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LA LIBERTÉ                                                                                                                                                                                                                 21

                                                                                                                                                                   SPORT
                      MARDI 18 MAI 2010

                         22       FOOTBALL Trois points qui rendent serein
                         23       FOOTBALL Le bonheur est à Pra Novy
                         25       DOPAGE Les «gros» entrent dans la lutte
                                  VTT Avantage aux Neuchâtelois

                                                                                                                                                                                 MARDI
                         27
Sean Simpson             29       LUTTE SUISSE Michaël,l’autre Pellet
                         30       HOCKEY Première défaite de la Suisse


                                                                                                                                                                                         COMME ELLE VIENT


                                                                                                                                                                                Le Mondial,
                                                                                                                                                                                acte politique
                                                                                                                                                                                Le choix de l’Afrique du Sud comme
                                                                                                                                                                                organisateur du Mondial est-il politique?
                                                                                                                                                                                Lubabola Mpongoshe, joueur de rugby
                                                                                                                                                                                noir, étudiant en management du sport à
                                                                                                                                                                                l’Université acquiesce: «La politique est
                                                                                                                                                                                omniprésente dans le sport, elle a le pou-
                                                                                                                                                                                voir de l’influencer. La corruption qui y
                                                                                                                                                                                règne en est le parfait exemple. Beaucoup
                                                                                                                                                                                d’argent circule grâce au Mondial, mais il
                                                                                                                                                                                reste dans les hautes sphères et peine à
                                                                                                                                                                                arriver dans les petits clubs. Il y a des
                                                                                                                                                                                lacunes énormes dans l’organisation du
                                                                                                                                                                                sport en Afrique du Sud. Des projets
                                                                                                                                                                                comme la Coupe du monde en ont fait
                                                                                                                                                                                prendre conscience.»

                                                                                                                                                                                TRAITRE DE JOUER AVEC LES BLANCS
                                                                                                                                                                                Miley Ajam, ex-professionnel de football,
                                                                                                                                                                                métisse. «Bien sûr que c’est politique. Cela
                                                                                                                                                                                va aider. On ne va toutefois pas changer les
                                                                                                                                                                                mentalités d’un coup de baguette
                                                                                                                                                                                magique. A la fin de l’apartheid, le gouver-
Malgré l’abolition de l’apartheid, le clivage racial demeure dans le sport sud-africain. TIPHAINE BÜHLER                                                                        nement a été obligé d’écrire des lois pour
                                                                                                                                                                                qu’on accepte des Noirs dans les équipes
                                                                                                                                                                                de cricket et de rugby. A l’époque, j’étais
AFRIQUE DU SUD                                                                                                                                                                  considéré comme un traître parce que je
                                                                                                                                                                                jouais au foot avec les Blancs. Les choses
                                                                                                                                                                                évoluent, mais les trois groupes de cou-



Apartheid: et maintenant?
                                                                                                                                                                                leurs restent. La mixité n’est pas encore la
                                                                                                                                                                                règle.»
                                                                                                                                                                                Vernon Oosthuizen, professeur de mana-
                                                                                                                                                                                gement du sport à l’Université, Afrikaner,
                                                                                                                                                                                précise: «Le Mondial est une bonne oppor-

SÉGRÉGATION • Noirs ou Blancs n’avaient pas les mêmes droits face au sport en
                                                                                                                                                                                tunité économique pour le pays. Plusieurs
                                                                                                                                                                                anciens étudiants de mon programme ont

Afrique du Sud.Aujourd’hui,la mixité est théoriquement de mise.Témoignages.                                                                                                     trouvé du travail dans l’organisation de la
                                                                                                                                                                                Coupe du monde. Il y a malheureusement
                                                                                                                                                                                aussi énormément d’argent qui est investi
                                                                                                                                                                                sans compter. Prenez le stade de Port Eli-
                                                                                                                                                                                zabeth, beaucoup disent qu’il deviendra un
                                                                                                                                                                                éléphant blanc isolé après le Mondial. Diffi-
                                                                                                                                                                                cile de dire ce qu’on retirera vraiment de
                                                                                                                                                                                cet événement.»

