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Textes de famille concernant
les guerres (1814 – 1944)
Michel Bruley Avril 2015
Compilation Guerres 1/88
Avril 2015
Préface
Dans ce document, j’ai regroupé différents textes ou photos relatifs à des épisodes de guerre, écrits
par, ou concernant des membres de ma famille. J’ai classé les textes dans l’ordre chronologique des
faits relatés et j’ai pour chacun d’eux situé le lien de parenté des acteurs avec moi.
 Guerres napoléoniennes …………………………………………………………………………………………………………. 2
 Les deux guerres de René Puig ………………………………………………………………………………………………… 5
 Charles Puig à Verdun ……………………………………………………………………………………………………………… 23
 Georges Anselmi : Campagnes de France et d’Orient ………………………………………………………………. 34
 Les frères Bruley pendant la Première Guerre mondiale …………………………………………………………. 48
 Guerre, Captivité & Évasion de Jacques Bruley ………………………………………………………………………… 51
 Août 1944, La libération de Troyes, vue par Georges Bruley ……………………………………………………. 82
Bonne lecture,
Michel Bruley
Compilation Guerres 2/88
La famille Bruley & les guerres
napoléoniennes
Campagne de France –janvier – avril 1814
Compilation Guerres 3/88
La famille Bruley & les guerres napoléoniennes
J’ai trouvé la trace de faits relatifs aux guerres napoléoniennes concernant deux membres de la
famille Bruley : Nicolas Joseph Bruley et sa mère Edmée née Bordier.
Dans ses mémoires « Enfance Champenoise », Simone/Langlois/Bruley/Graven dit que son arrière-
arrière-grand-père avait fait la retraite de Russie et perdu une jambe à la Bérézina. Elle est la seule à
dire cela, je n’ai retrouvé aucun autre document citant ce fait.
Je m’interroge sur la véracité de ce fait. L’ancêtre en question est Nicolas Joseph, né à Neuville le 16
août 1764, marié en premières noces à Aix-en-Othe avec Marie Magdeleine Lange le 13/11/1786, et
en secondes noces à Marianne Darce, veuve Lange, qui était sa belle-sœur. Il est mort à Villemaur
vers 1840. De son premier mariage avec Madeleine Lange, il est né huit enfants, dont 6 garçons et
deux filles.
Au moment de la retraite de Russie en 1812, il avait 48 ans et eu huit enfants. Ce ne peut donc pas
être un conscrit ordinaire, relevant du système de la conscription, c’est-à-dire du service militaire
obligatoire de cinq années, pour une partie tirée au sort, des jeunes âgés de 20 ans.
Dans son texte sur la Généalogie de la famille Bruley, Bruley-Mosle, ne dit rien de la Berezina, mais
raconte qu’Edmée Bordier, veuve de Louis Bruley, la mère de Nicolas Joseph, est décédée à 82 ans le
14 février 1814, le jour de l’arrivée des cosaques à Bourg de Partie, et qu’ils la sortirent de sa maison,
pour s’y installer, la portèrent sous un poirier et allèrent l’inhumer le lendemain dans le cimetière de
Neuville.
Bruley-Mosle raconte aussi que Nicolas Joseph Bruley possédait le moulin du haut de Villemaur où il
vivait et qu’en 1814, lors de la retraite de la bataille de Montereau les ennemis mirent le feu au
moulin sous prétexte, disaient-ils, d’éclairer leur ligne de retraite, mais que grâce à un serviteur
dévoué, nommé Farot Lasnier, l’incendie fut éteint et le moulin fut préservé.
Le propriétaire Nicolas Joseph Bruley, ne pouvait porter secours pour éteindre l’incendie, car étant
averti du passage de l’ennemi, il avait sauvé son mobilier et ses bestiaux dans la forêt, ainsi que sa
famille, et la garde du moulin était confiée à Farot Lasnier qui, étant seul, s’en est courageusement
acquitté.
Rappel de la campagne de France : Janvier – avril 1814 :
Les faits relatés ci-dessus se sont déroulés lors de la campagne de France. Napoléon vaincu à
l’occasion de la campagne de Saxe, la guerre est portée sur le sol français. Les coalisés alignent
quelque 400 000 hommes qui convergent vers Paris. Napoléon n’a guère qu’une centaine de milliers
d’hommes à opposer, principalement de jeunes conscrits peu expérimentés, les Marie-Louise, et un
noyau de survivants qui se sont battus pour lui sur tous les champs de bataille de l’Empire.
Battus à La Rothière, située à 40 km à l’est de Troyes, le 1° février 1814, Napoléon dans un dernier
baroud, remporte des victoires sur les Russes à Montmirail le 11 février, et sur les Autrichiens à
Montereau le 18 février, contraignant l’armée de Bohême parvenue à une cinquantaine de
kilomètres seulement de Paris, à reculer. Cependant la fin est proche désormais.
Bruley-Mosle, dans sa notice sur Estissac et Thuisy, raconte que Napoléon « le 30 mars 1814, ayant
appris que l’armée ennemie manœuvrait pour se rendre à Paris et sachant la route Troyes-Sens-Paris
libre, est passé à Estissac à 8 heures avec son escorte ; mais 7 jours plus tard, il était à Fontainebleau
pour signer son abdication ».
Compilation Guerres 4/88
Annexe : Généalogie pour situer Edmée & Nicolas Joseph
Compilation Guerres 5/88
Les deux guerres de René Puig
Compilation Guerres 6/88
Préface
J’ai regroupé dans ce document, un texte écrit le grand-oncle maternel de mon épouse, René Puig,
ainsi que divers éléments illustratifs (pour ce qui concerne le type d’avion, j’ai choisi le Breguet 14,
car c’était l’avion le plus utilisé pour les bombardements de nuit en 1918, mais en fait, je n'ai aucune
information au sujet de l’avion qu’il pilotait).
Michel Bruley
René Puig en uniforme
Compilation Guerres 7/88
1914 - Guerre, captivité et évasion
Le 24 septembre, devant mon peloton, placé en tête du 7ème
escadron qui bivouaque avec les autres
escadrons composant le 9ème
régiment de cuirassiers, je cause avec des sous-officiers quand
subitement j’entends le crépitement d’une mitrailleuse suivi aussitôt des crépitements de plusieurs
autres mitrailleuses.
Sans un commandement, chacun se précipite à son cheval, mais les chevaux, sous la pluie de balles à
laquelle ils faisaient face, font demi-tour et s’enfuient. Les hommes embarrassés dans leurs
manteaux ne peuvent monter à cheval. Je m’accroche à une selle, mais, bousculé par les chevaux, je
ne puis me maintenir. Je tombe à terre, me relève plusieurs fois et culbuté par les bêtes qui ruent et
se cabrent sous les balles qui les frappent, qui culbutent elles-mêmes par-dessus les corps des
hommes et des chevaux tombés déjà morts ou blessés, j’essaie, mais en vain, de me mettre en selle.
Je réussis pourtant à me redresser, mais, à ce moment je reçois une ruade à la cuisse droite et je me
vois dans l’impossibilité de courir et de me mettre ainsi à l’abri des balles qui continuent de faire
rage. En rampant, je vais me coucher derrière un cheval mort.
Je croyais alors que cette surprise avait pour auteurs des autos-mitrailleuses et je me disais que leur
coup terminé elles repartiraient sans s’occuper des corps étendus et qu’il me serait possible, après
leur départ, de rejoindre d’une façon ou d’une autre, les lignes françaises. Hélas, je me trompais, et
après 10 à 15 minutes d’un feu incessant, l’infanterie ennemie se précipite et entoure les champs où
les corps de nombre de mes camarades sont couchés par la mort. Je garde encore l’immobilité,
espérant encore que les soldats me laisseront comme mort et ne feront que traverser le champ où je
me trouve.
Les coups de feu tirés à mes côtés me font présumer qu’ils donnent le coup de grâce aux hommes
mortellement atteints ou même qu’ils achèvent des blessés et je perds l’illusion de passer inaperçu.
Un coup de crosse reçu à la nuque me fait relever, et sans un geste de ma part, le cœur meurtri, mais
sans m’avouer encore vaincu, je marche devant les soldats. Je fais ainsi quelques pas, quand
j’entends prononcer mon nom. J’accours, et je trouve un camarade du 8ème
escadron, le brigadier
Chartier, couché à terre par plusieurs balles ; avec quelques mots allemands, j’obtiens l’autorisation
d’un officier allemand de le soigner. Je puis avoir une civière, et avec l’aide de soldats allemands, je le
transporte jusqu’à l’ambulance allemande. Là, je retrouve une vingtaine de cuirassiers qui me disent
que trois convois de prisonniers sont déjà partis. Nous sommes conduits à la caserne de Péronne, où
l’on nous enferme dans une chambre du 2ème
étage, sous la surveillance de plusieurs sentinelles.
À partir de ce moment, ma volonté ne tend plus qu’à un but : m’évader, et je me fais le serment de
tout tenter plutôt que de rester prisonnier.
Dans l’après-midi de ce même jour, j’inspecte les lieux et vois la possibilité de partir la nuit par une
fenêtre. Je prends plusieurs couvertures et quand l’obscurité est venue à l’extérieur de notre
chambre qui, elle, est éclairée, et où une sentinelle veille, je fais un cordage de ces couvertures et
gagne, en rampant sous les lits, la porte d’une chambre de sous-officiers, communiquant avec le
dehors par une fenêtre. Je pénètre dans cette chambre, mais, au moment où je noue mon cordage
improvisé à la fenêtre, je constate que des sentinelles sont de l’autre côté du mur de la caserne et
Compilation Guerres 8/88
surveillent les fenêtres des chambres où les prisonniers sont enfermés. Dans l’impossibilité où je suis
de fuir dans de telles conditions, je reviens à mon lit, la rage au cœur.
Le 27 septembre après-midi, nous sommes emmenés à pied à St Quentin où nous embarquons. En
cours de route, je descends plusieurs fois de wagon, avec l’intention de fuir, mais, les sentinelles qui
m’accompagnent ne me quittent pas de l’œil et je ne puis tenter aucun essai.
Je profite d’une nuit pour cacher, entre les semelles de mes chaussures les billets de banque et l’or
que j’avais sur moi.
Après avoir voyagé toute la journée en territoire allemand, nous arrivons le 30 septembre dans une
petite gare que nous sûmes, par la suite, être celle de Niederzwehren.
Dès les premiers jours, je me mets à travailler mon évasion et j’envisage différents projets. J’étudie le
camp d’où la vue s’étend assez loin dans la campagne. Je me rends compte des moyens de garde, je
surveille les allées et venues des Allemands militaires et civils, qui ont affaire dans le camp, et je
constate avec surprise que nous sommes beaucoup mieux gardés que je ne me le figurais avant
d’arriver, et je ne remarque rien qui puisse m’indiquer par quels moyens je sortirai du camp.
Je cherche parmi mes camarades un homme décidé à risquer l’évasion et je crois l’avoir trouvé en la
personne d’un sous-officier qui parle très bien l’allemand. Je lui fais part de ma décision. Ces
constatations faites et après quelques conversations, nous adoptons le projet de trouver des effets
civils, de quitter le camp par une des deux portes et de gagner une frontière par chemin de fer.
Je me mets aussitôt au travail. J’apprends que la grande ville voisine : Cassel (Kassel) est reliée à
Frankfurt-Bale par des services rapides. J’apprends aussi qu’un cuisinier allemand du camp est dans
la vie civile cuisinier de wagons-restaurants et qu’il a fait du service en France. Je fais sa connaissance
et par lui, arrive à connaître les heures des trains pour Bâle, dont nous sommes à 12 heures de
chemin de fer.
Ce résultat acquis, j’estime que des pièces d’identité suisses et des passeports pour sortir
d’Allemagne sont indispensables.
Je réussis alors à avoir la confiance de certains officiers, sous-officiers qui parlent français, je ne cause
pas l’allemand, et aussi des interprètes qui travaillent à la Kommandantur. Tous ces gens sont pleins
de considération et pour mon arme et pour ma situation civile de « gros industriel ».
J’arrive à me faire admettre comme secrétaire à la Kommandantur. Je suis chargé de répondre aux
demandes de renseignements venant de France et qui concernent les disparus, je recherche dans le
camp les destinataires des lettres dont les adresses sont incomplètes, je trie aussi la correspondance
avant qu’elle soit lue par les interprètes.
Tandis que les prisonniers ne peuvent écrire qu’une seule fois par mois deux lettres, grâce à mes
fonctions et à mes relations, il m’est permis, à moi, d’écrire aussi souvent que je veux. J’en profite et
demande, au moyen d’une clef (mots pointillés qui rassemblés indiquent exactement ce que je
demande) à deux amis dévoués, de deux côtés, différentes pièces d’identité suisses, passeports,
fausses barbes et moustaches, le tout caché dans un bloc de pain d’épices.
Compilation Guerres 9/88
Une correspondance s’établit ainsi sans que les interprètes qui lisent mes lettres ne s’aperçoivent de
rien et les réponses me disent que tout se prépare et qu’il n’y a qu’à patienter, peut-être assez
longtemps.
Au bureau où je travaille, je sais où sont enfermées les cartes qui servent à l’entrée et à la sortie de
tous les militaires et civils allemands qui ont affaire au camp, et il me sera possible d’en dérober et
d’y apposer des cachets officiels.
Quant aux effets civils, nous les ferons acheter par des prisonniers civils au propriétaire du bazar du
camp et là l’argent fera son œuvre.
Mais, au fur et à mesure que j’obtiens des éléments de réussite, je sens la détermination de mon ami
diminuer et je dois un jour me décider à ne plus compter sur lui, estimant que je ne puis entraîner
dans une telle aventure un ami indécis. Dans l’intervalle, je m’étais fait ouvrir un compte dans une
banque suisse, qui par l’intermédiaire de la « Deutsche Bank » m’envoie 150 marks. Le trésorier du
camp étant un de ceux dont j’avais gagné la confiance, je touche cette somme en une seule fois,
alors que je devais toucher, suivant les règlements, seulement 10 marks par semaine.
Tout ce qui a précédé m’a fait perdre du temps et me voilà de nouveau seul, entouré de prisonniers
qui parlent de folie et de suicide quand le mot évasion est prononcé. La destinée heureusement vient
à mon aide peu de temps après cet échec.
Vers les premiers jours de novembre, les parents du lieutenant Manceron écrivent au commandant
du camp pour rechercher leur fils, et je suis chargé de l’enquête et de la réponse à envoyer. Par un
sous-officier et un cavalier du 4ème
cuirassiers qui se cachent sous de fausses identités civiles et à qui
je remets toutes les lettres qui leur arrivent, avant qu’elles soient vues par les interprètes, lettres
dont les adresses portent leur identité militaire, j’arrive à faire la connaissance du lieutenant
Manceron du 4ème
cuirassiers, caché lui aussi sous une fausse identité civile.
Naturellement, j’arrête toute enquête, ne rend pas les lettres compromettantes, et par la suite je
soustrais avant qu’elle soit vue la correspondance qui arrive à cet officier.
Le lieutenant Manceron et moi, nous nous confions nos souffrances morales, notre humiliation
d’être prisonniers au milieu d’un état d’esprit qui n’est pas nôtre, tandis que nos camarades de
France ont encore le bonheur de combattre.
Nous nous disons notre volonté de nous évader et nous décidons de sortir coûte que coûte du camp
et de rejoindre la France.
Décidés tous les deux comme nous le sommes par la ruse ou par la force de tenter quelque chose,
nous n’avons plus qu’à nous arrêter aux moyens.
Le lieutenant Manceron, parlant insuffisamment l’allemand nous abandonnons le projet de quitter
Cassel par le train, projet qui nécessiterait une parfaite connaissance de la langue pour sortir du
camp, pour demander des billets, et pour soutenir des conversations aux contrôleurs et au passage
de la frontière.
Nous nous arrêtons au projet de sortir du camp sans être vus et de gagner la Hollande, en ne
comptant que sur nos jambes.
Compilation Guerres 10/88
Je m’astreins, dès ce jour, à un entraînement pédestre progressif et sur une ligne droite d’une
centaine de mètres j’abats journellement de nombreux kilomètres.
Par un sous-officier allemand, libraire dans la vie civile à Cassel, j’obtiens après quelques achats de
livres le Baedeker en langue française, « l’Allemagne », en donnant comme prétexte que je veux
connaître « toutes les beautés de l’empire germanique ». Ce livre nous donne la possession d’une
petite carte de l’Allemagne où les villes principales, les lignes de chemin de fer, les fleuves et grandes
rivières sont indiqués.
J’arrive, après bien des recherches à découvrir une boussole et le propriétaire, un sous-officier russe
me vend ce précieux instrument qui sera le plus important facteur de notre réussite.
Par l’intermédiaire d’un ouvrier électricien allemand qui travaille au camp, je fais l’achat d’une lampe
électrique et de piles de rechange, et dans les mêmes conditions un ouvrier charpentier me fait
entrer en possession d’un couteau très complet (tournevis, poinçon, scie …) et de boîtes de conserve.
À l’infirmerie où je me suis ménagé des relations, je trouve flacon de quinine, pilules de strychnine,
teinture d’iode, vaseline.
Nous arrivons ainsi petit à petit à mettre quelques atouts de réussite de notre côté, mais nous
ignorons toujours comment nous sortirons du camp, et chaque soir, quand les prisonniers dorment, à
l’abri des regards des sentinelles, nous complotons en envisageant les possibilités pour passer les
grillages.
Le camp de Niederzwehren est entouré d’un double grillage de 2m50 de hauteur, et, entre ces
grillages, est établi un chemin de ronde, très bien éclairé la nuit par des lampes électriques, où les
sentinelles sont placées à 50, à 60 mètres les unes des autres. Ces sentinelles possèdent des sifflets
dont elles se servent à la moindre alerte. Six baraquements-postes reliés par téléphone, sont répartis
autour du camp, contre le grillage extérieur, et les 400 à 500 hommes qui viennent chaque jour
garder les prisonniers sont partagés entre ces postes.
À l’intérieur du camp, de nombreuses sentinelles sont placées, et à l’extérieur, des sentinelles
gardent routes, chemins, ponts de rivière, voie ferrée.
Toutes ces remarques faites, le lieutenant Manceron et moi décidons de profiter d’une nuit noire et
de passer par le grillage. Il est défendu d’aller dans un coin du camp, mais, il est possible de passer
outre en s’enfermant, dans la journée dans un baraquement où se trouvent des bureaux et d’où, par
une fenêtre, on peut gagner ce coin du camp, moins bien surveillé. Une pince pour couper les
grillages est indispensable. Pendant que le lieutenant Manceron surveille, je passe un dimanche, par
escalade, dans une pièce où les ouvriers laissent leurs outils et en démontant la serrure d’un coffre,
j’obtiens l’outil désiré.
Mais, ce projet-là échoue, et après trois essais infructueux dont le dernier manque de peu de se
terminer d’une façon tragique, nous nous décidons à nous orienter d’un autre côté.
Après maints projets, nous nous arrêtons à celui conséquent de certains faits : le lieutenant
Manceron a comme voisins des zouaves, habitués d’une corvée dite de vidanges. Cette corvée
consiste, pour les prisonniers à s’atteler par groupes de 50 à 60 à des voitures-tonnes, et à traîner ces
Compilation Guerres 11/88
voitures jusqu’à un champ d’épandage, distant du camp d’environ 1500 mètres. Il entend dire, par
ces soldats que la surveillance de cette corvée est devenue moins rigoureuse et que, tandis que les
vidanges se déversent dans les tranchées, les sentinelles laissent les prisonniers se mettre à l’écart
des mauvaises odeurs et fumer des cigarettes.
Le lieutenant Manceron, pour s’assurer lui-même du bien-fondé de ces renseignements se procure
une capote d’infanterie nécessaire pour se glisser dans cette corvée strictement réservée aux soldats
et, transformé ainsi en fantassin, peut aller étudier sur place, en plusieurs fois, la possibilité de
quitter le camp par ce moyen. Il constate que cette corvée offre des chances de réussite, mais qu’il
faudra probablement y aller de nombreuses fois pour arriver à tromper un jour la surveillance des
sentinelles qui, parfois, comptent les prisonniers à l’aller et au retour, font aussi le tour du champ
d’épandage, le déversement terminé pour s’assurer qu’aucun homme n’est caché, ou encore ne
quittent pas des yeux les prisonniers qui s’éloignent de la voiture.
La difficulté peut provenir aussi, du mal que j’aurai à passer sans être reconnu au milieu d’une corvée
dont les gradés allemands qui commandent me connaissent presque tous, mais ceci est secondaire,
et nous ne sommes plus à un obstacle près !
Le 21 décembre, nous nous glissons dans la corvée de vidanges, juste au moment de son départ du
camp. D’après mes prévisions, mon absence ne peut être signalée que le lendemain matin à 8
heures, et j’ai chargé mon voisin de lit, afin qu’il ne puisse être inquiété, d’aller lui-même rendre
compte de mon absence.
Avant de quitter nos baraquements, nous avions pris nos tenues d’évasion et tout ce qui est
indispensable pour la route. Le lieutenant Manceron a sa capote d’infanterie sur ses effets civils, et
comme coiffure un chapeau de feutre mou. Sous ma tenue militaire, j’ai un costume de mécanicien
que j’ai acheté à un prisonnier civil du camp et le tout recouvert de mon manteau de cavalier.
Comme coiffure, mon calot dégalonné, ainsi que le manteau.
J’emporte mon bidon réglementaire empli d’eau-de-vie obtenue par l’intermédiaire d’un ouvrier
allemand, mon porte-cartes où sont cachés des vivres pour la route : 1 boîte de sardines, 1 boîte de
foie gras, 1 morceau de pain d’environ 400 grammes et différents objets : la pharmacie, la lampe
électrique, du fil, des aiguilles, etc.. Dans mes poches, je cache soigneusement la boussole, le livret
militaire, la carte arrachée du Baedeker, un couteau, etc..
Ainsi équipés, nous arrivons, sans incident, au champ d’épandage, sans avoir l’air de nous connaître ;
nous nous écartons un peu, nous nous accroupissons derrière un remblai de terre extraite d’une
tranchée, choisissons la seconde où les sentinelles ne regardent pas de notre côté pour nous coucher
et, en rampant nous arrivons à gagner, sans être vus la tranchée la plus éloignée à une trentaine de
mètres. Nous nous précipitons dans le fond, un peu … vaseux et nous nous y tassons le plus possible,
car il ne faut que quelques centimètres pour que les sentinelles ne voient nos têtes. Pendant une
dizaine de minutes bien longues dans notre situation, nous gardons une immobilité absolue et puis,
n’ayant eu aucune visite de sentinelles, nos cœurs battent un peu moins et nous risquons un œil à
l’extérieur de la tranchée. Nous ne voyons plus rien autour de nous, la corvée est repartie sans que
notre absence n’ait été remarquée ! Voici donc le premier acte de gagné et il n’y a plus qu’à attendre
la nuit pour nous mettre en route. Il est 3 heures et jusqu’à 6 heures, nous ne bougeons pas de notre
Compilation Guerres 12/88
trou et gardons un silence complet, car, pas loin de nous, travaille une corvée et sur une route
voisine le va-et-vient des gens, des voitures ne discontinue pas.
Nous devions abandonner là la capote et le manteau militaire et faire notre marche habillés en civils,
mais, comme la température froide et l’humidité du fond où nous sommes terrés nous font grelotter,
nous nous décidons, pleins de confiance après notre premier succès, de conserver ces effets qui nous
garantiront du froid quand nous ne marcherons pas.
À 6 heures, nous sortons de la tranchée, et cette fois, c’est définitif ; nous commençons la conquête
de la liberté.
Pour éviter la traversée du village de Niederzwehren, gardé militairement, il nous faut faire un détour
en longeant le camp jusqu’à une voie ferrée. Nous avançons prudemment, car nous devons passer
entre le camp et les sentinelles placées autour du grillage extérieur, à des emplacements que nous
ignorons. En avançant par bonds, nous arrivons à la voie ferrée, gardée par des sentinelles. Nous
cherchons un passage et traversons la voie sans alerte. Un peu plus loin, nous attendons un moment
pour couper une grande route où la circulation n’arrête pas.
Enfin nous nous trouvons dans la campagne, et nous nous dirigeons vers le col qui se rapproche le
plus de notre direction N.O. et qui nous mettra de l’autre côté de la chaîne montagneuse qui barre
l’horizon.
