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UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN VIA DOMITIA
Faculté de Lettres et de Sciences Humaines
LE PNRU DE PERPIGNAN
Le remède efficace à la crise urbaine ?
Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD
Master I Urbanisme, Habitat et Aménagement – 2018/2019
Sous la direction de Monsieur Sylvain RODE
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UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN VIA DOMITIA
Faculté de Lettres et de Sciences Humaines
LE PNRU DE PERPIGNAN
Le remède efficace à la crise urbaine ?
Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD
Master I Urbanisme, Habitat et Aménagement – 2018/2019
Sous la direction de Monsieur Sylvain RODE
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Remerciements
Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance à mon directeur de mémoire,
Monsieur Sylvain Rode, pour sa disponibilité, son encadrement et surtout ses conseils, qui ont
aidé à alimenter mon travail de recherche.
Je remercie également Monsieur Benjamin Lebrun, chef de projet Rénovation Urbaine à la
ville de Perpignan pour son accueil et les informations qu’il m’a données.
Je remercie aussi Madame Sylvie Parédes du service Parc social et Relogement de la ville de
Perpignan pour les éclaircissements qu’elle m’a fournis sur de nombreux sujets.
Je remercie aussi Madame Isabelle Medjani, chef de projet Diagonale du Vernet, pour ses
informations et surtout les nombreux documents qu’elle a mis à ma disposition.
Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à mes parents et mes amis pour leur soutien
inestimable durant la rédaction ce mémoire.
4
Sommaire
Introduction .............................................................................................................................. 5
I. L’émergence des quartiers en crise et le contexte perpignanais.................................. 7
A. Quartiers en crise, entre grands ensembles et habitat indigne..................................... 7
B. Comment est née la crise urbaine ? ........................................................................... 15
II. L’ANRU : un acteur de la politique de la ville ............................................................ 22
A. La rénovation urbaine, un outil de la politique de la ville......................................... 22
B. L’ANRU et ses objectifs............................................................................................ 28
C. Le PNRU et l’espoir de Perpignan de sortir de la crise............................................. 31
III. Le PRU de Perpignan : un bilan à ne pas surévaluer................................................. 41
A. Les enjeux du PNRU ................................................................................................. 41
B. Les engagements du PRU de Perpignan.................................................................... 47
C. Le bilan du PRU de Perpignan .................................................................................. 53
Conclusion............................................................................................................................... 65
5
Introduction
Pendant les années soixante et soixante-dix, Perpignan était une ville prospère en pleine
croissance économique grâce à sa localisation au cœur d'un bassin agricole, industriel et
touristique. Mais vingt ans plus tard, la ville est plongée dans une crise urbaine. À la fin des
années quatre-vingt-dix, un tiers des actifs perpignanais sont soit bénéficiaires du Revenu
Minimum d'Insertion (RMI), soit au chômage. De plus, la ville de Perpignan compte en 1996
deux Zones Urbaines Sensibles (annexes 1 et 2) situées sur les deux rives de la Têt et
accueillant 33% de la population. L’une concerne les quartiers Saint-Jacques, Saint-Matthieu
et La Réal du centre historique, et l’autre concerne les quartiers Vernet-Clodion-Torcatis-
Roudayre, Vernet-Peyrestortes et Vernet-Salanque.
Pour faire face aux problèmes et fléaux liés la crise urbaine à Perpignan, le maire -Jean-Paul
Alduy- a signé avec l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et d’autres acteurs
une convention qui s'inscrit dans le programme national de la rénovation urbaine (PNRU). La
signature de cette convention vient après l'échec des nombreux contrats précédents,
notamment les contrats de ville monocommunale, dit XIe
plan (1993-1999) puis
intercommunal, dit XIIe
plan (2000-2006) à cause de leurs moyens inadaptés.
Cette convention plus récente se veut plus efficace, elle est censée apporter des réponses plus
adaptées et vise le renouvellement urbain et plus spécialement la mixité sociale, à travers une
politique de réhabilitation et de démolition-reconstruction des quartiers dégradés ou enclavés.
La convention vise non seulement les ZUS de Perpignan, mais aussi la copropriété des
Baléares Rois de Majorque. Cette dernière n’est pas située dans une ZUS, mais dans un autre
périmètre appelé « opération de renouvellement urbain » (ORU). Le classement en ORU
permet en effet à cette copropriété privée de bénéficier des financements de l’ANRU.
Par ailleurs, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est lancé
après la promulgation de la loi du 21 février 2014. La ville de Perpignan est à nouveau
concernée par un projet de l’ANRU puisqu’elle a signé sa convention en fin 2015. La
nouvelle convention concerne les mêmes quartiers du centre ancien et de nouveaux quartiers
comme la diagonale du Vernet et les Champs de Mars.
Le NPNRU semble avoir les mêmes objectifs de mixité sociale et de désenclavement que le
PNRU. Son lancement nous invite ainsi à dresser un bilan de son prédécesseur. Les quartiers
6
d’habitat social des villes françaises connaissent effectivement depuis leur création la
paupérisation accrue de leur population. À Perpignan, le problème est double, car l’habitat
ancien dégradé du centre-ville s’ajoute aux grands-ensembles du Vernet.
L’intérêt de dresser un bilan du PNRU à Perpignan est de remettre en question son efficacité à
remédier aux problèmes de la crise urbaine. Le lancement du NPNRU nous pousse à nous
demander si la stratégie de démolition-reconstruction du PNRU a eu une véritable incidence
sur les inégalités sociales et économiques subies par la population des quartiers qu’il a visés.
Pour dresser ce bilan, le recours à des données statistiques est un indispensable. Elles nous
permettront d’établir une comparaison entre la situation des quartiers avant le PNRU et après.
Pour interpréter les données, nous mobiliserons les logiciels de SIG (système d'information
géographique), et de statistiques pour créer des cartes qui nous faciliteront l’analyse des
données.
Pour traiter ce sujet, nous nous intéresserons dans un premier temps aux quartiers en crise.
Nous aborderons ainsi l’histoire des grands ensembles en France, le contexte perpignanais et
comment naît la crise urbaine (I). Nous verrons dans un second temps comment la rénovation
urbaine est un instrument de l’ANRU et de la politique de la ville avant d’étudier le contexte
de crise urbaine à Perpignan et comment le PNRU se veut un remède à cette crise (II). Enfin,
nous étudierons les actions du PNRU et leur bilan à Perpignan (III).
7
I. L’émergence des quartiers en crise et le contexte perpignanais
A. Quartiers en crise, entre grands ensembles et habitat indigne
Nous appelons les quartiers en crise, les quartiers qui rencontrent le plus de difficultés socio-
économiques. Ces dernières ont en effet mis les quartiers défavorisés dans une spirale
vicieuse parce que leur représentation négative dans la société empêche l’insertion de certains
de ses habitants dans le marché du travail et parfois même dans la société. Le travail constitue
une source de richesse est aussi un moyen de socialisation (Durkheim, 1893), donc son
absence se traduit inéluctablement par une isolation socio-économique difficile à surmonter,
ainsi la situation des quartiers en crise se dégrade davantage ainsi que leur réputation.
Les formes urbaines dites de grands ensembles qui sont apparues à la moitié du XXe siècle
constituent aujourd’hui les lieux privilégiés des crises urbaines. Cependant, ces quartiers
constitués de barres et de tours ne sont pas seuls, en effet certains quartiers dégradés par
l’effet du temps et de l’abandon sont aussi concernés. Dans cette partie, nous étudierons dans
un premier temps l’histoire des grands ensembles en France et dans un deuxième temps leur
histoire à Perpignan. En ce qui concerne les quartiers dégradés, nous nous contenterons de
traiter l’exemple du centre historique à Perpignan. Nous justifions cela par la divergence des
quartiers dégradés sur plusieurs points, notamment l’histoire, les formes urbaines et la
localisation. Il n’est donc pas pertinent d’étudier l’histoire des quartiers dégradés de façon
globale à l’échelle de la France.
1. Les grands ensembles : une réponse à la crise de logement
La guerre mondiale et la crise de logement :
À la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, la France connaît une crise de logement sans
précédent en raison des nombreux bombardements qui ont touché les villes françaises telles
que le Havre, Caen ou Lorient pour n'en citer que quelques-unes. Ces bombardements ont
détruit et endommagé des millions de logements, ils ont ainsi affecté sévèrement le parc
immobilier sur les plans qualitatif et quantitatif. En effet, le nombre de sans-logis à cette
période est estimé à trois millions de personnes. Ils s’abritaient dans des baraques et certains
s’étaient même réfugiés dans des bâtiments endommagés. Il faut noter qu’à ces trois millions
8
de sans-logis s’ajoutent aussi des millions de familles pauvres qui habitent dans des taudis qui
manquent des conditions minimales de confort et d’hygiène.
Pour répondre à cette situation critique, la France crée le Ministère de la Reconstruction et de
l’Urbanisme (MRU) en 1944 et met Paul Dautry à sa tête. Ce ministère avait trois
attributions : la direction de la construction, la direction de la reconstruction et la direction de
l’aménagement du territoire (Voldman, 2012). Le contexte économique de l’époque étant
difficile, le MRU devait construire beaucoup de logements à moindre coût et le plus
rapidement possible. Pour parvenir à cet objectif, il fallait repenser la manière de faire
l’habitat. Le ministère a donc mis en place des « chantiers expérimentaux » (Figure 1) qui ont
pour mission de développer de nouvelles formes de bâtiments dans une logique
d’industrialisation du processus de production du logement. En effet, l’industrialisation avec
l’organisation rationnelle du travail (Taylorisme) était perçue comme le moyen
incontournable pour accélérer la construction, la reconstruction et la modernisation du parc
immobilier à la fois vétuste, insalubre et surpeuplé. Les chantiers expérimentaux ont été donc
l’occasion de tester les nouvelles méthodes de construction et de les comparer. Ils ont par
ailleurs introduit de nouveaux procédés comme la préfabrication de certains éléments du bâti
dans les usines et l’assemblage aisé et simplifié de ces éléments sur le chantier.
Ce nouveau paradigme dans le secteur du bâtiment a produit ce que nous appelons
aujourd’hui les grands ensembles. Ces derniers désignent des groupes d’immeubles en forme
de barres ou de tours, souvent d’habitations à loyer modéré (HLM).
9
Figure 1 : Un chantier expérimental à Creil. Source : Archives nationales 771080/34, MRU, 1951.
Les Trente Glorieuses la multiplication des grands ensembles :
La partie précédente a abordé le contexte de l’après-guerre et la naissance du nouveau
paradigme des grands ensembles dans la politique de la ville en France. Dans cette partie,
nous verrons comment la croissance économique qu’a connue la France pendant les Trente
Glorieuses et les changements sociaux culturels qu’elle a entraînés ont favorisé l’essor et la
multiplication des grands-ensembles.
L’expression « Trente Glorieuses » apparaît pour la première fois en 1979 dans le titre de
l’ouvrage de Jean Fourastié. Cette expression renvoie en effet à une période de trente ans
(1945-1975) où la France connaît de grandes transformations à la fois économiques,
démographiques et socioculturelles (Lejeune, 2015).
Tout d’abord, le relèvement économique de la France s’inscrit dans un contexte mondial
nouveau, celui de la naissance de l’économie occidentale particulièrement avec la création de
10
l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) dans le cadre du plan
Marshall (1947-1948) qui devient en 1961 l’Organisation de Coopération et de
Développement Économique (OCDE) après l’adhésion d’autres pays, notamment les États-
Unis et le Canada. Ce contexte économique mondial marqué par la coopération entre les états
a favorisé les échanges et a permis à l’économie mondiale de croître considérablement. La
France n’échappe pas à cette tendance globale, en effet elle a réussi à développer sa
production industrielle et accélérer la motorisation de son secteur agricole. D’ailleurs, ce
dernier est passé de 106 900 tracteurs en 1948 à 305 400 en 1955. Le taux de croissance de la
production intérieure brute (PIB) pour la décennie 1949-1959 atteste également du relèvement
économique de la France, il se situe entre 4,5% et 4,6%. À titre de comparaison, celui des
États-Unis est situé entre 3,3% et 3,5% (Lejeune, 2015).
Ensuite, la croissance économique que connaît la France va de pair avec la demande accrue de
logements par les salariés. En effet, elle a induit un exode rural vers les villes. À cette période,
nous pouvons dire que la France n’était plus dans la phase de la reconstruction nationale, mais
plutôt dans la phase de construction, c’est-à-dire, les besoins en matière de logements ne sont
plus les mêmes, désormais la France cherche à loger les salariés et non les sinistrés de la
guerre. Pour continuer, la production de logements connaît un essor important : 100 000
logements sont produits par an dans les années 1950, 300 000 en 1958 et 550 000 dans les
années 1970 (A. Fourcaut). La création de grands-ensembles semble être la direction prise par
la France dans sa politique publique, vraisemblablement parce que seul ce modèle
d’urbanisme permet de répondre à la demande.
« Les banlieues françaises se couvrent de cités nouvelles, édifiées
rapidement, composées d’au moins 1 000 logements (plus de 10 000 aux
Minguettes à Vénissieux près de Lyon ou à Sarcelles en banlieue nord de
Paris) ; l’industrialisation du bâtiment, l’avance de l’industrie française du
béton armé, l’imposition de normes et de plans types pour les appartements
conduisent à privilégier des formes simples, des barres et des tours sur des
grandes parcelles de terrain » - Annie Fourcaut.
En somme, la France des Trente Glorieuses a connu un relèvement de son économie et une
industrialisation qui lui ont permis d’atteindre un taux de croissance considérable. Par ailleurs,
ce relèvement est accompagné par une transformation démographique et socioculturelle
notamment le baby-boom, l’exode rural et la naissance de la société de consommation. Ce
changement marqué par l’urbanisation de la France a entraîné la création de villes nouvelles
en forme de grands-ensembles, d’ailleurs le parc immobilier en France est passé de 12,7
11
millions en 1946 à 21 millions en 1975. La part du logement social créé est estimée à près de
3 millions, dont un tiers sous forme de grands ensembles.
2. Perpignan : des grands ensembles et un centre ancien dégradé
Les quartiers qui regroupent le plus de difficultés sociales et économiques à Perpignan se
situent dans deux zones urbaines sensibles dont l’habitat est soit social sous forme de grands
ensembles, soit ancien et vétuste.
Afin d’avoir une idée claire sur les quartiers en crise perpignanais nous nous intéresserons
dans un premier temps à la création des grands ensembles, et dans un second temps au
contexte du centre historique.
a) Les grands ensembles à Perpignan : deux contrastes
Antoine de Roux affirme dans son ouvrage (2014) sur l’évolution spatiale de la ville de
Perpignan que « dans les années soixante, il était nécessaire de produire [en parlant de
logements] vite et à grande échelle », la manière de produire des logements à Perpignan à
cette période n’est effectivement pas différente du reste de la métropole, car il n’y a pas eu de
prise de conscience par rapport au caractère néfaste de la production de grands ensembles
comme c’est le cas dans les années soixante-dix, notamment après la diffusion de la circulaire
Guichard du 21 mars 1973 qui visait à prévenir la production de grands ensembles.
Pour traiter le sujet des grands ensembles à Perpignan, nous étudierons d’abord l’histoire des
grands ensembles réalisés dans le Vernet, puis nous traiterons de l’histoire du Moulin à Vent.
Le Vernet
Tout d’abord, pour satisfaire le besoin en matière de logements, la ville de Perpignan crée au
début des années trente son office d’habitations à bon marché (HBM). Cet office a pour but la
réalisation et la gestion du parc social locatif. Comme son nom l’indique, l’office propose une
offre locative à bon marché, destinée d’abord à loger les ménages aux revenus modestes et
plus tard des rapatriés de l’Afrique du Nord après la décolonisation.
12
Dans les années cinquante, les logements de l’office HBM sont réalisés au nord de la Têt, sur
les terrains en extrême périphérie du Haut-Vernet et au Moyen-Vernet, car ces derniers étaient
desservis par les trolleybus.
Une deuxième raison est la
présence d’une zone
industrielle d’environ 30
hectares qui constituait un
important pôle d’emplois
dans le secteur.
Le développement du parc
locatif s’est poursuivi dans
les trois prochaines
décennies. Cette fois, la
forme d’urbanisation dite de
grands ensembles est privilégiée compte tenu de la demande (4000 demandes de logements
déposées à l’office HBM, dont un quart, proviennent des rapatriés de l’Afrique du Nord). Par
conséquent, trois groupes d’environ 400 logements sont construits entre 1966 et 1979 dans le
Bas-Vernet, et 1050 logements sont construits entre 1969 et 1989.
En outre, entre 1963 et 1982 le développement du parc HLM s’est fait, à l’exception du
Champs de Mars, exclusivement au nord de la Têt, par conséquent les deux rives de la Têt se
sont construit deux images contrastées. Antoine de Roux (2014) dit à ce titre :
« Tous ces logements ont été construits au nord de la Têt, renforçant ainsi l’image très
différenciée entre les quartiers nord de la ville à dominante populaire, et les quartiers sud, au
caractère résidentiel et petit bourgeois assez marqué ».
La cité du Moulin à Vent
Le projet du Moulin à Vent remonte aux Trente Glorieuses, ses travaux ont commencé en
1962 et ils sont finis au milieu des années 1980. Il s'agit d'un grand-ensemble de tours qui
s'étend sur surface d’une centaine d’hectares (deux fois la surface de la vielle ville), destiné à
loger les rapatriés de la guerre d’Algérie et les familles les plus aisées. L’objectif de
l’opération était de favoriser l’accession à la propriété des classes moyennes.
Figure 2 : Photo aérienne des quartiers du Bas-Vernet avant le début des travaux.
Source : ANRU
13
Bien que la cité Moulin à
Vent ne soit pas une ville
nouvelle, car elle n’a pas le
statut administratif, elle a été
promue comme telle par ses
promoteurs. Son image forte
a donné aussi cette
impression aux Perpignanais.
Ce projet de 5385 logements,
implanté à 3 km du Castillet,
a été initié par la ville de
Perpignan qui a constitué la
Société immobilière de la ville de Perpignan (SIVP) pour le réaliser. Il s’agit d’une société
d’économie mixte (SEM) qui regroupe la ville, la chambre de commerce et les 6 banques
implantées à Perpignan.
De surcroît, la cité ne bénéficie pas d’un site exceptionnel en termes de vues ou de végétation
et malgré sa surface importante, « le Moulin à Vent n’a jamais eu l’image négative qu’on a
donnée aux grands ensembles ». Au contraire grâce à ses équipements le quartier s’est fait une
bonne réputation qui a même encouragé des opérations privées autour de lui pour bénéficier
de son image positive.
En somme, nous avons vu deux exemples de développement de grands-ensembles : le premier
concentre le maximum de problèmes (De Roux, 2014) du fait de son isolement et sa
marginalisation qui l’ont dévalorisé sur le plan social par rapport au reste de Perpignan, tandis
que le deuxième est réussi grâce à ses équipements très complets qui lui ont donné une image
positive.
b) Le centre historique de Perpignan
Le centre historique de la ville de Perpignan s’étale sur une surface d’environ 50 hectares et
regroupe plusieurs quartiers, notamment, Saint-Jacques, La Réal, Saint-Matthieu et Saint-
Figure 3 : Photo aérienne de la cité Moulin à Vent. Source : Mairie de Perpignan
14
Jean. Ce centre ancien est caractérisé par un tissu bâti médiéval dont le lotissement remonte
au XIIIe siècle pour les quartiers Saint-Jacques et Saint-Matthieu et au XIVe siècle pour La
Réal.
La vieille ville a subi de nombreuses transformations au cours des siècles, la plus importante
est la densification du parcellaire qui a eu lieu entre 1850 et 1950 pour répondre à la demande
de logement par la population croissante. Cette transformation a eu pour effet la prolifération
des maisons une face (une seule façade), dont les pièces sont mal éclairées par le soleil du fait
de leur disposition et l’absence de cours intérieures. De plus, elle a créé un problème de
promiscuité, car les logements qu’elle a produits sont petits et serrés.
La population du centre ancien, comme le tissu bâti, a connu aussi des transformations au
cours des siècles, que ce soit au niveau du nombre d’habitants ou de la composition sociale.
La densification qui a accentué l’insalubrité dans les quartiers a fait “fuir” la bourgeoisie et les
classes moyennes en quête de logements modernes et de qualité.
En outre, depuis 1980, le centre est investi par deux communautés importantes, celle des
gitans et celle des Maghrébins. Il convient de mentionner qu’elles ne sont pas arrivées au
même moment, la présence des gitans est en réalité plus ancienne, d’ailleurs le quartier Saint-
Jacques est connu pour accueillir une des rares communautés urbaines de gitans en France
(Sala et Ros, 2004). Bien que leur présence en Catalogne date du XVe siècle, leur arrivée
massive dans les quartiers du centre-ville est plus récente, cela s’explique par le rôle de ces
quartiers « avaient déjà joué par le passé le rôle de cité de transit pour la population immigrée,
des gitans au milieu du XIXe siècle » (De Roux, 2014). En ce qui concerne la communauté
maghrébine, il faut attendre la moitié du XXe siècle pour son arrivée. En effet, c’est à partir
des années soixante que le centre ancien accueille progressivement les travailleurs maghrébins
et leurs familles. Le choix du centre-ville de la part de cette communauté n’est pas fortuit.
Réellement, l’attrait principal était l’accessibilité pour cette communauté fraîchement arrivée.
L’accessibilité des quartiers populaires du centre-ville est liée à leur qualité d’habitat tiers.
Nous les considérons ainsi, car l’habitat tiers renvoie à une forme d’habitat souvent insalubre,
vétuste, située entre le mal-logement et l’habitat social et occupée par les classes populaires.
En effet, ce type d’habitat assure deux fonctions sociales : d’une part des prix bas liés à l’état
du logement, d’autre part il est accessible aux personnes qui ne peuvent pas accéder au parc
locatif social ou privé en raison de discrimination ou de statut.
15
B. Comment est née la crise urbaine ?
1. La crise urbaine : un essai de définition
La convention du PNRU signée entre autres par le maire de Perpignan et l’ANRU fait
référence à une « grave crise urbaine » dans la page 4 (annexe 1). Si l’on se confie aux
définitions de « crise » et « urbain », on peut définir la crise urbaine comme la période
troublée que traverse une ville. Ce premier essai de définition nous pousse à définir cette
période troublée et à nous interroger sur ses caractéristiques.
Selon Marc Gossé (2000), la crise urbaine ne peut être décrite que selon ses causes politiques,
sociales et économiques. Pour lui, elle désigne une sorte de défaillance dans la maîtrise de la
croissance de la ville et de sa gestion urbaine. Nous comprenons donc que les crises urbaines
ne soient pas toutes identiques et que chaque ville en crise ait ses spécificités.
