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LA TOPONYMIE MAGHRÉBINE ANTIQUE
LECTURE PRAGMATIQUE DE L’ESPACE
Adel Njim ː Spécialiste en histoire et archéologie antiques
Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax (Tunisie)
Mail ː njim_adel@yahoo.com
L’histoire a connu surtout au début du vingtième siècle une ouverture vers de nouvelles disciplines. Celles-ci
sont vite devenues des alliées fortes de la science historique. L’une de ces nouvelles branches sur lesquelles
l’histoire compte de plus en plus est la science qui a pour objet la nomenclature de l’espace. C’est la
toponymie qui s’occupe de l’étude des noms de lieux appelés en grec toponymes. Par sa faculté de nommer
les lieux, cette science constitue l’une des branches de l’onomastique en général1
. Elle constitue un terroir
riche et fécond de la terminologie historique et archéologique.
Les recherches en sciences humaines et surtout celles étudiant les rapports de l’homme à son milieu sont
fatalement de en plus pluridisciplinaires. La toponymie, incarne bien cette devise. C’est un outil mariant à la
fois l’histoire et la géographie. Cette discipline est d’un secours incontesté pour étudier un milieu, ses
potentialités et son histoire. La toponymie est une légende terminologique d'une carte de l'espace. Ça
démarche est observatrice, descriptive soucieuse des ressources du milieu retenues comme appellations
repères. C'est aussi un calendrier mental d'évènements scellés par la nomenclature communautaire. Elle est
aussi la marque d’une empreinte à la fois culturelle et politique des individus comme des communautés. La
toponymie véritable est une épigraphie du sol qui peut indiquer une stratigraphie de l’occupation. Elle
constitue une mémoire des lieux, toujours riche de suggestions, d’une conscience collective.
La toponymie est sans doute incontournable pour étudier l’histoire et l’archéologie du monde antique
méditerranéen et plus spécifiquement nord-africain. Elle pèse de son poids du fait de son lien à la
terminologie couramment utilisée, du fait de sa qualité à qualifier l’espace et du fait de la place qu’elle
devrait occuper dans les différents crénos de recherche sur l’antiquité plus particulièrement nord-africaine.
Les exemples sont nombreux, je m’arrêterai à un seul phénomène. Concernant la nomenclature des cités, le
nom d’une cité est originellement latin, punique ou libyque, ce n’est pas arbitraire ni sans conséquence
historique. Ce même nom fait-il appel à un élément du paysage, à un monument, à un monument
quelconque, à un évènement, à un personnage, etc. C’est là un chapitre de l’histoire qui se profile et un
indice qui tranche un débat ou favorise une piste à d’autres. Puisque c’est ainsi, l’acte de nommer les lieux,
spécifiquement en Afrique du nord antique, a-t-il une même logique ? Qu’elles étaient ces mécanismes ?
Les données toponymiques constituent un outil privilégié pour lire le paysage et identifier ses ressources.
Les études de la toponymie maghrébine sont de plus en plus prisées. Dans ce cadre scientifique nous avons
pensé apporter une touche particulière qui essaye de concilier les soucis d’un historien et ceux d’un
géographe. Ainsi, lors de ce colloque pertinent notre contribution s’inscrit dans le thème de la ville et son
territoire. Notre communication aura pour objet de présenter une ébauche inédite d’une synthèse de la
toponymie du Maghreb. Malgré la grande superficie de cet espace, nous allons essayer de présenter une
approche thématique des noms lieux maghrébins. Une observation de la toponymie au Maghreb ; Algérie2
,
Tunisie3
, Maroc4
et Libye5
nous autorise à dire que ces données ont l’avantage de refléter l’environnement
sous tous ses aspects à la fois naturels et anthropiques.
1
Mulon, Toponymie, p. 917.
2
Lancel, Algérie, p. 15-17.
3
Lancel-Lipinski, Tunisie, p. 474-476.
4
Ponsich, Maroc, p. 273-275.
5
Lipinski, Libye, p. 259-260.
2
Nous avons pu définir trois grands axes à cette thématique. D’abord, les toponymes géographiques. Ensuite,
les toponymes urbains. Enfin, les personnymes. Il ne s’agit pas de présenter un catalogue exhaustif mais un
instrument de lecture unifié afin d’harmoniser la recherche sur cette question.
Les toponymes géographiques peuvent être répartis en deux catégories grandes. Les noms de lieux relatifs à
l’espace et les noms de lieux se rapportant aux ressources hydriques. Les toponymes relatifs à l’espace
reflètent la diversité des milieux géographiques. Les toponymes de cette rubrique nomment les différents
types de paysage qu’ils soient maritimes, insulaires, terrestres ou également relatifs à la nature de la côte
côtier ou au relief.
L’espace maritime a préoccupé toutes les cultures. Faire une synthèse des noms des mers est sans doute une
initiative intéressante et fort instructive. Méditer le nom de la mer Méditerranée est assurément très
intéressant. Le nom de cette mer vient de sa position au centre du monde connu de l’époque. D’où son nom
de Méditerranée c'est-à-dire littéralement au centre de la terre6
.
Une mer est aussi qualifiée en fonction de sa position locale. C'est-à-dire l’espace qu’elle borde. C’est ainsi
qu’on parle de mer d’Afrique (figure 1)7
, de mer Syrtique bordant la côte des Syrtes et de mer Kerkennensis
baignant les îles Kerkenna.
Une mer peut prendre une appellation tirée de son histoire. En effet, les Romains ont qualifié la
Méditerranée de Mare Nosrtum8
. Cette nomenclature marque la domination romaine de cet espace. Les
Musulmans ont consacré cette vérité par leur terme Mer des Roums.
Egalement, une mer peut être nommée en fonction d’autres critères tels que la couleur. C’est ainsi qu’on
parle de mer Noire et de mer Rouge. Au niveau des côtes la plupart du temps se sont les noms des caps se
confondent avec les noms locaux des mers.
Les appellations locales des mers cèdent souvent la place à celles des caps. Un cap est souvent qualifié par
sa caractéristique la plus remarquable. Le nom de Cap Afrique qui correspond à la ville tunisienne de
Mahdia située au Sud du Sahel exprime cette notion9
. Cette cité est très avancée en mer ce qui a fait qu’elle
se confondait avec le continent africain. C'est-à-dire comme si quand on atteint cette cité on a atteint ce
continent. Le nom d’un cap reflète une qualité plus circonscrite. Le nom de Ruspina l’ancien nom de la ville
tunisienne de Monastir est une appellation sémitique qui nous est parvenue en langue latine10
. Cette
appellation constituée de deux parties Rus signifie le cap en phénicien et Penna qui signifie île en grec. C’est
justement cette caractéristique géographique qui marque cet endroit. Un cap est défini aussi par la nature de
la mer qui le baigne. Le toponyme tunisien de Ras Ed Drek au Cap Bon signifie le cap de l’épouvante11
.
Cette appellation reflète sans doute la nature de cet endroit où la navigation est sans doute assez délicate. Par
ailleurs, un cap est désigné par la nature des ressources de son arrière-pays. La région tunisienne du Nord
Est appelée Cap bon fut qualifiée selon les Romains de Promontoire Pulcaire traduite par l’expression de
Beau Promontoire qui a donné le terme de Cap Bon12
. Cette nomenclature reflète sans doute l’abondance le
climat doux et les ressources de cette zone à la fois maritimes et terrestres.
Un Cap peut aussi être appelé en fonction des ressources hydriques qu’il offre. L’actuelle ville algérienne de
Skikda portait le nom de Rusicade tiré vraisemblablement de l’appellation punique de Ras Kd expliqué
6
Doumengue, Méditerranée.
7
Arnaud, Routes, p. 150 et figure.
8
Reddé, Mare Nostrum.
9
Lancel, Mahdia, p. 269.
10
Lancel-Lipinski, Ruspina, p. 380.
11
Lancel-Lipinski, Ras Ed Drek, p. 369-370.
12
Lancel-Lipnski, Cap Bon, p. 88-89.
3
comme désignant le Cap de la Cruche. Selon les spécialistes ce toponyme est une référence à un point d’eau
devenu un comptoir13
.
De multiples caps étaient qualifiés avec des ethnonymes, nous verrons cela dans la rubrique des
ethnonymes.
Les îles avaient leur part importante dans la toponymie. Nous avons déjà parlé de l’actuelle ville tunisienne
de Monastir qui s’appelait Ruspina durant l’antiquité c'est-à-dire le Cap des îles. Egalement, l’île comme
une entité du paysage a eu sa part dans la toponymie géographique. C’est ainsi qu’une grande île tunisienne
située à la pointe nord du Cap Bon en Tunisie est nommée La Galite14
. Cette appellation est sans doute
d’origine sémitique. C’est l’altération du terme Zalata qui est un synonyme de celui de roche dans les
dialectes sémitiques. Vraisemblablement ce sont les marins phéniciens qui ont nommé cette île.
Une île est qualifiée aussi selon sa taille. Nous avons un bel exemple de l’archipel des Kerkenna en
Tunisie15
. Parmi les îles de cet archipel une petite île s’appelle Gattaya. Nous pensons que ce terme n’est que
l’altération du terme arabe de Hassaya. C'est-à-dire petit caillou en référence à la petite taille de cette île.
Une île est nommée selon sa couleur. On dispose d’un témoignage sur ce phénomène. Il s’agit de l’île
d’Ibiza au large de l’Espagne16
. Cette appellation n’est autre que l’altération du terme de Abyadh Hassa qui
signifie Roche Blanche tiré de la couleur de la roche de cette île. Ce toponyme sans doute tiré du registre
sémitique reflète sûrement une réalité historique. Ce sont vraisemblablement les Phéniciens qui avaient
inventé ce toponyme.
Un espace insulaire est aussi nommé selon les monuments qui distinguent l’endroit et en premier les vestiges
à caractère défensif. C’est ainsi que les îles dites Kerkenna en Tunisie avaient sûrement tiré leur nom des
monuments défensifs situés sur ces îles17
. Ce toponyme n’est que l’altération de celui de Sakhr Hissn c'est-à-
dire muraille en pierre.
La nature du sol avait constitué un souci dans l’action toponymique. C’est ainsi qu’on qualifiait la région par
la nature de son sol. Les noms de lieux de Rmell qui signifie terre sablonneuse sont très fréquents. On en
trouve aussi bien à Mahdia qu’aux îles Kerkenna. Ce terme reflète un lieu favorable à l’accostage. On trouve
également le terme de Stara qui n’est autre que celui de Terre Rocheuse. Cette appellation donne une idée
sur la disponibilité des ressources en pierre. On dispose de ce toponyme dans la région du Sahel tunisien
dans les zones où on dispose d’un affleurement rocheux.
La rubrique toponymique des montagnes peut être nommée oronymie. Ce terme est aussi appliqué aux
toponymes qualifiant le relief en général alors que le vocable grec Oros qui constitue ce terme désigne la
montagne. Nous disposons de toponymes relatifs aux montagnes. Au sud tunisien le nom de la cité de Kebili
n’est autre qu’une altération du terme arabe Jebel désignant la montagne. Une montagne est désignée par sa
taille. Nous avons un exemple intéressant en Algérie. Le nom des Monts Aurès en Algérie n’est que celui de
montagnes de Waera Hassa c'est-à-dire Immenses Roches. Cette appellation serait probablement d’origine
phénicienne ce qui expliquerait cette orthographe18
.
Une montagne est aussi nommée en fonction de la couleur dominante de ses roches. Au Maroc se situe le
célèbre mont Toubkal qui serait la montagne du Toub Akehal c’est à dire à la Roche Noire. En Turquie se
trouve les monts Carpates ce qui veut dire les montagnes à la Roche Blanche. L’actuel Djel Cheanbi en
13
Lipinski, Rusicade, p. 379.
14
Chelbi, Galite, p. 80.
15
Lancel-Lipinski, Kerkenna, p. 245.
16
Fernandez, Ibiza, p. 222-226.
17
Lancel-Lipinski, Kerkenna, p. 245.
18
Ballais et alii, Aurès, p. 1066.
4
Tunisie serait probablement une altération du terme Jebel el Hassa el Abyadh c'est-à-dire montagne à la
roche blanche.