Au premier bois traversé, nous nous armons de deux solides gourdins qui nous servent en même
temps de soutien. L’état physique peu brillant où le régime des prisonniers nous a mis est un de nos
soucis, mais l’état moral est excellent et il soutiendra nos forces quand celles-ci seront épuisées.
Toute notre première nuit, nous marchons à travers bois et nous écartons prudemment des villages.
À partir de ce moment notre boussole jouera son rôle capital pour nous, puisque notre petite carte, à
l’échelle 1:2.750.000 ne peut nous servir qu’en y trouvant des points de repère. Nous marchons
direction O. et traversons une région très montagneuse où le froid se fait sentir. Notre allure est
assez vive, car nous tenons, cette première nuit, à nous éloigner le plus possible de Niederzwehren.
Le matin, au petit jour, nous cherchons un refuge dans un bois touffu et nous y restons jusqu’à la
tombée de la nuit.
Nos étapes sont établies comme suit : 12 à 13 heures de marche, chaque fraction de 60 minutes
coupée d’un arrêt de 10 minutes. Nous pensons ainsi abattre 50 kilomètres par nuit. À cause de
ceintures de surveillance établies autour des camps de Niederzwehren, Munden, Gottingen,
Munsten, à cause des villes à éviter, des ponts à chercher pour passer les rivières, des traversées de
voies ferrées en dehors des ponts ou passages à niveau, nous sommes obligés souvent de nous
écarter de notre direction initiale O.N.O. et de faire ainsi de nombreux détours qui allongent d’autant
plus notre marche.
La seconde nuit se passe comme la première sans incident et nous marchons N.O. Nous traversons
des montagnes boisées et en l’absence de chemins escaladons comme nous pouvons. Nous trouvons
de nombreux ruisseaux qui nous fournissent une eau fraîche que nous buvons en abondance. La
température continue à être rigoureuse et le thermomètre doit indiquer plusieurs degrés -0 à en
juger par la glace épaisse qu’il nous faut briser pour nous alimenter d’eau.
Compilation Guerres 13/88
Notre deuxième journée passée comme la première dans un bois, nous commençons à souffrir
sérieusement du froid. L’immobilité à laquelle nous sommes astreints pour ne pas éveiller l’attention
des bûcherons ou des chasseurs qui nous environnent, le contact du sol glacé nous font grelotter et
claquer des dents presque continuellement et nous ne pouvons pas dormir.
Le troisième jour, nos vivres sont épuisés, et nous nous nourrissons de grosses raves déterrées dans
un champ. La mastication d’un pareil aliment est très difficile, nous commençons à être fiévreux et
l’eau nous manque souvent pour désaltérer nos estomacs qui nous brûlent. Dans les drogues
emportées, nous trouvons un excitant nerveux, mais, peut-être que, d’un autre côté, ces drogues
finissent par détraquer nos estomacs.
Nous décidons d’acheter du pain à la première occasion et le lieutenant Manceron connaissant assez
l’allemand pour s’expliquer chez un boulanger se charge de la mission. À l’entrée d’un village, il me
laisse sa capote et s’en va à la recherche d’une boulangerie. Il revient peu de temps après, chargé de
2kgs de pain et d’un gâteau qui assureront exclusivement notre nourriture pendant les 5 jours que
nous mettrons à ce moment pour atteindre la Hollande.
Comme tout s’est bien passé, le lieutenant Manceron veut retourner dans le village chercher du lait,
mais cette fois, le coup manque, et nous nous éloignons après avoir mangé le gâteau qui nous paraît
exquis.
Notre marche se continue pendant deux autres nuits avec la même régularité. Pourtant dans la
cinquième nuit, nous avons une légère défaillance morale : pendant près de 6 heures, nous sommes
obligés de suivre le cours très sinueux d’une rivière, à la recherche d’un pont et cela nous écarte
beaucoup de notre direction. Nous rencontrons bien des barques, mais de solides chaînes les
attachent au rivage. Nous pensons traverser cette rivière à la nage, mais le courant violent nous fait
craindre une noyade. Les bords de cette rivière sont très escarpés, tantôt boisés, tantôt bordés de
prairies séparées les unes des autres par des clôtures que nous avons des difficultés à franchir. Enfin,
le pont désiré nous apparaît et nous pouvons reprendre la bonne direction.
Nos pieds blessés nous font souffrir, et je dois découper le cuir des chaussures du lieutenant
Manceron à l’emplacement des frottements sur des plaies profondes.
En arrivant dans le Munsterland, les pâturages sont très nombreux et nous avons, à tout instant des
clôtures à passer, nous avons alors de grandes difficultés pour trouver à nous cacher dans la journée
et un jour nous sommes obligés de nous abriter sous une cabane où les bestiaux en pâture se
couchent et tout près d’un sentier. Des jeunes gens nous y voient, mais la pèlerine de mon manteau,
rabattue sur ma tête, les empêche de distinguer, qui nous sommes, et leurs rires nous font penser
qu’ils nous ont pris pour des amoureux !
Il nous arrive, en suivant des chemins, de nous trouver subitement dans des cours de grandes fermes
et poursuivis par des chiens qui donnent l’éveil aux propriétaires ; nous devons chercher des issues
sans revenir sur nos pas. Là, dans les traversées des villes ou villages que nous ne pouvons éviter, la
moindre hésitation indiquerait des gens qui ignorent leur chemin et donnerait des doutes aux gens
qui nous voient. Chaque fois que nous rencontrons des habitants, le lieutenant Manceron prononce,
en allemand, quelques phrases, toujours les mêmes, et moi j’approuve par des « ia » ou des
« schon » énergiques.
Compilation Guerres 14/88
Les premières rencontres, nous avions trouvé cela drôle, mais, après, cela devient fastidieux quand
nous répétons parfois 20 à 30 fois la même histoire dans un même village.
La traversée de la ville de Lippstadt nous procure un incident amusant. Au tournant d’une rue, nous
nous cognons presque nez à nez contre deux officiers en casque et sabre. Les valises qu’ils portent
nous indiquent qu’ils arrivent en permission. Nous ne bronchons pas et nous passons fièrement à
côté d’eux en répétant pour la nième fois notre conversation ! Nous avions été dévisagés, mais
nullement inquiétés. D’ailleurs, au moindre geste de leur part, nos gourdins placés pour la défensive
auraient répondu.
Jusqu’à notre dernière nuit, le temps reste froid et nous avons la neige une nuit et une journée. Nous
buvons toujours beaucoup d’eau, mais nous n’en trouvons pas toujours comme nous le voudrions.
Notre huitième nuit de marche, nous gagnons enfin Borken dernière ville allemande avant la
frontière. Le vent souffle avec rage et dans la traversée de la ville nous ne rencontrons pas âme qui
vive. À la sortie, nous traversons deux voies ferrées et nous savons, d’après notre carte que la 3ème
voie que nous avons à rencontrer est la ligne qui conduit en Hollande à Winterswijk, la ville que nous
nous sommes fixée comme but de notre voyage. Une rivière se présente et nous ne trouvons aucun
pont pour la traverser. Nous la longeons et arrivons ainsi jusqu’à cette dernière voie ferrée dont un
pont passe au-dessus d’elle. Nous nous décidons à emprunter ce pont et grimpons à cet effet sur la
voie du remblai. À ce moment des hommes sortent d’une cabane, nous crient d’arrêter et nous
poursuivent en tirant des coups de feu. Je gagne des broussailles, mon camarade d’évasion en fait
autant, mais dans une autre direction et nous sommes séparés. Pendant une heure je fais des
recherches pour le retrouver, mais le terrain est très marécageux, coupé de ruisseaux, et je ne réussis
pas à le rejoindre. Craignant que l’alerte ne soit donnée à Borken et que des patrouilles ne soient
lancées à notre poursuite, je juge prudent de m’éloigner de la voie ferrée. À travers bois et prairies
inondées, je me dirige avec précaution dans la direction de la frontière. La tempête de vent est plus
violente encore et me couche à terre plusieurs fois, mais, à cette dernière étape, la volonté est
tendue plus que jamais vers le but fixé, et, sans arrêt, aussi vite que le vent qui s’engouffre sous mon
manteau me le permet, je marche plusieurs heures.
Je présume être à proximité de la frontière et je vois devant moi une grande plaine couverte d’eau
bordée de bois où les chemins que je rencontre se dirigent tous et où les patrouilles qui gardent la
frontière me font craindre de mauvaises surprises. Sans hésitation, j’entre dans l’eau qui n’atteint
pas plus haut que les genoux et j’avance ainsi pendant près de deux heures.
Puis, je retrouve des bois et sur la lisière d’un chemin j’aperçois des maisons d’un style nouveau qui
me font espérer que je suis en Hollande. Une route qui s’en va dans ma direction N.O. se présente à
moi ; je la suis, et comme dans le lointain le ciel est éclairé d’une vive lueur, je ne doute pas que cette
lueur indique une gare importante, et en accélérant de plus en plus l’allure j’arrive à Winterswijk.
Un civil que je rencontre dans une rue me demande si je ne viens pas d’Allemagne, et sur une
réponse affirmative me dit que mon compagnon d’évasion vient d’arriver il y a quelques minutes. Je
cours à la recherche de mon ami, et à peu de distance de là, je tombe dans ses bras.
Nous rencontrons un sous-officier hollandais. Il nous interroge, nous répondons prudemment en
français et il découvre ainsi notre identité. Lui-même cause un peu le français et comme il manifeste
Compilation Guerres 15/88
sa sympathie pour la France, nous lui disons qui nous sommes et d’où nous venons. Il nous félicite
chaudement et nous invite à aller au poste de police nous réchauffer et nous restaurer un peu en
attendant que les hôtels soient ouverts.
De 6 à 8 heures, nous restons au bureau du poste de police où l’on nous offre : café, pain beurré, etc.
Puis, nous sommes accompagnés jusqu’au grand hôtel de Winterswijk, ville de 16 000 habitants.
Nos mains et nos figures sont en sang et les plaies vives de nos pieds ont besoin d’être lavées. Nous
sommes pansés et après un bain dont nous avions grand besoin, nous déjeunons légèrement et nous
nous couchons après avoir reçu ; tailleur chemisier, chapelier, etc., car nos effets sont en lambeaux
et ignoblement sales et il faut que nous ayons des effets civils pour rentrer en France. Si nous étions
considérés comme soldat français, nous ne pourrions échapper à la rigueur de la loi qui nous ferait
prisonniers à nouveau.
Nous avons eu le soir des visites de notabilités du pays qui disent leur sympathie pour la France. On
nous offre une collection de journaux français où nous lisons enfin des nouvelles exactes de la
guerre, nouvelles qui confirment l’optimisme que nous n’avions pas une minute abandonné, malgré
les lectures de journaux allemands et des conversations faites au camp, maintenant lointain, où tout
est fait pour démoraliser les hommes sans volonté.
Le lendemain, 30 décembre, nous sommes à Rotterdam où le consul nous délivre un papier pour
faciliter, dans la mesure du possible, notre passage en Hollande et en Angleterre.
Nous embarquons le soir, et après 30 heures de traversée arrivons à Tibury près de Londres. Nous
restons à Londres quelques heures pour attendre un train qui nous amène le 1° janvier à Folkestone.
Nouvelle traversée et à midi nous foulons le sol natal ….
Le soir à 11 heures, nous arrivons à Paris et cette fois, la partie est bien gagnée ; nous pourrons, dès
notre rétablissement, contribuer à la victoire de La Patrie aimée !
Signé : R. PUIG
****
Rentré en France, René Puig a regagné l’armée, et est devenu pilote d’avion. Le Lieutenant-aviateur
René Puig est mort aux commandes de son avion, à Rembercourt-sur-Mad (Meurthe & Moselle), lors
d’une mission de bombardement, dans la nuit du 14 au 15 août 1918. Voir les annexes 4, 5 & 6.
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Annexe 1 : 9ème
Régiment de Cuirassiers
Le 9e régiment de cuirassiers est un ancien régiment de cavalerie de l'armée française créé en 1666.
Période 1666 – 1946
Pays France
Branche Armée de terre
Type Régiment de Cuirassiers
Rôle Cavalerie
Inscriptions
sur l’emblème
Hohenlinden 1800
Austerlitz 1805
La Moskowa 1812
Fleurus 1815
L'Aisne 1917
Le Matz 1918
Argonne 1918
Anniversaire Fête: le 16 juin (Fleurus, 1815)
Guerres
Guerre de 1870
Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Fourragères Aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918.
Décorations Croix de guerre 1914-1918, deux palmes.
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Annexe 2 : Images de cuirassiers de la Première Guerre mondiale
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Annexe 3 : Le camp de Cassel (Kassel) Niederzwehren
Site dédié au camp de Cassel : http://lencrierdupoilu.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=227:camp-de-
cassel&catid=149:etude&Itemid=108
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Annexe 4 : Exemple de bombardier de la fin de la Première Guerre mondiale
Le Breguet XIV était un biplan français utilisé pendant la première guerre mondiale comme avion de
reconnaissance et comme bombardier, et est sans doute le meilleur bombardier moyen de la
Première Guerre mondiale. Sa vitesse en faisait l'appareil biplace le plus rapide du conflit. Il a été
produit pendant de nombreuses années après la fin de la guerre.
Breguet XIV
Constructeur
Bréguet aviation
Rôle
Bombardier
Premier vol
21 novembre 1916
Mise en service
1917
Date de retrait 1930 (en France)
1937 (en Thaïlande)1
.
Équipage
2: 1 pilote, 1 observateur
Motorisation
Moteur
Renault 12 Fe ou 12 Fcx
Nombre
1
Type 12 cylindres en V à
refroidissement par liquide
Puissance unitaire
300 ch
Envergure aile supérieure : 14,36 m
aile inférieure : 13,77 m
Longueur
8.87 m
Hauteur
3,3 m
Surface alaire
49 m2
Masses
À vide
1 127 kg
Avec armement
1 915 kg
Performances
Vitesse
maximale 185 km/h (Mach 0,15)
Plafond
5 750 m
Vitesse
ascensionnelle 105 m/min
Rayon d'action
700 km
Armement
Interne
1 mitrailleuse Vickers de 7,7 mm
tirant vers l'avant et 2 mitrailleuses
Lewis de 7,65 mm sur affût
pivotant à l'arrière
Externe
300 kg de bombes
Compilation Guerres 20/88
Annexe 5 : Photos de Breguet 14
Armement
En vol
Compilation Guerres 21/88
Annexe 6 : René Puig et son avion écrasé à terre
René
Son avion
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Annexe 7 : Généalogie
Marguerite & René
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Charles Puig à Verdun
Compilation Guerres 24/88
Préface
Le grand-père maternel de mon épouse, Charles Puig a fait la guerre 14 -18 dans les Chasseurs à
Pied. Il a laissé un court texte manuscrit sur sa participation à la reconquête de Verdun en 1916. J’ai
repris ce texte dans le présent document, et j’ai annexé quelques éléments qui m’ont paru
intéressants pour éclairer le sujet (des informations sur la bataille de Verdun, les chasseurs à pied, le
bataillon concerné, la division, etc.).
Michel Bruley
Compilation Guerres 25/88
V E R D U N
Ayant quitté le bataillon en Argonne où, depuis plus d’un an, nous occupions différents secteurs, je le
retrouvai, après une excellente permission de 7 jours, dans un petit village de la Marne à Cheminon à
7 km environ de Sermaize les Bains. Depuis le début de la Campagne, c’est la première fois que le
66ème était ainsi ramené à l’arrière, et c’est avec le plus grand plaisir que tous, gradés et chasseurs,
se disposaient à passer quelque temps loin du bruit du canon. Les compagnies étaient logées dans le
village, seule la Compagnie de mitrailleuses cantonnait dans une ferme à 2 km de Cheminon, ferme
dans laquelle nous jouissions de la plus grande tranquillité.
Je ne devais du reste pas rester longtemps, car quelques jours après mon retour, je fus versé à la 2ème
Compagnie où je devais, muni d’une lettre de service, prendre le Commandement en cas d’absence
ou d’empêchement du Capitaine Marc, mon nouveau capitaine. Ce n’est pas sans un certain regret
que je quittais mon excellent Capitaine Vigier, mais j’étais heureux que la Compagnie dans laquelle
j’étais versé, soit celle du Capitaine Marc, qui m’accueillit de la façon la plus cordiale. Je retrouvai là
comme camarades les Lieutenants Ramel et Pouget, deux vieux amis de longue date avec lesquels
j’étais dans les meilleurs termes.
Notre séjour à Cheminon fut celui de toutes les troupes au repos. Notre temps se passait en grande
partie en exercices, marches, tir au stand de Sermaize, etc. Bien entendu, les revues, inspections,
prises d’armes, etc. furent nombreuses, chaque jour la fanfare exécutait les meilleurs morceaux de
son répertoire sur la place du village, sous la grande halle très curieuse de l’endroit. Les retraites aux
flambeaux, deux fois par semaine, avaient un grand succès tant parmi nos chasseurs que parmi la
population civile, et nous eûmes des représentations théâtrales données, soit par les artistes du
bataillon, soit par la troupe du théâtre aux Armées. Cette période de détente fut encore rendue plus
agréable par les quelques escapades de 48h que nous fîmes à Paris.
Au cours de notre séjour à Cheminon, nous apprîmes bientôt que nous étions destinés à coopérer à
une attaque qui allait être faite sous Verdun, mais cette fois, offensive de notre part, et bientôt le
thème de nos exercices n’eut plus que ce but. Le Commandant, le Général, Le Colonel …,
commandant l’infanterie divisionnaire réunirent à plusieurs reprises les officiers et adjudants, et
nous nous mîmes sérieusement à étudier sur la carte notre futur champ d’opérations. Pour nous tous
c’était un rôle tout nouveau que nous allions avoir à jouer, depuis deux ans nous avions la vie assez
monotone de la tranchée et cette fois nous allions nous porter à l’attaque, aussi est-ce avec la plus
grande attention, avec le plus grand soin que nous nous préparions à notre tâche, tant au point de
vue de notre éducation personnelle, qu’au point de vue de l’entraînement de nos hommes. Le moral
du bataillon était d’ailleurs bon et tous, sans trop d’appréhension, attendaient le jour du départ.
L’attaque qui devait avoir lieu vers le 18 octobre fut reculée vers le 20.
Les Capitaines et officiers en premier reçurent l’ordre de venir visiter le terrain de Verdun. Ce jour-là
une auto d’ambulance mise à notre disposition par la 2ème
armée (celle à laquelle nous allions faire
partie) vint nous prendre à Cheminon vers midi. Le temps était splendide et c’est avec gaieté que
nous nous sommes mis en route. Après un court arrêt à Bar-le-Duc, nous filons sur Verdun par la
fameuse route rendue si célèbre sous le nom de « La voie sacrée ». C’est par là que, pendant toute
l’offensive boche sur Verdun, cette ville fut surtout ravitaillée. Aussi n’est-ce pas sans un peu
d’émotion que je voyais approcher cette ville si connue, si célèbre, cette ville dont le nom ne cessait
de nous hanter tous : Verdun ! Au fur et à mesure que nous approchions, les villages étaient de plus
en plus remplis de troupes. À Souilly, en passant, nous voyons le quartier général du Commandant de
la 2ème
armée.
Compilation Guerres 26/88
La nuit tombait, nous roulions maintenant sans lumière et croisions sur la route de nombreux convois
de toute sorte. Enfin nous arrivons à Verdun ! La ville était déserte et dans la nuit, à la clarté de la
lune, son aspect était particulièrement saisissant. Au loin le canon grondait et après plus d’un mois
nous entendions sa grosse voix. L’auto nous amena dans la citadelle ; de suite on nous fit descendre
à l’intérieur. Quel spectacle que celui de cette citadelle, de cette ville souterraine depuis plusieurs
mois ! Là on se sentait de suite à l’abri, mais quelle atmosphère de guerre ! Dans tous les couloirs se
pressaient les gens échappés pour quelques heures de l’enfer, et qui apportaient dans ce milieu
comme un peu de ce qui se passait là-bas.
Il était l’heure du dîner et l’on nous conduisit au mess des officiers, grande salle où autour de longues
tables se pressaient de nombreux officiers. Il y avait là aussi le Général Dubois commandant la place,
le préfet. Chaque jour des hôtes de passage nouveaux se succédaient dans cette salle. Le repas fut
frugal, car le ravitaillement de Verdun était assez difficile et la ville, bien entendu, depuis longtemps,
n’offrait plus la moindre ressource. Après dîner, l’on nous conduisit à un baraquement en dehors de
la citadelle, dans d’anciennes casernes à moitié détruites où nous devions passer la nuit. Ce que fut
notre nuit ! Le froid était assez vif, et comme nous n’avions pas de couverture, nous avons peu dormi
sur notre paillasse, surtout que le bombardement ne cessait pas, que nous entendions son
roulement continuel et par moments le sifflement si caractéristique du passage des obus boches qui
heureusement pour nous (car nous n’étions pas à l’abri d’un 107) allaient tomber un peu plus loin. Et
puis nous pensions à notre reconnaissance du lendemain et aussi à l’attaque prochaine.
Vers 5h du matin debout, d’autres autos ambulances américaines nous attendaient. Rapidement
nous traversons la ville détruite, que nous devions mieux voir au jour, et nous passons la Porte de
France. Le faubourg Pavé fut traversé en vitesse, les Boches le bombardant fréquemment, et sur la
route des cadavres récents de chevaux nous firent voir que cette fois nous étions bien revenus dans
ce milieu que nous avions quitté si gaiement. Le jour n’avait pas encore fait son apparition, lorsque
les autos nous descendirent au carrefour du Cabaret Rouge, endroit lugubre, sur lequel les Boches
s’acharnaient particulièrement.
Vite nous gagnons la caserne où se trouve l’État-major de la division en ligne, bien abritée, mais dont
les alentours avaient eu la visite de quelques gros projectiles boches. À l’abri nous attendons nos
gradés et au petit jour nous nous mettons en route. Tout d’abord par un long boyau en assez bon
état nous allons jusqu’aux casernes Marceau. Pauvres casernes, elles ne sont plus que ruines,
quelques batteries lourdes sont installées alentour ou au milieu des bâtiments détruits. De là nous
nous dirigeons vers le fort de Souville! Quelle impression ! Jamais depuis le début de la campagne, je
n’ai vu un terrain pareillement défoncé. Autour de nous ce ne sont que trous d’obus. La piste que
nous suivons (un ancien chemin) les contourne ! Il faut savoir que nous sommes à l’emplacement
d’un fort, car rien n’en décèlerait la place ! C’est un véritable mamelon défendu de tout côté. De gros
obus de 370 ont fait des entonnoirs fantastiques.
L’intérieur du fort n’a pas souffert, et dans une ancienne tourelle nous nous arrêtons un instant.
C’est un poste de commandement, de nombreux servants s’y pressent. On sent la fièvre de la
préparation d’une prochaine attaque. D’un observatoire nous découvrons le terrain de la future
attaque. À mes pieds un long sentier, puis en face ce qui fut Fleury, les bois de la Caillette, Vaux, et
au fond la masse imposante de la Crête de Douaumont, au milieu de laquelle une masse se détache
le Fort de Douaumont, l’objectif ! Mais tout ce terrain n’est plus qu’un vaste paysage lunaire, ce ne
sont que des trous, pas un coin qui n’ait été retourné mainte et mainte fois. Quelle effroyable
bataille s’est passée ici !
De Souville nous redescendons vers Fleury suivant tantôt des pistes qui contournent les trous d’obus,
tantôt des boyaux en construction. Nous atteignons Fleury ou plutôt ce qui fût ce village, les Boches
l’occupent encore presque en entier, mais nos tranchées sont à la lisière. Partout de notre côté l’on
Compilation Guerres 27/88
travaille ferme, mais quelle tâche à accomplir ! Enfin nous avons confiance et c’est joyeux que nous
regagnions notre point de départ. Je conserverai toujours un souvenir inoubliable du spectacle que
j’avais vu ce jour-là. Verdun ! Nulle imagination ne peut se représenter ce coin. Nous avons dû
regagner la ville à pieds et arrivions à la citadelle pour déjeuner. Après déjeuner, je suis allé avec mes
camarades visiter la ville ! Pauvre Verdun que j’avais connu en temps de paix, comme je la retrouvais
détruite. Le centre de la ville est complètement dévasté, dans la ville entière pas de maison qui n’ait
été atteinte, qui n’ait souffert. Que de ruines ! Vers 3h des autos nous reprennent et nous regagnons
Cheminon à la nuit, Cheminon où nos camarades nous attendaient avec impatience, pour avoir de
nous quelques détails sur ce qui avait été notre reconnaissance.
