En partenariat avec le Ministère de la Culture et des Arts de la République du Bénin, la Fondation Donwahi à Abidjan, SEPTIÈME Gallery à Paris et la Galerie Amani à Abidjan, nous sommes heureux de présenter CONTEMPORARYBENIN, une exposition d’artistes béninois.
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PARTAGE
En partenariat avec le Ministère de la Culture et des Arts
de la République du Bénin, la Fondation Donwahi à Abidjan,
SEPTIEME Gallery à Paris et la Galerie Amani à Abidjan, nous
sommes heureux de présenter CONTEMPORARYBENIN, une
exposition d’artistes béninois.
Depuis son essor mondial à partir de 1945, la notion d’Art
contemporain devient un enjeu majeur des politiques culturelles
des États. Il constitue un véritable levier d’expression des
identités culturelles d’un pays, d’une région, voire d’une
communauté.
Les œuvres d’art ne sont-elles pas partie intégrante du
patrimoine historique d’une nation et ne participent-elles pas à
la production de la richesse nationale ?
L’art conceptuel africain a été révélé au grand public en 1989,
avec l’Exposition Les Magiciens de la Terre, qui a fait entrer les
artistes africains dans la contemporanéité artistique mondiale.
Tandis qu’il bouscule les règles académiques occidentales,
l’Art contemporain « africain » ose, provoque, fait réfléchir,
donne à ressentir et devient un véritable médiateur social,
environnemental et politique. En se saisissant des facteurs socio-
économiques et culturels, et comme le disait Cheick Anta Diop,
« les artistes africains convoquent les trois éléments de l’univers
: la nature, l’homme et le divin, pour donner à leurs créations une
dimension esthétique toute particulière ».
Avec cette ouverture au monde, nous assistons à une libération
d’énergies créatrices, un foisonnement de vocations, une
diversité d’expressions et de tendances artistiques soutenues
par les acquis des Ecoles de Dakar, de Poto-Poto, de Koumasi,
de Luanda ou encore de Johannesburg.
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Néanmoins, cette vitalité de la scène artistique africaine
manque cruellement de visibilité, de promotion, de notoriété, de
circularité et de moyens.
À ces manques sur le continent, des réponses ont été notamment
apportées par l’organisation des Biennales de Dakar, de Luanda
et de Johannesburg, 1- 54, AKAA. Depuis quelques années,
on assiste à l’ouverture de galeries privées et de fondations
pour l’art contemporain qu’il convient de saluer; d’importants
projets privés ont vu le jour au Bénin avec la Fondation Zinsou,
et la création récente au Maroc de la Fondation pour le
Développement de la Culture Contemporaine Africaine porte
une promesse d’un partage de nos rêves communs.
Des initiatives publiques ambitieuses s’organisent à Lomé avec
le Palais, une politique culturelle audacieuse se révèle au Bénin
avec la Galerie Nationale de Cotonou. Un mouvement est en
marche, mais il reste encore à faire pour le voir s’épanouir au
niveau régional et sur le continent tout entier.
Je dis ici ce que tout le monde sait et que l’on ne répètera jamais
assez : l’économie culturelle reste à inventer, par la création d’un
véritable marché de l’art africain et de centres de formations
artistique. Il s’agira entre autres de jeter les bases d’une véritable
politique de l’industrie des arts culturels et de sanctuariser le
statut de l’artiste.
Pourquoi devrions-nous apprendre par les médias que tel artiste
africain déniché par un autrichien ou un belge est exposé et
célébré à Miami à Londres ou à Paris ?
Pourquoi devrions–nous voyager à Londres, à Paris, à Bruxelles
ou à New-York pour admirer et ressentir les émotions des
œuvres des artistes africains, quand ce sont nos rêves qu’ils
nous donnent à voir dans le miroir de leurs tableaux, nos divinités
qu’ils interrogent, nos endurances quotidiennes qu’ils subliment
en créant tant de beauté ?
Pourquoi devrions-nous laisser
délibérément s’évaporer notre mémoire
culturelle et notre identité artistique
contemporaine ?
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Pourquoi devrions-nous laisser délibérément s’évaporer notre
mémoire culturelle et notre identité artistique contemporaine ?
L’appropriation de leurs cultures par les africains - et je ne parle
pas des élites - doit devenir un engagement citoyen et nos États
doivent donner l’exemple en créant des fonds de collection d’art
contemporain africain.
En proposant cette exposition, notre intention est de participer,
ànotreniveau,àlacircularitéetàlavisibilitédel’artcontemporain
africain en Afrique. CONTEMPORARYBENIN commencera
donc à Abidjan pour se poursuivre ensuite à Dakar et à Cotonou.
Le Bénin et la Côte d’Ivoire partagent une géographie, une
histoire, un espace politique et des représentations symboliques
et cultuelles. Faire voir et mettre en partage sur la scène
ivoirienne, plus d’une centaine d’œuvres (peintures, sculptures
et photographies) de 14 artistes béninois, c’est favoriser ce
brassage culturel qui devrait cimenter au-delà des échanges
économiques notre appartenance à une zone culturelle
diversifiée, forte et majeure.
Cette exposition est conçue comme un partage, sans thèmes,
sans consignes, afin de laisser libre cours à l’expression des
caractères de chaque artiste, en juxtaposant des styles, des
techniques et des matériaux.
Chaque œuvre propose une conversation poétique sur la
contemporanéité de notre société, nous voici invités.
Pourquoi devrions–nous voyager à
Londres, à Paris, à Bruxelles ou à New-York
pour admirer et ressentir les émotions
des œuvres des artistes africains, quand
ce sont nos rêves qu’ils nous donnent à
voir dans le miroir de leurs tableaux, nos
divinités qu’ils interrogent, nos
endurances quotidiennes qu’ils
subliment en créant tant de beauté ?
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Le BENIN, Terre de plasticiens
Le Gouvernement du Nouveau départ du Président Patrice Talon, a pris très tôt la mesure de la
réalité de l’immense créativité des plasticiens béninois. S’il est important de toujours laisser libre
cours à cette inventivité, il est en revanche du devoir de l’Etat de structurer le secteur et d’assurer
le développement socio-économique des acteurs.