Le plus souvent les montagnes sont désignées par les vestiges qui s’y trouvent. En Tunisie les monts
Ouesslet situées à l’Ouest de Kairouan signifient les montagnes des Maisons en Pierre. Nous avons aussi le
nom de Jbel Haddada c'est-à-dire la montagne qui contient un système de fortification ou un limes.
C’est à raison que les toponymes relatifs à l’eau sont par excellence les plus abondants et les plus diversifiés
parmi les noms de lieux. Nous disposons dans la toponymie antique nord-africaine de nombreux noms de
cités relatifs à des endroits jouissant d’une abondance en eau. Les formules sont nombreuses et diverses pour
refléter cette réalité géographique. Le nom de la ville de Zama au nord de la Tunisie signifie l’eau
abondante19
. D’ailleurs le toponyme actuel de Jemma a exactement la même signification. L’actuelle ville de
Mahdia au Sahel tunisien se nommait Gummi20
. Ce toponyme qu’a gardé une zone située non loin de
Mahdia est un hydronyme qui signifie une zone où l’eau est abondante. La ville de Kairouan s’appelait
Gamonia avant l’Islam. Ce toponyme reflète une région riche en eau21
.
En Algérie nous avons le nom d’une célèbre cité romaine qui est à l’origine un toponyme tiré d’un cours
d’eau signifiant une abondance en eau. Il s’agit du toponyme de Timgad qui est certainement préromain22
.
Bon nombre de toponymes de régions et de villes sont à l’origine relatifs aux cours d’eau et à leur nature
souvent précisée avec grande pertinence. Le nom antique l’actuelle ville de Larache au Maroc est Loukos en
phénico-punique. La transcription altérée de ce nom par les Romains est Lixus. Comme nous l’avons
précisé, ce toponyme est relatif à un cours d’eau qui a donné son nom à cette cité23
. Nous pensons que le
toponyme phénico-punique n’est autre que celui de Hlou Ghit qui veut dire eau potable.
D’autres toponymes très fréquents désignent les cours d’eau. Le nom de la célèbre rivière d’Afrique du nord
orientale la Bagrada des sources antiques n’est autre que celui du nom actuel Mejerda qui signifie l’eau
coulante24
. Nous trouvons également des noms de villes tirés de cours d’eau avec des transcriptions et des
prononciations différents dont certaines sont aptes à nous dérouter quant à l’origine étymologique et au sens
de ces toponymes. Le nom de la ville de Biskra en Algérie est en fait celui d’eau courante mais la première
lettre prononcée différemment comme il est fréquent dans les langues sémitiques. Le nom de la ville de
l’actuelle de Guelma l’antique Calama en Algérie est autre version de sur le même thème. Ce nom n’est
autre que celui d’eau coulante. De Tunisie nous avons le même toponyme mais dont les syllabes sont
inversées. C’est le nom de la ville comme d’Ammaedara25
. Comme il nous est parvenu en latin on peut
facilement penser que ce toponyme est romain alors qu’il n’est autre que la prononciation latine du terme
Eau qui coule. Le nom de la ville de Madaure en Algérie n’est sans doute que ce même toponyme
légèrement modifié26
. Enfin une autre version de ces toponymes relatifs aux cours d’eau. Il s’agit du nom de
la cité de Sullectum au Sahel tunisien27
. On interprète souvent ce nom comme s’il est tiré du verbe
sélectionner. Nous pensons que ce toponyme n’est autre qu’un hydronyme signifiant l’eau coulante
abondante et relatif à l’origine à un cours d’eau qui a donné son nom à la cité voisine.
Nous disposons d’une toponymie fort intéressante de régions de la Tunisie qui donne une idée sur la nature
du cours d’eau dont il est tiré. Il s’agit du nom de la région de la Tusca au nord de la Tunisie28
. Ce toponyme
19
Lancel-Lipinski, Zama, p. 500.
20
Lancel, Mahdia, p. 269.
21
Ben Abbès, Afrique, p. 474.
22
Lipinski, Timgad, p. 455.
23
Ponsich, Lixus, p. 264.
24
Gascou, Medjerda. p. 18.
25
Laronde, Afrique, p.
26
Lipinski, Madaure , p. 267.
27
Lancel, Ras Salakta, p. 385.
28
Lipinski, Djebel Messoudj, p. 133.
5
préromain n’est à nos yeux qu’une altération d’un nom dont on retrouve un voisin dans la langue arabe qui
veut dire l’eau puissante ou turbulente.
Nous disposons aussi de multiples toponymes relatifs à l’eau chaude. L’actuelle ville tunisienne de Korba au
cap bon l’antique Curubis célèbre jusqu’à nos jours par ces sources d’eau chaude semble en tirer son nom29
.
Etonnamment, l’eau est signalée même quand elle est absente ou quand sa présence est saisonnière. En effet,
nous disposons de toponymes qui reflètent cette situation. Le terme Sebkha est selon nous la traduction de
cette réalité. Ce toponyme est appliqué à des régions comme à des villes. En Tunisie, nous avons la ville de
Sbikha au Nord-Ouest de Kairouan qui n’est qu’un diminutif de ce nom géographique.
Nous disposons de toponymes relatifs à des sources dont certains sont parfois associés à des villes. Plusieurs
de ces toponymes sont altérés par le temps et nécessitent d’être élucidés. Prenons par exemple le toponyme
de Ain Draham en Tunisie du nord, nous pensons que ce nom n’est que l’altération de celui de source d’eau
chaude coulante.
Assez souvent des toponymes relatifs à des sources d’eau sont associés à des animaux comme c’est le cas
d’Ain el Bgar ou Ain el Attrouss ou Ain el Kebch. Au fait il ne s’agit que de l’expression Eau Coulante ou
Eau Abondante altérée par les temps et les usages. Les toponymes des points d’eau liés à des aménagements
humains comme ils supposent une intervention anthropique telle que les puits et les fontaines seront évoqués
dans les toponymes urbains relatifs aux activités économiques.
La deuxième grande catégorie de toponymes du Maghreb est relative au phénomène urbain vu dans son
ensemble. Elle regroupe tous les noms de lieux qui se rapportent à l’action de l’homme sur l’espace
géographique brut. C’est ainsi que cette catégorie de toponymes urbains comporte les toponymes ayant une
relation avec les habitations de toute sorte, les toponymes relatifs aux fortifications, les toponymes inhérents
au terroir et enfin les toponymes en rapport avec les activités économiques. Certes, ce dossier est vaste mais
pour une première approche de synthèse comme celle-ci nous avons préféré cette démarche pour pouvoir
ensuite se focaliser sur tel ou tel aspect précis.
Pour cerner les noms de lieux ou de villes relatifs au phénomène urbain il est très logique de commencer par
les habitations de toute sorte. En effet, nous disposons d’une panoplie de toponymes décrivant les
habitations avec leur grande diversité.
Il y a une forte possibilité que le toponyme composé avec le terme Kef assez fréquent en Afrique du nord
impliquait l’existence d’une grotte qui avait initialement donné ce toponyme. Nous disposons de pareils
toponymes appliqués à la fois à des localités comme à des villes. En Algérie la petite cité numide nommée
Zattara en latin porte le nom de Kef Bezioun30
. En Tunisie un autre lieu qui correspondait sans doute à une
petite cité autochtone porte le nom de Kef el Blida31
. Egalement une grande ville du nom antique de Sicca
Veneria s’appelle actuellement El Kef32
.
Il faut aussi prêter attention à de multiples noms de lieux composés avec le terme arabe Ghar synonyme de
celui de grotte. De pareils toponymes sont très nombreux dont certains avaient sûrement désigné à l’origine
des habitations ou assez fréquemment des tombes troglodytiques de type haounet. Dans les environs de
Mahdia au Sahel tunisien nous avons le lieu-dit Ghar Tebbyba qui à notre avis désigne les haouanet dont
bon nombre existe encore.
Nous disposons d’un nombre rare de toponymes relatifs à un habitat de type troglodytique. Au Sahel
tunisien nous avons un village du nom de Rajich qu’on a voulu lire comme une altération du terme latin
29
Lancel-Lipinski, Cap Bon, p. 88.
30
Lipinski, Kef Bezioun, p. 244.
31
Balty, Kef el Blida, p. 244.
32
Thébert, Sicca Veneria, p. 410.
6
Regius ou celui du terme arabe de Rawa el Jaych en relation avec les conquêtes arabes. Nous pensons que ce
toponyme n’est que l’altération de celui de Rass Houch signifiant maisons creusées dans le roc qui étaient le
mode d’habitation le plus vieux au Sahel dont ce toponyme garde la mémoire.
Nous disposons aussi de toponymes relatifs à une agglomération de type oppidum. Une localité située à
l’ouest de la vile de Kairouan en Tunisie centrale porte actuellement le nom de Abida. Nous pensons que ce
toponyme est une altération de celui d’oppidum. Egalement nous avons au nord de la Tunisie deux petites
villes du nom antique de Apisa Maius et Minus. Nous interprétons ce toponyme comme celui d’oppidum33
.
Aussi bien le terme grec Polis que le terme arabe Blêd qui désignent la cité se retrouve souvent dans des
toponymes. Nous avons en Tunisie du nord un village du nom de Balta. Ce toponyme désigne sûrement
celui de cité. Nous avons également le toponyme évoqué plus haut de Kef el Blida qui fait référence à une
cité.
Nous disposons de toponymes faisant référence à une ville tirés du registre phénicien. L’exemple le plus
fameux est celui de Carthage34
. Ce toponyme authentiquement phénicien est fréquent avec la même forme
aussi bien en Orient comme à Chypre35
qu’en Occident méditerranéen comme en Sardaigne36
. On le
retrouve aussi avec des formes proches de celui-ci en Espagne avec la cité du nom de Crathagène37
. On le
retrouve aussi avec des formes différentes comme le témoigne le toponyme de Cartima en Espagne38
qui est
une réplique du toponyme sidonien de Qartimme39
ou sous la forme Qarta qui correspond à Tel Mégadim en
Palestine40
. La célèbre cité algérienne de Cirta devenue Constantine à l’époque byzantine fait partie de cette
même catégorie de toponymes41
.
Dans la catégorie des noms de lieux urbains nous avons bon nombre de toponymes relatifs aux fortifications
des villes d’une grande diversité et d’une richesse foisonnante qu’il est intéressant d’examiner.
L’Espagne nous a fourni un toponyme d’une origine phénicienne certaine relatif à une cité fortifiée, il s’agit
de la cité de Gadir l’actuelle Cadix42
. Ce toponyme proche du terme arabe de Jidar est interprété comme la
muraille ou l’entrepôt.
Nous avons aussi au Maghreb des toponymes antiques relatifs à des fortifications entières de cités ou à des
éléments éminents des fortifications qui finissent par désigner toute la ville. Au Sahel tunisien se trouve une
cité antique très célèbre dont le nom punique est Adrym devenu Hardumetum en Latin. Le nom punique de
cette ville n’est autre que l’altération de Att Hyma qui signifie la grande muraille43
.
Nous avons aussi bon nombre de cités dont le nom entier ou une partie du nom comporte le terme Hippo. Le
nom de la ville algérienne de Hippone est tiré du nom latin de Hippo Regius44
. Une ville située au Nord de la
Tunisie actuellement nommée Bizerte portais le nom latin de Hippo Diarhytus45
. On trouve aussi au Sahel
tunisien une petite ville du nom actuel de Hiboun qui est sans doute une altération de celui de Hippo. Tous
ces toponymes désignent des fortifications.
33
Lipinski, Apisa, p. 34.
34
Lancel-Lipinski, Carthage, p. 91-94.
35
Lipnski, Carthage de Chypre, p. 94.
36
Lipinski, Carthage sarde, p. 94-95.
37
Moller-Lipinski, Carthagène, p. 95.
38
Lipnski, Cartima, p. 96.
39
Bunnens, Qartimme, p. 367.
40
Lipinski, Qarta, p. 367.
41
Bertrandy, Constantine, p. 117-118.
42
Rouillard, Gadès, p. 181-183.
43
Lancel-Lipinski, Hadrumète, p. 203-204.
44
Lancel-Lipinski, Hippone, p. 218.
45
Lancel-Lipinski, Bizerte, p. 74-75.
