsi gagné était blanchi en Suisse et dans toute
l’Europe du Sud et du Nord. Les ouvriers mouraient mais personne ne s’en souciait
puisqu’il n’avaient pas d’existence. Le secteur de la construction continue de porter sur
soit cette malédiction du travailleur exploité. Et pour cause : il est historiquement et
statistiquement un des secteur qui emploie le plus de monde possédant des
qualifications faibles et où se concentrent un fort pourcentage de travailleurs migrants
illégaux. Les autres secteurs sont l’agriculture, l’hôtellerie-restauration et la
manufacture. L’économie domestique est également largement touchée comme secteur
mais les chiffres restent en valeurs absolue beaucoup plus faibles. Etonnamment, ce
sont également les trois secteurs (construction, hôtellerie restauration et agriculture) ou
les investissements mafieux ont été les plus importants en Europe en tout cas depuis
les années 1970-1975 (statistiques suisses ) (Source: Nicolas Giannakopoulos, «
Criminalité organisée et corruption en Suisse », Haupt, Bern, 2001).
Malheureusement, l’internationalisation des activités de protection et de représentation
des droits des travailleurs reste un mythe parfois confiné aux senteurs de naphtaline de
nostalgiques de l’Internationale socialiste. Tout le monde veut le bonheur de son
prochain mais personne, surtout pas nous en Europe, ne voulons en payer le prix.
Pourtant, les exemples européens du XXème siècle montrent qu’une amélioration très
significative de la qualité et des conditions de travail est possible. Mais ce modèle est-il
exportable voire même souhaitable ?
Comment sortir de cette quadrature du cercle ? Comment internationaliser la protection
et la représentation des droits des travailleurs, notamment migrants, dans un monde à
l’économie globalisée qui exerce une constante pression sur les prix ?
En mars 2015, l’ONG française SHERPA a déposé plainte en France contre l’entreprise
de construction Vinci pour « travail forcé » de ses ouvriers indiens et népalais employés
au Qatar (Source: http://www.asso-sherpa.org/vinci-qatar-nanterres-public-prosecutor-
launches-preliminary-investigation#.VffglGazhFU) . C’est une des premières fois qu’une
entreprise d’un pays se voit attaquée en justice pour une infraction relevant du Droit où
est sis son siège mais qui concerne des travailleurs qui ne sont pas français et qui ont
subit des faits, selon les accusations de l’ONG, hors de France. Est-ce là l’avenir du
syndicalisme ?
Le syndicat a été créé pour protéger les intérêts d’une corporation composée de
membres cotisants. Suivant les pays, leur longue histoire leur permet de se financer de
différentes manières : cotisations de membres, donations, mais également parfois aides
directes de l’Etat (national, ou collectivités régionales ou locales) et même, dans
certains cas, des entreprises elles-mêmes. Les actions des syndicats sont
historiquement liées à une forme de revendication politique pour l’acquisition de Droits
dans un système de décision, qu’il soit démocratique ou pas. Mais les actions d’un
syndicat ont évolué vers une forme de services à ses membres et en remplissant des
tâches en délégation de la puissance publique, comme la gestion de caisses de
chômage ou de tribunaux de prud’hommes ou de pratiques financières comme la
gestion de fonds de pensions et de caisses de retraite. Ces organisations ont
également évolué en rendant de plus en plus de services particuliers aux membres, tels
que de l’information, du conseil, de la médiation et surtout de l’assistance juridique.
Certains syndicats proposent des permanences juridiques et mêmes des assurances
de protection juridique pour les conflits liés au travail. D’autres syndicats ont évolués
également vers le versant militant et dénonciateur, chasse gardée des ONGs qui
dénoncent des situations inacceptables.
Toutefois, en ce qui concerne les travailleurs migrants illégaux, ces structures restent
difficilement accessibles : ces personnes n’ayant pas d’existence légale dans les pays
où elles travaillent, elle ne peuvent bénéficier des avantages et des protections
notamment consenties par la loi ce qui les rends vulnérables administrativement en plus
d’être vulnérables économiquement. On voit rarement des ouvrier refuser de travailler,
même dans les conditions les plus abjectes, même si ils ne sont pas payés ou trop peu,
et se retourner contre leurs employeurs, sauf par des petits mouvements de révolte
spontanés et limités dans l’espace et dans le temps.
Du côté des consommateurs, la résilience est phénoménale. Malgré le fait que nous
savons ou pouvons savoir ce qui se passe dans les champs où sont cultivés et récoltés
fruits et légumes qui garnissent nos assiettes, nous continuons à en manger. D’une part
parce que cela nous convient économiquement et d’autre part parce que la justice reste
muette.
Ces différentes initiatives donnent des pistes de réflexion. Pour l’instant, après plus de
10 ans de tâtonnements, les succès sont très relatifs, même dans les pays d’Europe. La
crise économique de 2008 a rendu encore plus résilient les travailleurs et
consommateurs dans les pays industrialisés et tirés encore plus les prix vers le bas,
forçant du même coup les entreprises à s’aligner avec des concurrents utilisant des
moyens illégaux. Dans les secteurs d’activité employant beaucoup de main d’oeuvre
faiblement qualifiée, il s’agit d’une véritable spirale vers le bas en terme de Droits, sans
parler des conditions de travail. Cette tendance lourde à des répercussions encore plus
dramatiques dans les pays en développement et les pays très pauvres qui vivent
notamment des rentes de leur sous-sol minier.
Cette crise des prix force toutefois les organisations politiques, économiques et sociales
à réinventer certains modèles de développement économiques et humains.
Aujourd’hui les syndicats sont coincées dans des cadres juridiques territoriaux et ne les
utilisent pas à leur avantage. C’est moins le secteur d’activité qui limite leur action,
lequel est porteur et créateur d’un vrai savoir faire, d’une vraie compétence et
compréhension des pratiques d’un secteur. Les cadres juridiques nationaux par contre
limitent leurs actions et leurs compétences. Prenons deux exemples.
Un pays où les droits syndicaux ne sont pas garantis légalement est un pays où les
travailleurs ne peuvent se réunir et défendre leurs intérêts sous cette forme. Mais ces
pays ont tous besoin des compétences de grandes firmes internationales qui possèdent
sinon leurs sièges du moins des filiales qui sont juridiquement placées dans des pays
qui autorisent ce droit, ce qui ouvre des possibilités de délocalisation des actions
syndicales en faveur des travailleurs mais avec des effets plus sur le Droit privé
contractuel que sur le droit public et parfois, comme le montre l’action de l’ONG Sherpa,
sur le plan pénal également.
Il est des pays, notamment dans le Golfe, qui refusent obstinément d’octroyer un droit
de syndicalisation aux ouvriers migrants qui travaillent sur leur sol. Cette bataille menée
par plusieurs syndicats nationaux ou internationaux (comme l’ITUC) relève, pour
quiconque connaît la réalité de ces pays, d’une incompréhension de base sur
l’organisation sociale, économique et culturelle de ces pays. Il est rare que des citoyens
de ces pays travaillent. Il est donc vain de leur demande de se syndiquer. Par contre les
travailleurs migrants sont parfois syndiqués, mais dans leurs pays respectifs, lesquels
syndicats n’ont que peu ou pas de moyens ni d’intérêts à agir dans les pays où les
migrants travaillent.
Dans un monde globalisé où les droits sont inégaux, les syndicats doivent saisir
l’opportunité de cette vague migratoire européenne pour se réformer en profondeur et
retourner vers leur mission qui a fait leur succès au XXème siècle, à savoir la défense
et l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des travailleurs dans le monde.
Pour cela, ils doivent utiliser à leur profit les outils de cette globalisation: migrations,
multinationalisation des activités économiques, internet et désincarnation d’un territoire
national pour s’élever à celui de la planète.
En effet, la mondialisation économique fait que des employés d’une entreprise de
construction internationale (en direct ou en sous-contractance) en France ou en
Allemagne sont directement impactés par les mêmes situations que le sont des
employés de la même branche en Chine, en inde, en Arabie Saoudite ou au Brésil. Le
marché des machines de chantier est mondialisé. Le marché du ciment est mondialisé.
Le marché de l’emploi est mondialisé. Le marché des outils de chantier, des tenues de
chantier, des ferrailles et des structures métalliques sont mondialisés. Il en va de même
pour l’agrobusiness, pour l’hôtellerie, pour les matières premières, pour certains
produits manufacturés, les transports, etc. Les entreprises contractantes principales
sont soit des géants internationaux, soit des consortiums d’entreprises qui combattent
sur des marchés internationaux. Il faut donc que les actions en faveur des travailleurs
soient elles aussi mondialisées et qu’elles utilisent les possibilités à bon escient. Mais
quel est ce bon escient ?
Les besoins sont nombreux, parfois différents (d’ou la nécessité d’avoir des structures
locales) mais ils peuvent être regroupés en quelques catégories:
1) l’information: la plupart des migrants ont une mauvaise information. Elle est
transmise le plus souvent par des pairs et l’information est déformée par les filtres
successifs et par des filtres internes à chaque personne suivant son degré de nécessité
économique ou simplement humaine. Il faut donc de la bonne information, véridique,
compréhensible et fiable a destination non seulement des travailleurs migrants mais de
tous les travailleurs.
2) un statu: chaque personne possède un statu minimal sur lequel s’appuyer. les
travailleurs illégaux n’ont aucun statu dans leur pays d’accueil, tous comme les
migrants clandestins, ce qui en fait des cibles faciles pour toutes structures mafieuse ou
ayant des desseins criminels. Par contre, même les travailleurs clandestins sont
citoyens d’un certain pays. Ils ont tous un statu par le simple fait qu’ils sont des êtres
humains et il y a au moins un ordre juridique minimal commun qui peut être activé pour
leur reconnaître un statu. Malheureusement, ces ordres juridiques, souvent supérieurs
comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est que trop difficilement
activable par de simple migrants illégaux ayant des problèmes de respect de droit du
travail auquel leur statu d’illégaux ne leur donne de toutes façon pas accès. Par contre,
un statu permettrait à des organisations, syndicales puisque c’est leur raison d’être,
d’activer des outils juridiques divers dans des juridictions territoriales différentes (à
l’instant de la plainte de l’ONG Sherpa) pour des motifs divers et bien plus accessibles.
3) des services : dans la majeure partie des drames, il y a des lois qui ne sont pas
respectées. Ces drames ne représentent qu’une infime pointe d’un immense iceberg
d’abus divers et variés et de violations de lois diverses. Dans un monde globalisé, le
droit est lui même soumis aux contraintes territoriales, mais le migrant ne l’est pas
autant puisqu’il possède généralement un pied dans un territoire et un autre pied dans
l’autre. Plus on quitte le domaine individuel pour le domaine collectif, plus la diversité
des droits et réglements augmente et plus les types de besoins augmentent. Toutefois,
il y a des situations qui, partant de cas individuels, bénéficient au groupe tout entier.
C’est le principe même du Droit évolutif qui, pour être respecté et appliqué, à besoin de
cas précis qui le définissent dans sa réalité. Si des migrants roumains illégaux
travaillant sur les chantiers sans aucunes protections ni assurances sociales avaient eu
la possibilité de faire valoir leurs cas devant des tribunaux dès le début des années
2000, la situation sur le plan du travail au noir serait aujourd’hui bien différente. Mais il y
a également des cas ou le collectif, anonyme, profite mieux aux situations extrêmes. La
plupart des migrants illégaux, exploités ou non, ne recourent pas au Droit car ils
perdraient leurs emplois précaires du fait de leur mise en lumière. C’est pour éviter ces
« retours de bâtons » que des actions collectives doivent être menées en jouant sur les
plans internationaux du Droit afin de pouvoir éviter cette victimisation des victimes qui
se traduit par une omertà totale. Les services doivent être donc très concrets et adaptés
aux situations, des services professionnels, techniquement réalisables, stratégiquement
réalisés et tactiquement intelligents.
