1. 1
5QUE RESTE T-IL DES NÉCROPOLES PUNIQUES DE MAHDIA ?
Njim Adel
Maître assistant en histoire et archéologie phénico-punique
Département d’Histoire
Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax (Tunisie)
(njim_adel@yahoo.com)
Résumé :
Cette communication s’intitule : que reste-il des nécropoles puniques de Mahdia ? Elle vise à établir un bilan
sur l’état actuel des vestiges funéraires puniques de la région de Mahdia.
Les vestiges funéraires puniques de Mahdia ont fait l’objet de multiples études par des archéologues
européens -surtout français- tout le long du 19eme siècle et au début du 20eme siècle. Ensuite ils ont fait
l’objet d’une synthèse réalisée par Mr Habib Ben Younes et présentée au début des années 80. Seulement,
l’exploitation de la zone des nécropoles comme carrières de pierre et l’urbanisation excessive de la région
depuis ces temps n’ont rien laissé de ces vestiges. Cette perte est dramatique ; je n’exagère pas de dire que
de ces monuments pourtant très importants il n’en reste quasiment rien. Le pire est que cette situation ne
concerne pas que la région de Mahdia mais toute la région du Sahel. Y a-t-il un moyen de remédier à cette
perte ? C’est à cette question que je vais essayer de répondre lors de cette communication. Cette
communication comporte trois axes. La première partie sera consacrée à la présentation de la cité de
Mahdia. En seconde partie je vais présenter les nécropoles puniques de la région de cette ville. En troisième
partie je vais se pencher sur les mécanismes de résurrection de ces vestiges funéraires puniques.
Cette entreprise pourrait faire un cas d’école pour d’autres chapitres de notre patrimoine ce qui constitue une
nouvelle stratégie dans la gestion de notre patrimoine archéologique en Tunisie et sans doute au Maghreb.
Mots clés :
Nécropoles puniques de Mahdia - Détérioration totale - Carrières de Mahdia - Restitution numérique -
Musée - Pédoachéolgie.
Introduction :
Cette communication qui s’intitule « Que reste-il des nécropoles puniques de Mahdia ? » compte faire un
bilan évaluatif des vestiges funéraires puniques de la région de Mahdia.
À l’occasion d’une récente étude sur un aspect du peuplement libyque à Mahdia1
j’ai effectué une visite aux
vestiges antiques de cette région. Ma déception était immense en visitant les vestiges funéraires puniques de
Mahdia.
Le thème de cette communication m’est venu à l’esprit en voyant le peu de traces qui restent de ces
monuments.
Les vestiges funéraires puniques de Mahdia sont d’une grande importance à la fois scientifique et
patrimoniale. Ces monuments funéraires puniques ont fait l’objet de multiples études par des archéologues
européens -surtout français- tout le long du 19eme siècle et au début du 20me siècle en suite ils ont fait
l’objet d’une synthèse réalisée par Mr Habib Ben Younes et présentée au début des années 80.
L’état des vestiges funéraires puniques de la région de Mahdia est très alarmant. L’exploitation de la zone
des nécropoles comme carrières de pierre et l’urbanisation excessive de la région depuis ces temps n’ont rien
laissé de ces vestiges. Cette perte est dramatique ; je n’exagère pas de dire que de ces monuments pourtant
très importants il n’en reste quasiment rien. Le pire est que cette situation ne concerne pas que la région de
1
Njim, 2017.
2. 2
Mahdia mais toute la région du Sahel. Y a-t-il un moyen de remédier à cette perte ? C’est à cette question
que je vais essayer de répondre lors de cette communication.
Cette contribution comportera trois parties. La première partie sera consacrée à la présentation de la cité de
Mahdia. En seconde partie je vais présenter les nécropoles puniques de cette ville. En troisième partie je vais
se pencher sur les mécanismes de résurrection de ces vestiges funéraires puniques.
Cette entreprise a une vocation expérimentale. Sa réussite pourrait faire un cas d’école pour d’autres
chapitres de notre patrimoine de plus en plus en péril. Cette approche constitue une nouvelle stratégie dans
la gestion de notre patrimoine archéologique en Tunisie et sans doute au Maghreb.
