Nul ne peut nier la gravité des crises sociale, économique et environnementale que nous connaissons aujourd’hui. Face à ces crises, les écologistes ont un projet très concret pour mettre en place une conversion verte de l’économie, seule à même de nous sortir du marasme financier et d’installer à l’échelle européenne des politiques plus justes socialement et moins ravageuses pour la planète.
Plus d’écologie, c’est aussi plus d’emplois, plus de services d’intérêt général, plus de bien-être. Exemples et chiffres à l’appui, ce livre montre à quoi pourrait ressembler une nouvelle politique européenne, solidaire et soutenable.
Nos choix politiques sont aujourd’hui particulièrement décisifs. Et les élections européennes constituent un moment-clé pour les affirmer.
Ce livre est disponible dans les librairies et vous pouvez également le consulter intégralement et gratuitement en ligne, ici même, grâce à l’aimable autorisation de la maison d’édition Les Petits Matins.
ISBN 978-2-915-87927-8
Date de parution janvier 2007
152 p.
6. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 5
Pascal Canfin
le contrat
écologique
pour
l’europe
essai
{ L E S Pe t i t s ma ti ns}
Pr é f a c e d e Da n i e l C o h n - B e n d i t
8. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 7
neuf Préface
Par Daniel Cohn-Bendit
dix-sept Introduction
Un nouveau modèle, maintenant
vingt-cinq Chapitre 1
Le Vert pour sortir du rouge
trente-neuf Chapitre 2
Marché, capitalisme, écologie
cinquante-cinq Chapitre 3
Faire le ménage dans la finance
soixante-neuf Chapitre 4
Tirer la mondialisation vers le haut
quatre-vingt-sept Chapitre 5
Faire enfin l’Europe sociale
cent trois Chapitre 6
Faire de l’Europe un modèle
de développement soutenable
cent quinze Conclusion
L’écologie maintenant
cent vingt et un Annexes
cent quarante-deux Index
10. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 9
PRÉFACE
Par Daniel Cohn-Bendit
Daniel Cohn-Bendit est coprésident du groupe des Verts au
Parlement européen. Il conduit la liste Europe Écologie en
Île-de-France aux élections européennes de 2009.
En ce printemps marqué par une aggravation inquié-
tante de la crise économique et un rendez-vous aux
urnes donné à tous les citoyens européens, l’essai que
vous tenez dans les mains est à mes yeux particuliè-
rement important et opportun.
Important et opportun, car ce livre pose, avec
intelligence et surtout avec une clarté pédagogique
rare, les bonnes questions à un moment qui devrait
s’avérer décisif dans les choix que nous avons à faire
de survie écologique de notre planète. Pendant des
décennies, le dogme productiviste – qu’il soit libéral
ou étatiste – s’est complu à objecter le « réalisme » de
l’économie au prétendu « utopisme » de la pensée
écologiste.
Mais, depuis quelques mois, le monde s’accélère
et l’ordre des choses évolue à un point tel que nous
sommes en droit de nous demander si notre véritable
entrée dans le XXIe siècle ne serait pas en train de se
jouer sous nos yeux plutôt qu’à l’aune du soi-disant
« choc des civilisations » proclamé par certains à
la suite du 11 septembre 2001. Car nous sommes
aujourd’hui à un carrefour des crises. Un moment
neuf
11. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 10
Le contrat écologique pour l’Europe
capital où le séisme de très forte magnitude qui
ébranle l’économie mondiale vient croiser dans le
temps et dans l’espace un état de consumation
avancé de notre planète ; une maison dévorée par un
feu de deux siècles de productivisme effréné et
d’insouciance écologique presque totale.
Nous voici donc à un moment décisif ; celui où il
est encore possible de choisir, où il reste une chance
– que nous qualifierons sans mentir d’historique – de
pouvoir infléchir le cours des événements à condition
de ne pas, en raison d’un strabisme imbécile, négliger
une urgence pour une autre et se trouver in fine à
devoir payer deux fois pour la même crise. Car c’est là
une des richesses majeures du livre de Pascal Canfin
que de montrer l’impossibilité d’un règlement de la
crise économique actuelle sans engager une transfor-
mation écologique et sociale profonde de nos modes
de production et de nos modes de vie.
Bien sûr, les quatre dernières décennies ont été
jalonnées par une série de catastrophes environne-
mentales d’ampleur, mais le discours écologiste du-
rant la période continuait à résonner comme une
prophétie pour des temps assez lointains, toujours
repoussés par la promesse de nouveaux remèdes ou
la découverte de nouveaux gisements de richesses
naturelles. La prise de consciente assez récente des
conséquences quasi immédiates du changement cli-
matique à l’œuvre sous l’effet d’une progression expo-
nentielle des émissions de carbone a changé la donne.
La génération des écologistes presque vétérans
(à laquelle j’appartiens désormais) ne saurait cepen-
dant se réjouir d’avoir eu raison trop tôt, comme celle
de la relève (dont Pascal Canfin fait partie) refuse que
l’urgence économiste et les impératifs industriels
dix
12. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 11
Préface
viennent une fois de plus repousser l’enclenchement
d’une conversion radicale de nos façons de produire,
de consommer et de vivre.
La politique, telle que nous la concevons, ce n’est
pas se satisfaire de la justesse de nos raisonnements
ou de nos prévisions : c’est savoir se doter des moyens
justes et appropriés pour agir. L’action est toujours
indissociable d’une certaine forme d’exercice du
pouvoir, et une des caractéristiques majeures de la
culture écologiste en politique est de toujours conser-
ver une certaine défiance à l’égard du pouvoir, y com-
pris lorsqu’il s’agit de son propre exercice du pouvoir.
Chacun aura noté que, depuis quelques années,
d’autres formations politiques que les Verts ont com-
mencé à développer un discours et des propositions
teintés d’écologie. Si les actes et les pratiques de ces
nouveaux convertis étaient à la hauteur de leurs in-
tentions déclarées, cela entraînerait plusieurs consé-
quences. Il serait d’abord beaucoup plus facile de
dégager des majorités politiques pour engager la
grande transformation écologique de l’économie que
nous réclamons, notamment dans une période aussi
cruciale que celle que nous traversons actuellement.
Ensuite, la question de l’utilité d’une formation écolo-
giste sur l’échiquier politique – autre que celle d’assu-
mer le rôle de la mouche du coche – serait d’autant
plus légitime que nous nourrissons presque intrinsè-
quement une propension élevée à nous interroger sur
la finalité de nos actes et sur la nécessité ou non
de devoir durablement instituer notre présence en
politique.
Malheureusement, nous sommes très loin du
compte. En dépit de l’urgence écologique aujour-
d’hui comprise par une large partie de l’opinion, les
onze
13. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 12
Le contrat écologique pour l’Europe
formations classiques ont bien du mal à mettre leurs
choix politiques en conformité avec leurs bonnes ré-
solutions environnementalistes. La crise financière et
économique a bon dos, et les exemples régressifs ne
manquent pas. Illustration ? En cette fin mars, nous
débattions au Parlement européen d’un plan de sou-
tien à l’industrie automobile à l’échelle de l’Union. Au-
delà de la quasi-unanimité politique sur la nécessité
de soutenir socialement ce secteur en pleine déconfi-
ture, le groupe des Verts européens s’est retrouvé
étrangement seul lorsqu’il s’est agi d’imposer un mini-
mum de conditionnalités écologiques à un tel soutien.
Un isolement d’autant plus affligeant quand on sait les
mesures prises en la matière par la nouvelle adminis-
tration américaine peu de temps auparavant !
Mais la cécité des uns ne fait pas toujours la
prospérité des autres. C’est un fait indiscutable : la
représentation politique des écologistes en cette fin
de décennie demeure bien trop modeste pour peser à
sa juste valeur dans le débat démocratique capital qui
se joue dans toute l’Europe. Après avoir accédé à des
fonctions ministérielles dans plusieurs pays de
l’Union durant les premières années du nouveau mil-
lénaire, la plupart des partis Verts du continent ont
connu une certaine décrue électorale. Ce recul a été
particulièrement flagrant en France, notamment lors
de l’élection présidentielle de 2007. Au-delà des
explications propres au contexte politique de chaque
situation nationale, j’y vois au moins trois raisons
d’ordre plus global.
Premièrement, notre évolution électorale récente
est à rapprocher du recul idéologique et politique dans
toute l’Europe de la gauche, avec laquelle nous
avons régulièrement été associés. Dans ce contexte,
douze
14. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 13
Préface
l’alternative écologiste a eu du mal à s’incarner face à
la poussée néolibérale autant que par rapport à nos
alliés de la gauche productiviste traditionnelle.
Heureusement, il semblerait depuis quelques mois que
les temps aient commencé de changer, même si, à mon
sens, il est toujours plus sûr de compter sur ses propres
forces que sur les faiblesses de ses concurrents.
Deuxièmement, l’échelon national semble plus
que jamais mal adapté à une politique écologiste
d’envergure. Je le répète souvent : « L’écologie dans
un seul pays, ça ne marche pas. » Pas plus d’ailleurs
qu’une collection disparate et non concertée de poli-
tiques écologistes dans plusieurs États. C’est tout
l’enjeu d’un renforcement politique de l’Europe à
l’heure d’une mondialisation économique et financière
exacerbée que Pascal Canfin met en relief avec une
extrême pertinence dans les pages qui suivent.