C’est le 21 que nous recevons enfin l’ordre de départ fixé au lendemain matin à 7h. Des camions
autos nous attendent à la sortie du village. La plus grande partie de la population féminine est venue
dire au revoir aux chasseurs, qui avaient reçu un si bon accueil dans ce petit pays, où nous avions
passé quelques bonnes journées. À 8h en route. Tous savent où l’on nous conduit, mais tous partent
joyeux. Le temps d’ailleurs est superbe et c’est en chantant que nous traversons les premiers villages.
Mais la fatigue se fait sentir et le silence se fait petit à petit. D’ailleurs nous approchons, et la même
émotion que j’avais ressentie quelques jours avant, tous plus ou moins consciemment la ressentent.
Les camions nous débarquent vers 4h du soir à Dugny. De là nous regagnons à la nuit les casernes de
Bellanger où nous allons passer la nuit. Nous voici près de Verdun. Pas de lumière, on entend le bruit
incessant de la canonnade, les nôtres tirent sans discontinuer, et de nos fenêtres nous voyons les
lueurs des départs. Les Boches nous semblent répondre peu, mais nous sommes à 5 ou 6’ des lignes,
et nous ne pouvons guère entendre. Tous sont fatigués, et bientôt tous s’endorment dans cette
caserne que les Boches bombardent de temps à autre, mais qu’ils épargnent cette nuit-là.
23 Octobre ! Le jour se lève pluvieux ! L’attaque doit être prochaine, on la dit pour ce jour-là, mais
nul ne le sait de façon certaine. Attaquera-t-on avec cette pluie ! Peu probable ! La canonnade
continue ! Nous terminons les derniers préparatifs. Les bruits les plus divers circulent. Vers midi la
canonnade redouble. Puis le bruit court que l’attaque s’est déclenchée ! Il se confirme et les
nouvelles sont bonnes. Les avions profitent d’une éclaircie et sillonnent le ciel ! Au loin les fusées
signalent notre avance, que se passe-t-il ? 4h du soir ! Le Commandant réunit ses officiers. Nous
allons savoir. Tout le monde est fiévreux, le Commandant lit un message. Douaumont est pris ! Notre
victoire est complète, les objectifs sont tous atteints. La joie se lit sur tous les visages. À notre tour
d’entrer en danse. Ce sera sans doute pour la nuit qui vient. Vite nous faisons les derniers
préparatifs. Mes hommes touchent leurs derniers vivres, leurs munitions, et on se couche
rapidement, car d’un moment à l’autre on peut partir.
À 11h du soir l’on vient nous réveiller. À minuit, on part. En route pour la bataille ! Tous les cœurs
sont un peu émus, mais bah ! Les routes sont couvertes de boue liquide où nous enfonçons presque
jusqu’aux chevilles. Par la nuit noire, nous gagnons le Faubourg Pavé. La marche est lente, les
hommes lourdement chargés sont harassés. Les routes sont encombrées et la canonnade fait rage.
Sans incident nous atteignons les casernes Marceau, mais le jour va bientôt poindre. Comment
pourrons-nous gagner les lignes ? La marche est de plus en plus difficile et c’est complètement
harassé que nous atteignions Souville. Il fait grand jour. Que va-t-on faire ? Quelques longues
minutes puis l’ordre vient de rester là. Quelques abris profonds nous contiennent tous. Attendons !
Bientôt la fatigue de la nuit se faisant sentir, tous ne tardent pas à s’endormir. Vers 9h je sors de
l’abri et vais aux nouvelles. Il paraît que nous devions attaquer ce matin, mais notre division étant
arrivée trop tard, l’attaque est remise.
Un ordre arrive : les troupes en ligne ont besoin de munitions, de vivres. Le bataillon va les ravitailler.
La Compagnie fournit 100 hommes, plus une cinquantaine de la 1ère
! Un officier doit diriger la
corvée. C’est à moi de monter. En route 5 kms. Nous allons jusqu’à la retraite de Souville, là mes
hommes prennent des sacs de grenades, de cartouches, des vivres et en avant sous la conduite de
Compilation Guerres 28/88
deux gradés. Nous franchissons la route de Souville, et descendons à travers le champ de trous
d’obus jusqu’à l’ancien poste de commandement des premières lignes, jusqu’au PC Cavières. Nous
avançons péniblement à travers les entonnoirs, enfonçant dans la boue jusqu’aux genoux, de temps
à autre un de nous s’enlise jusqu’à la poitrine, jusqu’aux épaules. Il faut plusieurs camarades pour le
sortir ! Nous sommes sur une pente descendante qui de loin est vue des Boches. C’est miracle qu’ils
ne nous disent rien !
On arrive au PC Cavières, mes hommes repartent et je vois leurs longues files remonter péniblement
vers Souville. Tout à coup, un, deux, dix, cent obus. Les Boches ont ouvert un tir de barrage, je vois
les obus tomber au milieu de nos chasseurs, tous sont dispersés, la plupart disparaissent dans les
trous ! Quelle anxiété ! Combien des nôtres auront-ils été atteints ? Je me hâte à mon tour, le tir de
l’ennemi cette fois a presque cessé. J’arrive aux abris, je fais faire l’appel. Pas un seul ne manque à
l’appel. Tous ont été épargnés. Jusqu’alors tout allait bien. Nous passons le reste de la journée dans
nos abris, nous ravitaillant à notre tour. Plusieurs chasseurs de la 1ère
compagnie et de la nôtre sont
atteints par des obus, car de temps à autre les Boches tiraient dans notre direction quelques gros
210. Notre compagnie fournit à nouveau une corvée pour aller ravitailler les premières lignes, mais
mon camarade Pouget en a la direction, corvée très dure.
Nos hommes reviennent à 2h du matin, harassés de fatigue, mais sans avoir éprouvé de pertes. Moi
je prends un repos bien gagné. La journée du lendemain se passe sans incident, nous ne quittons pas
nos abris. Tous se reposent. Le terrain est de nouveau arrosé copieusement par les Boches et de
nombreux chasseurs ou gradés, agents de liaison principalement ayant à circuler au dehors, sont
atteints plus ou moins grièvement. La nuit vient. Cette fois de nouveau mon tour est de marcher. Je
conduis une corvée de ravitaillement. La nuit est noire. Combien est difficile la tâche de guider, à
travers ces trous d’obus plein d’eau, une centaine de chasseurs marchant difficilement sous le poids
qui les accable. À chaque instant un homme disparaît dans un trou plein d’eau, s’enlisant dans la
boue, il n’est pas trop de deux ou trois camarades pour le sortir de là ! Enfin tout se passe sans mal et
notre séjour aux abris A et B (les noms qu’ils portent) se termine sans que notre compagnie ait trop à
souffrir.
Maintenant nous allons monter en ligne aider nos camarades. Le Capitaine Marc est parti dans la
journée reconnaître le secteur, je prends le commandement de la Compagnie. Nous partons du fort
de Souville à la tombée de la nuit, nous dirigeant d’abord vers Fleury, dans l’eau, la boue. Quelle
marche fatigante ! Mes chasseurs sont lourdement chargés. Je dois guider la compagnie. Malgré la
nuit j’arrive sans encombre à Fleury où je trouve un guide. Nous franchissons nos anciennes lignes,
nous voilà sur le terrain reconquis. Notre marche devient de plus en plus difficile. Mes poilus suivent
avec peine. Nous marchons à une allure des plus lentes. La nuit est noire, notre guide connaît à peine
sa route. Dans le fond, le ciel est sillonné de lueurs des fusées, d’éclatement d’obus. Spectacle
farouche. Vers minuit seulement, ayant mis plus de 5h pour faire environ 4 kms, nous atteignons un
remblai de l’ancienne ligne de chemin de fer où nous devons trouver de nouveaux gradés. Là nous
devons rester un instant pour permettre à nos malheureux chasseurs de reprendre haleine.
Il faut partir. Là notre calvaire commence. Nous gravissons la crête du bois d’…, en arrière de
Douaumont. Les Boches ont déclenché un tir de barrage fantastique. Il faut avancer au milieu des
obus qui, de toutes parts, éclatent autour de nous. Le bruit est assourdissant, les voix des blessés qui
tombent à chaque instant se mêlent aux éclatements. J’ai grande peine à avancer, tombant à chaque
instant, de fatigue. Arriverai-je au but ? Il me faut toute mon énergie pour ne pas faillir. Derrière moi
mes chasseurs suivent, mais hélas leur nombre doit en être bien diminué. Me voici à la batterie, près
de Douaumont. Plus de guide. Que faire ? Les tirs ennemis ne cessent pas. Je trouve enfin un homme
qui va me guider. Le capitaine Marc n’est pas là ! Où allons-nous ? Nous ne rencontrons que gens
affalés, harassés. Il nous faut franchir un ravin. Cette fois je me demande si tous nous ne resterons
pas là. Enfin voici la batterie que nous devons atteindre. Je trouve Marc et réussis à grouper les
Compilation Guerres 29/88
quelques hommes qui me restent et nous reformons une compagnie de chasseurs, mais que de
manquants.
***
Plus tard pendant la guerre, Charles Puig a été blessé, décoré, et est rentré dans son foyer. Toute sa
vie il a touché une pension pour sa blessure de guerre.
Compilation Guerres 30/88
Annexe 1 : La première page du texte original écrit par Charles Puig
Compilation Guerres 31/88
Annexe 2 : Résumé de la Bataille de Verdun, par Michel Mourre
Après la guerre de 1870/71, Verdun devint le centre d'un vaste camp retranché qui fut le pivot de la
défense du Nord-Est. Défendue en 1914 par la IIIème armée de Sarrail, la place de Verdun servit de
point d'appui à la manœuvre qui permit la victoire de la Marne. Le front se fixa à environ 10 km au N.
de Verdun et ce secteur resta tranquille pendant dix-huit mois.
Tout à la préparation de l'offensive prévue sur la Somme, l'état -major français négligea les
informations concernant une attaque imminente sur Verdun. Le 21 févr. 1916, à 16 h 45, après une
préparation d'artillerie qui dura neuf heures, l'attaque allemande fut déclenchée sur la rive droite de
la Meuse. Malgré une résistance inattendue de la défense française, les Allemands, au soir du 24,
avaient complètement submergé la deuxième ligne de défense française et atteint la cote 344. Le
soir du 25, ils s'emparaient du fort de Douaumont, pierre angulaire du N.-E. de la ligne des forts.
Castelnau, envoyé par Joffre, ordonna au général Herr de tenir coûte que coûte le front N., entre
Douaumont et la Meuse, et c'est Pétain, commandant de la 2ème armée, qui fut chargé de prendre
la direction de la bataille (26 févr.). Par son énergie calme et sa lucidité, Pétain sut rendre confiance
aux troupes, et, dès la fin de févr. 1916, l'attaque allemande au N. de Verdun s'essouffla. Mais à
partir du 6 mars, la bataille s'étendit sur la rive gauche de la Meuse: les Allemands s'emparèrent du
bois de Cumières (7 mars), du Mort-Homme (14 mars), de la cote 304 (24 mai).
Après deux mois et demi de combats, malgré la supériorité écrasante de leur artillerie lourde, les
Allemands n'avaient pas réussi à emporter la décision, et leur progression moyenne était d'environ 7
km. Cependant, la tentative menée par Mangin pour reconquérir Douaumont aboutissait à un échec
sanglant (22/24 mai), et le fort de Vaux succomba le 7 juin. Les troupes du Kronprinz passèrent de
nouveau à l'attaque le 21 juin et prirent Thiaumont, Fleury et les abords de Froide- terre. Mais le
temps était maintenant compté pour l'état-major allemand: le 4 juin, Broussilov avait déclenché une
offensive en Volhynie, et, en juillet, sur la Somme, commençait l'offensive franco-britannique. Pour
Verdun c'était le salut.
La dernière grande attaque allemande eut lieu les II/12 juillet 1916, aux abords du fort de Souville.
Désormais l'initiative passa aux Français: sous les ordres de Nivelle, la contre-offensive, conduite par
Mangin, aboutit à la reconquête de Douaumont (24 oct.), de Vaux (2 nov.), de la crête du Poivre
(15/18 déc.), et, sur la rive droite de la Meuse, le front se stabilisa le long d'une ligne Champneuville-
Bezonvaux. Sur la rive gauche, le Mort-Homme et la cote 304 furent repris en août 1917, et Verdun
fut complètement dégagé. Dans « L’enfer de Verdun », les Français avaient laissé 360 000 hommes,
les Allemands 335 000 hommes. Cette bataille marqua le tournant décisif de la Première Guerre
mondiale sur le front français.
Compilation Guerres 32/88
Annexe 3 : Sources d’informations pour aller plus loin
Bataillon de Chasseurs à pied surnommé les diables bleus
Charles Puig était Lieutenant au 66ème
bataillon de Chasseurs à pied (bataillon de réserve formé en
1914) intégré à la 9ème
division d’infanterie à partir de Juillet 1915.
9ème
division d’infanterie : http://fr.wikipedia.org/wiki/9e_division_d'infanterie_(France)
66ème
bataillon de chasseurs à pied :
http://fr.wikipedia.org/wiki/66e_bataillon_de_chasseurs_%C3%A0_pied
Chasseurs à pied : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chasseur_%C3%A0_pied
Chasseurs à pied : http://rosalielebel75.franceserv.com/chasseurs-a-pied.html
Bataillons de chasseurs : http://chtimiste.com/regiments/chasseurs1-50.htm
Bataillons chasseurs de réserves : http://chtimiste.com/regiments/chasseurs50-150.htm
Informations générales sur des éléments de la guerre cités dans le texte
Verdun : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Verdun_(1916)
Verdun (chasseurs) : http://www.chtimiste.com/batailles1418/1916verdun1.htm
Douaumont : http://fr.wikipedia.org/wiki/Douaumont
Fort de Douaumont : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_de_Douaumont
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Annexe 4 : Généalogie
Fernande & Charles
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Georges Anselmi
1914 - 1918
Campagnes de France et
d’Orient
Médaille Militaire
Compilation Guerres 35/88
Georges Anselmi né en 1886 a participé à la Première Guerre mondiale, et a été décoré de la
Médaille militaire. Ma mère m’a toujours dit qu’il répugnait à parler de la guerre et ne lui avait fait
part d’aucun souvenir, elle savait cependant qu’il avait participé à l’opération de Salonique.
Il y a donc peu de traces de cette période, la citation militaire & la médaille et une quarantaine de
photos, dont 7 comportent une date, et 6 une date et un lieu :
 31 décembre 1914 - Blercourt dans la Meuse (55120 - 12 km de Verdun),
 16 mai 1915 – Vernancourt dans la Marne (51330 – 40 km de Châlons-en-Champagne),
 juillet 1915 – Orbéval dans la Marne (51800- 35 km de Châlons-en-Champagne),
 26 septembre 1916 - Cuiry-lès-Chaudardes dans l’Aisne (02160 – 4 km en dessous du chemin
des Dames),
 juillet 1917 – Vatiluk en Grèce (aujourd’hui Vathylokkos 50100),
 10 juillet 1917 – Balitza (impossible à situer avec exactitude)
Ce que l’on peut reconstituer c’est qu'en métropole Georges a d’abord été amené à aller sur, ou à
proximité de certains grands théâtres de la guerre : la Marne en 14, la Champagne en 1915, le
Chemin des Dames 1916 et finalement Salonique en 1917. D’après la citation, il appartenait au 19ème
régiment d’artillerie qui s’est distingué à Verdun en 1916 et à Monastir en 1917 (voir annexe).
La Marne en septembre 1914
Au lendemain de la bataille de la Marne qui marque le coup d’arrêt de l’offensive allemande, et leur
repli sur les bords de l’Aisne, la ligne de front est stabilisée et ne bougera plus guère jusqu’à la fin de
la guerre 4 ans plus tard. Autour de Verdun dont la situation forme désormais un saillant dans les
positions ennemies, les combats se poursuivent avec constance et virulence. Le 24 septembre 1914,
Saint-Mihiel et Vauquois sont pris. Les Français essaient de reprendre les positions sur les hauteurs
aux Eparges et à Vauquois, pris par les Allemands, positions privilégiées pour contrôler les accès aux
places fortes. La butte de Vauquois permet de contrôler la ligne Chalons Verdun et la crête des
Eparges celle de Commercy.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_bataille_de_la_Marne
31 Décembre 1914 - Blercourt dans la Meuse (55120 - 12 km de Verdun)
Georges Anselmi est au centre
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La Champagne
La première bataille de Champagne est une offensive des armées françaises contre les armées
allemandes en région Champagne lors de la Première Guerre mondiale. L'offensive commence le 14
décembre 1914 et se poursuit jusqu'au 17 mars 1915.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_bataille_de_Champagne
16 Mai 1915 – Vernancourt dans la Marne (51330 – 40 km de Châlons-en-Champagne)
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La Marne
Juillet 1915 – Orbéval dans la Marne (51800-
35 Km de chalon en Champagne)
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Campagne 1914 - 1915
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Le Chemin des Dames
Le Chemin des Dames est un terrain d'affrontement dès 1914. Le 31 août 1914, face à l'avancée
allemande, les troupes françaises sont obligées de quitter leur position sur le Chemin des Dames.
Mais à l'occasion de la Première bataille de la Marne, les armées alliées atteignent de nouveau la
vallée de l'Aisne le 13 septembre, bousculant devant elles les forces allemandes. Les Allemands se
regroupent sur le plateau pour contrer l'offensive. Entre le 13 et le 15 septembre 1914, les troupes
françaises et anglaises tentent de s'emparer du plateau. Plusieurs milliers de soldats meurent dans
cette offensive qui ne sert à rien : le front se fixe à cet endroit jusqu'en 1918.
26 Septembre 1916 - Cuiry-lès-Chaudardes dans l’Aisne (02160 – 4 km du chemin des Dames)
Compilation Guerres 41/88
Georges est au premier plan, avec une canne à la main
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Salonique et opérations militaires sur le Front d’Orient
Au début du XXème siècle Salonique (aujourd’hui Thessalonique) est une ville de l’Empire ottoman
qui compte 120 000 habitants, dont 80 000 juifs. Elle est conquise par les Grecs en novembre 1912.
Au début de la Première Guerre mondiale, la Grèce est un pays neutre, qui traverse une grave crise
politique entre partisans de la Triple-Entente (La France et ses alliés) et partisans de la Triple-Alliance
(Les Empires centraux).
En octobre 1915, le premier ministre grec favorable à la Triple Entente autorise les Français et les
Anglais à débarquer des troupes à Salonique, pour qu’elles aident les Serbes à arrêter la progression
des armées austro-allemandes et bulgares qui envahissent la Serbie. Compte tenu de la situation, ces
troupes se contenteront de conserver le contrôle de la voie ferrée qui remonte la vallée du Vardar, la
seule voie de ravitaillement extérieur des armées serbes.
En mai 1916, les Bulgares pénètrent en territoire grec et envahissent toute la Macédoine orientale.
Salonique sert de base arrière et de refuge aux alliés, à l’été 1916 elle compte 300 000 hommes
(Français, Britanniques, Serbes, Italiens et Russes), et à partir de décembre fait l’objet de fréquentes
attaques aériennes. À la fin de 1916, le front passe sur les hauteurs qui dominent le camp retranché
sur une ligne qui va de Monastir et qui encercle Salonique et va jusqu’à la côte, mais n’est jamais à
moins 60 km de Salonique. Pendant toute l’année 1917, l’activité des troupes se résume à une guerre
de position et une dizaine de batailles locales. Les soldats sont très affectés par diverses maladies
(dysenterie, scorbut …).
À partir du printemps 1918, le front côté Triple-Alliances est principalement tenu par les Bulgares. À
partir de l’été, les alliés préparent une offensive avec les 650 000 hommes dont ils disposent malgré
le retrait des troupes russes. Une offensive de rupture est menée à partir du 15 septembre. Les alliés
s’emparent d’Uskub (aujourd’hui Skopje) et s’ouvrent la route de Sofia. La Bulgarie demande un
armistice qui est signé le 5 octobre. Les troupes allemandes et autrichiennes évacuent l’Albanie. Le
14 le Danube est atteint, le 1° novembre Belgrade est reprise. Bucarest est atteinte le 1° décembre. À
la fin de la campagne, du 18 au 25 décembre, une partie de l’armée d’Orient est redéployée à Odessa
contre les Soviets en Ukraine. Ce n’est qu’en 1919 qu’elle est rapatriée et démobilisée.
***
Les opérations des Dardanelles et de Salonique connaissent aujourd’hui un traitement mémoriel très
contrasté. En France, le « poilu d’Orient » est négligé, rejeté dans l’ombre au profit de celui de
Verdun, de la Somme ou du Chemin des Dames. Peu d’études universitaires lui sont consacrées.
Compilation Guerres 43/88
Voyage en bateau vers Salonique
Sur internet, j’ai retrouvé le récit d’un participant à l’expédition de Salonique qui est allé à Vatiluk en
février 1917 (voir le lien ci-joint : http://www.saleilles.net/guerre/page7.html ). Il raconte son
voyage en bateau pour rejoindre la Grèce, à bord d’un navire russe appelé "Impératrice Catherine II".
Parti de Toulon le 18 janvier 1917, il est arrivé 7 jours plus tard (voir carte ci-dessous).
Voyage Toulon Salonique raconté sur internet
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Juillet 1917 – Vatiluk en Grèce (aujourd’hui Vathylokkos 50100)
Vatiluk est en fait un village situé à 130 km de Salonique, qu’un soldat français raconte dans ses
mémoires avoir à conquérir lors d’un entrainement en février 1917. (Georges est au centre). Carte
de Grèce : Vathilakkos (ex Vatiluk) https://www.google.fr/maps/@40.8412898,22.9487738,10z
10 Juillet 1917 – Balitza (impossible à situer avec exactitude, j’ai identifié plusieurs lieux possibles
mais assez loin de Salonique)
Compilation Guerres 45/88
Une série de photos non datées, difficile à situer (la photo de droite pourrait laisser penser que l’on
est en Orient)
Une photo non datée, non localisée mais probablement prise en France, qui montre qu’à l’armée
Georges a continué à faire des courses de chevaux.
Recto Verso
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Citation & 19ème
régiment d’artillerie
J’ai trouvé via le Bulletin des Armées, parmi les soldats distingués lors de la guerre 1914-1918, la
citation à l'ordre de l'armée de Georges-Joseph-César ANSELMI : excellent sous-officier ; 13 ans
d'excellents services ; adjudant-chef (réserve) au 19e régiment d'artillerie, 1er groupe.
19e
Régiment d'Artillerie
Pays
France
Branche
Armée de Terre
Type
Régiment d'Artillerie
Rôle
Artillerie
Garnison
Draguignan
Devise
Irréprochables et joyeux
Inscriptions
sur l’emblème
Sébastopol 1854-55
Solférino 1859
Verdun 1916
Monastir 1917
Guerres
Guerre de Crimée
Campagne d'Italie
Première Guerre mondiale
Batailles Bataille de Sébastopol
Bataille de Verdun
Photo de Georges en réserviste
Canon Schneider de 75 mm
Tas d’obus (14-18)
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Généalogie
***
Georges & Juliette – 20 mars 1917
Compilation Guerres 48/88
Les frères Bruley pendant la
Première Guerre Mondiale
Compilation Guerres 49/88
Georges Bruley
Georges né en 1882 a fait la guerre et de façon remarquable, au point qu’il fut proposé pour la
Légion d’honneurs qu’il refusa. Il fut après-guerre proposé pour la Légion d’honneur à titre civile, et
la refusa une deuxième fois.
D’après ce qui m’a été rapporté, Georges en voulait beaucoup aux militaires, du fait de l’attitude de
l’armée lors de l’affaire Dreyfus.
Léon Bruley
Léon né en 1885 a été dispensé de service militaire en 1905 pour cause d’étroitesse des épaules. Les
photos de l’époque ne montrent rien de spécial.
Lors de la Première Guerre mondiale, Léon fut mobilisé, mais compte tenu de sa dispense de 1905, il
fut affecté au service de la Poste.
En 1917 il se trouvait à Tour, où il attrapa la syphilis dans un bordel très renommé à l’époque. Il suivit
un traitement lourd et fut considéré comme guéri. Cependant en 1938 il eut une crise très sévère,
son médecin lui pronostiqua sa mort à brève échéance, il s’en sortit mais diminué. Il mourut vingt-
sept ans plus tard en 1964.