                                                                                                                                                                                LE MESSAGE DE MANDELA
                                                                                                                                                                                Thulani Mabaso, ex-prisonnier politique de
                                                                                                                                                                                Robben Island. «Le sport est un souffle de
                                                                                                                                                                                liberté, où qu’il soit. En prison à Robben
                                                                                                                                                                                Island, on se lançait des balles de tennis ou
           LE PEUPLE DE L'HERBE                                                                                                                                                 des ballons d’une cour à l’autre entre les
                                                                                                                                                                                départements haute sécurité et les stan-
TIPHAINE BÜHLER,                          processus commence, avec la créa-         Johannesburg, en 1994, avec mes
DE RETOUR D’AFRIQUE DU SUD
«On n’avait pas le droit de jouer du
                                          tion de la Football Association of
                                          South Africa (FASA) réservée aux
                                                                                    coéquipiers blancs…»                      LE BOYCOTT                                        dards. Nelson Mandela a eu l’idée de glis-
                                                                                                                                                                                ser des messages de motivation et de lutte
                                                                                                                                                                                à l’intérieur des balles. Un jour, les gardiens
hockey sur terre avec les Blancs», se
souvient Kurt. L’ancien profession-
                                          Blancs. Des associations ségréga-
                                          tionnistes verront le jour pour les
                                                                                    Le clivage demeure
                                                                                         Miley Ajam s’est joué des fron-
                                                                                                                              DE LA FIFA                                        ont découvert cela. Tout le monde a été
                                                                                                                                                                                enfermé. Mais le sport a continué de faire
nel de la ligue des «colorés» ferme       Indiens, les Bantous et les Noirs. La     tières raciales. Il ne les nie pas pour   En 1956, plusieurs associations sportives         partie de notre vie, même en prison. On ne
les yeux. Métis dans la quarantaine,      mixité dans une même équipe est           autant. «On avait le droit de religion    non blanches demandent la reconnaissance          peut pas enfermer le sport dans un
il a toujours espéré affronter ceux       inimaginable. Le «test du crayon»         et de sport en tant que non-Blancs.       internationale: le tennis de table, le cricket,   registre purement physique. Il a quelque
de la ligue blanche. Seize ans après      sur les cheveux, pour différencier        Pourtant, on ne pouvait pas aller         l’haltérophilie, le bodybuilding. Vient le tour   chose d’universel.» TBU
la fin de l’apartheid, l’ex-champion      Métis ou Blancs fait la loi. Cette        sur la plage, ni au stade», raconte-t-    du rugby, sport de Blancs par excellence.
de Port Elizabeth a réalisé son rêve.     pratique dicte dans quelle ligue          il. «Aujourd’hui, beaucoup de Noirs       C’en est trop. Le ministre de l’Intérieur, Te                                  Nelson Mandela,
Une rencontre de gala a été organi-       l’athlète pourra évoluer. Dans les        ont encore ce réflexe. Ils craignent      Donges, dicte la loi du 27 juin 1956: «Blancs                                  icône de la lutte