Enfin, il y a aussi un défi interne à la grande
famille écologiste, mais dont les enjeux concernent
l’avenir de notre société dans son ensemble : l’urgence
de nous rassembler afin que la diversité qui fait notre
richesse cesse de s’étioler dans des divisions stériles
qui traduisent souvent davantage des oppositions de
personnes et des différences de parcours que des
désaccords majeurs sur les objectifs. L’écologie poli-
tique en France, comme dans bien d’autres pays
d’Europe, est née dans les années 1970 des grandes
luttes environnementales et antinucléaires, du refus
de se soumettre à une agriculture productiviste et de la
volonté d’entretenir des échanges équitables avec les
peuples et les pays du sud de la planète. Ce « mouve-
mentisme » et cet activisme écologiste demeurent le
fondement de notre culture politique aux côtés de
l’intervention et de l’expertise environnementalistes
treize
15. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 14
Le contrat écologique pour l’Europe
mises en place par des associations initialement régio-
nales ou nationales avant de devenir souvent trans-
nationales sous la forme de grandes ONG regroupant
parfois plusieurs centaines de milliers de citoyens ac-
tifs. La forme partidaire, connue sous l’appellation de
parti Vert, n’est apparue que plus tardivement, durant
les années 1980, avec les succès qu’on lui connaît et
aussi parfois, plus récemment, avec ses déboires élec-
toraux. L’erreur de certains de ces partis est, au fil du
temps, de s’être développés de manière trop « off-
shore » par rapport aux autres réalités de l’écologie
politique. En bâtissant, dans la perspective des élec-
tions européennes de juin 2009, des listes Europe
Écologie qui rassemblent l’essentiel des grandes fa-
milles de l’écologie, et même parfois au-delà, nous
avons su, je crois, faire preuve d’intelligence politique
sans renier notre diversité et nous mettre en condition
favorable pour affronter l’urgence d’une transforma-
tion profonde de notre société, confrontée à une série
de crises sans précédent.
Dans cette aventure toujours périlleuse qui
consiste à se soumettre au verdict des urnes, Pascal
Canfin est là aussi à nos côtés. Sa belle capacité dans
ses écrits à rendre intelligible et presque évidente la
complexité des choix économiques, écologiques et
politiques à mettre en œuvre aujourd’hui nous laisse
augurer du meilleur dans cet autre moment décisif.
18. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 17
INTRODUCTION
Un nouveau modèle, maintenant
Y a-t-il aujourd’hui un seul pays au monde qui puisse se
targuer de répondre aux exigences d’un développement
soutenable ? Pour répondre à cette question, consi-
dérons à la fois l’empreinte écologique et l’indicateur
de développement humain (IDH). La première mesure la
pression exercée sur l’environnement. Si celle-ci est
supérieure à la capacité de la planète à régénérer son
capital naturel, la pression exercée est insoutenable à
moyen terme. Le second mesure la qualité de l’accès aux
droits fondamentaux, comme l’éducation, la santé, l’ali-
mentation, etc. Un pays qui aurait une empreinte écolo-
gique soutenable et un IDH élevé serait un modèle
à suivre. Malheureusement, comme le montre le gra-
phique page suivante, la case du développement durable
est désespérément vide. Celui-ci reste donc à inventer.
La crise actuelle est l’occasion ou jamais de
changer de modèle. Et l’Europe est un niveau perti-
nent et incontournable pour le faire. Les États nations
ne peuvent agir que sur un territoire limité et, à l’ex-
ception des États-Unis, leur capacité d’action isolée
sur la mondialisation est faible. Ce n’est pas le cas de
l’Union européenne. Premier marché du monde1, elle
1. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le PIB de l’Union européenne
est de 14 700 milliards de dollars contre 13 800 milliards pour les États-Unis
(données exprimées en parité de pouvoir d’achat).
dix-sept
19. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 18
Le contrat écologique pour l’Europe
est l’endroit adéquat pour reprendre le contrôle de la
mondialisation et imposer des réformes ambitieuses
aux grandes multinationales (chapitre 4). C’est aussi
un levier déterminant pour transformer les politiques
publiques mondiales. L’Europe parle déjà d’une seule
voix dans les grandes négociations internationales sur
le climat ou à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC). Et les écologistes ont une vision précise de
l’agenda international que l’Union doit porter pour
changer le cours de la mondialisation (chapitre 4).
L’Europe est le bon niveau pour inventer un nou-
veau modèle, lutter contre les paradis fiscaux, protéger
nos modèles sociaux (chapitre 5) ou faire le ménage
dans le capitalisme financier (chapitre 3). Alors
pourquoi l’Union n’a-t-elle pas fait grand-chose dans
Source : Alternatives Économiques.
dix-huit
20. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 19
Introduction
ces domaines jusqu’à aujourd’hui ? La réponse est
politique et se structure autour d’un double clivage :
gauche/droite et souverainiste/fédéraliste.
L’Union européenne est gouvernée par une majo-
rité de droite. La majorité des États membres sont
à droite (voir page 126), le président de la Com-
mission, José Manuel Barroso, est de droite – il est
l’ancien leader du Parti social-démocrate (PSD)2 du
Portugal –, et la majorité du Parlement européen est à
droite. Il est logique, dans ces conditions, que les
politiques suivies jusqu’à présent par l’Union soient
d’inspiration libérale. Ce n’est pas l’Europe en tant que
telle qui est en cause, mais bien la majorité politique
qui la domine.
La gauche sociale-démocrate ferait-elle autre
chose ? Il est permis d’en douter. À la fin des années
1990, celle-ci était majoritaire en Europe. La France,
l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, notamment,
avaient des gouvernements de gauche. Qu’ont-ils fait
de différent ? Ont-ils lutté contre les paradis fiscaux ?
Harmonisé l’impôt sur les sociétés pour éviter
l’absurde et destructrice concurrence fiscale entre les
Européens ? Construit une Europe sociale ? Certes
non. Et leur responsabilité est grande car, on le sait,
l’histoire repasse rarement les plats.
Si ces États de gauche n’ont rien fait, c’est parce
qu’à côté du clivage gauche/droite, il en est un autre
qui détermine les avancées européennes : le clivage
souverainiste/fédéraliste. L’Union européenne n’est
rien d’autre que la mise en commun de ressources et
de compétences pour faire des choses ensemble. Les
traités sont là pour fixer par écrit les compétences
2. Un parti conservateur, même si son intitulé ne l’indique pas.
dix-neuf
21. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 20
Le contrat écologique pour l’Europe
que les pays acceptent de gérer de concert. Ainsi les
États européens se sont-ils entendus pour créer une
monnaie commune, avoir le même mandat de négo-
ciation à l’OMC ou encore mener une seule politique
agricole. Mais ils n’ont pas accepté d’avoir un vrai
budget unique : celui de l’Union européenne est limité
par les traités à 1,24 % du PIB européen quand le bud-
get fédéral américain est de 20 % du PIB. Ils n’ont pas
voulu non plus se doter d’un impôt unique sur le capi-
tal ou d’un siège unique au Conseil de sécurité des
Nations unies. Résultat : sur certains dossiers,
l’Europe est un nain. Alors que tout le monde
s’accorde à dire que la « relance » de l’économie doit
passer par une coordination européenne, l’Union n’a
pas de budget et pas le droit de s’endetter. Alors que
l’Europe est le bon échelon pour taxer les capitaux et
les bénéfices des sociétés, mobiles d’un pays à l’autre,
elle n’a aucun pouvoir puisque en la matière les
décisions se prennent à l’unanimité, ce qui revient à
donner un droit de veto au Royaume-Uni ou au
Luxembourg, qui bloque de fait toute avancée. Enfin,
tant que l’Europe ne parlera pas d’une seule voix sur
les grands problèmes géopolitiques, sa capacité
d’influence sur la paix mondiale sera limitée.
Or, si les partis sociaux-démocrates ont, avec les
chrétiens-démocrates, porté jusque dans les années
1990 les grandes réformes d’inspiration fédéraliste,
dont la dernière en date est l’euro, ils ont, depuis, très
largement perdu cette vision pour se recentrer sur les
intérêts nationaux de court terme. Ni Tony Blair, ni
Lionel Jospin, ni Gerhard Schröder n’étaient suffi-
samment fédéralistes pour trouver l’énergie des
grands compromis qui ont fait avancer l’Europe.
Quant à la « gauche de la gauche », en France comme
vingt
22. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 21
Introduction
en Allemagne, elle reste largement souverainiste et
place surtout son espace politique dans le champ
national. De plus, elle est incapable de construire des
alliances majoritaires pour transformer les politiques
publiques. Et dans un Parlement européen élu au
scrutin proportionnel, et où aucune force politique n’a
la majorité seule, cette incapacité est un frein au
changement.
L’Europe aborde donc les crises économiques et
écologiques en ordre dispersé et dotée d’une majorité
politique élue sur une idéologie libérale dont les im-
passes sont maintenant clairement établies. Elle doit
changer, et les élections européennes sont la pre-
mière étape de ce changement.
Celui-ci passe par une nouvelle majorité au
Parlement européen, à la fois antilibérale et d’inspi-
ration fédéraliste, pour faire avancer l’Europe sur de
nouveaux chantiers, comme l’indispensable lutte
contre les paradis fiscaux ou la concurrence fiscale.