C’est ainsi que dès l’année 2018, un comité de pilotage a été mis en place pour réfléchir à des
réformes stratégiques.
A la fin des travaux, ce comité a proposé la création d’une Galerie Nationale qui a pour objectif
général de soutenir, promouvoir et valoriser les artistes plasticiens béninois résidant au Bénin et à
l’étranger. Elle a pour objectifs spécifiques de :
• Révéler les artistes plasticiens et les valoriser à travers différentes expositions de leurs œuvres ;
• Créer une dynamique autour du marché de l’art en estimant la valeur marchande des œuvres et en
mettant en place un système de cotation ;
• Développer le e-ART ;
• Former les acteurs du domaine artistique (artistes et professionnels de l’art) ;
• Constituer le patrimoine national en acquérant les œuvres.
Au sein de la Galerie Nationale toutes les disciplines du secteur des arts plastiques sont retenues :
le dessin, la peinture, la sculpture, les installations, la photographie, la vidéo, la performance, etc.
Depuis sa création officielle en 2020, le travail a commencé : les artistes ont été entièrement
recensés sur le territoire national, un conseil artistique - bras armé de la Galerie - a été créé, une
politique d’acquisition des œuvres a été définie et aussitôt mise en application.
Au terme d’une campagne de présélection territoriale d’envergure, 37 œuvres ont déjà été retenues
pour faire partie du premier fond patrimonial national.
La Galerie Nationale est le catalyseur et le carrefour incontournable d’une ambition inédite pour les
arts plastiques en terre béninoise.
L’exposition CONTEMPORARYBENIN met en avant 14 plasticiens majeurs ainsi que des talents qui
s’affirment.
Dans sa volonté de mettre en lumière et promouvoir les plasticiens béninois, le Ministère du tourisme
de la culture et des arts accompagne cet évènement dont l’intérêt réside dans l’éclectisme du choix
des artistes plasticiens et dans la sélection des lieux et des galeries de prestige sur le continent.
Je souhaite plein succès à cette édition de CONTEMPORARYBENIN et je forme le vœu que la
création béninoise, riche et généreuse trouve une audience à la hauteur de ses attentes.
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Un continent résolument contemporain
A l’approche des défis d’un monde nouveau, il nous semble de
plus en plus évident que les enjeux de demain tournent autour
de la capacité de l’humanité à pouvoir se réinventer. L’humain,
dans sa globalité est confronté à la vision, ou l’absence de vision
concertée de sa propre société, elle-même en pleine révolution.
Défis énergétiques, défis de durabilité, pandémie et
réchauffement climatique au même titre que l’inter-connectivité
et la dématérialisation sont autant d’éléments fondamentaux à la
base de la mutation silencieuse mais profonde qui, dans un futur
proche requalifiera le contrat que nous avons avec notre société.
Dans un contexte ou l’industrialisation massive, la consommation
et le pouvoir financier sont considérés comme marqueurs de
développement, il est important de projeter une certaine vision
qui pour être contemporaine doit être alternative.
L’Afrique, longtemps imaginée comme terre des échecs, se
trouve aujourd’hui grâce à sa faible industrialisation, en pole
position pour l’expérimentation de schémas autres que ceux
développés par une dynamique mondiale trop systématisée. Une
dynamique qui produit, de New York à Kuala Lumpur une seule et
même vision de développement. Une dynamique qui peut même
être brutalement interrompue par l’apparition d’un virus.
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Il est donc impérieux de comprendre que les défis auxquels
nous faisons particulièrement face en Afrique, et surtout la
temporalité dans laquelle ils s’inscrivent, sont clés : croissance
démographique, faiblesse des gouvernances centralisées
au niveau de l’État, défis de durabilité (sur lesquels nos
environnements ruraux sont un exemple), enjeux du monde
numérique (sur lesquels nos environnements urbains sont un
cas d’école).
Ces défis sont un terreau fertile pour inventer un autre lien
social entre l’humain et son environnement. Nous savons tous
l’expertise technique et technologique développée ces dernières
décennies grâce aux progrès scientifiques. Ces avancées sont
capables d’une sophistication technique extrême mais peinent
à infléchir le cours de l’humanité… En revanche, elles peuvent
être des vecteurs de mutations inédites et inattendues: leur
application en terre africaine transforme technologie en
solution, à l’image du Mobile Banking ou encore de l’usage de
drone au Rwanda pour la distribution de sang à des cliniques
hors réseau routier (chose impossible à faire dans la majorité
des environnements occidentaux car non conforme aux
règlementations aérospatiales). C’est en quelque sorte, c’est
en Afrique qu’existe le vrai champ d’expérimentation de ces
technologies, car en fait chez nous, « l’esprit » domine la matière.
Les enjeux de la contemporanéité mettent en avant notre pouvoir
de transformer le monde par une approche autre, dont l’essence
réside en notre capacité d’absorber mais aussi de transformer
les influences extérieures, de les associer à des dynamiques
locales avant de les réinjecter dans la matrice, de générer une
autre vision de l’humain ou l’épanouissement est un droit et la
culture un vecteur essentiel de transmission.
Ces défis sont un terreau fertile pour
inventer un autre lien social entre
l’humain et son environnement.
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L’Art, premier lien entre l’esprit et la
matière est un formidable outil qui
nous permet de faire « l’état des lieux »
de nos « états d’esprits », premiers
éléments conceptuels du monde de
demain.
L’Art, premier lien entre l’esprit et la matière est un formidable
outil qui nous permet de faire « l’état des lieux » de nos « états
d’esprits », qui sont les premiers éléments conceptuels du monde
de demain. Un monde ou l’Afrique enfin partage le creuset de son
expérience d’abord avec elle-même puis avec le monde, renforce
de facto sa pluralité et affirme de façon décomplexée sa vision
singulière du monde.