Première partie : Présentation de Mahdia
Géographie
Situation
L’actuelle Mahdia correspond à l’une des grandes villes de la Byzacène antique2
(figure 1). Cette région
porte le nom du Sahel à partir de l’époque médiévale3
. Cette ville est l’une des principales agglomérations
côtières du Sahel méridional4
(figure 2).
Topographie
La ville de Mahdia jouit d’une géographie exceptionnelle. Elle se situe sur un rocher baigné par la mer.
Cette presqu’île est d’environ mille cinq cent mètres de longueur et quatre cent mètres de largeur. Elle est
rattachée au continent par un cordon sablonneux étroit dont la largeur avoisine les cent soixante dix mètres5
(figure 3).
Toponymie
Antique
La toponymie antique de Mahdia est très riche. Cette ville avait eu de multiples noms qui nous renseignent
énormément sur sa vocation. Cette cité avait porté le nom d’Aphrodisium, d’Alipota, de Gummi6
et
probablement de Pharos7
. Le toponyme de Gummi est celui qui avait plus de longévité. Il semble avoir
continué sous la forme arabisée de Jemma un toponyme situé actuellement dans les environs de Mahdia8
.
Médiévale
Durant la période islamique la ville prend le nom de Mahdia. Ce toponyme est tiré du nom du fondateur de
la dynastie fatimide Al Mahdi qui s’y installe et en fait la capitale de son royaume environ à partir de l’année
9209
.
La ville antique
Emplacement
2
Dubuisson-Lipinski, 1992, p. 85.
3
Lancel-Lipinski, 1992, p. 384.
4
Younes, 2012, p. 26, figure 3.
5
Djelloul, 2003, p. 5.
6
Ben Younes, 1981, p. 252.
7
Djelloul, 2011, volume I, p. 156.
8
Ben Younes, Ibid.
9
Djelloul, Ibid.
3. 3
Cette communication se penche sur les nécropoles puniques de Mahdia. C’est une évidence qu’il y avait une
agglomération punique correspondant à ces nécropoles. Alors, où se trouvait cette cité antique ?
D’abord, examinons le rapport entre cité des vivants et cité des morts dans l’univers phénico-punique. Dans
le monde punique les nécropoles étaient de préférence repoussées à la périphérie des cités. Leur mode
d’extension varie selon les sites. Leur organisation spatiale ne suit pas de règle constante. Elle semble bien
plus liée à la nature ou à la configuration du terrain qu’à la volonté de se conformer à des perceptions
rituelles10
On se demande si la géographie spécifique d’une presqu’île à Mahdia a fait que l’agglomération urbaine et
les nécropoles ont coexisté. Le seul avis dont nous disposons sur l’emplacement de l’agglomération urbaine
antique punique à Mahdia est celui de Mr Ben Younes qui a effectué une synthèse sur le Sahel punique.
Selon ce chercheur rien n’indique que la cité punique avait occupé le même emplacement de la ville
fatimide c'est-à-dire sur la presqu’île de Mahdia. Le toponyme antique de Gummi qui désigne cette ville se
rapproche de celui du nom de lieu de Jemma. Celui-ci désigne un quartier situé en dehors des remparts de la
ville à l’époque fatimide. Donc, la cité punique n’avait pas occupé la presqu’île de Mahdia. Cependant,
durant l’époque punique la presqu’île était sûrement en partie occupée par des tombes11
.
Deuxième partie : Nécropoles puniques de Mahdia
Historique des recherches
Fouilles françaises
Notre méconnaissance de l’agglomération urbaine punique de Mahdia accentue l’importance des données
dont nous disposons sur la nécropole punique. Ce sont les rares vestiges archéologiques dont nous disposons
qui témoignent sur le chapitre punique de Mahdia et sa région.
Les vestiges funéraires puniques de Mahdia ont attiré l’attention des chercheurs de divers horizons à
l’époque où l’archéologie n’était pas uniquement l’apanage d’académiciens et de professionnels. Aussi, les
fouilles de cette nécropole remontent à bien longtemps. Ces investigations sont en rapport étroit avec le reste
des activités archéologiques françaises en Tunisie12
.