7
En Tunisie également dans une zone stratégique située à l’extrémité Sud Est du Cap Bon on a une ville dont
les murailles antiques sont encore débout et qui sans doute ont donné leur nom à cette cité maritime. Cette
ville porte le nom actuel de Kéliba qui est tiré du Latin Clupea46
. Ce toponyme est sans aucun doute
d’origine sémitique qui n’est autre que celui de Kalea Bydha c'est-à-dire Muraille Blanche. La première
partie de ce toponyme comporte le terme de Kalea qui désigne une fortification et qu’on retrouve encore de
nos jours désignant des villes dans de multiples endroits.
D’autres noms de lieux relatifs à une partie des fortifications de cité sont devenus des noms de quartiers
d’une ville ou même de la totalité de la ville. Un très célèbre exemple nous vient de la Carthage phénicienne,
il s’agit du toponyme de Byrsa47
. Ce nom de lieu malgré de multiples recherches n’a pas été correctement
interprété. Ce nom de lieu est d’origine phénicienne incontestée. Il n’est autre que celui du terme sémitique
Borj qu’on retrouve encore dans la langue arabe. Il a désigné la citadelle de la ville Phénicienne de Carthage
et l’un de ces quartiers les plus distingués. Ce toponyme était appliqué à la totalité d’une ville. Le nom
actuel de la ville de Tabarca en Tunisie du nord non loin de la frontière algérienne48
comme celui du nom de
la ville de Barca en Libye ne sont autre que celui de Borj dont la prononciation est altérée par le temps49
.
Plusieurs toponymes des fortifications sont relatifs aux matériaux dont sont faits les édifices défensifs. Ces
données sont bien sûr très instructives. Nous disposons de toponymes qui se rapportent à des murailles de
terre. En Tunisie, nous avons plusieurs noms de lieux qui reflètent cette réalité urbaine. En Tunisie du nord
nous avons une cité antique nommée en Punique Altbrs qui est reprise en Latin par Althiburos50
. Ce
toponyme grade la mémoire du système de fortifications puniques dites Arsat. Ainsi ce nom de lieu signifie
les Arst en terre. Au Sahel tunisien nous avons une cité ancienne dont le nom romain est Thapsus. Le nom
punique de cette ville est Tpsr51
. Nous pensons que ce toponyme signifie muraille de terre. Un toponyme
d’une orthographe légèrement différente situé en Sicile est nommé Thapsos52
. Nous pensons fort qu’il le
même sens que le précédent.
Un autre toponyme tunisien actuellement nommé Oudna qui est une altération du nom latin d’Uthina53
. Ce
toponyme est une altération du terme Hout Tyn qui signifie murailles en terre. Egalement, le toponyme
antique de Sufetula serait très vraisemblablement une altération de celui de murailles en terre54
.
En Algérie nous avons un toponyme très intéressant qu’on peut mettre dans cette rubrique. Le nom latin de
la ville de Igilgili devenu Jijel était selon nous mal interprété55
. Il serait préférable d’y voir celui de Hajar
Kilae qui a subi une altération et qui signifie murailles en pierres. Le nom de la très célèbre cité phénicienne
de Carthage est interprété comme celui de Cité Nouvelle alors qu’en réalité il s’agit plutôt de l’expression
sémitique de Qart Hout Hajar Att c'est-à-dire Cité aux Grandes Murailles de Pierre56
. Cette piste est plus
probable quand on sait que len nom de la cité de Carthage était confondue avec celui de Trashich dont
l’orthographe phénicienne de Trss signifie Sakhr Souss c'est-à-dire Murailles en pierre57
. Enfin, citons un
toponyme assez fréquent qui a même perduré jusqu’à nos jours c’est celui du nom de Kalea. La cité
tunisienne du nom ancien de Thala serait une déformation de celui de Kalea58
.
46
Lancel-Lipinski, Kélibia, p. 245.
47
Lancel-Lipnski, Byrsa, p. 83-85.
48
Lipnski, Tabarka, p. 434.
49
Laronde, Op. Cit., p. 207.
50
Lancel-Lipinski, Althiburos, p. 23.
51
Lancel-Lipinski, Thapsus, p. 447.
52
Falsone, Thapsos, p. 447.
53
Laronde, Afrique, p. 217.
54
Ibid, p. 214.
55
Lancel, Igilgili, p. 228.
56
Lancel-Lipinski, Carthage, p. 91.
57
Lipinski, Tarshich, p. 440.
58
Lipinski, Thala, p. 446.
8
Il arrive aussi qu’on trouve des toponymes antiques désignant la couleur des fortifications. Nous avons deux
exemples forts intéressants parmi les toponymes tunisiens. L’un se rapporte à un territoire ou à une cité bien
précise le second est le nom d’une ville. La partie orientale de la de la Tunisie centrale qui correspond à peu
près au Sahel actuel porte durant l’antiquité le nom vraisemblablement africain de Bussatis ou Buzakis
devenu Byzacium chez les Latins59
. Ce toponyme n’est que l’altération de l’expression Grande(s)
Muraille(s) Blanche(s). Nous ignorons si ce terme désignait les murailles de multiples villes du Sahel
antique ou uniquement celle de la ville d’Hadrumète dont nous avons parlé qui a tiré son nom de sa grande
muraille et qui a donné son nom à la totalité du territoire de la Byzacène.
Nous avons déjà parlé de la ville tunisienne de Kélibia située dans une zone stratégique située à l’extrémité
Sud Est du Cap Bon à propos du nom de villes tirées de ces murailles. Nous évoquons cet exemple de
nouveau quant à la couleur des fortifications. Cette ville porte le nom actuel de Kéliba qui est tiré du Latin
Clupea60
. Ce toponyme est sans aucun doute d’origine sémitique qui n’est que celui de Kalea Bydha c'est-à-
dire Muraille Blanche. Plus étonnant encore, le nom grec de cette cité Aspis n’est qu’une prononciation
grecque du terme sémitique Oss Bydh qui veut dire Murs Blancs.
Nous avons de multiples toponymes relatifs aux différents éléments d’un terroir. Certains toponymes
donnent une idée sur la statue juridique d’une cité. La ville actuelle de Béja au nord de la Tunisie est une
déformation du nom qui reflète son statut juridique ancien de Vicus61
. Plusieurs villes tunisiennes antiques
portaient le nom de Vicus dont par exemple celle confondue avec le village actuel de Sidi el Hani entre
Sousse et Kairouan. Une autre catégorie de toponymes nous renseigne sur le statut des cités qui étaient des
résidences royales numides. C’est le suffixe Régia qui atteste cette caractéristique et qu’on retrouve dans
plusieurs des noms de cités. Nous avons comme exemple la cité de Bulla Régia en Tunisie du Nord qui prit
ce surnom suite à son annexion par le roi numide Massinissa62
.
Plusieurs noms de lieux qui gardent le souvenir des voies de communication. Au nord de la Tunisie nous
avons une ville antique du nom de latin de Sicca Veneria. Le nom de cette ville n’est qu’une prononciation
latine d’un terme sémitique qui est celui de Route Phénicienne63
.
Au Sahel tunisien nous avons une ville située au nord de Sousse actuellement nommée Akkouda qui est une
déformation de son nom antique Itikouda. Ce toponyme est à nos yeux une déformation du terme punique de
Grande voie64
.
L’actuelle ville de Zaghouan située au sud de Tunis s’appelait en latin Ziqua il est fort probable que ce
toponyme est d’origine préromaine et signifie la voie65
.
Nous avons un toponyme très intéressant d’autant plus qu’il jusque-là unique qui reflète une zone de
plantations. Ce nom de lieux nous vient de la Carthage phénicienne. C’est une zone de la cité de Carthage
qui s’appelle Mégara66
. Bien que ce toponyme nous est parvenu en langue grecque. Il s’agit sûrement d’un
toponyme phénicien. Il signifie la zone de plantations. D’ailleurs le terme arabe encore en usage de Mezerae
signifiant la même chose est phonétiquement très proche de celui-ci. Une ville tunisienne actuelle du nom de
Dimna n’est que l’arabisation du nom antique de celui de Domaine67
.
59
Dubuisson-Lipinski, Byzacène, p. 85.
60
Lancel-Lipinski, Kélibia, p. 245.
61
Lancel-Lipinski, Béja, p. 68.
62
Thébert, Bulla Regia, p. 81-82.
63
Thébert, Sicca Veneria,p. 410.
64
Djelloul, Akkouda, p. 44.
65
Lipinski, Zaghouan, p. 500.
66
Sznycer, Megara, p. 125, figure 2.
67
Hassen,Toponymie, p. 25.
9
La toponymie maghrébine antique est très riche en données relatives aux activités économiques. Nous avons
des toponymes signifiant les ports. Le nom de la ville de Lepcis ou Leptis en Libye est relatif à son phare68
.
Pour différencier deux villes célèbres par leur ports on désignait l’une Leptis Magna c'est-à-dire la Grande
qui se situe en Libye et Leptis Minus c'est-à-dire la Petite située au Sahel tunisien69
. De même le nom de
l’actuelle ville de Gabès au Sud Est tunisien est une altération du nom antique de Tacapes70
. Ce toponyme
est une altération du le nom sémitique de Kabass qui fait allusion au phare de cette ville et qui a donné ce
nom.
Nous avons quelques toponymes antiques qui désignent des ports. Le nom de l’île de Mozia71
désigne à
l’origine un port. C’est sans doute une altération de terme Marsa qui dans les langues sémitiques désignait le
port. Le nom de l’île de Malte est aussi une altération du même terme désignant un port72
. Nous disposons
d’un autre toponyme qui désigne une place de commerce et probablement un port, il s’agit du nom
d’emporion. La ville d’Empurias en Espagne appartient à cette catégorie de nom de lieux73
. En Afrique du
nord de multiples régions avaient abrité des Emporia. La Tunisie a sûrement abrité des emporia durant la
période punique. Elles sont situées au Sud Est tunisien et correspond à la Petite Syrte74
.
Nous pouvons même supposer que certains toponymes maghrébins antiques désignent un marché même si
cette question mérite un approfondissement ultérieur. En effet, le toponyme de la célèbre ville actuelle
d’Utique au Nord de la Tunisie est Itukè en Grec75
. Nous pensons que ce nom était mal interprété alors qu’il
n’est autre que celui de la transcription grecque du terme sémitique Att Souk c'est-à-dire Le Marché ou
même Att Souk c'est-à-dire Grand Marché. Nous avons une ville du nom néopunique de Zouchis sur la côte
Sud Est tunisienne à l’Ouest de l’île de Jerba il se pourrait fort que ce toponyme signifie aussi Grand
Marché76
. Le nom de la cité algérienne actuelle de Souk Ahras l’antique Tagaste est interprété comme le
Marché aux fauves77
.
Nous avons probablement un nom de lieu qui fait référence à un grenier antique. C’est un lieu-dit Henchir el
Maklouba situé non loin de la côte à l’entrée de la ville actuelle de Ksour Essaf au Sahel tunisien. Nous
pensons fort que c’est une altération du toponyme de Macellum qui désigne des greniers romains78
.
Les installations hydrauliques faisaient aussi partie du répertoire toponymique. La ville antique du nom de
Tigibba au Nord de la Tunisie est vraisemblablement une transcription latine du nom sémitique de Jibb ou
Jobb qui signifie le puits.
Les ressources minérales et les activités économiques qu’elles engendrent ont donné naissance à des
toponymes. En Tunisie, les ressources de pierre situées au Cap Bon et confondues avec le village actuel d’El
Haouaria s’appelaient en grec Latomies79
. Nous pensons que c’est une prononciation déformée du terme
sémitique de Makalae qui veut dire carrières en général et ici elles désignent les carrières de pierre.
L’argile et les installations de potiers ont sûrement leur part dans la toponymie. Pour l’instant nous ne
disposons que de noms de lieux récents sur cette réalité artisanale de haute importance. Dans l’île de Jerba
68
Rebuffat, Leptis Magna, p. 257-258.
69
Cecchini, Leptis Minus, p. 258.
70
Lipinski, Gabès, p. 181.
71
Falsone, Motyé, p. 301.
72
Ciasca, Malte, p. 271.
73
Aubet, Ampurias, p. 27.
74
Rebuffat, Emporion, p. 2622-2627.
75
Cecchini, Utique, p. 489.
76
Lipinski, Zarzis, p. 500.
77
Lipinski, Souk Ahras, p. 421
78
Slim-Trousset, Littoral, p. 143 : Maqluba.
79
Lancel-Lipinski, El Haouaria, p. 149.