Il est temps que nos créations contemporaines s’échappent
des géographies coloniales (frontières) pour rejoindre une
forme d’appartenance psychologique à une région où les esprits
sont « cousins ». Exposer CONTEMPORARYBENIN à Abidjan
renforce l’idée que notre espace contemporain est régional
avant tout. Les liens entre Abidjan et Cotonou me semblent
plus profonds et certainement plus évidents que ceux que nous
développons aujourd’hui avec les espaces de promotion de l’art,
trop souvent délocalisés en terre Occidentale. Cet éloignement
géographique est un non-sens à l’heure où certains pays
africains, et notamment le Benin, multiplient leurs initiatives
pour le rapatriement des œuvres dites « d’art premier » sur
leurs terres d’origine.
14. Franco-béninoise, LAEÏLA ADJOVI a grandi dans plusieurs pays africains. À 20 ans,
lors d’un stage à New-Delhi dans une ONG indienne, elle fait ses premiers pas en
photographie. Elle s’initie ensuite aux techniques de la photographie argentique et
du laboratoire. En 2006, diplômes de sciences politiques et de journalisme en poche,
elle travaille dans la presse à Paris, puis dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie. Elle
développe aussi une approche artistique mêlant dessin et photographie. Toujours
entre deux supports, c’est pour aller faire de la radio pour la BBC au Sénégal
qu’elle revient s’installer sur le continent. Reporter, photographe, auteure, artiste-
chercheuse, elle est basée à Dakar, au Sénégal, depuis 2010.
En 2015, elle lance avec la journaliste Aurélie Fontaine un projet de photographies et
témoignages sur les épouses d’émigrés. Elle photographie des femmes au Sénégal, en
Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, des épouses restées au pays alors que les maris sont
partis à la recherche d’une vie meilleure en Occident. Le livre De si longues nuits a
été publié chez l’Harmattan en 2018.
En 2017, elle organise une exposition photographique pour la Fondation Claudine
Talon au Bénin, sur la tradition Guèlèdè, une mascarade yoruba vouée à célébrer des
ancêtres féminins – Awon Iya.
LAEÏLA ADJOVI
19. Je suis devenue une meilleure photographe quand
‘cueillir le jour’ a pris un nouveau sens. Cueillir la lumière.
Récolter des photons comme on ramasse des fleurs.
Et avant cela, comme pour une fleur, l’admirer, la surveiller
éclore, être à l’affût de chaque mouvement,
quand elle ondule et danse. S’émerveiller de la manière
dont elle fait et défait les formes et les couleurs.
Photographier, c’est figer le reflet fugace du monde visible,
mais surtout ravir la lumière elle-même, la garder captive
plus loin qu’à la seconde du déclenchement. En marchant
dans Les chemins de Yemoja, je voulais enjamber
la dichotomie piège lumière-blancheur-pureté contre
obscurité-noirceur-péché. Habituer l’œil à une sombreur
sans menace. Feutrée, ouatée, onctueuse. Rassurante comme
celle de la vie avant le monde. Enveloppante comme
l’intérieur d’un ventre. Choyer cette ombre-là partout
où elle existe, la fixer sur le papier, y tremper quelques mots.
Inventer de nouvelles formes de photosynthèse.
Laeïla Adjovi
20. eliane aïsso
ELIANE AÏSSO est née en 1989 à Calavi, où elle vit et travaille. Après une formation
aux métiers d’art, elle passe un Master en histoire de l’art au Bénin. Très vite, elle
s’intéresse à l’installation et à la photographie. Boursière et invitée en résidence au
Fresnoy (Studio National des Arts Contemporains) à Tourcoing, en France, elle en
ressort diplômée en 2020.
Son travail photographique en noir et blanc fait l’usage d’une technique
particulière qu’elle a elle-même mise au point. Le processus commence par une prise
de vue avec un appareil photographique numérique, imprimée sur un papier Fine Art.
L’artiste intervient ensuite au niveau plastique avec du pastel, des lames de rasoirs,
du papier de verre, en grattant chacune des épreuves qui prennent alors l’allure de
tableaux.
Elle réagit ainsi à sa culture traditionnelle béninoise, sa principale source d’inspiration.
Hommes, condition des femmes, objets de cultes votifs dont les sens qui font le lien
entre l’âme du défunt et ses descendants, sont autant de vecteurs de mémoire dans
son travail.
26. joël Degbo
joël degbo est né à Paris. Il vit et travaille à Aulnay sous-bois. Diplômé de l’Ecole
des Beaux-Arts de Paris avec les Félicitations du Jury, il est aussi diplômé de l’Ecole
des Beaux-Arts de Nantes où il a, entre autres, suivi un cursus de Peinture et Vidéo
à la St Martin School de Londres. Joël Degbo peint ou filme cette sagesse connue de
tous : « le passé conseille le futur » dit-il. Au moyen de ses vidéos il montre le présent
à l’œuvre, l’instant : un immeuble en destruction, la construction d’une chaufferie...
Les images de ces sujets apparemment insignifiants questionnent notre définition
du patrimoine. Par opposition, la peinture montre un état où se mêlent le passé, le
présent et le futur : on y voit l’abandon, la décomposition d’une carcasse sur le bord
d’une route, les végétaux en pousse. Sa peinture parle de nostalgie où la lumière
permet de renouveler notre regard, elle est comme un point de vue ou un parti pris.
Ici pas d’humains mais uniquement la trace de leurs passages, tout est calme dans ces
paysages où les différentes couleurs de la nuit font la lumière.
32. sènami donoumassou
sènami donoumassou est née en 1991 à Porto Novo au Bénin, où elle vit et
travaille. Depuis l’enfance, elle a toujours été fascinée par l’image, télévisuelle d’abord,
puis photographique. Alors qu’elle passait une licence en administration générale et
territoriale, sa vocation est née en suivant les cours de l’Union Artistique et Culturelle
des étudiants du campus d’Abomey-Calavi.
Son regard photographique se porte sur l’Homme, en interrogeant certains de
ses caractères existentiels tels que sa spiritualité, son histoire et sa destinée. En
enquêtant sur la condition des femmes en Afrique, l’artiste s’est engagée dans cette
voie afin de mieux saisir l’humanité.
Son travail photographique en noir et blanc utilise la technique du photogramme.