4) une pression croisée: le succès des syndicats dans leur prime jeunesse tient à ce
qu’il étaient capable d’organiser des pressions politiques de manière croisée en
profitant des grands bouleversement du début du siècle: 1ère Guerre Mondiale,
Révolution Bolchévique et installation de l’Union Soviétique, décolonisation. Le monde
aujourd’hui est assez semblable à celui dans lequel les syndicats ont obtenus leurs
premiers succès, mais ils conviendrait de mieux utiliser la globalisation à l’avantage des
Droits des travailleurs que de constamment – et idéologiquement – refuser une
tendance lourde qui de toute façon continuera à s’accélérer. Cela signifie notamment
que la solution d’un problème dans un pays A se trouve peut être dans un pays B ou C
et que c’est là qu’il conviendrait d’agir au mieux dans une optique de maximisation des
ressources.
Pour réaliser ces objectifs d’une amélioration drastique des conditions de travail des
travailleurs dans l’ensemble du monde et ainsi réduire certaines disparités qui créent
des appels de marchés, les organisations syndicales doivent se désincarner et se
globaliser. Si il apparaît utile qu’elles soient organisées sectoriellement, elles doivent
avoir la possibilité d’être partout et nulle part à la fois, uniquement au service d’une
population de travailleurs mondiaux qui se déplacent à leur guise sur la surface de notre
planète. Les syndicats sectorialisés et territorialisés sont condamnés à être toujours
plus inefficaces et à devenir des pourvoyeurs de rentes de situations pour idéologues à
la retraite.

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MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

  • 1. Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?
  • 3. NOUVEAU ROLE SYNDICAL ? PAR NICOLAS GIANNAKOPOULOS — 21.11.2015 Des vagues migratoires mondiales L’Europe se réveille en pleine crise migratoire. La publication des images du corps sans vie d’un petit garçon kurde sur les plages touristiques de Turquie, dont la « photo fait taire le monde » selon Le Parisien , ont fait la « une » de tous les médias européens et au-delà. On espérait alors une véritable « prise de conscience » chez les dirigeants européens. Un « électrochoc » qui n’a pas eu lieu, et n’a pas fait oublier une réalité internationale qui s’est accélérée depuis plus de 10 ans. Nous traversons en effet la plus grande crise liée aux mouvements de population depuis la Seconde guerre mondiale (Source : discours de Dimitris Avramopoulos, Commissiaire européen à l’Immigration, prononcé le 14 août 2015 et repris par de nombreux médias dont le Huffington Post). Cette crise concerne l’Europe, bien entendu, mais aussi des régions du monde comme le Moyen-Orient ou le Proche-Orient, les Etats-Unis et l’Amérique Latine, l’Asie et le Pacifique. Aucune région, même la Sibérie orientale n’échappe à ces mouvements de population de masse qui ont deux causes principales : la guerre et la pauvreté.
  • 4. La guerre en Syrie est l’un des foyers migratoire les plus importants aujourd’hui. A cheval entre l’Asie et l’Europe, la Turquie, un pays charnière, compte aujourd’hui plus de 2 millions de réfugiés, provenant essentiellement de Syrie. Il s’agit de la plus importante population de réfugiés d’un seul conflit en une génération (Source : déclaration du 9 juillet 2015 de António Guterres, Haut Commissaire de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), cité dans Le Figaro) . Le Liban accueille également plus d’un million de réfugiés syriens et la Jordanie en accueille plus de 1 millions, après avoir accueilli plusieurs millions de réfugiés Palestiniens il y a des décennies, sans compter les réfugiés irakiens fuyant la guerre et le chaos armé qui ravage ce pays. En Asie, entre 2010 et 2015, l’Union européenne a alloué la somme de Eur 57,3 millions (Source : Union européenne, Direction générale Aide humanitaire (ECHO)). destinée à la seule région de Rakhine, au Myanmar, afin de venir en aide aux Rohingyas, une minorité persécutée par les autorités locales et nationales. Ceci alors que l’ONU estime à quelque 25’000 Rohingyas ayant pris la mer entre janvier et mars 2015 uniquement (Source : UNHCR, cité par Le Monde du 13.05.2015), et que les pays voisins, dans un geste de mépris et de dédain, détournent les navires de réfugiés vers d’autres rivages, les condamnant à une mort certaine. Les mouvements migratoires entre les pays du Sud est asiatique se comptent en dizaines de millions de personnes. Le nombre de chinois s’installant en Sibérie russe a été multiplié par 10 en 5 ans. Toutes ces personnes se cherchent une sécurité, du travail et un futur pour eux-mêmes et leurs familles. Le sous-continent indien est à la fois source et objectif pour de nombreux migrants qui s’expatrient vers les pays du Golfe, les Etats-Unis, le Canada et l’Angleterre. L’Inde est également hôte de mouvements de populations massifs de pays limitrophes en guerre
  • 5. ou en instabilité (Népal, Bangladesh) mais également internes (exode rural, extrême pauvreté). L’Australie, qui est depuis plusieurs années confrontée à une vague de migrants provenant d’Indonésie, des Philippines ou des pays limitrophes, les renvoient chez qui veut bien les accepter à coup de millions de dollars. L’ancien Premier Ministre australien venait même « donner la leçon » à l’Union Européenne en vantant son modèle qualifié par le Guardian de « cruel ». Aux Etats-Unis, la campagne présidentielle de 2016 est rythmée par des diatribes violentes des prétendants contre les « latinos », et les « immigrés mexicains ». En cela, Donald Trump tient pour l’instant le haut du pavé, rejoint dans ses vociférations électorales par ses challengers républicains alors qu’ils sont les principaux responsables des immigrations afghanes et irakiennes dans le monde suite aux interventions armées dans ces pays. En Afrique, les différents « printemps arabes » plus ou moins avortés ont fait sauter les verrous dictatoriaux conduisant à la mer Méditerranée puis à l’Europe. Les boats people remplissent la mer de morts et les côtes de migrants « zombifiés » par des mois voire des années de déplacements. Au-delà des aspects tragiques que ces phénomènes produisent, les médias, les responsables politiques ou académiques évoquent jusqu’à la nausée un problème global. Un constat correct, mais incomplet. Incomplet car il néglige des composantes qui sont la cause de ces mouvements et qui passent sous silence les éléments principaux qui pourraient permettre un résolution à long terme de ces souffrances humaines.
  • 6. Les conséquences de ces flux migratoires ont également un impact important sur plusieurs plans locaux, d’où la préférence du terme «glocal» au terme « global », conjonction des deux échelles spatiales à un moment particulier. Aux composantes culturelles, religieuses, politiques et économiques, il faut ajouter une composante criminelles qui est loin d’être cantonnée aux « passeurs » et qui nécessite une réflexion de fond de la part de chaque citoyen et citoyenne des pays d’accueils, notamment des pays dit « riches ». Comme souvent, c’est en Europe que ces problématiques se cristallisent le plus rapidement. L’Europe est un « bazar » Lors du Conseil des ministres des Affaires étrangères du samedi 5 septembre 2015, des voix dénonçant la situation des migrants se sont fait entendre. L’Europe, comme souvent, s’est montrée divisée et les tensions entre pays de l’Est et de l’Ouest étaient flagrantes. Ainsi, le jeune ministre des affaires étrangères autrichien, Sebastian Kurz, n’a pas hésité à qualifié de « bazar » (Source : RTS.ch, édition en ligne du 5 septembre 2015) les tergiversions européennes sur le sujet. En revanche, la Hongrie, quand à elle, a pointé du doigt l’Allemagne, qui poursuit à présent une stratégie d’ouverture et d’accueil cahin-caha. Son chef de la diplomatie a ainsi dénoncé « une série de déclarations irresponsables de certains dirigeants politiques européens ». Pour Peter Szijjrato, la faute en revient « à la politique migratoire de l’Union européenne » (Source : idem). Le premier ministre hongrois ne
  • 7. veut pas entendre parle de quotas tant que « le flux n’est pas endigué » (Source : Le Soir, édition en ligne du 7 septembre 2015). Prié de dire lors d’une interview si les gardes-frontières auraient le droit de tirer ( !) sur les migrants lors d’une tentative de passage à la frontière, le premier ministre populiste a déclaré que « cela ne serait pas nécessaire (Source : Le Figaro, édition en ligne du 7 septembre 2015) » aux vues de la barrière « infranchissable ». Ils seront en revanche « arrêtés ». Pour rappel, la Hongrie dresse une clôture de 3,5m de haut le long de ses 175 kilomètres de frontières avec la Serbie et des rajouts sur ses frontières Croates et Roumaines. Elle demeure toutefois la principale voie terrestre empruntée par les migrants pour arriver en Europe. Le 3 septembre 2015, durant une visite officielle en Suisse, la chancelière allemande Angela Merkel annonçait un accord inédit entre la France et l’Allemagne portant sur des « quotas contraignants » de réfugiés (Source : Le Monde, édition en ligne du 3 septembre 2015) , une position commune qui sera soumise aux institutions européennes le 14 septembre 2015. Sa position s’est nettement infléchie par rapport à une ligne « dure » et conservatrice de l’Allemagne qui prévalait encore lorsque la Chancelière demeurait embarrassées vis-à- vis d’une réfugiée palestinienne (Source : Le Point, édition en ligne du 16 juillet 2015), pleurant sur son sort. Le 7 septembre 2015, Berlin annonce un plan d’urgence de 6 milliards d’euros, pour moitié à verser aux Länders, le reste destinés au gouvernement fédéral, afin de palier à
  • 8. cette vague de migrants massifs. Plusieurs médias, dont La Tribune y voient une stratégie en plusieurs points : d’abord, on la soupçonne de réagir émotivement à la situation et de suivre la volonté populaire à un moment où sa position devenait intenable. Ensuite, il s’agirait d’une manœuvre pour se démarquer des autres dirigeants européens et ainsi « donner le ton » en Europe. Enfin, la Chancelière souhaiterait redorer son blason et celui de son pays, très critiqué pour son entêtement au sujet de la crise grecque. Enfin, les démographes perçoivent une nécessité de l’apport de sang frais, l’Allemagne étant, comme tous les pays européens, vieillissant. Berlin a déclaré vouloir accueillir 800’000 migrants en 2015. Lors de sa traditionnelle conférence de presse, François Hollande a déclaré que « 24’000 migrants » (Source : Les Echos, édition en ligne du 7 septembre 2015) pouvaient être accueillis sur sol français. Pour une grande partie de la presse française, y compris de gauche, le président français « abdique » face à l’Allemagne. Evidemment, la donne a changé brutalement suite aux attentats qui ont ensanglanté Paris. De son côté, David Cameron, à la suite de ses homologues, a infléchi sa position. Le premier ministre britannique a promis 137 millions d’euros de financement supplémentaire pour la crise syrienne, élevant le montant total à cette aide à près de 1,4 milliard d’euros (Source : Le Monde, édition en ligne du 3 septembre 2015) (la plus importante jamais observée au Royaume-Uni) alors que les négociations sur la situation des migrants à Calais piétine entre la France et la Grande Bretagne.