10
nous avons le nom d’un village qui désigne cette activité c’est celui de Gallala qui désigne les potiers80
.
Nous avons aussi des noms de quartiers désignant des fours comme celui nommé Akwach aux environs de
Mahdia. Aux environs de la ville de Monastir nous avons un village du nom de Henchir Ettennyr qui reflète
sans doute une installation artisanale impliquant l’usage de fours probablement pour la fabrication de
céramique.
De multiples divinités avaient marqué la toponymie antique maghrébine. Le personnage d’Hercule est le
plus célèbre. Cette divinité a donné son nom au détroit marquant la sortie de la Méditerranée nommé les
colonnes d’Hercule81
. Nous disposons aussi de villes portant le nom d’Heraklion dont deux sont situées en
Sicile82
. Une ville du Sahel tunisien du nom actuel de Hergla est une déformation du nom antique de
Heraklion.
Nous avons aussi des villes du nom d’Appolon aussi bien en Orient83
qu’en Occident sur de la Grande
Syrte84
. Egalement, Aphrodite a eu sa part dans la toponymie puisque des multiples villes maghrébines
antiques avaient porté le nom d’Aphrodisium comme par exemple l’actuelle ville tunisienne de Mahdia au
Sahel. Pour comprendre les raisons spécifiques de ces appellations des études ponctuelles sur chaque cité
sont nécessaires.
Les ethnonymes ont désigné les continents et les régions. Les noms d’Afrique, de Lybie, de Numidie et de
Maurétanie sont à l’origine des noms de tribus. Nombreux sont les noms de villes qui sont à l’origine des
noms de tribus. On peut citer en Algérie la tribu des Misicini qui ont peuplé la ville actuelle de Biska. En
Tunisie le peuple des Npzih a donné son nom à la ville de Nefzawa, l’ethnie des Mskw a peuplé la ville de
Msaken et la tribu des Mktrm a qualifié la cité de Mactar85
.
Plusieurs cités portent des régionymes, ce sont des personnalités politiques ayant marqué des cités par leur
nom. Les exemples sont très nombreux, on peut citer les villes algériennes de Caesarea l’actuelle Cherchel86
.
Les cités romaines qualifiées d’Augusti font référence à l’empereur romain Auguste. Par exemple la ville de
Sidi el Hani entre Sousse et Kairouan s’appelait Vicus Augusti. C’est sous son règne qu’elles ont eu cette
promotion de statut. La ville de Kairouan en Tunisie s’appelais Jubaltiana avant de connaître l’arrivée de
l’Islam, elle garde par ce nom la mémoire du ce roi numide Juba qui l’avait prise pour résidence. Ainsi, les
évènements politiques ont une incidence sur la nomenclature de noms de lieux. La ville algérienne a pris le
nom de l’empereur byzantin Constantin87
.
La plupart des patronymes ne sont pas antiques mais islamiques et modernes. Cependant, nous voulons
attirer l’attention sur un phénomène très intéressant. De multiples patronymes sont l’altération de toponymes
ou de réalités antiques. Sidi Bou Saïd aux environs de Tunis est une déformation du toponyme de Borj
Hassa Atty c'est-à-dire Grande fortification en pierre. Nous avons pu découvrir que le marabout de Sidi
Masseoud à l’entrée de Mahdia reflète le terme arabe de Ma Houdh c'est-à-dire des installations
hydrauliques dont des citernes d’eau. Le nom du village tunisien de Sidi Amara qui est le Saint patron de la
ville de Korbous au Cap Bon n’est que l’altération du terme Eau Chaude dont le nom antique d’Aquae
Clidae Carpitanae est un témoignage. Les exemples sont certainement beaucoup plus nombreux.
Au terme de cette brève présentation, nous tenons à dire que cette communication ne peut prétendre d’être
exhaustive. Portant nous insistons à la fois sur l’originalité de cette approche et son caractère inédit. Par
ailleurs, cette communication constitue une partie d’un projet plus large portant sur la thermalisation de la
80
Lancel-Lipinski, Djerba, p. 134.
81
Rouillard, Gibraltar, p. 190.
82
Roobaert, Héraklée, p. 215.
83
Lipinski, Apollonia, p. 34-35.
84
Laronde, Afrique, p. 206-207.
85
Ghaki, Ethnonymes, p. 88.
86
Lancel-Lipinski, Cherchel, p. 104-105.
87
Berthier, Constantine, p. 117-118.
11
toponymie maghrébine en dehors du cadre des périodisations (figure 2). Ce projet nécessitera dans doute
l’implication de multiples spécialistes de plusieurs disciplines et de différentes périodes historiques. Ce
travail a tenté de voir la toponymie maghrébine antique au travers l’angle du pragmatisme qui animait les
Anciens, leur souci des ressources et leur esprit pertinent. Cette question riche peut être développée à
l’avenir. Dans notre travail, nous avons tenté de dépasser la question des interprétations grecques et latines
des toponymes maghrébins souvent récurrentes dans la littérature scientifique européenne est reprises sans
trop de critiques par les chercheurs des pays du Maghreb dont les interprétations sont souvent décalées et
aberrantes. Nous avouons qu’un approfondissement et une reprise de certaines données est nécessaire pour
les affirmations critiques et novatrices avancées furtivement dans cette note. Cette contrainte est due aux
limites du cadre qui nous est réservé. Enfin nous tenons à dire la complémentarité entre le travail des
historiens et des géographes du Maghreb pour ce dossier qui est celui des études du milieu.
BIBLIOGRAPHIE
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Lancel, Mahdia : S. Lancel, Mahdia, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 269.
Lancel, Ras Salakta : S. Lancel, Ras Salakta, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 385.
Lancel-Lipinski, Althiburos : S. Lancel-E. Lipinski, Althiburos, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 23.
12
Lancel-Lipinski, Béja : S. Lancel-E. Lipinski, Béja, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 68.
Lancel-Lipinski, Bizerte : S. Lancel-E. Lipinski, Bizerte, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 74-75.
Lancel-Lipinski, Byrsa : S. Lancel-E. Lipinski, Byrsa, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 83-85.
Lancel-Lipinski Cap Bon : S. Lancel-E. Lipinski, Cap Bon, dans E. Lipinski, Dictionnaire, p. 88-89.
Lancel-Lipinski, Carthage : S. Lancel-E. Lipinski, Carthage, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 91-94.
Lancel-Lipinski, Cap Bon : S. Lancel-E-Lipinski, Cap Bon, dans Lipinski, Dictionnaire p. 88-89.
Lancel-Lipinski, Cherchel : S. Lancel-E.Lipinski, Cherchel, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 104-105.
Lancel-Lipinski, Djerba : S. Lancel-E. Lipinski, Djerba, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 134.
Lancel-Lipinski, El Haouaria : S. Lancel-E. Lipinski, El Haouaria, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 149.
Lancel-Lipinski, Hadrumète : S. Lancel-E. Lipinski, Hadrumète, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 203-204.
Lancel-Lipinski, Hippone : S. Lancel-E. Lipinski, Hippone, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 218.
Lancel-Lipinski, Kélibia : S. Lancel-E-Lipinski, Kélibia, dans Lipinski, Dictionnaire p. 245.
Lancel-Lipinski, Kerkenna : S. Lancel-E-Lipinski, Kerkenna, dans Lipinski, Dictionnaire p. 245.
Lancel-Lipinski, Ras Ed Drek : S. Lancel-E-Lipinski, Ras Ed Drek, dans Lipinski, Dictionnaire p. 369-370.
Lancel-Lipinski, Ruspina : S. Lancel-E-Lipinski, Ruspina, dans Lipinski, Dictionnaire p. 380.
Lipinski, Tarshich : E. Lipinski, Tarshich, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 440-442.
Lipinski, Thala : E. Lipinski, Thala, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 446.
Lancel-Lipinski, Thapsus : S. Lancel-E. Lipinski, Thapsus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 447.
Lancel-Lipinski, Tunisie, S. Lancel-E. Lipinski, Tunisie, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 47’-476.
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Lipinski, Gabès : E. Lipinski, Gabès, dans Lipinski, Dictionnaire p. 181.
Lipinski, Kef Bezioun : E. Lipinski, Kef Beziuon, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 244.
Lipinski, Libye : E. Lipinski, Libye, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 259-260.
Lipinski, Madaure : E. Lipinski, Madaure, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 267.
Lipinski, Qarta : E. Lipinski, Qarta, dans Lipinski, Dictionnaire p. 367.
Lipinski, Souk Ahras : E. Lipinski, Souk Ahras, dans Lipinski, Dictionnaire p. 421
Lipinski, Tabarka : E. Lipinski, Tabarka, dans Lipinski, Dictionnaire p. 434.
Lipinski, Timgad : E. Lipinski, Timgad, dans Lipinski, Dictionnaire p. 455.
Lipinski, Zaghouan : E. Lipinski, Zaghouan, dans Lipinski, Dictionnaire p. 500.
Lipinski, Zarzis : E. Lipinski, Zarzis, dans Lipinski, Dictionnaire p. 500.
Moller-Lipinski, Carthagène : F. Moller-E. Lipinski, Cathagène, dans Lipinski, Dictionnaire p. 95.
Mulon, Toponymie : M. Mulon, Toponymie, Encyclopédie Universalis, Paris 2008, p. 917-918.
Ponsich, Maroc : M. Ponsich, Lixus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 273-275.
Ponsich, Lixus : M. Ponsich, Lixus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 264.
Rebuffat, Emporia : R. Rebuffat, Emporia, Encyclopédie Berbère, vol. 17, p. 2622-2627.
Rebuffat, Leptis Magna, R. Rebuffat, Leptis Magna, dans Lipinski, Dictionnaire p. 257-258.
Reddé, Mare Nostrum : M. Reddé, Mare Nosrtum, Paris 1986.
Roobaert, Héraklée : A. Roobaert, Hérakée, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 215.
Rouillard, Gadès : P. Rouillard, Gadès, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 181-183.
Rouillard, Gibraltar : P. Rouillard, Gibraltar, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 190.
Slim-Trousset, Littoral : H. Slim-P. Trousset, Le Littoral de la Tunisie étude géoarchéologique et historique,
Paris 2004.
Sznycer, Megara : M. Sznicer, Le problème de la Megara de Carthage, dans L’histoire et l’archéologie
de l’Afrique du Nord, Paris, 1986, p. 191-132.
13
Thébert, Bulla Regia : Y. Thébert, Bulla Regia, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 81-82.
Thébert, Sicca Veneria : Y. Thébert, Sicca Veneria, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 410.
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : différents noms de mers de la Méditerranée occidentale en fonction des côtes qui les baignent.
Figure 2 : tableau synoptique d’une ébauche préliminaire de la toponymie thématique du Maghreb.