Sans l’usage d’un appareil, il s’agit de poser des objets sur un papier photosensible et
de les éclairer. Il en résulte des empreintes lumineuses, des traces fantomatiques, des
successions de transparences et de nébulosités créant autant de formes informes
dont seul le contour permet d’identifier s’il s’agit d’objets de culte de sa tradition
animiste, ou de portraits. L’artiste révèle ainsi des caractéristiques individuelles que
chaque être possède, en les intégrant de façon résolument contemporaine à une
technique mise au jour et expérimentée au début du XXème siècle par l’avant-garde
photographique occidentale.
38. king houndekpinkou
King Houndekpinkou dit « king » est né en 1987 à Montreuil, en France. Il vit en France
et travaille également au Bénin et au Japon. Sa passion pour la culture traditionnelle
japonaise l’a conduit à s’intéresser à la pratique de la céramique à Bizen. Il est formé
par le maître céramiste Kayoko Hayasaki avant d’intégrer l’école Arts et Technique
de la Céramique à Paris, où il finit sa formation.
En 2016, après son séjour japonais, l’artiste intègre une résidence d’artistes au
Centre de Lobozounkpa à Abomey-Calavi au Bénin, un espace dédié à l’art et à la
culture. King renoue ainsi avec ses origines africaines, et manie la terre de son pays. Il
mélange depuis des argiles en provenance des 5 continents et les différentes étapes
de cuisson se font successivement au Japon, au Bénin et dans les fours de son atelier
en France.
King crée des céramiques émaillées avec une talentueuse agilité et un extrême
raffinement. Ses voyages ont été pour lui des expériences initiatiques mêlant
spiritualité et conjugaison de cultures. Symboliquement, l’usage des quatre éléments
essentiels, l’eau, la terre, l’air et le feu donne force à une œuvre en devenir.
39. 39
Totem bleu, céramique émaillée et peinte : mélange d’argile locales béninoises
japonaises et nord-américaine, émail bleu, peinture bleue mat, or, 30,5x18x14 cm,
2020
40. 40
The Little Sea Widow: The Sea Shines at the Zenith of my Sorrow II, céramique
émaillée : argile blanche, argile locale de Sè (Bénin), argile locale de Betta
(Bénin), argile locale de Tamba (Japon), superposition d’émaux bleus, argent,
23x25 cm, 2019
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Blue Rock, Céramique émaillé : argile noire de Lanzarote (Ile Canaris), émaux
bleus, or mat, 24x26,5 cm, 2020
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Grand Totem, céramique émaillée et peinte: mélange d’argiles locales béni-
noises, japonaises et nord-américaines, émail bleu, peinture bleue matte, or,
62x32x18 cm, 2020
44. GRÉGORY OLYMPIO
Gregory Olympio est né en 1986 à Lomé, au Togo. Il vit et travaille à Besançon,
en France. Issu d’une famille métissée, ses origines se partagent entre les cultures
française, togolaise et béninoise.
À la fois paysagiste et portraitiste, il produit un travail constitué d’aplats, avec une
dominante jaune pour les vêtements qui habillent ses personnages représentés en
buste.
Les caractères personnels de chacun de ses modèles, sont associés dans leurs
représentations à des interrogations identitaires (liées aux origines de l’artiste) et
à des phénomènes de société identifiables par quelques mots ou quelques phrases
peintes à même les habits jaunes comme « Processus de paix », « Eau », « Lumière »
ou « Nationalités ? ».
50. thierry oussou
thierry oussou est né en 1988 à Allada, au Bénin. Il vit et travaille aux Pays-
Bas et au Bénin. Prolifique et talentueux jeune dessinateur, il se fait remarquer par
l’artiste Edwige Aplogan qui l’inscrit à un atelier d’expression artistique. Son intérêt
pour l’art l’emmène aux Pays-Bas où il est formé à la Rijksakademie Van Beeldende
Kunsten (Académie des Beaux-Arts d’Amsterdam). Il en ressort artiste confirmé et
deviendra enseignant.
Vidéaste et peintre, il crée des toiles qui oscillent entre figuration et abstraction. Ses
couleurs de prédilection sont le bleu et le blanc qui contrastent avec ses fonds assez
souvent peints en noir. Des masques évoluent dans des compositions graphiques
abstraites avec l’énergie de la gestuelle liée à l’exercice des cultes animistes.
Ses visages représentés sous forme de masques ne sont pas sans rappeler le
traitement et les matières des graffitis qu’en son temps, dans les années 1920-1930, le
photographeBrassaïcaptaitsurlesmurs,auhasarddesesdéambulationsparisiennes.
56. rémy samuz
Rémy Ama Sossouvi dit « Rémy samuz » est né en 1982 à Cotonou au Bénin, où il vit
et travaille. Enfant, il jouait avec des fils de fer qu’il tordait pour former des armatures.
Ainsi naissent un surnom, « Remi Samuz », et un moyen d’expression artistique dans
lequel l’artiste excelle toujours, le travail du métal.
Remy Samuz crée des portraits finement ouvragés en fil de fer. Des hommes, des
femmes, des enfants et des couples, toujours de taille humaine, prennent forme en
conservant les coiffes qui caractérisent la beauté des parures africaines. Son regard
s’est aussi porté sur le paludisme. Ce fléau, qui sévit principalement en Afrique, est
transmis par les moustiques, que l’artiste récrée et assemble à l’image de nuées.
Travaillé en densité au centre des œuvres, le fil de fer, qui peut ici être perçu comme
un coup de crayon, laisse à voir le genre de la personne représentée, dont on distingue
le visage et la gestuelle. En s’éloignant des contours du portrait, l’entrelacs s’ouvre et
s’émancipe, et les brins s’avancent vers l’extérieur comme une douce irradiation. Les
fils s’effilochent alors librement en laissant, dans la tridimensionnalité de la sculpture,
une place au vide, au dessin de la ligne et à sa légèreté spatiale.
62. julien sinzogan
Né en 1957 à Porto Novo au Bénin, JULIEN SINZOGAN vit et travaille à Cotonou et
à Epinay-sur-Orge, en France.
Alors qu’il était en seconde au lycée Béhanzin à Porto Novo, Julien Sinzogan assiste
à un atelier de peinture. Il y trouve sa vocation et y décroche son bac grâce au 20/20
qu’il obtient dans la discipline artistique. Il part en France où il reste deux ans pour
passer un BTS en travaux publics. L’école ferme et l’artiste reprend la peinture qui
deviendra son mode d’expression.