Cette ligne politique, dans tous les pays européens, ce
sont les listes écologistes qui l’incarnent le mieux. La
gauche de la gauche est certes antilibérale. Mais une
partie d’entre elle est aussi antieuropéenne : aux jour-
nées d’été de la LCR (devenue, début 2009, le NPA),
en 2008, on pouvait lire partout des pancartes « Non
au capitalisme, non à l’Europe ». C’est une gauche qui
renonce à utiliser le bon outil pour changer le sys-
tème. Et mène donc un combat stérile. Les sociaux-
démocrates, comme le PS en France, ne sont ni
antilibéraux ni fédéralistes. Lorsqu’ils ont eu le pou-
voir, ils n’en ont rien fait. Quant au Modem, il souffre
d’une terrible contradiction : il est certes d’inspiration
fédéraliste, dans la lignée des partis chrétiens-
démocrates européens, mais ses élus siègent avec les
vingt et un
23. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 22
Le contrat écologique pour l’Europe
libéraux au Parlement européen. Ainsi, même si les
élus français de ce parti étaient déterminés à lutter
contre le libéralisme, ils seraient en permanence mis
en minorité au sein de leur groupe politique européen.
Une contradiction qui mine l’utilité du vote Modem
pour transformer l’Europe.
À l’inverse, les écologistes de toute l’Europe sont
réunis au sein d’un même parti, le Parti vert européen,
qui a voté en mars 2009 un programme unique porté
par l’ensemble des partis Verts nationaux, et siègent
au sein du même groupe politique au Parlement euro-
péen, le groupe Verts Alliance libre européenne. Ils
disposent aujourd’hui de 42 sièges et constituent le
cinquième groupe politique au Parlement (voir
page 131). Leur influence est donc loin d’être négli-
geable, mais elle est encore insuffisante. Or, il nous
reste peu de temps pour inventer le modèle soute-
nable dont nous avons besoin. Selon le président du
Groupement international d’études sur le climat
(Giec), qui coordonne les recherches sur l’évolution
du changement climatique et a obtenu le prix Nobel
de la paix en 2007, il nous reste sept ans pour mettre
en place les mesures qui nous permettront de diviser
par deux nos émissions de gaz à effet de serre en
2050 au niveau mondial. Si nous n’y parvenons pas,
alors l’augmentation de la température moyenne de la
planète sera supérieure à + 2 °C par rapport au
e
XX siècle. Or, + 2 °C, c’est le seuil jugé critique par les
climatologues. En deçà, le changement climatique
aura des conséquences dramatiques mais contrô-
lables. Au-delà, il sera incontrôlable, et le pire devien-
dra réellement possible. L’Europe ne peut agir seule
dans ce combat, mais elle a un rôle capital à jouer. Et le
Parlement européen qui sortira des urnes le 7 juin aura
vingt-deux
24. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 23
Introduction
une grande part de responsabilité. La place des écolo-
gistes doit donc y être la plus importante possible. En
France (comme en Allemagne, par exemple), les écolo-
gistes se présentent rassemblés dans une dynamique
collective. Avec Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly, José
Bové, avec d’anciens responsables de grandes asso-
ciations comme Greenpeace ou France Nature
Environnement, avec des proches de Nicolas Hulot, la
liste Europe Écologie constitue une équipe de choc.
Qui mieux que José Bové pourra porter au Parlement
européen le combat pour une autre politique agricole
et pour le respect du droit à la souveraineté alimen-
taire au Sud ? Qui mieux qu’Eva Joly pourra porter le
combat contre les paradis fiscaux et la corruption ? En
Allemagne, Sven Giegold, le cofondateur d’Attac, et
Barbara Lochbihler, l’ancienne secrétaire générale
d’Amnesty International, sont engagés en position éli-
gible sur les listes des Grünen (le parti Vert) pour dé-
fendre une réforme radicale de notre modèle
économique, insoutenable pour les hommes comme
pour la planète.
Avec des écologistes forts, nous pouvons inven-
ter le nouveau modèle dont nous avons tant besoin.
Le 7 juin, ne ratons pas le rendez-vous.
28. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 27
Revenons au graphique présenté en introduction.
Que signifie-t-il ? Que nous devons impérativement
réduire notre empreinte écologique si nous voulons
laisser un futur viable à nos enfants – voire à nous-
mêmes. Car les dérèglements climatiques ont déjà
commencé à produire leurs effets négatifs. La cani-
cule de 2003 a tué 15 000 personnes en France et
70 000 en Europe, principalement des personnes
âgées que l’on a laissé mourir de chaud et de soif.
Il nous reste au maximum sept ans pour inverser
la courbe mondiale du CO2 afin d’avoir une chance de
limiter les dégâts du réchauffement : résoudre la crise
climatique est donc tout aussi urgent que résoudre la
crise sociale. La vraie question est donc de savoir s’il
existe un chemin pour transformer la solution au pro-
blème climatique en solution au problème social. Si la
réponse était négative, nous serions en très grande
difficulté. Heureusement, elle est positive. Mais en-
core faut-il faire les bons choix. L’élection de Barack
Obama aux États-Unis montre qu’un pays peut chan-
ger. Le 7 juin, l’Europe devra à son tour se doter d’une
nouvelle majorité.
Plus d’écologie, c’est plus d’emplois
Quels sont les secteurs les plus émetteurs de gaz à
effet de serre ? Les transports, l’énergie, l’industrie, le
bâtiment et l’agriculture. Or, toutes les études3 montrent
3. Voir Eva Sas, « La Conversion écologique de l’économie : quel impact
sur l’emploi ? », Cosmopolitiques, n° 13, juillet 2006.
vingt-sept
29. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 28
Le contrat écologique pour l’Europe
que diminuer leurs émissions de CO2 conduit à créer
bien plus d’emplois que les laisser continuer à fonc-
tionner comme aujourd’hui. Les mesures pour isoler
les 17 millions de logements qui, en France, ne sont
pas aux normes thermiques créeraient 120 000 em-
plois sur l’ensemble des territoires pendant plus de
vingt ans. Un chiffre évalué par la Commission euro-
péenne à un million en Europe (voir page 138). Par
ailleurs, la France s’est engagée, dans le cadre du pa-
quet Énergie-Climat européen (voir chapitre 6), à pro-
duire 23 % de son énergie à partir de ressources
renouvelables comme le solaire et l’éolien. Selon une
étude européenne, le fait de passer de la situation
actuelle (10,3 %) à 23 % permettrait de créer plus de
240 000 emplois en France, selon le Syndicat des
énergies renouvelables. Pourquoi ? Parce que l’inten-
sité en emplois des énergies renouvelables et de l’ef-
ficacité énergétique est nettement supérieure à celle
des modes de production énergétique dominants,
comme le pétrole, le gaz ou le nucléaire. Selon une
étude publiée en décembre 2008 par un laboratoire
du Centre national de la recherche scientifique
(CNRS), il faut seize emplois dans l’isolation des bâti-
ments pour générer un million d’euros de chiffre
d’affaires, quand le même million d’euros dans le raf-
finage de pétrole n’en crée que trois.
Dans l’agriculture, si nous passions de 2 % de la
surface agricole cultivée en bio à 9 %, comme en
Autriche, le meilleur de la classe européenne, nous
pourrions créer 90 000 emplois4. Et il n’y a aucune
raison de s’arrêter à 9 %. Si nous allions jusqu’à 15 %,
4. Source : Fédération nationale d’agriculture biologique des régions
de France (Fnab).
vingt-huit
30. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 29
Le Vert pour sortir du rouge
nous pourrions créer environ 150 000 emplois. Au
total, ce sont 10 millions d’emplois verts non déloca-
lisables que l’on peut créer en Europe, en y incluant
le développement des emplois de service aux per-
sonnes. Soit entre 500 000 et 1 million en France
(voir le détail du chiffrage page 138).
Les créations d’emplois ne sont que l’un des as-
pects positifs de la mécanique vertueuse de la
conversion écologique des principaux secteurs émet-
teurs de CO2. L’isolation des logements, par exemple,
permet de réduire la facture énergétique des ménages
de 80 %, soit plusieurs centaines d’euros par an. Pour
que ces travaux puissent être profitables tout de suite
et que les économies soient immédiates, leur coût doit
être pris en charge partiellement ou totalement en
fonction des revenus des foyers concernés. Ce qui re-
présente une somme pour l’État français comprise
entre 5 et 7 milliards d’euros par an. Un investisse-
ment qui crée des emplois et améliore le pouvoir
d’achat. Une partie de l’investissement est donc récu-
pérée immédiatement par l’État en cotisations supplé-
mentaires qui vont financer la protection sociale, et
en impôt sur les sociétés des entreprises du bâtiment.
Par ailleurs, diminuer la facture de chauffage de
200 euros pour un ménage, c’est diminuer la de-
mande en électricité nucléaire, en gaz ou en fuel im-
portés. Ces 200 euros dépensés sont aujourd’hui très
peu créateurs d’emplois en France, soit parce qu’ils
portent sur une technologie très capitalistique, fai-
sant appel à peu de travail par kilowattheure produit
(le nucléaire), soit parce que l’énergie est importée
(par exemple de Russie, dans le cas du gaz). Il est
donc fort probable que cet argent économisé sera
dépensé dans des secteurs plus intensifs en emplois
vingt-neuf
31. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 30
Le contrat écologique pour l’Europe
que le secteur énergétique. L’effet positif sur l’emploi
en France sera donc amplifié.