CATALOGUE DE FIGURES
Figure 1
14
Figure 2

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Adel Njim toponymie et ressources.docx

  • 1. 1 LA TOPONYMIE MAGHRÉBINE ANTIQUE LECTURE PRAGMATIQUE DE L’ESPACE Adel Njim ː Spécialiste en histoire et archéologie antiques Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax (Tunisie) Mail ː njim_adel@yahoo.com L’histoire a connu surtout au début du vingtième siècle une ouverture vers de nouvelles disciplines. Celles-ci sont vite devenues des alliées fortes de la science historique. L’une de ces nouvelles branches sur lesquelles l’histoire compte de plus en plus est la science qui a pour objet la nomenclature de l’espace. C’est la toponymie qui s’occupe de l’étude des noms de lieux appelés en grec toponymes. Par sa faculté de nommer les lieux, cette science constitue l’une des branches de l’onomastique en général1 . Elle constitue un terroir riche et fécond de la terminologie historique et archéologique. Les recherches en sciences humaines et surtout celles étudiant les rapports de l’homme à son milieu sont fatalement de en plus pluridisciplinaires. La toponymie, incarne bien cette devise. C’est un outil mariant à la fois l’histoire et la géographie. Cette discipline est d’un secours incontesté pour étudier un milieu, ses potentialités et son histoire. La toponymie est une légende terminologique d'une carte de l'espace. Ça démarche est observatrice, descriptive soucieuse des ressources du milieu retenues comme appellations repères. C'est aussi un calendrier mental d'évènements scellés par la nomenclature communautaire. Elle est aussi la marque d’une empreinte à la fois culturelle et politique des individus comme des communautés. La toponymie véritable est une épigraphie du sol qui peut indiquer une stratigraphie de l’occupation. Elle constitue une mémoire des lieux, toujours riche de suggestions, d’une conscience collective. La toponymie est sans doute incontournable pour étudier l’histoire et l’archéologie du monde antique méditerranéen et plus spécifiquement nord-africain. Elle pèse de son poids du fait de son lien à la terminologie couramment utilisée, du fait de sa qualité à qualifier l’espace et du fait de la place qu’elle devrait occuper dans les différents crénos de recherche sur l’antiquité plus particulièrement nord-africaine. Les exemples sont nombreux, je m’arrêterai à un seul phénomène. Concernant la nomenclature des cités, le nom d’une cité est originellement latin, punique ou libyque, ce n’est pas arbitraire ni sans conséquence historique. Ce même nom fait-il appel à un élément du paysage, à un monument, à un monument quelconque, à un évènement, à un personnage, etc. C’est là un chapitre de l’histoire qui se profile et un indice qui tranche un débat ou favorise une piste à d’autres. Puisque c’est ainsi, l’acte de nommer les lieux, spécifiquement en Afrique du nord antique, a-t-il une même logique ? Qu’elles étaient ces mécanismes ? Les données toponymiques constituent un outil privilégié pour lire le paysage et identifier ses ressources. Les études de la toponymie maghrébine sont de plus en plus prisées. Dans ce cadre scientifique nous avons pensé apporter une touche particulière qui essaye de concilier les soucis d’un historien et ceux d’un géographe. Ainsi, lors de ce colloque pertinent notre contribution s’inscrit dans le thème de la ville et son territoire. Notre communication aura pour objet de présenter une ébauche inédite d’une synthèse de la toponymie du Maghreb. Malgré la grande superficie de cet espace, nous allons essayer de présenter une approche thématique des noms lieux maghrébins. Une observation de la toponymie au Maghreb ; Algérie2 , Tunisie3 , Maroc4 et Libye5 nous autorise à dire que ces données ont l’avantage de refléter l’environnement sous tous ses aspects à la fois naturels et anthropiques. 1 Mulon, Toponymie, p. 917. 2 Lancel, Algérie, p. 15-17. 3 Lancel-Lipinski, Tunisie, p. 474-476. 4 Ponsich, Maroc, p. 273-275. 5 Lipinski, Libye, p. 259-260.
  • 2. 2 Nous avons pu définir trois grands axes à cette thématique. D’abord, les toponymes géographiques. Ensuite, les toponymes urbains. Enfin, les personnymes. Il ne s’agit pas de présenter un catalogue exhaustif mais un instrument de lecture unifié afin d’harmoniser la recherche sur cette question. Les toponymes géographiques peuvent être répartis en deux catégories grandes. Les noms de lieux relatifs à l’espace et les noms de lieux se rapportant aux ressources hydriques. Les toponymes relatifs à l’espace reflètent la diversité des milieux géographiques. Les toponymes de cette rubrique nomment les différents types de paysage qu’ils soient maritimes, insulaires, terrestres ou également relatifs à la nature de la côte côtier ou au relief. L’espace maritime a préoccupé toutes les cultures. Faire une synthèse des noms des mers est sans doute une initiative intéressante et fort instructive. Méditer le nom de la mer Méditerranée est assurément très intéressant. Le nom de cette mer vient de sa position au centre du monde connu de l’époque. D’où son nom de Méditerranée c'est-à-dire littéralement au centre de la terre6 . Une mer est aussi qualifiée en fonction de sa position locale. C'est-à-dire l’espace qu’elle borde. C’est ainsi qu’on parle de mer d’Afrique (figure 1)7 , de mer Syrtique bordant la côte des Syrtes et de mer Kerkennensis baignant les îles Kerkenna. Une mer peut prendre une appellation tirée de son histoire. En effet, les Romains ont qualifié la Méditerranée de Mare Nosrtum8 . Cette nomenclature marque la domination romaine de cet espace. Les Musulmans ont consacré cette vérité par leur terme Mer des Roums. Egalement, une mer peut être nommée en fonction d’autres critères tels que la couleur. C’est ainsi qu’on parle de mer Noire et de mer Rouge. Au niveau des côtes la plupart du temps se sont les noms des caps se confondent avec les noms locaux des mers. Les appellations locales des mers cèdent souvent la place à celles des caps. Un cap est souvent qualifié par sa caractéristique la plus remarquable. Le nom de Cap Afrique qui correspond à la ville tunisienne de Mahdia située au Sud du Sahel exprime cette notion9 . Cette cité est très avancée en mer ce qui a fait qu’elle se confondait avec le continent africain. C'est-à-dire comme si quand on atteint cette cité on a atteint ce continent. Le nom d’un cap reflète une qualité plus circonscrite. Le nom de Ruspina l’ancien nom de la ville tunisienne de Monastir est une appellation sémitique qui nous est parvenue en langue latine10 . Cette appellation constituée de deux parties Rus signifie le cap en phénicien et Penna qui signifie île en grec. C’est justement cette caractéristique géographique qui marque cet endroit. Un cap est défini aussi par la nature de la mer qui le baigne. Le toponyme tunisien de Ras Ed Drek au Cap Bon signifie le cap de l’épouvante11 . Cette appellation reflète sans doute la nature de cet endroit où la navigation est sans doute assez délicate. Par ailleurs, un cap est désigné par la nature des ressources de son arrière-pays. La région tunisienne du Nord Est appelée Cap bon fut qualifiée selon les Romains de Promontoire Pulcaire traduite par l’expression de Beau Promontoire qui a donné le terme de Cap Bon12 . Cette nomenclature reflète sans doute l’abondance le climat doux et les ressources de cette zone à la fois maritimes et terrestres. Un Cap peut aussi être appelé en fonction des ressources hydriques qu’il offre. L’actuelle ville algérienne de Skikda portait le nom de Rusicade tiré vraisemblablement de l’appellation punique de Ras Kd expliqué 6 Doumengue, Méditerranée. 7 Arnaud, Routes, p. 150 et figure. 8 Reddé, Mare Nostrum. 9 Lancel, Mahdia, p. 269. 10 Lancel-Lipinski, Ruspina, p. 380. 11 Lancel-Lipinski, Ras Ed Drek, p. 369-370. 12 Lancel-Lipnski, Cap Bon, p. 88-89.
  • 3. 3 comme désignant le Cap de la Cruche. Selon les spécialistes ce toponyme est une référence à un point d’eau devenu un comptoir13 . De multiples caps étaient qualifiés avec des ethnonymes, nous verrons cela dans la rubrique des ethnonymes. Les îles avaient leur part importante dans la toponymie. Nous avons déjà parlé de l’actuelle ville tunisienne de Monastir qui s’appelait Ruspina durant l’antiquité c'est-à-dire le Cap des îles. Egalement, l’île comme une entité du paysage a eu sa part dans la toponymie géographique. C’est ainsi qu’une grande île tunisienne située à la pointe nord du Cap Bon en Tunisie est nommée La Galite14 . Cette appellation est sans doute d’origine sémitique. C’est l’altération du terme Zalata qui est un synonyme de celui de roche dans les dialectes sémitiques. Vraisemblablement ce sont les marins phéniciens qui ont nommé cette île. Une île est qualifiée aussi selon sa taille. Nous avons un bel exemple de l’archipel des Kerkenna en Tunisie15 . Parmi les îles de cet archipel une petite île s’appelle Gattaya. Nous pensons que ce terme n’est que l’altération du terme arabe de Hassaya. C'est-à-dire petit caillou en référence à la petite taille de cette île. Une île est nommée selon sa couleur. On dispose d’un témoignage sur ce phénomène. Il s’agit de l’île d’Ibiza au large de l’Espagne16 . Cette appellation n’est autre que l’altération du terme de Abyadh Hassa qui signifie Roche Blanche tiré de la couleur de la roche de cette île. Ce toponyme sans doute tiré du registre sémitique reflète sûrement une réalité historique. Ce sont vraisemblablement les Phéniciens qui avaient inventé ce toponyme. Un espace insulaire est aussi nommé selon les monuments qui distinguent l’endroit et en premier les vestiges à caractère défensif. C’est ainsi que les îles dites Kerkenna en Tunisie avaient sûrement tiré leur nom des monuments défensifs situés sur ces îles17 . Ce toponyme n’est que l’altération de celui de Sakhr Hissn c'est-à- dire muraille en pierre. La nature du sol avait constitué un souci dans l’action toponymique. C’est ainsi qu’on qualifiait la région par la nature de son sol. Les noms de lieux de Rmell qui signifie terre sablonneuse sont très fréquents. On en trouve aussi bien à Mahdia qu’aux îles Kerkenna. Ce terme reflète un lieu favorable à l’accostage. On trouve également le terme de Stara qui n’est autre que celui de Terre Rocheuse. Cette appellation donne une idée sur la disponibilité des ressources en pierre. On dispose de ce toponyme dans la région du Sahel tunisien dans les zones où on dispose d’un affleurement rocheux. La rubrique toponymique des montagnes peut être nommée oronymie. Ce terme est aussi appliqué aux toponymes qualifiant le relief en général alors que le vocable grec Oros qui constitue ce terme désigne la montagne. Nous disposons de toponymes relatifs aux montagnes. Au sud tunisien le nom de la cité de Kebili n’est autre qu’une altération du terme arabe Jebel désignant la montagne. Une montagne est désignée par sa taille. Nous avons un exemple intéressant en Algérie. Le nom des Monts Aurès en Algérie n’est que celui de montagnes de Waera Hassa c'est-à-dire Immenses Roches. Cette appellation serait probablement d’origine phénicienne ce qui expliquerait cette orthographe18 . Une montagne est aussi nommée en fonction de la couleur dominante de ses roches. Au Maroc se situe le célèbre mont Toubkal qui serait la montagne du Toub Akehal c’est à dire à la Roche Noire. En Turquie se trouve les monts Carpates ce qui veut dire les montagnes à la Roche Blanche. L’actuel Djel Cheanbi en 13 Lipinski, Rusicade, p. 379. 14 Chelbi, Galite, p. 80. 15 Lancel-Lipinski, Kerkenna, p. 245. 16 Fernandez, Ibiza, p. 222-226. 17 Lancel-Lipinski, Kerkenna, p. 245. 18 Ballais et alii, Aurès, p. 1066.