Cependant, les villes en crise ont toutes des éléments en commun, qui témoignent de leur
défaillance urbaine. D’après Jean-Marc Stébé (2012), la crise urbaine a trois caractéristiques
principales :
Les phénomènes de désorganisation sociale
Ce concept introduit par les étudiants de l’école de Chicago met en relation la criminalité et la
structure physique de la ville. Il identifie trois variables prédictives qui conduisent à la
délinquance : la pauvreté, l’hétérogénéité ethnique (absence de mixité ethnique) et l’instabilité
résidentielle. Parmi les phénomènes de désorganisation sociale, on trouve :
• La dégradation intentionnelle des biens publics et privés
• Les incivilités
• Les conflits de voisinage
• Les actes de racisme…etc.
Par ailleurs, la théorie de « l’occasion » appuie le concept mis en avant par l’école de
Chicago. En effet, cette théorie démontre que « l’absence de systèmes d’alarme, la facilité
d’accès, un mauvais éclairage, la coexistence d’impasses et d’allées sombres, la circulation
automobile, les parkings et les boutiques (objets de convoitise) accroissent le potentiel de
délinquance » (Body-Gendrot, 2002).
16
Les logiques de ségrégation
La ségrégation dans le contexte de la crise urbaine se définit comme la distribution inégale
des groupes sociaux dans la ville. Elle peut être marquée par la mise à l’écart de l’autre
(appartenant à un groupe différent) ou le repli communautaire qui peut être l’effet
automatique de la marginalisation sociale, comme il peut être un choix intentionnel. Dans le
dernier cas, le repli est marqué dans des territoires sécurisés (Stébé, 2012).
En France, ce phénomène est très présent dans les quartiers de grands-ensembles. En effet, les
transformations démographiques que ces quartiers ont connues ont fait l’objet d’une analyse,
depuis les années 1970, qui a montré que la ségrégation est la conséquence « du cercle vicieux
du départ des classes moyennes vers l’accession à la propriété et du renforcement des
catégories pauvres et immigrées les remplaçant » (Préteceille, 2006). De plus, les populations
étrangères et immigrées sont souvent logées dans les parties dégradées et périphériques des
grands ensembles (Fourcaut, 2010).
Les inégalités sociales et territoriales
Premièrement, les inégalités sociales correspondent aux différences de situations entre les
individus ou les groupes sociaux en matière d’accès aux ressources socialement valorisées
comme la santé, l’éducation ou l’emploi.
Deuxièmement, les inégalités territoriales désignent des différences voire des asymétries
sociales entre les territoires qui résultent de systèmes sociopolitiques qui ne proposent pas de
vraies opportunités à de larges parties de la population pour améliorer leur cadre de vie,
indépendamment de leur situation géographique (Lَpez & Pulido, 2013) par exemple :
• Les taux de chômage, de bénéficiaires de minimas sociaux et de pauvreté sont plus
élevés dans les zones urbaines sensibles (ZUS) que dans le reste des agglomérations
urbaines.
• Les centres-villes sont privilégiés par rapport aux quartiers d’habitat social en termes
d’accès aux soins ou à l’enseignement supérieur.
17
2. Les conditions d’habitat défectueuses et leurs conséquences
Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « Habiter est un besoin essentiel de
l’homme : chaque être humain, quel que soit son âge, son statut économique, social, culturel
et sa condition physique, a droit à un habitat favorable à sa santé, et à son bien-être physique,
mental et social ». L’habitat est une notion complexe, à ne pas confondre avec l’habitation.
Cette dernière désigne le logement ou le lieu où l’on demeure, tandis que l’habitat signifie
dans le domaine de la géographie humaine « l’ensemble des conditions d'organisation et de
peuplement par l'homme du milieu où il vit. »
Il est difficile aujourd’hui de nier l’effet de ces conditions sur l’Homme. Dans le milieu
urbain, ces effets se répercutent sur le quartier et même à l’échelle de la ville. "Habiter" n’est
pas seulement le fait d’occuper un logement, « habiter, c’est faire société, enjeu bien actuel
dans les villes contemporaines en proie aux crises urbaines » (Jolis & Katz , 2013).
Dans cette partie, nous analyserons ces effets. Pour cela, nous étudierons tout d’abord le mal-
logement dans les quartiers en crise, puis le coût social du mal-logement, et enfin le rapport
entre le mal-logement et la délinquance.
Le mal-logement dans les quartiers en crise
Il est difficile aujourd’hui de définir ce qu’est « le mal-logement », car cette notion a évolué
au fil du temps parallèlement aux exigences de l’Homme en termes de conditions d’habitat.
Ainsi, « il est plus inacceptable aujourd’hui de vivre dans un logement insalubre qu’il y a 50
ans » (Madec, 2016). De plus, un logement insatisfaisant n’est pas forcément insalubre.
L’habitat insalubre désigne tout immeuble dangereux pour la santé, que ce soit celle des
occupants ou celle des voisins, tandis que le mal-logement regroupe des situations de
logement insatisfaisantes pour une société donnée. Il peut prendre plusieurs formes, qui ne se
mêlent pas forcément. Le centre d’observation de la société en distingue trois :
• La mauvaise qualité de l'habitat
• La superficie trop faible
• La précarité de l'hébergement
18
Dans les quartiers en crise notamment les zones urbaines sensibles, le mal-logement est un
enjeu important. La politique de barres et de tours a induit des grands-ensembles qui
manquent cruellement d’équipements scolaires et commerciaux, et où se concentre un nombre
important de ménages (Fourcaut, 2010). Dans les quartiers dégradés comme le centre-ville de
Perpignan, la densité de population est importante, la concentration des ménages
s’accompagne donc par l’état vétuste du bâti.
Pour continuer, certains problèmes urbains sont beaucoup plus présents dans les ZUS
qu’ailleurs. Une étude réalisée par l’observatoire des zones urbaines sensibles en 2012 montre
effectivement que les quartiers des ZUS subissent, de façon disproportionnelle aux quartiers
hors ZUS, la stigmatisation, la délinquance, les nuisances sonores, la dégradation de
l’environnement, la pollution et le manque d’animation.
Le coût social du mal-logement
Vivre dans des conditions d’habitat défectueuses n’affecte pas seulement le cadre de vie des
habitants. Le mal-logement a, en réalité, un coût social important. Ce coût représente le
manque à gagner induit par les effets négatifs du mal-logement sur les occupants. De plus, le
coût est subi dans plusieurs domaines tels que : la réussite scolaire, l’insertion dans l’emploi
et la santé. Pour démontrer les effets sociaux négatifs du mal-logement, nous nous appuierons
sur l’étude Pierre Madec (2016).
Figure 4 : Les problèmes rencontrés dans les quartiers, comparaison ZUS/hors ZUS. Source : Observatoire des zones
urbaines sensibles (2012)
19
Tout d’abord, d’autres études ont montré le lien étroit entre le mal-logement et la réussite
scolaires. En effet, les composantes du mal-logement telles que la suroccupation, la précarité
énergétique, la présence de l’humidité et les nuisances sonores contribuent au retard scolaire
des élèves mal logés. Pour preuve, l’étude de Madec (2016) sur un échantillon d’élèves (âgés
de 11, 13, 14 et 15 ans) montre par exemple que la suroccupation augmente de 21 points le
taux de retard scolaire.
Pour ce qui est de l’emploi, il est admis que sa qualité a une incidence sur la qualité du logis.
Réciproquement, les conditions de logement ont, elles aussi, une incidence sur l’insertion des
personnes dans l’emploi. La preuve en est que le taux de chômage des personnes qui vivent
dans un logement surpeuplé était de 8 points supérieurs à celui des personnes vivant dans un
logement dont l’occupation peut être considérée comme « normale ». Il en va de même pour
les personnes exposées au bruit et à l’humidité (4 points supérieurs à la normale).
Figure 5 : L'influence de la situation du logement sur le retard scolaire - Auteur : Madec (2016)
20
En ce qui concerne la santé, le lien de cause à effet entre les conditions de logement et l’état
de santé est très bien documenté. L’OMS a démontré le lien statistique entre l’état de santé
des personnes et les conditions de logements comme le confort thermique, l’éclairage naturel
dans l’habitation, la qualité de l’air à l’intérieur, la qualité des installations sanitaires…etc. Le
graphique ci-dessous montre la corrélation entre les composantes du mal-logement comme la
superficie insuffisante et la dégradation de l’état de santé.
Figure 6 : L'influence de la situation du logement sur l'insertion dans l'emploi - Auteur : Madec (2016)
21
Le mal-logement et la délinquance
La délinquance est vraisemblablement le symptôme le plus grave de la crise urbaine.
Plusieurs études américaines, notamment celles du Dr Hazeman ou des professeurs Heuyer et
Lafon, établissent un lien très fort entre la délinquance et les conditions insatisfaisantes de
l’habitat.
Les recherches menées en France sur ce sujet montrent que « les zones de la délinquance
juvénile se situent aussi bien dans les cités nouvelles que dans les îlots insalubres, bien que le
peuplement soit trois fois plus dense dans ces derniers. Bien plus que le taudis, l’entassement,
la vie sociale close (contamination) semblent être de puissants déterminants de la
délinquance » (Kaës, 2009).
Les conditions favorables à la délinquance dans les quartiers en crise que les recherches
mettent en évidence sont nombreuses. Nous pouvons citer entre autres :
• L’isolement des jeunes induit par les terrains vagues des grands ensembles,
• La promiscuité dans les espaces communs comme les cages d’escaliers ou les cours
d’immeubles,
• Le surpeuplement des appartements.
Figure 7 : L'influence de la situation de logement sur la santé - Auteur : Madec (2016)
22
II. L’ANRU : un acteur de la politique de la ville
A. La rénovation urbaine, un outil de la politique de la ville
1. La rénovation urbaine : définition et histoire
La rénovation urbaine n’est pas un nouveau concept dans l’histoire urbaine française. Bien
que ce terme soit promu à notre époque par les différentes opérations entreprises dans le cadre
de la politique de la ville, plusieurs opérations de rénovation ont lieu en France depuis
l’ancien régime. La rénovation urbaine que nous considérons aujourd’hui comme un
instrument indispensable de la politique de la ville, cible les quartiers en crise situés
principalement dans les banlieues, car elle se veut un remède à leurs maux urbains. Elle essaie
de favoriser la mixité sociale et d’améliorer la performance de l’action publique.
Selon l’encyclopédie Larousse, la rénovation urbaine désigne une « Procédure
d'aménagement d'un quartier ancien impliquant l'acquisition des immeubles situés dans le
périmètre visé, leur démolition puis une reconstruction planifiée de l'ensemble ». Il est
nécessaire de noter que les notions de rénovation urbaine et de renouvellement urbain ne sont
pas les mêmes. En effet, le renouvellement urbain est notion plus récente qui « privilégie une
approche globale du quartier, et non pas une intervention principalement axée sur le bâti »
(Slimani, 2015). En effet, la rénovation urbaine est associée à des opérations de démolition-
reconstruction, car un de ses enjeux est le désenclavement des quartiers. Comme la rénovation
urbaine vise essentiellement les quartiers de banlieues souvent constitués de grands
ensembles, elle utilise la démolition afin d’ouvrir ces quartiers sur la ville. Un autre enjeu de
la rénovation urbaine est la mixité urbaine, cet enjeu sera développé comme le
désenclavement urbain plus tard (voir page 41).
Dans l’histoire urbaine française, nous distinguons trois grandes phases de rénovation
urbaine :
Les travaux du baron Haussmann
Avant d’étudier les travaux du baron Haussmann, il est nécessaire de présenter ce préfet qui a
profondément transformé la ville de Paris et a fait d’elle une capitale moderne. Georges
Eugène Haussmann (1809-1891) a été nommé préfet de la Seine par Napoléon III le 23 juin
1853 sur le conseil de Victor Fialin de Persigny, ministre de l’Intérieur à l’époque. Deux mois
plus tard, il assiste à la première réunion de la commission des embellissements chargée de la
23
transformation de Paris dont il fait partie. Grâce à l’envergure de son projet urbain, son nom
restera toujours lié à ses travaux. En effet, l’haussmannisation étudié encore aujourd’hui dans
les universités et les écoles françaises renvoie aux nombreux travaux d’aménagement qu’il a
menés comme l’ouverture de nombreuses percées et la création de parcs et squares. Le baron
Haussmann, de son nom complet
Les travaux du baron Haussmann, du fait de leur ampleur, constituent les premiers travaux de
rénovation urbaine dans l’histoire urbaine française. Avant le début des travaux, la ville de
Paris était dans un état d’insalubrité et d’insécurité, puisque son tissu urbain « avait peu bougé
depuis le Moyen Âge et s’avérait inadapté aux exigences de circulation des biens, des
hommes et des valeurs du capitalisme industriel et commercial triomphant du Second
Empire » (Epstein, 2014).
Les travaux du baron Haussmann ont permis entre autres :
• La création de grandes percées et de plusieurs artères dans la capitale
• L’installation de réseaux techniques souterrains qui ont donné accès à l’eau potable
aux riverains
• La construction de monuments et de plusieurs équipements
• La création de plusieurs espaces verts (parcs et squares)
• L’implantation de mobilier urbain dans la ville
• L’harmonisation de l’architecture à travers des règles d’urbanisme très strictes
24
Figure 8: Création d'une percée à Paris. Source : Bibliothèque nationale de France
Les rénovations gaullistes
Les travaux de rénovation urbaine sous De Gaulle constituent le deuxième épisode dans
l’histoire des rénovations urbaines en France. Ils ont pour objectif principal la « reconquête de
Paris », mais il est nécessaire de souligner que les enjeux de ces travaux ne sont pas les
mêmes que ceux des travaux du baron Haussmann. En effet, leur « ambition dépassait la seule
lutte contre l’insalubrité, prétendant plus largement adapter la ville aux temps modernes »
(Epstein, 2014).
Effectivement, le contexte du début de la Ve république est différent du contexte de
l’haussmannisation. Pendant cette période la France est située dans un double contexte : d’une
part celui de la guerre d’Algérie, de l’autre celui de la crise de logement. Dans cette partie,
nous traiterons que du contexte de la guerre d’Algérie et nous ne reviendrons pas à celui de la
crise de logement que nous avons déjà étudié auparavant.
À la fin des années 1950, le gouvernement français, inquiet de l’influence des militants du
Front de Libération National (FLN) sur les familles algériennes habitant les bidonvilles
parisiens, étend le programme de rénovation urbaine aux bidonvilles qui se sont développés
dans les dents creuses de la ville. L’objectif étant d’intégrer les familles algériennes à la
25
société française pour les éloigner des idées indépendantistes véhiculées par les militants du
FLN qui ont trouvé refuge dans ces bidonvilles dont l’accès est difficile pour les forces de
l’ordre (Epstein, 2015).
La solution qui a été proposée au problème des bidonvilles était celle de la création de cités de
transit. L’État définissait ces cités comme des « ensembles d’habitations affectées au
logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif
ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion
sociale et leur promotion »1
. Cette définition officielle nous montre donc le caractère
provisoire des cités de transit dont la construction s’est accélérée pendant la guerre d’Algérie
(1954-1962), car elles sont « l’outil destiné à répondre à l’urgence de la résorption de
bidonvilles algériens de métropole » (Cohen & David, 2012).
1
Circulaires du 27 août 1971 prise pour l’application de la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression
de l’habitat insalubre et du 19 avril 1972 relative aux cités de transit.
Figure 9: Opération de relogement dans une cité de transit à Nanterre. Source : Association de la cité Blanche Gutenberg
26
Le Programme Nationale de Rénovation Urbaine
Le Programme National de la Rénovation Urbaine (PNRU) constitue le troisième épisode de
rénovations urbaines dans l’histoire de France. D’après Epstein (2014) « il se distingue des
autres épisodes de rénovation urbaine par ses objectifs en matière de peuplement et par sa
dépolitisation ». En effet, l’enjeu majeur du PNRU est la mixité sociale. Ce programme
ambitieux a donc fait des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) sa cible prioritaire.
En effet, les ZUS sont, selon l’INSEE « des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs
publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations
locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires ». Il faut noter que
ce zonage a été supprimé et remplacé en janvier 2015 par les Quartiers Prioritaires de la
Politique de la Ville (QPV).
Les ZUS sont visées par le PNRU, car elles sont particulièrement touchées par le chômage et
la pauvreté. De plus, elles sont caractérisées par « la présence de grands-ensembles et/ou de
quartiers d’habitat social dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi »2
,
c’est-à-dire, qu’elles concentrent une population plutôt homogène sur le plan socio-
économique. Dans certains cas, nous pouvons même parler d’homogénéité culturelle quand
des zones concentrent immigrés et leurs descendants.
Par ailleurs, l’objectif de mixité urbaine du PNRU n’est pas inédit. En réalité, cet objectif
figure déjà dans la circulaire Guichard de 1973, cependant « l’action [du PNRU] s’inscrit
effectivement dans un nouveau décor, la distribution des rôles et les techniques de réalisation
ont changé » (Epstein, 2014). En d’autres mots, les acteurs ne sont plus les mêmes, car avec le
PNRU, nous avons un nouvel acteur qui est l’agence nationale de la rénovation urbaine
(ANRU).
2. La politique de la ville
La rénovation urbaine est indissociable de la politique de la ville. Elle est un des outils de
cette dernière qui désigne une politique de cohésion urbaine et de solidarité à l’égard des
2
Loi no 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville
27
quartiers en crise défavorisés. Elle a pour objectif principal de lutter contre l’exclusion sociale
en vue d’améliorer le quotidien des habitants.
Pour remplir sa mission de lutte contre l’exclusion sociale, la politique de la ville dispose de
plusieurs outils ou dispositifs. Nous trouvons par exemple :
La géographie prioritaire
La géographie prioritaire est un dispositif qui simplifie les dispositifs anciens comme les
ZUS, les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les contrats urbains de cohésion sociale
(CUCS). Elle redéfinie également leurs périmètres pour cibler les territoires les plus en
difficulté pour que l’action et l’usage des moyens disponibles soient plus efficaces. Le
résultat de cette nouvelle géographie est ce que nous appelons les quartiers prioritaires de la
politique de la ville (QPV).
La mission locale
La mission locale est un dispositif de la politique de la ville, c’est un service public de
proximité destiné aux jeunes de 16 à 25 ans. Elle a pour but d’aider les jeunes à surmonter les
difficultés qui entravent leur insertion socioprofessionnelle. En effet, elle intervient dans
plusieurs domaines, notamment :
• L’emploi
• La formation
• Le logement
• La mobilité
• La santé
Les conventions pluriannuelles d’objectifs
Une convention pluriannuelle d’objectifs est un contrat signé entre une association et la ville
qui la subventionne. Ce contrat définit l’objet de la subvention, son montant ainsi que les
conditions de son utilisation, c’est-à-dire, le programme d’actions envisagé par l’association
et les moyens qu’elle va mettre en œuvre pour le réaliser.
28
B. L’ANRU et ses objectifs
1. Présentation de l’ANRU
Nous avons vu précédemment que la rénovation urbaine était un des outils de la politique de
la ville. Maintenant, nous aborderons l’Agence Nationale pour la Rénovation urbaine
(ANRU), le principal acteur, non seulement de la politique de la ville, mais aussi du pilotage
des opérations de rénovation urbaine.
Tout d’abord, l’ANRU est un établissement public qui a été créé par l’article 10 de la loi du
1er août 2003. Cet établissement est subordonné au ministre chargé de la politique de la ville
qui fixe d’ailleurs les orientations générales de son action et il est financé par des fonds
publics (état) et privés (UESL – Action Logement)3
.
Le rôle de l’ANRU est d’approuver les projets urbains qu’elle finance, notamment le PNRU.
Elle soutient financièrement les différents acteurs qui travaillent dans la rénovation urbaine,
en d’autres termes, ceux qui élaborent et pilotent des opérations de rénovation urbaine dans
les quartiers de la géographie prioritaire.
Les acteurs financés par l’ANRU sont multiples. D’une part, nous avons les acteurs publics
comme les établissements publics et les collectivités locales, de l’autre les acteurs privés
comme les bureaux d’études. En ce qui concerne le PNRU, l’ANRU a débloqué une somme
de 12,350 milliards d’euros et a généré des travaux estimés à 45 milliards d’euros au niveau
national.
En outre, l’ANRU dans le cadre de son travail de rénovation urbaine intervient dans différents
domaines à l’instar de :
• L’habitat
• Les espaces publics
• Les équipements scolaires et les crèches
• Les commerces
• L’activité économique
3
UESL : Union d'Economie Sociale du Logement.
29
2. Les missions de l’ANRU
L’ANRU a plusieurs missions cependant son rôle principal est le pilotage, c’est-à-dire, elle
cherche à réunir plusieurs acteurs de domaines différents et les accompagner dans la
conception et le suivi des projets urbains. En effet, la rénovation urbaine nécessite des
compétences très variées et une transversalité considérable, car la rénovation est un processus
très complexe qu’il faut manier en prenant en compte toutes les complexités et les paramètres
qui entrent en jeu, car l’ANRU intervient sur le bâti, mais elle le fait pour transformer la
société.
Dans son rôle de pilote, l’ANRU gère principalement les conventions pluriannuelles qu’elle
signe avec les différents partenaires, 90% de son budget est destiné au financement de ces
conventions qui œuvrent à transformer les quartiers en difficultés, qu’ils soient en métropole
ou en outre-mer.
Avant la suppression des ZUS en 2015, il existait 751 ZUS. L’ANRU intervenait sur 215
zones qui étaient les plus défavorisées sur les plans social, urbain et économique. À ces zones
s’ajoutent 342 sites supplémentaires qui rencontrent des difficultés sur les mêmes plans, mais
à un moindre degré.
Sur ces sites, l’ANRU, en partenariat avec d’autres acteurs publics ou privés, participe à la
reconstruction des logements du parc locatif social démolis dans le cadre d’une opération
urbaine, c’est-à-dire, L’ANRU ne se contente pas de démolir les bâtiments, mais elle s’engage
aussi à reconstruire des logements sociaux. Toutefois, elle les reconstruit hors site dans un
souci de dédensification de l’habitat social et de lutte contre la spécialisation des quartiers
concernés par la politique de la ville. Puis, la démolition ne se fait pas de manière aléatoire,
elle est mobilisée dans l’intention d’améliorer l’organisation urbaine ou de lutter contre la
vétusté.