sée entre son ancienne équipe et          années 1940, avant l’avènement de         d’entrer dans un club. Le seul mes-       et Noirs doivent organiser leurs activités                                   contre l’apartheid.
celle blanche. Il a gagné. L’impor-       l’apartheid, des rencontres de foot-      sage qui peut faire avancer les           séparément et les sportifs de l’extérieur                                              KEYSTONE
tant n’est pas là.                        ball interraciales seront encore          choses est de se dire qu’on a les         sont tenus de respecter les coutumes.»
     «Sous l’apartheid, on disputait      organisées. Elles seront bientôt          mêmes chances, que l’on soit Blanc        L’avertissement est clair.
les tournois interprovinciaux à tra-      interdites.                               ou issu d’un township. Le talent
vers tout le pays», poursuit Kurt.            A la fin des années 1950, des         décidera.»                                Dans le football, on s’interroge également.
«C’était seulement pour les «colo-        contestations internationales se               Le regroupement des associa-         Il est démontré que le nombre de footbal-
rés». On n’avait pas le droit de sortir   multiplient. La fédération de tennis      tions sportives de toutes origines se     leurs de couleur est deux fois supérieur à
du pays ou de disputer des compé-         de table sera la première associa-        fait lentement depuis 1991. Le fossé      celui des Blancs de la très légale FASA, qui
titions internationales. C’est sûr, la    tion sportive non blanche du pays à       reste, près de 20 ans après. Il est le    représente pourtant l’Afrique du Sud à
situation était difficile. On roulait     être reconnue à l’étranger. On est        résultat d’un écart économique            l’étranger. Apprenant cela, la FIFA mandate
pendant 25 heures dans un bus qui         en 1956. La FIFA lui emboîtera le         entre la communauté noire et la           une enquête sur la situation en Afrique du
avait sans cesse des ennuis de mo-        pas (lire ci-contre).                     blanche. Et du carcan des mentali-        Sud. Ce n’est qu’en 1961 qu’elle suspend
teur. On allait dormir chez les gens,         Ambassadeur du Nelson Man-            tés. «Il y a des méthodes d’ensei-        momentanément la FASA qui rejette le prin-
sans pouvoir les dédommager. On           dela Stadium de Port Elizabeth et         gnement différentes entre Blancs et       cipe multiracial dans le football demandé
se débrouillait avec 40 rands (4 eu-      ancien footballeur professionnel,         Noirs. Ces derniers ont accumulé          par la FIFA. Pour calmer le jeu, la FASA orga-
ros) pour sept jours par joueur.          Miley Ajam a été l’un des rares mé-       beaucoup de retard sur le plan            nise un match interracial opposant les Ger-
Mais on se sentait libres.»               tis à évoluer dans des équipes            sportif. Il y a aussi de nombreuses       miston Callies aux Africans Pirates de
                                          blanches sous l’apartheid. «J’avais       frustrations», estime Vernon Oos-         Soweto. Cela suffit à réintégrer la FASA
Le test du crayon                         un double handicap», rit l’ex-athlè-      thuizen, professeur d’études de           dans la grande famille du football mondial.
    Ils sont des millions d’athlètes      te de 54 ans. «J’étais coloré et mu-      management du sport de la Nelson          Mais lorsque la FASA dévoile ses projets
noirs ou métis à avoir été mis au         sulman. Cela ne m’a pas empêché           Mandela Université.                       d’envoyer une équipe blanche au Mondial
ban du sport d’élite. Insidieuse-         d’évoluer au plus haut niveau. Dès             Dans les faits, le clivage est là.   en Angleterre en 1966 et une noire à Mexico
ment, on les a obligés à rester invi-     1981 (ndlr: soit plus de dix ans          Le football reste un sport de Noirs,      en 1970, elle est finalement exclue de la
sibles aux yeux du monde entier,          avant la fin de l’apartheid), j’ai joué   avec des matches de 1re division          FIFA. Ce n’est qu’après la libération de Man-
privés de financements, d’infra-          dans une équipe blanche. Si on a le       pour 30 rands (3 euros), tandis qu’il     dela en 1990 que le clivage tombe. En 1992,
structures et même d’accès aux            talent, le racisme ne compte plus.        faut débourser 300 rands pour voir        la FASA rejoint la FIFA. Dans la lancée, elle
stades en tant que simples specta-        Je me souviendrai toujours des re-        un match équivalent de rugby, dis-        se voit accorder l’organisation de la Coupe
teurs. C’est en 1892, déjà, que le        gards lorsque j’ai pris l’avion pour      cipline très chère aux Afrikaners. I      d’Afrique des nations en 1996. TBU