  • 9. Sans donner des chiffres vis-à-vis de l’accueil d’un contingent de réfugiés en Angleterre, un employé de l’UNHCR l’a estimé à « environ 4’000 personnes de plus ». Cameron souhaiterait que ces personnes proviennent de centres de réfugiés sous l’égide de l’ONU en Turquie et au Liban, afin de palier « aux risques de la traversée de la Méditerranée ». Si la Hongrie a fait les gros titres en ce début du mois de septembre 2015 du fait de sa gestion pour le moins étrange de l’afflux de migrants provenant principalement de Syrie (mais aussi d’Afghanistan, du Kosovo et d’Albanie) arrivés sur son sol à travers le « mur infranchissable » dressé sur sa frontière avec la Serbie, les autres pays de l’Est ne sont pas en reste : la Pologne déclare ne pas vouloir de quotas de migrants, la Slovaquie indique qu’elle n’accueillera que des migrants chrétiens (Source: http://www.euractiv.fr/sections/justice-affaires-interieures/lue-choquee-face-au-souhait- de-la-slovaquie-de-naccueillir-que) et la Roumanie renforce « préventivement » la surveillance de sa frontière avec la Serbie pour empêcher le transit de ces migrants lointains auxquels s’ajoutent des migrants kosovars et albanais fuyant la corruption de leur pays. Cette vague migratoire met l’Europe élargie et imparfaitement intégrée devant ses propres craintes et fait resurgir les spectres de son passé plutôt sombre et sanglant. Les migrants : un défi pour le modèle de société européen Qu’ils proviennent du Proche-Orient ou d’Afrique, les migrants actuels, principalement de confession musulmane, mettent les sociétés européennes au défi. Il ne s’agit pas d’un défi, mais de multiples défis qui ont en commun la capacité d’adaptation de nos
  • 10. propres modèles de société. Qu’on le veuille ou non, cette vague migratoire va changer l’Europe, elle va changer nos sociétés, nos villes et nos villages. Cela a déjà commencé et cela a des conséquences plus ou moins directes sur nos modèles, sur nos lois, sur notre vie, notre travail, nos économies, notre sécurité et notre culture. Et visiblement, cela ne fait que commencer. L’afflux de migrants dans un territoire donné provoque toujours peur, rejet et parfois violence. C’est d’autant plus vrai lorsque les valeurs et cultures des migrants sont éloignées de celles des populations qui les accueillent. Les migrants italiens aux Etats- Unis ont subit de fortes discriminations, mêmes si ils n’étaient pas très différents des anglo-saxons au pouvoir. Les migrants irlandais ont subis les mêmes vexations. La décolonisation a accompagné tant en France qu’en Angleterre des mouvements de populations ne provoquant que rejet et scepticisme au sein des populations locales. La stigmatisation actuelle autour de l’islam et du musulman en Europe, alimenté par des actes terroristes sanglants isolés ou en groupe provoque aujourd’hui un rejet d’autant plus fort et offre un terreau fertile pour des partis politiques qui captent ce mécontentement et ces peurs pour les transformer en poids électoral leur permettant de capter à leur tour le débat politique. Il en va exactement de même aux Etats-Unis, même s’il ne s’agit pas d’islam, avec les immigrés latinos. L’expression de ces peurs est toujours la même, reprise en cœur par tous les mouvements ou partis pour qui ces peurs sont leur fond de commerce électoral : différence de culture jusqu’à l’opposition, coûts endurés par les locaux, menace sur l’emploi et menace sur une démocratie accrochée à ses codes historiques. Les références historiques aussi sont nombreuses, dans un sens comme dans l’autre, mais elles n’apportent ni explications satisfaisantes, ni solutions. Le discours extrême fait la part belle au « bon sens » et à la « sagesse populaire ».
  • 11. L’expression la plus usitée depuis des décennies, entendues tant à droit qu’à gauche, reprends le thème de l’initiative Schwartzenbach en Suisse soit : « la barque est pleine ». Ce constat sera repris sous diverses formes, tant à droite qu’à gauche. Michel Rocard, alors Premier Ministre français, déclarait lui même que « l’on ne peut accueillir toute la misère du monde ». Aujourd’hui, les droites dures et conservatrices européennes se font entendre haut et fort. Pour Marine Le Pen, les migrants sont « pour la plupart, des réfugiés économiques » (Source : interview à BFMTV, mis en ligne le 28 août 2015) et accuse, comme à son habitude, le « laxisme de l’Europe ». Le premier ministre hongrois Victor Orban les accuse également, de même que les conservateurs flamands et néerlandais, de tous les maux de la Terre. Déjà en hausse des sondages depuis l’avènement de la crise financière, plusieurs de ces populistes sont en tête de liste de leurs partis pour les prochaines élections. Pour reprendre l’exemple français, un récent sondage indiquait pour la première fois la victoire de la frontiste face à François Hollande au premier tour de la présidentielle 2017 (Source : Le Parisien, édition en ligne du 6 septembre 2015, selon un sondage Ifop pour RTL et Le Figaro) . Dans le même temps, la réalité est tout autre. Ce qui se passe et que tout un chacun peut constater par lui même, c’est la simple marche aux aspirations humaines : se créer un avenir, avoir du travail, pouvoir fonder et/ou nourrir sa famille et vivre en paix. L’insupportabilité de situations d’extrême dénuement ou d’extrême stigmatisation à cause de sa couleur de peau, de sa religion ou de son origine va faire balancer une frange minoritaire d’individus dans la radicalisation, tout comme des mouvements d’extrême gauche ou de droite feront tomber certains de leurs membres dans le terrorisme durant les années ‘70 et ’80 en Europe et aux Etats-Unis.
  • 12. Des mécanismes sociaux profonds sont à l’œuvre au sein des populations migrantes. Les regroupements culturels et ou nationaux se renforcent encore lorsqu’il y a stygmatisation. Le rejet des institutions établies va renforcer des normativités parallèles, dont les grands gagnants seront les réseaux criminels. Déjà au 19ème siècle, l’immigration italienne puis latino aux Etats-Unis va engendrer ce qui sera appelé dans les années ’60 la « political machine », à savoir l’organisation du poids électoral des migrants dans un mécanisme politique qui bénéficiera à ses organisateurs, dont beaucoup ne sont que des chefs mafieux. L’une des réponses unanime, voire la seule, de l’Union Européenne sur la question des migrants est « la lutte contre les passeurs », organisés comme de véritables mafias. Ce n’est malheureusement qu’un début d’idée, puisque les faits découlants des immigrations globales successives en Europe ont montré que les organisations criminelles ethniquement basées profitent des faiblesses des membres de leurs communautés pour en organiser l’exploitation : travail clandestin et prostitution sont les deux principales sources de revenu de ces structures qui, un pied dans l’illégalité et un autre dans la légalités deviennent peu à peu les véritables fossoyeurs du modèle économique européen basé sur un ensemble de droits et de devoirs de l’individu vis-à- vis de l’institution. Pour un migrant, réfugié ou pas, le soucis principal est de subvenir à ses besoins. Comme tout un chacun d’ailleurs. Ne pouvant trouver un travail légalement, ils se tournent vers des acteurs peu scrupuleux qui, flairant la bonne affaire, n’hésitent pas à les exploiter parfois sans vergogne étant donné que privé de droits, ils ne peuvent se défendre en utilisant les voies légales. De plus, leurs documents sont soit confisqués, soit inexistants, leurs interactions avec les populations locales sont réduites au
  • 13. minimum et la langue est souvent un obstacle, autant que la compréhension fort limité des institutions qui règissent notre vivre ensemble. Impact des migrants légaux et illégaux sur le marché du travail et l’économie Ainsi, le véritable danger des migrations provient de l’intégration de ces flux d’individus dans un marché parfois déjà saturé de l’emploi et de la production. L’absence de droits de ces travailleurs et travailleuses, couplé à un ensemble régulatoire rigide et des contrôles assez rares permet à des entreprises de baisser leurs coûts de production en employant des individus qui ne sont pas payés correctement, ne bénéficient d’aucune protection sociale et « prennent la place » des locaux qui « jouent selon les règles ». Le résultat est une destructuration des réglementations en place que ni les locaux, ni les migrants ne respectent, les premiers parce qu’ils s’alignent sur les prix pratiqués en général et économisent là où les autre le font, et les seconds parce qu’ils n’ont pas de droits. Le niveau d’étude de ce phénomène de fond est affligeant. Pour certains chercheurs, pour certains migrants, le travail dit « au noir » « agit comme une aide sociale » (Source : Huffington Post, édition en ligne du 30 juillet 2015) , rapportent plusieurs personnes ouvrant dans le milieu de l’accueil des migrants. Des universitaires dénoncent en outre une certaine hypocrisie, affirmant que « parmi les migrants arrivés dans des embarcations de fortune en Italie, certains finiront par récolter nos légumes » (Source : Johan Rochel, vice-président du think tank suisse Foraus et titulaire d’un doctorat portant sur les politiques d’immigrations européennes, dans une interview du Temps, édition en ligne du 31 juillet 2015. ). Qu’ils se rassurent, c’est déjà le cas depuis bien longtemps en Espagne et dans le Sud de l’Italie. Deux économistes (Source : Emmanuelle Auriol, Ecole d’économie de Toulouse, et
  • 14. Alice Mesnard, City University of London, citées dans Le Monde, édition en ligne du 20 avril 2015) avancent la thèse d’ouvrir les flux en vendant des visas d’entrée, tout en réprimant sévèrement le travail au noir. Le « dumping salarial » est également régulièrement évoqué, notamment en Suisse ou dans certains pays Européens qui ne se sont pas gênés de lui donner une profession (plombier) et une nationalité (polonaise). Plusieurs cas sont cités, dont en Suisse (Source : 24 heures, édition en ligne du 24 février 2014). La problématique est souvent confondue avec l’immigration « contractuelle » (entre pays membres de la zone Schengen) et/ou l’immigration « choisie » (politique mis en oeuvre par un Etat au niveau national, ou encore celle directement en lien avec les réfugiés). Sans même tomber dans des filières mafieuses, les travailleurs qui n’ont pas le droit de l’être travaillent quand même. Ils sont aidés par leurs familles, par leurs amis, mais ne paient souvent aucune charge sociale, n’ont aucune protection professionnelle ou sociale puisqu’ils n’en ont pas le droit. Cela participe également au nivellement par le bas et à la faillite de nos systèmes puisque de moins en moins de personnes travaillent selon « les règles », tirant vers le bas des prix dont, d’une manière ou d’une autre, nous profitons tous à un moment ou un autre. Les quelques recherches et articles que nous avons pu consulter sur le sujet du travail des migrants en situations illégales en Europe montrent que le problème lui même est le produit de deux facteurs: la restriction au marché du travail légal du fait de la qualification « illégale » de ces migrants et les « avantages des employeurs à utiliser de la main d’oeuvre non déclarée » (Source: C. Boswell and Th. Straubhaar, « The Illegal Employement of Foreigners in Europe » in Intereconomics, 2004) . C. Boswell et Th Straubhaar (cf. ci-dessous), se référant aux chiffres de la Commission Européenne en 2003, indiquent que 70% au moins des personnes entrées illégalement en Europe
  • 15. étaient employés illégalement aussi. Dans la même veine, H. Hentorf et J. Moebert (2004) indiquent clairement le model économique des entrepreneurs qui profitent de la main d’oeuvre illégale en y incluant un model économique du « marché de l’immigration illégale » (Source: H. Hentorf and J. Moebert, « The Demand for Illegal Immigration and the Market Outcomes » in Intereconomics, 2004). G. Tapinos indique la même chose, se référant tant à la situation européenne qu’américaine, historique et présente: c’est principalement l’employeur qui bénéficie de la situation des travailleurs migrants illégaux » (Source: http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th e_labour_market.html) . Enfin, selon A. Venturini (Source: A. Venturini, « Do Illegal Migrants Compete with National Workers ? », in Intereconomics, 2004), il apparaît clair, sur la base des rares études scientifiques réalisées alors, que le travailleur migrant illégal endommage le travailleur local par une compétition qui vient de l’organisation du travail et de la production non-déclarée. En soit, il apparaît que tant le travailleur migrant illégal que le travailleur local sont victime des irrégularités orchestrées par un système de vases communicants qui bénéficient au plus rapide et au plus malin. De même il serait vain de tenter de cherche un coupable en la personne de l’entrepreneur qui cherche à survivre, même dans l’illégalité lorsque le faire dans la légalité ne devient plus possible. Des statistiques étonnantes sur le travail au noir, publiées par l’Union Européenne en 2012, montrent que ce phénomène représente bien plus qu’un élément marginal dans la création de la richesse nationale :
  • 16. En France, un rapport de la Cour des Comptes un « manque à gagner » des assurances sociales, du au travail non déclaré, de 20 à 25 milliards d’Euros, avec un doublement du montant de la fraude en 8 ans. Selon Georges Tapinos, de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Source: http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th e_labour_market.html) , la problématique des migrants ne peut se résumer qu’à un contrôle physique des flux migratoires où à des conceptions uniquement tournées vers les réseaux mafieux et l’économie illégale. G. Tapinos remarque à juste titre q’en 1998 déjà, le US Immigration and Naturalization Service avait démantelé une organisation qui à elle seule avait permi le trafic de plus de 10’000 travailleurs latinos clandestinements arrivés aux Etats-Unis. La même année, plus de 2 millions de faux papiers avaient étés saisis dans un atelier à Los Angeles. On sait que la plupart des migrants paient des sommes bien supérieures à un simple billet d’avion pour arriver en Europe. Le coût moyen d’une traversée de la Méditerranée vers la Grèce était estimé à 500 EUR, certains payant évidemment beaucoup plus. Le transfert de l’Afrique vers l’Europe, notamment Lampedusa, coûterait entre USD 400 et USD 700 aux migrants africains. En 2015, on estimait le coût moyen par personne d’un migrant de Mosoul à Paris à 1’600 EUR. On fait rapidement le calcul: 500’000 réfugiés (qui naturellement ne viennent pas tous de Mosoul mais souvent de beaucoup plus loins) fois 1600 EUR, cela nous fait un marché de plus de 800 millions d’EUR. De plus, il y a aujourd’hui beaucoup plus que un demi million de réfugiés d’Asie centrale, du proche Orient, d’Afrique ou même des Balkans, puisque les réfugiés Kosovars et Albanais représenteraient, selon les dernières statistiques de l’EU, à plus de 17% du total de la vague migratoire actuelle.