Finement exécutée avec une palette de coloriste confirmé, la peinture de Julien
Sinzoganreprésentedesscènesdegenredelaviequotidiennetraditionnelle.Hommes,
femmes, lutteurs, etc. se côtoient dans des univers en grands formats. Sa sensibilité
se porte également sur la question de l’esclavage et de la diaspora. Les tableaux de
navires négriers transportant les esclaves et de leurs voiles immenses tendues par
le vent forment un sujet récurrent dans son travail. Il y questionne des hommes en
partance avec leurs dieux et leurs cultes. Ainsi Julien Sinzogan honore-t-il également
le Dieu du Revenant Egun qui abrite les âmes des déportés.
68. tchif
Francis Nisaise Chiape Tchiakpè dit « tchif » est né en 1973 à Cotonou au Bénin,
où il vit et travaille. À l’origine caricaturiste pour le journal La Nation, il s’est ensuite
consacré à la peinture qui est, avec la photographie et les encres sur papier, son
principal mode d’expression.
Ses toiles majoritairement abstraites étaient d’abord réalisées avec de la latérite et
des pigments naturels, avant qu’il n’aborde l’acrylique et l’huile. Des ocres rouge, des
bleus, des jaunes, et d’autres couleurs jalonnent ses compositions informelles et font
de lui un grand coloriste. Son travail des matières est particulièrement remarquable,
qu’il s’agisse de ses aplats ou de graphismes plus librement élaborés.
Intarissable, l’artiste est considéré comme un engagé. Il donne au continent africain
une place centrale sur la scène mondiale, et fait preuve d’une forte conscience de
la situation sociopolitique de l’Afrique, terre aux abondantes ressources. Ainsi son
travail s’accompagne d’un discours sur l’importance de la culture pour relever des
économies trop souvent fragiles ou fragilisées.
74. gérard quenum
Gérard K. Spéro Quenum dit « quenum » est né en 1971 à Porto Novo au Bénin,
où il vit et travaille. Il s’est formé en visitant très jeune les ateliers d’artistes de sa
ville natale et a été encouragé par certains d’entre eux. Son travail alterne peintures
et assemblages constitués de poupées en plastique usagées et de différents objets
récupérés.
Sapeintureàl’acryliquesurtoileestfigurative.Enréalisantdesaplatscolorés,Quenum
utilise une palette minimale, majoritairement constituée de bleus et de noirs, qui se
détachent des fonds blancs. Elle représente essentiellement des petits personnages
en mouvement et des scènes de vie quotidienne librement positionnés dans l’espace
bidimensionnel de la toile.
Quenum est en perpétuel renouvellement artistique. Il dit ne pas vouloir se « copier »
lui-même et est toujours à la recherche de nouveaux moyens plastiques pour
s’exprimer, en conservant une conscience aigüe de la société dans laquelle il vit. Une
de ses sculptures intitulée Femmes Peuhl est exposée au prestigieux British Museum
à Londres, en Grande-Bretagne.
80. 80
JULIEN VIGNIKIN
JULIEN VIGNIKIN, artiste béninois né à Ouidah en 1966, il vit et travaille à Auxerre
en Bourgogne. Peintre, sculpteur, plasticien, il est diplômé de l’École des Beaux- Arts
de Dijon, Julien VIGNIKIN est passé par toutes les étapes de la création artistique :
dessins, peintures, sculptures, installations.
Tout en maîtrisant les bases académiques, il se forge son style. Il se laisse emporter
par ses émotions, source de sa créativité. Sage, provocateur, indiscipliné, dandy,
ancré dans son époque, Julien VIGNIKIN est un poète qui puise son inspiration aux
sources de l’Europe et de l’Afrique.
Sa création paraît chaotique, cependant elle repose sur un décryptage précis, très
analytique. Il espionne, observe la société, ses semblables. Présent dans les grandes
salles de ventes, Julien VIGNIKIN, fait partie de cette génération d’artistes en vue
sur la scène du marché de l’art africain.
86. nathanael vodouhé
nathanael vodouhé est né en 1986 à Cotonou au Bénin, où il vit et travaille.
L’artiste peintre et sculpteur expose ici certaines de ses sculptures. Il s’agit
essentiellement de figures de bois peint et pour partie parfois volontairement
calcinées.
Vodouhé s’intéresse en effet au consumérisme et à la destruction qu’il engendre. Il a
ainsi choisi de donner un visage à l’addiction au tabac et à ses conséquences néfastes
sur le corps humain. Ses sculptures en bois élancées sont donc une représentation
de cigarettes qui se consument, au détriment de leurs formes néanmoins élégantes
et raffinées.
Par ailleurs, les bustes sculptés par l’artiste ont été réalisés avec une attention portée
à l’apparat. Ils sont surmontés de coiffes structurées, composées à l’image de celles,
remarquablement ouvragées, du continent africain.
92. DOMINIQUE ZINKPÈ
Dominique Zinkpè est né en 1969 à Cotonou au Bénin, où il vit et travaille.
Autodidacte et polyvalent, il s’exprime par le dessin, la peinture, la sculpture, la
performance et l’installation.
Tandis qu’il grandit à Abomey, capitale historique du Bénin, il est très tôt marqué
par les exercices nocturnes des cérémonies de la culture animiste. Le devenir du
jeune adolescent est impacté par les sons, les danses, et les oracles. La photographie
n’étant pas autorisée lors des cultes, le seul moyen de capter l’âme et l’énergie des
cérémoniesvodunss’estrévéléêtreledessin.Zinkpépossèdedéjàuntalentparticulier
en la matière, d’ailleurs remarqué par ses professeurs. Artiste désormais confirmé et
reconnu par la scène internationale, les peintures qu’il présente sont l’agrandissement
de dessins originels, sur lesquels il appose des timbres comme symbole d’une ouverture
vers le monde et la créativité.