Dernier élément du cercle vertueux qui peut s’en-
clencher : la diminution du déficit commercial et la relo-
calisation de la valeur ajoutée. En 2008, la facture
énergétique (gaz, charbon et pétrole) a coûté à la France
près de 60 milliards d’euros, soit 85 % du montant total
du déficit commercial. Dit autrement : nous avons collec-
tivement envoyé 60 milliards d’euros vers le Qatar,
l’Arabie Saoudite, la Russie ou encore le Venezuela,
et dans les caisses de Total et des autres majors. Investir
dans l’efficacité énergétique des logements, remplacer
des voitures gourmandes en carburant par des trans-
ports collectifs dont l’électricité est fournie par des
éoliennes ou des panneaux solaires implantés locale-
ment revient à conserver en France une partie de cette
somme. Et à garder chez nous la valeur ajoutée pour
qu’elle crée des emplois ici au lieu de financer des ré-
gimes très peu démocratiques ou des fonds souverains
qui prennent le contrôle de nos entreprises. La conver-
sion écologique de l’économie est donc également un
enjeu d’indépendance géopolitique. Les montants en jeu
ne sont pas négligeables : 45 milliards en 2007, 60 mil-
liards en 2008. Et combien lorsque le prix du baril sera
structurellement au-delà des 120 dollars ? Rappelons
que le plan de relance de Nicolas Sarkozy est évalué au
mieux à 26 milliards d’euros de crédits, qui seront en fait
étalés sur plus d’un an. Garder chez nous un tiers de la
facture énergétique payée en 2008 grâce aux inves-
tissements dans l’isolation des bâtiments, l’efficacité
énergétique de nos industries, les voitures moins
polluantes, etc., c’est presque l’équivalent d’un « plan de
relance » par an ! De quoi booster notre économie tout
en diminuant notre empreinte écologique.
trente
32. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 31
Le Vert pour sortir du rouge
Plus d’écologie, c’est donc plus d’emplois, tout de
suite et de manière pérenne. Cette conclusion est es-
sentielle car elle permet de résoudre une contradic-
tion qu’il y a en chacun de nous. Quand les instituts de
sondage demandent aux Français ce qui est important
pour eux à court terme, les priorités sont l’emploi et le
pouvoir d’achat. Quand on leur demande ce qui les in-
quiète le plus dans les cinquante prochaines années,
ils répondent : le changement climatique et l’augmen-
tation du prix des matières premières, notamment du
pétrole5.
Pouvoir démontrer que la réponse aux angoisses
à long terme des citoyens est aussi la réponse à leurs
problèmes immédiats est un facteur important de
changement social. D’ailleurs, cette idée est presque
majoritaire aujourd’hui : 47 % des Français pensent
qu’il ne faut pas faire passer la crise environnemen-
tale au second plan, même en période de crise écono-
mique, mais qu’il faut traiter les deux en même temps ;
seuls 14 % pensent qu’elle est secondaire, et 38 % im-
portante mais non prioritaire6. Ce sont donc bien les
hommes politiques qui sont en retard sur la société.
Les élections de juin 2009 peuvent contribuer à les
remettre à niveau. Car un bon résultat des écologistes
aurait pour effet non seulement d’envoyer un maxi-
mum de députés au Parlement européen pour mener
d’autres politiques en Europe, mais aussi de faire
pression sur le gouvernement français pour que son
plan de relance s’inspire beaucoup plus des engage-
ments du Grenelle que ce n’est le cas aujourd’hui.
Malgré leurs insuffisances, les mesures issues des
5. Source : institut CSA, 2008.
6. Source : institut CSA, janvier 2009.
trente et un
33. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 32
Le contrat écologique pour l’Europe
discussions menées avec les ONG pendant l’été 2007
constituaient une feuille de route pour engager la
conversion écologique de notre économie et un grand
plan de relance verte. Mais, au lieu de déclarer
l’urgence sur ce texte, le gouvernement ne l’a toujours
pas fait voter par le Parlement plus d’un an et demi
après les conclusions des groupes de travail du
Grenelle. Et s’il est voté un jour, ce sera un texte édul-
coré sous la pression des lobbies industriels, chi-
miques, automobiles, de l’agroalimentaire, etc., qui
prétendent tous faire du développement durable mais
qui, en coulisses, font tout pour que rien ne change.
Du plan de relance aux contrats de conversion écologique
Ce qui est devant nous ne peut être une simple
relance de l’économie. Compte tenu de la crise clima-
tique, l’idée que l’on pourrait conserver les mêmes
modes de production qu’au XXe siècle est absurde. La
crise est donc le moment ou jamais de s’interroger
sur notre mode de développement, sur le sens du
« toujours plus », et d’investir massivement dans de
nouvelles façons de produire, plus économes et plus
utiles socialement. Malheureusement, les plans de
relance européens passent très largement à côté de
cet enjeu. En France, le plan prévoit 300 millions
d’euros de crédits pour isoler les bâtiments publics,
quand le Grenelle de l’environnement a évalué à
26 milliards le coût total de l’opération ! Les crédits
portent donc sur un centième de la somme néces-
saire. Dans le domaine des transports, 400 millions
d’euros vont financer la route et seulement 300 mil-
lions le rail. Par ailleurs, le plan de relance ne fait
preuve d’aucune vision d’ensemble : les mille projets
annoncés partent dans tous les sens, et l’on finance
trente-deux
34. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 33
Le Vert pour sortir du rouge
un aéroport par ici, une autoroute par là et une ligne
à grande vitesse à côté !
À la place de ce plan fourre-tout qui ne prépare
pas l’avenir, nous proposons des contrats de conver-
sion écologique des grands secteurs industriels dont
l’impact sur l’environnement est important. Détaillons
à titre d’exemple le contrat de conversion de l’indus-
trie automobile européenne. Celle-ci doit faire face à
une double tendance : quand la conjoncture écono-
mique est bonne, le prix du pétrole est élevé, ce qui
renchérit le coût d’usage de la voiture. Et quand la
conjoncture est mauvaise, comme en ce moment, le
véhicule neuf devient un achat que l’on repousse au
maximum. La situation favorable que l’on a connue
dans les années 1990 – une croissance forte avec un
pétrole faible – est sans doute pour toujours derrière
nous. Mais les constructeurs ont agi comme si demain
devait être comme avant. En faisant par exemple un
lobbying forcené pour que la norme européenne sur la
limitation des émissions de CO2 par kilomètre, adop-
tée en décembre 2008, soit la plus faible possible.
Cette posture est d’autant plus scandaleuse que les
constructeurs ne cessent de communiquer dans leurs
publicités sur leur conversion à l’écologie, et qu’ils
s’étaient engagés en 1994 à atteindre un objectif de
manière volontaire – promesse qu’ils n’ont pas tenue7.
Leur responsabilité étant écrasante, il n’est pas envi-
sageable de leur donner de l’argent public sans
contrepartie. Cette contrepartie, c’est un contrat de
conversion écologique reposant sur trois piliers :
technique, sociétal et social.
7. L’objectif volontaire de 1994 était d’atteindre 140 g de CO2 par km en 2008.
Or, la moyenne des émissions constatées en 2008 était de 160 g.
trente-trois
35. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 34
Le contrat écologique pour l’Europe
Technique, tout d’abord, car il faut rapidement in-
venter le véhicule de demain. Nous proposons que l’ar-
gent public soit utilisé avec comme objectif de produire
en masse dans les trois ans un véhicule émettant
80 grammes de CO2 maximum (contre environ 160 ac-
tuellement). Pour être pleinement efficace, cette re-
cherche doit se faire au niveau européen. Les
constructeurs et leurs équipementiers qui se seront
associés à la recherche auront le droit d’utiliser le bre-
vet qui en sortira. Il s’agit à la fois de mettre toutes les
compétences disponibles autour de la table et d’éviter
qu’un brevet déposé par un constructeur empêche les
autres d’accéder à la technologie (voir page 52). Mais
ce soutien public à la recherche doit également être lié
à la baisse immédiate des émissions de CO2 avec les
moyens existants. Ainsi, le bridage des moteurs
– par exemple à 150 kilomètres/heure –, qui permet
de diminuer la consommation de carburant même à
50 kilomètres/heure en ville, doit être une des condi-
tions au financement européen.
Le contrat de conversion de l’automobile est égale-
ment sociétal. Car si le progrès technique est indispen-
sable pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre,
il ne peut rien contre ce que les économistes appellent
« l’effet rebond » : si chacun dispose d’une voiture qui
émet deux fois moins de CO2 par kilomètre parcouru
mais parcourt deux fois plus de kilomètres, le résultat
global est nul. C’est pourquoi il faut aborder la question
de la mobilité en général, de façon à réduire à la fois les
émissions par kilomètre et le nombre de kilomètres par-
courus. La partie sociétale du contrat de conversion mo-
bilise des compétences bien plus larges que celles des
entreprises de la filière automobile : il s’agira d’associer
l’ensemble des fournisseurs de mobilité, des fabricants
trente-quatre
36. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 35
Le Vert pour sortir du rouge
de transports ferrés, des sociologues, des urbanistes,
etc. pour diminuer concrètement à court et à moyen
termes les distances à parcourir en voiture.