  • 17. D’un autre côté, on estime que le « marché du contrôle migratoire » pèse environ 1 milliard d’Euro par an depuis 2014. En effet, les politiques sécuritaires Européennes aux frontières ont financé largement des sociétés de sécurité de tous ordres jusqu’à des hauteurs vertigineuses. Même l’ESA (Agence Spatiale Européenne) a tiré son épingle du jeu. Et cela n’inclus pas les budgets militaires. Selon les données de l’administration espagnole, le mur de Ceuta aura coûté entre 2005 et 2014 la somme de 25 million d’Euros et celui de Melilla celle de 47 millions d’Euros. De 2005 à 2015, le mur de Calais aura coût la bagatelle de 25 millions d’Euros également dont 15 millions pour la seule année 2015. Un autre décompte, plus macabre celui ci, recense 30’000 migrants morts depuis 2000, principalement en Méditerranée entre les côtes Lybiennes et les côtes italiennes de Lampedusa et de Sicile (Source: http://www.themigrantsfiles.com/). En additionnant les revenus générés par les « passages », la sécurité des frontières et leur surveillance et l’impact des économies non-déclarées en % des PIB des pays respectifs, le « chiffre d’affaire de la migration illégale » se compte en dizaine de milliards d’Euros chaque année. Il faut toutefois rajouter à cela le coût direct des migrants illégaux sur les sociétés, en dépenses sociales, mais surtout en coûts induits sur l’économie, puisque les employeurs qui emploient des migrants illégalement ne paient ni charges sociales, ni protections diverses, ni assurances, ni caisses de pension etc. Enfin, ces employeurs tirent vers le bas les prix rabotant inais aussi surement que les vagues rabotent la grève les emplois qualifiés et non qualifiés des concurrents qui agissent légalement mais perdent des marchés. En fin de compte, le marché des migrants, qui est certainement aussi sous-évalué à cause du fameux « chiffre noir » coûte aux économies plusieurs centaines de milliards d’Euros chaque année, notamment dans l’espace Européen.
  • 18. Même si ils sont les boucs émissaires idéaux, ce ne sont pas les migrants qui sont à l’origine de cette situation: ce sont nous mêmes, autochtones, qui scions la branche sur laquelle nous sommes confortablement assis car nous voulons toujours plus pour moins cher, ce qui, et nous mettons une pression professionnelle supplémentaire sur nos emplois légaux qui doivent être toujours plus performants pour rester compétitifs devant une concurrence mondiale, acharnée, et pas toujours « réglo ». Conditions de travail ? Travail des syndicats ? Puisque le principal effet réel de l’afflux de migrants, économiques ou réfugiés politiques est, sur notre société, leur intégration imparfaite voire mafieuse dans un système de production économique, on est en devoir de s’interroger sur les analyses et solutions éventuellement apportées par ces mêmes organismes qui ont la charge et la mission, de veiller au développement et au respect des règles, de protéger les travailleurs et de garantir que les conditions de travail soient les mêmes pour tous, comme le recommande la Charte des Droits de l’Hommes et les Conventions Internationales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). En gros, quels sont les positions des syndicats vis-à-vis de cette crise migratoire ? Ayant eu la chance d’observer le travail de certains syndicalistes vis-à-vis des travailleurs exploités par les organisations criminelles italiennes en Lombardie il y a quelques années, il se trouvait que ces organisations étaient bien les seules qui, parmi les institutions privées ou publiques, venaient à la rencontre de ces travailleurs pas si clandestins que cela, exploités par leurs employeurs, généralement des « caporali » agissant en n-ième sous-contractance, sur des chantiers publics ou privés de toutes tailles et de tous budgets.
  • 19. Les réponses sont, c’est peu de le dire, assez inquiétantes. En effet, si bien des acteurs, politiques, médias, universitaires ou ONG s’expriment et prennent position sur l’immigration de manière récurrente, les syndicats restent étonnament silencieux sur le sujet. Pourquoi cet assourdissant silence sur ce phénomène migratoire massif ? Pourquoi leurs prises de positions n’interpellent pas les autorités mais se contentent d’appeler à la mobilisation ? Pourquoi lapident-ils leurs adversaires politiques plutôt que de proposer des solutions ? Et, surtout, au vu de leurs thèmes de prédilections, pourquoi ne disent-ils rien sur le thème de la migration et de l’emploi dans leurs pays respectifs ? Notre analyse se base sur de la documentation en ligne, fournie essentiellement par les sites internet des syndicats eux-mêmes. Pour chaque organisation, nous avons recherché les termes « migration », « migrants », « réfugiés » et « asile » dans l’option recherche du site (si disponible). Un tri a été ensuite fait entre les prises de positions locales ou nationales et celles en lien avec les problématiques internationales, celles qui nous intéressent. De manière générale, les nouvelles (news), prises de positions et communiqués de presse ont été passés en revue pour une période de trois ans en moyenne (2015-2013, voire 2012 si possible). De même, nous avons essayé d’être attentifs si le syndicat poursuit une campagne sur le thème des réfugiés ou des migrants. Nous relevons que très peu de syndicats nationaux ont pris position de manière forte sur le sujet des migrants/réfugiés. Pour la plupart des grands syndicats européens examinés, leurs préoccupations sont principalement liées à des revendications nationales telles que le droit de grève, la liberté syndicale, le droit des travailleurs, la question des retraites ou encore celle de cotisations sociales. L’essentiel des sujets
  • 20. européens ou européanisés, se focalise sur le partenariat économique transatlantique (TTIP), qui préoccupe de manière importante les syndicats. Nous noterons toutefois une exception notable, celle de la Confédération Syndicale Européenne (ETUC) qui publie beaucoup plus que les autres syndicats sur la question des migrants, mais malheureusement très peu sur les impacts profonds de ces migrations et encore moins sur des solutions innovantes. Les communiqués semblent plutôt vouloir essayer de mettre le plus de pression possible sur les Ministres Européens afin qu’ils adoptent des solutions communes, viables et efficaces, tant dans la gestion que dans le respect de la dignité humaine. Outre-atlantique, les prochaines élections américaines justifient un regain d’activités des syndicats, proches du parti démocrate pour la plupart. L’immigration est traitée évidemment sous l’angle de considérations régionales (immigrants mexicains et canadiens). De manière générale, dans les prises de positions internationales des syndicats étudiés, lorsqu’il est question des réfugiés, la majorité des publications renvoient à la situation de la Palestine/Gaza, pour la période étudiée. En France, la CFDT est un grand syndicat français. La migration n’apparaît pas comme un enjeu majeur, ni dans ses prises de positions, si dans ses articles. La Confédération générale du travail (CGT), propose une page dédiée au phénomène de la migration, dans laquelle s’articulent trois grands dossiers : le droit des migrants, la libre circulation et le droit d’asile. Ceci dit, concernant la première thématique, le « dossier » n’a pas été mis à jour depuis 2008. Enfin, Force ouvrière n’a publié quelques articles sur la
  • 21. thématique ainsi qu’une prise de position, appelant l’Europe a plus de solidarité, en date du 19 mai 2015. En Italie, la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL), concentre son activité à l’international plutôt sur des sujets européens (TTIP, droits des travailleurs, etc). Une seule prise de position a été faite sur le sujet de la migration entre 2015 et 2014. De son côté, la Confederazione Italiana Sindacato Lavoratori (CISL), accorde a priori une grande importance au phénomène migratoire et tout semble indiquer qu’au moins une personne soit dédiée à l’étude de cette thématique au sein du syndicat. De 2009 à 2014, 22 prises de positions ou évènements on été organisés en lien avec le sujet, mais un seul en 2014. Enfin, l’Unione italiane del lavoro (UIL), à, durant les deux dernières années, émis une seule publication concernant la thématique de la migration, en réaction au référendum du 9 février en Suisse. La Suisse compte deux grands syndicats, Unia et l’Union syndicale suisse (USS), ainsi qu’une dizaine mouvements syndicaux sectoriels. Le premier, entre 2010 et 2015, n’a publié que cinq prises de positions au sujet de la question migratoire, et un seul (Source: site officiel d’Unia, article intitulé «La Suisse doit accueillir 10% des migrant-e- s sauvés en Méditerranée», publié le 16.05.2015) concernant directement la thématique de l’afflux massif de migrants provenant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan et transitant par la mer Méditerranée. L’USS, de son côté, réagi à deux reprises (Source: site officiel de l’USS, article intitulé « Tôt ou tard, tous y passeraient ! », paru le 25.09.2014 et « Halte à une politique migratoire sans humanité », paru le 19 juin 2012), en 2012 et 2014. En Belgique, la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB), est plutôt actif dans ses prises de positions et publications (2 à 3 par semaines, ce qui
  • 22. tranche avec d’autres organisations). Entre 2015 et 2012, une seule prise de position, faite le 24 avril 2015, concerne directement la problématique des migrants et, plus précisément dans le cas d’espèce, un appel à la lutte contre les passeurs. La Confédération des syndicats chrétiens (CSC) mets en ligne uniquement ses plus récentes prises de positions (articles et communiqués de presses), jusqu’à la date du 25 avril 2015. Sur cette –courte- période, le syndicat n’a pris position qu’une seule fois, le 3 septembre 2015, suite à la publication dans la presse de clichés du petit Aylan, ce garçon kurde mort noyé et qui a ému l’Europe entière, et conduit récemment plusieurs dirigeants européens à infléchir leurs positions en matière d’asile. La Fédération générale du travail en Belgique (FGTB) est également très actif sur le web, avec plusieurs publications (news, communiqués de presses, etc) par semaine. Entre 2015 et 2013 toutefois, seules deux mentionnent la problématique des migrants, dont une du 26 août 2015, et l’autre au sujet de la journée internationale des migrants datée du 18 décembre 2013. Outre Atlantique, aux Etats-Unis, l’American Federation of Labour – Congress of Industrials Organisations (AFLCIO) – est l’unique membre américain de la CSI. De source budgétaire, cette association de syndicats américain a été l’un des plus gros contributeurs financiers pour l’exercice 2013 de la CSI (environ un million et demi d’euros, sur un total de seize). Sans surprise, le site Internet du syndicat regorge d’informations, dont un dossier très complet sur l’immigration. Cela dit, ils concernent bien entendu des problématiques liées à la migration aux Etats-Unis, donc essentiellement provenant du Mexique, du Canada et de la Corée du Sud. Au Canada, Congrès du Travail du Canada (CTD) a publié une étude en 2013, où il ressort que « 75% des emplois créés au Canada entre 2010 et 2011 ont été dotés de travailleurs migrants internationaux, même si 1,4 millions de résidents canadiens étaient
  • 23. au chômage ». Il s’agit du seul syndicat faisant un lien entre immigration et chômage à ce stade. De son côté, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) est également membre de la CSI. Leurs nouvelles sur le site Internet ne sont visibles que jusqu’en 2013, et aucune publication ne mentionne la problématique des migrants/réfugiés (sauf du point de vues de l’intégration sur le territoire national). Enfin, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) évoque parfois la problématique de la migration dans un cadre national, mais de manière marginale sur les trois dernières années. A l’occasion de la journée internationale des migrants (le 18 décembre), la CSN publie un communiqué, de manière traditionnelle, entre 2013 et 2011. A l’autre bout du Monde, l’Australie a aussi été étudiée à cause des prises de positions de son Premier Ministre M. Abbott et de sa politique migratoire. L’Australian Council of Trade Unions (ACTU), est l’unique syndicat australien membre de la CSI. L’ACTU possède une rubrique intitulée « Solidarité internationale », divisée en quatre catégories : défense des droits humains, aide humanitaire, participation avec des organes internationaux (CSI et ILO), standards et droits internationaux. La problématique de la migration ne revêt pourtant qu’une importance mineure et où une seule prise de position, adressée le 28 octobre 2009 au ministre de l’immigration et de la citoyenneté, apparaît en ligne. La rubrique « discours et opinion » ne dispense aucune information concernant les mots-clés « migration », « immigration » ou « réfugié ». Nous avons élargi notre étude aux syndicats existant dans d’autres grands pays du Sud, notamment l’Inde et le Népal. En Inde, le Hind Mazdoor Sabha est une organisation membre de la CSI qui a récemment pris ses distance et s’est montré très critique vis-à-vis de cette organisation dont elle est pourtant l’un des plus gros contributeur. Les prises de positions et