Georges & Germaine Léon & Germaine
Compilation Guerres 50/88
Annexe : Généalogie des frères Georges & Léon Bruley
Compilation Guerres 51/88
Guerre, Captivité & Évasion
de Jacques Bruley
Compilation Guerres 52/88
Préface
J’ai retrouvé deux textes manuscrits de mon père consacrés à ses années de guerre. Il me semble que
le plus ancien est celui qui décrit l’évasion. C’est un texte d’un seul tenant, sans chapitre ni titre. Les
premières pages sont très bien calligraphiées, probablement recopiées, puis l’écriture est plus libre,
des ratures, des rajouts apparaissent, la fin par contre donne vraiment l’impression d’un premier jet.
L’autre texte commence par un plan d’ensemble détaillé en trois parties « Guerre, Captivité,
Évasion », et de nombreuses sous parties, mais je n’ai retrouvé que la première partie.
J’ai rassemblé les deux textes dans ce document, en mettant en tête le plan d’ensemble détaillé et
les parties rédigées à leur place, mais sans rien changer par rapport aux manuscrits. J’ai annexé à la
fin de chaque partie des documents, des photos, des plans, qui m’ont semblé intéressants, ainsi
qu’une note de synthèse de toute cette période que mon père avait écrite en 2003.
Michel Bruley
Compilation Guerres 53/88
Plan d’ensemble
Préambule
I - La guerre
A – Mailly, Dijon, voyage vers Nîmes
B – Manduel, permission, nous montons au front
C – Eulmont, Le Petit-Tenquin
D – La vie au Front, l’observatoire, la permission, l’offensive allemande, le bois
E – La retraite, 21 juin, conclusion
II – La captivité
A – Corcieux, Neuf-Brisach, séjour à Neuf-Brisach
B – Départ, voyage /arrivée au 7A
C – Le 7A, départ
D - La ferme, retour au 7A
E – La 1, la vie du camp, le marché, les copains
F – La 25, la 38, le boulot, conclusion
III – L’évasion
A – Idées directrices (pourquoi cette voie)
B – Évasion (avant le départ, Auboiron, préparatif)
C – Le trajet (départ, le bois, la nuit, je réussis à rejoindre)
D – Le voyage, appréhensions
E – Je saute, Noisy-le-Sec
F – Maisons Laffitte
G – Passage de la ligne
H – Marmande, Nîmes, Impressions
Compilation Guerres 54/88
Préambule
Ces lignes ne sont pas écrites dans un but littéraire, mais uniquement pour fixer sur le papier,
pendant qu’ils sont encore très vifs, des souvenirs qui s’estomperont rapidement. Souvenirs de la fin
d’une campagne, sans histoire et peu glorieuse, souvenirs d’une captivité relativement supportable,
souvenirs surtout d’une évasion que les événements et la chance me rendirent aussi peu pénible que
possible.
Je passerai très rapidement sur la guerre en elle-même, pour pouvoir m’étendre davantage sur les 16
mois de captivité et les quelques jours que dura la fuite vers la France.
1 – La Guerre
A – Camp de Mailly, Dijon, voyage vers Nîmes
Rappelé depuis le 21 mars 1939, j’avais été affecté à la 111ème batterie (Capitaine Ragueneau,
batterie des disponibles), du 108ème régiment d’artillerie. Après un séjour d’un mois à Dijon, nous
fumes dirigés sur Mailly où nous sommes restés jusqu’à la guerre. Celle–ci commença pour moi par
un télégramme que je trouvais tout à fait fâcheux, puisqu’il me ramenait de Deauville à Mailly le 25
août. La guerre éclatait quelques jours après. Nous restâmes à Mailly jusqu’au 12 septembre, date à
laquelle nous fûmes envoyés à Dijon par rail. Le voyage dura 30 heures. Nous sommes affectés au
départ au 8ème
corps, mais je demandais sur le champ à partir comme volontaire au 174ème
régiment d’artillerie où j’avais de nombreux camarades d’active, et où Ivan et Hermann étaient
affectés. Nous sommes donc partis un matin pour Miramas où nous devions trouver le 174ème
, mais
après un voyage sans histoire, de Miramas, on nous envoya au dépôt de la 15ème
Région, à la caserne
Montcalm, car le 174ème
était en cantonnement à Manduel à 8kms de Nîmes sur la route de
Beaucaire. Un camion vient nous chercher et je fus affecté à la 4ème
batterie et puis dans l’après-midi
muté à la BHR, état-major du Régiment. J’étais content d’arriver et d’être affecté après des voyages
fatigants et des nuits sans sommeil.
B – Manduel, permission, nous montons au front
À la BHR, le lieutenant Matticen qui faisait fonction de capitaine de batterie me désigna comme chef
de la 4ème
pièce. Nous étions logés dans la dépendance de la maison d’un vigneron. Dans ma
chambre, Cottin, marchand de charbon à Lyon, Demure, économe au lycée de Tulle, Magne,
marchand de chaussures à Nice, furent mes meilleurs camarades. Je passais à Manduel 6 semaines
d’une vie saine et reposante. Le régiment était en pleine formation, et comme nous manquions à peu
près de tout, nous n’avions pas grand-chose à faire. Que d’après-midi j’ai passés seul avec Ivan à
flâner dans les vignes en faisant craquer à belles dents de beaux raisins à la peau bien tendue que
nous mangions par kilos. Parfois, nous allions à Nîmes en empruntant l’auto-stop.
Nous avions comme colonel un vieux gâteux, père de 11 enfants, lieutenant-colonel en retraite, nous
verrons plus tard qu’il était plus gâteux et plus dangereux qu’il en avait l’air. Son coéquipier (ou
Compilation Guerres 55/88
capitaine adjoint) était un brave type, mais sans aucune compétence, c’était un professeur de culture
physique de Nîmes.
À la fin d’octobre, j’obtenais une permission de 3 jours que j’allais passer à Estissac, je n’avais pas
suffisamment de temps pour aller à Paris. Quand je revins, des bruits de départ circulaient déjà, et en
effet il fut annoncé pour le 31 octobre. Destination inconnue évidemment. Nous embarquons dans
l’après-midi et partons presque immédiatement. Frontière italienne ? Belge ? Alsace ? Où allions-
nous ? À 11h du soir nous étions à Lyon ; 1 heure d’arrêt ? Les Lyonnais sortent, sautent dans des
taxis, et vont embrasser leur famille, mais tout le monde est là au moment du départ. Le lendemain à
11h nous étions à Dijon et à 9h du soir à Champigneulles où nous débarquons le matériel à l’aide de
projecteur. Dans cette gare pour la première fois, je sentais une ambiance de guerre, avec toutes les
lumières camouflées, des trains de troupes et de matériels sur presque toutes les voies. Après un
dîner sur des barils d’essence, nous nous formons en colonne et partons tous phares éteints. Une
demi-heure après, nous étions arrivés. Mais où étions-nous donc ? Sur la route de Metz, dans un
village à 11km de Nancy. Nous étions à Eulmont. Le village de 7 à 800 âmes est construit d’une
manière bizarre en bas tout le long et dans le haut d’une grande colline. Nos camions eurent du mal
à grimper la pente très raide de la rue principale. Dans le cantonnement, rien n’était près, tout était
occupé par d’autres régiments. Il était minuit, à chacun de se débrouiller ; je couchais dans mon sac
de couchage dans une grange sans fenêtre où il faisait un froid de canard.
C – Eulmont, le Petit-Tenquin
À mon réveil, j’étais transi de froid malgré mon sac ; après un café bien chaud, je partais à la
recherche d’un cantonnement pour ma batterie ; après beaucoup de pas je m’installais dans une
pièce qui fut vite bien aménagée. Nous passâmes là 15 bons jours, dont les fêtes du 11 Novembre.
Nous vîmes des régiments descendre de ligne et tous nous donnaient des conseils pour le moment
où nous y serions. Nous savions déjà que nous allions au Petit-Tenquin au sud-ouest de
Sarreguemines. Demure était allé en effet quelques jours auparavant pour reconnaître le
cantonnement. À ce sujet, je me souviendrais toujours que, considérant le fait d’aller au Petit-
Tenquin comme dangereux, et qu’en plus de cela, à 10 heures du soir il n’était pas rentré, nous
avions remplacé son lit par plusieurs caisses formant ainsi un cercueil, le tout recouvert d’un drap et
d’une vieille couronne dénichée je ne sais où. Aux quatre coins, un cierge brûlait. L’effet était
macabre et quand il rentra vers 11 heures, je me souviens encore de son exclamation « Bande de C…,
me voilà ».
Nous partîmes le matin du 16 novembre et j’étais pour ma part rudement satisfait d’être arrivé dans
un endroit stable. Il m’est pénible de dire que toutes les maisons avaient été mises à sac par les
troupes qui étaient passées les premières.
Le Petit-Tenquin est un pays de 4 à 500 habitants. Tout était mort quand nous y entrâmes. Seuls
quelques chats rôdaient autour des maisons. Nous devions y rester jusqu’en juin 1940. Nous
organisions une vie qui est pour moi un bon souvenir étant données les circonstances d’alors.
Les servants de la 4ème
pièce furent logés dans une petite maison sur la place de l’église, au numéro
36 je crois. Nous nous installâmes assez bien puisque tout le monde avait son lit ; nous étions 3 dans
ma chambre, et huit dans la maison : Demure, Magne, Valette, Bessette, Cottin, Jicerte, Boivin et
moi-même. Nous remîmes la cuisinière en état, la réserve de bois était suffisante. Un peu plus tard
Compilation Guerres 56/88
nous devions trouver un poste de TSF dans une meule de foin. Ce poste ne pouvait prendre qu’un
seul poste français, et seulement Milan, et quelquefois Stuttgart. Nous voilà à passer nos soirées en
faisant la partie de tarot que Demure m’avait appris à jouer. C’est très intéressant le tarot, savez-
vous.
La question logement étant réglée, restait la question nourriture ; nous fîmes une réserve de
pommes de terre, allant déterrer dans les champs celles qui n’avaient pas été récoltées. Nous avions
le beurre et les œufs à volonté dans le premier village évacué à 5 ou 6 kilomètres de là. Quant au vin,
nous avions emporté de Manduel un tonneau d’une quarantaine de litres ; je l’avais pris à mon
compte, le faisant remplir à chaque fois qu’un camion ou une camionnette allait à Nancy. Tous ceux
qui voulaient du vin de notre pièce participaient aux frais.
D – La vie au front, l’Observatoire, la Permission, l’Offensive allemande, le Bois
Je commençais ma vie au front par m’occuper du central téléphonique où je n’avais rien à faire ou
presque. Je passais joyeusement les fêtes de Noël et du 1° de l’an ; je me souviens de la messe de
minuit dans cette belle église du Petit-Tenquin. Bien que nous ne soyons pas malheureux, chacun
malgré tout pensait ce soir-là beaucoup plus à sa famille et aux réveillons d’antan. Il faisait froid dans
cette église non chauffée quand dehors la température était dans les -25°. Le réveillon fut joyeux et
nous fîmes un monôme dans les rues du Petit Tenquin, réveillant tous nos camarades en pénétrant
dans leurs habitations par des voies détournées et allant même souhaiter la bonne année à l’officier
commandant le régiment en remplacement du colonel parti en permission.
Après les fêtes, commença pour moi une vie beaucoup plus dure, car je fus affecté à l’observatoire
situé en première ligne. Nous y montions le matin et revenions le soir 1 jour sur 2. Cet observatoire
était situé sur le plateau de Cadenbronn à environ 1 km du village en suivant un chemin en direction
de Sarrebruck. Un grand plateau dénudé, une longue haie, à l’extrémité de cette haie des sacs de
sable empilés, c’était l’observatoire SRA, une honte pour l’officier observateur, qui ne s’était pas
donné la peine de faire quelque chose de mieux parce qu’il avait peur de venir si près des lignes. Il y
vint peut-être 2 fois en 6 mois. Son nom était le lieutenant Costaz. Nous mangions dans une maison
évacuée en compagnie de soldat du 204ème
régiment d’artillerie. Cette maison devait être incendiée
au cours de l’hiver.
Je partis en permission le 8 février, on me conduisit en camionnette à la gare d’Insming (point
terminal de la ligne) où je pris le train jusqu’à Bénestroff. Là, je changeai et je pris un train qui aurait
dû me conduire jusqu’à Brienne, gare de triage, mais en passant au passage à niveau de Bar sur Aube
je descendis du train, gagnai un temps précieux et évitai d’avoir ma permission tamponnée à la gare
de Troyes. Je téléphonai à Guido (le chauffeur de Léon), qui vint me chercher immédiatement, j’eus
juste le temps de déjeuner.
Après quelques jours passés à Estissac, où je retrouvai Simone venue pour me voir, nous sommes
partis à Paris en voiture par une route enneigée et gelée. Je couchais chez Mme Picault pendant une
huitaine de jours que je passais avec Nicole ; 2 ou 3 fois j’allai dîner avec Mansillon. Le temps passa
très vite et je retournai à Estissac d’où Guido me conduisit à Châlons-sur-Marne. Là je pris un express
jusqu’à Nancy où, après une attente de quelques heures, je montai dans un train de permissionnaires
qui m’amena jusqu’à Insming.
Compilation Guerres 57/88
À peine arrivé au Petit-Tenquin j’eus l’avantage d’être désigné pour monter à l’observatoire pour 48
heures. En effet, pendant mon absence, des ordres avaient été donnés pour que le poste soit tenu
sans interruption. C’était idiot étant donné que nous n’étions pas reliés téléphoniquement et que
lorsque nous descendions, notre rapport donnait des renseignements vieux de 2 jours. Nous étions 4
en tout et pour tout, nous étions donc 2 jours sur quatre de garde jour et nuit dans la neige alors que
nous aurions dû être 12 d’après le plan de mobilisation avec un officier constamment là-haut. Pour la
1° fois j’y allai, mais il se trouva à ce moment que j’eus une suite d’orgelets qui faisaient pleurer l’œil
gauche. J’allai à la consultation médicale à Morhange et le docteur me donna un traitement qui fit
que je fus débarrassé de l’observatoire pendant 2 mois. Mes yeux me firent souffrir du reste pendant
1 bon mois. Je restais attaché à l’observatoire pour conduire les observateurs à Cadenbronn. Les
beaux jours vinrent et nous avons formé une équipe de football qui jouait le dimanche contre des
régiments cantonnés dans les environs : 10ème RA, 182ème
RA etc. Nous perdîmes quelques matchs,
nous en gagnâmes autant.
Un dimanche, après un match, 1 télégramme vint annoncer la mort de la mère d’un camarade qui
était à l’observatoire, je fus désigné pour aller le relever. Je partais sur-le-champ. Le lendemain 22
avril à 2h de l’après-midi je subissais le baptême du feu. J’étais en train de lire « Ces dames aux
chapeaux verts » quand Tixier me dit prêtant l’oreille : « un départ » ; au même moment, un
sifflement, un obus tombait à 50 mètres. Nous étions déjà dans l’abri en train de tirer la plaque de fer
pour nous abriter contre les éclats pouvant venir de devant. Le bombardement dura 10 minutes. À
un certain moment, nous fûmes recouverts de terre, un obus de 150 tomba exactement à 5 mètres
de nous. Heureusement nous fûmes quittes pour la peur. Ce devait être du reste le prélude de
mauvais jours.
Le 9 mai nous reçûmes l’ordre de replier l’observatoire à Guebenhouse, le 10 mai c’était l’attaque
allemande qui se fit sentir seulement le 12 au matin, jour de la Pentecôte, sur notre front. Hermann
du 3ème
groupe était venu se joindre à nous. Les heures passées à Guebenhouse furent pénibles,
bombardements, survol continuel par l’aviation allemande. Je descendais le 12 au soir avec ma
camionnette, laissant les observateurs à leur travail. Je conduisis 2 fois à la tombée de la nuit avec
une grosse camionnette, du matériel pour aménager le nouveau poste. Celui-ci était abandonné peu
après, c’est-à-dire vers le 15 mai et nous installâmes le nouveau dans le bois de Molspricht. Là,
durant près d’un mois, nous nous efforçâmes de construire un abri solide ; nous partions tous les
matins à 8h, prenions du pain à Nelling, des hommes, dont souvent Caboufigue (ancien officier de
marine), à Hellimer et restions là-bas toute la journée dans un bois vert et frais.
C’est alors que le Petit-Tenquin se trouvant à portée de l’artillerie de campagne allemande, ordre fut
donné de l’évacuer et d’occuper les baraques construites dans le bois de Gréning. Nous nous
installâmes de notre mieux, amenant quelques chaises et un fourneau pour faire un peu de cuisine et
améliorer notre ordinaire. Des tranchées furent creusées, mais elles ne devaient jamais être étayées
et couvertes. J’allais toujours un jour sur deux à l’observatoire de la ferme de Molspricht, mais notre
travail se bornait à construire l’abri, un abri magnifique même, avec tôle métro, plaques d’acier, etc.
Nous emportions de quoi faire notre déjeuner qui se passait assez agréablement en pleine nature. La
forêt, qui comprenait une grosse majorité de hêtres, était magnifique. Un matin en arrivant, nous
avons trouvé la cabane à outils, les arbres qui nous étaient familiers, déchiquetés par les obus. À
partir de ce jour-là nous sommes restés sur nos gardes prenant soin de ne pas se montrer hors du
bois, de ne pas faire trop de fumée et de ne sortir la voiture de la grange de la ferme qu’après s’être
Compilation Guerres 58/88
assuré qu’aucun avion n’était dans les parages. À ce moment-là du reste, nous avons été obligés de
changer notre itinéraire qui était trop près des lignes. Le nouveau empruntait la route nationale
Sarreguemines – Nancy, jusqu’à un point situé à environ 3 ou 4 kms au-delà d’Hellimer, point où
nous tournions à droite, nous traversions un pays et nous laissions la voiture en bordure du bois.
Nous devions alors marcher 40 minutes environ à travers ce bois, souvent bombardé en raison des
batteries de 75, qui se trouvaient en bordure. Un soir en rentrant vers 6 heures, l’aile avant de la
camionnette fut percée d’un éclat d’obus.
Les choses allaient ainsi ; nous n’avions que très peu de nouvelles militaires, le courrier arrivait bien.
Le 6 juin je fus désigné comme chef de voiture pour aller chercher des baraques à Nancy avec le 5
tonnes cabine avancée que conduisait Cottin. Après avoir « touché » nos planches, nous fîmes un
bon déjeuner avec Cottin. À Nancy les gens étaient soucieux, les nouvelles étaient mauvaises. Bientôt
notre bois de Gréning fut envahi de troupes hippomobiles qui se repliaient, d’aérostiers avec leur
saucisse ; on sentait qu’il allait se passer quelque chose. Dans les nuits du 10 au 11 et du 11 au 12 nos
pièces tirèrent longuement, les Allemands ripostaient, mais tiraient trop court.
E - La Retraite, 21 juin, conclusion
Enfin le 13 juin, je n’étais pas à l’observatoire ce jour-là, le bruit courut que nous allions nous replier.
Nous entassâmes fébrilement le plus de choses possible dans nos véhicules, nous fîmes le plein
d’essence et le soir tout le monde était prêt à partir, mais les ordres furent donnés le lendemain
matin à 5 heures. Je passais la nuit sur la banquette avant de la camionnette. Après avoir traversé
Lunéville, nous nous retrouvâmes dans un bois de charmes où nous restâmes toute la journée ; après
avoir dîné à l’auberge du pays voisin, je repris le volant toute la nuit, sans phares, sur une route où
roulaient trois colonnes de voitures du front et qui était encombrée de cyclistes ou piétons de toute
sorte. Après Plombières les Bains, je crevais une roue arrière et perdais le contact avec la colonne. Un
peu plus loin, le motocycliste Alibert nous arrêtait et nous indiquait un chemin dans lequel s’était
engouffrée toute notre colonne. Sinon nous filions sur Vesoul, Dijon, Lyon.
Le pays choisi pour notre cantonnement s’appelait Beaujeu Saint-Vallier. C’était le 15 juin, un
dimanche. Après avoir pris un bon petit déjeuner de plusieurs œufs au jambon et vin blanc, nous
rangeâmes nos véhicules toujours survolés par des avions allemands. Je cantonnais avec Léopold et
Tixier chez une brave femme au bout du pays. Le lendemain soir nous avions ordre de remonter dans
les Vosges et après quelques 30 kilomètres nous arrivions à Saint Amé le Syndicat. Je couchais dans la
forêt parmi ces géants que sont les pins des Vosges, sur la bruyère et une multitude de petites fleurs
bleues. Le lendemain matin le 17 juin les nouvelles étaient de plus en plus mauvaises. Je faisais
quelques promenades en montagne, prenais même un repas à l’hôtel de l’endroit.
Le 18 dans la nuit nous partions en direction de Gérardmer ; le 19 au matin nous étions sur les bords
du lac, survolés par des avions allemands. Les mitrailleuses résonnaient de toutes parts ; je me
réfugiais dans une villa dont le propriétaire venait de rentrer de Lille à pied ; les femmes pleuraient.
C’était la débandade. Nous reprîmes notre route plus avant dans les Vosges en direction du col du
Bonhomme. Déjeuner aux Trexons où les braconniers du régiment prirent à la main une dizaine de
belles truites ; le soir nous arrivions à Corcieux où nous couchions dans une grange, c’était le 19. Le
21 au matin, débandade encore plus grande, je vois passer tous les camions et voitures du régiment.
Je fais rapidement un paquet de mes affaires, abandonne beaucoup de choses dont mes bottes en
caoutchouc et pars avec ma camionnette. Nous ne devions pas aller loin, 2 kilomètres. Après quoi
Compilation Guerres 59/88
nous restions sur le bord de la route. La fin était proche, déjà on entendait les mitrailleuses
allemandes. Corcieux tomba vers midi après un court bombardement. Jicerte, Thomas, Demur
devaient déjà être faits prisonniers. C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu partir, certains le firent,
Berthier par exemple qui réussit, d’autres qui échouèrent.
Vers 6 heures du soir, des soldats allemands montèrent, encerclèrent la ferme où nous étions, nous
n’avions pas de munitions. Après avoir formé une colonne, nous fûmes emmenés dans un pré de
Corcieux. Les soldats allemands qui nous firent prisonniers nous semblaient harassés, marchant
accrochés aux voitures de toutes sortes. C’était la fin des opérations actives pour nous et quelques
heures plus tard pour tout le monde. Les raisons de cette débâcle ? Les principales sont : 1° le
manque manifeste de matériels, surtout en aviation, 2° le mauvais commandement, la pagaïe, le
manque de liaison, 3° le mauvais moral et la non-combativité de la plupart des officiers et soldats.
Nous étions tous bien traités, pas inquiets sur le sort qui nous attendait, mais tristes de voir un si
grand, si beau pays tomber dans une telle débâcle.
Compilation Guerres 60/88
Annexe 1° partie - Régiments d'artillerie lourde à grande puissance (R.A.L.G.P)
Les Régiments d’Artillerie Lourde à Grande Puissance sont organisés lors de la mobilisation en 1939 en un état-
major, une batterie hors rang et trois groupes de deux batteries de quatre pièces, chaque groupe disposant d’un
état-major, d’une colonne de ravitaillement et donc de deux batteries de tirs. Ils sont équipés des pièces les plus
puissantes de l’artillerie française en dehors de l’Artillerie Lourde sur Voie Ferrée. Il s'agit de canons de 220L 17
Schneider et de 280mm Schneider sur affût chenillé Saint-Chamond. En temps de paix, les pièces sont stockées.
Dès le déclenchement du processus de mobilisation générale, quatre régiments sont mis sur pied par deux
centres mobilisateurs d’artillerie.
 Le 171ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 25 de Bourges avec
pour équipement, le canon de 280mm Schneider TR.
 Le 172ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 25 de Bourges avec
pour équipement, le canon de 280mm Schneider TR.
 Le 173ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 15 de Nîmes avec
pour équipement, le canon de 220L 17 Schneider.
 Le 174ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 15 de Nîmes avec
pour équipement, le canon de 220L 17 Schneider.
Canon de 220L Schneider modèle 1917
Le 220L modèle 1917 sont un matériel long destiné à l’action lointaine. Mis au point à la fin du premier conflit
mondial, il n’a été produit qu’à fort peu d’exemplaires, 56 en l’occurrence mis en œuvre au moment de la guerre
de Pologne par les 173ème et 174ème RALGP, chaque régiment disposant de trois groupes à deux batteries de
quatre pièces, soit 36 canons en ligne auxquels s’ajoutent deux canons au 151ème RAP et deux autres au
166ème soit un total de 40 canons en ligne.