L’agence contribue aussi au développement des espaces urbains, car la rénovation d’un
quartier passe forcément par la création d’espaces urbains de qualité qui serviront de points de
rencontre entre les résidents et les habitants des quartiers voisins. Favoriser les rencontres
contribuerait à déstigmatiser le quartier rénové et ainsi lui donner une meilleure image.
En outre, l’ANRU intervient non seulement sur l’habitat, mais aussi sur les équipements. En
effet, elle participe à la création ainsi qu’à la rénovation des équipements, qu’ils soient
commerciaux, sociaux ou culturels. La création d’équipements structurants est très valorisante
30
pour les quartiers visés par la rénovation, car elle lui permet une sorte de gentrification
positive qui amènerait de nouveaux arrivants, locataires ou acheteurs, plus aisés et
contribuerait à la mixité sociale du quartier.
3. Présentation du PNRU
Le programme national de rénovation urbaine est un projet ambitieux dans l’histoire urbaine
française, il est né de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et
la rénovation urbaine. Cette loi est appelée également « loi Borloo » parce qu’elle est portée
par Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville dans le gouvernement de Jacques Chirac de
2002 jusqu’en 2004.
Ce programme, contrairement aux deux vagues précédentes de rénovation urbaine, intervient
sur tout le territoire français (les outre-mer compris). En effet, il concerne 490 quartiers, situés
en ZUS et sa priorité est d’améliorer le cadre de vie de leurs habitants.
Concrètement, le PNRU est une convention pluriannuelle signée entre l’ANRU, ses
partenaires, et le porteur du projet. Ce dernier peut être un maire ou un président d’un
établissement public de coopération intercommunale (EPCI). De façon générale, trois
éléments sont essentiels à la signature d’une convention selon l’ANRU :
Figure 10 : Nombre de
conventions signées en France.
Source : ANRU
31
• « La volonté et l’engagement de l’élu, du porteur de projet, ainsi que de multiples
maîtres d’ouvrage (villes, bailleurs sociaux…),
• L’implication des habitants concernés au moyen d’actions de concertation et la
mobilisation de toutes les solidarités au niveau de l’agglomération, du département et
de la région,
• L’implication de tous et la collaboration étroite des collectivités et du préfet (Délégué
Territorial de l’ANRU) s’appuyant sur les services de l’État et notamment les
Directions Départementales des Territoires ».
Par ailleurs, le porteur de projet doit réaliser un diagnostic pour chaque quartier qu’il vise par
son programme. Ce diagnostic, censé être exhaustif et transversal, doit traiter les dimensions
urbaine et sociale. De plus, il doit accompagner son diagnostic d’un côté, par une stratégie de
transformation des quartiers concernés qui explicite l’ensemble des actions envisagées et leurs
objectifs, de l’autre par un projet global, c’est-à-dire, un programme pluriannuel, qui détaille
les opérations sur le terrain dans une vision cohérente du projet.
C. Le PNRU et l’espoir de Perpignan de sortir de la crise
1. Le contexte perpignanais avant-PNRU
Comme nous l’avons vu précédemment, la convention du programme de rénovation urbaine
de Perpignan fait référence à une « crise urbaine grave ». Ici, nous étudierons la crise urbaine
de Perpignan en nous référant à Jean-Marc Stébé (2012) et les caractéristiques qu’il pense être
symptomatiques de la crise urbaine. À cet effet, nous analyserons d’abord les inégalités
sociales et territoriales. Puis, nous étudierons les logiques de ségrégation qui se sont établies
dans la ville. Enfin, nous verrons certains phénomènes de désorganisation sociale observés à
Perpignan dans cette période.
Inégalités sociales et territoriales
Tout d’abord, la ville de Perpignan cumule plusieurs inégalités sociales et territoriales. Pour
les étudier, nous nous servirons de deux mesures statistiques, le revenu médian et le
coefficient de Gini, sur l’échelle des iris de Perpignan. Avant d’entamer l’analyse, il est
important de définir ces termes :
32
L’iris : est un sigle qui signifie « îlots Regroupés pour l'Information Statistique », il désigne
un îlot issu du découpage territorial en maille des communes d’au moins 5000 habitants. C’est
donc un découpage infracommunal et il se base une taille de population de référence de 2000
habitants. On compte en France 16 100 IRIS dont 650, dans les départements d’outre-mer.
Le revenu médian : est une mesure statistique établie à partir du fichier des déclarations de
revenu des personnes physiques. Le revenu médian divise, en effet, la population en deux :
une moitié dont le revenu fiscal est inférieur au revenu fiscal médian, et une moitié dont le
revenu fiscal est supérieur. Le revenu médian a pour objectif la comparaison des niveaux de
revenu entre différentes zones ou l’analyse des inégalités territoriales.
Le coefficient de Gini : « L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique
d'inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie...). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0
dans une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie...
seraient égaux. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire
possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie...) sauf un seraient nuls.
Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. » (INSEE, 2016)
Figure 11 : Indice de Gini par IRIS (Perpignan) en 2005. Source : datafrance.info
33
La carte ci-dessus (figure 11) de l’indice de Gini à l’échelle des iris de Perpignan montre deux
choses. D’une part, la commune de Perpignan est hétérogène en termes d’inégalité de revenu,
c’est-à-dire, que l’inégalité de revenu et par conséquent l’inégalité sociale sont différentes
d’un quartier IRIS à un autre, que ce soit au nord ou au sud de la Têt. De l’autre, nous
constatons que les périmètres des ZUS de Perpignan délimitent les territoires les plus
inégalitaires de la commune.
En somme, nous pouvons dire que l’inégalité sociale était fortement présente à Perpignan en
2005 et particulièrement dans les ZUS.
En ce qui concerne l’inégalité territoriale, la carte du revenu médian par IRIS nous montre
clairement l’asymétrie sociale entre la rive nord et la rive sud de la Têt. En effet, la rive nord
concentre les ménages les moins aisés de Perpignan contrairement à la rive sud. Toutefois,
nous constatons que le centre-ville est le plus pauvre dans la rive sud, d’ailleurs elle fait partie
de la géographie prioritaire de Perpignan.
Figure 12 : Revenu médian par IRIS (Revenus médians par unité de consommation, en euro). Source : datafrance.info
34
Logiques de ségrégation
Des logiques de ségrégation peuvent être constatées dans la ville de Perpignan. D’une part,
nous avons la ségrégation sociale qui est la traduction des inégalités sociales et territoriales
sur l’espace qui a créé la dichotomie : rive nord populaire et rive sud plutôt aisée. De l’autre,
nous avons le repli communautaire très marqué dans le centre-ville. Ce dernier, en plus d’être
lié à l’histoire des migrations (voir page13), il est le résultat de la spécialisation de la vielle-
ville, devenue un parc social de fait.
Phénomènes de désorganisation sociale
Figure 13 : Émeutes à Perpignan le 29 mai 2005. Source : Agence MaxPPP
Pour ce qui est des phénomènes de désorganisation sociale avant la mise en œuvre du PNRU.
Nous pouvons citer plusieurs exemples. D’abord, la ville de Perpignan souffrait d’un
problème de mendicité, parfois agressive, qui s’associait forcément à la dégradation de
« l’hygiène des espaces publics » (Bertrand, 2003). Également, du fait de sa situation dans le
département transfrontalier des Pyrénées-Orientales, la ville était un pôle important de trafic
de drogues, le centre-ville et les quartiers du Vernet étant les lieux privilégiés de
commercialisation des stupéfiants. Enfin, les émeutes urbaines du 29 mai 2005 (figure 13) qui
ont eu lieu une semaine après le lynchage d’un jeune maghrébin de 29 ans par un groupe de
35
gitans dans un café du quartier Saint-Jacques étaient la culmination des phénomènes de
désorganisation sociale à Perpignan.
En effet, ces violences urbaines témoignent, d’une part, des tensions communautaires entre les
Maghrébins et les gitans et le manque de cohésion sociale, et de l’autre, du vandalisme qui a
touché des biens publics et privés tels que les voitures, les abribus et les poubelles.
2. Présentation du PRU de Perpignan
Pour sortir de la crise urbaine, le maire de Perpignan a décidé de signer une convention avec
l’ANRU afin de remédier aux problèmes que connaît la ville. Cette convention du PNRU a
pour but de faire émerger un projet de rénovation urbaine qui apportera des réponses
concrètes sur le terrain. Ces dernières diffèrent d’un quartier à l’autre, car les problèmes dans
les quartiers ne sont pas les mêmes.
Afin d’appréhender le PRU de Perpignan, nous verrons d’abord quels sont les quartiers visés.
Puis, nous nous intéresserons aux objectifs spécifiques à chaque quartier. Enfin, nous verrons
quels sont les acteurs du PRU de Perpignan.
a) Les quartiers visés
Le PRU de Perpignan intervient sur plusieurs quartiers regroupés dans quatre périmètres
distincts. Il intervient aussi sur trois typologies de quartier : centre ancien, habitat social et
copropriété dégradée.
Il est à noter que les ZUS du centre-ville et du Vernet ont été élargies au périmètre Opération
de Renouvellement Urbain (ORU) par une dérogation de l’article 6 de la loi du 1er août 2003.
L’élargissement sert à financer les opérations à proximité des ZUS par l’ANRU.
Périmètre Quartiers / Cités Typologie
ZUS Vernet Peyrestortes Habitat social
36
b) Les objectifs pour chaque quartier
La visée principale du PNRU de Perpignan est de promouvoir la mixité sociale et de lutter
contre la spécialisation des quartiers et cela passe par des objectifs précis à atteindre. La
convention du PNRU définit, en effet, des objectifs pour chaque quartier, et pour chaque
objectif elle précise une stratégie d’actions à entreprendre.
Bien que l’absence de mixité sociale soit l’élément commun entre les quartiers, ces derniers
ont des spécificités liées à leur typologie. La convention traite donc les quartiers au cas par
cas afin d’apporter des solutions pertinentes pour chaque problème.
Pour comprendre les objectifs du PNRU, nous étudierons le contexte, les objectifs à atteindre
et les actions envisagées dans chaque quartier.
Le Vernet
Les cités du Vernet sont la priorité du PRU de Perpignan, ces cités d’habitat social
concentrent plusieurs problèmes sociaux et économiques qui justifient leur classification en
zone urbaine sensible, mais aussi des problèmes de configuration urbaine.
Vernet-Salanque
ZUS Clodion Clodion Torcatis
ZUS centre-ville Saint-Jacques
Saint-Matthieu
La Réal
Centre ancien
ORU Baléares Rois de
Majorque
Quartier Baléares rois de
Majorque
Copropriété dégradée
37
D’abord, en ce qui concerne la structure urbaine, les cités du Vernet sont caractérisées par un
tissu urbain dense composé d'îlots d’habitats qui manquent de centralités. Cette structuration
les a isolées des quartiers environnants à cause des formes urbaines imperméables (grandes
barres) qui ne favorisent pas les rencontres entre les habitants. De plus, les espaces publics
sont aménagés pour les habitants du quartier et ne sont pas conçus pour les visiteurs. De plus,
la vie de quartier n’est pas dynamique à cause du manque d’équipements et de commerces de
proximité.
Pour remédier à ces problèmes, le PNRU propose d’abord de requalifier le cadre de vie :
● En dédensifiant les îlots d’habitats et en désenclavant les quartiers,
● En requalifiant les espaces publics de sorte à créer des centralités urbaines qui
briseront le cœur d’îlot
● En rattachant les cités aux quartiers environnants
● En développant les différents modes de déplacements dans les quartiers (voitures et
mobilités douces)
Puis, de renforcer le lien social et la citoyenneté à travers :
● La diversification des formes d’habitat pour accueillir une population mixte sur le plan
social
● Le renforcement des équipements éducatifs, sportifs et culturels qu’ils soient publics
ou associatifs
Enfin, de développer l’économie et pour cela il faut :
● Développer de nouvelles activités économiques
● Redynamiser l’activité économique à l’intérieur des quartiers
Les quartiers du centre-ville
Le noyau ancien du centre-ville est vraisemblablement le périmètre qui regroupe le plus de
problèmes à Perpignan. Sa population est très pauvre par rapport aux quartiers voisins et à la
38
moyenne nationale. Elle vit dans des conditions sociales et économiques très précaires,
accentuées par un problème d’habitat indigne et un manque de sécurité.
En effet, le cadre de vie n’y est en aucune manière satisfaisant. Comme nous l’avons vu
précédemment les quartiers de la vieille ville sont lotis au Moyen Âge, par conséquent leur
trame urbaine est dense et leurs rues sinueuses présentent un aspect labyrinthique qui rend
difficile l’ouverture de ces quartiers au reste de la ville d’une part, et ne favorise guère la
mobilité en leur sein d’autre part. Quant aux logements, ils sont absolument inadaptés aux
besoins fonctionnels d’une famille moderne. De plus, plusieurs bâtiments sont obsolescents.
Pour agir sur le centre, le PNRU définit une stratégie d’actions autour de deux volets
(l’habitat et l’aménagement) qui vise à donner à la population du centre ancien un meilleur
accès à la vie sociale et économique.
Pour ce qui est de l’habitat, le PNRU prévoit de requalifier 1200 logements et les mettre sur le
marché. L’ANRU compte le faire en incitant les bailleurs privés à investir en proposant des
aides financières avantageuses, et en contraignant les propriétaires à réhabiliter leurs
immeubles par des décrets préfectoraux de péril ou d’insalubrité. Il prévoit aussi des travaux
de dédensification à l’échelle des immeubles et des îlots.
En ce qui concerne l’aménagement, les objectifs s’inscrivent dans une vision plus globale des
quartiers. Le PNRU prévoit de :
● Dédensifier la trame urbaine très dense afin de libérer des surfaces qui serviront à
l’aménagement d’espaces publics et à la facilitation de la circulation piétonne,
● Valoriser l’habitat en créant des espaces extérieurs qualitatifs,
● L’amélioration des équipements socio-éducatifs existants
● Création d’équipements pour favoriser l’accès à la citoyenneté
● Sécurisation du quartier
Il faut noter que les interventions sur l’habitat et les travaux d’aménagement doivent tenir
compte du classement du centre en secteur sauvegardé.
39
Le quartier Baléares rois de Majorque
Le quartier Baléares rois de Majorque est une copropriété privée située dans le quartier Saint-
Martin qui a fait l’objet d’un plan de sauvegarde par arrêté préfectoral à cause de son état
dégradé. Ce quartier ne se situe pas dans une zone urbaine sensible, mais il est circonscrit
dans un périmètre “opération de rénovation urbaine” (ORU).
L’ANRU a ciblé ce quartier pour de nombreuses raisons. D’abord, les conditions d’habitat y
étaient très détériorées et les espaces extérieurs, laissés à l’abandon par le syndicat de
copropriété, étaient fortement dégradés. De plus, ce quartier était concerné par un problème
de communautarisme, car il accueillait quasi exclusivement des Marocains issus de
l’immigration récente (Giband et Siino, 2013), une chose qui va l’encontre du principe de
mixité sociale.
Pour affronter les problèmes d’espaces extérieurs délaissés, le syndicat de copropriété a
transféré la propriété de ces espaces aux collectivités locales pour assurer leur entretien après
leur réaménagement. De plus, le renforcement des espaces publics est prévu pour
accompagner les travaux de réaménagement. Pour rappel, les copropriétés privées ne sont
normalement pas éligibles aux financements de l’ANRU, mais le classement en plan de
sauvegarde de la copropriété des Baléares rois de Majorque lui a permis d’accéder à ces
financements.
Concernant, le problème du repli identitaire dans le quartier, le PRU de Perpignan prévoit de
faire acquérir au bailleur OPAC Perpignan Roussillon 60 logements en vue de les réhabiliter
et les mettre sur le marché sous forme de logements PLAI pour introduire de la mixité dans le
quartier.
40
c) Les acteurs du PNRU
Le schéma ci-dessous montre le jeu d’acteurs dans la rénovation urbaine, ce schéma
s’applique non seulement au PNRU, mais à toutes les autres conventions partenariales
pluriannuelles comme le Programme Quartiers Anciens ou le Nouveau Programme de
Renouvellement Urbain. Le schéma montre également les deux échelles de partenariat
d’acteurs, à savoir le partenariat national et le partenariat local à l’échelle de la collectivité
locale comme c’est le cas de Perpignan.
Figure 14 : Schéma d'acteurs du PNRU. Réalisé par A. Issaad. Source ANRU
41
III. Le PRU de Perpignan : un bilan à ne pas surévaluer
A. Les enjeux du PNRU
1. Favoriser la mixité sociale
“L’apparition du thème de la mixité sociale est liée aux évolutions du peuplement des grands
ensembles d’hlm” (Houard, 2012). La mixité sociale est une notion qui désigne la
cohabitation paisible sur un même territoire de différentes catégories sociales. Elle implique la
diversité de la composition de la population sur les plans socioprofessionnel, ethnique,
générationnel...etc. La loi Borloo la considère comme un principe officiel de la politique du
logement et figure ainsi comme un enjeu important dans le PNRU.
Perpignan est riche sur les plans culturel et ethnique (identité catalane et communautés gitane
et maghrébine) du fait de sa géographie et son histoire, cependant on ne peut parler de mixité
sociale, car les communautés vivent de façon ségréguée dans l’espace, sans réelle
cohabitation avec des liens forts, il suffit de voir les tensions communautaires qui ont lieu lors
des émeutes de 2005 pour s’en rendre compte. Puis, à cette ségrégation ethnique s’ajoutent les
inégalités sociales et territoriales très marquées dans la ville.
Nous verrons ici comment la mixité sociale se crée et comment le PRU de Perpignan a fait
pour l’introduire dans les quartiers qu’il a visés.
D’abord, avant de voir comment se crée la mixité sociale, il est judicieux de nous interroger
sur sa légitimité comme principe d’action dans la politique de la ville. La mixité sociale tient
en effet sa légitimité de deux postulats. Le premier est celui de “l’effet de quartier” développé
par la sociologie américaine que nous pouvons comparer à “l’effet de ZUS” et le deuxième
postulat est celui d’une “atténuation de la distance sociale par la proximité spatiale”
(Lelévrier, 2010). Le premier soutient l’idée que vivre dans un quartier ZUS qui manque de
diversité sociale, par exemple, aurait un effet négatif sur les habitants notamment leur
insertion professionnelle. Le deuxième quant à lui considère que la présence des classes
moyennes constitue un “capital social” et qu’elles favorisent l’intégration des classes dites
populaires.
Introduire de la mixité sociale dans les quartiers défavorisés n’est pas une mission facile, car
elle n’aboutit parfois pas aux résultats escomptés, mais la politique de la ville prévoit
plusieurs moyens de la mettre en place.
42
À l’échelle locale, la diversification de l’habitat constitue l’instrument principal de la
politique de la ville pour introduire de la mixité dans les ZUS. Elle passe par une
transformation du bâti, mais aussi par un réel partenariat d’acteurs du logement tels que les
promoteurs et les bailleurs sociaux.
La diversification de l’habitat est considérée comme un moteur de la mixité sociale, car le
logement est “un signe social de première importance” (Emelianoff et coll., 2009). En effet,
les catégories sociales n’ont pas toutes les mêmes moyens et préférences quand il s’agit de se
loger, les plus aisés préfèrent acheter leurs logements, tandis que les moins aisés préfèrent
louer.
Concrètement, la diversification de l’habitat dans les projets de rénovations passe par la
diversification de l’offre. Cette dernière implique de proposer différents types et statuts de
logement aux clients.
En effet, il existe trois types de logements :
• Logement collectif : ce type d’habitat prend la forme d’un immeuble de plusieurs
étages qui regroupe plusieurs logements destinés à accueillir plusieurs ménages.
• Logement individuel : un logement destiné à accueillir un seul ménage. Il prend la
forme d’une villa, d’une maison, d’un pavillon…etc.
Et plusieurs statuts du logement :
• Prêt social location-accession (PSLA) : un dispositif de l’État mis en place en 2004,
qui permet à certains ménages, sous condition de ressources, d’acheter leur logement
neuf. Les logements éligibles à ce type de financement sont situés dans les opérations
agréées par l’État comme le PNRU.
• Prêt Locatif Aidé d’Intégration PLAI : un dispositif destiné aux personnes en difficulté
sociale et économique qui vivent dans des conditions précaires
• Prêt Locatif à Usage Social PLUS : le dispositif le plus connu, celui qui régit les HLM
traditionnelles.
• Prêt Locatif Social PLS : un dispositif prévu pour les ménages dont les revenus sont
élevés, mais qui ne parviennent pas à accéder au parc locatif privé.
Certains aménageurs et urbanistes comme Jean-Paul Lacaze contestent l’approche de l’ANRU
(2009), il pense que la mixité est liée à la qualité de la vie de voisinage et il considère cette
qualité indépendante de l’urbanisme. Il met en évidence d’autres facteurs comme le
43
peuplement du quartier et son renouvellement, la densité des liens associatifs et l’implication
des acteurs pour n’en citer que quelques un.
Par ailleurs, nous pouvons voir la mise en application du principe de diversification de
l’habitat dans le PRU du Perpignan. La rénovation du quartier Vernet Peyrestortes en est le
parfait exemple (Figure 15).
Dans ce quartier nous pouvons voir comment se mélangent l’habitat individuel et l’habitat
collectif et comment l’offre en matière de logements sociaux est complète (PLAI et PLUS).
Le projet permet aussi aux ménages les plus aisés d’accéder à la propriété pour encourager
l’arrivée de nouvelles catégories sociales dans le quartier.
Figure 15 : L'offre de logement dans le projet de rénovation du quartier Vernet Peyrestortes
À l’échelle du territoire, la mise en œuvre de la mixité sociale s’appuie sur la reconstruction
hors site des logements sociaux. Avant le PRU de Perpignan, la répartition du parc social était
égale entre les deux rives de la Têt, cependant, la rive nord concentrait le plus de logements
sociaux par rapport au nombre de résidences qu’elle accueillait. En effet, plus d’un logement
sur trois au nord était social, tandis qu’au sud c’était moins d’un logement sur dix.
Le problème qui se pose n’est donc pas la répartition égale du parc social, mais la proportion
des logements sociaux dans la rive nord par rapport à la rive sud. Cette différence de
44
proportion a induit la spécialisation des quartiers du Vernet et elle est en partie la cause de
leur image péjorative.
2. Désenclaver les quartiers
Le désenclavement urbain est un des enjeux du PRU de Perpignan car l’enclavement des
quartiers est pointé du doigt comme la principale cause de leur retard de développement
économique et social. Le désenclavement urbain a donc pour objectif de faire sortir ces
quartiers de leur isolement géographique et de les ouvrir à la ville. Son intérêt est de favoriser
les échanges et de tisser des liens entre les quartiers et ainsi casser l’image stigmatisée du
quartier.
