Sur les avantages octroyés aux ménages à revenus moyens pour devenir propriétaire dans la Région bruxelloise. Article paru dans la Libre Belgique en juillet 2012
1. Des ménages trop chouchoutés à Bruxelles
Paru dans la Libre Belgique – Juillet 2012
Nous avons emménagé récemment dans un nouveau quartier de 239 logements construit par la
Société de Développement pour la Région de Bruxelles-Capitale (SDRB) à Forest. Grâce à cet outil
d’aide à l’acquisition, nous avons – en tant qu’acquéreurs – pu bénéficier de nombreux avantages.
Non seulement les prix des logements sont bien moindres que ceux du marché immobilier à
Bruxelles étant donné qu’ils bénéficient d’un subside régional de 30 % sur le prix de la construction,
de plus ce sont des logements neufs « basse énergie ». Bien que, pour éviter la spéculation, il y ait
certaines conditionsqui lient les acquéreurs à la SDRB pendant 10 ans, il y a de fortes chances pour
que ces logements, une fois le délai légal passé, soient vendus avec un bénéfice significatif. Cette
possibilité garantit aux habitants qui ont acquis leur logement ainsi, un enrichissement dans le futur
grâce aux deniers publics. A ces avantages s’ajoute un « cadeau surprise » lié au fait que les
logements produits par la SDRB peuvent être, depuis peu, considérés comme du logement «à finalité
sociale1», ce qui a comme heureuse conséquence de faire passer le taux de TVA de 21 à 6%, soit pour
un bien de 200.000 €, une économie substantielle de 34.000 € pour les acquéreurs. Les habitants des
projets SDRB postérieurs à 2009 se verront donc « remboursés » des milliers d’Euros par l’Etat.
Des ménages à forte capacité contributive encouragés à acheter à Bruxelles
Le profil des habitants du quartier correspond au public-cible de la SDRB dont la mission est de
construire du logement pour « retenir » les ménages à revenus moyens sur le territoire. En effet, les
phénomènes de périurbanisation et des navetteursont comme conséquence que la part attribuée de
l’Impôt des Personnes Physiques est, pour la Région bruxelloise, très réduite par rapport à ses
besoins financiers2. Ainsi la Région tente par ce mécanisme, notamment, il en existe d’autres3,
d’augmenter ses recettes fiscales en facilitant l’accès à la propriété des ménages à forte capacité
contributive. Les ménages à revenus moyens sont ainsidevenus les chouchous de la politique du
logement à Bruxelles.
Des ménages moins touchés par la crise du logement que d’autres
Dans une période de crise où les plus précarisés ont de plus en plus demal à se loger, on peut se
demander s’il est légitime de faire autant de cadeaux aux ménages à revenus moyens.D’autant que
l’essor démographique prévu à Bruxelles d’ici 2020 sera selon les projections du Bureau du Plan,
composéen grande partie d’une population défavorisée issue de l’immigration extra-européenne. On
peut égalementse demander si l’objectif politique est atteint ou si l’on a affaire à un effet
d’aubaine.Sansla SDRB, nous aurions eu plus de difficultés à acquérir un logement aussi confortable
mais nous aurions eu accès à la propriété, ce qui est loin d’être le cas pour toutes les couches de la
population.
Augmenter l’offre de logements sociaux au seindes ensembles de logements moyens
1
Lire l’article de Kuyken T., « crise du logement, c’est par où la sortie ? » où il est questiond’un glissement
sémantique du « logement social » vers le logement à « finalité sociale »
2
Voir l’article sur la fiscalité locale et régionale frappant les ménages publiée par l’IBSA
3
Romainville A., « A qui profitent les politiques d’aide à l’acquisition de logements à Bruxelles », Brussels
Studies
2. Nous espérons que l’argent ainsi récupérévia la TVA va être réinvesti ailleurs,notamment dans la
création et la rénovation de logements sociaux.Les statuts de la SDRB vont bientôt être revus afin de
modifier la durée du contrat liant l’acheteur à la SDRB qui passerait de 10 à 20 ans, afin selon M.
Grimberghs de « partager la plus-value ». Nous saluons ce changement. Un propriétaire qui a acquis
son logement via la SDRB pourra toujours vendre ou louer son bien dans les 20 ans mais à des prix
conventionnés, ce qui contribuera à augmenter l’offre de logements à prix décents.En revanche,
plutôt que de construire toujours plus de logements pour ménages à revenus moyens, la Région via
la SDRB pourrait décider de consacrer une partie de son budget à ceux qui en ont réellement besoin
en incluant dans la production d’ensemble de logements moyens, au minimum 20% de logements
destinés aux plus défavorisés. Ce qui permettrait aussi de créer une réelle « mixité sociale » dans
lesnouveaux quartiers tel que le nôtre,construitsde toutes pièces par la SDRB où 95% des habitants
sont d’heureux propriétaires de la classe moyenne.
Sharon Geczynski (sociologue) et Alexandre Jongen (architecte), habitants du nouveau quartier
Bervoets réalisé par la SDRB à Forest.