Caractéristiques du mortier de 220L Schneider modèle 1917 :
 Calibre : 220mm,
 Poids en batterie : 25880kg (remorquage en deux colis).
 Poids de l’obus : 104.75kg,
 Longueur du tube : 7.67m (34.9 calibres)
 Portée maximale : 22800m
 Pointage en azimut : 20°
 Pointage en hauteur : 0° à +37°
 Cadence de tir : 2 coups en trois minutes
 Mise en batterie : 6 heures
Canon de 220L 17 Schneider
Textes de famille concernant les guerres (1814 - 1944)
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Textes de famille concernant les guerres (1814 - 1944)

  • 1. Textes de famille concernant les guerres (1814 – 1944) Michel Bruley Avril 2015
  • 2. Compilation Guerres 1/88 Avril 2015 Préface Dans ce document, j’ai regroupé différents textes ou photos relatifs à des épisodes de guerre, écrits par, ou concernant des membres de ma famille. J’ai classé les textes dans l’ordre chronologique des faits relatés et j’ai pour chacun d’eux situé le lien de parenté des acteurs avec moi.  Guerres napoléoniennes …………………………………………………………………………………………………………. 2  Les deux guerres de René Puig ………………………………………………………………………………………………… 5  Charles Puig à Verdun ……………………………………………………………………………………………………………… 23  Georges Anselmi : Campagnes de France et d’Orient ………………………………………………………………. 34  Les frères Bruley pendant la Première Guerre mondiale …………………………………………………………. 48  Guerre, Captivité & Évasion de Jacques Bruley ………………………………………………………………………… 51  Août 1944, La libération de Troyes, vue par Georges Bruley ……………………………………………………. 82 Bonne lecture, Michel Bruley
  • 3. Compilation Guerres 2/88 La famille Bruley & les guerres napoléoniennes Campagne de France –janvier – avril 1814
  • 4. Compilation Guerres 3/88 La famille Bruley & les guerres napoléoniennes J’ai trouvé la trace de faits relatifs aux guerres napoléoniennes concernant deux membres de la famille Bruley : Nicolas Joseph Bruley et sa mère Edmée née Bordier. Dans ses mémoires « Enfance Champenoise », Simone/Langlois/Bruley/Graven dit que son arrière- arrière-grand-père avait fait la retraite de Russie et perdu une jambe à la Bérézina. Elle est la seule à dire cela, je n’ai retrouvé aucun autre document citant ce fait. Je m’interroge sur la véracité de ce fait. L’ancêtre en question est Nicolas Joseph, né à Neuville le 16 août 1764, marié en premières noces à Aix-en-Othe avec Marie Magdeleine Lange le 13/11/1786, et en secondes noces à Marianne Darce, veuve Lange, qui était sa belle-sœur. Il est mort à Villemaur vers 1840. De son premier mariage avec Madeleine Lange, il est né huit enfants, dont 6 garçons et deux filles. Au moment de la retraite de Russie en 1812, il avait 48 ans et eu huit enfants. Ce ne peut donc pas être un conscrit ordinaire, relevant du système de la conscription, c’est-à-dire du service militaire obligatoire de cinq années, pour une partie tirée au sort, des jeunes âgés de 20 ans. Dans son texte sur la Généalogie de la famille Bruley, Bruley-Mosle, ne dit rien de la Berezina, mais raconte qu’Edmée Bordier, veuve de Louis Bruley, la mère de Nicolas Joseph, est décédée à 82 ans le 14 février 1814, le jour de l’arrivée des cosaques à Bourg de Partie, et qu’ils la sortirent de sa maison, pour s’y installer, la portèrent sous un poirier et allèrent l’inhumer le lendemain dans le cimetière de Neuville. Bruley-Mosle raconte aussi que Nicolas Joseph Bruley possédait le moulin du haut de Villemaur où il vivait et qu’en 1814, lors de la retraite de la bataille de Montereau les ennemis mirent le feu au moulin sous prétexte, disaient-ils, d’éclairer leur ligne de retraite, mais que grâce à un serviteur dévoué, nommé Farot Lasnier, l’incendie fut éteint et le moulin fut préservé. Le propriétaire Nicolas Joseph Bruley, ne pouvait porter secours pour éteindre l’incendie, car étant averti du passage de l’ennemi, il avait sauvé son mobilier et ses bestiaux dans la forêt, ainsi que sa famille, et la garde du moulin était confiée à Farot Lasnier qui, étant seul, s’en est courageusement acquitté. Rappel de la campagne de France : Janvier – avril 1814 : Les faits relatés ci-dessus se sont déroulés lors de la campagne de France. Napoléon vaincu à l’occasion de la campagne de Saxe, la guerre est portée sur le sol français. Les coalisés alignent quelque 400 000 hommes qui convergent vers Paris. Napoléon n’a guère qu’une centaine de milliers d’hommes à opposer, principalement de jeunes conscrits peu expérimentés, les Marie-Louise, et un noyau de survivants qui se sont battus pour lui sur tous les champs de bataille de l’Empire. Battus à La Rothière, située à 40 km à l’est de Troyes, le 1° février 1814, Napoléon dans un dernier baroud, remporte des victoires sur les Russes à Montmirail le 11 février, et sur les Autrichiens à Montereau le 18 février, contraignant l’armée de Bohême parvenue à une cinquantaine de kilomètres seulement de Paris, à reculer. Cependant la fin est proche désormais. Bruley-Mosle, dans sa notice sur Estissac et Thuisy, raconte que Napoléon « le 30 mars 1814, ayant appris que l’armée ennemie manœuvrait pour se rendre à Paris et sachant la route Troyes-Sens-Paris libre, est passé à Estissac à 8 heures avec son escorte ; mais 7 jours plus tard, il était à Fontainebleau pour signer son abdication ».
  • 5. Compilation Guerres 4/88 Annexe : Généalogie pour situer Edmée & Nicolas Joseph
  • 6. Compilation Guerres 5/88 Les deux guerres de René Puig
  • 7. Compilation Guerres 6/88 Préface J’ai regroupé dans ce document, un texte écrit le grand-oncle maternel de mon épouse, René Puig, ainsi que divers éléments illustratifs (pour ce qui concerne le type d’avion, j’ai choisi le Breguet 14, car c’était l’avion le plus utilisé pour les bombardements de nuit en 1918, mais en fait, je n'ai aucune information au sujet de l’avion qu’il pilotait). Michel Bruley René Puig en uniforme
  • 8. Compilation Guerres 7/88 1914 - Guerre, captivité et évasion Le 24 septembre, devant mon peloton, placé en tête du 7ème escadron qui bivouaque avec les autres escadrons composant le 9ème régiment de cuirassiers, je cause avec des sous-officiers quand subitement j’entends le crépitement d’une mitrailleuse suivi aussitôt des crépitements de plusieurs autres mitrailleuses. Sans un commandement, chacun se précipite à son cheval, mais les chevaux, sous la pluie de balles à laquelle ils faisaient face, font demi-tour et s’enfuient. Les hommes embarrassés dans leurs manteaux ne peuvent monter à cheval. Je m’accroche à une selle, mais, bousculé par les chevaux, je ne puis me maintenir. Je tombe à terre, me relève plusieurs fois et culbuté par les bêtes qui ruent et se cabrent sous les balles qui les frappent, qui culbutent elles-mêmes par-dessus les corps des hommes et des chevaux tombés déjà morts ou blessés, j’essaie, mais en vain, de me mettre en selle. Je réussis pourtant à me redresser, mais, à ce moment je reçois une ruade à la cuisse droite et je me vois dans l’impossibilité de courir et de me mettre ainsi à l’abri des balles qui continuent de faire rage. En rampant, je vais me coucher derrière un cheval mort. Je croyais alors que cette surprise avait pour auteurs des autos-mitrailleuses et je me disais que leur coup terminé elles repartiraient sans s’occuper des corps étendus et qu’il me serait possible, après leur départ, de rejoindre d’une façon ou d’une autre, les lignes françaises. Hélas, je me trompais, et après 10 à 15 minutes d’un feu incessant, l’infanterie ennemie se précipite et entoure les champs où les corps de nombre de mes camarades sont couchés par la mort. Je garde encore l’immobilité, espérant encore que les soldats me laisseront comme mort et ne feront que traverser le champ où je me trouve. Les coups de feu tirés à mes côtés me font présumer qu’ils donnent le coup de grâce aux hommes mortellement atteints ou même qu’ils achèvent des blessés et je perds l’illusion de passer inaperçu. Un coup de crosse reçu à la nuque me fait relever, et sans un geste de ma part, le cœur meurtri, mais sans m’avouer encore vaincu, je marche devant les soldats. Je fais ainsi quelques pas, quand j’entends prononcer mon nom. J’accours, et je trouve un camarade du 8ème escadron, le brigadier Chartier, couché à terre par plusieurs balles ; avec quelques mots allemands, j’obtiens l’autorisation d’un officier allemand de le soigner. Je puis avoir une civière, et avec l’aide de soldats allemands, je le transporte jusqu’à l’ambulance allemande. Là, je retrouve une vingtaine de cuirassiers qui me disent que trois convois de prisonniers sont déjà partis. Nous sommes conduits à la caserne de Péronne, où l’on nous enferme dans une chambre du 2ème étage, sous la surveillance de plusieurs sentinelles. À partir de ce moment, ma volonté ne tend plus qu’à un but : m’évader, et je me fais le serment de tout tenter plutôt que de rester prisonnier. Dans l’après-midi de ce même jour, j’inspecte les lieux et vois la possibilité de partir la nuit par une fenêtre. Je prends plusieurs couvertures et quand l’obscurité est venue à l’extérieur de notre chambre qui, elle, est éclairée, et où une sentinelle veille, je fais un cordage de ces couvertures et gagne, en rampant sous les lits, la porte d’une chambre de sous-officiers, communiquant avec le dehors par une fenêtre. Je pénètre dans cette chambre, mais, au moment où je noue mon cordage improvisé à la fenêtre, je constate que des sentinelles sont de l’autre côté du mur de la caserne et
  • 9. Compilation Guerres 8/88 surveillent les fenêtres des chambres où les prisonniers sont enfermés. Dans l’impossibilité où je suis de fuir dans de telles conditions, je reviens à mon lit, la rage au cœur. Le 27 septembre après-midi, nous sommes emmenés à pied à St Quentin où nous embarquons. En cours de route, je descends plusieurs fois de wagon, avec l’intention de fuir, mais, les sentinelles qui m’accompagnent ne me quittent pas de l’œil et je ne puis tenter aucun essai. Je profite d’une nuit pour cacher, entre les semelles de mes chaussures les billets de banque et l’or que j’avais sur moi. Après avoir voyagé toute la journée en territoire allemand, nous arrivons le 30 septembre dans une petite gare que nous sûmes, par la suite, être celle de Niederzwehren. Dès les premiers jours, je me mets à travailler mon évasion et j’envisage différents projets. J’étudie le camp d’où la vue s’étend assez loin dans la campagne. Je me rends compte des moyens de garde, je surveille les allées et venues des Allemands militaires et civils, qui ont affaire dans le camp, et je constate avec surprise que nous sommes beaucoup mieux gardés que je ne me le figurais avant d’arriver, et je ne remarque rien qui puisse m’indiquer par quels moyens je sortirai du camp. Je cherche parmi mes camarades un homme décidé à risquer l’évasion et je crois l’avoir trouvé en la personne d’un sous-officier qui parle très bien l’allemand. Je lui fais part de ma décision. Ces constatations faites et après quelques conversations, nous adoptons le projet de trouver des effets civils, de quitter le camp par une des deux portes et de gagner une frontière par chemin de fer. Je me mets aussitôt au travail. J’apprends que la grande ville voisine : Cassel (Kassel) est reliée à Frankfurt-Bale par des services rapides. J’apprends aussi qu’un cuisinier allemand du camp est dans la vie civile cuisinier de wagons-restaurants et qu’il a fait du service en France. Je fais sa connaissance et par lui, arrive à connaître les heures des trains pour Bâle, dont nous sommes à 12 heures de chemin de fer. Ce résultat acquis, j’estime que des pièces d’identité suisses et des passeports pour sortir d’Allemagne sont indispensables. Je réussis alors à avoir la confiance de certains officiers, sous-officiers qui parlent français, je ne cause pas l’allemand, et aussi des interprètes qui travaillent à la Kommandantur. Tous ces gens sont pleins de considération et pour mon arme et pour ma situation civile de « gros industriel ». J’arrive à me faire admettre comme secrétaire à la Kommandantur. Je suis chargé de répondre aux demandes de renseignements venant de France et qui concernent les disparus, je recherche dans le camp les destinataires des lettres dont les adresses sont incomplètes, je trie aussi la correspondance avant qu’elle soit lue par les interprètes. Tandis que les prisonniers ne peuvent écrire qu’une seule fois par mois deux lettres, grâce à mes fonctions et à mes relations, il m’est permis, à moi, d’écrire aussi souvent que je veux. J’en profite et demande, au moyen d’une clef (mots pointillés qui rassemblés indiquent exactement ce que je demande) à deux amis dévoués, de deux côtés, différentes pièces d’identité suisses, passeports, fausses barbes et moustaches, le tout caché dans un bloc de pain d’épices.
  • 10. Compilation Guerres 9/88 Une correspondance s’établit ainsi sans que les interprètes qui lisent mes lettres ne s’aperçoivent de rien et les réponses me disent que tout se prépare et qu’il n’y a qu’à patienter, peut-être assez longtemps. Au bureau où je travaille, je sais où sont enfermées les cartes qui servent à l’entrée et à la sortie de tous les militaires et civils allemands qui ont affaire au camp, et il me sera possible d’en dérober et d’y apposer des cachets officiels. Quant aux effets civils, nous les ferons acheter par des prisonniers civils au propriétaire du bazar du camp et là l’argent fera son œuvre. Mais, au fur et à mesure que j’obtiens des éléments de réussite, je sens la détermination de mon ami diminuer et je dois un jour me décider à ne plus compter sur lui, estimant que je ne puis entraîner dans une telle aventure un ami indécis. Dans l’intervalle, je m’étais fait ouvrir un compte dans une banque suisse, qui par l’intermédiaire de la « Deutsche Bank » m’envoie 150 marks. Le trésorier du camp étant un de ceux dont j’avais gagné la confiance, je touche cette somme en une seule fois, alors que je devais toucher, suivant les règlements, seulement 10 marks par semaine. Tout ce qui a précédé m’a fait perdre du temps et me voilà de nouveau seul, entouré de prisonniers qui parlent de folie et de suicide quand le mot évasion est prononcé. La destinée heureusement vient à mon aide peu de temps après cet échec. Vers les premiers jours de novembre, les parents du lieutenant Manceron écrivent au commandant du camp pour rechercher leur fils, et je suis chargé de l’enquête et de la réponse à envoyer. Par un sous-officier et un cavalier du 4ème cuirassiers qui se cachent sous de fausses identités civiles et à qui je remets toutes les lettres qui leur arrivent, avant qu’elles soient vues par les interprètes, lettres dont les adresses portent leur identité militaire, j’arrive à faire la connaissance du lieutenant Manceron du 4ème cuirassiers, caché lui aussi sous une fausse identité civile. Naturellement, j’arrête toute enquête, ne rend pas les lettres compromettantes, et par la suite je soustrais avant qu’elle soit vue la correspondance qui arrive à cet officier. Le lieutenant Manceron et moi, nous nous confions nos souffrances morales, notre humiliation d’être prisonniers au milieu d’un état d’esprit qui n’est pas nôtre, tandis que nos camarades de France ont encore le bonheur de combattre. Nous nous disons notre volonté de nous évader et nous décidons de sortir coûte que coûte du camp et de rejoindre la France. Décidés tous les deux comme nous le sommes par la ruse ou par la force de tenter quelque chose, nous n’avons plus qu’à nous arrêter aux moyens. Le lieutenant Manceron, parlant insuffisamment l’allemand nous abandonnons le projet de quitter Cassel par le train, projet qui nécessiterait une parfaite connaissance de la langue pour sortir du camp, pour demander des billets, et pour soutenir des conversations aux contrôleurs et au passage de la frontière. Nous nous arrêtons au projet de sortir du camp sans être vus et de gagner la Hollande, en ne comptant que sur nos jambes.
  • 11. Compilation Guerres 10/88 Je m’astreins, dès ce jour, à un entraînement pédestre progressif et sur une ligne droite d’une centaine de mètres j’abats journellement de nombreux kilomètres. Par un sous-officier allemand, libraire dans la vie civile à Cassel, j’obtiens après quelques achats de livres le Baedeker en langue française, « l’Allemagne », en donnant comme prétexte que je veux connaître « toutes les beautés de l’empire germanique ». Ce livre nous donne la possession d’une petite carte de l’Allemagne où les villes principales, les lignes de chemin de fer, les fleuves et grandes rivières sont indiqués. J’arrive, après bien des recherches à découvrir une boussole et le propriétaire, un sous-officier russe me vend ce précieux instrument qui sera le plus important facteur de notre réussite. Par l’intermédiaire d’un ouvrier électricien allemand qui travaille au camp, je fais l’achat d’une lampe électrique et de piles de rechange, et dans les mêmes conditions un ouvrier charpentier me fait entrer en possession d’un couteau très complet (tournevis, poinçon, scie …) et de boîtes de conserve. À l’infirmerie où je me suis ménagé des relations, je trouve flacon de quinine, pilules de strychnine, teinture d’iode, vaseline. Nous arrivons ainsi petit à petit à mettre quelques atouts de réussite de notre côté, mais nous ignorons toujours comment nous sortirons du camp, et chaque soir, quand les prisonniers dorment, à l’abri des regards des sentinelles, nous complotons en envisageant les possibilités pour passer les grillages. Le camp de Niederzwehren est entouré d’un double grillage de 2m50 de hauteur, et, entre ces grillages, est établi un chemin de ronde, très bien éclairé la nuit par des lampes électriques, où les sentinelles sont placées à 50, à 60 mètres les unes des autres. Ces sentinelles possèdent des sifflets dont elles se servent à la moindre alerte. Six baraquements-postes reliés par téléphone, sont répartis autour du camp, contre le grillage extérieur, et les 400 à 500 hommes qui viennent chaque jour garder les prisonniers sont partagés entre ces postes. À l’intérieur du camp, de nombreuses sentinelles sont placées, et à l’extérieur, des sentinelles gardent routes, chemins, ponts de rivière, voie ferrée. Toutes ces remarques faites, le lieutenant Manceron et moi décidons de profiter d’une nuit noire et de passer par le grillage. Il est défendu d’aller dans un coin du camp, mais, il est possible de passer outre en s’enfermant, dans la journée dans un baraquement où se trouvent des bureaux et d’où, par une fenêtre, on peut gagner ce coin du camp, moins bien surveillé. Une pince pour couper les grillages est indispensable. Pendant que le lieutenant Manceron surveille, je passe un dimanche, par escalade, dans une pièce où les ouvriers laissent leurs outils et en démontant la serrure d’un coffre, j’obtiens l’outil désiré. Mais, ce projet-là échoue, et après trois essais infructueux dont le dernier manque de peu de se terminer d’une façon tragique, nous nous décidons à nous orienter d’un autre côté. Après maints projets, nous nous arrêtons à celui conséquent de certains faits : le lieutenant Manceron a comme voisins des zouaves, habitués d’une corvée dite de vidanges. Cette corvée consiste, pour les prisonniers à s’atteler par groupes de 50 à 60 à des voitures-tonnes, et à traîner ces
  • 12. Compilation Guerres 11/88 voitures jusqu’à un champ d’épandage, distant du camp d’environ 1500 mètres. Il entend dire, par ces soldats que la surveillance de cette corvée est devenue moins rigoureuse et que, tandis que les vidanges se déversent dans les tranchées, les sentinelles laissent les prisonniers se mettre à l’écart des mauvaises odeurs et fumer des cigarettes. Le lieutenant Manceron, pour s’assurer lui-même du bien-fondé de ces renseignements se procure une capote d’infanterie nécessaire pour se glisser dans cette corvée strictement réservée aux soldats et, transformé ainsi en fantassin, peut aller étudier sur place, en plusieurs fois, la possibilité de quitter le camp par ce moyen. Il constate que cette corvée offre des chances de réussite, mais qu’il faudra probablement y aller de nombreuses fois pour arriver à tromper un jour la surveillance des sentinelles qui, parfois, comptent les prisonniers à l’aller et au retour, font aussi le tour du champ d’épandage, le déversement terminé pour s’assurer qu’aucun homme n’est caché, ou encore ne quittent pas des yeux les prisonniers qui s’éloignent de la voiture. La difficulté peut provenir aussi, du mal que j’aurai à passer sans être reconnu au milieu d’une corvée dont les gradés allemands qui commandent me connaissent presque tous, mais ceci est secondaire, et nous ne sommes plus à un obstacle près ! Le 21 décembre, nous nous glissons dans la corvée de vidanges, juste au moment de son départ du camp. D’après mes prévisions, mon absence ne peut être signalée que le lendemain matin à 8 heures, et j’ai chargé mon voisin de lit, afin qu’il ne puisse être inquiété, d’aller lui-même rendre compte de mon absence. Avant de quitter nos baraquements, nous avions pris nos tenues d’évasion et tout ce qui est indispensable pour la route. Le lieutenant Manceron a sa capote d’infanterie sur ses effets civils, et comme coiffure un chapeau de feutre mou. Sous ma tenue militaire, j’ai un costume de mécanicien que j’ai acheté à un prisonnier civil du camp et le tout recouvert de mon manteau de cavalier. Comme coiffure, mon calot dégalonné, ainsi que le manteau. J’emporte mon bidon réglementaire empli d’eau-de-vie obtenue par l’intermédiaire d’un ouvrier allemand, mon porte-cartes où sont cachés des vivres pour la route : 1 boîte de sardines, 1 boîte de foie gras, 1 morceau de pain d’environ 400 grammes et différents objets : la pharmacie, la lampe électrique, du fil, des aiguilles, etc.. Dans mes poches, je cache soigneusement la boussole, le livret militaire, la carte arrachée du Baedeker, un couteau, etc.. Ainsi équipés, nous arrivons, sans incident, au champ d’épandage, sans avoir l’air de nous connaître ; nous nous écartons un peu, nous nous accroupissons derrière un remblai de terre extraite d’une tranchée, choisissons la seconde où les sentinelles ne regardent pas de notre côté pour nous coucher et, en rampant nous arrivons à gagner, sans être vus la tranchée la plus éloignée à une trentaine de mètres. Nous nous précipitons dans le fond, un peu … vaseux et nous nous y tassons le plus possible, car il ne faut que quelques centimètres pour que les sentinelles ne voient nos têtes. Pendant une dizaine de minutes bien longues dans notre situation, nous gardons une immobilité absolue et puis, n’ayant eu aucune visite de sentinelles, nos cœurs battent un peu moins et nous risquons un œil à l’extérieur de la tranchée. Nous ne voyons plus rien autour de nous, la corvée est repartie sans que notre absence n’ait été remarquée ! Voici donc le premier acte de gagné et il n’y a plus qu’à attendre la nuit pour nous mettre en route. Il est 3 heures et jusqu’à 6 heures, nous ne bougeons pas de notre
  • 13. Compilation Guerres 12/88 trou et gardons un silence complet, car, pas loin de nous, travaille une corvée et sur une route voisine le va-et-vient des gens, des voitures ne discontinue pas. Nous devions abandonner là la capote et le manteau militaire et faire notre marche habillés en civils, mais, comme la température froide et l’humidité du fond où nous sommes terrés nous font grelotter, nous nous décidons, pleins de confiance après notre premier succès, de conserver ces effets qui nous garantiront du froid quand nous ne marcherons pas. À 6 heures, nous sortons de la tranchée, et cette fois, c’est définitif ; nous commençons la conquête de la liberté. Pour éviter la traversée du village de Niederzwehren, gardé militairement, il nous faut faire un détour en longeant le camp jusqu’à une voie ferrée. Nous avançons prudemment, car nous devons passer entre le camp et les sentinelles placées autour du grillage extérieur, à des emplacements que nous ignorons. En avançant par bonds, nous arrivons à la voie ferrée, gardée par des sentinelles. Nous cherchons un passage et traversons la voie sans alerte. Un peu plus loin, nous attendons un moment pour couper une grande route où la circulation n’arrête pas. Enfin nous nous trouvons dans la campagne, et nous nous dirigeons vers le col qui se rapproche le plus de notre direction N.O. et qui nous mettra de l’autre côté de la chaîne montagneuse qui barre l’horizon. Au premier bois traversé, nous nous armons de deux solides gourdins qui nous servent en même temps de soutien. L’état physique peu brillant où le régime des prisonniers nous a mis est un de nos soucis, mais l’état moral est excellent et il soutiendra nos forces quand celles-ci seront épuisées. Toute notre première nuit, nous marchons à travers bois et nous écartons prudemment des villages. À partir de ce moment notre boussole jouera son rôle capital pour nous, puisque notre petite carte, à l’échelle 1:2.750.000 ne peut nous servir qu’en y trouvant des points de repère. Nous marchons direction O. et traversons une région très montagneuse où le froid se fait sentir. Notre allure est assez vive, car nous tenons, cette première nuit, à nous éloigner le plus possible de Niederzwehren. Le matin, au petit jour, nous cherchons un refuge dans un bois touffu et nous y restons jusqu’à la tombée de la nuit. Nos étapes sont établies comme suit : 12 à 13 heures de marche, chaque fraction de 60 minutes coupée d’un arrêt de 10 minutes. Nous pensons ainsi abattre 50 kilomètres par nuit. À cause de ceintures de surveillance établies autour des camps de Niederzwehren, Munden, Gottingen, Munsten, à cause des villes à éviter, des ponts à chercher pour passer les rivières, des traversées de voies ferrées en dehors des ponts ou passages à niveau, nous sommes obligés souvent de nous écarter de notre direction initiale O.N.O. et de faire ainsi de nombreux détours qui allongent d’autant plus notre marche. La seconde nuit se passe comme la première sans incident et nous marchons N.O. Nous traversons des montagnes boisées et en l’absence de chemins escaladons comme nous pouvons. Nous trouvons de nombreux ruisseaux qui nous fournissent une eau fraîche que nous buvons en abondance. La température continue à être rigoureuse et le thermomètre doit indiquer plusieurs degrés -0 à en juger par la glace épaisse qu’il nous faut briser pour nous alimenter d’eau.