L’isolement des quartiers peut être lié à leurs formes urbaines, à leur géographie ou aux deux
simultanément. Dans le cas du centre historique, il s’agit des formes urbaines, car ce quartier
à la trame urbaine dense est loti au Moyen Âge, et il se distingue par sa composition des
quartiers environnants lotis des siècles plus tard aux XIXe et XXe siècles. De plus, sa trame
viaire est caractérisée par des voies étroites et sinueuses qui ne sont pas adaptées à la
circulation automobile d’une part, et n’encourage pas la visite des habitants des quartiers
voisins d’autre part. Dans le cas du Vernet, l’isolement est lié à la géographie, car ce secteur
est séparé physiquement par la Têt, ainsi qu’à ses formes urbaines dites de grands ensembles.
D’après Benjamin Lebrun de la Direction de l'Habitat et de la Rénovation urbaine (DHARU)
le désenclavement des quartiers passe par :
Casser le cœur d’îlot
La démolition n’est pas seulement la conséquence logique de l’état de délabrement d’un
bâtiment comme c’est le cas dans le centre ancien. Les bâtiments concernés par la démolition
dans le cadre du PRU de Perpignan ne sont pas forcément plus insalubres que d’autres. Dans
le Vernet par exemple, des bâtiments sont rasés dans le seul objectif de désenclaver les
quartiers sans prendre en considération leur état physique. La démolition s’inscrit alors dans
une vision globale du quartier qui a pour objectif de « casser » le cœur d’îlot qui caractérise
les grands ensembles de barres.
45
Le cœur d’îlot est la partie centrale d’un îlot laissée vide, entourée de constructions hautes.
Cette forme est contestée par les urbanistes contemporains qui préconisent des îlots ouverts à
la circulation piétonne.
Pour aérer la trame urbaine du quartier Clodion, dix barres ont été complètement rasées
(Figure 16), tandis que deux ont été partiellement démolis. La démolition de ces immeubles a
permis de libérer des surfaces pour créer des espaces verts, des espaces communs et des voies
de circulation intérieure.
Dans le souci de sortir ce quartier de son isolation, les nouvelles constructions et les travaux
de réhabilitation qui ont touché les immeubles conservés ont pris en considération la
cohérence architecturale avec les quartiers environnants. Vu du ciel nous pouvons voir
comment le quartier s’est métamorphosé pour s’intégrer à son environnement urbain.
Création de voies
Les quartiers de grands-ensembles sont conçus par des architectes modernistes qui
considèrent que ce modèle peut être reproduit partout. Ce paradigme urbanistique auquel la
circulaire Guichard a mis fin dans les années 1970 ne prend pas en considération
l’environnement urbain. En conséquence, les formes urbaines qu’il produit sont en rupture
totale avec ses quartiers voisins que ce soit au niveau architectural ou urbanistique.
Cette conception de la cité moderne ne prend également pas compte des constructions futures.
Ses bâtiments massifs finissent ainsi par gêner le développement urbain.
Figure 16 : Le désenclavement du quartier Clodion-Torcatis. Source : IGN
46
En somme, les formes urbaines dites de grands ensembles sont problématiques, car elles sont
en quelque sorte « imperméables » et ne facilitent pas le maillage de la trame viaire. La
démolition est finalement le seul moyen pour créer de nouvelles voies reliant non seulement
le quartier enclavé, mais aussi les quartiers environnants.
La Figure 17 ci-dessous illustre comment la création de la rue Berthe Morisot a permis de
relier la rue Rosa Bonheur et l’avenue de l’Aérodrome.
La création de cet axe traversant s’est accompagnée aussi par l’aménagement d’une aire de
stationnement sur une ancienne friche urbaine.
Création de centralités
La création de centralités passe par la création d’équipements structurants d’une part, et
l’aménagement de places publiques d’autre part.
Les équipements sont nécessaires à la vie de quartiers, car ils constituent un lieu de rencontre
et de socialisation. Certains types d’équipements vont au-delà de cette fonction. En effet, les
équipements éducatifs, sportifs et culturels renforcent la citoyenneté. Le sport par exemple est
un vecteur d’émancipation et il apprend aux jeunes le respect de l’autorité.
Également, la création de centralités est étroitement liée à la mixité sociale. Les équipements
et les places structurants renforcent l’attractivité des quartiers et attirent de nouveaux
résidents, car le choix de futurs locataires ou acquéreurs de logements prend en compte la
présence d’équipements.
Figure 17 : Désenclavement du quartier Vernet Peyrestortes. Source : IGN
47
La coprésence de populations d’origines socioculturelles différentes dans un même quartier
n’est pas un vrai indicateur de mixité vraiment vécue et le rôle des places est de remédier à
cela. En effet, la création de places publiques est importante, car elles sont des lieux de
convivialité, d’interaction et de socialisation qui tissent des liens entre les habitants.
Les places sont aussi utilitaires, car elles peuvent accueillir des festivités, des marchés, des
installations d’art.… etc. La Figure 18 ci-dessous montre une opération de désenclavement
dans le centre ancien, où un parking de cinq étages a été démoli pour y aménager la place de
la République qui abrite un marché alimentaire ouvert six jours par semaine.
Il convient de mentionner qu’une place avait déjà existé à cet endroit. Sa création remonte au
Moyen Âge et elle s’appelait « Coronell d'En Vila ».
B. Les engagements du PRU de Perpignan
1. Le relogement
Les travaux de rénovation urbaine à Perpignan ont engagé de nombreuses opérations de
démolition de logements, par conséquent plusieurs familles étaient contraintes de quitter leurs
logements.
Néanmoins, ces familles et ménages ne sont pas laissés à leur sort. Le relogement des
ménages constitue en effet un des engagements contractuels du PNRU. D’ailleurs, la qualité
de sa mise en œuvre est essentielle pour la réussite du projet urbain. L’ANRU définit trois
orientations pour les opérations de relogements :
Figure 18 : Opération de désenclavement dans le centre ancien. Source : IGN
48
• Favoriser la mobilité résidentielle des ménages
• Permettre l’insertion sociale des ménages défavorisés
• Contribuer à la mixité sociale à l’échelle du quartier et de l’agglomération
Le relogement fait partie des opérations financées par l’ANRU. Elle finance effectivement des
équipes spécialisées dans la mise en œuvre du relogement et du suivi des personnes et
familles touchées. Ces équipes sont composées essentiellement de conseillers en économie
sociale et familiales4
(CESF) qui repèrent les personnes ayant besoin d’accompagnement
individualisé parce que l’accompagnement fourni n’est pas standardisé, les cas sont traités
individuellement pour pouvoir apporter des réponses adaptées. Les travailleurs sociaux
rencontrent les personnes concernées pour connaître leurs capacités et recueillir leurs souhaits
en matière de logement. À partir de ces informations, les CESF chercheront les logements
adaptés à leur proposer.
Le relogement n’est pas une épreuve facile. Pour certains, le processus est simple et se
déroule doucement. Pour d’autres, le relogement est très mal vécu. Il peut effectivement les
perturber s'ils se sentent déracinés de leur milieu d’origine où ils ont construit leurs vies. Pour
ces personnes, un suivi social est prévu pour assurer leur insertion dans leurs nouveaux
quartiers.
Dans le contexte de Perpignan, il faut noter que nous avons deux types de relogement. D’une
part le relogement des personnes vivant dans le parc locatif social (Ex. : Vernet), d’autre part
nous avons le relogement des personnes vivant dans le parc locatif privé (Ex. : Centre-ville).
Dans le premier cas, la mise en œuvre du relogement est relativement facile. Les bailleurs
sociaux proposent aux locataires d’autres logements dans leur parc locatif. Les locataires sont
souvent relogés dans des logements similaires aux logements qu’ils ont occupés initialement,
mais ce n’est pas toujours le cas. Prenons le cas des familles, où de jeunes adultes vivent avec
leurs parents. Pour cette catégorie, on privilégie la décohabitation, c’est-à-dire, de séparer la
cohabitation en proposant aux jeunes des studios, et à leurs parents des logements en tenant
compte de leurs moyens et du nombre d’enfants mineurs.
Dans le deuxième cas, le relogement est plus difficile. Dans le centre ancien, par exemple, le
processus est très complexe. Les bâtiments ne sont parfois pas aux normes, certains doivent
être réhabilités, d’autres complètement démolis. Les porteurs du projet avant de procéder au
4
Un conseiller en économie sociale et familiale désigne un travailleur social en France.
49
relogement, ont fait appel aux compétences du bureau d’études Urbanis à la suite d’un appel
d’offres, afin de réaliser une enquête pour déterminer le degré d’insalubrité des immeubles.
Ce travail repose sur une méthode très rigoureuse qui s’appuie sur une grille d’insalubrité qui
détermine un coefficient d’insalubrité. En effet, il existe deux types d’insalubrité qui
impliquent deux procédures :
1. Insalubrité remédiable : un arrêté préfectoral oblige les propriétaires à réaliser des
travaux, dans un délai bien précis, pour remédier aux problèmes d’insalubrités pour
réintégrer les locataires. Dans certains cas, le préfet peut prononcer une interdiction
temporaire d'habiter dans les lieux.
2. Insalubrité irrémédiable : celle-ci concerne les immeubles ayant des problèmes
structurels. Le préfet oblige les propriétaires à évacuer l’immeuble dans l’immédiat et
réaliser des travaux lourds.
Dans le cas où les locataires sont contraints de quitter leurs logements, leurs contrats de
location sont suspendus et les propriétaires sont dans l’obligation de les reloger. Si les
propriétaires ne répondent pas à leurs engagements, le centre communal d’action sociale
(CCAS) s’occupe des locataires. Le CCAS de Perpignan dispose en effet de 22 logements
temporaires.
Les acteurs du relogement
Le schéma ci-dessous (Figure 19) est réalisé grâce aux informations recueillies auprès de
Mme Sylvie Parédes (service parc social et relogement de la DHARU). Il explique le jeu
d’acteurs dans le domaine du relogement.
50
Figure 19 : Schéma montrant le jeu d'acteurs du relogement dans le cadre du PRU de Perpignan. Réalisé par A. Issaad.
Source : DHARU
2. L’insertion professionnelle
Le PNRU n’a pas pour vocation d’intervenir uniquement sur le tissu bâti. Bien que la
rénovation urbaine nécessite naturellement de démolir pour désenclaver les quartiers à
Perpignan, elle s’inscrit dans une démarche globale qui pour première occupation d’améliorer
le cadre de vie des habitants, et cela passe nécessairement par l’insertion professionnelle.
Nous avons vu précédemment comment la situation de l’habitat affecte l’emploi des habitants
des quartiers prioritaires. C’est dans cette logique que la loi du 1er
août 2003 a souhaité que le
PNRU soit aussi un « levier » pour l’insertion dans l’emploi pour lutter activement contre le
chômage qui touche davantage les ZUS que les autres territoires urbains.
51
Pour dynamiser le processus d’insertion professionnelle, le conseil d’administration de
l’ANRU a mis en place, en février 2005, une charte nationale d’insertion. La charte stipule à
propose de ses objectifs que « la contribution des projets aidés par l’ANRU au développement
durable des quartiers concernés résulte notamment de la complémentarité des interventions
qu’ils prévoient sur le cadre urbain avec les actions de développement économique et social
des quartiers » (voir annexe 4).
En effet, ce document contraignant a pour rôle d’imposer au niveau national une obligation de
résultat quand il s’agit de l’insertion dans l’emploi. Concrètement, elle oblige les partenaires à
faire participer les habitants des ZUS dans le projet de rénovation par l’emploi. À cet égard,
au moins 5% des heures travaillées dans les limites des actions financées par l’ANRU doivent
être consacrées aux habitants des ZUS. Il en va de même, cette fois à hauteur de 10%, pour les
emplois créés dans le cadre de la gestion urbaine de proximité (GUP) ou de la gestion urbaine.
Pour mettre en œuvre l’insertion professionnelle, la mise en place d’un plan local
d’application de la charte d’insertion (PLACI) est indispensable. Il convient de mentionner
que ce plan doit être signé dans les six mois qui suivent la signature de la convention entre
l’ANRU et le porteur de projet.
Le PLACI est élaboré par le porteur de projet en collaboration avec le préfet et les partenaires
locaux. Le plan doit prévoir un diagnostic de l’emploi sur les quartiers concernés par le
PNRU ; un engagement sur le respect des objectifs en matière d’insertion que nous avons
cités précédemment ; la création d’une structure opérationnelle qui rassemble les maîtres
d’ouvrages et les acteurs publics de l’emploi ; un dispositif de pilotage et de suivi des
objectifs d’insertion ; et l’information des habitants des ZUS concernées.
À Perpignan, les acteurs de l’emploi pendant la mise en œuvre du PNRU sont :
• L’État
• La Fédération Française du Bâtiment
• Pôle emploi
• Les chambres artisanales
• La DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi)
• La Mission locale jeunesse
• La CAPEB (Confédération Artisans Petites Entreprises Bâtiment)
52
• Les partenaires historiques
o L’agglomération
o Office Perpignan Méditerranée
o Ville de Perpignan (Mairie)
De surcroît, l’insertion des habitants des ZUS passe par l’organisation de réunion
d’information dans les quartiers qui encouragent les habitants sans emplois à déposer leurs
CV. Elle se fait également en partenariat avec Pôle emploi qui crée des ateliers d’orientation
et évalue les compétences de chaque demandeur d’emploi de ces quartiers et l’oriente selon
son profil dans le secteur adapté.
3. La gestion urbaine de proximité
La gestion urbaine de proximité figure parmi les engagements du PRU de Perpignan. Elle
correspond à un levier indispensable à l’harmonisation des initiatives des acteurs du PRU
comme la ville de Perpignan, les bailleurs sociaux de la ville, les associations citoyennes,
Préfecture des Pyrénées-Orientales… etc.
Elle correspond à un dispositif mobilisé dans les opérations de rénovation urbaine, qui permet
de mutualiser les moyens mis sur le terrain. Ce dispositif s’inscrit dans le PRU de Perpignan
pour montrer l’engagement des différents acteurs à s’impliquer dans la réussite du projet
urbain. De plus, c’est un moyen de pérenniser les investissements colossaux mobilisés pour
redynamiser les quartiers défavorisés.
À Perpignan, sa mobilisation passe par la signature d’une convention entre les acteurs
mentionnés ci-haut qui définit une stratégie qui repose sur deux lignes prioritaires :
La sécurité et la tranquillité
Elle passe par :
• La sécurité passive assurée par :
o L’amélioration de l’éclairage
o La mise en place d’équipements anti-vandalisme
o Le contrôle des accès
53
o La vidéoprotection... etc.
• La prévention et la régulation assurée par :
o L’accompagnement social de proximité pour les personnes en difficulté
o Les animations de quartier
o Une politique de peuplement
• La répression et la dissuasion assurée par
o Renforcement de la présence des forces de l’ordre
o Lutte contre les incivilités
L’amélioration du cadre de vie
Elle passe par :
• Propreté, entretien et maintenance qui passent par :
o La coordination des interventions avec les habitants
o Le contact permanent avec la population
• Aménagements et services de proximité :
o Création d’équipements de proximité (ex. espace sportif de proximité pour le
quartier des Baléares Rois de Majorque)
o Programmation des activités en concertation avec les utilisateurs
o Résidentialisation
C. Le bilan du PRU de Perpignan
1. Synthèse des actions du PRU de Perpignan
Des masses financières colossales ont été allouées au PRU de Perpignan, en effet, les sommes
que les quartiers du Vernet et du centre-ville ont touchées sont estimées à 228 M€ (Figure 20).
Dans cette partie nous établirons un bilan synthétique des opérations financées par l’ANRU.
Pour cela nous nous intéresserons dans un premier temps aux opérations de démolition-
54
reconstruction et de réhabilitation, et dans un second temps aux opérations de
résidentialisation, d’aménagement et d’équipement.
a) Opérations de démolition-reconstruction et de réhabilitation
Les opérations de rénovation urbaine sont souvent reçues par leurs détracteurs comme des
opérations de démolition-reconstruction (Epstein, 2014), néanmoins, le recours à la
démolition est nécessaire pour désenclaver les quartiers et dédensifier leur part d’habitat
social.
Les travaux de démolition à Perpignan ont été financés à hauteur 10,9 M€ et ont touché 531
logements (Figure 21) :
• 184 logements à Clodion-Torcatis
• 170 logements à Vernet-Peyrestortes
• 177 logements à Vernet-Salanque
Le PNRU a financé la reconstruction de 532 logements, presque le même nombre de
logements démolis. Pour dédensifier la part des logements sociaux dans les quartiers, 296
habitations ont été construites hors site. La typologie de logements reconstruits dans les
Figure 21 : Les opérations de démolition dans les quartiers du Vernet. Source : DHARU
Figure 20 : Répartition du budget du PRU de Perpignan. Réalisé par A.
Issaad. Source : DHARU
55
quartiers est diversifiée pour créer de la mixité sociale dans les quartiers (pour en savoir plus,
voir page 41).
Le PNRU ne prévoit pas que des démolitions-
reconstructions, il mobilise aussi la réhabilitation.
Cette dernière permet d’améliorer l’habitabilité
des logements dégradés, de les mettre aux normes
et de revaloriser leurs façades.
Les réhabilitations permettent également
d’intégrer les bâtiments conservés des grands
ensembles au paysage urbain.
Au total, l’ANRU a financé 1448 opérations de réhabilitation pour un coût de 18,2 M€. Ce
montant est important et montre la volonté de l’ANRU et des acteurs de ne pas seulement de
démolir et reconstruire comme les critiques le suggèrent.
Il est à noter que plusieurs projets de production de logements, qui entrent dans le cadre de
diversification de l’habitat, ont été annulés. L’annulation a touché la quasi-totalité des
logements de type « location libre », c’est-à-dire, ceux dont l’attribution n’exige aucun
plafond de ressources ; et une partie des logements en accession.
Les annulations se répartissent par quartier comme suit :
• Vernet Clodion-Torcatis-Roudayre :
o 33 logements en « location libre »
• Vernet-Salanque :
o 18 logements en « location libre »
o 59 logements en « accession »
Selon Mme Isabelle Medjani, chef de projet dans le secteur du Vernet pendant la mise en
œuvre du PRU de Perpignan, ces projets de diversification ont été annulés, car les
investisseurs ne pourraient pas les rentabiliser. D’après elle les logements de type
« accession » déjà construits avaient échoué par le passé. Elle identifie la réputation du Vernet
comme principale cause de cet échec.
Figure 22 : Immeubles rénovés à Saint-Mattieu (rue
François Arago). Auteur : Marchesan, 2009
56
Pour elle, l’image négative est très forte et elle empêche les efforts des acteurs à introduire la
mixité sociale dans les quartiers. Elle dit à ce titre que « la mixité sociale ne se décrète pas ».
b) Opérations de résidentialisation, d’aménagement et d’équipement
La résidentialisation est l’action de
revaloriser l’habitat par la création d’espaces
intermédiaires dont les usages sont bien
définis. Elle cherche à requalifier les espaces
urbains dans l’intérêt d’améliorer
l’environnement urbain et paysager ainsi que
le cadre de vie des habitants.
Le PRU de Perpignan a permis de réaliser
1268 opérations de résidentialisation et a
consacré 7,3 M€ à cet effet.
Comme nous l’avons vu précédemment, la création de centralités par l’aménagement et la
création d’équipements sont nécessaires au désenclavement des quartiers (voir page 44)
d’ailleurs, les dépenses liées aux travaux d’aménagement s’élèvent à 39 M€, et à la réalisation
d’équipements à 41,5 M€.
Le tableau ci-dessous recense les opérations les plus importantes dans les trois secteurs visés
par le PNRU :
Centre-ville Le Vernet Copropriété des Baléares
Rois de Majorque
• Création de la place
Cativa à Saint-Matthieu
• Réalisation d’un parking
souterrain
• Réaménagement de la
place Cassagnes
• Création de la maison des
associations
Clodion-Torcatis
• Nouveau stade Jules
Sbroglia
• City stade (de proximité)
• Jardins familiaux
• Centre de formation
USAP5
• Extension du groupe
scolaire Victor-Duruy
• Espace sportif de
proximité
• Centre social (maison de
Saint-Martin)
• Centre de loisirs
5
USAP : Union sportive arlequins perpignanais
Figure 23 : La copropriété des Baléares Rois de Majorque
après la résidentialisation. Auteur : Marchesan, 2009
57
• Création d’une aire de
jeux à Saint-Matthieu
• Aménagement de la place
République
• Centre commercial
• Parc urbain
• Parking IRTS6
Vernet-Peyrestortes
• Espace Aquatique Arlette
Franco
• Espace Primavéra
• Musée Bella
Vernet-Salanque
• Extension du centre social
• Nouvelle halte-garderie
• Maison des associations
• Aire de jeux
• Stade
2. Étude de l’impact socio-économique
Dans cette partie nous étudierons l’impact socio-économique du PNRU sur les quartiers
défavorisés qu’il a ciblés en vue d’évaluer son efficacité à remédier aux problèmes socio-
économiques qu’ils rencontrent.
La démarche que nous suivons pour étudier l’impact consiste à faire une analyse comparative
des données qui concernent le niveau de vie, l’insertion dans l’emploi et l’éducation, car ils
constituent les axes prioritaires de la politique de la ville en général et du PNRU en
particulier. L’étude de l’impact passe par l’interprétation des données provenant de l’INSEE
et les cartes créées à partir d’elles.
Les données auxquelles nous nous intéressons relèvent en effet de deux périodes, celle
d’avant la mise en application du PNRU en 2005, et celle d’après la fin du programme en
2013.
6
IRTS : Institut régional du travail social
58
a) Le niveau de vie
Le niveau de vie est un moyen de mesurer les conditions et moyens d'existence d'une
personne, d’une famille ou d'une population. En statistiques le niveau de vie peut être mesuré.
En effet, l’INSEE le définit comme le « revenu disponible du ménage divisé par le nombre
d'unités de consommation (UC) ». Nous pouvons donc grâce au revenu médian voir
l’évolution du niveau de vie au sein d’une population.
Figure 24 : Revenu médian par habitant (unité de consommation) à l'échelle des IRIS en 2014 – réalisé par A. Issaad en
2019. Sources : INSEE et IGN
59
Nous avons vu dans le chapitre précédent que les quartiers circonscrits dans le périmètre du
PRU de Perpignan touchaient les revenus les plus faibles de la commune (Figure 12, voir
partie II.C.1). Si nous comparons les données de 2005 aux données de 2014, nous
remarquerons une augmentation des revenus fiscaux à l’échelle de la commune, mais peu de
changements au niveau de l’inégalité territoriale. En effet, ces quartiers concentrent encore les
ménages les plus défavorisés de Perpignan.