En effet, juste après la date de la présence française en Tunisie, les archéologues français montrent de
l’intérêt pour les vestiges funéraires puniques de Mahdia. C’est ainsi que la première fouille de ces
monuments remonte à l’année 1884. Elle était effectuée par P. Melon et n’a touché que quelques tombes.
Quelques années plutard, en 1890 c’est au tour de G. Hannezo de fouiller dans les nécropoles puniques de
Mahdia. Il est suivi en 1896 par D. Novak. Ensuite, au début du 20eme
siècle cette nécropole sera fouillée par
D. Anziani.
Sans doute quelques décennies plutard mais à une date inconnue que l’auteur ne précise pas P. Cinas
effectue une fouille dans les nécropoles puniques de Mahdia13
.
Fouilles tunisiennes
Ensuite, ce sont des archéologues tunisiens qui s’intéressent aux vestiges funéraires puniques de Mahdia.
C’est au début des années quatre vingt que Mr Ben Younes après avoir fait une recherche de synthèse sur
l’ensemble des nécropoles puniques du Sahel consacre une fouille aux nécropoles puniques de Mahdia14
.
Cette fouille est d’un intérêt extrême vu la disparition irréversible des traces des nécropoles puniques de
10
Benichou-Safar, 1992, p. 312.
11
Ben Younes, Op. Cit., p. 254.
12
Gutron, 2010.
13
Ben Younes, 1981, p. 259.
14
Ben Younes, 1985.
4. 4
Mahdia. C’est un grand dommage que les efforts d’investigation de ce chercheur ne se sont pas poursuivis
dans cette nécropole.
Localisation des nécropoles
Après avoir présenté l’historique des recherches consacrées aux nécropoles puniques de Mahdia, on va
évoquer la géographie de répartition de ces vestiges. Dans les nécropoles de Mahdia, on distingue deux
ensembles (figure 4).
La presqu’île
Le premier ensemble funéraire se concentre dans la presqu’île. C’est ainsi qu’on y retrouve un grand nombre
de tombes. Celles-ci sont essentiellement des auges superficielles. Cependant, D. Novak lors de sa fouille à
cet endroit y signale une tombe souterraine15
.
Le Jebel
Le deuxième ensemble conséquent de tombes puniques à Mahdia se trouve dans l’endroit appelé Le Jebel.
Ce groupe est orienté nord-sud. Il s’étend à peu près sur une douzaine de kilomètres. Il est situé à l’ouest de
Mahdia. Les tombes occupent les collines allant du nord au sud des agglomérations de Hiboun, de Borj Arif,
d’Ezzahra, de Zghena et de Rajiche16
.
Taille des nécropoles
En dehors de son importance scientifique incontestable la nécropole punique de Mahdia est très intéressante
aussi par sa taille. Les archéologues qui ont fouillé cette nécropole nous fournissent des chiffres qui ne
peuvent que nous interpeller. En Effet, G. Hannozo a pu recenser un total de 1040 tombes lors de sa fouille
dans cette nécropole17
. Egalement D. Anziani donne le chiffre de 948 tombes dans cette même nécropole18
.
Ces chiffres sont hautement significatifs puisqu’ils avoisinent ceux de la nécropole punique de Carthage19
.
C’est dire l’importance géographique de cette nécropole et bien évidemment son implication sur le
peuplement punique dans cette région.
Typologie
Les tombes puniques sont d’une extrême diversité. La typologie de ces vestiges est très instructive tant sur le
plan historique que culturel20
. Les tombes puniques deux Mahdia peuvent être réparties essentiellement en
deux grandes familles. D’abord, les auges creusées en surface. Ce premier type assez souvent très simple, est
sans grande variété morphologique21
. Le second type est celui des tombes à puits (figure 5). Il se caractérise
par une grande variété morphologique dans les escaliers, les chambres sépulcrales et les accessoires des
chambres funéraires. Ce type de tombes a de multiples points de comparaison possibles avec les monuments
funéraires de tradition libyque dits haouanets22
. En effet, une recherche récente montre que des tombes de
type haouanets existaient à Mahdia ce qui renforce l’idée d’une influence mutuelle entre ces vestiges et les
tombes puniques23
.
