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René Bleuzen

LE 4 JUILLET 1944 A BENODET

La date du 4 juillet 1944 reste
gravée dans la mémoire des bénodétois
comme le jour le plus sombre des quatre
années d'occupation. Une escadrille
d'avions
britanniques
attaquait
les
installations allemandes de l'anse de
Penfoul. Un des avions s'écrasait en
flammes près de la ferme de Keranguyon
et ses deux occupants, le pilote Anthony
Phillips et son navigateur Robert
Thomson étaient tués sur le coup. Deux
employés de la ferme, Yves Glémarec et
Yvonne Laurent étaient grièvement brûlés
dans l'explosion et l'embrasement de
l'appareil touchant le sol. Si Yves a
survécu, Yvonne décédait à l'hôpital
quelques heures après son admission. Plus
près de l'arsenal, Mathilde Capp était
frappée par un projectile, et devait être
amputée du bras droit.
Les victimes et les témoins se
souviennent bien de cette journée et nous
la racontent, mais au préalable il convient
de dire ce qu'était Bénodet en ces temps de
présence de l'armée allemande.
En 1942, la marine de guerre
allemande, la "Kriegsmarine", installa à
Bénodet une base de réparations et
d'entretien pour ses dragueurs de mines.
Un ancien dock flottant de 72 mètres de
long, pesant 680 tonnes, comportant 12
caissons, arriva à Bénodet en provenance

de l'arsenal de Lorient, tiré par deux
remorqueurs. Il était amarré dans l'anse de
Penfoul, devant la propriété "Kergaït", à
l'abri des regards côté mer. Ce dock fut
sabordé par les troupes d'occupation avant
leur départ; après bien des atermoiements,
il vient d'être sorti de la vase pour
permettre l'extension du port de plaisance.
Roger Danic, demeurant actuellement rue de Keranguyon, originaire de
Lorient, avait 18 ans et venait de terminer
son apprentissage à l'arsenal de Lorient
lorsqu'il fut affecté à l'arsenal de Bénodet,
avec 130 ou 140 autres ouvriers, des jeunes
pour la plupart. Il se souvient :
"Je suis arrivé à Bénodet le 3
décembre 1942. Un camion découvert est
venu nous prendre à la gare de Quimper. Il
faisait froid, j'enfonçais mon béret basque
sur mes oreilles. Nous avons d'abord été
logés à l'Hôtel Bellevue, puis à l'Hôtel
Beaurivage.
Sur
la
propriété
Dauchez
surplombant le dock flottant se trouvaient
les ateliers: tôlerie, ajustage, mécanique,
menuiserie, et le bureau. Nous faisions des
réparations sur les avisos et les dragueurs
de mines qui arrivaient généralement par
couples, intervenant sur les coques audessus de la ligne de flottaison, et à
l'intérieur. Les navires reprenaient la mer
dès les réparations terminées.

1/11
Dans l'attente, le navire s'embossait
sur un coffre au milieu de la rivière.
Pendant les réparations délicates
risquant de provoquer des explosions, les
munitions du bateau étaient entreposées
dans les coffres du dock. Cependant,
Bénodet n'était pas un lieu de
ravitaillement en munitions pour la marine
allemande.
Le 4 juillet 1944 je travaillais
lorsque s'est produite l'attaque des avions
alliés. Nous, travailleurs, suivant les
consignes, sommes allés dès l'alerte nous
réfugier dans le petit bois situé à la fourche
des deux rues de Kercréven. Explosions,
tirs des armes automatiques, et parmi tous
les civils qui se trouvaient là, j'ai vu une
jeune fille, Mathilde Capp, qui venait
d'être blessée et qu'on soutenait pour
quitter les lieux.
Immédiatement après le passage
des avions, nous avons appris que l'un
d'entre eux était tombé. Nous sommes allés
sur les lieux : il y avait déjà un grand
rassemblement autour des débris de
l'appareil, et des bâtiments de la ferme
brûlaient. Les corps des deux aviateurs
gisaient dans la cour devant la maison et
devant l'étable. Les militaires allemands
parcouraient le champ de blé à la recherche
d'autres cadavres éventuels. Les deux civils
blessés avaient déjà été évacués avant
notre arrivée.
Les Allemands ne nous ont pas
informés des résultats de l'attaque aérienne.
Je sais seulement qu'un bateau a été
touché, puisqu'ils l'ont échoué pour éviter
qu'il ne coule. Il y a eu des morts et des
blessés parmi les membres de l'équipage,
mais je n'en sais pas le nombre.