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Apartheid et sport où en est-on?

  • 1. LA LIBERTÉ 21 SPORT MARDI 18 MAI 2010 22 FOOTBALL Trois points qui rendent serein 23 FOOTBALL Le bonheur est à Pra Novy 25 DOPAGE Les «gros» entrent dans la lutte VTT Avantage aux Neuchâtelois MARDI 27 Sean Simpson 29 LUTTE SUISSE Michaël,l’autre Pellet 30 HOCKEY Première défaite de la Suisse COMME ELLE VIENT Le Mondial, acte politique Le choix de l’Afrique du Sud comme organisateur du Mondial est-il politique? Lubabola Mpongoshe, joueur de rugby noir, étudiant en management du sport à l’Université acquiesce: «La politique est omniprésente dans le sport, elle a le pou- voir de l’influencer. La corruption qui y règne en est le parfait exemple. Beaucoup d’argent circule grâce au Mondial, mais il reste dans les hautes sphères et peine à arriver dans les petits clubs. Il y a des lacunes énormes dans l’organisation du sport en Afrique du Sud. Des projets comme la Coupe du monde en ont fait prendre conscience.» TRAITRE DE JOUER AVEC LES BLANCS Miley Ajam, ex-professionnel de football, métisse. «Bien sûr que c’est politique. Cela va aider. On ne va toutefois pas changer les mentalités d’un coup de baguette magique. A la fin de l’apartheid, le gouver- Malgré l’abolition de l’apartheid, le clivage racial demeure dans le sport sud-africain. TIPHAINE BÜHLER nement a été obligé d’écrire des lois pour qu’on accepte des Noirs dans les équipes de cricket et de rugby. A l’époque, j’étais AFRIQUE DU SUD considéré comme un traître parce que je jouais au foot avec les Blancs. Les choses évoluent, mais les trois groupes de cou- Apartheid: et maintenant? leurs restent. La mixité n’est pas encore la règle.» Vernon Oosthuizen, professeur de mana- gement du sport à l’Université, Afrikaner, précise: «Le Mondial est une bonne oppor- SÉGRÉGATION • Noirs ou Blancs n’avaient pas les mêmes droits face au sport en tunité économique pour le pays. Plusieurs anciens étudiants de mon programme ont Afrique du Sud.Aujourd’hui,la mixité est théoriquement de mise.Témoignages. trouvé du travail dans l’organisation de la Coupe du monde. Il y a malheureusement aussi énormément d’argent qui est investi sans compter. Prenez le stade de Port Eli- zabeth, beaucoup disent qu’il deviendra un éléphant blanc isolé après le Mondial. Diffi- cile de dire ce qu’on retirera vraiment de cet événement.» LE MESSAGE DE MANDELA Thulani Mabaso, ex-prisonnier politique de Robben Island. «Le sport est un souffle de liberté, où qu’il soit. En prison à Robben Island, on se lançait des balles de tennis ou LE PEUPLE DE L'HERBE des ballons d’une cour à l’autre entre les départements haute sécurité et les stan- TIPHAINE BÜHLER, processus commence, avec la créa- Johannesburg, en 1994, avec mes DE RETOUR D’AFRIQUE DU SUD «On n’avait pas le droit de jouer du tion de la Football Association of South Africa (FASA) réservée aux coéquipiers blancs…» LE BOYCOTT dards. Nelson Mandela a eu l’idée de glis- ser des messages de motivation et de lutte à l’intérieur des balles. Un jour, les gardiens hockey sur terre avec les Blancs», se souvient Kurt. L’ancien profession- Blancs. Des associations ségréga- tionnistes verront le jour pour les Le clivage demeure Miley Ajam s’est joué des fron- DE LA FIFA ont découvert cela. Tout le monde a été enfermé. Mais le sport a continué de faire nel de la ligue des «colorés» ferme Indiens, les Bantous et les Noirs. La tières raciales. Il ne les nie pas pour En 1956, plusieurs associations sportives partie de notre vie, même en prison. On ne les yeux. Métis dans la quarantaine, mixité dans une même équipe est autant. «On avait le droit de religion non blanches demandent la reconnaissance peut pas enfermer le sport dans un il a toujours espéré affronter ceux inimaginable. Le «test du crayon» et de sport en tant que non-Blancs. internationale: le tennis de table, le cricket, registre purement physique. Il a quelque de la ligue blanche. Seize ans après sur les cheveux, pour différencier Pourtant, on ne pouvait pas aller l’haltérophilie, le bodybuilding. Vient le tour chose d’universel.» TBU la fin de l’apartheid, l’ex-champion Métis ou Blancs fait la loi. Cette sur la plage, ni au stade», raconte-t- du rugby, sport de Blancs par excellence. de Port Elizabeth a réalisé son rêve. pratique dicte dans quelle ligue