Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte : ce texte permettra-t-il à la France de tirer parti de ses atouts ?
Les entreprises sont des acteurs essentiels de la transition énergétique. A condition de respecter une trajectoire de compétitivité, cette transition peut devenir une chance à saisir pour favoriser les économies d'énergie, diversifier le mix énergétique, développer les énergies renouvelables avec le meilleur rapport coût-efficacité et contribuer à une stratégie au service de la croissance et de l'emploi. Notre pays a des atouts à faire valoir au niveau européen et international avec un tissu riche de nombreuses entreprises et filières d'excellence et une position de pointe dans la lutte contre le changement climatique.
Le projet de loi adopté le 14 octobre par l'Assemblée nationale comporte un certain nombre d'améliorations :
reconnaissance de l'existence de distorsions de concurrence liées aux objectifs climatiques, complémentarité entre les actions d'efficacité énergétique active et passive, refonte des modalités de financement des énergies renouvelables, ...
Toutefois, dans sa rédaction actuelle, ce texte ne permet pas de valoriser pleinement les atouts de la France pour réussir la transition énergétique et fait peser des risques majeurs sur sa compétitivité. La multiplicité des objectifs chiffrés (CO2, consommation d'énergie, d'énergies fossiles, énergies renouvelables, part du nucléaire...) et des horizons de temps (2020, 2025, 2030, 2050) remet en cause leur cohérence et leur faisabilité. De plus, ces objectifs doivent être proportionnés aux engagements des autres pays, de manière à garantir concrètement des conditions de concurrence équitables.
Le projet ne précise pas les moyens envisagés pour assurer un financement soutenable des objectifs.
L'absence de la compétitivité dans les objectifs chiffrés pose la question de l'impact du projet sur l'économie de la France et la santé de notre industrie. Il est indispensable d'intégrer un véritable outil de pilotage économique à la future programmation pluriannuelle de l'énergie qui devra s'appuyer sur des scénarios robustes.
Le glissement progressif d'un projet de loi de programmation consacré à la politique énergétique à un projet de loi centré autour de la croissance verte pose un problème de cohérence de l'ensemble des objectifs. Les entreprises sont convaincues et engagées dans l'économie circulaire, ne remettons pas en cause cette dynamique. L'introduction de multiples amendements sur ce thème, sans concertation ni étude d'impact économique, environnemental et social, est surprenante et contestable : c'est le cas par exemple de l'interdiction de certains produits, des nouvelles obligations pour les filières REP, des dispositions sur l'obsolescence programmée. Ces dispositions doivent être retirées pour donner la priorité aux démarches volontair
Position du Medef sur le projet de loi transition énergétique 16/10/14
1. Position du MEDEF sur le projet de loi relatif à la transition
énergétique pour la croissance verte
Le projet de loi est satisfaisant sur plusieurs points :
- L’enjeu de compétitivité (« prix de l’énergie compétitif et attractif ») et de lutte
contre les distorsions de concurrence (« fuites de carbone ») a enfin été retenu parmi
les objectifs. Des mesures concrètes ont été introduites en matière d’effacement et
de tarif de transport.
- Le texte se veut pragmatique avec l’introduction d’un nouvel outil de programmation
des investissements et un examen périodique de l’atteinte des objectifs en fonction
de la conjoncture.
- La mobilisation est étendue à l’ensemble des filières industrielles, bien au‐delà des
seules filières de la croissance verte. C’est bien l’économie dans son ensemble qu’il
faut verdir plutôt que d’opposer les activités.
- La définition d’une stratégie bas carbone qui s’appuie sur l’avance de la France est
de bon augure dans la perspective du Conseil européen des 23 et 24 octobre qui doit
sceller un accord sur le Paquet énergie‐climat 2030, et dans la préparation d’un
accord climatique ambitieux lors de 21ème Conférence des Parties qui se tiendra à
Paris‐Le Bourget fin 2015.
- L’accélération de l’effort de rénovation dans le bâtiment, la reconnaissance de la
complémentarité entre les actions d’efficacité énergétique active et passive et la
définition d’une feuille de route à long terme de la rénovation à 2050 sont à même
d’envoyer un signal positif.
- La refonte des modalités de financement des énergies renouvelables doit permettre
d’améliorer leur rapport coût‐efficacité avec le passage progressif à une logique de
marché, un pilotage des coûts et une simplification des procédures.
Ces avancées ne sont toutefois pas suffisantes et le projet de loi suscite de vives
inquiétudes de la part des entreprises :
‐ La multiplicité des objectifs chiffrés (CO2, consommation d’énergie, d’énergies
fossiles, énergies renouvelables, part du nucléaire…) et des horizons de temps (2020,
2025, 2030, 2050) nuit à leur cohérence et à leur faisabilité. Le remplacement de
l’objectif de baisse de l’intensité énergétique (couplé à la croissance économique) par
un nouvel objectif de baisse de la consommation (‐20 % en 2030) est source de
confusion. Une hiérarchisation s’impose avec un objectif central de réduction des
émissions de CO2 accompagné d’outils de lutte contre les fuites de carbone et
conditionné à la teneur de l’accord de 2015. La politique énergétique et climatique
de la France doit prendre en compte les orientations retenues au plan européen et
international. Agir seuls sans égard pour ce qui se passe au‐delà de nos frontières
serait contreproductif.