Déclaration de Yves GLEMAREC
En 1944, j'avais 25 ans, j'étais
marié et père d'un enfant d'un an, Marcel.
J’habitais à parc Marc'h, en Bénodet.
J'étais commis à la ferme de Keranguyon,
une ferme de 12 hectares, au service de
Vincent et Marie Berrou. Yvonne
Laurent, dont les parents demeuraient à
Ménez Groas, travaillait également dans
cette ferme et y demeurait.
Le 3 juillet, veille des événements
dont j'ai été victime, j'avais observé un
avion allemand qui, à trois ou quatre
reprises, simulait l'attaque du dock flottant
de l'anse de Penfoul, devant Kergaït. Il
piquait à chaque passe au ras du bois de
Kergos et remontait vers Sainte-Marine.
Le 4 juillet à midi, nous étions
rentrés pour un repas de galettes que nous
confectionnait madame Berrou. Son mari,
le patron, requis par les Allemands pour
assurer la garde la nuit précédente, avait
mangé d'abord pour aller faire la sieste.
Nous venions de nous mettre à
table lorsque le vacarme a éclaté. Je ne me
souviens pas si c'est d'abord le klaxon
d'alerte des navires, ou bien le bruit des
avions et les détonations des armes
automatiques. Je suis sorti tout de suite,
suivi d'Yvonne Laurent; madame Berrou
est restée devant ses poêles. J'ai traversé
l'enclos à fourrage vers le champ voisin,
l'endroit de mon observation de la veille.
Et j'ai aperçu trois avions en formation qui
piquaient sur leur objectif. J'ai pensé qu'ils
faisaient comme l'avion allemand de la
veille, rasant le bois au sud d'une petite
anse, à l'endroit où le pont se rattache
actuellement à la terre, côté Combrit. Et je
suis monté sur le talus pour mieux voir.

2/11
A peine sur le talus, j'ai vu en gros
plan l'avion de droite passer au ras du toit
de l'Armoric-Hôtel. Je n’ai pas eu le temps
de l'identifier, car au même instant éclatait
au-dessus de ma tête le premier obus d'une
série de sept, et j'ai eu le réflexe de me
protéger des éclats en me blotissant contre
le tronc du châtaignier le plus proche.
Trois ou quatre secondes seulement ont
séparé l'éclatement des obus et le fracas de
la chute de l'avion, le Mosquito du Wing
oommander Phillips et son navigateur
Thomson. Je n'avais pas vu cet appareil
qui m'était masqué par un grand châtaignier. J'appris plus tard qu'il avait effleuré
un cerisier sur lequel Jean Le Ster était
grimpé !
J'ai d'abord cru que l'avion était
tombé sur l'arbre qui m'abritait. Un grand
vacarme, des débris volant dans tous les
sens autour de moi, et instantanément, je
me suis trouvé dans un brasier dont les
flammes me dépassaient en hauteur. J'ai
d'abord couru, ce qui a encore attisé le feu
de mes vêtements; je me suis jeté à terre
mais sur une pièce incandescente de l'appareil. Encore quelques pas, et j'ai pu me
rouler dans des fanes de pommes de terre,
en m'éloignant du centre du brasier où des
munitions explosaient. Je me suis allongé
dans le sens des sillons et j'ai enfin cru que
j'étais tiré d'affaire, mais ma chemise
brûlait encore dans le dos, et c'est Yvonne
Laurent qui l'a éteinte.
Yvonne, les vêtements complètement brûlés, est allée à la ferme de PradPoullou, distante de 300 mètres. Quant à
moi, je me suis rendu à Keranguyon Vian,
chez Mathias Berrou. J'étais nu-pieds, il
m'a prêté ses socques, et son vélo pour me
rendre chez le Docteur Jacq alors installé
impasse Ty Men. Pierre Jacq m'a fait mes
premières piqûres de morphine et de