  • 24. communiqués de presse sont tous écrits à la suite et de manière non ordonnée sur leur site Internet. Certaines de ces informations relaient les positions de la CSI. Aucun dossier ne fait mention spécifiquement de problématiques au sujet de la migration, mais vu que le syndicat republie des propos de la CSI et d’autres organisations partenaires, la thématique y est présente de manière succincte. Le Indian National Trade Union Congress (INTUC), grand et très influent syndicat indien est plutôt critique envers la CSI. Plusieurs de ses membres, dont des cadres, ont émis de vives remarques au sujet de la gestion financière de la CSI. Malheureusement, le site Internet du syndicat est très peu détaillé en ce qui concerne ses positions et publications concernant les travailleurs migrants. Enfin, le Self Empoyed Women Association (SEWA), également membre de la CSI, dont la particularité est de défendre les droits et intérêts de la condition féminine, a publié plusieurs études ou même livres sur divers sujets. Aucun ne concernent la question des réfugiés ou de la migration. Au Népal, la General Federation of Nepalese Trade Unions (GEFONT) est un syndicat népalais membre de la CSI. Il possède un dossier lié aux travailleurs migrants sur Internet assez fourni où le moteur de recherche du site recense plus de 115 news liées au mot-clé « migrants ». Ceci dit, certains mélangent la problématique au niveau local (immigration) et celle internationale (travailleurs Népalais à l’étranger, notamment dans les pays du Golfe). Le syndicat à l’air d’être plutôt actif sur la matière, notamment en ce qui concerne les travailleurs migrants népalais dans les pays du Golfe. De son côté, le Nepal Trade Union Congress (NTUC), également membre de la CSI, est un des rares syndicats à avoir publié un document entier sur le thème de la migration et racisme (en népalais, donc impossible d’en connaître le contenu). Le reste des publications étant en népalais, il est impossible d’établir une claire statistique. Le plus grand syndicat népalais (INDECONT) vient de publier un avis très critique concernant le rôle de la CSI dans le cadre de la gestion du problème des travailleurs migrants.Enfin, le All Nepal
  • 25. Federation of Trade Unions (ANTUF) est le plus grand des syndicats népalais, membre de la CSI. Sur leur site Internet, il existe bien un onglet « document » regroupant policy papers, rapports et conférence de presse, mais ceux-ci sont vides de contenu. Impossible d’établir une claire statistique. Face à un telle problématique globale, il est une organisation syndicale incontournable dont la plupart des syndicats cités ci-dessous sont membres : la CSI (Confédération Syndicale Internationale) ou ITUC (International Trade Union Confederation). Cette organisation faîtière, dont le siège est à Bruxelles, représente depuis 2006, date de sa création, 328 organisations affiliées de 162 pays. Il convient donc de regarder de plus près leurs positions sur la question de la migration. Entre 2011 et 2015, notre recherche effectuée avec les mêmes critères que tous les autres syndicats montrent que pas moins de 58 (Source:: site officiel de la CSI, thème « migration ». 20 publications concernent le Qatar, 7 les pays du Golfe dans leur ensemble, 3 la Malaisie et 2 la Corée du Sud) déclarations ou prises de position ont été effectuées par la CSI concernant la thématique. L’omniprésence de la situation des travailleurs au Qatar est troublante étant donné le rôle, la mission et les membres de la CSI, surtout dans la situation actuelle. A tel point que l’émirat semble être pris pour cible par l’organisation. Pas moins de vingt publications ciblent la pétromonarchie et au moins quatre autres le mentionnent expressément. A titre de comparaison, le petit Etat voisin, les Emirats Arabes Unis, ne font l’objet que d’un seul article. Les « pays du Golfe », sous cette appellation, n’appariassent que quatre fois également. Le Qatar représente donc à lui seul plus de 40% des publications de l’ONG sur une période de six années, sans compter une campagne de la CSI à son encontre. Dans une récente étude de ce syndicat (Source: étude de la CSI intitulée « Les pires pays du monde pour les travailleurs et les travailleuses », publiée le 10 juin 2015, en ligne), le Qatar est considéré comme un des « pires pays concernant le droit des travailleurs », obtenant la
  • 26. note de 5 (sur 5). Les sujets comme l’esclavage occupent également la CSI qui leur consacrent 36 notifications (travail des enfants/travail forcé) dont 3 seulement concerne l’émirat du Golfe et 5 l’ensemble des pays du Golfe (Emirats Arabes Unis et Arabie Saoudite) depuis l’année 2011. La dernière publication de la CSI en date du 7 Septembre 2015 porte sur le soutien à la prise de position du HCR en faisant remarquer à juste titre (enfin) que certains pays riches, comme les pays du Golfe, devraient accepter plus de migrants. La CSI, tout comme la Confédération Européenne des Syndicats (CES), en tant que représentants internationaux des différents syndicats nationaux sont actifs dans le domaine des droits des travailleurs, tentant et rappelant à l’envi, à grand renfort de sondages et de classements, les pays qui ne respectent pas les conventions de l’ONU par rapport aux droits des travailleurs et en particulier la liberté de se réunir et de se syndiquer. Même si la CSI semble monomaniaque du Qatar, elle se borne comme l’ensemble des autres institutions, y compris l’Organisation Internationale du Travail (OIT), à répéter le leitmotiv onusien, à savoir que « les travailleurs migrants doivent avoir les mêmes droits que les travailleurs nationaux » (Source:http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_I LO_CODE:C143) . Durant la 104ème Conférence Internationale sur le Travail qui s’est tenue à Genève du 1 au 13 Juin 2015, le Président de l’OIT, Guy Ryder déclarait que « il n’y a pas de solutions simples » (Source: http://www.ilo.org/global/about-the- ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–en/index.htm) au problème. Merci Monsieur Ryder pour cette pertinente remarque. Nous notons que M. Ryder était Secrétaire Général de la CSI avant Mme Burrows et que les « hauts niveaux de débats » de cette 104ème conférence ont étés « historisés » sur le site de l’OIT en une suite pathétique de tweets hashtagués à outrance (Source: http://www.ilo.org/global/about-the- ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–en/index.htm) . Les concepts de « fair
  • 27. migration » ou de « decent work ». Ces débats parfois pratiques et souvent conceptuels sont conclus par le Directeur Général Ryder qui indique que « Les mesures ponctuelles pour stopper le flot de migrants ne font qu’effleurer le problème. Nous devons analyser plus attentivement les causes profondes qui contraignent des personnes à mettre leur vie en danger pour trouver du travail et la sécurité dans des pays étrangers ». L’OIT indique toutefois que « l’élaboration de réponses efficaces exige l’engagement et la participation des chefs d’entreprise et des dirigeants syndicaux ainsi que d’autres parties prenantes à l’élaboration de réponses nationales propres à stimuler la croissance et à créer des emplois, tout en préservant la protection sociale et du travail. Ce processus nécessite également un dialogue équilibré sur la façon de faire en sorte que les systèmes de migration puissent être justes et respectueux des droits de la personne humaine, ce qui ne peut se faire qu’en coopération avec les régions concernées ». C’est une des rares fois où nous verrons clairement mentionné le rôle des syndicats dans l’équation qui pourrait apporter une solution aux problèmes migratoires. Des solutions ? Certes le problème est complexe, mais cela ne veut pas dire qu’il soit compliqué. Entre « l’immigration choisie », la « fermeture des frontières », la construction de murs et de barrières de tous ordres (physiques autant qu’administratives), l’aide au développement des pays d’origine des migrants et les « nécessaires besoins de l’économie », tout le monde, politiques, économistes, sociologues ou médias y va de son couplet. Malheureusement, l’immigration n’est pas un robinet qu’on ouvre ou que l’on ferme à loisir. Il ne s’agit pas d’un courant d’air ni d’une rivière faite d’eau. Il s’agit d’êtres humains. Les chiffres de l’immigration et de l’asile publiés par l’Union Européenne ne sont pas
  • 28. des plus clairs ni des plus faciles d’accès. D’une part parce que la statistique est un processus de récolte de données qui prends du temps et qui ne peux s’adapter à l’accélération massive d’une situation (dans ce cas l’afflux de migrants/réfugiés) et d’autre part parce que la législation européenne n’est pas véritablement uniforme, ce qui implique des reclassifications entre différentes catégories de personnes (et elles sont nombreuses), entre « migrants », « réfugiés », « demandes d’asile » et toutes les subtilités à l’intérieur de ces quelques sous-catégories. Nous conseillons toutefois de visiter la page de l’Eurostat (Source:http://ec.europa.eu/eurostat/web/asylum-and-managed-migration/statistics- illustrated) consacrée à ce sujet qui propose également des cartes dynamiques temporelles permettant d’appréhender l’évolution du phénomène de 2008 à 2014. Le choix de l’immigration est un mensonge éhonté puisqu’aucun des Etats du « premier monde » n’est capable de choisir les migrants qui arrivent sur leurs sols. L’immigration « choisie » n’a comme résultat que deux effets pervers : créer une classe de migrants sans aucuns droits ni existence légale et, par le non respect (parce qu’inapplicables) des décisions de justices de renvoi, fragilise ce qui fait ce pourquoi ces migrants se précipitent chez nous pour y trouver un avenir meilleur : l’Etat de Droit. Le Droit est un outil qui vise les individus. Ainsi, le phénomène de masse de la migration est traité de manière individuelle. En effet, les procédures d’asile, principalement, sont des procédures qui individualisent les problèmes, les raisons, au niveau de la personne et le cas échéant de sa famille. Il est bien clair que devant une massification de l’immigration, les procédures individuelles soient complétement dépassées comme une digue l’est lors d’une crue. Construire des murs peut bien faire marcher l’industrie du barbelé et de la construction, mais aucun mur, aussi haut soit-il, n’arrête ces mouvements désespérés en quête d’avenir. Les deux barrières fortifiées des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au Maroc, pourtant haute de 6 mètres, tuent plus qu’elles n’arrêtent. La Grèce a édifiée un
  • 29. mur de barbelés sur sa frontière orientale avec la Thrace et la Hongrie fait de même aujourd’hui sur sa frontière avec la Serbie. Les portions de barricades entre les Etats- Unis et le Mexique n’arrêtent pas les migrants non plus. Même la mer Méditerranée ou les traîtres isthmes indonésiens n’arrêtent pas les migrants dans la route vers l’Australie. Les barrières administratives sont également grotesques. Comme le faisait relever un correspondant de la Radio Télévision Suisse (RTS) au journal télévisé de 19 :30 le 10 septembre 2015, le flot de migrants syriens s’échouant sur la frontière hongroise en Serbie ressemblait à un « cirque tragique ». En effet, étant des réfugiés de guerre, ces migrants ont légalement droit à un statut et une entrée sur le territoire européen, qui au lieu de s’organiser le plus en amont possible pose au contraire toutes sortes de barrières physiques aux migrants pour ne pas avoir à subir les retours et éventuels renvois dus aux accords de Schengen et de Dublin. Dans la dernière modification du 11 septembre 2014 du Pacte Européen sur l’Immigration et l’Asile du 24 Septembre 2008 , l’Union Européenne se félicite de l’adoption du régime d’asile commun (RAEC), du renforcement de la gouvernance du système Schengen et du système européen de surveillance des frontières (Eurosur) ainsi que des nouvelles tâches et ressources confiées à l’agence Frontex. L’ensemble du document pointe spécifiquement l’immigration choisie d’une part et la lutte contre les trafics d’autre part, qu’ils relèvent de l’exploitation forcée des migrants aux réseaux de passeurs. L’aide au développement quand à elle n’a visiblement pas répondu aux attentes qu’on lui prêtait. Des milliers d’ouvrages, de rapports, de commentaires, de reportages, positifs ou négatifs, ont étés consacrés à ce vaste thème. Rappelons que c’est en 2000 que l’ONU a, dans le cadre des « Objectifs du millénaire » (Source: http://www.un.org./fr/millenniumgoals/index.shtml), précisé le sens et les objectifs de