En ce qui concerne l’inégalité de revenus à l’échelle des quartiers, si nous observons l’indice
de Gini de chaque IRIS, nous verrons la même chose. Les quartiers rénovés concentrent le
plus d’inégalités de revenus en leur sein.
À partir de ce constat, nous pouvons dire que la rénovation des quartiers n’a pas eu l’effet
escompté sur l’amélioration du niveau de vie des habitants, d’autant plus que, les données de
la CAF semblent (Figure 26) affirmer cette réflexion.
Figure 25 : Indice de Gini à l'échelle des IRIS en 2014 – réalisé par A. Issaad, en 2019. Sources : INSEE et IGN
60
En effet, les allocataires dont les revenus sont constitués entièrement d’allocations sociales se
concentrent dans les zones urbaines sensibles, néanmoins le quartier Clodion-Torcatis
échappe à cette règle. Malgré qu’il concentre les ménages les plus pauvres en 2014, son taux
n’est pas très différent des quartiers voisins.
Figure 26 : Taux d'allocataires dont le revenu est constitué à 100% de prestations sociales à l'échelle des IRIS en 2017 –
réalisé par A. Issaad en 2019. Sources : INSEE et IGN
LE PNRU DE PERPIGNAN : Le remède efficace à la crise urbaine ?
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LE PNRU DE PERPIGNAN : Le remède efficace à la crise urbaine ?

  • 1. UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN VIA DOMITIA Faculté de Lettres et de Sciences Humaines LE PNRU DE PERPIGNAN Le remède efficace à la crise urbaine ? Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD Master I Urbanisme, Habitat et Aménagement – 2018/2019 Sous la direction de Monsieur Sylvain RODE
  • 2. 2 UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN VIA DOMITIA Faculté de Lettres et de Sciences Humaines LE PNRU DE PERPIGNAN Le remède efficace à la crise urbaine ? Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD Master I Urbanisme, Habitat et Aménagement – 2018/2019 Sous la direction de Monsieur Sylvain RODE
  • 3. 3 Remerciements Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance à mon directeur de mémoire, Monsieur Sylvain Rode, pour sa disponibilité, son encadrement et surtout ses conseils, qui ont aidé à alimenter mon travail de recherche. Je remercie également Monsieur Benjamin Lebrun, chef de projet Rénovation Urbaine à la ville de Perpignan pour son accueil et les informations qu’il m’a données. Je remercie aussi Madame Sylvie Parédes du service Parc social et Relogement de la ville de Perpignan pour les éclaircissements qu’elle m’a fournis sur de nombreux sujets. Je remercie aussi Madame Isabelle Medjani, chef de projet Diagonale du Vernet, pour ses informations et surtout les nombreux documents qu’elle a mis à ma disposition. Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à mes parents et mes amis pour leur soutien inestimable durant la rédaction ce mémoire.
  • 4. 4 Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 5 I. L’émergence des quartiers en crise et le contexte perpignanais.................................. 7 A. Quartiers en crise, entre grands ensembles et habitat indigne..................................... 7 B. Comment est née la crise urbaine ? ........................................................................... 15 II. L’ANRU : un acteur de la politique de la ville ............................................................ 22 A. La rénovation urbaine, un outil de la politique de la ville......................................... 22 B. L’ANRU et ses objectifs............................................................................................ 28 C. Le PNRU et l’espoir de Perpignan de sortir de la crise............................................. 31 III. Le PRU de Perpignan : un bilan à ne pas surévaluer................................................. 41 A. Les enjeux du PNRU ................................................................................................. 41 B. Les engagements du PRU de Perpignan.................................................................... 47 C. Le bilan du PRU de Perpignan .................................................................................. 53 Conclusion............................................................................................................................... 65
  • 5. 5 Introduction Pendant les années soixante et soixante-dix, Perpignan était une ville prospère en pleine croissance économique grâce à sa localisation au cœur d'un bassin agricole, industriel et touristique. Mais vingt ans plus tard, la ville est plongée dans une crise urbaine. À la fin des années quatre-vingt-dix, un tiers des actifs perpignanais sont soit bénéficiaires du Revenu Minimum d'Insertion (RMI), soit au chômage. De plus, la ville de Perpignan compte en 1996 deux Zones Urbaines Sensibles (annexes 1 et 2) situées sur les deux rives de la Têt et accueillant 33% de la population. L’une concerne les quartiers Saint-Jacques, Saint-Matthieu et La Réal du centre historique, et l’autre concerne les quartiers Vernet-Clodion-Torcatis- Roudayre, Vernet-Peyrestortes et Vernet-Salanque. Pour faire face aux problèmes et fléaux liés la crise urbaine à Perpignan, le maire -Jean-Paul Alduy- a signé avec l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et d’autres acteurs une convention qui s'inscrit dans le programme national de la rénovation urbaine (PNRU). La signature de cette convention vient après l'échec des nombreux contrats précédents, notamment les contrats de ville monocommunale, dit XIe plan (1993-1999) puis intercommunal, dit XIIe plan (2000-2006) à cause de leurs moyens inadaptés. Cette convention plus récente se veut plus efficace, elle est censée apporter des réponses plus adaptées et vise le renouvellement urbain et plus spécialement la mixité sociale, à travers une politique de réhabilitation et de démolition-reconstruction des quartiers dégradés ou enclavés. La convention vise non seulement les ZUS de Perpignan, mais aussi la copropriété des Baléares Rois de Majorque. Cette dernière n’est pas située dans une ZUS, mais dans un autre périmètre appelé « opération de renouvellement urbain » (ORU). Le classement en ORU permet en effet à cette copropriété privée de bénéficier des financements de l’ANRU. Par ailleurs, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est lancé après la promulgation de la loi du 21 février 2014. La ville de Perpignan est à nouveau concernée par un projet de l’ANRU puisqu’elle a signé sa convention en fin 2015. La nouvelle convention concerne les mêmes quartiers du centre ancien et de nouveaux quartiers comme la diagonale du Vernet et les Champs de Mars. Le NPNRU semble avoir les mêmes objectifs de mixité sociale et de désenclavement que le PNRU. Son lancement nous invite ainsi à dresser un bilan de son prédécesseur. Les quartiers
  • 6. 6 d’habitat social des villes françaises connaissent effectivement depuis leur création la paupérisation accrue de leur population. À Perpignan, le problème est double, car l’habitat ancien dégradé du centre-ville s’ajoute aux grands-ensembles du Vernet. L’intérêt de dresser un bilan du PNRU à Perpignan est de remettre en question son efficacité à remédier aux problèmes de la crise urbaine. Le lancement du NPNRU nous pousse à nous demander si la stratégie de démolition-reconstruction du PNRU a eu une véritable incidence sur les inégalités sociales et économiques subies par la population des quartiers qu’il a visés. Pour dresser ce bilan, le recours à des données statistiques est un indispensable. Elles nous permettront d’établir une comparaison entre la situation des quartiers avant le PNRU et après. Pour interpréter les données, nous mobiliserons les logiciels de SIG (système d'information géographique), et de statistiques pour créer des cartes qui nous faciliteront l’analyse des données. Pour traiter ce sujet, nous nous intéresserons dans un premier temps aux quartiers en crise. Nous aborderons ainsi l’histoire des grands ensembles en France, le contexte perpignanais et comment naît la crise urbaine (I). Nous verrons dans un second temps comment la rénovation urbaine est un instrument de l’ANRU et de la politique de la ville avant d’étudier le contexte de crise urbaine à Perpignan et comment le PNRU se veut un remède à cette crise (II). Enfin, nous étudierons les actions du PNRU et leur bilan à Perpignan (III).
  • 7. 7 I. L’émergence des quartiers en crise et le contexte perpignanais A. Quartiers en crise, entre grands ensembles et habitat indigne Nous appelons les quartiers en crise, les quartiers qui rencontrent le plus de difficultés socio- économiques. Ces dernières ont en effet mis les quartiers défavorisés dans une spirale vicieuse parce que leur représentation négative dans la société empêche l’insertion de certains de ses habitants dans le marché du travail et parfois même dans la société. Le travail constitue une source de richesse est aussi un moyen de socialisation (Durkheim, 1893), donc son absence se traduit inéluctablement par une isolation socio-économique difficile à surmonter, ainsi la situation des quartiers en crise se dégrade davantage ainsi que leur réputation. Les formes urbaines dites de grands ensembles qui sont apparues à la moitié du XXe siècle constituent aujourd’hui les lieux privilégiés des crises urbaines. Cependant, ces quartiers constitués de barres et de tours ne sont pas seuls, en effet certains quartiers dégradés par l’effet du temps et de l’abandon sont aussi concernés. Dans cette partie, nous étudierons dans un premier temps l’histoire des grands ensembles en France et dans un deuxième temps leur histoire à Perpignan. En ce qui concerne les quartiers dégradés, nous nous contenterons de traiter l’exemple du centre historique à Perpignan. Nous justifions cela par la divergence des quartiers dégradés sur plusieurs points, notamment l’histoire, les formes urbaines et la localisation. Il n’est donc pas pertinent d’étudier l’histoire des quartiers dégradés de façon globale à l’échelle de la France. 1. Les grands ensembles : une réponse à la crise de logement La guerre mondiale et la crise de logement : À la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, la France connaît une crise de logement sans précédent en raison des nombreux bombardements qui ont touché les villes françaises telles que le Havre, Caen ou Lorient pour n'en citer que quelques-unes. Ces bombardements ont détruit et endommagé des millions de logements, ils ont ainsi affecté sévèrement le parc immobilier sur les plans qualitatif et quantitatif. En effet, le nombre de sans-logis à cette période est estimé à trois millions de personnes. Ils s’abritaient dans des baraques et certains s’étaient même réfugiés dans des bâtiments endommagés. Il faut noter qu’à ces trois millions
  • 8. 8 de sans-logis s’ajoutent aussi des millions de familles pauvres qui habitent dans des taudis qui manquent des conditions minimales de confort et d’hygiène. Pour répondre à cette situation critique, la France crée le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) en 1944 et met Paul Dautry à sa tête. Ce ministère avait trois attributions : la direction de la construction, la direction de la reconstruction et la direction de l’aménagement du territoire (Voldman, 2012). Le contexte économique de l’époque étant difficile, le MRU devait construire beaucoup de logements à moindre coût et le plus rapidement possible. Pour parvenir à cet objectif, il fallait repenser la manière de faire l’habitat. Le ministère a donc mis en place des « chantiers expérimentaux » (Figure 1) qui ont pour mission de développer de nouvelles formes de bâtiments dans une logique d’industrialisation du processus de production du logement. En effet, l’industrialisation avec l’organisation rationnelle du travail (Taylorisme) était perçue comme le moyen incontournable pour accélérer la construction, la reconstruction et la modernisation du parc immobilier à la fois vétuste, insalubre et surpeuplé. Les chantiers expérimentaux ont été donc l’occasion de tester les nouvelles méthodes de construction et de les comparer. Ils ont par ailleurs introduit de nouveaux procédés comme la préfabrication de certains éléments du bâti dans les usines et l’assemblage aisé et simplifié de ces éléments sur le chantier. Ce nouveau paradigme dans le secteur du bâtiment a produit ce que nous appelons aujourd’hui les grands ensembles. Ces derniers désignent des groupes d’immeubles en forme de barres ou de tours, souvent d’habitations à loyer modéré (HLM).
  • 9. 9 Figure 1 : Un chantier expérimental à Creil. Source : Archives nationales 771080/34, MRU, 1951. Les Trente Glorieuses la multiplication des grands ensembles : La partie précédente a abordé le contexte de l’après-guerre et la naissance du nouveau paradigme des grands ensembles dans la politique de la ville en France. Dans cette partie, nous verrons comment la croissance économique qu’a connue la France pendant les Trente Glorieuses et les changements sociaux culturels qu’elle a entraînés ont favorisé l’essor et la multiplication des grands-ensembles. L’expression « Trente Glorieuses » apparaît pour la première fois en 1979 dans le titre de l’ouvrage de Jean Fourastié. Cette expression renvoie en effet à une période de trente ans (1945-1975) où la France connaît de grandes transformations à la fois économiques, démographiques et socioculturelles (Lejeune, 2015). Tout d’abord, le relèvement économique de la France s’inscrit dans un contexte mondial nouveau, celui de la naissance de l’économie occidentale particulièrement avec la création de
  • 10. 10 l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) dans le cadre du plan Marshall (1947-1948) qui devient en 1961 l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) après l’adhésion d’autres pays, notamment les États- Unis et le Canada. Ce contexte économique mondial marqué par la coopération entre les états a favorisé les échanges et a permis à l’économie mondiale de croître considérablement. La France n’échappe pas à cette tendance globale, en effet elle a réussi à développer sa production industrielle et accélérer la motorisation de son secteur agricole. D’ailleurs, ce dernier est passé de 106 900 tracteurs en 1948 à 305 400 en 1955. Le taux de croissance de la production intérieure brute (PIB) pour la décennie 1949-1959 atteste également du relèvement économique de la France, il se situe entre 4,5% et 4,6%. À titre de comparaison, celui des États-Unis est situé entre 3,3% et 3,5% (Lejeune, 2015). Ensuite, la croissance économique que connaît la France va de pair avec la demande accrue de logements par les salariés. En effet, elle a induit un exode rural vers les villes. À cette période, nous pouvons dire que la France n’était plus dans la phase de la reconstruction nationale, mais plutôt dans la phase de construction, c’est-à-dire, les besoins en matière de logements ne sont plus les mêmes, désormais la France cherche à loger les salariés et non les sinistrés de la guerre. Pour continuer, la production de logements connaît un essor important : 100 000 logements sont produits par an dans les années 1950, 300 000 en 1958 et 550 000 dans les années 1970 (A. Fourcaut). La création de grands-ensembles semble être la direction prise par la France dans sa politique publique, vraisemblablement parce que seul ce modèle d’urbanisme permet de répondre à la demande. « Les banlieues françaises se couvrent de cités nouvelles, édifiées rapidement, composées d’au moins 1 000 logements (plus de 10 000 aux Minguettes à Vénissieux près de Lyon ou à Sarcelles en banlieue nord de Paris) ; l’industrialisation du bâtiment, l’avance de l’industrie française du béton armé, l’imposition de normes et de plans types pour les appartements conduisent à privilégier des formes simples, des barres et des tours sur des grandes parcelles de terrain » - Annie Fourcaut. En somme, la France des Trente Glorieuses a connu un relèvement de son économie et une industrialisation qui lui ont permis d’atteindre un taux de croissance considérable. Par ailleurs, ce relèvement est accompagné par une transformation démographique et socioculturelle notamment le baby-boom, l’exode rural et la naissance de la société de consommation. Ce changement marqué par l’urbanisation de la France a entraîné la création de villes nouvelles en forme de grands-ensembles, d’ailleurs le parc immobilier en France est passé de 12,7
  • 11. 11 millions en 1946 à 21 millions en 1975. La part du logement social créé est estimée à près de 3 millions, dont un tiers sous forme de grands ensembles. 2. Perpignan : des grands ensembles et un centre ancien dégradé Les quartiers qui regroupent le plus de difficultés sociales et économiques à Perpignan se situent dans deux zones urbaines sensibles dont l’habitat est soit social sous forme de grands ensembles, soit ancien et vétuste. Afin d’avoir une idée claire sur les quartiers en crise perpignanais nous nous intéresserons dans un premier temps à la création des grands ensembles, et dans un second temps au contexte du centre historique. a) Les grands ensembles à Perpignan : deux contrastes Antoine de Roux affirme dans son ouvrage (2014) sur l’évolution spatiale de la ville de Perpignan que « dans les années soixante, il était nécessaire de produire [en parlant de logements] vite et à grande échelle », la manière de produire des logements à Perpignan à cette période n’est effectivement pas différente du reste de la métropole, car il n’y a pas eu de prise de conscience par rapport au caractère néfaste de la production de grands ensembles comme c’est le cas dans les années soixante-dix, notamment après la diffusion de la circulaire Guichard du 21 mars 1973 qui visait à prévenir la production de grands ensembles. Pour traiter le sujet des grands ensembles à Perpignan, nous étudierons d’abord l’histoire des grands ensembles réalisés dans le Vernet, puis nous traiterons de l’histoire du Moulin à Vent. Le Vernet Tout d’abord, pour satisfaire le besoin en matière de logements, la ville de Perpignan crée au début des années trente son office d’habitations à bon marché (HBM). Cet office a pour but la réalisation et la gestion du parc social locatif. Comme son nom l’indique, l’office propose une offre locative à bon marché, destinée d’abord à loger les ménages aux revenus modestes et plus tard des rapatriés de l’Afrique du Nord après la décolonisation.
  • 12. 12 Dans les années cinquante, les logements de l’office HBM sont réalisés au nord de la Têt, sur les terrains en extrême périphérie du Haut-Vernet et au Moyen-Vernet, car ces derniers étaient desservis par les trolleybus. Une deuxième raison est la présence d’une zone industrielle d’environ 30 hectares qui constituait un important pôle d’emplois dans le secteur. Le développement du parc locatif s’est poursuivi dans les trois prochaines décennies. Cette fois, la forme d’urbanisation dite de grands ensembles est privilégiée compte tenu de la demande (4000 demandes de logements déposées à l’office HBM, dont un quart, proviennent des rapatriés de l’Afrique du Nord). Par conséquent, trois groupes d’environ 400 logements sont construits entre 1966 et 1979 dans le Bas-Vernet, et 1050 logements sont construits entre 1969 et 1989. En outre, entre 1963 et 1982 le développement du parc HLM s’est fait, à l’exception du Champs de Mars, exclusivement au nord de la Têt, par conséquent les deux rives de la Têt se sont construit deux images contrastées. Antoine de Roux (2014) dit à ce titre : « Tous ces logements ont été construits au nord de la Têt, renforçant ainsi l’image très différenciée entre les quartiers nord de la ville à dominante populaire, et les quartiers sud, au caractère résidentiel et petit bourgeois assez marqué ». La cité du Moulin à Vent Le projet du Moulin à Vent remonte aux Trente Glorieuses, ses travaux ont commencé en 1962 et ils sont finis au milieu des années 1980. Il s'agit d'un grand-ensemble de tours qui s'étend sur surface d’une centaine d’hectares (deux fois la surface de la vielle ville), destiné à loger les rapatriés de la guerre d’Algérie et les familles les plus aisées. L’objectif de l’opération était de favoriser l’accession à la propriété des classes moyennes. Figure 2 : Photo aérienne des quartiers du Bas-Vernet avant le début des travaux. Source : ANRU
  • 13. 13 Bien que la cité Moulin à Vent ne soit pas une ville nouvelle, car elle n’a pas le statut administratif, elle a été promue comme telle par ses promoteurs. Son image forte a donné aussi cette impression aux Perpignanais. Ce projet de 5385 logements, implanté à 3 km du Castillet, a été initié par la ville de Perpignan qui a constitué la Société immobilière de la ville de Perpignan (SIVP) pour le réaliser. Il s’agit d’une société d’économie mixte (SEM) qui regroupe la ville, la chambre de commerce et les 6 banques implantées à Perpignan. De surcroît, la cité ne bénéficie pas d’un site exceptionnel en termes de vues ou de végétation et malgré sa surface importante, « le Moulin à Vent n’a jamais eu l’image négative qu’on a donnée aux grands ensembles ». Au contraire grâce à ses équipements le quartier s’est fait une bonne réputation qui a même encouragé des opérations privées autour de lui pour bénéficier de son image positive. En somme, nous avons vu deux exemples de développement de grands-ensembles : le premier concentre le maximum de problèmes (De Roux, 2014) du fait de son isolement et sa marginalisation qui l’ont dévalorisé sur le plan social par rapport au reste de Perpignan, tandis que le deuxième est réussi grâce à ses équipements très complets qui lui ont donné une image positive. b) Le centre historique de Perpignan Le centre historique de la ville de Perpignan s’étale sur une surface d’environ 50 hectares et regroupe plusieurs quartiers, notamment, Saint-Jacques, La Réal, Saint-Matthieu et Saint- Figure 3 : Photo aérienne de la cité Moulin à Vent. Source : Mairie de Perpignan
  • 14. 14 Jean. Ce centre ancien est caractérisé par un tissu bâti médiéval dont le lotissement remonte au XIIIe siècle pour les quartiers Saint-Jacques et Saint-Matthieu et au XIVe siècle pour La Réal. La vieille ville a subi de nombreuses transformations au cours des siècles, la plus importante est la densification du parcellaire qui a eu lieu entre 1850 et 1950 pour répondre à la demande de logement par la population croissante. Cette transformation a eu pour effet la prolifération des maisons une face (une seule façade), dont les pièces sont mal éclairées par le soleil du fait de leur disposition et l’absence de cours intérieures. De plus, elle a créé un problème de promiscuité, car les logements qu’elle a produits sont petits et serrés. La population du centre ancien, comme le tissu bâti, a connu aussi des transformations au cours des siècles, que ce soit au niveau du nombre d’habitants ou de la composition sociale. La densification qui a accentué l’insalubrité dans les quartiers a fait “fuir” la bourgeoisie et les classes moyennes en quête de logements modernes et de qualité. En outre, depuis 1980, le centre est investi par deux communautés importantes, celle des gitans et celle des Maghrébins. Il convient de mentionner qu’elles ne sont pas arrivées au même moment, la présence des gitans est en réalité plus ancienne, d’ailleurs le quartier Saint- Jacques est connu pour accueillir une des rares communautés urbaines de gitans en France (Sala et Ros, 2004). Bien que leur présence en Catalogne date du XVe siècle, leur arrivée massive dans les quartiers du centre-ville est plus récente, cela s’explique par le rôle de ces quartiers « avaient déjà joué par le passé le rôle de cité de transit pour la population immigrée, des gitans au milieu du XIXe siècle » (De Roux, 2014). En ce qui concerne la communauté maghrébine, il faut attendre la moitié du XXe siècle pour son arrivée. En effet, c’est à partir des années soixante que le centre ancien accueille progressivement les travailleurs maghrébins et leurs familles. Le choix du centre-ville de la part de cette communauté n’est pas fortuit. Réellement, l’attrait principal était l’accessibilité pour cette communauté fraîchement arrivée. L’accessibilité des quartiers populaires du centre-ville est liée à leur qualité d’habitat tiers. Nous les considérons ainsi, car l’habitat tiers renvoie à une forme d’habitat souvent insalubre, vétuste, située entre le mal-logement et l’habitat social et occupée par les classes populaires. En effet, ce type d’habitat assure deux fonctions sociales : d’une part des prix bas liés à l’état du logement, d’autre part il est accessible aux personnes qui ne peuvent pas accéder au parc locatif social ou privé en raison de discrimination ou de statut.