camphre, et m'a reconduit en voiture à mon
domicile dans l'attente de l'ambulance de
l'hôpital de Quimper qu'il avait alerté. Il
s'est ensuite rendu à Prat-Poullou au chevet
d'Yvonne Laurent.
La souffrance devenait intolérable,
et j'étais devenu complètement aveugle (je
le suis resté pendant trois jours). On m'a
embarqué sur une civière dans l'ambulance
qui est ensuite passée prendre Yvonne
Laurent. En cours de route, celle-ci m'a
expliqué qu'elle était juste derrière moi,
dans le fossé, lorsque l'avion est tombé.
Les vêtements en feu, elle a dû ramper
sous le tronc d'un châtaignier abattu pour
aller se jeter dans l'auge qu'elle avait
remplie d'eau le matin même à l'intention
des vaches. Elle est décédée à l'hôpital,
douze heures après son admission.
Je suis resté à l'hôpital jusqu'au 23
septembre, et j'ai été autorisé à rentrer à
condition d'aller chaque jour me faire
panser chez le Docteur Jacq. Madame
Jacq, doctoresse, m'a dit par la suite
qu'elle avait pensé que je ne survivrais pas,
étant brûlé sur tout le corps à 60 % : la
limite admise à l'époque était de 50 %. J'ai
été brûlé aux 1 er, 2 ème et 3 ème degrés aux
jambes, aux mains et aux bras, à la figure,
à la poitrine, et j'ai une cicatrice de 70 cm
sur 15 dans la région lombaire. Je suis resté
un an en incapacité totale de travail...
Témoignage de Marie GLÉMAREC,
épouse de la victime.
Le 4 juillet 1944, peu après midi, je
me trouvais à mon domicile à Parc Marc'h
lorsque j’ai entendu le fracas d'un avion
qui passait très bas au-dessus de la maison,
au ras des arbres. Mais cela n'a duré qu'un
instant.

3/11
Yves GLÊMAREC et son épouse Marie
Une heure ou deux après, j'ai vu
arriver à la maison Madame Jacq, la
doctoresse, qui m'a annoncé d'emblée :
"N'ayez pas peur, votre mari est un petit
peu brûlé !"
Mais lorsque je l'ai vu, j'ai constaté
qu'il était partout atteint, que ses vêtements
étaient complètement détruits par le feu. La
peau des mains, du corps, des jambes, se
détachait en longues plaques et lanières. A
la demande de la doctoresse, un voisin a
apporté un litre d'huile pour nettoyer les
plaies. Mon mari souffrait de plus en plus,
il ne voyait plus, et lorsque l'ambulance de
l'hôpital est arrivée, environ une heure plus
tard, il est parti sur une civière.
J'avais à la maison mon fils Marcel
qui allait avoir un an. Dans l'après-midi, je
suis allée à Keranguyon chercher le lait
que mon mari m'apportait habituellement
tous les jours. J'ai vu que l'étable et la

grange avaient brûlé, les décombres
fumaient encore. Partout, il y avait des
débris d'avion: une aile contre le talus, un
moteur à l'intérieur de l'enclos, un autre
devant l'étable. C'était indescriptible.
Heureusement, la longère comprenant la
maison d'habitation, la cave et la porcherie
avait été épargnée.
Les corps disloqués des deux aviateurs se trouvaient dans la cour de la
ferme: l’un près de la fenêtre de la maison,
l'autre au milieu, devant l'étable. Les
militaires allemands étaient sur place et
interdisaient que l'on touche à quoi que ce
soit, et notamment aux corps des victimes
qui n'ont été enlevés que deux jours plus
tard. J'ai su par la suite qu'ils Avaient été
identifiés grâce à Roger Cuzon qui les
avait fouillés avant l'arrivée des
Allemands.
A la demande de Madame Berrou,
j'ai ensuite habité la ferme de Keranguyon
pendant tout le temps que mon mari est
resté à l'hôpital.
Déclaration de Mathilde CAPP,
épouse de Noël Coatmen,
demeurant 3, Parcou Penhoat Salaun à
Pleuven
En 1944, j'avais quatorze ans, et
j'étais apprentie couturière chez Annie
Guézellou, avenu de l'Odet à Bénodet.
J'habitais chez mes parents, dans la même
avenue.
Ce 4 juillet, ma mère m'a demandé
d'aller prévenir mon père que le repas était
prêt: il travaillait dans son champ de
Kercréven. Au lieu d'aller directement vers
mon père, je me suis avancée jusqu'au bord
de l'escarpement où l'on pouvait regarder
les bateaux allemands au mouillage devant
l'anse de Penfoul.