Enfin, et ce n’est pas la moindre dimension, le
troisième pilier du contrat est social. Les salariés ne
sont pas responsables de la crise de leur industrie.
Pour autant, ce serait un mauvais service à leur
rendre que de leur dire qu’ils continueront à fabriquer
autant de voitures qu’aujourd’hui dans cinq ou dix
ans. Nous proposons donc d’instaurer une sécurité
sociale professionnelle pour les salariés en reconver-
sion : pendant trois ans maximum, ils conserveront
l’intégralité de leur rémunération initiale, le temps de
se former à un nouveau métier, dans la filière auto-
mobile ou dans une autre, comme consultants en mo-
bilité douce, conducteurs de transports collectifs,
fabricants de tramways, coordinateurs de services
d’autopartage, formateurs en écoconduite, fabricants
d’éoliennes, artisans dans l’isolation des bâtiments,
voire agriculteurs bios pour ceux qui auraient envie de
changer de vie ! Comme nous l’avons vu, la conversion
écologique de l’économie peut créer plusieurs cen-
taines de milliers d’emplois exigeant de nouvelles
compétences. Il serait absurde de ne pas utiliser
celles acquises par les salariés de l’automobile pour
les mettre au service de ces nouvelles filières. Cette
conversion a d’ailleurs déjà commencé, mais elle doit
changer d’échelle. L’usine Ford de Blanquefort, près
de Bordeaux, a été rachetée en février 2009 par un
groupe allemand qui va y fabriquer des pièces
d’éoliennes. 1 600 emplois qui étaient menacés de
disparaître sont ainsi sauvés grâce au développement
des énergies renouvelables.
trente-cinq
37. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 36
Le contrat écologique pour l’Europe
Le rôle de l’Europe
Pour répondre à la crise et engager la conversion
écologique de notre économie, l’Europe est un échelon-
clé. En matière de recherche et d’innovation, il serait
infiniment plus intelligent et efficace de mettre en com-
mun nos forces pour inventer les procédés dont nous
aurons besoin demain, dans un contexte de pétrole
cher et de contrainte climatique, que de continuer à
nous livrer une guerre économique sans merci. Seule
l’Europe peut piloter cette mise en commun. Et ce n’est
pas utopique : la Commission européenne finance déjà
des programmes de recherche pour diminuer de 30 %
les émissions de CO2 par tonne d’acier produite ; elle a
mis pour cela tous les sidérurgistes européens autour
de la même table8. En ce qui concerne l’automobile, l’en-
jeu n’est pas de savoir qui de Fiat, Renault, Volkswagen
ou Siemens et Alsthom va inventer le moteur de de-
main, mais bien que ce moteur soit disponible rapide-
ment et qu’il puisse être utilisé par tous. Nous avons
donc besoin de coopération au travers de projets finan-
cés en commun par la Commission européenne, et non
de compétition entre nos champions nationaux.
L’Europe est également le bon niveau pour déve-
lopper de nouvelles infrastructures, comme les auto-
routes de la mer, qui permettront de transporter les
conteneurs aujourd’hui présents sur nos autoroutes.
Ou les lignes à grande vitesse transeuropéennes, qui
vont nous permettre de nous passer de l’avion à
moyenne échéance, et de réserver ce moyen de
transport – qui redeviendra très cher en raison de
l’augmentation du prix du pétrole – à des usages à
forte valeur ajoutée, comme c’était le cas il y a encore
8. Programme Ulcos. Voir www.ulcos.org.
trente-six
38. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 37
Le Vert pour sortir du rouge
une cinquantaine d’années. Ces réseaux maritimes
ou terrestres doivent être conçus dès le début dans
un cadre européen. Ces grands travaux seront à la
fois créateurs d’emplois et réducteurs d’empreinte
écologique.
Mais comment les financer ? C’est une question
centrale au niveau européen que celle d’accroître la
capacité d’intervention de l’Union en tant que telle.
Aujourd’hui, l’Europe est doublement limitée : les trai-
tés européens lui interdisent de s’endetter et limitent
son budget à 1,24 % du PIB européen, budget qui doit
être en permanence à l’équilibre. Cette contrainte est
le résultat de réflexes souverainistes qu’il est mainte-
nant temps de dépasser. Nous voulons que la France
propose à ses principaux partenaires de mettre en
commun jusqu’à 5 % du PIB européen, soit cinq fois
plus qu’aujourd’hui, pour mener ensemble des pro-
jets d’utilité européenne. Cela représente environ
460 milliards d’euros supplémentaires9. Ils provien-
dront pour une part de la remontée au niveau euro-
péen de recettes actuellement utilisées au plan
national. Mais, dans leur majorité, il s’agira de fonds
collectés par la création d’impôts directement euro-
péens sur les flux financiers, les paradis fiscaux, les
transactions boursières, etc. Les recettes potentielles
issues de la fermeture des paradis fiscaux sont éva-
luées autour de 200 milliards d’euros.
Si l’augmentation du budget européen via de
nouvelles recettes ne suffit pas, nous voulons que
l’Union puisse s’endetter pour financer les grands tra-
vaux d’investissement qui assureront la conversion
écologique de notre économie.
9. Le budget 2009 de l’Union européenne est de 116 milliards d’euros.
trente-sept
39. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 38
Le contrat écologique pour l’Europe
La crise actuelle peut devenir une chance si l’on
parvient à saisir les deux opportunités qui s’offrent à
nous : profiter du retour de l’investissement public
pour financer la conversion de notre économie, parti-
culièrement de nos industries, et profiter du fait que
les États sont impuissants à régler seuls cette crise
mondiale pour aller vers plus de mise en commun au
niveau européen. Ce serait une sortie par le haut.
Mais, si le pire n’est jamais sûr, le meilleur, malheureu-
sement, non plus. Il se peut aussi que l’argent public
que l’on met aujourd’hui dans les plans de relance ne
serve en rien à préparer l’avenir. Et que les États se
replient sur eux-mêmes en préférant lutter chacun
de leur côté contre la crise. Même s’il n’est pas le seul,
le 7 juin 2009 sera un moment décisif pour décider de
prendre la sortie par le haut ou de choisir le chemin
de la division et de l’impuissance. Un Parlement
européen plus écologiste et plus fédéraliste est la
meilleure garantie pour l’avenir.
42. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 41
Alors que le débat sur l’avenir du capitalisme resurgit
avec la crise, les écologistes ont une vision originale à
faire valoir : une économie plurielle qui utilise au mieux
les avantages de l’économie publique, d’un marché
responsable et de l’économie sociale et solidaire.
De quoi cette crise est-elle la crise ?
La crise actuelle n’est pas seulement d’origine
financière, au sens où la réponse pourrait consister
seulement en quelques nouvelles règles sur les mar-
chés financiers. Elle ne provient pas des dysfonction-
nements du système mais du fonctionnement du
système lui-même. Ce ne sont pas des dérives aux-
quelles il faut mettre fin, mais une matrice entière qu’il
faut remettre en cause. Cette matrice est à la fois
libérale, productiviste et inégalitaire.
Libérale car, depuis la fin des années 1970,
l’idéologie dominante considère que la société
entière doit se transformer en un vaste marché.
Suppression des services publics au nom de la
concurrence, ouverture toujours plus grande des
frontières au nom du libre-échange, retrait de l’État
de la création monétaire au bénéfice des banques
privées et des marchés financiers, développement
des retraites par capitalisation au détriment des ré-
gimes par répartition, flexibilisation des contrats de
travail au nom du bon fonctionnement du marché de
l’emploi… La liste est longue des politiques menées
en Europe aussi bien par la droite que par la gauche
social-démocrate depuis les années 1980 pour
quarante et un
43. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 42
Le contrat écologique pour l’Europe
rendre nos sociétés conformes à l’idéologie libérale
de la société de marché.
Productiviste, car la finalité de notre économie
n’est pas le bien-être des personnes, mais le plus
haut niveau de production possible. Il s’agit bien de
faire croître toujours plus le produit intérieur brut
sans s’interroger sur ses conséquences (positives
comme négatives) en termes de bien-être, ni sur les
dégâts causés aux hommes et à la planète. Or, on le
sait maintenant : dans nos pays riches, plus de PIB ne
veut plus dire plus de bien-être et de qualité de vie.
Aux États-Unis, par exemple, le PIB a plus que dou-
blé depuis 1970, alors que l’indice qui mesure le bien-
être de la population a diminué de moitié sous l’effet
du développement de la précarité, du phénomène des
travailleurs pauvres, du renoncement croissant aux
soins, etc. En France, entre 1980 et 2003, le PIB a
augmenté de 46 % alors que l’indice de bien-être éco-
nomique n’a crû que de 25 % et diminue même depuis
2001. Quant à la pression que l’on exerce sur l’envi-
ronnement, on sait aussi qu’elle est insoutenable.