  • 30. l’aide publique au développement dont le principal était de réduire la pauvreté dans le monde de moitié entre 2000 et 2015. Selon le rapport 2015 de l’OMD (Source: http://www.un.org./fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf), la plupart des objectifs sont en passe d’être réalisés. Le risque majeur pointé par ledit rapport (p.8) mentionne entre autre les conflits qui sont aujourd’hui la cause principale de la vague de migrants en Europe et dans le Moyen-Orient. Mais c’est également la pauvreté relative qui pousse des millions d’Africains vers l’Europe et des millions de latino- américains vers les Etats Unis, des millions d’Asiatiques vers l’Australie, les Etats-Unis et le Canada et des millions de personne du sous-continent indien dans les pays du Golfe, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Dans le même temps, la pression sur les prix des matières premières, du pétrole et des produits agricoles, accompagnés par une pollution galopante dans les grandes agglomérations urbaines des pays en développement où s’entassent toujours plus de personnes font que les systèmes de répartition ne fonctionnent plus et que les prévisions de rentabilité des investissements dans les industries lourdes a chuté. Le manque d’infrastructures, de coopération et d’indépendance des acteurs locaux fait que les industries manufacturières locales ne se développent quasiment pas. L’aide au développement est même tenu en échec au cœur même de l’Europe ou après plusieurs décennies, les niveaux de vies ne sont même pas rejoints entre les pays de l’Ouest Européen et ceux de l’Est Européen alors que la crise financière fait des ravages sur l’emploi et l’investissement dans tout le continent. Malgré les 135 milliards de USD d’aide publique au développement injectée en 2014, les résultats sont minés par les conflits et les mouvements massifs de population. Il faut ajouter à cela les montants considérables de l’aide privée effectuée notamment par des fondations privées américaines (dont la Fondation Bill et Melinda Gates) qui soutenait 2’647 projets en 2014 (Source:http://www.gatesfoundation.org/How-We-Work/Resources/Grantee- and-Partner-Survey-Report).
  • 31. Pourtant, comme le relèvent C. Boswell et Th. Staubhaar (op.cit), des solutions existent, qui ont été déjà testées et dont l’efficacité est vérifiée par l’expérience. Il s’agit de « mesures qui sont fortement susceptibles de réduire l’emploi illégal et dans un certain sens, de minimiser les impacts négatifs sur les affaires, les libertés civiles et les droits de migrants ». Ces mesures vont toutes vers une intégration progressive: (1) l’expansion des programmes légaux d’immigration, ce qui signifie d’une certaine manière assouplir les critères de légalité pour avoir plus de migrants légaux et moins d’illégaux, (2) la régularisation qui met une pression sur les calculs des employeurs sachant que la situation d’illégalité risque de ne durer qu’un temps, et pour les employés créent un appel d’air et une motivation supplémentaire. Les auteurs relèvent toutefois que les programmes de régularisation temporaires (sur des durées limitées) comme il y a pu en avoir en Italie, en France, aux Etats Unis ou en Belgique, font que beaucoup de travailleurs passent de l’illégalité à la légalité, puis retombent dans l’illégalité. Les auteurs mentionnent également (3) un contrôle des entrées permettent de « légaliser » d’une certaine mesure les entrées, mais aussi les sorties. Toutefois, l’augmentation des critères de visas et le resserrement des contrôles douaniers à permis aux réseaux de passeurs, qu’ils soient partie de réseaux criminels ou non, de fleurir et de se développer. Toutefois, la plupart des migrants arrivaient à l’époque avec des visas touriste et restaient ensuite illégalement dans les pays d’accueil en vue d’une éventuelle régularisation. Les auteurs notent également que (4) les sanctions contre les employeurs peuvent être efficaces et dissuasives. Toutefois, la plupart des pays d’accueil des migrants ne mettent pas en oeuvre ces mesures légales de contrôle du travail clandestin pour plusieurs raisons: manque de moyens, peines trop faibles, craintes politiques, volonté de préserver le tissu économique national ou local etc. Ces mesures restent donc très épisodiques, mais c’est justement cette inaction « complice » qui fait que l’emploi « au noir » est toujours aussi recherché par les employeurs. Beaucoup moins par les employés. En plus des sanctions, il serait aussi possible (5) de
  • 32. mettre en place des avantages pour les entreprises qui emploient des travailleurs légaux. Ces avantages sont difficiles à mettre en place sans contrôles mais des initiatives locales ont montré, notamment dans le contrôle des appels d’offre publics et de la sous-contractance, qu’il était possible d’avantager légalement des entreprises qui, soit dit en passant, sont toutes sensées travailler légalement jusqu’à preuve du contraire. Il faut toutefois que les donneurs d’ordres puissent se donner les moyens d’agir en cas de contravention aux accords établis et ce de manière simple, rapide et directe. Toutefois, cela se fait généralement au détriment direct des travailleurs migrants illégaux qui du coup se retrouvent non seulement sans travail, mais également stigmatisés pour avoir « volé le travail des indigènes ». Les auteurs remarquent que cette relative « tolérance » des Etats au travail illégal, travail au noir, esclavage moderne ou quelque soit le terme que l’on emploie pour le décrire, lequel bénéficiait également à l’économie en général, est en passe d’être terminée à cause de la crise migratoire que vivent les pays de l’OCDE, notamment l’Europe et les Etats Unis depuis quelques années déjà. Travail, famille et démocratie ? Les problématiques et stigmatisations dont sont victime les migrants de tous ordres sont multiples et parfois entremêlées. Comme nous l’avons relevé plus haut, elles font le lit fertile de discours xénophobes qui attisent les peurs et les craintes les plus apocalyptiques des locaux qui eux, par leur statut de citoyen, votent. L’un des premier soucis de tout élu dans les grandes agglomérations européennes, depuis de nombreuses années, est d’avoir à gérer des populations dont une grande partie n’a pas son mot à dire sur ladite gestion au travers des voies démocratiques de représentations et d’élections. Les migrants ne votent pas et à plus forte raison, ne
  • 33. peuvent pas être élus. D’un point de vue systémique, il est extrêmement difficile de gérer efficacement une population pour répondre à ses aspirations si l’on n’a pas de « retour » d’une partie significative de cette même population. D’un autre côté, les possibles effets extrêmes de la participation des migrants à l’exercice démocratique est l’un des épouvantail régulièrement agité par des responsables politiques qui en profite pour faire le plein de voix. Afin de contourner cette situation « aveugle », plusieurs municipalités on depuis des décennies tenté d’établir des canaux de retour d’information parallèles au niveau local (municipalités, quartiers) au travers d’associations d’habitants diverses. Les exercices de ce qui, en France, est communément appelé la « démocratie participative » provient en fait de certains quartiers défavorisés des grandes villes américaines ou de tels conseils de quartiers ont étés mis en place par les municipalités dans les années ’70 déjà, surfant sur la vague hippie, contestataire et les effets de la guerre du Vietnam. Certaines de ces expériences ont étés couronnées de succès qui se constate encore aujourd’hui, beaucoup par contre on étés des échecs pour différentes raisons. Nous ne referons pas le débat concernant ces expériences sociales mais nous pouvons renvoyer à une littérature abondante qui se trouve facilement sur internet. La participation citoyenne des migrants est pourtant un aboutissement logique de nos pays. En Suisse, dans certaines communes, les citoyens qui y habitent depuis 8 ans ou plus on le droit de vote et, dans quelques unes, le droit d’éligibilité. Mais uniquement au niveau local. Il ne s’agit pas seulement de faire « remonter des expériences » ou de donner à une partie de la population habitante la possibilité de proposer des solutions concrètes et locales pour le « vivre ensemble », il s’agit également d’un aboutissement sur le plan de l’intégration et de ses responsabilités envers une société qui accueille. Il ne faut pas oublier que la plupart du temps, les migrants viennent dans nos pays parce qu’ils jouissent d’une cadre structurant, un Etat de Droit, qui garanti une certaine paix
  • 34. sociale et physique ainsi qu’un certain niveau de vie appréciable. Mais cela ne s’est pas fait tout seul. Cela comporte également des devoirs envers ladite société. Il est vrai que lorsqu’on a vécu 20 ou 40 ans sous un régime totalement et visiblement corrompu, désorganisé, dictatorial ou inexistant, les structures européennes, pour ne prendre qu’elles, peuvent paraître étranges. Mais elles sont surtout idéalisées. Si l’on considère l’histoire humaine depuis l’Antiquité, il n’est pas un endroit sur notre planète qui n’ait autant souffert de la guerre, de la famine et des maladies que l’Europe. Depuis l’Empire Romain, les périodes de paix se sont rarement étalées sur une génération entière et les mouvements de populations ont étés nombreux et constants. Est-ce à dire que c’est le produit d’une souffrance millénaire, culminant avec la sauvagerie industrialisée de la deuxième Guerre mondiale qui a fait que, infiniment las, le dégoût absolu de la violence ait accouché à des systèmes où l’on se parle plutôt que de se tuer, cela n’est pas impossible et l’évolution est loin d’être terminée. Beaucoup d’autres endroits dans le monde on soufferts de violents séismes de nature humaine : la Révolution de 1917 en Russie, la violence systématisée et désincarnée de régimes autoritaires, la Révolution culturelle en Chine, etc….on multiplierait les exemples à l’infini. Nous ne devons jamais oublier les milliards de cadavres sur lesquels certains dirigeants assoient une soi-disant « supériorité culturelle » européenne. Tout comme l’idée de base de la mondialisation, tentant de faire disparaître l’intérêt des guerres par l’accroissement de l’interdépendance économique, l’intégration réussie de populations migrantes tient principalement au travail de ces derniers. Or, ce dernier est aussi l’une des craintes mises en avant tant par les discours xénophobes, dans les peurs réelles ou ressenties qu’ils engendrent et dans le comportement de certains migrants aussi. Les pays qui accueillent le plus de populations migrantes, dans et hors de l’UE sont