  • 14. Compilation Guerres 13/88 Notre deuxième journée passée comme la première dans un bois, nous commençons à souffrir sérieusement du froid. L’immobilité à laquelle nous sommes astreints pour ne pas éveiller l’attention des bûcherons ou des chasseurs qui nous environnent, le contact du sol glacé nous font grelotter et claquer des dents presque continuellement et nous ne pouvons pas dormir. Le troisième jour, nos vivres sont épuisés, et nous nous nourrissons de grosses raves déterrées dans un champ. La mastication d’un pareil aliment est très difficile, nous commençons à être fiévreux et l’eau nous manque souvent pour désaltérer nos estomacs qui nous brûlent. Dans les drogues emportées, nous trouvons un excitant nerveux, mais, peut-être que, d’un autre côté, ces drogues finissent par détraquer nos estomacs. Nous décidons d’acheter du pain à la première occasion et le lieutenant Manceron connaissant assez l’allemand pour s’expliquer chez un boulanger se charge de la mission. À l’entrée d’un village, il me laisse sa capote et s’en va à la recherche d’une boulangerie. Il revient peu de temps après, chargé de 2kgs de pain et d’un gâteau qui assureront exclusivement notre nourriture pendant les 5 jours que nous mettrons à ce moment pour atteindre la Hollande. Comme tout s’est bien passé, le lieutenant Manceron veut retourner dans le village chercher du lait, mais cette fois, le coup manque, et nous nous éloignons après avoir mangé le gâteau qui nous paraît exquis. Notre marche se continue pendant deux autres nuits avec la même régularité. Pourtant dans la cinquième nuit, nous avons une légère défaillance morale : pendant près de 6 heures, nous sommes obligés de suivre le cours très sinueux d’une rivière, à la recherche d’un pont et cela nous écarte beaucoup de notre direction. Nous rencontrons bien des barques, mais de solides chaînes les attachent au rivage. Nous pensons traverser cette rivière à la nage, mais le courant violent nous fait craindre une noyade. Les bords de cette rivière sont très escarpés, tantôt boisés, tantôt bordés de prairies séparées les unes des autres par des clôtures que nous avons des difficultés à franchir. Enfin, le pont désiré nous apparaît et nous pouvons reprendre la bonne direction. Nos pieds blessés nous font souffrir, et je dois découper le cuir des chaussures du lieutenant Manceron à l’emplacement des frottements sur des plaies profondes. En arrivant dans le Munsterland, les pâturages sont très nombreux et nous avons, à tout instant des clôtures à passer, nous avons alors de grandes difficultés pour trouver à nous cacher dans la journée et un jour nous sommes obligés de nous abriter sous une cabane où les bestiaux en pâture se couchent et tout près d’un sentier. Des jeunes gens nous y voient, mais la pèlerine de mon manteau, rabattue sur ma tête, les empêche de distinguer, qui nous sommes, et leurs rires nous font penser qu’ils nous ont pris pour des amoureux ! Il nous arrive, en suivant des chemins, de nous trouver subitement dans des cours de grandes fermes et poursuivis par des chiens qui donnent l’éveil aux propriétaires ; nous devons chercher des issues sans revenir sur nos pas. Là, dans les traversées des villes ou villages que nous ne pouvons éviter, la moindre hésitation indiquerait des gens qui ignorent leur chemin et donnerait des doutes aux gens qui nous voient. Chaque fois que nous rencontrons des habitants, le lieutenant Manceron prononce, en allemand, quelques phrases, toujours les mêmes, et moi j’approuve par des « ia » ou des « schon » énergiques.
  • 15. Compilation Guerres 14/88 Les premières rencontres, nous avions trouvé cela drôle, mais, après, cela devient fastidieux quand nous répétons parfois 20 à 30 fois la même histoire dans un même village. La traversée de la ville de Lippstadt nous procure un incident amusant. Au tournant d’une rue, nous nous cognons presque nez à nez contre deux officiers en casque et sabre. Les valises qu’ils portent nous indiquent qu’ils arrivent en permission. Nous ne bronchons pas et nous passons fièrement à côté d’eux en répétant pour la nième fois notre conversation ! Nous avions été dévisagés, mais nullement inquiétés. D’ailleurs, au moindre geste de leur part, nos gourdins placés pour la défensive auraient répondu. Jusqu’à notre dernière nuit, le temps reste froid et nous avons la neige une nuit et une journée. Nous buvons toujours beaucoup d’eau, mais nous n’en trouvons pas toujours comme nous le voudrions. Notre huitième nuit de marche, nous gagnons enfin Borken dernière ville allemande avant la frontière. Le vent souffle avec rage et dans la traversée de la ville nous ne rencontrons pas âme qui vive. À la sortie, nous traversons deux voies ferrées et nous savons, d’après notre carte que la 3ème voie que nous avons à rencontrer est la ligne qui conduit en Hollande à Winterswijk, la ville que nous nous sommes fixée comme but de notre voyage. Une rivière se présente et nous ne trouvons aucun pont pour la traverser. Nous la longeons et arrivons ainsi jusqu’à cette dernière voie ferrée dont un pont passe au-dessus d’elle. Nous nous décidons à emprunter ce pont et grimpons à cet effet sur la voie du remblai. À ce moment des hommes sortent d’une cabane, nous crient d’arrêter et nous poursuivent en tirant des coups de feu. Je gagne des broussailles, mon camarade d’évasion en fait autant, mais dans une autre direction et nous sommes séparés. Pendant une heure je fais des recherches pour le retrouver, mais le terrain est très marécageux, coupé de ruisseaux, et je ne réussis pas à le rejoindre. Craignant que l’alerte ne soit donnée à Borken et que des patrouilles ne soient lancées à notre poursuite, je juge prudent de m’éloigner de la voie ferrée. À travers bois et prairies inondées, je me dirige avec précaution dans la direction de la frontière. La tempête de vent est plus violente encore et me couche à terre plusieurs fois, mais, à cette dernière étape, la volonté est tendue plus que jamais vers le but fixé, et, sans arrêt, aussi vite que le vent qui s’engouffre sous mon manteau me le permet, je marche plusieurs heures. Je présume être à proximité de la frontière et je vois devant moi une grande plaine couverte d’eau bordée de bois où les chemins que je rencontre se dirigent tous et où les patrouilles qui gardent la frontière me font craindre de mauvaises surprises. Sans hésitation, j’entre dans l’eau qui n’atteint pas plus haut que les genoux et j’avance ainsi pendant près de deux heures. Puis, je retrouve des bois et sur la lisière d’un chemin j’aperçois des maisons d’un style nouveau qui me font espérer que je suis en Hollande. Une route qui s’en va dans ma direction N.O. se présente à moi ; je la suis, et comme dans le lointain le ciel est éclairé d’une vive lueur, je ne doute pas que cette lueur indique une gare importante, et en accélérant de plus en plus l’allure j’arrive à Winterswijk. Un civil que je rencontre dans une rue me demande si je ne viens pas d’Allemagne, et sur une réponse affirmative me dit que mon compagnon d’évasion vient d’arriver il y a quelques minutes. Je cours à la recherche de mon ami, et à peu de distance de là, je tombe dans ses bras. Nous rencontrons un sous-officier hollandais. Il nous interroge, nous répondons prudemment en français et il découvre ainsi notre identité. Lui-même cause un peu le français et comme il manifeste
  • 16. Compilation Guerres 15/88 sa sympathie pour la France, nous lui disons qui nous sommes et d’où nous venons. Il nous félicite chaudement et nous invite à aller au poste de police nous réchauffer et nous restaurer un peu en attendant que les hôtels soient ouverts. De 6 à 8 heures, nous restons au bureau du poste de police où l’on nous offre : café, pain beurré, etc. Puis, nous sommes accompagnés jusqu’au grand hôtel de Winterswijk, ville de 16 000 habitants. Nos mains et nos figures sont en sang et les plaies vives de nos pieds ont besoin d’être lavées. Nous sommes pansés et après un bain dont nous avions grand besoin, nous déjeunons légèrement et nous nous couchons après avoir reçu ; tailleur chemisier, chapelier, etc., car nos effets sont en lambeaux et ignoblement sales et il faut que nous ayons des effets civils pour rentrer en France. Si nous étions considérés comme soldat français, nous ne pourrions échapper à la rigueur de la loi qui nous ferait prisonniers à nouveau. Nous avons eu le soir des visites de notabilités du pays qui disent leur sympathie pour la France. On nous offre une collection de journaux français où nous lisons enfin des nouvelles exactes de la guerre, nouvelles qui confirment l’optimisme que nous n’avions pas une minute abandonné, malgré les lectures de journaux allemands et des conversations faites au camp, maintenant lointain, où tout est fait pour démoraliser les hommes sans volonté. Le lendemain, 30 décembre, nous sommes à Rotterdam où le consul nous délivre un papier pour faciliter, dans la mesure du possible, notre passage en Hollande et en Angleterre. Nous embarquons le soir, et après 30 heures de traversée arrivons à Tibury près de Londres. Nous restons à Londres quelques heures pour attendre un train qui nous amène le 1° janvier à Folkestone. Nouvelle traversée et à midi nous foulons le sol natal …. Le soir à 11 heures, nous arrivons à Paris et cette fois, la partie est bien gagnée ; nous pourrons, dès notre rétablissement, contribuer à la victoire de La Patrie aimée ! Signé : R. PUIG **** Rentré en France, René Puig a regagné l’armée, et est devenu pilote d’avion. Le Lieutenant-aviateur René Puig est mort aux commandes de son avion, à Rembercourt-sur-Mad (Meurthe & Moselle), lors d’une mission de bombardement, dans la nuit du 14 au 15 août 1918. Voir les annexes 4, 5 & 6.
  • 17. Compilation Guerres 16/88 Annexe 1 : 9ème Régiment de Cuirassiers Le 9e régiment de cuirassiers est un ancien régiment de cavalerie de l'armée française créé en 1666. Période 1666 – 1946 Pays France Branche Armée de terre Type Régiment de Cuirassiers Rôle Cavalerie Inscriptions sur l’emblème Hohenlinden 1800 Austerlitz 1805 La Moskowa 1812 Fleurus 1815 L'Aisne 1917 Le Matz 1918 Argonne 1918 Anniversaire Fête: le 16 juin (Fleurus, 1815) Guerres Guerre de 1870 Première Guerre mondiale Seconde Guerre mondiale Fourragères Aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918. Décorations Croix de guerre 1914-1918, deux palmes.
  • 18. Compilation Guerres 17/88 Annexe 2 : Images de cuirassiers de la Première Guerre mondiale
  • 19. Compilation Guerres 18/88 Annexe 3 : Le camp de Cassel (Kassel) Niederzwehren Site dédié au camp de Cassel : http://lencrierdupoilu.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=227:camp-de- cassel&catid=149:etude&Itemid=108
  • 20. Compilation Guerres 19/88 Annexe 4 : Exemple de bombardier de la fin de la Première Guerre mondiale Le Breguet XIV était un biplan français utilisé pendant la première guerre mondiale comme avion de reconnaissance et comme bombardier, et est sans doute le meilleur bombardier moyen de la Première Guerre mondiale. Sa vitesse en faisait l'appareil biplace le plus rapide du conflit. Il a été produit pendant de nombreuses années après la fin de la guerre. Breguet XIV Constructeur Bréguet aviation Rôle Bombardier Premier vol 21 novembre 1916 Mise en service 1917 Date de retrait 1930 (en France) 1937 (en Thaïlande)1 . Équipage 2: 1 pilote, 1 observateur Motorisation Moteur Renault 12 Fe ou 12 Fcx Nombre 1 Type 12 cylindres en V à refroidissement par liquide Puissance unitaire 300 ch Envergure aile supérieure : 14,36 m aile inférieure : 13,77 m Longueur 8.87 m Hauteur 3,3 m Surface alaire 49 m2 Masses À vide 1 127 kg Avec armement 1 915 kg Performances Vitesse maximale 185 km/h (Mach 0,15) Plafond 5 750 m Vitesse ascensionnelle 105 m/min Rayon d'action 700 km Armement Interne 1 mitrailleuse Vickers de 7,7 mm tirant vers l'avant et 2 mitrailleuses Lewis de 7,65 mm sur affût pivotant à l'arrière Externe 300 kg de bombes
  • 21. Compilation Guerres 20/88 Annexe 5 : Photos de Breguet 14 Armement En vol
  • 22. Compilation Guerres 21/88 Annexe 6 : René Puig et son avion écrasé à terre René Son avion
  • 23. Compilation Guerres 22/88 Annexe 7 : Généalogie Marguerite & René
  • 25. Compilation Guerres 24/88 Préface Le grand-père maternel de mon épouse, Charles Puig a fait la guerre 14 -18 dans les Chasseurs à Pied. Il a laissé un court texte manuscrit sur sa participation à la reconquête de Verdun en 1916. J’ai repris ce texte dans le présent document, et j’ai annexé quelques éléments qui m’ont paru intéressants pour éclairer le sujet (des informations sur la bataille de Verdun, les chasseurs à pied, le bataillon concerné, la division, etc.). Michel Bruley
  • 26. Compilation Guerres 25/88 V E R D U N Ayant quitté le bataillon en Argonne où, depuis plus d’un an, nous occupions différents secteurs, je le retrouvai, après une excellente permission de 7 jours, dans un petit village de la Marne à Cheminon à 7 km environ de Sermaize les Bains. Depuis le début de la Campagne, c’est la première fois que le 66ème était ainsi ramené à l’arrière, et c’est avec le plus grand plaisir que tous, gradés et chasseurs, se disposaient à passer quelque temps loin du bruit du canon. Les compagnies étaient logées dans le village, seule la Compagnie de mitrailleuses cantonnait dans une ferme à 2 km de Cheminon, ferme dans laquelle nous jouissions de la plus grande tranquillité. Je ne devais du reste pas rester longtemps, car quelques jours après mon retour, je fus versé à la 2ème Compagnie où je devais, muni d’une lettre de service, prendre le Commandement en cas d’absence ou d’empêchement du Capitaine Marc, mon nouveau capitaine. Ce n’est pas sans un certain regret que je quittais mon excellent Capitaine Vigier, mais j’étais heureux que la Compagnie dans laquelle j’étais versé, soit celle du Capitaine Marc, qui m’accueillit de la façon la plus cordiale. Je retrouvai là comme camarades les Lieutenants Ramel et Pouget, deux vieux amis de longue date avec lesquels j’étais dans les meilleurs termes. Notre séjour à Cheminon fut celui de toutes les troupes au repos. Notre temps se passait en grande partie en exercices, marches, tir au stand de Sermaize, etc. Bien entendu, les revues, inspections, prises d’armes, etc. furent nombreuses, chaque jour la fanfare exécutait les meilleurs morceaux de son répertoire sur la place du village, sous la grande halle très curieuse de l’endroit. Les retraites aux flambeaux, deux fois par semaine, avaient un grand succès tant parmi nos chasseurs que parmi la population civile, et nous eûmes des représentations théâtrales données, soit par les artistes du bataillon, soit par la troupe du théâtre aux Armées. Cette période de détente fut encore rendue plus agréable par les quelques escapades de 48h que nous fîmes à Paris. Au cours de notre séjour à Cheminon, nous apprîmes bientôt que nous étions destinés à coopérer à une attaque qui allait être faite sous Verdun, mais cette fois, offensive de notre part, et bientôt le thème de nos exercices n’eut plus que ce but. Le Commandant, le Général, Le Colonel …, commandant l’infanterie divisionnaire réunirent à plusieurs reprises les officiers et adjudants, et nous nous mîmes sérieusement à étudier sur la carte notre futur champ d’opérations. Pour nous tous c’était un rôle tout nouveau que nous allions avoir à jouer, depuis deux ans nous avions la vie assez monotone de la tranchée et cette fois nous allions nous porter à l’attaque, aussi est-ce avec la plus grande attention, avec le plus grand soin que nous nous préparions à notre tâche, tant au point de vue de notre éducation personnelle, qu’au point de vue de l’entraînement de nos hommes. Le moral du bataillon était d’ailleurs bon et tous, sans trop d’appréhension, attendaient le jour du départ. L’attaque qui devait avoir lieu vers le 18 octobre fut reculée vers le 20. Les Capitaines et officiers en premier reçurent l’ordre de venir visiter le terrain de Verdun. Ce jour-là une auto d’ambulance mise à notre disposition par la 2ème armée (celle à laquelle nous allions faire partie) vint nous prendre à Cheminon vers midi. Le temps était splendide et c’est avec gaieté que nous nous sommes mis en route. Après un court arrêt à Bar-le-Duc, nous filons sur Verdun par la fameuse route rendue si célèbre sous le nom de « La voie sacrée ». C’est par là que, pendant toute l’offensive boche sur Verdun, cette ville fut surtout ravitaillée. Aussi n’est-ce pas sans un peu d’émotion que je voyais approcher cette ville si connue, si célèbre, cette ville dont le nom ne cessait de nous hanter tous : Verdun ! Au fur et à mesure que nous approchions, les villages étaient de plus en plus remplis de troupes. À Souilly, en passant, nous voyons le quartier général du Commandant de la 2ème armée.