L’empreinte écologique compare la capacité de la
terre à renouveler les services écologiques qu’elle
fournit (sa biocapacité) et la ponction que l’on pré-
lève chaque année. Or, cette empreinte a dépassé
depuis le milieu des années 1980 la biocapacité de la
Terre. Ce qui se traduit concrètement par la dispa-
rition progressive des poissons, le changement cli-
matique, lié au fait que l’on émet plus de CO2 que la
planète n’est capable d’en absorber naturellement,
ou encore par ce que les scientifiques appellent la
« sixième extinction des espèces », c’est-à-dire la
diminution dramatique du nombre d’espèces vivant
sur la Terre.
quarante-deux
44. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 43
Marché, capitalisme, écologie
Enfin, la matrice est inégalitaire. Aux États-Unis,
d’où est partie la crise, les inégalités sont revenues à
leur niveau d’avant 1929. En France, selon les travaux
de l’économiste Camille Landais, les inégalités de re-
venu, qui étaient restées stables jusqu’en 1998, sont
reparties à la hausse sous le double effet de l’explo-
sion des très hautes rémunérations et des diminutions
d’impôts pour les plus riches (baisse des tranches
supérieures de l’impôt sur le revenu, diminution de
l’impôt sur la fortune, baisse des droits de succes-
sions, bouclier fiscal…).
Les trois dimensions de la matrice sont liées :
plus un système est libéral, plus il est inégalitaire et
plus il est productiviste. Selon les travaux de l’ONU, le
scénario de développement de l’économie mondiale le
plus libéral dans les vingt prochaines années est aussi
le plus émetteur de CO2 et le plus prédateur pour les
ressources de la planète10. Et les pays où le taux d’im-
position total est le plus faible sont les pays les plus
inégalitaires. Le coefficient d’inégalités aux États-
Unis (coefficient de Gini) est ainsi presque égal à ce-
lui du Burkina Faso, alors que le PIB par habitant y
est quarante fois plus élevé. Enfin, plus un pays est
inégalitaire, plus il faut produire pour que les plus
pauvres aient un peu. Les inégalités ne sont pas
bonnes non plus pour l’état de la planète.
Le temps est donc venu de changer de modèle.
D’aller vers un mode de développement moins libéral,
où le marché n’est pas considéré comme autorégula-
teur ; moins productiviste, où la finalité de la crois-
sance pour la croissance est remplacée par un double
10. Rapport GEO-4 du Programme des Nations unies pour
l’environnement, 2007.
quarante-trois
45. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 44
Le contrat écologique pour l’Europe
objectif d’amélioration de la qualité de vie et de dé-
croissance de l’empreinte écologique ; et moins inéga-
litaire, dans lequel sont définis un revenu maximum et
un revenu minimum, et où les politiques fiscales re-
distributives retrouvent la place qu’elles ont perdue
ces trente dernières années.
Sortir du capitalisme ?
Si l’on veut vraiment apporter une réponse qui
dépasse les simples slogans, il faut d’abord définir les
termes. Le capitalisme est le système économique
dans lequel l’initiative privée a pour objectif l’accumu-
lation d’un profit sans cesse croissant, et dont les
moyens de production (les entreprises) sont la pro-
priété des détenteurs des capitaux. Une économie pu-
rement capitaliste n’existe pas et n’a jamais existé. En
Europe, aujourd’hui, plus de 10 % des emplois relèvent
de l’économie sociale et solidaire, dans laquelle le
contrôle du capital ne donne pas le pouvoir, et dont la
finalité n’est pas le profit. Les mutuelles de santé, les
maisons de retraite associatives, les entreprises de
commerce équitable, la chaîne de moyennes surfaces
bios Biocoop, le journal Alternatives Économiques, en
France, ne fonctionnent pas sur un mode capitaliste.
En Suisse, les deux principales chaînes de distribu-
tion, qui pèsent plus de 70 % de parts de marché, sont
organisées en coopératives. En Italie, on compte plus
de sept mille entreprises organisées sous forme de
« coopératives sociales ». Par ailleurs, de nombreux
secteurs d’activité relèvent de l’économie publique ou
d’une économie qui fait cohabiter des entreprises ca-
pitalistes, des services publics et l’économie sociale
et solidaire selon des modèles encore largement
spécifiques à chaque État : l’éducation, la santé, la
quarante-quatre
46. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 45
Marché, capitalisme, écologie
culture, les services aux personnes, la distribution de
l’eau, de l’énergie, les médias, etc., ne sont, dans au-
cun État européen, des secteurs pleinement capita-
listes. Dire que nos économies sont des économies
capitalistes est donc réducteur. Ce sont clairement
des économies à système capitaliste, mais pas uni-
quement.
Il faut également distinguer le capitalisme du mar-
ché. Celui-ci est un espace organisé et normé où se
rencontrent une offre et une demande. Les entreprises
publiques et les entreprises de l’économie sociale et
solidaire sont sur le marché, mais elles ne sont pas ca-
pitalistes. Pour les libéraux, le marché est un espace
autorégulateur s’il est livré à lui-même. Mais cette vi-
sion est un mythe. Car le marché n’est en aucun cas un
espace spontané. C’est une construction sociale où les
normes publiques jouent un rôle essentiel. Par ailleurs,
jusqu’à 50 % de la demande économique (dans les
pays scandinaves) passe par les pouvoirs publics au
travers de l’impôt ou des cotisations sociales. Même au
Royaume-Uni, un des pays européens les plus libé-
raux, le taux de prélèvements obligatoires est de l’ordre
de 35 %. Plus d’un tiers de la richesse produite y est
donc à un moment donné socialisé.
Ainsi, nos économies sont des économies avec
marché, et non uniquement « de » marché.
L’objectif de l’idéologie libérale dominante depuis
trente ans est de transformer nos économies plu-
rielles en des économies purement capitalistes de
marché. Elle a donc cherché à privatiser les entre-
prises publiques, à développer la concurrence mar-
chande dans des secteurs comme l’éducation, la
santé, etc. C’est l’agenda libéral de la Commission
européenne tel que les écologistes le dénoncent
quarante-cinq
47. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 46
Le contrat écologique pour l’Europe
depuis le début. Mais ce projet, heureusement, est
loin d’avoir abouti. Le taux de prélèvements obliga-
toires dans les principaux États de l’Union n’a pas
baissé depuis trente ans. Au contraire. Cela signifie
que, si l’État a abandonné certains secteurs, comme
les télécoms ou le transport aérien, encore large-
ment publics il y a quelques décennies, son poids
dans l’économie, sa capacité d’intervention dans la
demande globale, n’a pas diminué. Le poids de l’éco-
nomie sociale et solidaire n’a pas non plus baissé,
malgré des tentatives de déstabilisation conduites
par la Commission. Nous sommes donc bien tou-
jours dans une économie plurielle : à la fois publique,
capitaliste et avec marché. Faut-il en sortir, et
pour aller où ? Vers une économie 100 % publique ?
L’histoire a montré que confier la production de tous
les biens et les services à l’État n’était ni efficace ni
juste. Ni très écologique, d’ailleurs, puisque deux
des plus grands scandales environnementaux du
e
XX siècle ont eu lieu en Union soviétique : l’explosion
de la centrale nucléaire de Tchernobyl et l’assèche-
ment de la mer d’Aral, en Asie centrale, pour irriguer
les champs de coton. D’ailleurs, lorsque les partis
politiques qui se réclament de la sortie du capita-
lisme font des propositions concrètes, ce sont sou-
vent finalement des propositions de régulation du
capitalisme. Les banques ont déjà été publiques
en France sans que l’on sorte du capitalisme.
L’autorisation administrative de licenciement a déjà
existé sans que l’on sorte du capitalisme. La volonté
de demander des comptes aux entreprises sur l’uti-
lisation des aides publiques et de les poursuivre en
justice si elles en ont fait un mauvais usage, ce n’est
pas non plus une sortie du capitalisme.
quarante-six
48. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 47
Marché, capitalisme, écologie
Encastrer le capitalisme dans une économie plurielle
Nous proposons deux grands types de réformes
radicales pour limiter le poids du capitalisme dans
notre économie. La première est de défendre et de
promouvoir les formes non capitalistes d’organisation
économique, comme les services publics et l’écono-
mie sociale et solidaire. D’où, par exemple, le fait de
dire stop à la libéralisation des services publics en
instaurant un moratoire européen sur toute nouvelle
privatisation. D’un point de vue strictement démocra-
tique, il est d’ailleurs étonnant que la Commission
cherche à poursuivre la libéralisation de nouveaux
secteurs comme l’éducation, la santé ou la culture
alors qu’elle n’a tiré aucun bilan de celle des autres
secteurs. Avant de poursuivre une politique, il faut au
moins l’évaluer. Au-delà de ce moratoire, tous les éco-
logistes européens sont d’accord pour proposer une
directive-cadre sur les services d’intérêt général, dont
l’objectif est de sécuriser et de protéger les secteurs
où les logiques non capitalistiques sont encore domi-
nantes, comme l’éducation, la culture, les services
aux personnes, l’éducation populaire… Cette direc-
tive, le groupe des élus écologistes l’a proposée au
Parlement européen le 28 novembre 2006. Mais le
Parti populaire européen, où siège l’UMP, et les libé-
raux, où siègent les élus du Modem, ont voté contre.
Voilà un exemple précis de contradiction entre ce qui
est dit en France et ce qui est défendu à Bruxelles ou
à Strasbourg.