Chronologie
15
Ben Younes, 1981, p. 258.
16
Ibid.
17
Ibid., p. 259 note 23.
18
Ibib, note 25.
19
Ibid, p. 295.
20
Benichou-Safar, 1992 b, p. 457-461.
21
Ben Younes, Ibid., p. 276.
22
Ibid.
23
Njim, Op. Cit., p. 213.
5. 5
Il est intéressant de situer les nécropoles puniques de Mahdia dans l’échelle du temps historique. Les
données chronologiques dont nous disposons sur les vestiges funéraires puniques de Mahdia ne sont ni
abondantes ni homogènes. Une tombe de la région de Ezzahra est datable du troisième siècle avant J.-C..
Les tessons de surface de la zone de Jbal Rajiche et Douira datent du deuxième siècle avant J.-C.. D.
Anziani propose de dater l’utilisation de la nécropole punique de Mahdia à une période qui s’étend entre le
cinquième siècle et la fin du deuxième siècle avant J.-C.24
. Selon Pierre Cintas, cette nécropole remonte au
deuxième siècle avant J.-C.25
. Il dommage que aucun des deux auteurs ne donne les arguments de ces
attributions chronologiques. On est donc forcé de les accepter telles quelles.
Intérêts des nécropoles
Les nécropoles puniques de Mahdia sont intéressantes à des multiples égards. Les vestiges funéraires
puniques de Mahdia sont d’autant plus intéressants que les témoignages archéologiques relatifs au monde
des vivants sont plus rares et moins documentés. De plus, de tels indices sont englobés dans le tissu urbain
des différents périodes historiques qui se sont succédé dans la région.
Peuplement
Les nécropoles puniques en général constituent un document de choix pour l’étude du peuplement relatif à
cette civilisation. Cette donnée est valable aussi pour le dossier de Mahdia à l’époque punique. Nous avons
évoqué plus haut la taille considérable de ces nécropoles puniques de Mahdia qui avoisine celle des
nécropoles de la métropole de punique Carthage. Bien sûr, une telle donnée n’est pas sans nous interpeller
quant à l’importance de la présence punique dans cette région du Sahel.
La synthèse que Habib Ben Younes a effectuée sur le Sahel punique confirme l’importance et la continuité
de la présence punique non seulement à Mahdia mais tout au long de la côte sahélienne. En effet, les
vestiges puniques constituent un chapelet presque ininterrompu sur la côte du Sahel26
.
De telles données sont intéressantes pour comprendre l’identité démographique et culturelle de cette région.
Ces conclusions peuvent être comparées avec les études effectuées sur d’autres grandes régions de présence
punique en Tunisie comme celle de Carthage27
ou du Cap Bon28
.
Acculturation
Les tombes puniques de Mahdia nous sont utiles pour étudier l’acculturation entre les populations locales
dites Libyques et les populations d’origine orientale des Phéniciens. D’abord il faut se rappeler qu’une
bonne partie du Sahel était occupée par des populations libyques dont les monuments funéraires de type de
haouanets est encore debout29
. Nous avons également découverts à Mahdia les vestiges de tombes de
tradition libyque dont on ne soupçonnait pas la présence (figure 6). Les puniques se sont ainsi mêlées aux
populations libyques. C’est ainsi que selon l’avis de Habib Ben Younes, l’architecture funéraire de la
population de Mahdia et même du Sahel entier se rapproche parfois totalement de l’architecture libyque
même si l’influence phénicienne n’est jamais absente30
.
Un témoignage épigraphique de Thpasus exprime cette dualité culturelle. C’est ainsi qu’on trouve dans une
tombe de cette cité une inscription gravée dans laquelle le père porte un nom libyque alors que le fils porte
un nom phénicien31
. C’est un témoin évident de cette osmose culturelle libyco-punique.
24
Ben Younes, Op. Cit., p. 294, note 147.
25
Ibid., note 148.
26
Ibid., p. 424.
27
Benichou-Safar, 1982.
28
Fantar, 2000.
29
Ben Guith Hmissa, 2000.
30
Ben Younes, Ibid., p. 538.