  • 35. ceux qui le font principalement pour des raisons économiques, notamment du besoin de main d’œuvre. Mais il y a également plusieurs autres raisons : repeuplement, ouverture sur le monde, capacités d’influences et conquêtes de marchés existants ou futurs ainsi qu’une chose fondamentale dans la bataille économique internationale : la culture. Cette culture faite de références historiques, d’une langue, d’habitudes de vie et de consommation est l’arme préférée des sociétés américaines depuis les années ’50, tout comme l’était la culture anglaise et celles française et italienne auparavant. La culture est l’arme économique par excellence qui engendre des codes communs et facilite la compréhension mutuelle et par là la conclusion de contrats et l’ouverture de marchés aux dépends de concurrents moins structurés. Le travail est donc l’outil par excellence au travers duquel ces cultures se mélangent et s’apprennent tout en s’influençant mutuellement. Les migrants travaillent, légalement ou illégalement. Il travaillent et apprennent. Mais en Europe, c’est à nous de comprendre ce qu’ils apprennent réellement de nous et ce que nous apprenons réellement d’eux. Certaines choses sont irréconciliables mais peuvent cohabiter, comme la religion, d’autres sont largement convergentes, notamment le travail. Ceci est vrai pour les migrants en direction des pays dits « développés », soit ceux de la zone OCDE. Mais cette constatation est également vraie pour les migrations entres pays en développement: migrations internes à l’Afrique, au sous-continent indien, à l’Amérique Latin ou à l’Asie Centrale. En effet, nombreux sont les travailleurs migrants dans les zones d’exploitation agricoles ou minières en Afrique. Les travaux de construction des infrastructures de la Coupe du Monde de football au Brésil ainsi que les prochains Jeux Olympiques ont drainé d’énormes populations d’autres pays d’Amérique Latine afin de répondre à la demande de main d’oeuvre sur les chantiers. La migration est parfois aussi interne comme en Chine (de la campagne vers les villes) ou en Russie (migrations vers l’Est). L’histoire nous montre également que les Etats Unis ou le Canada ont vécu des flux migratoires à la fois internes et externes très
  • 36. importants dans leurs histoires respectives et ont façonné la population du pays aujourd’hui, tant dans sa composition culturel et ethnique que dans sa répartition géographique. Une des questions les plus souvent débattues depuis que le statu officiel ou non de travailleur migrant existe concerne la question du regroupement familial. La Convention no143 de l’OIT (Source: http://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by- international-labour-standards/migrant-workers/lang–fr/index.htm) sur les travailleurs migrants de 1975 (dispositions revisitées de la Convention de base de 1949) prévois que les Etats qui accueillent des travailleurs migrants facilitent le regroupement familial de ces travailleurs. Ladite Convention se base notamment sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui garanti l’égalité de traitement et de chances de toute personne où qu’elle soit. Force est de constater que les disparités d’applications de ce regroupement familial entre les Etats, même Européens de l’Ouest, sont criantes. Même la Suisse a longtemps été pointée du doigt pour son système de saisonnier par des pays comme la France alors qu’aujourd’hui c’est la politique de regroupement familiale française qui est directement remise en question. Le regroupement familial est un vrai objectif, mais il doit être laissé à l’appréciation de chacun. D’un autre côté, certaines économies ne peuvent réaliser l’ensemble des conditions de regroupement familial pour tous les travailleurs migrants pour des questions de coûts et d’infrastructure. C’est un équilibre éminemment politique entre les besoins de l’économie et ce que la population et cette même économie peu supporter en terme de charges (financières, infrastructures, culturelles etc.). Pour reprendre avec l’exemple Suisse, le regroupement familial à eu un effet très bénéfique tant pour la Suisse que pour les pays d’origine des migrants. Mais ces effet bénéfiques ont eu des coûts importants qui ne sont rentabilisés que sur des termes longs, l’espace d’une génération en tout cas (25-30 ans), coûts qui ne sont
  • 37. supportés qu’indirectement par le pays d’origine (perte de main d’oeuvre) et entièrement par le pays d’accueil alors que les bénéfices sont partagés de manière différentes et parfois même inverses. Toutefois, le regroupement familial s’accélère lorsque les conditions de travail sont mauvaises dans l’une ou l’autre configuration. Dans tous les cas, le regroupement familial agit comme accélérateur du mouvement migratoire lui-même en le démultipliant par le nombre de membres de la famille et agit également comme un démultiplicateur de problèmes lorsque les conditions d’accueil ou de départ sont mauvaises car cela pousse l’ensemble d’une famille à aller chercher plus loin des conditions de travail meilleures. Réinventer le rôle historique des syndicats dans un monde globalisé Lors de la révolution industrielle, notamment en Europe et plus particulièrement en Angleterre, en France et en Allemagne, les syndicats ont étés, avec la guerre (notamment la Première Guerre Mondiale) les principaux catalyseurs d’un changement de paradigme dans le monde, cassant définitivement les grandes monarchies absolutistes des siècles précédents et remplaçant au coeur des débats, depuis les années 1900 jusqu’aux années 1950 les droits des travailleurs et leur qualité de vie. C’est une combinaison de micro-luttes et de macro-effets politiques, géostratégiques, économiques et sociaux qui ont, sans schémas préalables, conduits à la situation dont bénéficient aujourd’hui les travailleurs d’Europe occidentale et, dans une certaine mesure, du continent nord-américain. Mais une fossilisation des structures et une calcification du débat met aujourd’hui, devant les enjeux d’un monde globalisé, ces acquis sociaux en danger. Disons le clairement: s’enfermer dans une forteresse, toute barbelée qu’elle soit, afin de conserver des avantages – certains diront des privilèges – est une stratégie vouée à un échec certain à plus ou moins long terme. Seule une stratégie d’intégration ne peut être
  • 38. acceptable, à moins que nous ayons tous envie de retomber dans une sorte de Moyen Age post-industriel fait de privilèges et de passes droits divers, bâtis sur une corruption généralisée. L’intégration signifie de se remettre en question, de chercher à assimiler sans se faire phagocyter et cela est valable pour tous: migrants et locaux, où qu’ils soient dans le monde. Le travail pour les Droits réalisés par les syndicats aux niveaux sectoriels, puis nationaux et enfin internationaux ne peut pas prétendre réussir sa mission globale sans se transformer radicalement et rapidement. En effet, bon nombre de structures syndicales historiques et européennes se sont constitués des réseaux d’appuis économiques et politiques, renforcés après la chute de l’Union Soviétique qui par son financement généreux mais conditionné aux objectifs politiques dudit pays faisait couler des rivières d’argent dans les mains de responsables parfois peu scrupuleux ou parfois exaltés. Des rentes de situations se sont mises en place, des relais au sein des organisations internationales se sont transformées en agences de placements pour syndicalistes à la retraite et dans le même temps, les organisations syndicales perdent des membres et ne représentent plus les mêmes forces politiques et sociales lesquelles avance la plupart du temps en ordres dispersés. Devant la globalisation, les syndicats, organisés en structures sectorielles et nationales soit se referment sur leurs prés-carrés, soit tente de jouer la carte internationale à la manière d’ONGs de style Amnesty International ou Human Rights Watch. D’un autre côté, l’interdépendance économique entre Etats de culture et d’histoires différentes rend les syndicats prisonniers de leurs carcans sectoriels et/ou nationaux, comme le montre les protestations contre les traités d’accord de libre échange avec les Etats Unis (TTIP) ou encore les luttes syndicales contre les délocalisations d’usines ou de segments professionnels entiers. Il est donc clair que si bataille il y a pour les
  • 39. conditions de travail, elle doit s’effectuer soit très localement, soit internationalement, idéalement aux deux niveaux en même temps. En 2005, un travail de recherche des syndicats italiens lombards (Source:L.Lusenti & P.Pinardi, « Vite da Cantiere ; Nuovi schiavi e caporali a Milano e in Lombardia nel millennio della globalizzazione », ComEdit, Milano, 2005) sur le travail au noir d’immigrés (principalement d’Europe de l’Est) sur les chantiers de Milan et des agglomérations de Lombardie mettait en lumière les structures simples et efficaces d’exploitation d’une main d’œuvre qualifiée pourtant privée de droit parce qu’illégale, les intérêt des donneurs d’ordres des chantiers et les intermédiaires mafieux ou simplement criminels qui arrangeaient le passage des uns vers les autres en tirant les prix vers le bas tout en conservant des marges plus qu’honorables sur le dos des travailleurs en bout de chaîne. Dans son rapport de 2013, la CNCPT (commissions paritaires italiennes entre les syndicats et les pouvoirs publics) recensait en 2013 le chiffre de 52’046 accidents de travail en Italie, en diminution de 46% depuis 2008 et un nombre d’incidents mortels passant de 218 en 2008 à 137 en 2012. Concernant la construction de l’Expo 2015 à Milan qui se tient actuellement, un rapport secret de l’INAIL relevait que « si l’Expo s’était construite selon les règles de sécurité en vigueur dans les autres chantiers italiens, il y aurait eu au moins « 18 milles accidents dont 40 mortels et 1’700 ayant des conséquences permanentes sur les ouvriers » (Source: http://www.ilgiorno.it/milano/infortuni-cantieri-expo-1.899823) . Grace aux contrôles permanents des chantiers et aux méthodologies mises en place par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics afin d’éviter les entreprises sous-contractantes fantômes, objet préféré des « caporali » mafieux pour exploiter sans conséquences la main d’œuvre immigrée, aucun mort n’a été a déplorer sur le chantier de l’Expo. Nous relevons toutefois qu’un jeune ouvrier d’origine albanaise, Klodian Elezi, 21 ans, mort sur le chantier du périphérique de Milan juste à côté du chantier de l’Expo. Cet effort a
  • 40. été mis après plusieurs années de négociations entre partenaires sociaux pour ne pas répéter les erreurs qui avaient étés commises sur les chantiers précédents : les Olympiades de Turin en 2006, le Mondial de football de 1990 et la construction de la Fiera di Milano, à l’époque le plus grand chantier public d’Europe. Ce n’est qu’après plus de 20 ans d’expériences accumulées que syndicats, entreprises et pouvoirs publics se sont assis autour d’une table afin de fixer des règles communes contraignantes limitant voir interdisant l’accès aux chantiers des entreprises qui ne respectaient pas les conditions de travail légales pour leurs ouvriers, qu’ils soient légaux ou illégaux. Ce n’est pas par hasard que cette première prise de conscience s’est avérée dans le Nord de l’Italie. Cette zone, la plus industrialisée d’Europe et une des plus dynamique économiquement a vu son secteur de la construction bondir depuis les années 1970. Les grands chantiers se sont succédés, en employant toujours de la main d’œuvre la meilleure marché. Aux migrants du sud de l’Italie ont succédé les travailleurs migrants du Maghreb, d’Europe de l’Est et maintenant du monde entier. Les organisations criminelles se sont organisées très tôt en se plaçant comme intermédiaire obligatoire entre la main d’œuvre et les entreprises en réinstaurant un système modernisé du « caporalato » médiéval. L’argent ainsi gagné était blanchi en Suisse et dans toute l’Europe du Sud et du Nord. Les ouvriers mouraient mais personne ne s’en souciait puisqu’il n’avaient pas d’existence. Le secteur de la construction continue de porter sur soit cette malédiction du travailleur exploité. Et pour cause : il est historiquement et statistiquement un des secteur qui emploie le plus de monde possédant des qualifications faibles et où se concentrent un fort pourcentage de travailleurs migrants illégaux. Les autres secteurs sont l’agriculture, l’hôtellerie-restauration et la manufacture. L’économie domestique est également largement touchée comme secteur mais les chiffres restent en valeurs absolue beaucoup plus faibles. Etonnamment, ce
  • 41. sont également les trois secteurs (construction, hôtellerie restauration et agriculture) ou les investissements mafieux ont été les plus importants en Europe en tout cas depuis les années 1970-1975 (statistiques suisses ) (Source: Nicolas Giannakopoulos, « Criminalité organisée et corruption en Suisse », Haupt, Bern, 2001). Malheureusement, l’internationalisation des activités de protection et de représentation des droits des travailleurs reste un mythe parfois confiné aux senteurs de naphtaline de nostalgiques de l’Internationale socialiste. Tout le monde veut le bonheur de son prochain mais personne, surtout pas nous en Europe, ne voulons en payer le prix. Pourtant, les exemples européens du XXème siècle montrent qu’une amélioration très significative de la qualité et des conditions de travail est possible. Mais ce modèle est-il exportable voire même souhaitable ? Comment sortir de cette quadrature du cercle ? Comment internationaliser la protection et la représentation des droits des travailleurs, notamment migrants, dans un monde à l’économie globalisée qui exerce une constante pression sur les prix ? En mars 2015, l’ONG française SHERPA a déposé plainte en France contre l’entreprise de construction Vinci pour « travail forcé » de ses ouvriers indiens et népalais employés au Qatar (Source: http://www.asso-sherpa.org/vinci-qatar-nanterres-public-prosecutor- launches-preliminary-investigation#.VffglGazhFU) . C’est une des premières fois qu’une entreprise d’un pays se voit attaquée en justice pour une infraction relevant du Droit où est sis son siège mais qui concerne des travailleurs qui ne sont pas français et qui ont subit des faits, selon les accusations de l’ONG, hors de France. Est-ce là l’avenir du syndicalisme ? Le syndicat a été créé pour protéger les intérêts d’une corporation composée de membres cotisants. Suivant les pays, leur longue histoire leur permet de se financer de