Ses sculptures sont le plus souvent constituées d’accumulations d’ibedjis, ces
représentations des jumeaux décédés, appelés vodun hoxo en langue fon, auxquels
les familles vouent un culte. « L’objet ibedji même, par son esthétique, sa beauté,
m’intéresse » dit Zinkpè. « Parmi l’éventail des nombreux types de sculptures qui
existent en Afrique, celle-ci est l’une des rares qui n’est pas chargée et n’a pas à être
désacralisée pour être introduite en Occident. Elle est directement liée à l’homme
et à sa naissance. C’est devenu pour moi un matériau de travail. Les ibedjis ont une
force cultuelle au Bénin bien sûr, mais aussi au Togo, au Ghana et au Nigeria. C’est
une célébration de la naissance des jumeaux perdus qui permet d’apaiser la douleur
des parents. Ils représentent tout un système spirituel assez beau et fort. À l’époque,
j’étaisàlarecherched’uneidée,d’unconcept,d’unematière,quimelieintrinsèquement
à ma culture, et je l’ai trouvé dans les ibedjis. »
101. 101
Montrer Nos Artistes Sur Nos Sols Pour
en Conserver Les Traces
Au cours des dernières années, l’art dit « contemporain africain »
a explosé, et revivifié un marché global blasé.
Des initiatives ont été développées, notamment en sol européen,
pour faire connaître la production culturelle africaine. Des
initiatives toutes louables, mais n’est-il pas temps qu’également
nous racontions nous mêmes notre Histoire, nos Humanités,
sans ethnocentrisme, sans exclusivité ?
N’est-il pas temps que des initiatives éclosent sur nos sols,
puisent leurs forces dans nos racines avant d’aller à la rencontre
des autres ?
N’est-il pas temps que des initiatives
éclosent sur nos sols, puisent leurs
forces dans nos racines avant d’aller à
la rencontre des autres ?
102. 102
CONTEMPORARYBENIN, projet initié par le collectionneur
Idelphonse Affogbolo réunissant une équipe multiculturelle, nous
semble répondre à cette urgence. Parce qu’il fait de nous des
acteurs, et non plus seulement des spectateurs, dans la mise en
valeur et dans la monstration, ce projet nous est apparu comme
fondamental et unique en termes de conception et de démarche.
Une Nation, dans sa composante artistique et culturelle, va à
la rencontre d’autres Nations. C’est ici le Bénin, dont l’histoire
riche et majestueuse est ancrée dans de profondes racines, qui
témoigne de sa forte contemporanéité à travers une sélection
d’œuvres d’artistes confirmés et émergents.
La Côte d’ivoire est l’étape inaugurale de l’exposition
CONTEMPORARYBENIN, premier volet qui s’ouvre à Abidjan,
la capitale économique du pays. Abidjan la cosmopolite, l’une des
plus dynamiques plateformes africaines en ce qui concerne les
arts visuels et vivants, offre sur son sol un dialogue inédit entre
artistes béninois, et ouvre ainsi la voie à des alliances de progrès
entre Africains.
En cela, CONTEMPORARYBENIN rejoint la ligne que la
Fondation Donwahi s’est tracée dès sa création en 2008 :
soutenir et présenter la création contemporaine africaine dans
toute sa pluralité, faire en sorte que les artistes africains ne
soient plus considérés comme des étrangers sur leur propre sol.
Il s’agit aussi et surtout de passions partagées, d’histoires
d’humanités qui relèvent, au-delà de simples accrochages
sur des murs blancs, le défi consistant pour ce continent en
la réappropriation de ses histoires, pour les raconter et les
partager avec le reste du monde à travers la diversité et la
richesse des créations des artistes présentés.
103. 103
Contrairement aux usuelles argumentations, notre continent
possède des structures, de multiples compétences, des
professionnels passionnés, capables de valoriser les raconteurs
et conteurs d’histoires que sont ses artistes.
Pour cette première de CONTEMPORARYBENIN à Abidjan,
mission a été confiée à La Galerie Amani et à la Fondation Donwahi,
de présenter dans leurs espaces cette sélection d’œuvres qui
explorent en toute liberté et avec une certaine poésie des thèmes
universels.
Les artistes présentés ont tous accepté le défi de créer des
œuvres originales, affichant ainsi leur confiance en ce projet, leur
confiance en l’avenir du continent, leur ferme volonté d’y jouer
leur partition.
Ne les décevons pas.
Ensemble, parcourons, apprécions, collectionnons etc., pour enfin
valoriser les talents dont l’Afrique regorge.
Trait d’union, aujourd’hui entre le Bénin et la Côte d’Ivoire, demain
avec d’autres pays, CONTEMPORARYBENIN est une preuve de
la vitalité de l’Afrique, de sa diversité et de son excellence.
Enfin, espérons que les dynamiques insufflées depuis quelques
annéesparlescréateurs,lesespacesculturelsetlescollectionneurs
privés rencontrent l’adhésion de nos États et décideurs publics
par la mise en place de fonds d’acquisition d’œuvres.
Pourqu’enfins’établissentdesbasesdecollectionsinstitutionnelles
afin de rassembler en terre africaine les meilleures productions de
nos artistes.
Pour qu’enfin il ne s’agisse plus seulement de montrer sur nos sols
mais aussi d’en conserver traces.
Ensemble,
Parcourons,
Apprécions,
Collectionnons.
105. 105
IMPACT
Ce n’est pas parce qu’ils sont béninois ou “dahoméens” que nous
les aimons; ce n’est pas parce qu’ils représentent une Nation que
nous les aimons, tout cela serait justifiable et justifié; nous les
aimons et admirons pour leurs œuvres car ils sont contemporains
et que leurs œuvres sont contemporaines...
L’art n’a pas de frontières, il est possible de l’utiliser ou de la
manipuler, d’en faire un repoussoir, mais là où l’art s’exprime, la
politique s’incline.
Qu’est-ce que l’art contemporain? La question est qu’est-ce que
l’art, un point un trait.
L’art est une question, une interrogation; l’art est un reflet,
l’émanessence d’une époque, d’un instant, d’un effuve.
Une œuvre est une œuvre comme un bébé, un enfant, est un
enfant, elle grandira et deviendra. Qu’importe l’origine, le talent
s’exprime et la vie l’anime.