31
Ben Younes, Op. Cit., p. 540.
6. 6
De telles découvertes enrichissent le dossier des rapports phénico-libyques sur lequel on dispose de
recherches dont celle de Mansour Ghaki32
et de Nabil Kallala33
.
Croyances
L’étude de l’héritage funéraire punique de Mahdia nous renseigne sur les croyances puniques. Les offrandes
funéraires sont aptes à nous dévoiler la conception religieuse des populations de cette époque. Selon de
multiples témoignages archéologiques, dans les nécropoles du Sahel y compris celles de Mahdia on a
souvent déposé auprès des cadavres inhumés une offrande alimentaire solide ou liquide de nature variée34
.
Comme on trouve des offrandes alimentaires auprès de cadavres incinérés on peut conclure qu’il est évident
que cette offrande n’était pas destinée à nourrir le cadavre du mort mais son âme
Ainsi, le fait de déposer une offrande alimentaire auprès du mort révèle des croyances profondes. Ce geste
dévoile sans doute le degré de spiritualité des populations sahéliennes35
.
Culture
Les nécropoles puniques de Mahdia sont instructives non seulement par leur architecture mais également par
le décor qu’elles comportent. Ce répertoire iconographique est de plus en plus étudié afin de nous dévoilée
l’univers culturel punique. En effet, les parois des chambres funéraires puniques de Mahdia à l’image des
tombes puniques sahéliennes contiennent un décor de couleur rouge à la fois linéaire et floral36
.
Par exemple dans une tombe d’Ezzahra, on trouve un décor en deux bandes parallèles peintes dans la partie
supérieure des quartes parois. Ce décor se concentre aussi autour des niches. Parfois aussi le fronton des
niches de forme triangulaire est peint. Egalement, la base de la niche peut porter un décor d’une bande rouge
soulignée par des touches de même couleur37
.
Les décorations florales sont intimement liées aux niches. Hannezo les décrit ainsi : « les décorations
murales faites avec la couleur rouge pâle représentent généralement du feuillage et des fleurs et entouraient
les niches triangulaires »38
.
Habib Ben Younes en a trouvé dans une tombe de Jebel Rajiche une niche encadrée sur ces trois côtés par
deux bandes parallèles. De part et d’autre de la niche on a deux fleurs de lotus de grandeur inégale39
.
Une représentation picturale dans une tombe punique de la région d’Ezzahra à Mahdia pourrait avoir une
signification religieuse importante (figure 7). Cette figure est à mettre en rapport avec d’autres
représentations comme celles qu’on trouve sur la céramique par exemple. Un vase punique que nous avons
récemment publié nous confirme le rapport étroit de ce répertoire iconographique avec l’univers religieux
local et méditerranéen (figure 8). Ainsi, ce répertoire iconographique est très utile pour la connaissance de la
cosmogonie punique en général.
Commerce
L’étude de céramique d’importation des nécropoles puniques de Mahdia nous renseigne sur les rapports
commerciaux de ces populations avec d’autres régions méditerranéennes. La céramique dite campanienne
qui est une production d’origine italienne40
trouvée dans les nécropoles de Mahdia se situe entre le
32
Ghaki, 1979.
33
Kallala, 2007.
34
Ben Younes, Ibid., p. 505.
35
Ibid., p. 506.
36
Ibid., p. 274.
37
Ibid.
38
Ibid., note 77.
39
Ibid., p. 275.
40
Morel, 1992, p. 1720.
7. 7
quatrième et le deuxième siècle avant J.-C.41
. Elle est un témoignage fort intéressant sur le commerce entre
l’Afrique et l’Italie durant cette période.
Troisième partie : Résurrection des nécropoles puniques de Mahdia
Notre rencontre scientifique se penche sur les politiques de préservation du patrimoine. C’est ainsi que cette
recherche envisage naturellement de s’occuper de cet aspect. Ainsi, le dernier volet de notre communication
va se pencher sur les mécanismes de résurrection des nécropoles puniques de Mahdia.
Etat des nécropoles
Carrières
Comme nous l’avons déjà formulé, l’idée de cette recherche nous est venue à l’esprit lors d’une visite des
carrières de Mahdia où nous avons pu voir ce qui reste des nécropoles puniques de cette région.