Par ailleurs, nous pensons qu’il est temps d’in-
verser la tendance et de créer des services publics
européens. Prenons l’exemple de l’énergie. Nous
importons près de la moitié de notre gaz auprès de la
Russie. Le conflit de janvier 2008 entre ce pays et
quarante-sept
49. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 48
Le contrat écologique pour l’Europe
l’Ukraine a montré la dépendance de l’Europe vis-à-
vis de la Russie : si elle décide de fermer les robinets,
les pays européens ont de quelques semaines à trois
mois de stock au maximum. La concurrence en
Europe entre les États et entre les entreprises pour
l’accès à ce gaz est totalement contre-productive. Car
la Russie joue bien sûr telle entreprise contre telle
autre, ou tel pays contre tel autre, pour obtenir les
meilleures conditions possibles de négociation. Outre
la réduction des consommations, et donc de la dépen-
dance, la solution passe par la création d’un acheteur
unique transeuropéen, dont le statut serait directe-
ment de droit européen, qui redistribuerait le gaz vers
les différentes compagnies et les différents États au
sein de l’Union.
Défendre les services publics et l’économie so-
ciale et solidaire est donc une première forme de com-
bat contre le capitalisme. Mais nous voulons aller plus
loin, et le principe même de développement soutenable
nous offre une clé. Car, au sens strict, le développe-
ment soutenable constitue une forme de dépassement
du capitalisme. En mettant au même niveau les inté-
rêts sociaux, environnementaux et économiques, il va
bien au-delà de la prise en compte privilégiée des seuls
intérêts des propriétaires du capital. En exigeant que
les intérêts des générations futures, autrement dit les
effets à long terme des comportements actuels, soient
pris en compte, il oblige à sortir du « court-termisme »
des résultats financiers trimestriels. Comment traduire
cela au niveau européen ? Par exemple, au travers d’un
paquet « Finance propre » qui luttera contre les
paradis fiscaux, interdira la publication de comptes
trimestriels et semestriels, etc. (voir chapitre 3).
Nous proposons également que le droit européen
quarante-huit
50. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 49
Marché, capitalisme, écologie
reconnaisse le fait qu’une entreprise ne se définisse
pas simplement vis-à-vis de ses actionnaires, comme
c’est le cas aujourd’hui, mais qu’elle soit définie comme
une personne morale ayant à la fois un objectif (renta-
biliser le capital investi par ses actionnaires) et des
responsabilités (vis-à-vis de ses salariés, de l’environ-
nement, des collectivités locales, etc.). Nous propo-
sons enfin que les grandes entreprises européennes
qui possèdent des filiales dans les pays du Sud
puissent être tenues responsables devant la justice
européenne des agissements de celles-ci. Il serait alors
possible de sortir de l’impunité dont elles jouissent
aujourd’hui (voir page 76).
Pour un marché responsable
Pour comprendre le rôle du marché, revenons à
une question toute simple. Qui décide que j’ai besoin
de telle maison, de telle voiture, de telle paire de
chaussures ? Il y a deux réponses possibles : les indi-
vidus définissent leurs besoins et confrontent sur un
marché leur demande à une offre, ou une instance
publique définit et règle les besoins privés. Dans la
réalité, l’économie est un mélange de ces deux
réponses, qui ont chacune leurs avantages et leurs in-
convénients. L’avantage du marché est sa souplesse,
le fait d’être décentralisé et le respect de la liberté
individuelle. Mais il possède deux inconvénients
majeurs. D’une part, il ne tient pas compte a priori de
contraintes globales qui pourraient s’imposer à l’en-
semble des acteurs présents sur le marché : ainsi, si
une instance centralisée ne fixe pas de règles en
matière de lutte contre le changement climatique,
il n’y a strictement aucune raison pour que le marché
le prenne en compte. D’autre part, le marché ne
quarante-neuf
51. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 50
Le contrat écologique pour l’Europe
reconnaît que la demande solvable et laisse de côté
ceux qui ne peuvent payer les biens qu’il propose. À
l’inverse, un système centralisé qui définirait les be-
soins des gens à leur place peut être très équitable et
social, mais il a un potentiel liberticide évident,
comme on l’a vu dans tous les systèmes économiques
qui ont cherché à se passer totalement du marché.
Dans ces conditions, il est temps de sortir des
vieilles querelles idéologiques et de proposer la
meilleure organisation possible, qui tente de maximi-
ser les avantages du marché et ceux de la centralisa-
tion. Les propositions concrètes sont multiples, et on
en trouvera tout au long de cet ouvrage. Il s’agit par
exemple de « l’accès qualifié au marché » (voir cha-
pitre 4), qui permet de limiter l’accès au marché euro-
péen des produits qui ne respectent pas les grandes
conventions de l’Organisation internationale du travail
(OIT), les droits de l’homme tels que reconnus par la
Déclaration universelle de 1948, les accords interna-
tionaux sur le climat, etc. À partir du moment où le
monde se dote de textes reconnaissant des droits et
des obligations, il est logique d’interdire sur notre
marché les produits qui ne les respectent pas.
Deuxième grande réforme de l’économie de mar-
ché qu’il faut entreprendre au niveau européen :
prendre en compte dans les coûts de production le
véritable impact sur l’environnement. Pour Nicholas
Stern, ancien économiste en chef de la Banque mon-
diale et auteur en 2006 d’un rapport important sur le
climat, « le changement climatique est la plus grande
faillite du marché de toute l’histoire ». L’impact sur le
climat de nos modes de production n’est en effet que
très marginalement pris en compte dans le prix des
biens et des services que nous achetons. Les services
cinquante
52. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 51
Marché, capitalisme, écologie
écologiques n’étant pas considérés comme des biens
rares, ils n’entrent pas dans le prix des facteurs de
production, à la différence du travail et du capital.
Mais ce qui hier était abondant (un air pur, la biodiver-
sité, un climat équilibré…) est aujourd’hui devenu rare
ou fragile. Intégrer cette nouvelle rareté dans les prix
est incontournable pour qu’ils ne soient plus globale-
ment sous-estimés. Ainsi, faire payer le carbone à son
juste prix offrirait un avantage comparatif aux tech-
niques les plus économes en énergie. Taxer le fuel
lourd des bateaux et le kérosène des avions, qui
échappent aujourd’hui à toute imposition, réduirait les
transports inutiles, et de nombreuses productions se-
raient sans doute relocalisées. Pour ce faire, nous dé-
fendons une taxe carbone-énergie que seule l’Europe
peut mettre en place de manière efficace. Nous dé-
fendons également l’extension et l’approfondissement
du système actuel de permis échangeables de droits à
polluer achetés aux enchères.
Dans le cadre de la lutte contre le changement
climatique, l’Union européenne a mis en place le pre-
mier marché réglementaire du CO2. Plus de mille en-
treprises industrielles sont soumises à un quota
maximum d’émissions. Si l’une d’entre elles dépasse
son quota individuel, elle est tenue d’acheter le droit
d’émission de CO2 d’une autre entreprise qui ne l’au-
rait pas utilisé. Il s’agit bien d’un système croisant une
centralisation (une instance centrale définit le quota
maximum autorisé) et un marché (à l’intérieur de
cette contrainte globale, les entreprises échangent
entre elles). Ce système existe depuis 2005 au sein
de l’Union européenne. Et il va être renforcé à partir
de 2013 avec l’obligation d’acheter le droit d’émettre
du CO2 dès la première tonne émise. Les sceptiques
cinquante et un
53. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 52
Le contrat écologique pour l’Europe
diront que ce système ne fonctionne pas puisque le
prix de la tonne de CO2 n’est pas assez élevé. Elle s’est
échangée en moyenne en 2008 à 20 euros, quand le
niveau souhaitable pour lutter vraiment contre le
changement climatique se situe plutôt, selon l’OCDE,
au niveau de 100 euros la tonne. Mais pourquoi le ta-
rif est-il si bas ? Parce que la contrainte initiale (le
quota) n’est pas assez forte. Or, cette contrainte, c’est
le politique qui la fixe. Jusqu’à présent, ces quotas
étaient déterminés par État membre. Résultat, chacun
favorisait son industrie en lui donnant un maximum de
quotas, de peur de se voir concurrencé par un voisin
qui en donnerait encore plus. Dès 2013, le volume
sera fixé au niveau européen par la Commission, qui,
on peut l’espérer, sera moins sensible au lobbying de
chaque industrie nationale. Couplé au fait que les en-
treprises vont devoir acheter progressivement leurs
droits à émettre du CO2 dès la première tonne émise,
ce système va devenir bien plus contraignant et effi-
cace11. Si ces réformes se mettent réellement en place,
ce sera un exemple intéressant de planification stra-
tégique qui utilise les bons côtés de la centralisation
et les bons côtés du marché.
Autre élément de l’intervention politique pour al-
ler vers une économie de marché responsable : l’inno-
vation partagée. Nous savons qu’une partie de la
solution au changement climatique et à l’invention
d’une économie capable, dans cinquante ans, de se
passer de pétrole et de gaz passe par l’innovation et la
11. D’autres aspects doivent encore être améliorés pour rendre ce mécanisme
de droits à polluer échangeables pleinement efficace, comme la limitation
de la possibilité pour les entreprises européennes de s’acquitter
de leurs obligations de diminution d’émissions dans les pays du Sud.
cinquante-deux
54. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 53
Marché, capitalisme, écologie
recherche. Se pose donc la question du financement
de cette recherche et du droit des brevets résultant de
la recherche. Si l’on en reste à un système de marché,
chaque entreprise est libre d’investir ou pas dans
des technologies « vertes », et celle qui trouve, par
exemple, une voiture hybride conserve la propriété du
brevet, empêchant ainsi les autres d’utiliser le résultat
de ses recherches. Cette solution n’est évidemment
pas à la hauteur des enjeux, car il ne s’agit pas seule-
ment qu’une entreprise trouve « la » solution tech-
nique, encore faut-il que celle-ci se généralise
rapidement à l’ensemble du secteur pour être efficace
et diminuer les émissions de CO2, par exemple.