  • 15. 15 B. Comment est née la crise urbaine ? 1. La crise urbaine : un essai de définition La convention du PNRU signée entre autres par le maire de Perpignan et l’ANRU fait référence à une « grave crise urbaine » dans la page 4 (annexe 1). Si l’on se confie aux définitions de « crise » et « urbain », on peut définir la crise urbaine comme la période troublée que traverse une ville. Ce premier essai de définition nous pousse à définir cette période troublée et à nous interroger sur ses caractéristiques. Selon Marc Gossé (2000), la crise urbaine ne peut être décrite que selon ses causes politiques, sociales et économiques. Pour lui, elle désigne une sorte de défaillance dans la maîtrise de la croissance de la ville et de sa gestion urbaine. Nous comprenons donc que les crises urbaines ne soient pas toutes identiques et que chaque ville en crise ait ses spécificités. Cependant, les villes en crise ont toutes des éléments en commun, qui témoignent de leur défaillance urbaine. D’après Jean-Marc Stébé (2012), la crise urbaine a trois caractéristiques principales : Les phénomènes de désorganisation sociale Ce concept introduit par les étudiants de l’école de Chicago met en relation la criminalité et la structure physique de la ville. Il identifie trois variables prédictives qui conduisent à la délinquance : la pauvreté, l’hétérogénéité ethnique (absence de mixité ethnique) et l’instabilité résidentielle. Parmi les phénomènes de désorganisation sociale, on trouve : • La dégradation intentionnelle des biens publics et privés • Les incivilités • Les conflits de voisinage • Les actes de racisme…etc. Par ailleurs, la théorie de « l’occasion » appuie le concept mis en avant par l’école de Chicago. En effet, cette théorie démontre que « l’absence de systèmes d’alarme, la facilité d’accès, un mauvais éclairage, la coexistence d’impasses et d’allées sombres, la circulation automobile, les parkings et les boutiques (objets de convoitise) accroissent le potentiel de délinquance » (Body-Gendrot, 2002).
  • 16. 16 Les logiques de ségrégation La ségrégation dans le contexte de la crise urbaine se définit comme la distribution inégale des groupes sociaux dans la ville. Elle peut être marquée par la mise à l’écart de l’autre (appartenant à un groupe différent) ou le repli communautaire qui peut être l’effet automatique de la marginalisation sociale, comme il peut être un choix intentionnel. Dans le dernier cas, le repli est marqué dans des territoires sécurisés (Stébé, 2012). En France, ce phénomène est très présent dans les quartiers de grands-ensembles. En effet, les transformations démographiques que ces quartiers ont connues ont fait l’objet d’une analyse, depuis les années 1970, qui a montré que la ségrégation est la conséquence « du cercle vicieux du départ des classes moyennes vers l’accession à la propriété et du renforcement des catégories pauvres et immigrées les remplaçant » (Préteceille, 2006). De plus, les populations étrangères et immigrées sont souvent logées dans les parties dégradées et périphériques des grands ensembles (Fourcaut, 2010). Les inégalités sociales et territoriales Premièrement, les inégalités sociales correspondent aux différences de situations entre les individus ou les groupes sociaux en matière d’accès aux ressources socialement valorisées comme la santé, l’éducation ou l’emploi. Deuxièmement, les inégalités territoriales désignent des différences voire des asymétries sociales entre les territoires qui résultent de systèmes sociopolitiques qui ne proposent pas de vraies opportunités à de larges parties de la population pour améliorer leur cadre de vie, indépendamment de leur situation géographique (Lَpez & Pulido, 2013) par exemple : • Les taux de chômage, de bénéficiaires de minimas sociaux et de pauvreté sont plus élevés dans les zones urbaines sensibles (ZUS) que dans le reste des agglomérations urbaines. • Les centres-villes sont privilégiés par rapport aux quartiers d’habitat social en termes d’accès aux soins ou à l’enseignement supérieur.
  • 17. 17 2. Les conditions d’habitat défectueuses et leurs conséquences Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « Habiter est un besoin essentiel de l’homme : chaque être humain, quel que soit son âge, son statut économique, social, culturel et sa condition physique, a droit à un habitat favorable à sa santé, et à son bien-être physique, mental et social ». L’habitat est une notion complexe, à ne pas confondre avec l’habitation. Cette dernière désigne le logement ou le lieu où l’on demeure, tandis que l’habitat signifie dans le domaine de la géographie humaine « l’ensemble des conditions d'organisation et de peuplement par l'homme du milieu où il vit. » Il est difficile aujourd’hui de nier l’effet de ces conditions sur l’Homme. Dans le milieu urbain, ces effets se répercutent sur le quartier et même à l’échelle de la ville. "Habiter" n’est pas seulement le fait d’occuper un logement, « habiter, c’est faire société, enjeu bien actuel dans les villes contemporaines en proie aux crises urbaines » (Jolis & Katz , 2013). Dans cette partie, nous analyserons ces effets. Pour cela, nous étudierons tout d’abord le mal- logement dans les quartiers en crise, puis le coût social du mal-logement, et enfin le rapport entre le mal-logement et la délinquance. Le mal-logement dans les quartiers en crise Il est difficile aujourd’hui de définir ce qu’est « le mal-logement », car cette notion a évolué au fil du temps parallèlement aux exigences de l’Homme en termes de conditions d’habitat. Ainsi, « il est plus inacceptable aujourd’hui de vivre dans un logement insalubre qu’il y a 50 ans » (Madec, 2016). De plus, un logement insatisfaisant n’est pas forcément insalubre. L’habitat insalubre désigne tout immeuble dangereux pour la santé, que ce soit celle des occupants ou celle des voisins, tandis que le mal-logement regroupe des situations de logement insatisfaisantes pour une société donnée. Il peut prendre plusieurs formes, qui ne se mêlent pas forcément. Le centre d’observation de la société en distingue trois : • La mauvaise qualité de l'habitat • La superficie trop faible • La précarité de l'hébergement
  • 18. 18 Dans les quartiers en crise notamment les zones urbaines sensibles, le mal-logement est un enjeu important. La politique de barres et de tours a induit des grands-ensembles qui manquent cruellement d’équipements scolaires et commerciaux, et où se concentre un nombre important de ménages (Fourcaut, 2010). Dans les quartiers dégradés comme le centre-ville de Perpignan, la densité de population est importante, la concentration des ménages s’accompagne donc par l’état vétuste du bâti. Pour continuer, certains problèmes urbains sont beaucoup plus présents dans les ZUS qu’ailleurs. Une étude réalisée par l’observatoire des zones urbaines sensibles en 2012 montre effectivement que les quartiers des ZUS subissent, de façon disproportionnelle aux quartiers hors ZUS, la stigmatisation, la délinquance, les nuisances sonores, la dégradation de l’environnement, la pollution et le manque d’animation. Le coût social du mal-logement Vivre dans des conditions d’habitat défectueuses n’affecte pas seulement le cadre de vie des habitants. Le mal-logement a, en réalité, un coût social important. Ce coût représente le manque à gagner induit par les effets négatifs du mal-logement sur les occupants. De plus, le coût est subi dans plusieurs domaines tels que : la réussite scolaire, l’insertion dans l’emploi et la santé. Pour démontrer les effets sociaux négatifs du mal-logement, nous nous appuierons sur l’étude Pierre Madec (2016). Figure 4 : Les problèmes rencontrés dans les quartiers, comparaison ZUS/hors ZUS. Source : Observatoire des zones urbaines sensibles (2012)
  • 19. 19 Tout d’abord, d’autres études ont montré le lien étroit entre le mal-logement et la réussite scolaires. En effet, les composantes du mal-logement telles que la suroccupation, la précarité énergétique, la présence de l’humidité et les nuisances sonores contribuent au retard scolaire des élèves mal logés. Pour preuve, l’étude de Madec (2016) sur un échantillon d’élèves (âgés de 11, 13, 14 et 15 ans) montre par exemple que la suroccupation augmente de 21 points le taux de retard scolaire. Pour ce qui est de l’emploi, il est admis que sa qualité a une incidence sur la qualité du logis. Réciproquement, les conditions de logement ont, elles aussi, une incidence sur l’insertion des personnes dans l’emploi. La preuve en est que le taux de chômage des personnes qui vivent dans un logement surpeuplé était de 8 points supérieurs à celui des personnes vivant dans un logement dont l’occupation peut être considérée comme « normale ». Il en va de même pour les personnes exposées au bruit et à l’humidité (4 points supérieurs à la normale). Figure 5 : L'influence de la situation du logement sur le retard scolaire - Auteur : Madec (2016)
  • 20. 20 En ce qui concerne la santé, le lien de cause à effet entre les conditions de logement et l’état de santé est très bien documenté. L’OMS a démontré le lien statistique entre l’état de santé des personnes et les conditions de logements comme le confort thermique, l’éclairage naturel dans l’habitation, la qualité de l’air à l’intérieur, la qualité des installations sanitaires…etc. Le graphique ci-dessous montre la corrélation entre les composantes du mal-logement comme la superficie insuffisante et la dégradation de l’état de santé. Figure 6 : L'influence de la situation du logement sur l'insertion dans l'emploi - Auteur : Madec (2016)
  • 21. 21 Le mal-logement et la délinquance La délinquance est vraisemblablement le symptôme le plus grave de la crise urbaine. Plusieurs études américaines, notamment celles du Dr Hazeman ou des professeurs Heuyer et Lafon, établissent un lien très fort entre la délinquance et les conditions insatisfaisantes de l’habitat. Les recherches menées en France sur ce sujet montrent que « les zones de la délinquance juvénile se situent aussi bien dans les cités nouvelles que dans les îlots insalubres, bien que le peuplement soit trois fois plus dense dans ces derniers. Bien plus que le taudis, l’entassement, la vie sociale close (contamination) semblent être de puissants déterminants de la délinquance » (Kaës, 2009). Les conditions favorables à la délinquance dans les quartiers en crise que les recherches mettent en évidence sont nombreuses. Nous pouvons citer entre autres : • L’isolement des jeunes induit par les terrains vagues des grands ensembles, • La promiscuité dans les espaces communs comme les cages d’escaliers ou les cours d’immeubles, • Le surpeuplement des appartements. Figure 7 : L'influence de la situation de logement sur la santé - Auteur : Madec (2016)
  • 22. 22 II. L’ANRU : un acteur de la politique de la ville A. La rénovation urbaine, un outil de la politique de la ville 1. La rénovation urbaine : définition et histoire La rénovation urbaine n’est pas un nouveau concept dans l’histoire urbaine française. Bien que ce terme soit promu à notre époque par les différentes opérations entreprises dans le cadre de la politique de la ville, plusieurs opérations de rénovation ont lieu en France depuis l’ancien régime. La rénovation urbaine que nous considérons aujourd’hui comme un instrument indispensable de la politique de la ville, cible les quartiers en crise situés principalement dans les banlieues, car elle se veut un remède à leurs maux urbains. Elle essaie de favoriser la mixité sociale et d’améliorer la performance de l’action publique. Selon l’encyclopédie Larousse, la rénovation urbaine désigne une « Procédure d'aménagement d'un quartier ancien impliquant l'acquisition des immeubles situés dans le périmètre visé, leur démolition puis une reconstruction planifiée de l'ensemble ». Il est nécessaire de noter que les notions de rénovation urbaine et de renouvellement urbain ne sont pas les mêmes. En effet, le renouvellement urbain est notion plus récente qui « privilégie une approche globale du quartier, et non pas une intervention principalement axée sur le bâti » (Slimani, 2015). En effet, la rénovation urbaine est associée à des opérations de démolition- reconstruction, car un de ses enjeux est le désenclavement des quartiers. Comme la rénovation urbaine vise essentiellement les quartiers de banlieues souvent constitués de grands ensembles, elle utilise la démolition afin d’ouvrir ces quartiers sur la ville. Un autre enjeu de la rénovation urbaine est la mixité urbaine, cet enjeu sera développé comme le désenclavement urbain plus tard (voir page 41). Dans l’histoire urbaine française, nous distinguons trois grandes phases de rénovation urbaine : Les travaux du baron Haussmann Avant d’étudier les travaux du baron Haussmann, il est nécessaire de présenter ce préfet qui a profondément transformé la ville de Paris et a fait d’elle une capitale moderne. Georges Eugène Haussmann (1809-1891) a été nommé préfet de la Seine par Napoléon III le 23 juin 1853 sur le conseil de Victor Fialin de Persigny, ministre de l’Intérieur à l’époque. Deux mois plus tard, il assiste à la première réunion de la commission des embellissements chargée de la
  • 23. 23 transformation de Paris dont il fait partie. Grâce à l’envergure de son projet urbain, son nom restera toujours lié à ses travaux. En effet, l’haussmannisation étudié encore aujourd’hui dans les universités et les écoles françaises renvoie aux nombreux travaux d’aménagement qu’il a menés comme l’ouverture de nombreuses percées et la création de parcs et squares. Le baron Haussmann, de son nom complet Les travaux du baron Haussmann, du fait de leur ampleur, constituent les premiers travaux de rénovation urbaine dans l’histoire urbaine française. Avant le début des travaux, la ville de Paris était dans un état d’insalubrité et d’insécurité, puisque son tissu urbain « avait peu bougé depuis le Moyen Âge et s’avérait inadapté aux exigences de circulation des biens, des hommes et des valeurs du capitalisme industriel et commercial triomphant du Second Empire » (Epstein, 2014). Les travaux du baron Haussmann ont permis entre autres : • La création de grandes percées et de plusieurs artères dans la capitale • L’installation de réseaux techniques souterrains qui ont donné accès à l’eau potable aux riverains • La construction de monuments et de plusieurs équipements • La création de plusieurs espaces verts (parcs et squares) • L’implantation de mobilier urbain dans la ville • L’harmonisation de l’architecture à travers des règles d’urbanisme très strictes
  • 24. 24 Figure 8: Création d'une percée à Paris. Source : Bibliothèque nationale de France Les rénovations gaullistes Les travaux de rénovation urbaine sous De Gaulle constituent le deuxième épisode dans l’histoire des rénovations urbaines en France. Ils ont pour objectif principal la « reconquête de Paris », mais il est nécessaire de souligner que les enjeux de ces travaux ne sont pas les mêmes que ceux des travaux du baron Haussmann. En effet, leur « ambition dépassait la seule lutte contre l’insalubrité, prétendant plus largement adapter la ville aux temps modernes » (Epstein, 2014). Effectivement, le contexte du début de la Ve république est différent du contexte de l’haussmannisation. Pendant cette période la France est située dans un double contexte : d’une part celui de la guerre d’Algérie, de l’autre celui de la crise de logement. Dans cette partie, nous traiterons que du contexte de la guerre d’Algérie et nous ne reviendrons pas à celui de la crise de logement que nous avons déjà étudié auparavant. À la fin des années 1950, le gouvernement français, inquiet de l’influence des militants du Front de Libération National (FLN) sur les familles algériennes habitant les bidonvilles parisiens, étend le programme de rénovation urbaine aux bidonvilles qui se sont développés dans les dents creuses de la ville. L’objectif étant d’intégrer les familles algériennes à la
  • 25. 25 société française pour les éloigner des idées indépendantistes véhiculées par les militants du FLN qui ont trouvé refuge dans ces bidonvilles dont l’accès est difficile pour les forces de l’ordre (Epstein, 2015). La solution qui a été proposée au problème des bidonvilles était celle de la création de cités de transit. L’État définissait ces cités comme des « ensembles d’habitations affectées au logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion »1 . Cette définition officielle nous montre donc le caractère provisoire des cités de transit dont la construction s’est accélérée pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), car elles sont « l’outil destiné à répondre à l’urgence de la résorption de bidonvilles algériens de métropole » (Cohen & David, 2012). 1 Circulaires du 27 août 1971 prise pour l’application de la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre et du 19 avril 1972 relative aux cités de transit. Figure 9: Opération de relogement dans une cité de transit à Nanterre. Source : Association de la cité Blanche Gutenberg
  • 26. 26 Le Programme Nationale de Rénovation Urbaine Le Programme National de la Rénovation Urbaine (PNRU) constitue le troisième épisode de rénovations urbaines dans l’histoire de France. D’après Epstein (2014) « il se distingue des autres épisodes de rénovation urbaine par ses objectifs en matière de peuplement et par sa dépolitisation ». En effet, l’enjeu majeur du PNRU est la mixité sociale. Ce programme ambitieux a donc fait des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) sa cible prioritaire. En effet, les ZUS sont, selon l’INSEE « des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires ». Il faut noter que ce zonage a été supprimé et remplacé en janvier 2015 par les Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV). Les ZUS sont visées par le PNRU, car elles sont particulièrement touchées par le chômage et la pauvreté. De plus, elles sont caractérisées par « la présence de grands-ensembles et/ou de quartiers d’habitat social dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi »2 , c’est-à-dire, qu’elles concentrent une population plutôt homogène sur le plan socio- économique. Dans certains cas, nous pouvons même parler d’homogénéité culturelle quand des zones concentrent immigrés et leurs descendants. Par ailleurs, l’objectif de mixité urbaine du PNRU n’est pas inédit. En réalité, cet objectif figure déjà dans la circulaire Guichard de 1973, cependant « l’action [du PNRU] s’inscrit effectivement dans un nouveau décor, la distribution des rôles et les techniques de réalisation ont changé » (Epstein, 2014). En d’autres mots, les acteurs ne sont plus les mêmes, car avec le PNRU, nous avons un nouvel acteur qui est l’agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU). 2. La politique de la ville La rénovation urbaine est indissociable de la politique de la ville. Elle est un des outils de cette dernière qui désigne une politique de cohésion urbaine et de solidarité à l’égard des 2 Loi no 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville
  • 27. 27 quartiers en crise défavorisés. Elle a pour objectif principal de lutter contre l’exclusion sociale en vue d’améliorer le quotidien des habitants. Pour remplir sa mission de lutte contre l’exclusion sociale, la politique de la ville dispose de plusieurs outils ou dispositifs. Nous trouvons par exemple : La géographie prioritaire La géographie prioritaire est un dispositif qui simplifie les dispositifs anciens comme les ZUS, les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Elle redéfinie également leurs périmètres pour cibler les territoires les plus en difficulté pour que l’action et l’usage des moyens disponibles soient plus efficaces. Le résultat de cette nouvelle géographie est ce que nous appelons les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). La mission locale La mission locale est un dispositif de la politique de la ville, c’est un service public de proximité destiné aux jeunes de 16 à 25 ans. Elle a pour but d’aider les jeunes à surmonter les difficultés qui entravent leur insertion socioprofessionnelle. En effet, elle intervient dans plusieurs domaines, notamment : • L’emploi • La formation • Le logement • La mobilité • La santé Les conventions pluriannuelles d’objectifs Une convention pluriannuelle d’objectifs est un contrat signé entre une association et la ville qui la subventionne. Ce contrat définit l’objet de la subvention, son montant ainsi que les conditions de son utilisation, c’est-à-dire, le programme d’actions envisagé par l’association et les moyens qu’elle va mettre en œuvre pour le réaliser.
  • 28. 28 B. L’ANRU et ses objectifs 1. Présentation de l’ANRU Nous avons vu précédemment que la rénovation urbaine était un des outils de la politique de la ville. Maintenant, nous aborderons l’Agence Nationale pour la Rénovation urbaine (ANRU), le principal acteur, non seulement de la politique de la ville, mais aussi du pilotage des opérations de rénovation urbaine. Tout d’abord, l’ANRU est un établissement public qui a été créé par l’article 10 de la loi du 1er août 2003. Cet établissement est subordonné au ministre chargé de la politique de la ville qui fixe d’ailleurs les orientations générales de son action et il est financé par des fonds publics (état) et privés (UESL – Action Logement)3 . Le rôle de l’ANRU est d’approuver les projets urbains qu’elle finance, notamment le PNRU. Elle soutient financièrement les différents acteurs qui travaillent dans la rénovation urbaine, en d’autres termes, ceux qui élaborent et pilotent des opérations de rénovation urbaine dans les quartiers de la géographie prioritaire. Les acteurs financés par l’ANRU sont multiples. D’une part, nous avons les acteurs publics comme les établissements publics et les collectivités locales, de l’autre les acteurs privés comme les bureaux d’études. En ce qui concerne le PNRU, l’ANRU a débloqué une somme de 12,350 milliards d’euros et a généré des travaux estimés à 45 milliards d’euros au niveau national. En outre, l’ANRU dans le cadre de son travail de rénovation urbaine intervient dans différents domaines à l’instar de : • L’habitat • Les espaces publics • Les équipements scolaires et les crèches • Les commerces • L’activité économique 3 UESL : Union d'Economie Sociale du Logement.