4/11
Le temps était beau. Je contemplais la
rivière depuis peu de temps lorsque, subitement, j'ai entendu des bruits d'avions et le
crépitement
des
mitrailleuses
des
attaquants et celui de la défense antiaérienne des Allemands. J'ai vite rebroussé
chemin et je suis entrée dans la propriété
Crespel où je me suis jetée à terre, près de
la haie de lauriers palmes. J'avais près de
moi Paul Calloc'h, un camarade de mon
âge.
Étant ainsi à terre, j'ai soudain
ressenti comme une forte chaleur, et j'ai vu
du sang qui coulait sur le sol. J'ai réalisé
que j'étais blessée: une balle avait pénétré
au niveau de l'articulation de l'épaule droite
et avait déchiqueté mon bras jusqu'au
poignet; la main était intacte.
A cette vue, Paul Calloc'h s'est
sauvé. François Glérant, qui se trouvait à
proximité, est venu vers moi, m'a relevée et
m’a soutenue pour me conduire chez le
docteur.
Avant d'arriver avenue de l'Odet,
voyant que j'avais du mal à marcher, il a
avisé un char à bancs dont le cheval était
attaché à un poteau: il m 'y a installée, a
détaché le cheval et l’a mené jusqu'à
proximité du cabinet médical du Docteur
Abbadie où il m'a portée et où mon père

m'a rejointe. (Le véhicule emprunté était
celui de Monsieur Berrou, que je revois
encore avec son chapeau breton ...)
En attendant le docteur, sa bonne,
une bigoudène, voyant mon triste état, m'a
donné un verre de "lambic" pour me
réconforter, plis un deuxième à ma
demande. Il y a ensuite un trou dans ma
mémoire, et quand j'ai repris conscience, je
me trouvais à Kergaït, entourée de
militaires allemands. Un de leurs docteurs
m'a fait une piqûre dans la fesse, et je me
souviens avoir eu le réflexe de rabaisser
ma robe après l'injection. Les Allemands
m'ont ensuite conduite à Quimper dans leur
ambulance où il y avait aussi des militaires
blessés. A la demande de ma mère,
qui m'accompagnait, ils m'ont déposée à la
clinique du Sacré-Coeur où le Docteur
Gaumé m'a amputée du bras droit à la
partie haute.
Moins d'une semaine plus tard je
quittais la clinique et j'étais de retour chez
mes parents. Ma blessure s'est cicatrisée
sans aucune complication. Dans les
premiers
temps, j'étais
surtout
contrariée à l'idée que je ne pourrais plus
nager j'étais la meilleure nageuse des filles
de mon âge).

Mathilde CAPP entre ses frères Jean (à gauche) et Marcel

5/11

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La Guerre au Pays de Fouesnant - j-dnfzt