Inversement, toute solution qui consisterait à mi-
ser uniquement sur la recherche publique en laissant
de côté les immenses moyens financiers des multi-
nationales et les compétences de leurs salariés est
également inefficace. D’autant qu’une fois le nouveau
procédé inventé, il faudra bien des entreprises pour le
produire et le généraliser.
Nous proposons donc un système intermédiaire :
une puissance publique (par exemple, la Commission
européenne) apporte des financements en fixant
un objectif de résultat aux entreprises privées d’un
secteur (par exemple, mettre au point la voiture qui
n’émet que 80 grammes de CO2/km, contre environ
160 en moyenne actuellement). Toutes les entreprises
européennes du secteur sont invitées à participer à la
recherche en lien avec des organismes et universités
publics, et seules celles qui participent auront le droit
par la suite d’utiliser le brevet, qui sera collectif.
C’est une incitation forte à participer au projet. Une
fois le résultat atteint, il est possible de créer
une norme d’accès au marché qui dise : puisqu’il est
cinquante-trois
55. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 54
Le contrat écologique pour l’Europe
techniquement possible de produire une voiture qui
émet 80 grammes de CO2/km et que vous avez le droit
de le faire, nous fixons à 80 grammes la limite d’émis-
sion des véhicules qui seront mis sur le marché dans
cinq ans. Ce mécanisme de pilotage oriente la concur-
rence de manière utile et planifie les objectifs, sans
pour autant que l’on nationalise tous les construc-
teurs automobiles.
Toutes ces réformes sont possibles, et l’Europe
est vraiment le niveau pertinent pour mettre en place
cette économie de marché responsable. Mais encore
faut-il que siègent en force au Parlement européen
des élus qui ont cette vision et cette volonté.
56. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 55
CHAPITRE 3
FAIRE LE MÉNAGE DANS LA FINANCE
58. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 57
L’Europe doit adopter un paquet « Finance propre »
qui mette fin à trente ans de déréglementation de la fi-
nance et de soumission aux impératifs de court terme
des actionnaires.
D’où vient la crise financière ?
Pour faire les bons choix et adopter les mesures
qui empêcheront la crise financière de se reproduire,
mieux vaut poser le bon diagnostic. Prenons donc le
temps de comprendre les mécanismes à l’œuvre. La
crise financière qui a débuté à l’été 2007 et a pris une
ampleur historique à partir de l’été 2008 est la
conjonction de trois phénomènes.
Le premier est la dérégulation des marchés
financiers sous l’effet de deux décennies d’idéologie
libérale. Suppression de la réglementation publique,
création de nouveaux produits financiers qui ne re-
posent sur aucune contrepartie dans l’économie
réelle, développement de fonds spéculatifs hébergés
dans les paradis fiscaux pour contourner les règles de
gestion du risque… La finance mondiale est devenue
un immense casino qui tourne sur lui-même.
Ce casino a vu affluer de l’argent comme jamais
dans l’histoire. C’est d’ailleurs la deuxième cause de la
crise, car un casino vide n’aurait pas été très dange-
reux. D’où vient cet argent ? De deux sources princi-
pales. La première est la financiarisation de la
protection sociale. Le vieillissement démographique
et la tension financière sur les systèmes de retraite
par répartition ont poussé les classes moyennes des
cinquante-sept
59. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 58
Le contrat écologique pour l’Europe
pays riches à se constituer une épargne placée soit
dans des fonds de pension, comme aux États-Unis ou
au Royaume-Uni, soit dans des produits d’assurance-
vie, comme en France. L’assurance-vie représentait
ainsi 122 milliards d’euros en 2007. Contrairement au
système par répartition (dans lequel l’argent collecté
est utilisé immédiatement pour payer les retraites des
retraités actuels), avec la capitalisation, l’argent des
épargnants est placé sur les marchés financiers pour
payer leur propre retraite dans plusieurs décennies.
Les gestionnaires de cette épargne ont donc acheté
en masse des actions des entreprises cotées. La de-
mande étant supérieure à l’offre, leur valeur a mécani-
quement augmenté. La deuxième pompe qui alimente
la finance mondiale est la rente des matières pre-
mières. Dès 2005, leur prix commence à augmenter.
Le prix du pétrole passe de 28 dollars le baril en
moyenne en 2003 à plus de 55 dollars en 2005, pour
atteindre près de 150 dollars à l’été 200812. Or, même
si le prix du baril augmente, son coût de production,
lui, est stable, autour de 15 dollars au Moyen-Orient,
par exemple. Les pays producteurs se constituent
donc une rente de centaines de milliards de dollars
qu’ils n’utilisent que très marginalement chez eux. Ils
vont donc constituer des fonds dits « souverains »,
qui vont eux aussi placer leur capital sur les marchés
financiers.
Le troisième phénomène à l’origine de la crise fi-
nancière est la stagnation des salaires et la captation
par les détenteurs du capital d’une part de plus en
plus importante de la valeur ajoutée produite par les
entreprises. Dans tous les pays de l’OCDE, la part des
12. Source : BP.
cinquante-huit
60. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 59
Faire le ménage dans la finance
salaires dans la valeur ajoutée a diminué, parfois mo-
destement, comme en France, parfois de manière im-
portante. À l’inverse, la part de la valeur ajoutée
captée par les actionnaires a explosé. En 2007, ils ont
reçu 74 milliards d’euros des entreprises françaises
contre 46 milliards en 2001 (en euros constants pour
annuler l’effet de l’inflation). Résultat : pour continuer
à consommer toujours plus, les salariés ont dû
s’endetter massivement. Le taux d’endettement des
ménages aux États-Unis a ainsi doublé entre 1998 et
200713. En Europe, c’est l’Espagne et le Royaume-Uni
qui ont connu les évolutions les plus marquées :
en 2007, la dette des ménages représentait 145 % de
leur revenu disponible au Royaume-Uni et 115 % en
Espagne, contre 70 % en France – un record histo-
rique (le taux d’endettement n’était que de 60 % deux
ans plus tôt), mais qui la situe bien en dessous des
niveaux atteints chez ses deux voisins.
Pour s’endetter, encore faut-il que des banques
acceptent de prêter. Là encore, plusieurs phéno-
mènes expliquent pourquoi les ménages ont pu s’en-
detter comme jamais. Il faut prendre le temps de les
analyser. On retiendra les trois principaux.
D’une part, l’augmentation des prix de l’immo-
bilier a mis les ménages dans une position psycho-
logique favorable à l’endettement : puisque la valeur
de mon patrimoine augmente, je suis plus riche, je
peux donc m’endetter plus. En cas de problème, au
pire, je revendrai ma maison. Un raisonnement qui
tient la route lorsque le problème est individuel. Mais,
lorsqu’il devient collectif et que tout le monde veut
vendre en même temps, les prix de l’immobilier
13. Source : Réserve fédérale.
cinquante-neuf
61. verts_intérieur 5/04/09 20:14 Page 60
Le contrat écologique pour l’Europe
chutent et la valeur du patrimoine fond. C’est ce qui se
passe depuis 2007 aux États-Unis, et en France de-
puis le milieu de l’année 2008.
Deuxièmement, l’accès au crédit a été encou-
ragé dans certains pays européens par les pouvoirs
publics. Coïncidence, ce sont ceux aujourd’hui qui
souffrent le plus de la crise ! Ainsi, au Royaume-Uni
ou en Islande, lorsqu’une personne souscrivait un
nouveau crédit, le banquier prenait en compte non
seulement ses revenus mais aussi la valeur de mar-
ché de son capital, par exemple sa maison. Au plus
fort de la bulle immobilière, chacun pouvait valoriser
au plus haut son patrimoine et ainsi obtenir de nou-
veaux crédits. En France, la loi interdit ce mode de
calcul, qui repose sur une appréciation fictive du pa-
trimoine. Mais un homme politique a voulu changer la
loi en 2004 pour l’aligner sur le modèle anglo-saxon.
Il s’agissait d’un certain Nicolas Sarkozy, alors mi-
nistre des Finances. Heureusement, sa proposition
n’est pas entrée en vigueur, mais une telle clair-
voyance mérite d’être soulignée…
Troisième raison ayant permis une ouverture ir-
raisonnée des robinets du crédit, les banques ont pris
plus de risque qu’elles n’auraient dû le faire car elles
ont pu transformer les crédits qu’elles avaient en
titres sur les marchés financiers. Concrètement, que
se passe-t-il lorsqu’une banque me prête 100 000 eu-
ros pour acheter un appartement ? Elle prend le
risque que je ne la rembourse pas. Au-delà des dispo-
sitifs de caution et d’hypothèque, les banques ont
donc inventé ces dernières années des dispositifs
pour partager le risque avec d’autres acteurs écono-
miques et gagner encore plus d’argent sur les prêts
qu’elles accordent. L’établissement qui m’a prêté de
soixante