Certains se demanderont pourquoi des béninois? Des
ressortissants d’Afrique de l’Ouest ou des “Quartiers Latins”?
Ce sont des artistes tout simplement et des artistes de talents...
et nous aimons les artistes.
Le talent ne se nationalise pas, encore moins les œuvres... il faut
les préserver, il faut les aimer.
L’art laisse un impact, c’est une trace d’un présent, d’une réalité,
c’est une main tendue, une émotion qui traverse et transcende le
temps et les frontières, c’est un impact.
107. 107
Everything is art. Everything is politics
Tout est art. Tout est politique.
Ai Weiwei
L’art lave notre âme de la poussière du
quotidien.
Pablo Picasso
Ce n’est pas un hasard si l’ancien Dahomey, aujourd’hui
République du Bénin, avait été surnommé « Le Quartier latin de
l’Afrique » car ce petit pays, doté d’un patrimoine historique et
culturel particulièrement riche, s’est distingué de tout temps
par la qualité de ses productions artistiques que ce soit dans le
domaine de la musique, de la littérature, des arts de la scène et
aussi, peut-être surtout, dans le domaine des arts plastiques.
Le Bénin est un pays où les traditions sont très présentes. Et
les traditions n’y sont pas, comme dans beaucoup de contrées,
un folklore plus ou moins désuet. Elles sont l’expression de la
spiritualité très riche qui caractérise les cultes, imprègne la vie
quotidienne et le geste créateur de l’artiste. Ce n’est pas un
hasard si les œuvres des artistes béninois sont marquées par
cettespiritualitéetdégagentunetrèsfortechargeémotionnelle.
Elles parlent directement au cœur et à la sensibilité de l’homme.
Mais le pays n’en est pas pour autant refermé sur son passé car
les béninois, les artistes en particulier, savent très bien faire le lien
entre ce passé qu’ils assument et le présent du village planétaire
mondialisé dans lequel ils baignent tout aussi complètement.
108. 108
Il n’y a pas d’école des Beaux-Arts au Bénin. Les artistes, dans
leur grande majorité, sont donc autodidactes. Ils se côtoient,
ils échangent et ils observent, beaucoup. Et, de fait, au Bénin,
l’art est visible partout, pour celui qui veut bien le voir. Dans les
dessins des pagnes, dans l’architecture des coiffures féminines,
dans la démarche majestueuse de la dame qui porte un plateau
de légumes colorés sur la tête, dans l’agencement savant du
présentoir portable du marchand ambulant de lunettes de
soleil, dans les étalages et le foisonnement du grand marché
de Dantokpa. Ah ! Dantokpa ! Gigantesque installation à ciel
ouvert et à longueur de venelles bigarrées. Si vous parcourez
cet immense marché ou encore les « vons » (1) de Cotonou,
la capitale économique du Bénin, vous êtes au royaume du
commerce injustement qualifié d’informel. Ici, on vend de tout.
Absolument de tout. On installe sur quelques planches, contre
un mur, sur une grille, aux branches d’un arbre, par terre,
quand ce n’est pas sur soi-même, les produits et les objets les
plus divers. Est-ce donc un hasard si des artistes-installateurs
béninois ont su mettre en scène - et en galerie, en musée, en
exposition (au sens occidental) - ce formidable fourmillement,
cet entrelacement d’objets que les innombrables vendeurs, mais
surtout vendeuses, rivalisant d’ingéniosité et de sens artistique,
exposent dans les rues et les marchés pour attirer le chaland.
On pourrait dire que les vons et les marchés de Cotonou
constituent les plus vastes installations d’art contemporain au
monde. Non, il n’est pas étonnant que les artistes béninois soient
d’ingénieux installateurs (mais pas seulement) dont les œuvres
se retrouvent dans nombre de grandes institutions, dont le
British Museum, la Tate Modern, aux Biennales de Venise et de
São Paulo, à la Documenta de Kassel et dans les collections d’art
les plus réputées.
Cette accumulation d’objets n’est pas sans rapport avec le fait
que rien ne se perd, ou plutôt que tout se récupère et se recycle
au Bénin comme presque partout en Afrique. Mais si les jeunes
artistes « ne sont pas des chiffonniers, ils partagent avec eux
cet élan spontané à arpenter les décharges à la recherche
de la pièce rare. La pièce, le bout de fer, de fil, de tissu, de
plastique, de cuir ou tout autre objet qui manque à la charpente
de l’architecture rêvée, à l’harmonie du tableau en attente, à la
cohésion du masque en devenir » (2).
Les objets récupérés sont transcendés et
acquièrent, à travers l’artiste, le statut
d’œuvres d’art nourries de la culture
du pays où elles naissent.
109. 109
Cependant, Il serait réducteur de ne qualifier l’art des artistes
béninois que d’art de la récupération. Les objets récupérés sont
transcendés et acquièrent, à travers l’artiste, le statut d’œuvres
d’art nourries de la culture du pays où elles naissent. « Il y a une
tendance à croire que nous ramassons des objets abandonnés
de façon un peu infantile, ingénue, comme si nous étions obligés
de récupérer ces objets pour créer. La récupération est un acte
réfléchi conduisant à l’élaboration de l’œuvre d’art, permettant
de raconter une histoire ».(3)
L’absence de formation artistique classique a pour corollaire une
grande diversité, une grande liberté, beaucoup de spontanéité
et de sensibilité dans les œuvres de ces artistes qui naviguent,
sans complexe, entre ancestralité et avant-garde, entre leurs
racines africaines et le monde globalisé auquel ils appartiennent
tout autant. Leur langage, leurs messages s’adressent, certes, à
leurs compatriotes mais aussi au reste du monde, comme souligné
par N. Bouillard lors d’une exposition de Gérard Quenum :
« Puisant leurs racines dans un passé qu’elles assument,
les œuvres de Gérard Quenum témoignent du présent et
interpellent le futur. Elles prônent un métissage temporel,
géographique et culturel. L’artiste “enjambe” littéralement les
océans pour créer des passerelles, élabore un réseau entre les
continents, et aussi les cultures, les générations, les peuples, les
histoires et les diverses temporalités. Son œuvre manifeste la
réalité d’un langage pictural détaché des écoles, des courants,
des académies. L’œuvre n’est pas exotico-africaine. Elle nous
accompagne dans une pensée profondément humaine et
universelle ». (4)
Comme indiqué précédemment, la production artistique au
Bénin se caractérise par sa grande diversité. De techniques, de
médiums, de thèmes, de messages. Si les artistes se côtoient,
échangent, ils ne se copient pas pour autant mais, au contraire,
rivalisent d’originalité dans une saine émulation où les jeunes
jouent leurs partitions sans complexes. Les pratiques sont
très diverses : peinture, sculpture, photographie, assemblages,
installations, vidéo, art brut, art naïf, conceptuel, mais elles sont
sous-tendues par une sensibilité commune, par ce mouvement
de va-et-vient permanent entre tradition et modernité.