  • 4. 4 Tunisie serait probablement une altération du terme Jebel el Hassa el Abyadh c'est-à-dire montagne à la roche blanche. Le plus souvent les montagnes sont désignées par les vestiges qui s’y trouvent. En Tunisie les monts Ouesslet situées à l’Ouest de Kairouan signifient les montagnes des Maisons en Pierre. Nous avons aussi le nom de Jbel Haddada c'est-à-dire la montagne qui contient un système de fortification ou un limes. C’est à raison que les toponymes relatifs à l’eau sont par excellence les plus abondants et les plus diversifiés parmi les noms de lieux. Nous disposons dans la toponymie antique nord-africaine de nombreux noms de cités relatifs à des endroits jouissant d’une abondance en eau. Les formules sont nombreuses et diverses pour refléter cette réalité géographique. Le nom de la ville de Zama au nord de la Tunisie signifie l’eau abondante19 . D’ailleurs le toponyme actuel de Jemma a exactement la même signification. L’actuelle ville de Mahdia au Sahel tunisien se nommait Gummi20 . Ce toponyme qu’a gardé une zone située non loin de Mahdia est un hydronyme qui signifie une zone où l’eau est abondante. La ville de Kairouan s’appelait Gamonia avant l’Islam. Ce toponyme reflète une région riche en eau21 . En Algérie nous avons le nom d’une célèbre cité romaine qui est à l’origine un toponyme tiré d’un cours d’eau signifiant une abondance en eau. Il s’agit du toponyme de Timgad qui est certainement préromain22 . Bon nombre de toponymes de régions et de villes sont à l’origine relatifs aux cours d’eau et à leur nature souvent précisée avec grande pertinence. Le nom antique l’actuelle ville de Larache au Maroc est Loukos en phénico-punique. La transcription altérée de ce nom par les Romains est Lixus. Comme nous l’avons précisé, ce toponyme est relatif à un cours d’eau qui a donné son nom à cette cité23 . Nous pensons que le toponyme phénico-punique n’est autre que celui de Hlou Ghit qui veut dire eau potable. D’autres toponymes très fréquents désignent les cours d’eau. Le nom de la célèbre rivière d’Afrique du nord orientale la Bagrada des sources antiques n’est autre que celui du nom actuel Mejerda qui signifie l’eau coulante24 . Nous trouvons également des noms de villes tirés de cours d’eau avec des transcriptions et des prononciations différents dont certaines sont aptes à nous dérouter quant à l’origine étymologique et au sens de ces toponymes. Le nom de la ville de Biskra en Algérie est en fait celui d’eau courante mais la première lettre prononcée différemment comme il est fréquent dans les langues sémitiques. Le nom de la ville de l’actuelle de Guelma l’antique Calama en Algérie est autre version de sur le même thème. Ce nom n’est autre que celui d’eau coulante. De Tunisie nous avons le même toponyme mais dont les syllabes sont inversées. C’est le nom de la ville comme d’Ammaedara25 . Comme il nous est parvenu en latin on peut facilement penser que ce toponyme est romain alors qu’il n’est autre que la prononciation latine du terme Eau qui coule. Le nom de la ville de Madaure en Algérie n’est sans doute que ce même toponyme légèrement modifié26 . Enfin une autre version de ces toponymes relatifs aux cours d’eau. Il s’agit du nom de la cité de Sullectum au Sahel tunisien27 . On interprète souvent ce nom comme s’il est tiré du verbe sélectionner. Nous pensons que ce toponyme n’est autre qu’un hydronyme signifiant l’eau coulante abondante et relatif à l’origine à un cours d’eau qui a donné son nom à la cité voisine. Nous disposons d’une toponymie fort intéressante de régions de la Tunisie qui donne une idée sur la nature du cours d’eau dont il est tiré. Il s’agit du nom de la région de la Tusca au nord de la Tunisie28 . Ce toponyme 19 Lancel-Lipinski, Zama, p. 500. 20 Lancel, Mahdia, p. 269. 21 Ben Abbès, Afrique, p. 474. 22 Lipinski, Timgad, p. 455. 23 Ponsich, Lixus, p. 264. 24 Gascou, Medjerda. p. 18. 25 Laronde, Afrique, p. 26 Lipinski, Madaure , p. 267. 27 Lancel, Ras Salakta, p. 385. 28 Lipinski, Djebel Messoudj, p. 133.
  • 5. 5 préromain n’est à nos yeux qu’une altération d’un nom dont on retrouve un voisin dans la langue arabe qui veut dire l’eau puissante ou turbulente. Nous disposons aussi de multiples toponymes relatifs à l’eau chaude. L’actuelle ville tunisienne de Korba au cap bon l’antique Curubis célèbre jusqu’à nos jours par ces sources d’eau chaude semble en tirer son nom29 . Etonnamment, l’eau est signalée même quand elle est absente ou quand sa présence est saisonnière. En effet, nous disposons de toponymes qui reflètent cette situation. Le terme Sebkha est selon nous la traduction de cette réalité. Ce toponyme est appliqué à des régions comme à des villes. En Tunisie, nous avons la ville de Sbikha au Nord-Ouest de Kairouan qui n’est qu’un diminutif de ce nom géographique. Nous disposons de toponymes relatifs à des sources dont certains sont parfois associés à des villes. Plusieurs de ces toponymes sont altérés par le temps et nécessitent d’être élucidés. Prenons par exemple le toponyme de Ain Draham en Tunisie du nord, nous pensons que ce nom n’est que l’altération de celui de source d’eau chaude coulante. Assez souvent des toponymes relatifs à des sources d’eau sont associés à des animaux comme c’est le cas d’Ain el Bgar ou Ain el Attrouss ou Ain el Kebch. Au fait il ne s’agit que de l’expression Eau Coulante ou Eau Abondante altérée par les temps et les usages. Les toponymes des points d’eau liés à des aménagements humains comme ils supposent une intervention anthropique telle que les puits et les fontaines seront évoqués dans les toponymes urbains relatifs aux activités économiques. La deuxième grande catégorie de toponymes du Maghreb est relative au phénomène urbain vu dans son ensemble. Elle regroupe tous les noms de lieux qui se rapportent à l’action de l’homme sur l’espace géographique brut. C’est ainsi que cette catégorie de toponymes urbains comporte les toponymes ayant une relation avec les habitations de toute sorte, les toponymes relatifs aux fortifications, les toponymes inhérents au terroir et enfin les toponymes en rapport avec les activités économiques. Certes, ce dossier est vaste mais pour une première approche de synthèse comme celle-ci nous avons préféré cette démarche pour pouvoir ensuite se focaliser sur tel ou tel aspect précis. Pour cerner les noms de lieux ou de villes relatifs au phénomène urbain il est très logique de commencer par les habitations de toute sorte. En effet, nous disposons d’une panoplie de toponymes décrivant les habitations avec leur grande diversité. Il y a une forte possibilité que le toponyme composé avec le terme Kef assez fréquent en Afrique du nord impliquait l’existence d’une grotte qui avait initialement donné ce toponyme. Nous disposons de pareils toponymes appliqués à la fois à des localités comme à des villes. En Algérie la petite cité numide nommée Zattara en latin porte le nom de Kef Bezioun30 . En Tunisie un autre lieu qui correspondait sans doute à une petite cité autochtone porte le nom de Kef el Blida31 . Egalement une grande ville du nom antique de Sicca Veneria s’appelle actuellement El Kef32 . Il faut aussi prêter attention à de multiples noms de lieux composés avec le terme arabe Ghar synonyme de celui de grotte. De pareils toponymes sont très nombreux dont certains avaient sûrement désigné à l’origine des habitations ou assez fréquemment des tombes troglodytiques de type haounet. Dans les environs de Mahdia au Sahel tunisien nous avons le lieu-dit Ghar Tebbyba qui à notre avis désigne les haouanet dont bon nombre existe encore. Nous disposons d’un nombre rare de toponymes relatifs à un habitat de type troglodytique. Au Sahel tunisien nous avons un village du nom de Rajich qu’on a voulu lire comme une altération du terme latin 29 Lancel-Lipinski, Cap Bon, p. 88. 30 Lipinski, Kef Bezioun, p. 244. 31 Balty, Kef el Blida, p. 244. 32 Thébert, Sicca Veneria, p. 410.
  • 6. 6 Regius ou celui du terme arabe de Rawa el Jaych en relation avec les conquêtes arabes. Nous pensons que ce toponyme n’est que l’altération de celui de Rass Houch signifiant maisons creusées dans le roc qui étaient le mode d’habitation le plus vieux au Sahel dont ce toponyme garde la mémoire. Nous disposons aussi de toponymes relatifs à une agglomération de type oppidum. Une localité située à l’ouest de la vile de Kairouan en Tunisie centrale porte actuellement le nom de Abida. Nous pensons que ce toponyme est une altération de celui d’oppidum. Egalement nous avons au nord de la Tunisie deux petites villes du nom antique de Apisa Maius et Minus. Nous interprétons ce toponyme comme celui d’oppidum33 . Aussi bien le terme grec Polis que le terme arabe Blêd qui désignent la cité se retrouve souvent dans des toponymes. Nous avons en Tunisie du nord un village du nom de Balta. Ce toponyme désigne sûrement celui de cité. Nous avons également le toponyme évoqué plus haut de Kef el Blida qui fait référence à une cité. Nous disposons de toponymes faisant référence à une ville tirés du registre phénicien. L’exemple le plus fameux est celui de Carthage34 . Ce toponyme authentiquement phénicien est fréquent avec la même forme aussi bien en Orient comme à Chypre35 qu’en Occident méditerranéen comme en Sardaigne36 . On le retrouve aussi avec des formes proches de celui-ci en Espagne avec la cité du nom de Crathagène37 . On le retrouve aussi avec des formes différentes comme le témoigne le toponyme de Cartima en Espagne38 qui est une réplique du toponyme sidonien de Qartimme39 ou sous la forme Qarta qui correspond à Tel Mégadim en Palestine40 . La célèbre cité algérienne de Cirta devenue Constantine à l’époque byzantine fait partie de cette même catégorie de toponymes41 . Dans la catégorie des noms de lieux urbains nous avons bon nombre de toponymes relatifs aux fortifications des villes d’une grande diversité et d’une richesse foisonnante qu’il est intéressant d’examiner. L’Espagne nous a fourni un toponyme d’une origine phénicienne certaine relatif à une cité fortifiée, il s’agit de la cité de Gadir l’actuelle Cadix42 . Ce toponyme proche du terme arabe de Jidar est interprété comme la muraille ou l’entrepôt. Nous avons aussi au Maghreb des toponymes antiques relatifs à des fortifications entières de cités ou à des éléments éminents des fortifications qui finissent par désigner toute la ville. Au Sahel tunisien se trouve une cité antique très célèbre dont le nom punique est Adrym devenu Hardumetum en Latin. Le nom punique de cette ville n’est autre que l’altération de Att Hyma qui signifie la grande muraille43 . Nous avons aussi bon nombre de cités dont le nom entier ou une partie du nom comporte le terme Hippo. Le nom de la ville algérienne de Hippone est tiré du nom latin de Hippo Regius44 . Une ville située au Nord de la Tunisie actuellement nommée Bizerte portais le nom latin de Hippo Diarhytus45 . On trouve aussi au Sahel tunisien une petite ville du nom actuel de Hiboun qui est sans doute une altération de celui de Hippo. Tous ces toponymes désignent des fortifications. 33 Lipinski, Apisa, p. 34. 34 Lancel-Lipinski, Carthage, p. 91-94. 35 Lipnski, Carthage de Chypre, p. 94. 36 Lipinski, Carthage sarde, p. 94-95. 37 Moller-Lipinski, Carthagène, p. 95. 38 Lipnski, Cartima, p. 96. 39 Bunnens, Qartimme, p. 367. 40 Lipinski, Qarta, p. 367. 41 Bertrandy, Constantine, p. 117-118. 42 Rouillard, Gadès, p. 181-183. 43 Lancel-Lipinski, Hadrumète, p. 203-204. 44 Lancel-Lipinski, Hippone, p. 218. 45 Lancel-Lipinski, Bizerte, p. 74-75.
  • 7. 7 En Tunisie également dans une zone stratégique située à l’extrémité Sud Est du Cap Bon on a une ville dont les murailles antiques sont encore débout et qui sans doute ont donné leur nom à cette cité maritime. Cette ville porte le nom actuel de Kéliba qui est tiré du Latin Clupea46 . Ce toponyme est sans aucun doute d’origine sémitique qui n’est autre que celui de Kalea Bydha c'est-à-dire Muraille Blanche. La première partie de ce toponyme comporte le terme de Kalea qui désigne une fortification et qu’on retrouve encore de nos jours désignant des villes dans de multiples endroits. D’autres noms de lieux relatifs à une partie des fortifications de cité sont devenus des noms de quartiers d’une ville ou même de la totalité de la ville. Un très célèbre exemple nous vient de la Carthage phénicienne, il s’agit du toponyme de Byrsa47 . Ce nom de lieu malgré de multiples recherches n’a pas été correctement interprété. Ce nom de lieu est d’origine phénicienne incontestée. Il n’est autre que celui du terme sémitique Borj qu’on retrouve encore dans la langue arabe. Il a désigné la citadelle de la ville Phénicienne de Carthage et l’un de ces quartiers les plus distingués. Ce toponyme était appliqué à la totalité d’une ville. Le nom actuel de la ville de Tabarca en Tunisie du nord non loin de la frontière algérienne48 comme celui du nom de la ville de Barca en Libye ne sont autre que celui de Borj dont la prononciation est altérée par le temps49 . Plusieurs toponymes des fortifications sont relatifs aux matériaux dont sont faits les édifices défensifs. Ces données sont bien sûr très instructives. Nous disposons de toponymes qui se rapportent à des murailles de terre. En Tunisie, nous avons plusieurs noms de lieux qui reflètent cette réalité urbaine. En Tunisie du nord nous avons une cité antique nommée en Punique Altbrs qui est reprise en Latin par Althiburos50 . Ce toponyme grade la mémoire du système de fortifications puniques dites Arsat. Ainsi ce nom de lieu signifie les Arst en terre. Au Sahel tunisien nous avons une cité ancienne dont le nom romain est Thapsus. Le nom punique de cette ville est Tpsr51 . Nous pensons que ce toponyme signifie muraille de terre. Un toponyme d’une orthographe légèrement différente situé en Sicile est nommé Thapsos52 . Nous pensons fort qu’il le même sens que le précédent. Un autre toponyme tunisien actuellement nommé Oudna qui est une altération du nom latin d’Uthina53 . Ce toponyme est une altération du terme Hout Tyn qui signifie murailles en terre. Egalement, le toponyme antique de Sufetula serait très vraisemblablement une altération de celui de murailles en terre54 . En Algérie nous avons un toponyme très intéressant qu’on peut mettre dans cette rubrique. Le nom latin de la ville de Igilgili devenu Jijel était selon nous mal interprété55 . Il serait préférable d’y voir celui de Hajar Kilae qui a subi une altération et qui signifie murailles en pierres. Le nom de la très célèbre cité phénicienne de Carthage est interprété comme celui de Cité Nouvelle alors qu’en réalité il s’agit plutôt de l’expression sémitique de Qart Hout Hajar Att c'est-à-dire Cité aux Grandes Murailles de Pierre56 . Cette piste est plus probable quand on sait que len nom de la cité de Carthage était confondue avec celui de Trashich dont l’orthographe phénicienne de Trss signifie Sakhr Souss c'est-à-dire Murailles en pierre57 . Enfin, citons un toponyme assez fréquent qui a même perduré jusqu’à nos jours c’est celui du nom de Kalea. La cité tunisienne du nom ancien de Thala serait une déformation de celui de Kalea58 . 46 Lancel-Lipinski, Kélibia, p. 245. 47 Lancel-Lipnski, Byrsa, p. 83-85. 48 Lipnski, Tabarka, p. 434. 49 Laronde, Op. Cit., p. 207. 50 Lancel-Lipinski, Althiburos, p. 23. 51 Lancel-Lipinski, Thapsus, p. 447. 52 Falsone, Thapsos, p. 447. 53 Laronde, Afrique, p. 217. 54 Ibid, p. 214. 55 Lancel, Igilgili, p. 228. 56 Lancel-Lipinski, Carthage, p. 91. 57 Lipinski, Tarshich, p. 440. 58 Lipinski, Thala, p. 446.