  • 27. Compilation Guerres 26/88 La nuit tombait, nous roulions maintenant sans lumière et croisions sur la route de nombreux convois de toute sorte. Enfin nous arrivons à Verdun ! La ville était déserte et dans la nuit, à la clarté de la lune, son aspect était particulièrement saisissant. Au loin le canon grondait et après plus d’un mois nous entendions sa grosse voix. L’auto nous amena dans la citadelle ; de suite on nous fit descendre à l’intérieur. Quel spectacle que celui de cette citadelle, de cette ville souterraine depuis plusieurs mois ! Là on se sentait de suite à l’abri, mais quelle atmosphère de guerre ! Dans tous les couloirs se pressaient les gens échappés pour quelques heures de l’enfer, et qui apportaient dans ce milieu comme un peu de ce qui se passait là-bas. Il était l’heure du dîner et l’on nous conduisit au mess des officiers, grande salle où autour de longues tables se pressaient de nombreux officiers. Il y avait là aussi le Général Dubois commandant la place, le préfet. Chaque jour des hôtes de passage nouveaux se succédaient dans cette salle. Le repas fut frugal, car le ravitaillement de Verdun était assez difficile et la ville, bien entendu, depuis longtemps, n’offrait plus la moindre ressource. Après dîner, l’on nous conduisit à un baraquement en dehors de la citadelle, dans d’anciennes casernes à moitié détruites où nous devions passer la nuit. Ce que fut notre nuit ! Le froid était assez vif, et comme nous n’avions pas de couverture, nous avons peu dormi sur notre paillasse, surtout que le bombardement ne cessait pas, que nous entendions son roulement continuel et par moments le sifflement si caractéristique du passage des obus boches qui heureusement pour nous (car nous n’étions pas à l’abri d’un 107) allaient tomber un peu plus loin. Et puis nous pensions à notre reconnaissance du lendemain et aussi à l’attaque prochaine. Vers 5h du matin debout, d’autres autos ambulances américaines nous attendaient. Rapidement nous traversons la ville détruite, que nous devions mieux voir au jour, et nous passons la Porte de France. Le faubourg Pavé fut traversé en vitesse, les Boches le bombardant fréquemment, et sur la route des cadavres récents de chevaux nous firent voir que cette fois nous étions bien revenus dans ce milieu que nous avions quitté si gaiement. Le jour n’avait pas encore fait son apparition, lorsque les autos nous descendirent au carrefour du Cabaret Rouge, endroit lugubre, sur lequel les Boches s’acharnaient particulièrement. Vite nous gagnons la caserne où se trouve l’État-major de la division en ligne, bien abritée, mais dont les alentours avaient eu la visite de quelques gros projectiles boches. À l’abri nous attendons nos gradés et au petit jour nous nous mettons en route. Tout d’abord par un long boyau en assez bon état nous allons jusqu’aux casernes Marceau. Pauvres casernes, elles ne sont plus que ruines, quelques batteries lourdes sont installées alentour ou au milieu des bâtiments détruits. De là nous nous dirigeons vers le fort de Souville! Quelle impression ! Jamais depuis le début de la campagne, je n’ai vu un terrain pareillement défoncé. Autour de nous ce ne sont que trous d’obus. La piste que nous suivons (un ancien chemin) les contourne ! Il faut savoir que nous sommes à l’emplacement d’un fort, car rien n’en décèlerait la place ! C’est un véritable mamelon défendu de tout côté. De gros obus de 370 ont fait des entonnoirs fantastiques. L’intérieur du fort n’a pas souffert, et dans une ancienne tourelle nous nous arrêtons un instant. C’est un poste de commandement, de nombreux servants s’y pressent. On sent la fièvre de la préparation d’une prochaine attaque. D’un observatoire nous découvrons le terrain de la future attaque. À mes pieds un long sentier, puis en face ce qui fut Fleury, les bois de la Caillette, Vaux, et au fond la masse imposante de la Crête de Douaumont, au milieu de laquelle une masse se détache le Fort de Douaumont, l’objectif ! Mais tout ce terrain n’est plus qu’un vaste paysage lunaire, ce ne sont que des trous, pas un coin qui n’ait été retourné mainte et mainte fois. Quelle effroyable bataille s’est passée ici ! De Souville nous redescendons vers Fleury suivant tantôt des pistes qui contournent les trous d’obus, tantôt des boyaux en construction. Nous atteignons Fleury ou plutôt ce qui fût ce village, les Boches l’occupent encore presque en entier, mais nos tranchées sont à la lisière. Partout de notre côté l’on
  • 28. Compilation Guerres 27/88 travaille ferme, mais quelle tâche à accomplir ! Enfin nous avons confiance et c’est joyeux que nous regagnions notre point de départ. Je conserverai toujours un souvenir inoubliable du spectacle que j’avais vu ce jour-là. Verdun ! Nulle imagination ne peut se représenter ce coin. Nous avons dû regagner la ville à pieds et arrivions à la citadelle pour déjeuner. Après déjeuner, je suis allé avec mes camarades visiter la ville ! Pauvre Verdun que j’avais connu en temps de paix, comme je la retrouvais détruite. Le centre de la ville est complètement dévasté, dans la ville entière pas de maison qui n’ait été atteinte, qui n’ait souffert. Que de ruines ! Vers 3h des autos nous reprennent et nous regagnons Cheminon à la nuit, Cheminon où nos camarades nous attendaient avec impatience, pour avoir de nous quelques détails sur ce qui avait été notre reconnaissance. C’est le 21 que nous recevons enfin l’ordre de départ fixé au lendemain matin à 7h. Des camions autos nous attendent à la sortie du village. La plus grande partie de la population féminine est venue dire au revoir aux chasseurs, qui avaient reçu un si bon accueil dans ce petit pays, où nous avions passé quelques bonnes journées. À 8h en route. Tous savent où l’on nous conduit, mais tous partent joyeux. Le temps d’ailleurs est superbe et c’est en chantant que nous traversons les premiers villages. Mais la fatigue se fait sentir et le silence se fait petit à petit. D’ailleurs nous approchons, et la même émotion que j’avais ressentie quelques jours avant, tous plus ou moins consciemment la ressentent. Les camions nous débarquent vers 4h du soir à Dugny. De là nous regagnons à la nuit les casernes de Bellanger où nous allons passer la nuit. Nous voici près de Verdun. Pas de lumière, on entend le bruit incessant de la canonnade, les nôtres tirent sans discontinuer, et de nos fenêtres nous voyons les lueurs des départs. Les Boches nous semblent répondre peu, mais nous sommes à 5 ou 6’ des lignes, et nous ne pouvons guère entendre. Tous sont fatigués, et bientôt tous s’endorment dans cette caserne que les Boches bombardent de temps à autre, mais qu’ils épargnent cette nuit-là. 23 Octobre ! Le jour se lève pluvieux ! L’attaque doit être prochaine, on la dit pour ce jour-là, mais nul ne le sait de façon certaine. Attaquera-t-on avec cette pluie ! Peu probable ! La canonnade continue ! Nous terminons les derniers préparatifs. Les bruits les plus divers circulent. Vers midi la canonnade redouble. Puis le bruit court que l’attaque s’est déclenchée ! Il se confirme et les nouvelles sont bonnes. Les avions profitent d’une éclaircie et sillonnent le ciel ! Au loin les fusées signalent notre avance, que se passe-t-il ? 4h du soir ! Le Commandant réunit ses officiers. Nous allons savoir. Tout le monde est fiévreux, le Commandant lit un message. Douaumont est pris ! Notre victoire est complète, les objectifs sont tous atteints. La joie se lit sur tous les visages. À notre tour d’entrer en danse. Ce sera sans doute pour la nuit qui vient. Vite nous faisons les derniers préparatifs. Mes hommes touchent leurs derniers vivres, leurs munitions, et on se couche rapidement, car d’un moment à l’autre on peut partir. À 11h du soir l’on vient nous réveiller. À minuit, on part. En route pour la bataille ! Tous les cœurs sont un peu émus, mais bah ! Les routes sont couvertes de boue liquide où nous enfonçons presque jusqu’aux chevilles. Par la nuit noire, nous gagnons le Faubourg Pavé. La marche est lente, les hommes lourdement chargés sont harassés. Les routes sont encombrées et la canonnade fait rage. Sans incident nous atteignons les casernes Marceau, mais le jour va bientôt poindre. Comment pourrons-nous gagner les lignes ? La marche est de plus en plus difficile et c’est complètement harassé que nous atteignions Souville. Il fait grand jour. Que va-t-on faire ? Quelques longues minutes puis l’ordre vient de rester là. Quelques abris profonds nous contiennent tous. Attendons ! Bientôt la fatigue de la nuit se faisant sentir, tous ne tardent pas à s’endormir. Vers 9h je sors de l’abri et vais aux nouvelles. Il paraît que nous devions attaquer ce matin, mais notre division étant arrivée trop tard, l’attaque est remise. Un ordre arrive : les troupes en ligne ont besoin de munitions, de vivres. Le bataillon va les ravitailler. La Compagnie fournit 100 hommes, plus une cinquantaine de la 1ère ! Un officier doit diriger la corvée. C’est à moi de monter. En route 5 kms. Nous allons jusqu’à la retraite de Souville, là mes hommes prennent des sacs de grenades, de cartouches, des vivres et en avant sous la conduite de
  • 29. Compilation Guerres 28/88 deux gradés. Nous franchissons la route de Souville, et descendons à travers le champ de trous d’obus jusqu’à l’ancien poste de commandement des premières lignes, jusqu’au PC Cavières. Nous avançons péniblement à travers les entonnoirs, enfonçant dans la boue jusqu’aux genoux, de temps à autre un de nous s’enlise jusqu’à la poitrine, jusqu’aux épaules. Il faut plusieurs camarades pour le sortir ! Nous sommes sur une pente descendante qui de loin est vue des Boches. C’est miracle qu’ils ne nous disent rien ! On arrive au PC Cavières, mes hommes repartent et je vois leurs longues files remonter péniblement vers Souville. Tout à coup, un, deux, dix, cent obus. Les Boches ont ouvert un tir de barrage, je vois les obus tomber au milieu de nos chasseurs, tous sont dispersés, la plupart disparaissent dans les trous ! Quelle anxiété ! Combien des nôtres auront-ils été atteints ? Je me hâte à mon tour, le tir de l’ennemi cette fois a presque cessé. J’arrive aux abris, je fais faire l’appel. Pas un seul ne manque à l’appel. Tous ont été épargnés. Jusqu’alors tout allait bien. Nous passons le reste de la journée dans nos abris, nous ravitaillant à notre tour. Plusieurs chasseurs de la 1ère compagnie et de la nôtre sont atteints par des obus, car de temps à autre les Boches tiraient dans notre direction quelques gros 210. Notre compagnie fournit à nouveau une corvée pour aller ravitailler les premières lignes, mais mon camarade Pouget en a la direction, corvée très dure. Nos hommes reviennent à 2h du matin, harassés de fatigue, mais sans avoir éprouvé de pertes. Moi je prends un repos bien gagné. La journée du lendemain se passe sans incident, nous ne quittons pas nos abris. Tous se reposent. Le terrain est de nouveau arrosé copieusement par les Boches et de nombreux chasseurs ou gradés, agents de liaison principalement ayant à circuler au dehors, sont atteints plus ou moins grièvement. La nuit vient. Cette fois de nouveau mon tour est de marcher. Je conduis une corvée de ravitaillement. La nuit est noire. Combien est difficile la tâche de guider, à travers ces trous d’obus plein d’eau, une centaine de chasseurs marchant difficilement sous le poids qui les accable. À chaque instant un homme disparaît dans un trou plein d’eau, s’enlisant dans la boue, il n’est pas trop de deux ou trois camarades pour le sortir de là ! Enfin tout se passe sans mal et notre séjour aux abris A et B (les noms qu’ils portent) se termine sans que notre compagnie ait trop à souffrir. Maintenant nous allons monter en ligne aider nos camarades. Le Capitaine Marc est parti dans la journée reconnaître le secteur, je prends le commandement de la Compagnie. Nous partons du fort de Souville à la tombée de la nuit, nous dirigeant d’abord vers Fleury, dans l’eau, la boue. Quelle marche fatigante ! Mes chasseurs sont lourdement chargés. Je dois guider la compagnie. Malgré la nuit j’arrive sans encombre à Fleury où je trouve un guide. Nous franchissons nos anciennes lignes, nous voilà sur le terrain reconquis. Notre marche devient de plus en plus difficile. Mes poilus suivent avec peine. Nous marchons à une allure des plus lentes. La nuit est noire, notre guide connaît à peine sa route. Dans le fond, le ciel est sillonné de lueurs des fusées, d’éclatement d’obus. Spectacle farouche. Vers minuit seulement, ayant mis plus de 5h pour faire environ 4 kms, nous atteignons un remblai de l’ancienne ligne de chemin de fer où nous devons trouver de nouveaux gradés. Là nous devons rester un instant pour permettre à nos malheureux chasseurs de reprendre haleine. Il faut partir. Là notre calvaire commence. Nous gravissons la crête du bois d’…, en arrière de Douaumont. Les Boches ont déclenché un tir de barrage fantastique. Il faut avancer au milieu des obus qui, de toutes parts, éclatent autour de nous. Le bruit est assourdissant, les voix des blessés qui tombent à chaque instant se mêlent aux éclatements. J’ai grande peine à avancer, tombant à chaque instant, de fatigue. Arriverai-je au but ? Il me faut toute mon énergie pour ne pas faillir. Derrière moi mes chasseurs suivent, mais hélas leur nombre doit en être bien diminué. Me voici à la batterie, près de Douaumont. Plus de guide. Que faire ? Les tirs ennemis ne cessent pas. Je trouve enfin un homme qui va me guider. Le capitaine Marc n’est pas là ! Où allons-nous ? Nous ne rencontrons que gens affalés, harassés. Il nous faut franchir un ravin. Cette fois je me demande si tous nous ne resterons pas là. Enfin voici la batterie que nous devons atteindre. Je trouve Marc et réussis à grouper les
  • 30. Compilation Guerres 29/88 quelques hommes qui me restent et nous reformons une compagnie de chasseurs, mais que de manquants. *** Plus tard pendant la guerre, Charles Puig a été blessé, décoré, et est rentré dans son foyer. Toute sa vie il a touché une pension pour sa blessure de guerre.
  • 31. Compilation Guerres 30/88 Annexe 1 : La première page du texte original écrit par Charles Puig
  • 32. Compilation Guerres 31/88 Annexe 2 : Résumé de la Bataille de Verdun, par Michel Mourre Après la guerre de 1870/71, Verdun devint le centre d'un vaste camp retranché qui fut le pivot de la défense du Nord-Est. Défendue en 1914 par la IIIème armée de Sarrail, la place de Verdun servit de point d'appui à la manœuvre qui permit la victoire de la Marne. Le front se fixa à environ 10 km au N. de Verdun et ce secteur resta tranquille pendant dix-huit mois. Tout à la préparation de l'offensive prévue sur la Somme, l'état -major français négligea les informations concernant une attaque imminente sur Verdun. Le 21 févr. 1916, à 16 h 45, après une préparation d'artillerie qui dura neuf heures, l'attaque allemande fut déclenchée sur la rive droite de la Meuse. Malgré une résistance inattendue de la défense française, les Allemands, au soir du 24, avaient complètement submergé la deuxième ligne de défense française et atteint la cote 344. Le soir du 25, ils s'emparaient du fort de Douaumont, pierre angulaire du N.-E. de la ligne des forts. Castelnau, envoyé par Joffre, ordonna au général Herr de tenir coûte que coûte le front N., entre Douaumont et la Meuse, et c'est Pétain, commandant de la 2ème armée, qui fut chargé de prendre la direction de la bataille (26 févr.). Par son énergie calme et sa lucidité, Pétain sut rendre confiance aux troupes, et, dès la fin de févr. 1916, l'attaque allemande au N. de Verdun s'essouffla. Mais à partir du 6 mars, la bataille s'étendit sur la rive gauche de la Meuse: les Allemands s'emparèrent du bois de Cumières (7 mars), du Mort-Homme (14 mars), de la cote 304 (24 mai). Après deux mois et demi de combats, malgré la supériorité écrasante de leur artillerie lourde, les Allemands n'avaient pas réussi à emporter la décision, et leur progression moyenne était d'environ 7 km. Cependant, la tentative menée par Mangin pour reconquérir Douaumont aboutissait à un échec sanglant (22/24 mai), et le fort de Vaux succomba le 7 juin. Les troupes du Kronprinz passèrent de nouveau à l'attaque le 21 juin et prirent Thiaumont, Fleury et les abords de Froide- terre. Mais le temps était maintenant compté pour l'état-major allemand: le 4 juin, Broussilov avait déclenché une offensive en Volhynie, et, en juillet, sur la Somme, commençait l'offensive franco-britannique. Pour Verdun c'était le salut. La dernière grande attaque allemande eut lieu les II/12 juillet 1916, aux abords du fort de Souville. Désormais l'initiative passa aux Français: sous les ordres de Nivelle, la contre-offensive, conduite par Mangin, aboutit à la reconquête de Douaumont (24 oct.), de Vaux (2 nov.), de la crête du Poivre (15/18 déc.), et, sur la rive droite de la Meuse, le front se stabilisa le long d'une ligne Champneuville- Bezonvaux. Sur la rive gauche, le Mort-Homme et la cote 304 furent repris en août 1917, et Verdun fut complètement dégagé. Dans « L’enfer de Verdun », les Français avaient laissé 360 000 hommes, les Allemands 335 000 hommes. Cette bataille marqua le tournant décisif de la Première Guerre mondiale sur le front français.
  • 33. Compilation Guerres 32/88 Annexe 3 : Sources d’informations pour aller plus loin Bataillon de Chasseurs à pied surnommé les diables bleus Charles Puig était Lieutenant au 66ème bataillon de Chasseurs à pied (bataillon de réserve formé en 1914) intégré à la 9ème division d’infanterie à partir de Juillet 1915. 9ème division d’infanterie : http://fr.wikipedia.org/wiki/9e_division_d'infanterie_(France) 66ème bataillon de chasseurs à pied : http://fr.wikipedia.org/wiki/66e_bataillon_de_chasseurs_%C3%A0_pied Chasseurs à pied : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chasseur_%C3%A0_pied Chasseurs à pied : http://rosalielebel75.franceserv.com/chasseurs-a-pied.html Bataillons de chasseurs : http://chtimiste.com/regiments/chasseurs1-50.htm Bataillons chasseurs de réserves : http://chtimiste.com/regiments/chasseurs50-150.htm Informations générales sur des éléments de la guerre cités dans le texte Verdun : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Verdun_(1916) Verdun (chasseurs) : http://www.chtimiste.com/batailles1418/1916verdun1.htm Douaumont : http://fr.wikipedia.org/wiki/Douaumont Fort de Douaumont : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_de_Douaumont
  • 34. Compilation Guerres 33/88 Annexe 4 : Généalogie Fernande & Charles
  • 35. Compilation Guerres 34/88 Georges Anselmi 1914 - 1918 Campagnes de France et d’Orient Médaille Militaire
  • 36. Compilation Guerres 35/88 Georges Anselmi né en 1886 a participé à la Première Guerre mondiale, et a été décoré de la Médaille militaire. Ma mère m’a toujours dit qu’il répugnait à parler de la guerre et ne lui avait fait part d’aucun souvenir, elle savait cependant qu’il avait participé à l’opération de Salonique. Il y a donc peu de traces de cette période, la citation militaire & la médaille et une quarantaine de photos, dont 7 comportent une date, et 6 une date et un lieu :  31 décembre 1914 - Blercourt dans la Meuse (55120 - 12 km de Verdun),  16 mai 1915 – Vernancourt dans la Marne (51330 – 40 km de Châlons-en-Champagne),  juillet 1915 – Orbéval dans la Marne (51800- 35 km de Châlons-en-Champagne),  26 septembre 1916 - Cuiry-lès-Chaudardes dans l’Aisne (02160 – 4 km en dessous du chemin des Dames),  juillet 1917 – Vatiluk en Grèce (aujourd’hui Vathylokkos 50100),  10 juillet 1917 – Balitza (impossible à situer avec exactitude) Ce que l’on peut reconstituer c’est qu'en métropole Georges a d’abord été amené à aller sur, ou à proximité de certains grands théâtres de la guerre : la Marne en 14, la Champagne en 1915, le Chemin des Dames 1916 et finalement Salonique en 1917. D’après la citation, il appartenait au 19ème régiment d’artillerie qui s’est distingué à Verdun en 1916 et à Monastir en 1917 (voir annexe). La Marne en septembre 1914 Au lendemain de la bataille de la Marne qui marque le coup d’arrêt de l’offensive allemande, et leur repli sur les bords de l’Aisne, la ligne de front est stabilisée et ne bougera plus guère jusqu’à la fin de la guerre 4 ans plus tard. Autour de Verdun dont la situation forme désormais un saillant dans les positions ennemies, les combats se poursuivent avec constance et virulence. Le 24 septembre 1914, Saint-Mihiel et Vauquois sont pris. Les Français essaient de reprendre les positions sur les hauteurs aux Eparges et à Vauquois, pris par les Allemands, positions privilégiées pour contrôler les accès aux places fortes. La butte de Vauquois permet de contrôler la ligne Chalons Verdun et la crête des Eparges celle de Commercy. http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_bataille_de_la_Marne 31 Décembre 1914 - Blercourt dans la Meuse (55120 - 12 km de Verdun) Georges Anselmi est au centre
  • 37. Compilation Guerres 36/88 La Champagne La première bataille de Champagne est une offensive des armées françaises contre les armées allemandes en région Champagne lors de la Première Guerre mondiale. L'offensive commence le 14 décembre 1914 et se poursuit jusqu'au 17 mars 1915. http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_bataille_de_Champagne 16 Mai 1915 – Vernancourt dans la Marne (51330 – 40 km de Châlons-en-Champagne)
  • 38. Compilation Guerres 37/88 La Marne Juillet 1915 – Orbéval dans la Marne (51800- 35 Km de chalon en Champagne)
  • 41. Compilation Guerres 40/88 Le Chemin des Dames Le Chemin des Dames est un terrain d'affrontement dès 1914. Le 31 août 1914, face à l'avancée allemande, les troupes françaises sont obligées de quitter leur position sur le Chemin des Dames. Mais à l'occasion de la Première bataille de la Marne, les armées alliées atteignent de nouveau la vallée de l'Aisne le 13 septembre, bousculant devant elles les forces allemandes. Les Allemands se regroupent sur le plateau pour contrer l'offensive. Entre le 13 et le 15 septembre 1914, les troupes françaises et anglaises tentent de s'emparer du plateau. Plusieurs milliers de soldats meurent dans cette offensive qui ne sert à rien : le front se fixe à cet endroit jusqu'en 1918. 26 Septembre 1916 - Cuiry-lès-Chaudardes dans l’Aisne (02160 – 4 km du chemin des Dames)
  • 42. Compilation Guerres 41/88 Georges est au premier plan, avec une canne à la main
  • 43. Compilation Guerres 42/88 Salonique et opérations militaires sur le Front d’Orient Au début du XXème siècle Salonique (aujourd’hui Thessalonique) est une ville de l’Empire ottoman qui compte 120 000 habitants, dont 80 000 juifs. Elle est conquise par les Grecs en novembre 1912. Au début de la Première Guerre mondiale, la Grèce est un pays neutre, qui traverse une grave crise politique entre partisans de la Triple-Entente (La France et ses alliés) et partisans de la Triple-Alliance (Les Empires centraux). En octobre 1915, le premier ministre grec favorable à la Triple Entente autorise les Français et les Anglais à débarquer des troupes à Salonique, pour qu’elles aident les Serbes à arrêter la progression des armées austro-allemandes et bulgares qui envahissent la Serbie. Compte tenu de la situation, ces troupes se contenteront de conserver le contrôle de la voie ferrée qui remonte la vallée du Vardar, la seule voie de ravitaillement extérieur des armées serbes. En mai 1916, les Bulgares pénètrent en territoire grec et envahissent toute la Macédoine orientale. Salonique sert de base arrière et de refuge aux alliés, à l’été 1916 elle compte 300 000 hommes (Français, Britanniques, Serbes, Italiens et Russes), et à partir de décembre fait l’objet de fréquentes attaques aériennes. À la fin de 1916, le front passe sur les hauteurs qui dominent le camp retranché sur une ligne qui va de Monastir et qui encercle Salonique et va jusqu’à la côte, mais n’est jamais à moins 60 km de Salonique. Pendant toute l’année 1917, l’activité des troupes se résume à une guerre de position et une dizaine de batailles locales. Les soldats sont très affectés par diverses maladies (dysenterie, scorbut …). À partir du printemps 1918, le front côté Triple-Alliances est principalement tenu par les Bulgares. À partir de l’été, les alliés préparent une offensive avec les 650 000 hommes dont ils disposent malgré le retrait des troupes russes. Une offensive de rupture est menée à partir du 15 septembre. Les alliés s’emparent d’Uskub (aujourd’hui Skopje) et s’ouvrent la route de Sofia. La Bulgarie demande un armistice qui est signé le 5 octobre. Les troupes allemandes et autrichiennes évacuent l’Albanie. Le 14 le Danube est atteint, le 1° novembre Belgrade est reprise. Bucarest est atteinte le 1° décembre. À la fin de la campagne, du 18 au 25 décembre, une partie de l’armée d’Orient est redéployée à Odessa contre les Soviets en Ukraine. Ce n’est qu’en 1919 qu’elle est rapatriée et démobilisée. *** Les opérations des Dardanelles et de Salonique connaissent aujourd’hui un traitement mémoriel très contrasté. En France, le « poilu d’Orient » est négligé, rejeté dans l’ombre au profit de celui de Verdun, de la Somme ou du Chemin des Dames. Peu d’études universitaires lui sont consacrées.