La plupart des zones où se trouvaient les nécropoles de Mahdia aussi bien en bord de mer qu’à l’intérieur
des terres en fonctionné comme carrières de pierre et ce depuis l’antiquité (figure 9).
Actuellement l’exploitation de la pierre de cette zone a nettement diminué vu la raréfaction de ce matériau.
Ces vastes zones sont devenues des crevasses à différents usages.
Autres usages
Certains endroits des carrières se sont transformés en zones de plantations agricoles (figure 10) et d’autres
en espaces bâtis à de multiples usages à vocation communautaire (figure 11) ou privée (figure 12). Assez
souvent, les zones des carrières sont devenues un véritable problème qui nécessite une solution.
Valorisation des nécropoles
Le devenir des sites archéologiques est un souci de plus en plus présent en Tunisie qu’il s’agit de sites
prestigieux comme Carthage ou de sites moins célèbres comme celui des nécropoles de Mahdia. C’est dire
l’implication croissante du patrimoine archéologique dans le développement local qui s’impose comme
nécessité non seulement à l’échelle tunisienne mais à une dimension nettement plus vaste42
.
Projet de Carthage
Le site de Carthage a bénéficié d’une campagne de sauvetage internationale. Le slogan même de cette
campagne dévoile qu’un danger existe puisque l’intitulé de ce projet est celui de : « Pour sauver
Carthage »43
.
Projet canadien
La zone des carrières de Mahdia qui se confond avec celle des nécropoles puniques a fait l’objet d’un projet
de réhabilitation tuniso-canadien44
. Cette initiative de valorisation est sans doute fort intéressante. Elle est
axée sur le côté urbanistique. De ce fait, nous lui reprochons de ne pas avoir pris en compte la dimension
archéologique. Ni celle des nécropoles puniques ni celle des carrières qui constituent elles aussi un
patrimoine archéologique antique. En réaction à ce que nous considérons comme des lacunes flagrantes,
nous proposons notre scénario pour la valorisation des nécropoles puniques de Mahdia et des carrières
historiques qui se confondent avec elles.
41
Ben Younes, Ibid., p. 290.
42
Vernières, 2011.
43
Ennabli, 1992.
44
Poullaouec-Gonidec, 2008.
8. 8
Mécanismes
L’ultime partie de cette recherche est consacrée aux mécanismes de résurrection des nécropoles puniques de
Mahdia. Nous y proposons notre vision originale pour réhabiliter cet héritage patrimonial que nous
considérons comme exceptionnel.
Procédés
Les recherches sur les nécropoles de Mahdia remontent aux années quatre-vingt. La dernière synthèse est
effectuée par Mr Habib Ben Younes. Ce travail pourtant très intéressant est dépassé. Ainsi, une
documentation actualisée de ces vestiges est nécessaire.
Les projets de réhabilitation des nécropoles de Mahdia et des carrières qui s’y confondent dont le projet
canadien n’ont pris en considération que la dimension urbaine de ces espaces. Alors, nous appelons vers une
étude multidimensionnelle qui prenne en considération le côté à la fois géographique, archéologique et
urbanistique. Une telle approche globale est la seule garantie de la pérennité des solutions proposées.
La nouvelle documentation des nécropoles puniques de Mahdia pourrait aboutir à la réalisation d’une carte
numérique de ces vestiges et d’une restitution virtuelle de ce patrimoine. Une telle opération est ate à
faciliter la visualisation de cet héritage archéologique. Une telle action est d’autant plus souhaitable que la
visite des lieux afin est désolante puisqu’il ne reste sur les lieux que des crevasses parfois désolantes.
Nous appelons même à la création d’un musée véritable ou provisoirement d’une structure muséographique
de ces vestiges exceptionnels. Cette initiative est très rentable vu l’importance grandissante du rôle même
financier des musées dans l’économie de la culture45
.
Public
La mise en place de ce projet sans doute original pour la ville de Mahdia sera mise à la disposition d’un
public diversifié.