  • 8. 8 Il arrive aussi qu’on trouve des toponymes antiques désignant la couleur des fortifications. Nous avons deux exemples forts intéressants parmi les toponymes tunisiens. L’un se rapporte à un territoire ou à une cité bien précise le second est le nom d’une ville. La partie orientale de la de la Tunisie centrale qui correspond à peu près au Sahel actuel porte durant l’antiquité le nom vraisemblablement africain de Bussatis ou Buzakis devenu Byzacium chez les Latins59 . Ce toponyme n’est que l’altération de l’expression Grande(s) Muraille(s) Blanche(s). Nous ignorons si ce terme désignait les murailles de multiples villes du Sahel antique ou uniquement celle de la ville d’Hadrumète dont nous avons parlé qui a tiré son nom de sa grande muraille et qui a donné son nom à la totalité du territoire de la Byzacène. Nous avons déjà parlé de la ville tunisienne de Kélibia située dans une zone stratégique située à l’extrémité Sud Est du Cap Bon à propos du nom de villes tirées de ces murailles. Nous évoquons cet exemple de nouveau quant à la couleur des fortifications. Cette ville porte le nom actuel de Kéliba qui est tiré du Latin Clupea60 . Ce toponyme est sans aucun doute d’origine sémitique qui n’est que celui de Kalea Bydha c'est-à- dire Muraille Blanche. Plus étonnant encore, le nom grec de cette cité Aspis n’est qu’une prononciation grecque du terme sémitique Oss Bydh qui veut dire Murs Blancs. Nous avons de multiples toponymes relatifs aux différents éléments d’un terroir. Certains toponymes donnent une idée sur la statue juridique d’une cité. La ville actuelle de Béja au nord de la Tunisie est une déformation du nom qui reflète son statut juridique ancien de Vicus61 . Plusieurs villes tunisiennes antiques portaient le nom de Vicus dont par exemple celle confondue avec le village actuel de Sidi el Hani entre Sousse et Kairouan. Une autre catégorie de toponymes nous renseigne sur le statut des cités qui étaient des résidences royales numides. C’est le suffixe Régia qui atteste cette caractéristique et qu’on retrouve dans plusieurs des noms de cités. Nous avons comme exemple la cité de Bulla Régia en Tunisie du Nord qui prit ce surnom suite à son annexion par le roi numide Massinissa62 . Plusieurs noms de lieux qui gardent le souvenir des voies de communication. Au nord de la Tunisie nous avons une ville antique du nom de latin de Sicca Veneria. Le nom de cette ville n’est qu’une prononciation latine d’un terme sémitique qui est celui de Route Phénicienne63 . Au Sahel tunisien nous avons une ville située au nord de Sousse actuellement nommée Akkouda qui est une déformation de son nom antique Itikouda. Ce toponyme est à nos yeux une déformation du terme punique de Grande voie64 . L’actuelle ville de Zaghouan située au sud de Tunis s’appelait en latin Ziqua il est fort probable que ce toponyme est d’origine préromaine et signifie la voie65 . Nous avons un toponyme très intéressant d’autant plus qu’il jusque-là unique qui reflète une zone de plantations. Ce nom de lieux nous vient de la Carthage phénicienne. C’est une zone de la cité de Carthage qui s’appelle Mégara66 . Bien que ce toponyme nous est parvenu en langue grecque. Il s’agit sûrement d’un toponyme phénicien. Il signifie la zone de plantations. D’ailleurs le terme arabe encore en usage de Mezerae signifiant la même chose est phonétiquement très proche de celui-ci. Une ville tunisienne actuelle du nom de Dimna n’est que l’arabisation du nom antique de celui de Domaine67 . 59 Dubuisson-Lipinski, Byzacène, p. 85. 60 Lancel-Lipinski, Kélibia, p. 245. 61 Lancel-Lipinski, Béja, p. 68. 62 Thébert, Bulla Regia, p. 81-82. 63 Thébert, Sicca Veneria,p. 410. 64 Djelloul, Akkouda, p. 44. 65 Lipinski, Zaghouan, p. 500. 66 Sznycer, Megara, p. 125, figure 2. 67 Hassen,Toponymie, p. 25.
  • 9. 9 La toponymie maghrébine antique est très riche en données relatives aux activités économiques. Nous avons des toponymes signifiant les ports. Le nom de la ville de Lepcis ou Leptis en Libye est relatif à son phare68 . Pour différencier deux villes célèbres par leur ports on désignait l’une Leptis Magna c'est-à-dire la Grande qui se situe en Libye et Leptis Minus c'est-à-dire la Petite située au Sahel tunisien69 . De même le nom de l’actuelle ville de Gabès au Sud Est tunisien est une altération du nom antique de Tacapes70 . Ce toponyme est une altération du le nom sémitique de Kabass qui fait allusion au phare de cette ville et qui a donné ce nom. Nous avons quelques toponymes antiques qui désignent des ports. Le nom de l’île de Mozia71 désigne à l’origine un port. C’est sans doute une altération de terme Marsa qui dans les langues sémitiques désignait le port. Le nom de l’île de Malte est aussi une altération du même terme désignant un port72 . Nous disposons d’un autre toponyme qui désigne une place de commerce et probablement un port, il s’agit du nom d’emporion. La ville d’Empurias en Espagne appartient à cette catégorie de nom de lieux73 . En Afrique du nord de multiples régions avaient abrité des Emporia. La Tunisie a sûrement abrité des emporia durant la période punique. Elles sont situées au Sud Est tunisien et correspond à la Petite Syrte74 . Nous pouvons même supposer que certains toponymes maghrébins antiques désignent un marché même si cette question mérite un approfondissement ultérieur. En effet, le toponyme de la célèbre ville actuelle d’Utique au Nord de la Tunisie est Itukè en Grec75 . Nous pensons que ce nom était mal interprété alors qu’il n’est autre que celui de la transcription grecque du terme sémitique Att Souk c'est-à-dire Le Marché ou même Att Souk c'est-à-dire Grand Marché. Nous avons une ville du nom néopunique de Zouchis sur la côte Sud Est tunisienne à l’Ouest de l’île de Jerba il se pourrait fort que ce toponyme signifie aussi Grand Marché76 . Le nom de la cité algérienne actuelle de Souk Ahras l’antique Tagaste est interprété comme le Marché aux fauves77 . Nous avons probablement un nom de lieu qui fait référence à un grenier antique. C’est un lieu-dit Henchir el Maklouba situé non loin de la côte à l’entrée de la ville actuelle de Ksour Essaf au Sahel tunisien. Nous pensons fort que c’est une altération du toponyme de Macellum qui désigne des greniers romains78 . Les installations hydrauliques faisaient aussi partie du répertoire toponymique. La ville antique du nom de Tigibba au Nord de la Tunisie est vraisemblablement une transcription latine du nom sémitique de Jibb ou Jobb qui signifie le puits. Les ressources minérales et les activités économiques qu’elles engendrent ont donné naissance à des toponymes. En Tunisie, les ressources de pierre situées au Cap Bon et confondues avec le village actuel d’El Haouaria s’appelaient en grec Latomies79 . Nous pensons que c’est une prononciation déformée du terme sémitique de Makalae qui veut dire carrières en général et ici elles désignent les carrières de pierre. L’argile et les installations de potiers ont sûrement leur part dans la toponymie. Pour l’instant nous ne disposons que de noms de lieux récents sur cette réalité artisanale de haute importance. Dans l’île de Jerba 68 Rebuffat, Leptis Magna, p. 257-258. 69 Cecchini, Leptis Minus, p. 258. 70 Lipinski, Gabès, p. 181. 71 Falsone, Motyé, p. 301. 72 Ciasca, Malte, p. 271. 73 Aubet, Ampurias, p. 27. 74 Rebuffat, Emporion, p. 2622-2627. 75 Cecchini, Utique, p. 489. 76 Lipinski, Zarzis, p. 500. 77 Lipinski, Souk Ahras, p. 421 78 Slim-Trousset, Littoral, p. 143 : Maqluba. 79 Lancel-Lipinski, El Haouaria, p. 149.
  • 10. 10 nous avons le nom d’un village qui désigne cette activité c’est celui de Gallala qui désigne les potiers80 . Nous avons aussi des noms de quartiers désignant des fours comme celui nommé Akwach aux environs de Mahdia. Aux environs de la ville de Monastir nous avons un village du nom de Henchir Ettennyr qui reflète sans doute une installation artisanale impliquant l’usage de fours probablement pour la fabrication de céramique. De multiples divinités avaient marqué la toponymie antique maghrébine. Le personnage d’Hercule est le plus célèbre. Cette divinité a donné son nom au détroit marquant la sortie de la Méditerranée nommé les colonnes d’Hercule81 . Nous disposons aussi de villes portant le nom d’Heraklion dont deux sont situées en Sicile82 . Une ville du Sahel tunisien du nom actuel de Hergla est une déformation du nom antique de Heraklion. Nous avons aussi des villes du nom d’Appolon aussi bien en Orient83 qu’en Occident sur de la Grande Syrte84 . Egalement, Aphrodite a eu sa part dans la toponymie puisque des multiples villes maghrébines antiques avaient porté le nom d’Aphrodisium comme par exemple l’actuelle ville tunisienne de Mahdia au Sahel. Pour comprendre les raisons spécifiques de ces appellations des études ponctuelles sur chaque cité sont nécessaires. Les ethnonymes ont désigné les continents et les régions. Les noms d’Afrique, de Lybie, de Numidie et de Maurétanie sont à l’origine des noms de tribus. Nombreux sont les noms de villes qui sont à l’origine des noms de tribus. On peut citer en Algérie la tribu des Misicini qui ont peuplé la ville actuelle de Biska. En Tunisie le peuple des Npzih a donné son nom à la ville de Nefzawa, l’ethnie des Mskw a peuplé la ville de Msaken et la tribu des Mktrm a qualifié la cité de Mactar85 . Plusieurs cités portent des régionymes, ce sont des personnalités politiques ayant marqué des cités par leur nom. Les exemples sont très nombreux, on peut citer les villes algériennes de Caesarea l’actuelle Cherchel86 . Les cités romaines qualifiées d’Augusti font référence à l’empereur romain Auguste. Par exemple la ville de Sidi el Hani entre Sousse et Kairouan s’appelait Vicus Augusti. C’est sous son règne qu’elles ont eu cette promotion de statut. La ville de Kairouan en Tunisie s’appelais Jubaltiana avant de connaître l’arrivée de l’Islam, elle garde par ce nom la mémoire du ce roi numide Juba qui l’avait prise pour résidence. Ainsi, les évènements politiques ont une incidence sur la nomenclature de noms de lieux. La ville algérienne a pris le nom de l’empereur byzantin Constantin87 . La plupart des patronymes ne sont pas antiques mais islamiques et modernes. Cependant, nous voulons attirer l’attention sur un phénomène très intéressant. De multiples patronymes sont l’altération de toponymes ou de réalités antiques. Sidi Bou Saïd aux environs de Tunis est une déformation du toponyme de Borj Hassa Atty c'est-à-dire Grande fortification en pierre. Nous avons pu découvrir que le marabout de Sidi Masseoud à l’entrée de Mahdia reflète le terme arabe de Ma Houdh c'est-à-dire des installations hydrauliques dont des citernes d’eau. Le nom du village tunisien de Sidi Amara qui est le Saint patron de la ville de Korbous au Cap Bon n’est que l’altération du terme Eau Chaude dont le nom antique d’Aquae Clidae Carpitanae est un témoignage. Les exemples sont certainement beaucoup plus nombreux. Au terme de cette brève présentation, nous tenons à dire que cette communication ne peut prétendre d’être exhaustive. Portant nous insistons à la fois sur l’originalité de cette approche et son caractère inédit. Par ailleurs, cette communication constitue une partie d’un projet plus large portant sur la thermalisation de la 80 Lancel-Lipinski, Djerba, p. 134. 81 Rouillard, Gibraltar, p. 190. 82 Roobaert, Héraklée, p. 215. 83 Lipinski, Apollonia, p. 34-35. 84 Laronde, Afrique, p. 206-207. 85 Ghaki, Ethnonymes, p. 88. 86 Lancel-Lipinski, Cherchel, p. 104-105. 87 Berthier, Constantine, p. 117-118.