  • 1. René Bleuzen LE 4 JUILLET 1944 A BENODET La date du 4 juillet 1944 reste gravée dans la mémoire des bénodétois comme le jour le plus sombre des quatre années d'occupation. Une escadrille d'avions britanniques attaquait les installations allemandes de l'anse de Penfoul. Un des avions s'écrasait en flammes près de la ferme de Keranguyon et ses deux occupants, le pilote Anthony Phillips et son navigateur Robert Thomson étaient tués sur le coup. Deux employés de la ferme, Yves Glémarec et Yvonne Laurent étaient grièvement brûlés dans l'explosion et l'embrasement de l'appareil touchant le sol. Si Yves a survécu, Yvonne décédait à l'hôpital quelques heures après son admission. Plus près de l'arsenal, Mathilde Capp était frappée par un projectile, et devait être amputée du bras droit. Les victimes et les témoins se souviennent bien de cette journée et nous la racontent, mais au préalable il convient de dire ce qu'était Bénodet en ces temps de présence de l'armée allemande. En 1942, la marine de guerre allemande, la "Kriegsmarine", installa à Bénodet une base de réparations et d'entretien pour ses dragueurs de mines. Un ancien dock flottant de 72 mètres de long, pesant 680 tonnes, comportant 12 caissons, arriva à Bénodet en provenance de l'arsenal de Lorient, tiré par deux remorqueurs. Il était amarré dans l'anse de Penfoul, devant la propriété "Kergaït", à l'abri des regards côté mer. Ce dock fut sabordé par les troupes d'occupation avant leur départ; après bien des atermoiements, il vient d'être sorti de la vase pour permettre l'extension du port de plaisance. Roger Danic, demeurant actuellement rue de Keranguyon, originaire de Lorient, avait 18 ans et venait de terminer son apprentissage à l'arsenal de Lorient lorsqu'il fut affecté à l'arsenal de Bénodet, avec 130 ou 140 autres ouvriers, des jeunes pour la plupart. Il se souvient : "Je suis arrivé à Bénodet le 3 décembre 1942. Un camion découvert est venu nous prendre à la gare de Quimper. Il faisait froid, j'enfonçais mon béret basque sur mes oreilles. Nous avons d'abord été logés à l'Hôtel Bellevue, puis à l'Hôtel Beaurivage. Sur la propriété Dauchez surplombant le dock flottant se trouvaient les ateliers: tôlerie, ajustage, mécanique, menuiserie, et le bureau. Nous faisions des réparations sur les avisos et les dragueurs de mines qui arrivaient généralement par couples, intervenant sur les coques audessus de la ligne de flottaison, et à l'intérieur. Les navires reprenaient la mer dès les réparations terminées. 1/11
  • 2. Dans l'attente, le navire s'embossait sur un coffre au milieu de la rivière. Pendant les réparations délicates risquant de provoquer des explosions, les munitions du bateau étaient entreposées dans les coffres du dock. Cependant, Bénodet n'était pas un lieu de ravitaillement en munitions pour la marine allemande. Le 4 juillet 1944 je travaillais lorsque s'est produite l'attaque des avions alliés. Nous, travailleurs, suivant les consignes, sommes allés dès l'alerte nous réfugier dans le petit bois situé à la fourche des deux rues de Kercréven. Explosions, tirs des armes automatiques, et parmi tous les civils qui se trouvaient là, j'ai vu une jeune fille, Mathilde Capp, qui venait d'être blessée et qu'on soutenait pour quitter les lieux. Immédiatement après le passage des avions, nous avons appris que l'un d'entre eux était tombé. Nous sommes allés sur les lieux : il y avait déjà un grand rassemblement autour des débris de l'appareil, et des bâtiments de la ferme brûlaient. Les corps des deux aviateurs gisaient dans la cour devant la maison et devant l'étable. Les militaires allemands parcouraient le champ de blé à la recherche d'autres cadavres éventuels. Les deux civils blessés avaient déjà été évacués avant notre arrivée. Les Allemands ne nous ont pas informés des résultats de l'attaque aérienne. Je sais seulement qu'un bateau a été touché, puisqu'ils l'ont échoué pour éviter qu'il ne coule. Il y a eu des morts et des blessés parmi les membres de l'équipage, mais je n'en sais pas le nombre. Déclaration de Yves GLEMAREC En 1944, j'avais 25 ans, j'étais marié et père d'un enfant d'un an, Marcel. J’habitais à parc Marc'h, en Bénodet. J'étais commis à la ferme de Keranguyon, une ferme de 12 hectares, au service de Vincent et Marie Berrou. Yvonne Laurent, dont les parents demeuraient à Ménez Groas, travaillait également dans cette ferme et y demeurait. Le 3 juillet, veille des événements dont j'ai été victime, j'avais observé un avion allemand qui, à trois ou quatre reprises, simulait l'attaque