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2. ‐ Une transition réussie s’inscrit nécessairement dans la durée. Il ne faut pas
surestimer la capacité de notre pays à absorber une évolution aussi rapide de son
mix énergétique.
‐ L’absence de la compétitivité dans les objectifs chiffrés pose la question de l’impact
du projet sur l’économie de la France et la santé de notre industrie. Il est
indispensable d’intégrer un véritable outil de pilotage économique à la future
programmation pluriannuelle de l’énergie qui devra s’appuyer sur des scénarios
robustes. L’objectif est double : choisir les mesures les plus efficaces au moindre
coût, estimer leur impact pour l’économie française.
- Le projet de loi prévoit un objectif de réduction des émissions de CO2 pour les
entreprises de la distribution et les aéroports (‐10 % en 2020 et ‐20 % en 2025). Ces
mesures discriminatoires n’ont fait l’objet d’aucune concertation avec les secteurs
concernés. De plus, ils ne pourraient pas être mis en oeuvre car les entreprises visées
ne maîtrisent pas les émissions de l’ensemble de la chaîne logistique. Il convient de
s’appuyer sur les nombreuses dispositions existantes : bilans d’émissions de GES,
affichage des émissions de CO2 des prestations de transport, caractère incitatif de la
majoration de la TICPE, etc.
‐ Le glissement progressif d’un projet de loi de programmation consacré à la politique
énergétique à un projet de loi centré autour de la croissance verte pose un problème
de cohérence sur l’ensemble des objectifs.
‐ Les entreprises sont les acteurs clés de l’économie circulaire et sont prêtes à
s’engager pour développer des solutions pratiques et opérationnelles. Des initiatives
sont actuellement en discussion. Dans ce contexte, l’introduction sans concertation
ni étude d’impact économique et social de nombreuses mesures relatives à
l’économie circulaire est surprenante et contestable : c’est le cas par exemple de
l’interdiction de certains produits, des nouvelles obligations pour les filières REP, de
l’affichage des coûts environnementaux, sociaux et économiques des produits, de
l’interdiction d’ustensiles jetables de cuisine, …) . De même, les dispositions
introduites sur l’obsolescence programmée viennent court‐circuiter les travaux
lancées en application de la loi sur la consommation de mars 2014. Ces mesures
doivent être retirées du projet de loi afin de reprendre les discussions en cours avec
l’ensemble des secteurs professionnels intéressés pour évaluer leurs impacts
économiques, environnementaux et sociaux.
‐ Alors que les conclusions de la conférence bancaire et financière de la transition
énergétique ne sont pas connues, le projet de loi ne précise pas les moyens envisagés
pour assurer un financement soutenable des mesures et des objectifs qu’il contient
en matière de transition énergétique et d’économie circulaire. La hausse des taxes
intérieures sur la consommation de produits énergétiques ne saurait en aucun cas
constituer un objectif de la politique énergétique. L’introduction d’une composante
environnementale accrue dans la fiscalité existante mérite d’être étudiée, à condition
d’aboutir à un effet doublement vertueux : baisse des émissions de CO2 et baisse du
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3. coût du travail. Une telle évolution doit donc être replacée dans le cadre plus général
d’une baisse des prélèvements qui pèsent sur les entreprises.
‐ La loi doit fixer des objectifs et les acteurs économiques développent les solutions
présentant le meilleur rapport coût‐efficacité pour les atteindre. Or ce texte est
marqué par une approche technologiquement prescriptive : matériaux bio‐sourcés,
véhicules propres, ustensiles de cuisine… Imposer un type de matériau ou une
solution spécifique risque de faire passer à côté des bénéfices de l’innovation.
‐ Le pilotage de la transition énergétique, la mesure de ses conséquences industrielles
et le choix des axes technologiques à privilégier doivent faire largement appel à
l’expertise des entreprises, et la loi doit leur faire toute la place qui leur revient dans
les procédures de consultation qu’elle prévoit de mettre en place.
‐ Plusieurs dispositions sont contraires à l’objectif gouvernemental de simplification
des obligations des entreprises à travers les seuils sociaux et à la nécessité de
remédier progressivement à l’hyper‐réglementation pour libérer le potentiel de
croissance des entreprises. L’obligation pour les établissements de plus de 100
salariés de mettre en place des plans de déplacements d’entreprises est
contradictoire avec la mise en place de plans de mobilité ou encore de seuils pour
améliorer la qualité de l’air (50 salariés) alors que les démarches volontaires en
matière de PDE jouent déjà un rôle incitatif.
‐ L’importance donnée à la recherche et développement doit se traduire par une levée
de l'interdiction de recherche et d'exploration de toutes les formes d'énergie, en
particulier les ressources énergétiques non conventionnelles. Cela permettra de
mettre en application la dynamique d’innovation tout en respectant le principe de
précaution et le principe de liberté de la recherche.
‐ La dynamique de décentralisation doit être encouragée tout en respectant le
principe de la solidarité nationale. Les initiatives locales ne doivent pas remettre en
cause cette optimisation du système.
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