  • 44. Compilation Guerres 43/88 Voyage en bateau vers Salonique Sur internet, j’ai retrouvé le récit d’un participant à l’expédition de Salonique qui est allé à Vatiluk en février 1917 (voir le lien ci-joint : http://www.saleilles.net/guerre/page7.html ). Il raconte son voyage en bateau pour rejoindre la Grèce, à bord d’un navire russe appelé "Impératrice Catherine II". Parti de Toulon le 18 janvier 1917, il est arrivé 7 jours plus tard (voir carte ci-dessous). Voyage Toulon Salonique raconté sur internet
  • 45. Compilation Guerres 44/88 Juillet 1917 – Vatiluk en Grèce (aujourd’hui Vathylokkos 50100) Vatiluk est en fait un village situé à 130 km de Salonique, qu’un soldat français raconte dans ses mémoires avoir à conquérir lors d’un entrainement en février 1917. (Georges est au centre). Carte de Grèce : Vathilakkos (ex Vatiluk) https://www.google.fr/maps/@40.8412898,22.9487738,10z 10 Juillet 1917 – Balitza (impossible à situer avec exactitude, j’ai identifié plusieurs lieux possibles mais assez loin de Salonique)
  • 46. Compilation Guerres 45/88 Une série de photos non datées, difficile à situer (la photo de droite pourrait laisser penser que l’on est en Orient) Une photo non datée, non localisée mais probablement prise en France, qui montre qu’à l’armée Georges a continué à faire des courses de chevaux. Recto Verso
  • 47. Compilation Guerres 46/88 Citation & 19ème régiment d’artillerie J’ai trouvé via le Bulletin des Armées, parmi les soldats distingués lors de la guerre 1914-1918, la citation à l'ordre de l'armée de Georges-Joseph-César ANSELMI : excellent sous-officier ; 13 ans d'excellents services ; adjudant-chef (réserve) au 19e régiment d'artillerie, 1er groupe. 19e Régiment d'Artillerie Pays France Branche Armée de Terre Type Régiment d'Artillerie Rôle Artillerie Garnison Draguignan Devise Irréprochables et joyeux Inscriptions sur l’emblème Sébastopol 1854-55 Solférino 1859 Verdun 1916 Monastir 1917 Guerres Guerre de Crimée Campagne d'Italie Première Guerre mondiale Batailles Bataille de Sébastopol Bataille de Verdun Photo de Georges en réserviste Canon Schneider de 75 mm Tas d’obus (14-18)
  • 49. Compilation Guerres 48/88 Les frères Bruley pendant la Première Guerre Mondiale
  • 50. Compilation Guerres 49/88 Georges Bruley Georges né en 1882 a fait la guerre et de façon remarquable, au point qu’il fut proposé pour la Légion d’honneurs qu’il refusa. Il fut après-guerre proposé pour la Légion d’honneur à titre civile, et la refusa une deuxième fois. D’après ce qui m’a été rapporté, Georges en voulait beaucoup aux militaires, du fait de l’attitude de l’armée lors de l’affaire Dreyfus. Léon Bruley Léon né en 1885 a été dispensé de service militaire en 1905 pour cause d’étroitesse des épaules. Les photos de l’époque ne montrent rien de spécial. Lors de la Première Guerre mondiale, Léon fut mobilisé, mais compte tenu de sa dispense de 1905, il fut affecté au service de la Poste. En 1917 il se trouvait à Tour, où il attrapa la syphilis dans un bordel très renommé à l’époque. Il suivit un traitement lourd et fut considéré comme guéri. Cependant en 1938 il eut une crise très sévère, son médecin lui pronostiqua sa mort à brève échéance, il s’en sortit mais diminué. Il mourut vingt- sept ans plus tard en 1964. Georges & Germaine Léon & Germaine
  • 51. Compilation Guerres 50/88 Annexe : Généalogie des frères Georges & Léon Bruley
  • 52. Compilation Guerres 51/88 Guerre, Captivité & Évasion de Jacques Bruley
  • 53. Compilation Guerres 52/88 Préface J’ai retrouvé deux textes manuscrits de mon père consacrés à ses années de guerre. Il me semble que le plus ancien est celui qui décrit l’évasion. C’est un texte d’un seul tenant, sans chapitre ni titre. Les premières pages sont très bien calligraphiées, probablement recopiées, puis l’écriture est plus libre, des ratures, des rajouts apparaissent, la fin par contre donne vraiment l’impression d’un premier jet. L’autre texte commence par un plan d’ensemble détaillé en trois parties « Guerre, Captivité, Évasion », et de nombreuses sous parties, mais je n’ai retrouvé que la première partie. J’ai rassemblé les deux textes dans ce document, en mettant en tête le plan d’ensemble détaillé et les parties rédigées à leur place, mais sans rien changer par rapport aux manuscrits. J’ai annexé à la fin de chaque partie des documents, des photos, des plans, qui m’ont semblé intéressants, ainsi qu’une note de synthèse de toute cette période que mon père avait écrite en 2003. Michel Bruley
  • 54. Compilation Guerres 53/88 Plan d’ensemble Préambule I - La guerre A – Mailly, Dijon, voyage vers Nîmes B – Manduel, permission, nous montons au front C – Eulmont, Le Petit-Tenquin D – La vie au Front, l’observatoire, la permission, l’offensive allemande, le bois E – La retraite, 21 juin, conclusion II – La captivité A – Corcieux, Neuf-Brisach, séjour à Neuf-Brisach B – Départ, voyage /arrivée au 7A C – Le 7A, départ D - La ferme, retour au 7A E – La 1, la vie du camp, le marché, les copains F – La 25, la 38, le boulot, conclusion III – L’évasion A – Idées directrices (pourquoi cette voie) B – Évasion (avant le départ, Auboiron, préparatif) C – Le trajet (départ, le bois, la nuit, je réussis à rejoindre) D – Le voyage, appréhensions E – Je saute, Noisy-le-Sec F – Maisons Laffitte G – Passage de la ligne H – Marmande, Nîmes, Impressions
  • 55. Compilation Guerres 54/88 Préambule Ces lignes ne sont pas écrites dans un but littéraire, mais uniquement pour fixer sur le papier, pendant qu’ils sont encore très vifs, des souvenirs qui s’estomperont rapidement. Souvenirs de la fin d’une campagne, sans histoire et peu glorieuse, souvenirs d’une captivité relativement supportable, souvenirs surtout d’une évasion que les événements et la chance me rendirent aussi peu pénible que possible. Je passerai très rapidement sur la guerre en elle-même, pour pouvoir m’étendre davantage sur les 16 mois de captivité et les quelques jours que dura la fuite vers la France. 1 – La Guerre A – Camp de Mailly, Dijon, voyage vers Nîmes Rappelé depuis le 21 mars 1939, j’avais été affecté à la 111ème batterie (Capitaine Ragueneau, batterie des disponibles), du 108ème régiment d’artillerie. Après un séjour d’un mois à Dijon, nous fumes dirigés sur Mailly où nous sommes restés jusqu’à la guerre. Celle–ci commença pour moi par un télégramme que je trouvais tout à fait fâcheux, puisqu’il me ramenait de Deauville à Mailly le 25 août. La guerre éclatait quelques jours après. Nous restâmes à Mailly jusqu’au 12 septembre, date à laquelle nous fûmes envoyés à Dijon par rail. Le voyage dura 30 heures. Nous sommes affectés au départ au 8ème corps, mais je demandais sur le champ à partir comme volontaire au 174ème régiment d’artillerie où j’avais de nombreux camarades d’active, et où Ivan et Hermann étaient affectés. Nous sommes donc partis un matin pour Miramas où nous devions trouver le 174ème , mais après un voyage sans histoire, de Miramas, on nous envoya au dépôt de la 15ème Région, à la caserne Montcalm, car le 174ème était en cantonnement à Manduel à 8kms de Nîmes sur la route de Beaucaire. Un camion vient nous chercher et je fus affecté à la 4ème batterie et puis dans l’après-midi muté à la BHR, état-major du Régiment. J’étais content d’arriver et d’être affecté après des voyages fatigants et des nuits sans sommeil. B – Manduel, permission, nous montons au front À la BHR, le lieutenant Matticen qui faisait fonction de capitaine de batterie me désigna comme chef de la 4ème pièce. Nous étions logés dans la dépendance de la maison d’un vigneron. Dans ma chambre, Cottin, marchand de charbon à Lyon, Demure, économe au lycée de Tulle, Magne, marchand de chaussures à Nice, furent mes meilleurs camarades. Je passais à Manduel 6 semaines d’une vie saine et reposante. Le régiment était en pleine formation, et comme nous manquions à peu près de tout, nous n’avions pas grand-chose à faire. Que d’après-midi j’ai passés seul avec Ivan à flâner dans les vignes en faisant craquer à belles dents de beaux raisins à la peau bien tendue que nous mangions par kilos. Parfois, nous allions à Nîmes en empruntant l’auto-stop. Nous avions comme colonel un vieux gâteux, père de 11 enfants, lieutenant-colonel en retraite, nous verrons plus tard qu’il était plus gâteux et plus dangereux qu’il en avait l’air. Son coéquipier (ou
  • 56. Compilation Guerres 55/88 capitaine adjoint) était un brave type, mais sans aucune compétence, c’était un professeur de culture physique de Nîmes. À la fin d’octobre, j’obtenais une permission de 3 jours que j’allais passer à Estissac, je n’avais pas suffisamment de temps pour aller à Paris. Quand je revins, des bruits de départ circulaient déjà, et en effet il fut annoncé pour le 31 octobre. Destination inconnue évidemment. Nous embarquons dans l’après-midi et partons presque immédiatement. Frontière italienne ? Belge ? Alsace ? Où allions- nous ? À 11h du soir nous étions à Lyon ; 1 heure d’arrêt ? Les Lyonnais sortent, sautent dans des taxis, et vont embrasser leur famille, mais tout le monde est là au moment du départ. Le lendemain à 11h nous étions à Dijon et à 9h du soir à Champigneulles où nous débarquons le matériel à l’aide de projecteur. Dans cette gare pour la première fois, je sentais une ambiance de guerre, avec toutes les lumières camouflées, des trains de troupes et de matériels sur presque toutes les voies. Après un dîner sur des barils d’essence, nous nous formons en colonne et partons tous phares éteints. Une demi-heure après, nous étions arrivés. Mais où étions-nous donc ? Sur la route de Metz, dans un village à 11km de Nancy. Nous étions à Eulmont. Le village de 7 à 800 âmes est construit d’une manière bizarre en bas tout le long et dans le haut d’une grande colline. Nos camions eurent du mal à grimper la pente très raide de la rue principale. Dans le cantonnement, rien n’était près, tout était occupé par d’autres régiments. Il était minuit, à chacun de se débrouiller ; je couchais dans mon sac de couchage dans une grange sans fenêtre où il faisait un froid de canard. C – Eulmont, le Petit-Tenquin À mon réveil, j’étais transi de froid malgré mon sac ; après un café bien chaud, je partais à la recherche d’un cantonnement pour ma batterie ; après beaucoup de pas je m’installais dans une pièce qui fut vite bien aménagée. Nous passâmes là 15 bons jours, dont les fêtes du 11 Novembre. Nous vîmes des régiments descendre de ligne et tous nous donnaient des conseils pour le moment où nous y serions. Nous savions déjà que nous allions au Petit-Tenquin au sud-ouest de Sarreguemines. Demure était allé en effet quelques jours auparavant pour reconnaître le cantonnement. À ce sujet, je me souviendrais toujours que, considérant le fait d’aller au Petit- Tenquin comme dangereux, et qu’en plus de cela, à 10 heures du soir il n’était pas rentré, nous avions remplacé son lit par plusieurs caisses formant ainsi un cercueil, le tout recouvert d’un drap et d’une vieille couronne dénichée je ne sais où. Aux quatre coins, un cierge brûlait. L’effet était macabre et quand il rentra vers 11 heures, je me souviens encore de son exclamation « Bande de C…, me voilà ». Nous partîmes le matin du 16 novembre et j’étais pour ma part rudement satisfait d’être arrivé dans un endroit stable. Il m’est pénible de dire que toutes les maisons avaient été mises à sac par les troupes qui étaient passées les premières. Le Petit-Tenquin est un pays de 4 à 500 habitants. Tout était mort quand nous y entrâmes. Seuls quelques chats rôdaient autour des maisons. Nous devions y rester jusqu’en juin 1940. Nous organisions une vie qui est pour moi un bon souvenir étant données les circonstances d’alors. Les servants de la 4ème pièce furent logés dans une petite maison sur la place de l’église, au numéro 36 je crois. Nous nous installâmes assez bien puisque tout le monde avait son lit ; nous étions 3 dans ma chambre, et huit dans la maison : Demure, Magne, Valette, Bessette, Cottin, Jicerte, Boivin et moi-même. Nous remîmes la cuisinière en état, la réserve de bois était suffisante. Un peu plus tard
  • 57. Compilation Guerres 56/88 nous devions trouver un poste de TSF dans une meule de foin. Ce poste ne pouvait prendre qu’un seul poste français, et seulement Milan, et quelquefois Stuttgart. Nous voilà à passer nos soirées en faisant la partie de tarot que Demure m’avait appris à jouer. C’est très intéressant le tarot, savez- vous. La question logement étant réglée, restait la question nourriture ; nous fîmes une réserve de pommes de terre, allant déterrer dans les champs celles qui n’avaient pas été récoltées. Nous avions le beurre et les œufs à volonté dans le premier village évacué à 5 ou 6 kilomètres de là. Quant au vin, nous avions emporté de Manduel un tonneau d’une quarantaine de litres ; je l’avais pris à mon compte, le faisant remplir à chaque fois qu’un camion ou une camionnette allait à Nancy. Tous ceux qui voulaient du vin de notre pièce participaient aux frais. D – La vie au front, l’Observatoire, la Permission, l’Offensive allemande, le Bois Je commençais ma vie au front par m’occuper du central téléphonique où je n’avais rien à faire ou presque. Je passais joyeusement les fêtes de Noël et du 1° de l’an ; je me souviens de la messe de minuit dans cette belle église du Petit-Tenquin. Bien que nous ne soyons pas malheureux, chacun malgré tout pensait ce soir-là beaucoup plus à sa famille et aux réveillons d’antan. Il faisait froid dans cette église non chauffée quand dehors la température était dans les -25°. Le réveillon fut joyeux et nous fîmes un monôme dans les rues du Petit Tenquin, réveillant tous nos camarades en pénétrant dans leurs habitations par des voies détournées et allant même souhaiter la bonne année à l’officier commandant le régiment en remplacement du colonel parti en permission. Après les fêtes, commença pour moi une vie beaucoup plus dure, car je fus affecté à l’observatoire situé en première ligne. Nous y montions le matin et revenions le soir 1 jour sur 2. Cet observatoire était situé sur le plateau de Cadenbronn à environ 1 km du village en suivant un chemin en direction de Sarrebruck. Un grand plateau dénudé, une longue haie, à l’extrémité de cette haie des sacs de sable empilés, c’était l’observatoire SRA, une honte pour l’officier observateur, qui ne s’était pas donné la peine de faire quelque chose de mieux parce qu’il avait peur de venir si près des lignes. Il y vint peut-être 2 fois en 6 mois. Son nom était le lieutenant Costaz. Nous mangions dans une maison évacuée en compagnie de soldat du 204ème régiment d’artillerie. Cette maison devait être incendiée au cours de l’hiver. Je partis en permission le 8 février, on me conduisit en camionnette à la gare d’Insming (point terminal de la ligne) où je pris le train jusqu’à Bénestroff. Là, je changeai et je pris un train qui aurait dû me conduire jusqu’à Brienne, gare de triage, mais en passant au passage à niveau de Bar sur Aube je descendis du train, gagnai un temps précieux et évitai d’avoir ma permission tamponnée à la gare de Troyes. Je téléphonai à Guido (le chauffeur de Léon), qui vint me chercher immédiatement, j’eus juste le temps de déjeuner. Après quelques jours passés à Estissac, où je retrouvai Simone venue pour me voir, nous sommes partis à Paris en voiture par une route enneigée et gelée. Je couchais chez Mme Picault pendant une huitaine de jours que je passais avec Nicole ; 2 ou 3 fois j’allai dîner avec Mansillon. Le temps passa très vite et je retournai à Estissac d’où Guido me conduisit à Châlons-sur-Marne. Là je pris un express jusqu’à Nancy où, après une attente de quelques heures, je montai dans un train de permissionnaires qui m’amena jusqu’à Insming.
  • 58. Compilation Guerres 57/88 À peine arrivé au Petit-Tenquin j’eus l’avantage d’être désigné pour monter à l’observatoire pour 48 heures. En effet, pendant mon absence, des ordres avaient été donnés pour que le poste soit tenu sans interruption. C’était idiot étant donné que nous n’étions pas reliés téléphoniquement et que lorsque nous descendions, notre rapport donnait des renseignements vieux de 2 jours. Nous étions 4 en tout et pour tout, nous étions donc 2 jours sur quatre de garde jour et nuit dans la neige alors que nous aurions dû être 12 d’après le plan de mobilisation avec un officier constamment là-haut. Pour la 1° fois j’y allai, mais il se trouva à ce moment que j’eus une suite d’orgelets qui faisaient pleurer l’œil gauche. J’allai à la consultation médicale à Morhange et le docteur me donna un traitement qui fit que je fus débarrassé de l’observatoire pendant 2 mois. Mes yeux me firent souffrir du reste pendant 1 bon mois. Je restais attaché à l’observatoire pour conduire les observateurs à Cadenbronn. Les beaux jours vinrent et nous avons formé une équipe de football qui jouait le dimanche contre des régiments cantonnés dans les environs : 10ème RA, 182ème RA etc. Nous perdîmes quelques matchs, nous en gagnâmes autant. Un dimanche, après un match, 1 télégramme vint annoncer la mort de la mère d’un camarade qui était à l’observatoire, je fus désigné pour aller le relever. Je partais sur-le-champ. Le lendemain 22 avril à 2h de l’après-midi je subissais le baptême du feu. J’étais en train de lire « Ces dames aux chapeaux verts » quand Tixier me dit prêtant l’oreille : « un départ » ; au même moment, un sifflement, un obus tombait à 50 mètres. Nous étions déjà dans l’abri en train de tirer la plaque de fer pour nous abriter contre les éclats pouvant venir de devant. Le bombardement dura 10 minutes. À un certain moment, nous fûmes recouverts de terre, un obus de 150 tomba exactement à 5 mètres de nous. Heureusement nous fûmes quittes pour la peur. Ce devait être du reste le prélude de mauvais jours. Le 9 mai nous reçûmes l’ordre de replier l’observatoire à Guebenhouse, le 10 mai c’était l’attaque allemande qui se fit sentir seulement le 12 au matin, jour de la Pentecôte, sur notre front. Hermann du 3ème groupe était venu se joindre à nous. Les heures passées à Guebenhouse furent pénibles, bombardements, survol continuel par l’aviation allemande. Je descendais le 12 au soir avec ma camionnette, laissant les observateurs à leur travail. Je conduisis 2 fois à la tombée de la nuit avec une grosse camionnette, du matériel pour aménager le nouveau poste. Celui-ci était abandonné peu après, c’est-à-dire vers le 15 mai et nous installâmes le nouveau dans le bois de Molspricht. Là, durant près d’un mois, nous nous efforçâmes de construire un abri solide ; nous partions tous les matins à 8h, prenions du pain à Nelling, des hommes, dont souvent Caboufigue (ancien officier de marine), à Hellimer et restions là-bas toute la journée dans un bois vert et frais. C’est alors que le Petit-Tenquin se trouvant à portée de l’artillerie de campagne allemande, ordre fut donné de l’évacuer et d’occuper les baraques construites dans le bois de Gréning. Nous nous installâmes de notre mieux, amenant quelques chaises et un fourneau pour faire un peu de cuisine et améliorer notre ordinaire. Des tranchées furent creusées, mais elles ne devaient jamais être étayées et couvertes. J’allais toujours un jour sur deux à l’observatoire de la ferme de Molspricht, mais notre travail se bornait à construire l’abri, un abri magnifique même, avec tôle métro, plaques d’acier, etc. Nous emportions de quoi faire notre déjeuner qui se passait assez agréablement en pleine nature. La forêt, qui comprenait une grosse majorité de hêtres, était magnifique. Un matin en arrivant, nous avons trouvé la cabane à outils, les arbres qui nous étaient familiers, déchiquetés par les obus. À partir de ce jour-là nous sommes restés sur nos gardes prenant soin de ne pas se montrer hors du bois, de ne pas faire trop de fumée et de ne sortir la voiture de la grange de la ferme qu’après s’être
  • 59. Compilation Guerres 58/88 assuré qu’aucun avion n’était dans les parages. À ce moment-là du reste, nous avons été obligés de changer notre itinéraire qui était trop près des lignes. Le nouveau empruntait la route nationale Sarreguemines – Nancy, jusqu’à un point situé à environ 3 ou 4 kms au-delà d’Hellimer, point où nous tournions à droite, nous traversions un pays et nous laissions la voiture en bordure du bois. Nous devions alors marcher 40 minutes environ à travers ce bois, souvent bombardé en raison des batteries de 75, qui se trouvaient en bordure. Un soir en rentrant vers 6 heures, l’aile avant de la camionnette fut percée d’un éclat d’obus. Les choses allaient ainsi ; nous n’avions que très peu de nouvelles militaires, le courrier arrivait bien. Le 6 juin je fus désigné comme chef de voiture pour aller chercher des baraques à Nancy avec le 5 tonnes cabine avancée que conduisait Cottin. Après avoir « touché » nos planches, nous fîmes un bon déjeuner avec Cottin. À Nancy les gens étaient soucieux, les nouvelles étaient mauvaises. Bientôt notre bois de Gréning fut envahi de troupes hippomobiles qui se repliaient, d’aérostiers avec leur saucisse ; on sentait qu’il allait se passer quelque chose. Dans les nuits du 10 au 11 et du 11 au 12 nos pièces tirèrent longuement, les Allemands ripostaient, mais tiraient trop court. E - La Retraite, 21 juin, conclusion Enfin le 13 juin, je n’étais pas à l’observatoire ce jour-là, le bruit courut que nous allions nous replier. Nous entassâmes fébrilement le plus de choses possible dans nos véhicules, nous fîmes le plein d’essence et le soir tout le monde était prêt à partir, mais les ordres furent donnés le lendemain matin à 5 heures. Je passais la nuit sur la banquette avant de la camionnette. Après avoir traversé Lunéville, nous nous retrouvâmes dans un bois de charmes où nous restâmes toute la journée ; après avoir dîné à l’auberge du pays voisin, je repris le volant toute la nuit, sans phares, sur une route où roulaient trois colonnes de voitures du front et qui était encombrée de cyclistes ou piétons de toute sorte. Après Plombières les Bains, je crevais une roue arrière et perdais le contact avec la colonne. Un peu plus loin, le motocycliste Alibert nous arrêtait et nous indiquait un chemin dans lequel s’était engouffrée toute notre colonne. Sinon nous filions sur Vesoul, Dijon, Lyon. Le pays choisi pour notre cantonnement s’appelait Beaujeu Saint-Vallier. C’était le 15 juin, un dimanche. Après avoir pris un bon petit déjeuner de plusieurs œufs au jambon et vin blanc, nous rangeâmes nos véhicules toujours survolés par des avions allemands. Je cantonnais avec Léopold et Tixier chez une brave femme au bout du pays. Le lendemain soir nous avions ordre de remonter dans les Vosges et après quelques 30 kilomètres nous arrivions à Saint Amé le Syndicat. Je couchais dans la forêt parmi ces géants que sont les pins des Vosges, sur la bruyère et une multitude de petites fleurs bleues. Le lendemain matin le 17 juin les nouvelles étaient de plus en plus mauvaises. Je faisais quelques promenades en montagne, prenais même un repas à l’hôtel de l’endroit. Le 18 dans la nuit nous partions en direction de Gérardmer ; le 19 au matin nous étions sur les bords du lac, survolés par des avions allemands. Les mitrailleuses résonnaient de toutes parts ; je me réfugiais dans une villa dont le propriétaire venait de rentrer de Lille à pied ; les femmes pleuraient. C’était la débandade. Nous reprîmes notre route plus avant dans les Vosges en direction du col du Bonhomme. Déjeuner aux Trexons où les braconniers du régiment prirent à la main une dizaine de belles truites ; le soir nous arrivions à Corcieux où nous couchions dans une grange, c’était le 19. Le 21 au matin, débandade encore plus grande, je vois passer tous les camions et voitures du régiment. Je fais rapidement un paquet de mes affaires, abandonne beaucoup de choses dont mes bottes en caoutchouc et pars avec ma camionnette. Nous ne devions pas aller loin, 2 kilomètres. Après quoi
  • 60. Compilation Guerres 59/88 nous restions sur le bord de la route. La fin était proche, déjà on entendait les mitrailleuses allemandes. Corcieux tomba vers midi après un court bombardement. Jicerte, Thomas, Demur devaient déjà être faits prisonniers. C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu partir, certains le firent, Berthier par exemple qui réussit, d’autres qui échouèrent. Vers 6 heures du soir, des soldats allemands montèrent, encerclèrent la ferme où nous étions, nous n’avions pas de munitions. Après avoir formé une colonne, nous fûmes emmenés dans un pré de Corcieux. Les soldats allemands qui nous firent prisonniers nous semblaient harassés, marchant accrochés aux voitures de toutes sortes. C’était la fin des opérations actives pour nous et quelques heures plus tard pour tout le monde. Les raisons de cette débâcle ? Les principales sont : 1° le manque manifeste de matériels, surtout en aviation, 2° le mauvais commandement, la pagaïe, le manque de liaison, 3° le mauvais moral et la non-combativité de la plupart des officiers et soldats. Nous étions tous bien traités, pas inquiets sur le sort qui nous attendait, mais tristes de voir un si grand, si beau pays tomber dans une telle débâcle.
  • 61. Compilation Guerres 60/88 Annexe 1° partie - Régiments d'artillerie lourde à grande puissance (R.A.L.G.P) Les Régiments d’Artillerie Lourde à Grande Puissance sont organisés lors de la mobilisation en 1939 en un état- major, une batterie hors rang et trois groupes de deux batteries de quatre pièces, chaque groupe disposant d’un état-major, d’une colonne de ravitaillement et donc de deux batteries de tirs. Ils sont équipés des pièces les plus puissantes de l’artillerie française en dehors de l’Artillerie Lourde sur Voie Ferrée. Il s'agit de canons de 220L 17 Schneider et de 280mm Schneider sur affût chenillé Saint-Chamond. En temps de paix, les pièces sont stockées. Dès le déclenchement du processus de mobilisation générale, quatre régiments sont mis sur pied par deux centres mobilisateurs d’artillerie.  Le 171ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 25 de Bourges avec pour équipement, le canon de 280mm Schneider TR.  Le 172ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 25 de Bourges avec pour équipement, le canon de 280mm Schneider TR.  Le 173ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 15 de Nîmes avec pour équipement, le canon de 220L 17 Schneider.  Le 174ème Régiment d’Artillerie Lourde à Grande Puissance est mis sur pied par le CMA 15 de Nîmes avec pour équipement, le canon de 220L 17 Schneider. Canon de 220L Schneider modèle 1917 Le 220L modèle 1917 sont un matériel long destiné à l’action lointaine. Mis au point à la fin du premier conflit mondial, il n’a été produit qu’à fort peu d’exemplaires, 56 en l’occurrence mis en œuvre au moment de la guerre de Pologne par les 173ème et 174ème RALGP, chaque régiment disposant de trois groupes à deux batteries de quatre pièces, soit 36 canons en ligne auxquels s’ajoutent deux canons au 151ème RAP et deux autres au 166ème soit un total de 40 canons en ligne. Caractéristiques du mortier de 220L Schneider modèle 1917 :  Calibre : 220mm,  Poids en batterie : 25880kg (remorquage en deux colis).  Poids de l’obus : 104.75kg,  Longueur du tube : 7.67m (34.9 calibres)  Portée maximale : 22800m  Pointage en azimut : 20°  Pointage en hauteur : 0° à +37°  Cadence de tir : 2 coups en trois minutes  Mise en batterie : 6 heures Canon de 220L 17 Schneider