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JUILLET 2016
Le bateau de tous les records
Le plus grand paquebot du monde est entré en service le 15 mai
Le règne du gigantisme
362 mètres de long, 72 de haut, 47 de large : ce sont les dimensions
de ce colosse de 227 500 tonnes conçu pour embarquer 8 800 personnes
(passagers et équipage). Situé dans la partie arrière, son aquathéâtre
(ci-contre) est prévu pour accueillir 1 410 spectateurs autour de la plus
grande et plus profonde piscine d’eau douce jamais installée sur un bateau.
Surleschantiersnavalsde
Saint-Nazaire,la construction
de l’Harmony of the Seas
a mobilisé 2 500 ouvriers
pendant trois ans et demi.
Texte Cyril Azouvi - Photos Christophe Lepetit
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U
ne Marseillaise chantée
par une cantatrice toute
de rouge vêtue, une bé-
nédiction religieuse, un
numéro de funambule,un lâcher
de milliers de papiers bleus avec
l’incontournable Happy de Phar-
rell Williams en fond musical…
Réunis dans l’impressionnant
aquathéâtre, à l’arrière de l’Har-
mony of the Seas,les ouvriers des
chantiers navals de Saint-Nazaire
célébraient, le 12 mai, au milieu
d’un parterre d’invités,la livraison
de leur bébé de 227 500 tonnes.
Son commanditaire, le croisié-
riste américain Royal Caribbean
Cruise Ltd (RCCL),qui l’exploite
aujourd’hui en Méditerranée,
compte l’envoyer dans les Ca-
raïbes dès novembre. Pour les
salariés des Chantiers de l’Atlan-
tique — ou plutôt de STX France,
le groupe coréen STX étant de-
venu actionnaire majoritaire du
site en 2008 —,c’est le point final
d’une aventure qui se chiffre en
millions d’heures de travail.Mais
pas question de souffler : le frère
jumeau de l’Harmony of the Seas
doit être livré en 2018.Sans comp-
ter les quatre autres navires pour
le concurrent MSC Croisières.
Une modernisation des
infrastructures salutaire
Et dire qu’en 2012, devant le
carnet de commandes désespé
rément vide depuis deux ans, les
ouvriers eux-mêmes réclamaient
la nationalisation du chantier
naval ! Le contrat à un milliard
d’euros signé avec RCCL en dé-
cembre 2012 est arrivé à point
nommé.Mais il n’a pas été conclu
par hasard :c’est la modernisation
des infrastructures des chantiers,
forcés de s’adapter au gigantisme
croissant des navires à construire,
qui l’a rendu possible.
L’élément clé fut la décision de
STX France de s’équiper d’un
gigantesque portique de levage.
Unique en Europe, cette grue
montée sur roues est capable de
lever des charges de 1 200 tonnes,
deux fois plus que les portiques
ancienne génération. C’est ce
TGP (très grand portique),
comme on l’appelle à Saint-
Nazaire,qui a permis d’assembler
si rapidement le mastodonte
Harmony of the Seas. K
Un navire entièrement construit en kit
Soulevée du quai par le TGP (très grand portique),
le 5 juin 2015, la timonerie (le poste de commandement
et de navigation) va être posée d’un bloc au sommet
du bateau (au fond sur la photo). Elle pèse à elle seule
350 tonnes. Avec ses 66 mètres d’une extrémité à l’autre,
c’est la partie la plus large du navire. Une trentaine
de membres d’équipage suffit à la faire fonctionner.
Un mille-feuille de ponts et de passerelles
Dans les hangars démesurés des chantiers, des plaques
de tôle sont alignées avant d’être soudées entre elles pour
constituer les planchers et plafonds de chaque pont.
Ces derniers seront ensuite posés sur le navire. L’Harmony
of the Seas compte 22 ponts, dont 18 à l’usage des
passagers, ce qui réserve à ces derniers 66 000 mètres
carrés d’espace de restauration et de divertissement.
Vue sur la mer, réelle ou virtuelle
À quai, sous d’immenses bâches tendues sur des poutrelles,
les façades des cabines sont assemblées. Le paquebot en
compte 2 747, dont certaines (comme ici) sont dotées d’un
balcon avec vue sur la mer. Et pour les 18 % de cabines
passagers sans fenêtre, des images réelles du grand large
sont projetées sur l’un des murs, captées en direct
par 9 caméras placées à l’avant ou à l’arrière du navire.
La propulsion, le nerf de la guerre
Après les premiers essais en mer (mars et avril 2016), un
ouvrier effectue des retouches d’étanchéité sur l’une des
hélices. Le paquebot en compte trois, chacune montée sur
un système orientable capable de tourner à 360°, ce qui
permet une maniabilité incomparable dans les manœuvres
de port. À pleine vitesse, il atteint 25 nœuds (46 km/h) :
c’est l’un des paquebots de croisière les plus rapides.