La première catégorie de visiteurs du musée des nécropoles et carrières de Mahdia est un public classique
avide de curiosité et de divertissement. Cette tranche de public est de plus en plus grande en Tunisie.
La deuxième catégorie de public visée par ses structures muséographiques originales est représentée par les
enfants. En effet, la pédoarchéologie c'est-à-dire l’archéologie adressée aux enfants est une nouvelle branche
en plein essor dans le monde. L’initiation des enfants à l’archéologie a un objectif pédagogique. Sensibiliser
les jeunes de Mahdia à leur héritage archéologique est de nature à éveiller des vocations parmi eux fin de se
spécialiser dans ce domaine d’activités.
La dernière catégorie de public à laquelle sera destiné le musée des nécropoles de Mahdia est constitué par
les chercheurs confirmés mais surtout les jeunes chercheurs. Nous avons auparavant conçu un projet encore
inédit appelé académie numérique que nous espérons médiatiser bientôt. Cette structure virtuelle sera
adressée aux scientifiques du monde entier afin de faciliter les échanges entre eux.
Conclusion :
Cette rencontre scientifique a voulu se pencher sur un thème très important et de plus en plus prisé par les
recherches qui est celui des actions publiques et politiques patrimoniales de préservation du patrimoine en
péril. Nous pensons que cette communication où nous avons engagé une réflexion sur les modalités de
valoriser les nécropoles puniques de Mahdia et ses carrières s’intègre parfaitement dans ce cadre.
Effectivement, les vestiges funéraires puniques de Mahdia sont peu connus par le grand public malgré leur
grande importance scientifique et culturelle. Cet héritage du passé pose un grand problème de valorisation à
la ville de Mahdia et à toute la région du Sahel où des vestiges similaires foisonnent. La réflexion sur les
45
Benhamou, 2011, p. 50-63.
9. 9
modalités de sauvetage de ces espaces nous enseigne la nécessité de se munir d’une vision le plus souvent
complexe et pluridimensionnelle. Cet enseignement est valable pour d’autres structures archéologiques
menacées. En fin, la réussite de mise en place d’un projet de mise en valeur efficace des nécropoles et des
carrières d Mahdia pourrait faire un cas d’école dont s’inspirent d’autres villes du Sahel. Nous pensons,
qu’une valorisation patrimoniale n’est réussie que si elle a une vision d’avenir solide d’où l’intérêt
d’impliquer la jeune génération dans ce projet patrimonial. C’est le garant d’un avenir où l’héritage
patrimonial est mieux considéré.
Références bibliographiques :
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d’études approfondies, Tunis 2000.
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10. 10
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Liste des figures
Figure 1 : Carte de la Byzacène antique ; Despois, 1955, p. 116, figure 16.
11. 11
Figure 2 : Carte du Sahel méridional ; Younes, 2012, p. 26, figure 3.
Figure 3 : Carte de la presqu’île de Mahdia ; Njim, 2017, p. 212, figure 1.
Figure 4 : Localisation des nécropoles puniques et des carrières de Mahdia ; Poullaouec-Gonidec, 2008, p.
103 et figure.
Figure 5 : Plan d’une tombe punique de Mahdia ; Ben Younes, 1985, p. 51, planche X.
Figure 6 : Tombe libyque de type hanout dans la presqu’île de Mahdia ; Njim, 2017, p. 215, figure 4.
Figure 7 : Décor peint dans une tombe punique de Mahdia, Ben Younes, 1985, p. 55, planche XVIII.
Figure 8 : Vase punique décoré d’une scène religieuse ; Njim, 2016, p. 28, Figure 1.
Figure 9 : Carte des carrières littorales antiques de Tunisie ; Slim, 2004, 256, Figure 166.
Figure 10 : Plantations dans les anciennes carrières de Mahdia ; Poullaouec-Godinec, 2008, p. 65 et figure.
Figure 11 : Bâtiments à vocation communautaire dans les anciennes carrières de Mahdia ; Poullaouec-
Godinec, 2008, p. 22 et figure.
Figure 12 : Bâtiments à vocation privée dans les anciennes carrières de Mahdia ; Photo de l’auteur.
Catalogue des figures
Figure 1 Figure 2