du dock flottant de l'anse de Penfoul, devant Kergaït. Il piquait à chaque passe au ras du bois de Kergos et remontait vers Sainte-Marine. Le 4 juillet à midi, nous étions rentrés pour un repas de galettes que nous confectionnait madame Berrou. Son mari, le patron, requis par les Allemands pour assurer la garde la nuit précédente, avait mangé d'abord pour aller faire la sieste. Nous venions de nous mettre à table lorsque le vacarme a éclaté. Je ne me souviens pas si c'est d'abord le klaxon d'alerte des navires, ou bien le bruit des avions et les détonations des armes automatiques. Je suis sorti tout de suite, suivi d'Yvonne Laurent; madame Berrou est restée devant ses poêles. J'ai traversé l'enclos à fourrage vers le champ voisin, l'endroit de mon observation de la veille. Et j'ai aperçu trois avions en formation qui piquaient sur leur objectif. J'ai pensé qu'ils faisaient comme l'avion allemand de la veille, rasant le bois au sud d'une petite anse, à l'endroit où le pont se rattache actuellement à la terre, côté Combrit. Et je suis monté sur le talus pour mieux voir. 2/11
  • 3. A peine sur le talus, j'ai vu en gros plan l'avion de droite passer au ras du toit de l'Armoric-Hôtel. Je n’ai pas eu le temps de l'identifier, car au même instant éclatait au-dessus de ma tête le premier obus d'une série de sept, et j'ai eu le réflexe de me protéger des éclats en me blotissant contre le tronc du châtaignier le plus proche. Trois ou quatre secondes seulement ont séparé l'éclatement des obus et le fracas de la chute de l'avion, le Mosquito du Wing oommander Phillips et son navigateur Thomson. Je n'avais pas vu cet appareil qui m'était masqué par un grand châtaignier. J'appris plus tard qu'il avait effleuré un cerisier sur lequel Jean Le Ster était grimpé ! J'ai d'abord cru que l'avion était tombé sur l'arbre qui m'abritait. Un grand vacarme, des débris volant dans tous les sens autour de moi, et instantanément, je me suis trouvé dans un brasier dont les flammes me dépassaient en hauteur. J'ai d'abord couru, ce qui a encore attisé le feu de mes vêtements; je me suis jeté à terre mais sur une pièce incandescente de l'appareil. Encore quelques pas, et j'ai pu me rouler dans des fanes de pommes de terre, en m'éloignant du centre du brasier où des munitions explosaient. Je me suis allongé dans le sens des sillons et j'ai enfin cru que j'étais tiré d'affaire, mais ma chemise brûlait encore dans le dos, et c'est Yvonne Laurent qui l'a éteinte. Yvonne, les vêtements complètement brûlés, est allée à la ferme de PradPoullou, distante de 300 mètres. Quant à moi, je me suis rendu à Keranguyon Vian, chez Mathias Berrou. J'étais nu-pieds, il m'a prêté ses socques, et son vélo pour me rendre chez le Docteur Jacq alors installé impasse Ty Men. Pierre Jacq m'a fait mes premières piqûres de morphine et de camphre, et m'a reconduit en voiture à mon domicile dans l'attente de l'ambulance de l'hôpital de Quimper qu'il avait alerté. Il s'est ensuite rendu à Prat-Poullou au chevet d'Yvonne Laurent. La souffrance devenait intolérable, et j'étais devenu complètement aveugle (je le suis resté pendant trois jours). On m'a embarqué sur une civière dans l'ambulance qui est ensuite passée prendre Yvonne Laurent. En cours de route, celle-ci m'a expliqué qu'elle était juste derrière moi, dans le fossé, lorsque l'avion est tombé. Les vêtements en feu, elle a dû ramper sous le tronc d'un châtaignier abattu pour aller se jeter dans l'auge qu'elle avait remplie d'eau le matin même à l'intention des vaches. Elle est décédée à l'hôpital, douze heures après son admission. Je suis resté à l'hôpital jusqu'au 23 septembre, et j'ai été autorisé à rentrer à condition d'aller chaque jour me faire panser chez le Docteur Jacq. Madame Jacq, doctoresse, m'a dit par la suite qu'elle avait pensé que je ne survivrais pas, étant brûlé sur tout le corps à 60 % : la limite admise à l'époque était de 50 %. J'ai été brûlé aux 1 er, 2 ème et 3 ème degrés aux jambes, aux mains et aux bras, à la figure, à la poitrine, et j'ai une cicatrice de 70 cm sur 15 dans la région lombaire. Je suis resté un an en incapacité totale de travail... Témoignage de Marie GLÉMAREC, épouse de la victime. Le 4 juillet 1944, peu après midi, je me trouvais à mon domicile à Parc Marc'h lorsque j’ai entendu le fracas d'un avion qui passait très bas au-dessus de la maison, au ras des arbres. Mais cela n'a duré qu'un instant. 3/11