  • 29. 29 2. Les missions de l’ANRU L’ANRU a plusieurs missions cependant son rôle principal est le pilotage, c’est-à-dire, elle cherche à réunir plusieurs acteurs de domaines différents et les accompagner dans la conception et le suivi des projets urbains. En effet, la rénovation urbaine nécessite des compétences très variées et une transversalité considérable, car la rénovation est un processus très complexe qu’il faut manier en prenant en compte toutes les complexités et les paramètres qui entrent en jeu, car l’ANRU intervient sur le bâti, mais elle le fait pour transformer la société. Dans son rôle de pilote, l’ANRU gère principalement les conventions pluriannuelles qu’elle signe avec les différents partenaires, 90% de son budget est destiné au financement de ces conventions qui œuvrent à transformer les quartiers en difficultés, qu’ils soient en métropole ou en outre-mer. Avant la suppression des ZUS en 2015, il existait 751 ZUS. L’ANRU intervenait sur 215 zones qui étaient les plus défavorisées sur les plans social, urbain et économique. À ces zones s’ajoutent 342 sites supplémentaires qui rencontrent des difficultés sur les mêmes plans, mais à un moindre degré. Sur ces sites, l’ANRU, en partenariat avec d’autres acteurs publics ou privés, participe à la reconstruction des logements du parc locatif social démolis dans le cadre d’une opération urbaine, c’est-à-dire, L’ANRU ne se contente pas de démolir les bâtiments, mais elle s’engage aussi à reconstruire des logements sociaux. Toutefois, elle les reconstruit hors site dans un souci de dédensification de l’habitat social et de lutte contre la spécialisation des quartiers concernés par la politique de la ville. Puis, la démolition ne se fait pas de manière aléatoire, elle est mobilisée dans l’intention d’améliorer l’organisation urbaine ou de lutter contre la vétusté. L’agence contribue aussi au développement des espaces urbains, car la rénovation d’un quartier passe forcément par la création d’espaces urbains de qualité qui serviront de points de rencontre entre les résidents et les habitants des quartiers voisins. Favoriser les rencontres contribuerait à déstigmatiser le quartier rénové et ainsi lui donner une meilleure image. En outre, l’ANRU intervient non seulement sur l’habitat, mais aussi sur les équipements. En effet, elle participe à la création ainsi qu’à la rénovation des équipements, qu’ils soient commerciaux, sociaux ou culturels. La création d’équipements structurants est très valorisante
  • 30. 30 pour les quartiers visés par la rénovation, car elle lui permet une sorte de gentrification positive qui amènerait de nouveaux arrivants, locataires ou acheteurs, plus aisés et contribuerait à la mixité sociale du quartier. 3. Présentation du PNRU Le programme national de rénovation urbaine est un projet ambitieux dans l’histoire urbaine française, il est né de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Cette loi est appelée également « loi Borloo » parce qu’elle est portée par Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville dans le gouvernement de Jacques Chirac de 2002 jusqu’en 2004. Ce programme, contrairement aux deux vagues précédentes de rénovation urbaine, intervient sur tout le territoire français (les outre-mer compris). En effet, il concerne 490 quartiers, situés en ZUS et sa priorité est d’améliorer le cadre de vie de leurs habitants. Concrètement, le PNRU est une convention pluriannuelle signée entre l’ANRU, ses partenaires, et le porteur du projet. Ce dernier peut être un maire ou un président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). De façon générale, trois éléments sont essentiels à la signature d’une convention selon l’ANRU : Figure 10 : Nombre de conventions signées en France. Source : ANRU
  • 31. 31 • « La volonté et l’engagement de l’élu, du porteur de projet, ainsi que de multiples maîtres d’ouvrage (villes, bailleurs sociaux…), • L’implication des habitants concernés au moyen d’actions de concertation et la mobilisation de toutes les solidarités au niveau de l’agglomération, du département et de la région, • L’implication de tous et la collaboration étroite des collectivités et du préfet (Délégué Territorial de l’ANRU) s’appuyant sur les services de l’État et notamment les Directions Départementales des Territoires ». Par ailleurs, le porteur de projet doit réaliser un diagnostic pour chaque quartier qu’il vise par son programme. Ce diagnostic, censé être exhaustif et transversal, doit traiter les dimensions urbaine et sociale. De plus, il doit accompagner son diagnostic d’un côté, par une stratégie de transformation des quartiers concernés qui explicite l’ensemble des actions envisagées et leurs objectifs, de l’autre par un projet global, c’est-à-dire, un programme pluriannuel, qui détaille les opérations sur le terrain dans une vision cohérente du projet. C. Le PNRU et l’espoir de Perpignan de sortir de la crise 1. Le contexte perpignanais avant-PNRU Comme nous l’avons vu précédemment, la convention du programme de rénovation urbaine de Perpignan fait référence à une « crise urbaine grave ». Ici, nous étudierons la crise urbaine de Perpignan en nous référant à Jean-Marc Stébé (2012) et les caractéristiques qu’il pense être symptomatiques de la crise urbaine. À cet effet, nous analyserons d’abord les inégalités sociales et territoriales. Puis, nous étudierons les logiques de ségrégation qui se sont établies dans la ville. Enfin, nous verrons certains phénomènes de désorganisation sociale observés à Perpignan dans cette période. Inégalités sociales et territoriales Tout d’abord, la ville de Perpignan cumule plusieurs inégalités sociales et territoriales. Pour les étudier, nous nous servirons de deux mesures statistiques, le revenu médian et le coefficient de Gini, sur l’échelle des iris de Perpignan. Avant d’entamer l’analyse, il est important de définir ces termes :
  • 32. 32 L’iris : est un sigle qui signifie « îlots Regroupés pour l'Information Statistique », il désigne un îlot issu du découpage territorial en maille des communes d’au moins 5000 habitants. C’est donc un découpage infracommunal et il se base une taille de population de référence de 2000 habitants. On compte en France 16 100 IRIS dont 650, dans les départements d’outre-mer. Le revenu médian : est une mesure statistique établie à partir du fichier des déclarations de revenu des personnes physiques. Le revenu médian divise, en effet, la population en deux : une moitié dont le revenu fiscal est inférieur au revenu fiscal médian, et une moitié dont le revenu fiscal est supérieur. Le revenu médian a pour objectif la comparaison des niveaux de revenu entre différentes zones ou l’analyse des inégalités territoriales. Le coefficient de Gini : « L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d'inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie...). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie... seraient égaux. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie...) sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. » (INSEE, 2016) Figure 11 : Indice de Gini par IRIS (Perpignan) en 2005. Source : datafrance.info
  • 33. 33 La carte ci-dessus (figure 11) de l’indice de Gini à l’échelle des iris de Perpignan montre deux choses. D’une part, la commune de Perpignan est hétérogène en termes d’inégalité de revenu, c’est-à-dire, que l’inégalité de revenu et par conséquent l’inégalité sociale sont différentes d’un quartier IRIS à un autre, que ce soit au nord ou au sud de la Têt. De l’autre, nous constatons que les périmètres des ZUS de Perpignan délimitent les territoires les plus inégalitaires de la commune. En somme, nous pouvons dire que l’inégalité sociale était fortement présente à Perpignan en 2005 et particulièrement dans les ZUS. En ce qui concerne l’inégalité territoriale, la carte du revenu médian par IRIS nous montre clairement l’asymétrie sociale entre la rive nord et la rive sud de la Têt. En effet, la rive nord concentre les ménages les moins aisés de Perpignan contrairement à la rive sud. Toutefois, nous constatons que le centre-ville est le plus pauvre dans la rive sud, d’ailleurs elle fait partie de la géographie prioritaire de Perpignan. Figure 12 : Revenu médian par IRIS (Revenus médians par unité de consommation, en euro). Source : datafrance.info
  • 34. 34 Logiques de ségrégation Des logiques de ségrégation peuvent être constatées dans la ville de Perpignan. D’une part, nous avons la ségrégation sociale qui est la traduction des inégalités sociales et territoriales sur l’espace qui a créé la dichotomie : rive nord populaire et rive sud plutôt aisée. De l’autre, nous avons le repli communautaire très marqué dans le centre-ville. Ce dernier, en plus d’être lié à l’histoire des migrations (voir page13), il est le résultat de la spécialisation de la vielle- ville, devenue un parc social de fait. Phénomènes de désorganisation sociale Figure 13 : Émeutes à Perpignan le 29 mai 2005. Source : Agence MaxPPP Pour ce qui est des phénomènes de désorganisation sociale avant la mise en œuvre du PNRU. Nous pouvons citer plusieurs exemples. D’abord, la ville de Perpignan souffrait d’un problème de mendicité, parfois agressive, qui s’associait forcément à la dégradation de « l’hygiène des espaces publics » (Bertrand, 2003). Également, du fait de sa situation dans le département transfrontalier des Pyrénées-Orientales, la ville était un pôle important de trafic de drogues, le centre-ville et les quartiers du Vernet étant les lieux privilégiés de commercialisation des stupéfiants. Enfin, les émeutes urbaines du 29 mai 2005 (figure 13) qui ont eu lieu une semaine après le lynchage d’un jeune maghrébin de 29 ans par un groupe de
  • 35. 35 gitans dans un café du quartier Saint-Jacques étaient la culmination des phénomènes de désorganisation sociale à Perpignan. En effet, ces violences urbaines témoignent, d’une part, des tensions communautaires entre les Maghrébins et les gitans et le manque de cohésion sociale, et de l’autre, du vandalisme qui a touché des biens publics et privés tels que les voitures, les abribus et les poubelles. 2. Présentation du PRU de Perpignan Pour sortir de la crise urbaine, le maire de Perpignan a décidé de signer une convention avec l’ANRU afin de remédier aux problèmes que connaît la ville. Cette convention du PNRU a pour but de faire émerger un projet de rénovation urbaine qui apportera des réponses concrètes sur le terrain. Ces dernières diffèrent d’un quartier à l’autre, car les problèmes dans les quartiers ne sont pas les mêmes. Afin d’appréhender le PRU de Perpignan, nous verrons d’abord quels sont les quartiers visés. Puis, nous nous intéresserons aux objectifs spécifiques à chaque quartier. Enfin, nous verrons quels sont les acteurs du PRU de Perpignan. a) Les quartiers visés Le PRU de Perpignan intervient sur plusieurs quartiers regroupés dans quatre périmètres distincts. Il intervient aussi sur trois typologies de quartier : centre ancien, habitat social et copropriété dégradée. Il est à noter que les ZUS du centre-ville et du Vernet ont été élargies au périmètre Opération de Renouvellement Urbain (ORU) par une dérogation de l’article 6 de la loi du 1er août 2003. L’élargissement sert à financer les opérations à proximité des ZUS par l’ANRU. Périmètre Quartiers / Cités Typologie ZUS Vernet Peyrestortes Habitat social
  • 36. 36 b) Les objectifs pour chaque quartier La visée principale du PNRU de Perpignan est de promouvoir la mixité sociale et de lutter contre la spécialisation des quartiers et cela passe par des objectifs précis à atteindre. La convention du PNRU définit, en effet, des objectifs pour chaque quartier, et pour chaque objectif elle précise une stratégie d’actions à entreprendre. Bien que l’absence de mixité sociale soit l’élément commun entre les quartiers, ces derniers ont des spécificités liées à leur typologie. La convention traite donc les quartiers au cas par cas afin d’apporter des solutions pertinentes pour chaque problème. Pour comprendre les objectifs du PNRU, nous étudierons le contexte, les objectifs à atteindre et les actions envisagées dans chaque quartier. Le Vernet Les cités du Vernet sont la priorité du PRU de Perpignan, ces cités d’habitat social concentrent plusieurs problèmes sociaux et économiques qui justifient leur classification en zone urbaine sensible, mais aussi des problèmes de configuration urbaine. Vernet-Salanque ZUS Clodion Clodion Torcatis ZUS centre-ville Saint-Jacques Saint-Matthieu La Réal Centre ancien ORU Baléares Rois de Majorque Quartier Baléares rois de Majorque Copropriété dégradée
  • 37. 37 D’abord, en ce qui concerne la structure urbaine, les cités du Vernet sont caractérisées par un tissu urbain dense composé d'îlots d’habitats qui manquent de centralités. Cette structuration les a isolées des quartiers environnants à cause des formes urbaines imperméables (grandes barres) qui ne favorisent pas les rencontres entre les habitants. De plus, les espaces publics sont aménagés pour les habitants du quartier et ne sont pas conçus pour les visiteurs. De plus, la vie de quartier n’est pas dynamique à cause du manque d’équipements et de commerces de proximité. Pour remédier à ces problèmes, le PNRU propose d’abord de requalifier le cadre de vie : ● En dédensifiant les îlots d’habitats et en désenclavant les quartiers, ● En requalifiant les espaces publics de sorte à créer des centralités urbaines qui briseront le cœur d’îlot ● En rattachant les cités aux quartiers environnants ● En développant les différents modes de déplacements dans les quartiers (voitures et mobilités douces) Puis, de renforcer le lien social et la citoyenneté à travers : ● La diversification des formes d’habitat pour accueillir une population mixte sur le plan social ● Le renforcement des équipements éducatifs, sportifs et culturels qu’ils soient publics ou associatifs Enfin, de développer l’économie et pour cela il faut : ● Développer de nouvelles activités économiques ● Redynamiser l’activité économique à l’intérieur des quartiers Les quartiers du centre-ville Le noyau ancien du centre-ville est vraisemblablement le périmètre qui regroupe le plus de problèmes à Perpignan. Sa population est très pauvre par rapport aux quartiers voisins et à la
  • 38. 38 moyenne nationale. Elle vit dans des conditions sociales et économiques très précaires, accentuées par un problème d’habitat indigne et un manque de sécurité. En effet, le cadre de vie n’y est en aucune manière satisfaisant. Comme nous l’avons vu précédemment les quartiers de la vieille ville sont lotis au Moyen Âge, par conséquent leur trame urbaine est dense et leurs rues sinueuses présentent un aspect labyrinthique qui rend difficile l’ouverture de ces quartiers au reste de la ville d’une part, et ne favorise guère la mobilité en leur sein d’autre part. Quant aux logements, ils sont absolument inadaptés aux besoins fonctionnels d’une famille moderne. De plus, plusieurs bâtiments sont obsolescents. Pour agir sur le centre, le PNRU définit une stratégie d’actions autour de deux volets (l’habitat et l’aménagement) qui vise à donner à la population du centre ancien un meilleur accès à la vie sociale et économique. Pour ce qui est de l’habitat, le PNRU prévoit de requalifier 1200 logements et les mettre sur le marché. L’ANRU compte le faire en incitant les bailleurs privés à investir en proposant des aides financières avantageuses, et en contraignant les propriétaires à réhabiliter leurs immeubles par des décrets préfectoraux de péril ou d’insalubrité. Il prévoit aussi des travaux de dédensification à l’échelle des immeubles et des îlots. En ce qui concerne l’aménagement, les objectifs s’inscrivent dans une vision plus globale des quartiers. Le PNRU prévoit de : ● Dédensifier la trame urbaine très dense afin de libérer des surfaces qui serviront à l’aménagement d’espaces publics et à la facilitation de la circulation piétonne, ● Valoriser l’habitat en créant des espaces extérieurs qualitatifs, ● L’amélioration des équipements socio-éducatifs existants ● Création d’équipements pour favoriser l’accès à la citoyenneté ● Sécurisation du quartier Il faut noter que les interventions sur l’habitat et les travaux d’aménagement doivent tenir compte du classement du centre en secteur sauvegardé.
  • 39. 39 Le quartier Baléares rois de Majorque Le quartier Baléares rois de Majorque est une copropriété privée située dans le quartier Saint- Martin qui a fait l’objet d’un plan de sauvegarde par arrêté préfectoral à cause de son état dégradé. Ce quartier ne se situe pas dans une zone urbaine sensible, mais il est circonscrit dans un périmètre “opération de rénovation urbaine” (ORU). L’ANRU a ciblé ce quartier pour de nombreuses raisons. D’abord, les conditions d’habitat y étaient très détériorées et les espaces extérieurs, laissés à l’abandon par le syndicat de copropriété, étaient fortement dégradés. De plus, ce quartier était concerné par un problème de communautarisme, car il accueillait quasi exclusivement des Marocains issus de l’immigration récente (Giband et Siino, 2013), une chose qui va l’encontre du principe de mixité sociale. Pour affronter les problèmes d’espaces extérieurs délaissés, le syndicat de copropriété a transféré la propriété de ces espaces aux collectivités locales pour assurer leur entretien après leur réaménagement. De plus, le renforcement des espaces publics est prévu pour accompagner les travaux de réaménagement. Pour rappel, les copropriétés privées ne sont normalement pas éligibles aux financements de l’ANRU, mais le classement en plan de sauvegarde de la copropriété des Baléares rois de Majorque lui a permis d’accéder à ces financements. Concernant, le problème du repli identitaire dans le quartier, le PRU de Perpignan prévoit de faire acquérir au bailleur OPAC Perpignan Roussillon 60 logements en vue de les réhabiliter et les mettre sur le marché sous forme de logements PLAI pour introduire de la mixité dans le quartier.
  • 40. 40 c) Les acteurs du PNRU Le schéma ci-dessous montre le jeu d’acteurs dans la rénovation urbaine, ce schéma s’applique non seulement au PNRU, mais à toutes les autres conventions partenariales pluriannuelles comme le Programme Quartiers Anciens ou le Nouveau Programme de Renouvellement Urbain. Le schéma montre également les deux échelles de partenariat d’acteurs, à savoir le partenariat national et le partenariat local à l’échelle de la collectivité locale comme c’est le cas de Perpignan. Figure 14 : Schéma d'acteurs du PNRU. Réalisé par A. Issaad. Source ANRU
  • 41. 41 III. Le PRU de Perpignan : un bilan à ne pas surévaluer A. Les enjeux du PNRU 1. Favoriser la mixité sociale “L’apparition du thème de la mixité sociale est liée aux évolutions du peuplement des grands ensembles d’hlm” (Houard, 2012). La mixité sociale est une notion qui désigne la cohabitation paisible sur un même territoire de différentes catégories sociales. Elle implique la diversité de la composition de la population sur les plans socioprofessionnel, ethnique, générationnel...etc. La loi Borloo la considère comme un principe officiel de la politique du logement et figure ainsi comme un enjeu important dans le PNRU. Perpignan est riche sur les plans culturel et ethnique (identité catalane et communautés gitane et maghrébine) du fait de sa géographie et son histoire, cependant on ne peut parler de mixité sociale, car les communautés vivent de façon ségréguée dans l’espace, sans réelle cohabitation avec des liens forts, il suffit de voir les tensions communautaires qui ont lieu lors des émeutes de 2005 pour s’en rendre compte. Puis, à cette ségrégation ethnique s’ajoutent les inégalités sociales et territoriales très marquées dans la ville. Nous verrons ici comment la mixité sociale se crée et comment le PRU de Perpignan a fait pour l’introduire dans les quartiers qu’il a visés. D’abord, avant de voir comment se crée la mixité sociale, il est judicieux de nous interroger sur sa légitimité comme principe d’action dans la politique de la ville. La mixité sociale tient en effet sa légitimité de deux postulats. Le premier est celui de “l’effet de quartier” développé par la sociologie américaine que nous pouvons comparer à “l’effet de ZUS” et le deuxième postulat est celui d’une “atténuation de la distance sociale par la proximité spatiale” (Lelévrier, 2010). Le premier soutient l’idée que vivre dans un quartier ZUS qui manque de diversité sociale, par exemple, aurait un effet négatif sur les habitants notamment leur insertion professionnelle. Le deuxième quant à lui considère que la présence des classes moyennes constitue un “capital social” et qu’elles favorisent l’intégration des classes dites populaires. Introduire de la mixité sociale dans les quartiers défavorisés n’est pas une mission facile, car elle n’aboutit parfois pas aux résultats escomptés, mais la politique de la ville prévoit plusieurs moyens de la mettre en place.
  • 42. 42 À l’échelle locale, la diversification de l’habitat constitue l’instrument principal de la politique de la ville pour introduire de la mixité dans les ZUS. Elle passe par une transformation du bâti, mais aussi par un réel partenariat d’acteurs du logement tels que les promoteurs et les bailleurs sociaux. La diversification de l’habitat est considérée comme un moteur de la mixité sociale, car le logement est “un signe social de première importance” (Emelianoff et coll., 2009). En effet, les catégories sociales n’ont pas toutes les mêmes moyens et préférences quand il s’agit de se loger, les plus aisés préfèrent acheter leurs logements, tandis que les moins aisés préfèrent louer. Concrètement, la diversification de l’habitat dans les projets de rénovations passe par la diversification de l’offre. Cette dernière implique de proposer différents types et statuts de logement aux clients. En effet, il existe trois types de logements : • Logement collectif : ce type d’habitat prend la forme d’un immeuble de plusieurs étages qui regroupe plusieurs logements destinés à accueillir plusieurs ménages. • Logement individuel : un logement destiné à accueillir un seul ménage. Il prend la forme d’une villa, d’une maison, d’un pavillon…etc. Et plusieurs statuts du logement : • Prêt social location-accession (PSLA) : un dispositif de l’État mis en place en 2004, qui permet à certains ménages, sous condition de ressources, d’acheter leur logement neuf. Les logements éligibles à ce type de financement sont situés dans les opérations agréées par l’État comme le PNRU. • Prêt Locatif Aidé d’Intégration PLAI : un dispositif destiné aux personnes en difficulté sociale et économique qui vivent dans des conditions précaires • Prêt Locatif à Usage Social PLUS : le dispositif le plus connu, celui qui régit les HLM traditionnelles. • Prêt Locatif Social PLS : un dispositif prévu pour les ménages dont les revenus sont élevés, mais qui ne parviennent pas à accéder au parc locatif privé. Certains aménageurs et urbanistes comme Jean-Paul Lacaze contestent l’approche de l’ANRU (2009), il pense que la mixité est liée à la qualité de la vie de voisinage et il considère cette qualité indépendante de l’urbanisme. Il met en évidence d’autres facteurs comme le
  • 43. 43 peuplement du quartier et son renouvellement, la densité des liens associatifs et l’implication des acteurs pour n’en citer que quelques un. Par ailleurs, nous pouvons voir la mise en application du principe de diversification de l’habitat dans le PRU du Perpignan. La rénovation du quartier Vernet Peyrestortes en est le parfait exemple (Figure 15). Dans ce quartier nous pouvons voir comment se mélangent l’habitat individuel et l’habitat collectif et comment l’offre en matière de logements sociaux est complète (PLAI et PLUS). Le projet permet aussi aux ménages les plus aisés d’accéder à la propriété pour encourager l’arrivée de nouvelles catégories sociales dans le quartier. Figure 15 : L'offre de logement dans le projet de rénovation du quartier Vernet Peyrestortes À l’échelle du territoire, la mise en œuvre de la mixité sociale s’appuie sur la reconstruction hors site des logements sociaux. Avant le PRU de Perpignan, la répartition du parc social était égale entre les deux rives de la Têt, cependant, la rive nord concentrait le plus de logements sociaux par rapport au nombre de résidences qu’elle accueillait. En effet, plus d’un logement sur trois au nord était social, tandis qu’au sud c’était moins d’un logement sur dix. Le problème qui se pose n’est donc pas la répartition égale du parc social, mais la proportion des logements sociaux dans la rive nord par rapport à la rive sud. Cette différence de
  • 44. 44 proportion a induit la spécialisation des quartiers du Vernet et elle est en partie la cause de leur image péjorative. 2. Désenclaver les quartiers Le désenclavement urbain est un des enjeux du PRU de Perpignan car l’enclavement des quartiers est pointé du doigt comme la principale cause de leur retard de développement économique et social. Le désenclavement urbain a donc pour objectif de faire sortir ces quartiers de leur isolement géographique et de les ouvrir à la ville. Son intérêt est de favoriser les échanges et de tisser des liens entre les quartiers et ainsi casser l’image stigmatisée du quartier. L’isolement des quartiers peut être lié à leurs formes urbaines, à leur géographie ou aux deux simultanément. Dans le cas du centre historique, il s’agit des formes urbaines, car ce quartier à la trame urbaine dense est loti au Moyen Âge, et il se distingue par sa composition des quartiers environnants lotis des siècles plus tard aux XIXe et XXe siècles. De plus, sa trame viaire est caractérisée par des voies étroites et sinueuses qui ne sont pas adaptées à la circulation automobile d’une part, et n’encourage pas la visite des habitants des quartiers voisins d’autre part. Dans le cas du Vernet, l’isolement est lié à la géographie, car ce secteur est séparé physiquement par la Têt, ainsi qu’à ses formes urbaines dites de grands ensembles. D’après Benjamin Lebrun de la Direction de l'Habitat et de la Rénovation urbaine (DHARU) le désenclavement des quartiers passe par : Casser le cœur d’îlot La démolition n’est pas seulement la conséquence logique de l’état de délabrement d’un bâtiment comme c’est le cas dans le centre ancien. Les bâtiments concernés par la démolition dans le cadre du PRU de Perpignan ne sont pas forcément plus insalubres que d’autres. Dans le Vernet par exemple, des bâtiments sont rasés dans le seul objectif de désenclaver les quartiers sans prendre en considération leur état physique. La démolition s’inscrit alors dans une vision globale du quartier qui a pour objectif de « casser » le cœur d’îlot qui caractérise les grands ensembles de barres.