  • 42. différentes manières : cotisations de membres, donations, mais également parfois aides directes de l’Etat (national, ou collectivités régionales ou locales) et même, dans certains cas, des entreprises elles-mêmes. Les actions des syndicats sont historiquement liées à une forme de revendication politique pour l’acquisition de Droits dans un système de décision, qu’il soit démocratique ou pas. Mais les actions d’un syndicat ont évolué vers une forme de services à ses membres et en remplissant des tâches en délégation de la puissance publique, comme la gestion de caisses de chômage ou de tribunaux de prud’hommes ou de pratiques financières comme la gestion de fonds de pensions et de caisses de retraite. Ces organisations ont également évolué en rendant de plus en plus de services particuliers aux membres, tels que de l’information, du conseil, de la médiation et surtout de l’assistance juridique. Certains syndicats proposent des permanences juridiques et mêmes des assurances de protection juridique pour les conflits liés au travail. D’autres syndicats ont évolués également vers le versant militant et dénonciateur, chasse gardée des ONGs qui dénoncent des situations inacceptables. Toutefois, en ce qui concerne les travailleurs migrants illégaux, ces structures restent difficilement accessibles : ces personnes n’ayant pas d’existence légale dans les pays où elles travaillent, elle ne peuvent bénéficier des avantages et des protections notamment consenties par la loi ce qui les rends vulnérables administrativement en plus d’être vulnérables économiquement. On voit rarement des ouvrier refuser de travailler, même dans les conditions les plus abjectes, même si ils ne sont pas payés ou trop peu, et se retourner contre leurs employeurs, sauf par des petits mouvements de révolte spontanés et limités dans l’espace et dans le temps. Du côté des consommateurs, la résilience est phénoménale. Malgré le fait que nous savons ou pouvons savoir ce qui se passe dans les champs où sont cultivés et récoltés fruits et légumes qui garnissent nos assiettes, nous continuons à en manger. D’une part
  • 43. parce que cela nous convient économiquement et d’autre part parce que la justice reste muette. Ces différentes initiatives donnent des pistes de réflexion. Pour l’instant, après plus de 10 ans de tâtonnements, les succès sont très relatifs, même dans les pays d’Europe. La crise économique de 2008 a rendu encore plus résilient les travailleurs et consommateurs dans les pays industrialisés et tirés encore plus les prix vers le bas, forçant du même coup les entreprises à s’aligner avec des concurrents utilisant des moyens illégaux. Dans les secteurs d’activité employant beaucoup de main d’oeuvre faiblement qualifiée, il s’agit d’une véritable spirale vers le bas en terme de Droits, sans parler des conditions de travail. Cette tendance lourde à des répercussions encore plus dramatiques dans les pays en développement et les pays très pauvres qui vivent notamment des rentes de leur sous-sol minier. Cette crise des prix force toutefois les organisations politiques, économiques et sociales à réinventer certains modèles de développement économiques et humains. Aujourd’hui les syndicats sont coincées dans des cadres juridiques territoriaux et ne les utilisent pas à leur avantage. C’est moins le secteur d’activité qui limite leur action, lequel est porteur et créateur d’un vrai savoir faire, d’une vraie compétence et compréhension des pratiques d’un secteur. Les cadres juridiques nationaux par contre limitent leurs actions et leurs compétences. Prenons deux exemples. Un pays où les droits syndicaux ne sont pas garantis légalement est un pays où les travailleurs ne peuvent se réunir et défendre leurs intérêts sous cette forme. Mais ces pays ont tous besoin des compétences de grandes firmes internationales qui possèdent sinon leurs sièges du moins des filiales qui sont juridiquement placées dans des pays qui autorisent ce droit, ce qui ouvre des possibilités de délocalisation des actions syndicales en faveur des travailleurs mais avec des effets plus sur le Droit privé
  • 44. contractuel que sur le droit public et parfois, comme le montre l’action de l’ONG Sherpa, sur le plan pénal également. Il est des pays, notamment dans le Golfe, qui refusent obstinément d’octroyer un droit de syndicalisation aux ouvriers migrants qui travaillent sur leur sol. Cette bataille menée par plusieurs syndicats nationaux ou internationaux (comme l’ITUC) relève, pour quiconque connaît la réalité de ces pays, d’une incompréhension de base sur l’organisation sociale, économique et culturelle de ces pays. Il est rare que des citoyens de ces pays travaillent. Il est donc vain de leur demande de se syndiquer. Par contre les travailleurs migrants sont parfois syndiqués, mais dans leurs pays respectifs, lesquels syndicats n’ont que peu ou pas de moyens ni d’intérêts à agir dans les pays où les migrants travaillent. Dans un monde globalisé où les droits sont inégaux, les syndicats doivent saisir l’opportunité de cette vague migratoire européenne pour se réformer en profondeur et retourner vers leur mission qui a fait leur succès au XXème siècle, à savoir la défense et l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des travailleurs dans le monde. Pour cela, ils doivent utiliser à leur profit les outils de cette globalisation: migrations, multinationalisation des activités économiques, internet et désincarnation d’un territoire national pour s’élever à celui de la planète. En effet, la mondialisation économique fait que des employés d’une entreprise de construction internationale (en direct ou en sous-contractance) en France ou en Allemagne sont directement impactés par les mêmes situations que le sont des employés de la même branche en Chine, en inde, en Arabie Saoudite ou au Brésil. Le marché des machines de chantier est mondialisé. Le marché du ciment est mondialisé. Le marché de l’emploi est mondialisé. Le marché des outils de chantier, des tenues de chantier, des ferrailles et des structures métalliques sont mondialisés. Il en va de même pour l’agrobusiness, pour l’hôtellerie, pour les matières premières, pour certains
  • 45. produits manufacturés, les transports, etc. Les entreprises contractantes principales sont soit des géants internationaux, soit des consortiums d’entreprises qui combattent sur des marchés internationaux. Il faut donc que les actions en faveur des travailleurs soient elles aussi mondialisées et qu’elles utilisent les possibilités à bon escient. Mais quel est ce bon escient ? Les besoins sont nombreux, parfois différents (d’ou la nécessité d’avoir des structures locales) mais ils peuvent être regroupés en quelques catégories: 1) l’information: la plupart des migrants ont une mauvaise information. Elle est transmise le plus souvent par des pairs et l’information est déformée par les filtres successifs et par des filtres internes à chaque personne suivant son degré de nécessité économique ou simplement humaine. Il faut donc de la bonne information, véridique, compréhensible et fiable a destination non seulement des travailleurs migrants mais de tous les travailleurs. 2) un statu: chaque personne possède un statu minimal sur lequel s’appuyer. les travailleurs illégaux n’ont aucun statu dans leur pays d’accueil, tous comme les migrants clandestins, ce qui en fait des cibles faciles pour toutes structures mafieuse ou ayant des desseins criminels. Par contre, même les travailleurs clandestins sont citoyens d’un certain pays. Ils ont tous un statu par le simple fait qu’ils sont des êtres humains et il y a au moins un ordre juridique minimal commun qui peut être activé pour leur reconnaître un statu. Malheureusement, ces ordres juridiques, souvent supérieurs comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est que trop difficilement activable par de simple migrants illégaux ayant des problèmes de respect de droit du travail auquel leur statu d’illégaux ne leur donne de toutes façon pas accès. Par contre, un statu permettrait à des organisations, syndicales puisque c’est leur raison d’être, d’activer des outils juridiques divers dans des juridictions territoriales différentes (à l’instant de la plainte de l’ONG Sherpa) pour des motifs divers et bien plus accessibles.
  • 46. 3) des services : dans la majeure partie des drames, il y a des lois qui ne sont pas respectées. Ces drames ne représentent qu’une infime pointe d’un immense iceberg d’abus divers et variés et de violations de lois diverses. Dans un monde globalisé, le droit est lui même soumis aux contraintes territoriales, mais le migrant ne l’est pas autant puisqu’il possède généralement un pied dans un territoire et un autre pied dans l’autre. Plus on quitte le domaine individuel pour le domaine collectif, plus la diversité des droits et réglements augmente et plus les types de besoins augmentent. Toutefois, il y a des situations qui, partant de cas individuels, bénéficient au groupe tout entier. C’est le principe même du Droit évolutif qui, pour être respecté et appliqué, à besoin de cas précis qui le définissent dans sa réalité. Si des migrants roumains illégaux travaillant sur les chantiers sans aucunes protections ni assurances sociales avaient eu la possibilité de faire valoir leurs cas devant des tribunaux dès le début des années 2000, la situation sur le plan du travail au noir serait aujourd’hui bien différente. Mais il y a également des cas ou le collectif, anonyme, profite mieux aux situations extrêmes. La plupart des migrants illégaux, exploités ou non, ne recourent pas au Droit car ils perdraient leurs emplois précaires du fait de leur mise en lumière. C’est pour éviter ces « retours de bâtons » que des actions collectives doivent être menées en jouant sur les plans internationaux du Droit afin de pouvoir éviter cette victimisation des victimes qui se traduit par une omertà totale. Les services doivent être donc très concrets et adaptés aux situations, des services professionnels, techniquement réalisables, stratégiquement réalisés et tactiquement intelligents. 4) une pression croisée: le succès des syndicats dans leur prime jeunesse tient à ce qu’il étaient capable d’organiser des pressions politiques de manière croisée en profitant des grands bouleversement du début du siècle: 1ère Guerre Mondiale, Révolution Bolchévique et installation de l’Union Soviétique, décolonisation. Le monde aujourd’hui est assez semblable à celui dans lequel les syndicats ont obtenus leurs premiers succès, mais ils conviendrait de mieux utiliser la globalisation à l’avantage des
  • 47. Droits des travailleurs que de constamment – et idéologiquement – refuser une tendance lourde qui de toute façon continuera à s’accélérer. Cela signifie notamment que la solution d’un problème dans un pays A se trouve peut être dans un pays B ou C et que c’est là qu’il conviendrait d’agir au mieux dans une optique de maximisation des ressources. Pour réaliser ces objectifs d’une amélioration drastique des conditions de travail des travailleurs dans l’ensemble du monde et ainsi réduire certaines disparités qui créent des appels de marchés, les organisations syndicales doivent se désincarner et se globaliser. Si il apparaît utile qu’elles soient organisées sectoriellement, elles doivent avoir la possibilité d’être partout et nulle part à la fois, uniquement au service d’une population de travailleurs mondiaux qui se déplacent à leur guise sur la surface de notre planète. Les syndicats sectorialisés et territorialisés sont condamnés à être toujours plus inefficaces et à devenir des pourvoyeurs de rentes de situations pour idéologues à la retraite.