il. «Aujourd’hui, beaucoup de Noirs C’en est trop. Le ministre de l’Intérieur, Te Nelson Mandela, Une rencontre de gala a été organi- l’athlète pourra évoluer. Dans les ont encore ce réflexe. Ils craignent Donges, dicte la loi du 27 juin 1956: «Blancs icône de la lutte sée entre son ancienne équipe et années 1940, avant l’avènement de d’entrer dans un club. Le seul mes- et Noirs doivent organiser leurs activités contre l’apartheid. celle blanche. Il a gagné. L’impor- l’apartheid, des rencontres de foot- sage qui peut faire avancer les séparément et les sportifs de l’extérieur KEYSTONE tant n’est pas là. ball interraciales seront encore choses est de se dire qu’on a les sont tenus de respecter les coutumes.» «Sous l’apartheid, on disputait organisées. Elles seront bientôt mêmes chances, que l’on soit Blanc L’avertissement est clair. les tournois interprovinciaux à tra- interdites. ou issu d’un township. Le talent vers tout le pays», poursuit Kurt. A la fin des années 1950, des décidera.» Dans le football, on s’interroge également. «C’était seulement pour les «colo- contestations internationales se Le regroupement des associa- Il est démontré que le nombre de footbal- rés». On n’avait pas le droit de sortir multiplient. La fédération de tennis tions sportives de toutes origines se leurs de couleur est deux fois supérieur à du pays ou de disputer des compé- de table sera la première associa- fait lentement depuis 1991. Le fossé celui des Blancs de la très légale FASA, qui titions internationales. C’est sûr, la tion sportive non blanche du pays à reste, près de 20 ans après. Il est le représente pourtant l’Afrique du Sud à situation était difficile. On roulait être reconnue à l’étranger. On est résultat d’un écart économique l’étranger. Apprenant cela, la FIFA mandate pendant 25 heures dans un bus qui en 1956. La FIFA lui emboîtera le entre la communauté noire et la une enquête sur la situation en Afrique du avait sans cesse des ennuis de mo- pas (lire ci-contre). blanche. Et du carcan des mentali- Sud. Ce n’est qu’en 1961 qu’elle suspend teur. On allait dormir chez les gens, Ambassadeur du Nelson Man- tés. «Il y a des méthodes d’ensei- momentanément la FASA qui rejette le prin- sans pouvoir les dédommager. On dela Stadium de Port Elizabeth et gnement différentes entre Blancs et cipe multiracial dans le football demandé se débrouillait avec 40 rands (4 eu- ancien footballeur professionnel, Noirs. Ces derniers ont accumulé par la FIFA. Pour calmer le jeu, la FASA orga- ros) pour sept jours par joueur. Miley Ajam a été l’un des rares mé- beaucoup de retard sur le plan nise un match interracial opposant les Ger- Mais on se sentait libres.» tis à évoluer dans des équipes sportif. Il y a aussi de nombreuses miston Callies aux Africans Pirates de blanches sous l’apartheid. «J’avais frustrations», estime Vernon Oos- Soweto. Cela suffit à réintégrer la FASA Le test du crayon un double handicap», rit l’ex-athlè- thuizen, professeur d’études de dans la grande famille du football mondial. Ils sont des millions d’athlètes te de 54 ans. «J’étais coloré et mu- management du sport de la Nelson Mais lorsque la FASA dévoile ses projets noirs ou métis à avoir été mis au sulman. Cela ne m’a pas empêché Mandela Université. d’envoyer une équipe blanche au Mondial ban du sport d’élite. Insidieuse- d’évoluer au plus haut niveau. Dès Dans les faits, le clivage est là. en Angleterre en 1966 et une noire à Mexico ment, on les a obligés à rester invi- 1981 (ndlr: soit plus de dix ans Le football reste un sport de Noirs, en 1970, elle est finalement exclue de la sibles aux yeux du monde entier, avant la fin de l’apartheid), j’ai joué avec des matches de 1re division FIFA. Ce n’est qu’après la libération de Man- privés de financements, d’infra- dans une équipe blanche. Si on a le pour 30 rands (3 euros), tandis qu’il dela en 1990 que le clivage tombe. En 1992, structures et même d’accès aux talent, le racisme ne compte plus. faut débourser 300 rands pour voir la FASA rejoint la FIFA. Dans la lancée, elle stades en tant que simples specta- Je me souviendrai toujours des re- un match équivalent de rugby, dis- se voit accorder l’organisation de la Coupe teurs. C’est en 1892, déjà, que le gards lorsque j’ai pris l’avion pour cipline très chère aux Afrikaners. I d’Afrique des nations en 1996. TBU