  • 45. 45 Le cœur d’îlot est la partie centrale d’un îlot laissée vide, entourée de constructions hautes. Cette forme est contestée par les urbanistes contemporains qui préconisent des îlots ouverts à la circulation piétonne. Pour aérer la trame urbaine du quartier Clodion, dix barres ont été complètement rasées (Figure 16), tandis que deux ont été partiellement démolis. La démolition de ces immeubles a permis de libérer des surfaces pour créer des espaces verts, des espaces communs et des voies de circulation intérieure. Dans le souci de sortir ce quartier de son isolation, les nouvelles constructions et les travaux de réhabilitation qui ont touché les immeubles conservés ont pris en considération la cohérence architecturale avec les quartiers environnants. Vu du ciel nous pouvons voir comment le quartier s’est métamorphosé pour s’intégrer à son environnement urbain. Création de voies Les quartiers de grands-ensembles sont conçus par des architectes modernistes qui considèrent que ce modèle peut être reproduit partout. Ce paradigme urbanistique auquel la circulaire Guichard a mis fin dans les années 1970 ne prend pas en considération l’environnement urbain. En conséquence, les formes urbaines qu’il produit sont en rupture totale avec ses quartiers voisins que ce soit au niveau architectural ou urbanistique. Cette conception de la cité moderne ne prend également pas compte des constructions futures. Ses bâtiments massifs finissent ainsi par gêner le développement urbain. Figure 16 : Le désenclavement du quartier Clodion-Torcatis. Source : IGN
  • 46. 46 En somme, les formes urbaines dites de grands ensembles sont problématiques, car elles sont en quelque sorte « imperméables » et ne facilitent pas le maillage de la trame viaire. La démolition est finalement le seul moyen pour créer de nouvelles voies reliant non seulement le quartier enclavé, mais aussi les quartiers environnants. La Figure 17 ci-dessous illustre comment la création de la rue Berthe Morisot a permis de relier la rue Rosa Bonheur et l’avenue de l’Aérodrome. La création de cet axe traversant s’est accompagnée aussi par l’aménagement d’une aire de stationnement sur une ancienne friche urbaine. Création de centralités La création de centralités passe par la création d’équipements structurants d’une part, et l’aménagement de places publiques d’autre part. Les équipements sont nécessaires à la vie de quartiers, car ils constituent un lieu de rencontre et de socialisation. Certains types d’équipements vont au-delà de cette fonction. En effet, les équipements éducatifs, sportifs et culturels renforcent la citoyenneté. Le sport par exemple est un vecteur d’émancipation et il apprend aux jeunes le respect de l’autorité. Également, la création de centralités est étroitement liée à la mixité sociale. Les équipements et les places structurants renforcent l’attractivité des quartiers et attirent de nouveaux résidents, car le choix de futurs locataires ou acquéreurs de logements prend en compte la présence d’équipements. Figure 17 : Désenclavement du quartier Vernet Peyrestortes. Source : IGN
  • 47. 47 La coprésence de populations d’origines socioculturelles différentes dans un même quartier n’est pas un vrai indicateur de mixité vraiment vécue et le rôle des places est de remédier à cela. En effet, la création de places publiques est importante, car elles sont des lieux de convivialité, d’interaction et de socialisation qui tissent des liens entre les habitants. Les places sont aussi utilitaires, car elles peuvent accueillir des festivités, des marchés, des installations d’art.… etc. La Figure 18 ci-dessous montre une opération de désenclavement dans le centre ancien, où un parking de cinq étages a été démoli pour y aménager la place de la République qui abrite un marché alimentaire ouvert six jours par semaine. Il convient de mentionner qu’une place avait déjà existé à cet endroit. Sa création remonte au Moyen Âge et elle s’appelait « Coronell d'En Vila ». B. Les engagements du PRU de Perpignan 1. Le relogement Les travaux de rénovation urbaine à Perpignan ont engagé de nombreuses opérations de démolition de logements, par conséquent plusieurs familles étaient contraintes de quitter leurs logements. Néanmoins, ces familles et ménages ne sont pas laissés à leur sort. Le relogement des ménages constitue en effet un des engagements contractuels du PNRU. D’ailleurs, la qualité de sa mise en œuvre est essentielle pour la réussite du projet urbain. L’ANRU définit trois orientations pour les opérations de relogements : Figure 18 : Opération de désenclavement dans le centre ancien. Source : IGN
  • 48. 48 • Favoriser la mobilité résidentielle des ménages • Permettre l’insertion sociale des ménages défavorisés • Contribuer à la mixité sociale à l’échelle du quartier et de l’agglomération Le relogement fait partie des opérations financées par l’ANRU. Elle finance effectivement des équipes spécialisées dans la mise en œuvre du relogement et du suivi des personnes et familles touchées. Ces équipes sont composées essentiellement de conseillers en économie sociale et familiales4 (CESF) qui repèrent les personnes ayant besoin d’accompagnement individualisé parce que l’accompagnement fourni n’est pas standardisé, les cas sont traités individuellement pour pouvoir apporter des réponses adaptées. Les travailleurs sociaux rencontrent les personnes concernées pour connaître leurs capacités et recueillir leurs souhaits en matière de logement. À partir de ces informations, les CESF chercheront les logements adaptés à leur proposer. Le relogement n’est pas une épreuve facile. Pour certains, le processus est simple et se déroule doucement. Pour d’autres, le relogement est très mal vécu. Il peut effectivement les perturber s'ils se sentent déracinés de leur milieu d’origine où ils ont construit leurs vies. Pour ces personnes, un suivi social est prévu pour assurer leur insertion dans leurs nouveaux quartiers. Dans le contexte de Perpignan, il faut noter que nous avons deux types de relogement. D’une part le relogement des personnes vivant dans le parc locatif social (Ex. : Vernet), d’autre part nous avons le relogement des personnes vivant dans le parc locatif privé (Ex. : Centre-ville). Dans le premier cas, la mise en œuvre du relogement est relativement facile. Les bailleurs sociaux proposent aux locataires d’autres logements dans leur parc locatif. Les locataires sont souvent relogés dans des logements similaires aux logements qu’ils ont occupés initialement, mais ce n’est pas toujours le cas. Prenons le cas des familles, où de jeunes adultes vivent avec leurs parents. Pour cette catégorie, on privilégie la décohabitation, c’est-à-dire, de séparer la cohabitation en proposant aux jeunes des studios, et à leurs parents des logements en tenant compte de leurs moyens et du nombre d’enfants mineurs. Dans le deuxième cas, le relogement est plus difficile. Dans le centre ancien, par exemple, le processus est très complexe. Les bâtiments ne sont parfois pas aux normes, certains doivent être réhabilités, d’autres complètement démolis. Les porteurs du projet avant de procéder au 4 Un conseiller en économie sociale et familiale désigne un travailleur social en France.
  • 49. 49 relogement, ont fait appel aux compétences du bureau d’études Urbanis à la suite d’un appel d’offres, afin de réaliser une enquête pour déterminer le degré d’insalubrité des immeubles. Ce travail repose sur une méthode très rigoureuse qui s’appuie sur une grille d’insalubrité qui détermine un coefficient d’insalubrité. En effet, il existe deux types d’insalubrité qui impliquent deux procédures : 1. Insalubrité remédiable : un arrêté préfectoral oblige les propriétaires à réaliser des travaux, dans un délai bien précis, pour remédier aux problèmes d’insalubrités pour réintégrer les locataires. Dans certains cas, le préfet peut prononcer une interdiction temporaire d'habiter dans les lieux. 2. Insalubrité irrémédiable : celle-ci concerne les immeubles ayant des problèmes structurels. Le préfet oblige les propriétaires à évacuer l’immeuble dans l’immédiat et réaliser des travaux lourds. Dans le cas où les locataires sont contraints de quitter leurs logements, leurs contrats de location sont suspendus et les propriétaires sont dans l’obligation de les reloger. Si les propriétaires ne répondent pas à leurs engagements, le centre communal d’action sociale (CCAS) s’occupe des locataires. Le CCAS de Perpignan dispose en effet de 22 logements temporaires. Les acteurs du relogement Le schéma ci-dessous (Figure 19) est réalisé grâce aux informations recueillies auprès de Mme Sylvie Parédes (service parc social et relogement de la DHARU). Il explique le jeu d’acteurs dans le domaine du relogement.
  • 50. 50 Figure 19 : Schéma montrant le jeu d'acteurs du relogement dans le cadre du PRU de Perpignan. Réalisé par A. Issaad. Source : DHARU 2. L’insertion professionnelle Le PNRU n’a pas pour vocation d’intervenir uniquement sur le tissu bâti. Bien que la rénovation urbaine nécessite naturellement de démolir pour désenclaver les quartiers à Perpignan, elle s’inscrit dans une démarche globale qui pour première occupation d’améliorer le cadre de vie des habitants, et cela passe nécessairement par l’insertion professionnelle. Nous avons vu précédemment comment la situation de l’habitat affecte l’emploi des habitants des quartiers prioritaires. C’est dans cette logique que la loi du 1er août 2003 a souhaité que le PNRU soit aussi un « levier » pour l’insertion dans l’emploi pour lutter activement contre le chômage qui touche davantage les ZUS que les autres territoires urbains.
  • 51. 51 Pour dynamiser le processus d’insertion professionnelle, le conseil d’administration de l’ANRU a mis en place, en février 2005, une charte nationale d’insertion. La charte stipule à propose de ses objectifs que « la contribution des projets aidés par l’ANRU au développement durable des quartiers concernés résulte notamment de la complémentarité des interventions qu’ils prévoient sur le cadre urbain avec les actions de développement économique et social des quartiers » (voir annexe 4). En effet, ce document contraignant a pour rôle d’imposer au niveau national une obligation de résultat quand il s’agit de l’insertion dans l’emploi. Concrètement, elle oblige les partenaires à faire participer les habitants des ZUS dans le projet de rénovation par l’emploi. À cet égard, au moins 5% des heures travaillées dans les limites des actions financées par l’ANRU doivent être consacrées aux habitants des ZUS. Il en va de même, cette fois à hauteur de 10%, pour les emplois créés dans le cadre de la gestion urbaine de proximité (GUP) ou de la gestion urbaine. Pour mettre en œuvre l’insertion professionnelle, la mise en place d’un plan local d’application de la charte d’insertion (PLACI) est indispensable. Il convient de mentionner que ce plan doit être signé dans les six mois qui suivent la signature de la convention entre l’ANRU et le porteur de projet. Le PLACI est élaboré par le porteur de projet en collaboration avec le préfet et les partenaires locaux. Le plan doit prévoir un diagnostic de l’emploi sur les quartiers concernés par le PNRU ; un engagement sur le respect des objectifs en matière d’insertion que nous avons cités précédemment ; la création d’une structure opérationnelle qui rassemble les maîtres d’ouvrages et les acteurs publics de l’emploi ; un dispositif de pilotage et de suivi des objectifs d’insertion ; et l’information des habitants des ZUS concernées. À Perpignan, les acteurs de l’emploi pendant la mise en œuvre du PNRU sont : • L’État • La Fédération Française du Bâtiment • Pôle emploi • Les chambres artisanales • La DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) • La Mission locale jeunesse • La CAPEB (Confédération Artisans Petites Entreprises Bâtiment)
  • 52. 52 • Les partenaires historiques o L’agglomération o Office Perpignan Méditerranée o Ville de Perpignan (Mairie) De surcroît, l’insertion des habitants des ZUS passe par l’organisation de réunion d’information dans les quartiers qui encouragent les habitants sans emplois à déposer leurs CV. Elle se fait également en partenariat avec Pôle emploi qui crée des ateliers d’orientation et évalue les compétences de chaque demandeur d’emploi de ces quartiers et l’oriente selon son profil dans le secteur adapté. 3. La gestion urbaine de proximité La gestion urbaine de proximité figure parmi les engagements du PRU de Perpignan. Elle correspond à un levier indispensable à l’harmonisation des initiatives des acteurs du PRU comme la ville de Perpignan, les bailleurs sociaux de la ville, les associations citoyennes, Préfecture des Pyrénées-Orientales… etc. Elle correspond à un dispositif mobilisé dans les opérations de rénovation urbaine, qui permet de mutualiser les moyens mis sur le terrain. Ce dispositif s’inscrit dans le PRU de Perpignan pour montrer l’engagement des différents acteurs à s’impliquer dans la réussite du projet urbain. De plus, c’est un moyen de pérenniser les investissements colossaux mobilisés pour redynamiser les quartiers défavorisés. À Perpignan, sa mobilisation passe par la signature d’une convention entre les acteurs mentionnés ci-haut qui définit une stratégie qui repose sur deux lignes prioritaires : La sécurité et la tranquillité Elle passe par : • La sécurité passive assurée par : o L’amélioration de l’éclairage o La mise en place d’équipements anti-vandalisme o Le contrôle des accès
  • 53. 53 o La vidéoprotection... etc. • La prévention et la régulation assurée par : o L’accompagnement social de proximité pour les personnes en difficulté o Les animations de quartier o Une politique de peuplement • La répression et la dissuasion assurée par o Renforcement de la présence des forces de l’ordre o Lutte contre les incivilités L’amélioration du cadre de vie Elle passe par : • Propreté, entretien et maintenance qui passent par : o La coordination des interventions avec les habitants o Le contact permanent avec la population • Aménagements et services de proximité : o Création d’équipements de proximité (ex. espace sportif de proximité pour le quartier des Baléares Rois de Majorque) o Programmation des activités en concertation avec les utilisateurs o Résidentialisation C. Le bilan du PRU de Perpignan 1. Synthèse des actions du PRU de Perpignan Des masses financières colossales ont été allouées au PRU de Perpignan, en effet, les sommes que les quartiers du Vernet et du centre-ville ont touchées sont estimées à 228 M€ (Figure 20). Dans cette partie nous établirons un bilan synthétique des opérations financées par l’ANRU. Pour cela nous nous intéresserons dans un premier temps aux opérations de démolition-
  • 54. 54 reconstruction et de réhabilitation, et dans un second temps aux opérations de résidentialisation, d’aménagement et d’équipement. a) Opérations de démolition-reconstruction et de réhabilitation Les opérations de rénovation urbaine sont souvent reçues par leurs détracteurs comme des opérations de démolition-reconstruction (Epstein, 2014), néanmoins, le recours à la démolition est nécessaire pour désenclaver les quartiers et dédensifier leur part d’habitat social. Les travaux de démolition à Perpignan ont été financés à hauteur 10,9 M€ et ont touché 531 logements (Figure 21) : • 184 logements à Clodion-Torcatis • 170 logements à Vernet-Peyrestortes • 177 logements à Vernet-Salanque Le PNRU a financé la reconstruction de 532 logements, presque le même nombre de logements démolis. Pour dédensifier la part des logements sociaux dans les quartiers, 296 habitations ont été construites hors site. La typologie de logements reconstruits dans les Figure 21 : Les opérations de démolition dans les quartiers du Vernet. Source : DHARU Figure 20 : Répartition du budget du PRU de Perpignan. Réalisé par A. Issaad. Source : DHARU
  • 55. 55 quartiers est diversifiée pour créer de la mixité sociale dans les quartiers (pour en savoir plus, voir page 41). Le PNRU ne prévoit pas que des démolitions- reconstructions, il mobilise aussi la réhabilitation. Cette dernière permet d’améliorer l’habitabilité des logements dégradés, de les mettre aux normes et de revaloriser leurs façades. Les réhabilitations permettent également d’intégrer les bâtiments conservés des grands ensembles au paysage urbain. Au total, l’ANRU a financé 1448 opérations de réhabilitation pour un coût de 18,2 M€. Ce montant est important et montre la volonté de l’ANRU et des acteurs de ne pas seulement de démolir et reconstruire comme les critiques le suggèrent. Il est à noter que plusieurs projets de production de logements, qui entrent dans le cadre de diversification de l’habitat, ont été annulés. L’annulation a touché la quasi-totalité des logements de type « location libre », c’est-à-dire, ceux dont l’attribution n’exige aucun plafond de ressources ; et une partie des logements en accession. Les annulations se répartissent par quartier comme suit : • Vernet Clodion-Torcatis-Roudayre : o 33 logements en « location libre » • Vernet-Salanque : o 18 logements en « location libre » o 59 logements en « accession » Selon Mme Isabelle Medjani, chef de projet dans le secteur du Vernet pendant la mise en œuvre du PRU de Perpignan, ces projets de diversification ont été annulés, car les investisseurs ne pourraient pas les rentabiliser. D’après elle les logements de type « accession » déjà construits avaient échoué par le passé. Elle identifie la réputation du Vernet comme principale cause de cet échec. Figure 22 : Immeubles rénovés à Saint-Mattieu (rue François Arago). Auteur : Marchesan, 2009
  • 56. 56 Pour elle, l’image négative est très forte et elle empêche les efforts des acteurs à introduire la mixité sociale dans les quartiers. Elle dit à ce titre que « la mixité sociale ne se décrète pas ». b) Opérations de résidentialisation, d’aménagement et d’équipement La résidentialisation est l’action de revaloriser l’habitat par la création d’espaces intermédiaires dont les usages sont bien définis. Elle cherche à requalifier les espaces urbains dans l’intérêt d’améliorer l’environnement urbain et paysager ainsi que le cadre de vie des habitants. Le PRU de Perpignan a permis de réaliser 1268 opérations de résidentialisation et a consacré 7,3 M€ à cet effet. Comme nous l’avons vu précédemment, la création de centralités par l’aménagement et la création d’équipements sont nécessaires au désenclavement des quartiers (voir page 44) d’ailleurs, les dépenses liées aux travaux d’aménagement s’élèvent à 39 M€, et à la réalisation d’équipements à 41,5 M€. Le tableau ci-dessous recense les opérations les plus importantes dans les trois secteurs visés par le PNRU : Centre-ville Le Vernet Copropriété des Baléares Rois de Majorque • Création de la place Cativa à Saint-Matthieu • Réalisation d’un parking souterrain • Réaménagement de la place Cassagnes • Création de la maison des associations Clodion-Torcatis • Nouveau stade Jules Sbroglia • City stade (de proximité) • Jardins familiaux • Centre de formation USAP5 • Extension du groupe scolaire Victor-Duruy • Espace sportif de proximité • Centre social (maison de Saint-Martin) • Centre de loisirs 5 USAP : Union sportive arlequins perpignanais Figure 23 : La copropriété des Baléares Rois de Majorque après la résidentialisation. Auteur : Marchesan, 2009
  • 57. 57 • Création d’une aire de jeux à Saint-Matthieu • Aménagement de la place République • Centre commercial • Parc urbain • Parking IRTS6 Vernet-Peyrestortes • Espace Aquatique Arlette Franco • Espace Primavéra • Musée Bella Vernet-Salanque • Extension du centre social • Nouvelle halte-garderie • Maison des associations • Aire de jeux • Stade 2. Étude de l’impact socio-économique Dans cette partie nous étudierons l’impact socio-économique du PNRU sur les quartiers défavorisés qu’il a ciblés en vue d’évaluer son efficacité à remédier aux problèmes socio- économiques qu’ils rencontrent. La démarche que nous suivons pour étudier l’impact consiste à faire une analyse comparative des données qui concernent le niveau de vie, l’insertion dans l’emploi et l’éducation, car ils constituent les axes prioritaires de la politique de la ville en général et du PNRU en particulier. L’étude de l’impact passe par l’interprétation des données provenant de l’INSEE et les cartes créées à partir d’elles. Les données auxquelles nous nous intéressons relèvent en effet de deux périodes, celle d’avant la mise en application du PNRU en 2005, et celle d’après la fin du programme en 2013. 6 IRTS : Institut régional du travail social
  • 58. 58 a) Le niveau de vie Le niveau de vie est un moyen de mesurer les conditions et moyens d'existence d'une personne, d’une famille ou d'une population. En statistiques le niveau de vie peut être mesuré. En effet, l’INSEE le définit comme le « revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC) ». Nous pouvons donc grâce au revenu médian voir l’évolution du niveau de vie au sein d’une population. Figure 24 : Revenu médian par habitant (unité de consommation) à l'échelle des IRIS en 2014 – réalisé par A. Issaad en 2019. Sources : INSEE et IGN
  • 59. 59 Nous avons vu dans le chapitre précédent que les quartiers circonscrits dans le périmètre du PRU de Perpignan touchaient les revenus les plus faibles de la commune (Figure 12, voir partie II.C.1). Si nous comparons les données de 2005 aux données de 2014, nous remarquerons une augmentation des revenus fiscaux à l’échelle de la commune, mais peu de changements au niveau de l’inégalité territoriale. En effet, ces quartiers concentrent encore les ménages les plus défavorisés de Perpignan. En ce qui concerne l’inégalité de revenus à l’échelle des quartiers, si nous observons l’indice de Gini de chaque IRIS, nous verrons la même chose. Les quartiers rénovés concentrent le plus d’inégalités de revenus en leur sein. À partir de ce constat, nous pouvons dire que la rénovation des quartiers n’a pas eu l’effet escompté sur l’amélioration du niveau de vie des habitants, d’autant plus que, les données de la CAF semblent (Figure 26) affirmer cette réflexion. Figure 25 : Indice de Gini à l'échelle des IRIS en 2014 – réalisé par A. Issaad, en 2019. Sources : INSEE et IGN
  • 60. 60 En effet, les allocataires dont les revenus sont constitués entièrement d’allocations sociales se concentrent dans les zones urbaines sensibles, néanmoins le quartier Clodion-Torcatis échappe à cette règle. Malgré qu’il concentre les ménages les plus pauvres en 2014, son taux n’est pas très différent des quartiers voisins. Figure 26 : Taux d'allocataires dont le revenu est constitué à 100% de prestations sociales à l'échelle des IRIS en 2017 – réalisé par A. Issaad en 2019. Sources : INSEE et IGN