  • 11. 11 toponymie maghrébine en dehors du cadre des périodisations (figure 2). Ce projet nécessitera dans doute l’implication de multiples spécialistes de plusieurs disciplines et de différentes périodes historiques. Ce travail a tenté de voir la toponymie maghrébine antique au travers l’angle du pragmatisme qui animait les Anciens, leur souci des ressources et leur esprit pertinent. Cette question riche peut être développée à l’avenir. Dans notre travail, nous avons tenté de dépasser la question des interprétations grecques et latines des toponymes maghrébins souvent récurrentes dans la littérature scientifique européenne est reprises sans trop de critiques par les chercheurs des pays du Maghreb dont les interprétations sont souvent décalées et aberrantes. Nous avouons qu’un approfondissement et une reprise de certaines données est nécessaire pour les affirmations critiques et novatrices avancées furtivement dans cette note. Cette contrainte est due aux limites du cadre qui nous est réservé. Enfin nous tenons à dire la complémentarité entre le travail des historiens et des géographes du Maghreb pour ce dossier qui est celui des études du milieu. BIBLIOGRAPHIE Arnaud, Route : P. Arnaud, Les routes de la navigation antique Itinéraires en Méditerranée, Paris 2005. Aubet, Ampurias : M. E. Aubet, Ampurias, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 27. Ballais et alii, Aurès : J.-L. Ballais et alli, Aurès, dans Encyclopédie Berbère, 1989, p. 1066-1095. Balty, Kef el Blida : J. Balty, Kef el Blida, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 244. Ben Abbès, Afrique : M. Ben Abbès, L’Afrique byzantine face à la conquête arabe, Université Paris X - Nanterre, Février 2004. Bertrandy, Constantine : F. Bertrandy, Constantine, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 117-118. Bunnens, Qartimme : G. Bunnens, Qartimme, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 367. Cecchini, Leptis Minus : S. Cecchini, Leptis Minus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 258. Cecchini, Utique : S. Cecchini, Utique, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 489. Chelbi, Galite : F. Chelbi, La Galite (Galata) système de surveillance de communication et de défense à l’époque punique, dans Ferjaoui, Carthage, p. 77-109. Ciasca, Malte : A. Ciasca, Malte, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 271-273. Daghfous, Tribu : R. Daghfous, La tribu dans le monde arabo-islamique, Revue Tunisienne de Sciences Sociales, Numéro 127, Tunis 2004. Djelloul, Akkouda : N. Djelloul, Proporiété foncière maraboutisme et formation du paysage urbain au Sahel au Moyen age, dans Labaïed et alii, Méditerranée, p. 13-194. Doumengue, Méditerranée : F. Doumengue, Mer Méditerranée, Encyclopédie Universalis, Paris 2008, p. 666-671. Dubuisson-Lipinski, Byzacène : M. Dubuisson-E. Lipinski, Bycacène, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 85. Falsone, Motyé : G. Falsone, Motyè, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 301-303. Falsone, Thapsos : G. Falsone, Thapsos, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 447. Ferjaoui, Carthage : A. Ferjaoui, La Carthage punique diffusion et permanence de sa culture en Afrique antique, Tunis 2011. Fernandez, Ibiza : J. H. Fernandez, Ibiza, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 222-226. Gascou, Medjerda : J. Gascou, Le nom de l’Oued Medjerda dans l’antiquité romaine, Antiquités Africaines, Tome 17, 1981, p. 15-19. Ghaki, Ethnonymes : M. Ghaki, Ethnonymes l’apport de l’épigraphie libyco-punique, dans Daghfous, Tribu, p. 83-91. Hassen, Ressources : M. Hassen, Les ressources naturelles au Maghreb durant l’antiquité et le Moyen Age Exploitation Gestion et Usage, Tunis 2004. Hassen, Toponymie : M. Hassen, Les données naturelles et la toponymie en Ifriqiya au Moyen Age, dans Hassen, Ressources, p. 13-39. Labaïed et alii, Méditerranée : H. Labaïed-A. Ousleti-N. Djelloul-M. Bourgou, La Méditerranée l’homme et la mer, Tunis 2001. Lanel, Algérie : S. Landel, Algérie, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 15-17. Lancel, Igilgili : S. Lancel, Igilgili, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 228. Lancel, Mahdia : S. Lancel, Mahdia, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 269. Lancel, Ras Salakta : S. Lancel, Ras Salakta, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 385. Lancel-Lipinski, Althiburos : S. Lancel-E. Lipinski, Althiburos, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 23.
  • 12. 12 Lancel-Lipinski, Béja : S. Lancel-E. Lipinski, Béja, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 68. Lancel-Lipinski, Bizerte : S. Lancel-E. Lipinski, Bizerte, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 74-75. Lancel-Lipinski, Byrsa : S. Lancel-E. Lipinski, Byrsa, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 83-85. Lancel-Lipinski Cap Bon : S. Lancel-E. Lipinski, Cap Bon, dans E. Lipinski, Dictionnaire, p. 88-89. Lancel-Lipinski, Carthage : S. Lancel-E. Lipinski, Carthage, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 91-94. Lancel-Lipinski, Cap Bon : S. Lancel-E-Lipinski, Cap Bon, dans Lipinski, Dictionnaire p. 88-89. Lancel-Lipinski, Cherchel : S. Lancel-E.Lipinski, Cherchel, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 104-105. Lancel-Lipinski, Djerba : S. Lancel-E. Lipinski, Djerba, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 134. Lancel-Lipinski, El Haouaria : S. Lancel-E. Lipinski, El Haouaria, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 149. Lancel-Lipinski, Hadrumète : S. Lancel-E. Lipinski, Hadrumète, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 203-204. Lancel-Lipinski, Hippone : S. Lancel-E. Lipinski, Hippone, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 218. Lancel-Lipinski, Kélibia : S. Lancel-E-Lipinski, Kélibia, dans Lipinski, Dictionnaire p. 245. Lancel-Lipinski, Kerkenna : S. Lancel-E-Lipinski, Kerkenna, dans Lipinski, Dictionnaire p. 245. Lancel-Lipinski, Ras Ed Drek : S. Lancel-E-Lipinski, Ras Ed Drek, dans Lipinski, Dictionnaire p. 369-370. Lancel-Lipinski, Ruspina : S. Lancel-E-Lipinski, Ruspina, dans Lipinski, Dictionnaire p. 380. Lipinski, Tarshich : E. Lipinski, Tarshich, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 440-442. Lipinski, Thala : E. Lipinski, Thala, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 446. Lancel-Lipinski, Thapsus : S. Lancel-E. Lipinski, Thapsus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 447. Lancel-Lipinski, Tunisie, S. Lancel-E. Lipinski, Tunisie, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 47’-476. Lancel-Lipinski, Zama, S. Lancel-E. Lipinski, Zama, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 500. Laronde, Afrique : A. Laronde, L’Afrique antique histoire et monuments, Paris 2001. Lipinski, Apisa : E. Lipinski, Apisa, dans, Lipinski, Dictionnaire, p. 34. Lipinski, Apollonia : E. Lipinski, Apollonia, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 34-35. Lipinski, Carthage de Chypre : E. Lipinski, Carthage de Chypre, dans Lipinski, Dictionnaire p. 94. Lipinski, Carthage sarde : E. Lipinski, Carthage sarde, dans Lipinski, Dictionnaire p. 94-95. Lipinski, Cartima : E. Lipinski, Cartima, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 96. Lipinski, Dictionnaire : E. Lipinski (directeur), Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, Bruxelles-Paris, 1992. Lipinski, Djebel Messoudj : E. Lipinski, Djabel Messoudj, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 133. Lipinski, Gabès : E. Lipinski, Gabès, dans Lipinski, Dictionnaire p. 181. Lipinski, Kef Bezioun : E. Lipinski, Kef Beziuon, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 244. Lipinski, Libye : E. Lipinski, Libye, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 259-260. Lipinski, Madaure : E. Lipinski, Madaure, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 267. Lipinski, Qarta : E. Lipinski, Qarta, dans Lipinski, Dictionnaire p. 367. Lipinski, Souk Ahras : E. Lipinski, Souk Ahras, dans Lipinski, Dictionnaire p. 421 Lipinski, Tabarka : E. Lipinski, Tabarka, dans Lipinski, Dictionnaire p. 434. Lipinski, Timgad : E. Lipinski, Timgad, dans Lipinski, Dictionnaire p. 455. Lipinski, Zaghouan : E. Lipinski, Zaghouan, dans Lipinski, Dictionnaire p. 500. Lipinski, Zarzis : E. Lipinski, Zarzis, dans Lipinski, Dictionnaire p. 500. Moller-Lipinski, Carthagène : F. Moller-E. Lipinski, Cathagène, dans Lipinski, Dictionnaire p. 95. Mulon, Toponymie : M. Mulon, Toponymie, Encyclopédie Universalis, Paris 2008, p. 917-918. Ponsich, Maroc : M. Ponsich, Lixus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 273-275. Ponsich, Lixus : M. Ponsich, Lixus, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 264. Rebuffat, Emporia : R. Rebuffat, Emporia, Encyclopédie Berbère, vol. 17, p. 2622-2627. Rebuffat, Leptis Magna, R. Rebuffat, Leptis Magna, dans Lipinski, Dictionnaire p. 257-258. Reddé, Mare Nostrum : M. Reddé, Mare Nosrtum, Paris 1986. Roobaert, Héraklée : A. Roobaert, Hérakée, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 215. Rouillard, Gadès : P. Rouillard, Gadès, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 181-183. Rouillard, Gibraltar : P. Rouillard, Gibraltar, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 190. Slim-Trousset, Littoral : H. Slim-P. Trousset, Le Littoral de la Tunisie étude géoarchéologique et historique, Paris 2004. Sznycer, Megara : M. Sznicer, Le problème de la Megara de Carthage, dans L’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord, Paris, 1986, p. 191-132.
  • 13. 13 Thébert, Bulla Regia : Y. Thébert, Bulla Regia, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 81-82. Thébert, Sicca Veneria : Y. Thébert, Sicca Veneria, dans Lipinski, Dictionnaire, p. 410. LISTE DES FIGURES Figure 1 : différents noms de mers de la Méditerranée occidentale en fonction des côtes qui les baignent. Figure 2 : tableau synoptique d’une ébauche préliminaire de la toponymie thématique du Maghreb. CATALOGUE DE FIGURES Figure 1