  • 4. Yves GLÊMAREC et son épouse Marie Une heure ou deux après, j'ai vu arriver à la maison Madame Jacq, la doctoresse, qui m'a annoncé d'emblée : "N'ayez pas peur, votre mari est un petit peu brûlé !" Mais lorsque je l'ai vu, j'ai constaté qu'il était partout atteint, que ses vêtements étaient complètement détruits par le feu. La peau des mains, du corps, des jambes, se détachait en longues plaques et lanières. A la demande de la doctoresse, un voisin a apporté un litre d'huile pour nettoyer les plaies. Mon mari souffrait de plus en plus, il ne voyait plus, et lorsque l'ambulance de l'hôpital est arrivée, environ une heure plus tard, il est parti sur une civière. J'avais à la maison mon fils Marcel qui allait avoir un an. Dans l'après-midi, je suis allée à Keranguyon chercher le lait que mon mari m'apportait habituellement tous les jours. J'ai vu que l'étable et la grange avaient brûlé, les décombres fumaient encore. Partout, il y avait des débris d'avion: une aile contre le talus, un moteur à l'intérieur de l'enclos, un autre devant l'étable. C'était indescriptible. Heureusement, la longère comprenant la maison d'habitation, la cave et la porcherie avait été épargnée. Les corps disloqués des deux aviateurs se trouvaient dans la cour de la ferme: l’un près de la fenêtre de la maison, l'autre au milieu, devant l'étable. Les militaires allemands étaient sur place et interdisaient que l'on touche à quoi que ce soit, et notamment aux corps des victimes qui n'ont été enlevés que deux jours plus tard. J'ai su par la suite qu'ils Avaient été identifiés grâce à Roger Cuzon qui les avait fouillés avant l'arrivée des Allemands. A la demande de Madame Berrou, j'ai ensuite habité la ferme de Keranguyon pendant tout le temps que mon mari est resté à l'hôpital. Déclaration de Mathilde CAPP, épouse de Noël Coatmen, demeurant 3, Parcou Penhoat Salaun à Pleuven En 1944, j'avais quatorze ans, et j'étais apprentie couturière chez Annie Guézellou, avenu de l'Odet à Bénodet. J'habitais chez mes parents, dans la même avenue. Ce 4 juillet, ma mère m'a demandé d'aller prévenir mon père que le repas était prêt: il travaillait dans son champ de Kercréven. Au lieu d'aller directement vers mon père, je me suis avancée jusqu'au bord de l'escarpement où l'on pouvait regarder les bateaux allemands au mouillage devant l'anse de Penfoul. 4/11
  • 5. Le temps était beau. Je contemplais la rivière depuis peu de temps lorsque, subitement, j'ai entendu des bruits d'avions et le crépitement des mitrailleuses des attaquants et celui de la défense antiaérienne des Allemands. J'ai vite rebroussé chemin et je suis entrée dans la propriété Crespel où je me suis jetée à terre, près de la haie de lauriers palmes. J'avais près de moi Paul Calloc'h, un camarade de mon âge. Étant ainsi à terre, j'ai soudain ressenti comme une forte chaleur, et j'ai vu du sang qui coulait sur le sol. J'ai réalisé que j'étais blessée: une balle avait pénétré au niveau de l'articulation de l'épaule droite et avait déchiqueté mon bras jusqu'au poignet; la main était intacte. A cette vue, Paul Calloc'h s'est sauvé. François Glérant, qui se trouvait à proximité, est venu vers moi, m'a relevée et m’a soutenue pour me conduire chez le docteur. Avant d'arriver avenue de l'Odet, voyant que j'avais du mal à marcher, il a avisé un char à bancs dont le cheval était attaché à un poteau: il m 'y a installée, a détaché le cheval et l’a mené jusqu'à proximité du cabinet médical du Docteur Abbadie où il m'a portée et où mon père m'a rejointe. (Le véhicule emprunté était celui de Monsieur Berrou, que je revois encore avec son chapeau breton ...) En attendant le docteur, sa bonne, une bigoudène, voyant mon triste état, m'a donné un verre de "lambic" pour me réconforter, plis un deuxième à ma demande. Il y a ensuite un trou dans ma mémoire, et quand j'ai repris conscience, je me trouvais à Kergaït, entourée de militaires allemands. Un de leurs docteurs m'a fait une piqûre dans la fesse, et je me souviens avoir eu le réflexe de rabaisser ma robe après l'injection. Les Allemands m'ont ensuite conduite à Quimper dans leur ambulance où il y avait aussi des militaires blessés. A la demande de ma mère, qui m'accompagnait, ils m'ont déposée à la clinique du Sacré-Coeur où le Docteur Gaumé m'a amputée du bras droit à la partie haute. Moins d'une semaine plus tard je quittais la clinique et j'étais de retour chez mes parents. Ma blessure s'est cicatrisée sans aucune complication. Dans les premiers temps, j'étais surtout contrariée à l'idée que je ne pourrais plus nager j'étais la meilleure nageuse des filles de mon âge). Mathilde CAPP entre ses frères Jean (à gauche) et Marcel 5/11