Si les artistes se côtoient, échangent, ils
ne se copient pas pour autant mais, au
contraire, rivalisent d’originalité dans
une saine émulation où les jeunes jouent
leurs partitions sans complexes.
110. 110
Lorsque je suis arrivé au Bénin, fin 1998, j’avais été frappé
par la vitalité du milieu des arts plastiques mais aussi par la
très faible présence d’artistes femmes, à l’exception d’Edwige
Aplogan. Aujourd’hui les choses ont beaucoup évolué et de
jeunes femmes (Laeïla Adjovi, Moufouli Bello, Eliane Aïsso,
Sènami Donoumassou, entre autres) ont, depuis 5 ou 6 ans, fait
une entrée remarquée sur la scène artistique béninoise qu’elles
dynamisent en bousculant les préjugés, en s’affichant comme
féministes qui luttent à travers leurs œuvres pour une égalité
entre hommes et femmes.
En effet, ce qui contribue à conférer ce caractère universel aux
œuvres de nombre d’artistes béninois, c’est bien que ce sont
souvent des œuvres engagées qui, à l’instar du combat féministe
de ces nouvelles amazones, dénoncent avec vigueur les maux
dont souffrent la société africaine et, au-delà, l’être humain en
général.
Pour conclure, je laisserai la parole à des amis qui partagent
mon enthousiasme devant la vitalité créatrice des plasticiens
béninois :
« Certains de ces artistes sont aussi chanteurs, poètes,
stylistes, performers… Ils vivent en Afrique, parfois en Europe.
Mais quoi qu’il en soit, la source de leur travail est un lieu de
fidélité tumultueuse à leur origine au sein duquel ils découvrent
l’intensité secrète de la création, le sacré de la vie, odeurs,
respirations des corps, images dévorantes, forces de la
nature. Leur art est le fruit d’un engagement authentique de
leur imaginaire qui s’alimente de la liberté et de la résistance
de la pensée, véritable démarche politique universelle. Qu’ils
ramassent des poupées abandonnées, crayonnent sur des
cahiers d’écoliers déjà utilisés, qu’ils détournent les outils du
quotidien, qu’ils s’engagent pour l’écologie, contre la violence
du monde et transgressent les codes de nos sociétés, ils ont en
eux cette spiritualité, le souffle occulte des âmes errantes du
vaudou qui vous guide dans les secrets, les métamorphoses de
la vie qui n’a pas encore commencé ou qui se décompose. Loin
de les éloigner de leur temps, cette spiritualité, ces racines
profondément inscrites dans les croyances animistes, en font
des clairvoyants du présent qu’ils traduisent avec vigueur et
inventivité dans leurs rêves éveillés ». (5)
Au Bénin, la mystique du culte des voduns n’est jamais bien loin,
et l’intervention des divinités est requise et doit être honorée :
111. 111
« … car inventer, c’est imiter Dieu, le temps d’accoucher de
l’œuvre. Et prétendre à ce titre – même dans la fulgurance –
exige d’accomplir des actes précis, des engagements sincères :
honorer Aziza (6) au-delà des moments de transes créatrices.
Magnifier son souffle en dehors de la geste inventrice. Adhérer
à son culte. Devenir son adepte. Par le symbole ou par la foi.
Aziza est entier. Et l’artiste, dans son engagement, doit l’être
tout autant. Bienvenue en religion ! ». (7)
« Ces créateurs, dans leur diversité, dans leurs quêtes, sont
surtout des artistes libres, libres dans le choix des matières
utilisées, libres dans les formes et les sujets traités, libres d’être
ce qu’ils sont. Et comme le coq qui se souvient qu’il a d’abord
été un œuf, ils font de temps à autre des clins d’œil au Tolègba
(fétiche protecteur de la cité), pour lui rendre hommage :
car cet esprit, représenté par un monticule d’argile à la face
d’humain et doté d’un phallus énorme, constitue la première
sculpture de la civilisation vaudou, celle que les ancêtres
ont conçue pour opposer aux forces ennemies la résistance
nécessaire à la survie de la communauté ».
L’art est la plus grande richesse du Bénin et, à ce titre, les
artistes en sont ses meilleurs ambassadeurs. Ils sont appelés à
devenir un facteur essentiel du développement économique de
ce grand petit pays autrefois surnommé « Le Quartier Latin de
l’Afrique ».
(1) « Vons ». À Cotonou, désigne en général une rue non asphaltée, mais…
pas seulement. Le mot vient de l’époque coloniale, quand il s’appliquait aux
rues perpendiculaires à la mer qui étaient orientées nord/sud, d’où : vons
(abréviation de : Voie Orientée Nord/Sud).
(2) Florent Couao-Zotti, écricain béninois, dans « Sculpteurs contemporains
du Bénin – De la tradition à la modernité ». Édité par Galerie Vallois, 2013.
(3) Dominique Zinkpè, dans une entrevue pour La Libre Belgique, 2004.
(4) Nicolas Bouillard, professeur d’arts plastiques, au vernissage d’une
exposition de Gérard Quenum, Chalon-sur-Saône, 2004.
(5) Louis Deledicq, commissaire de l’exposition d’artistes béninois « Là où
l’âme se plaît », Centre d’Art Contemporain du Château de Tanlay, 2019.
(6) Selon la croyance populaire, l’artiste serait possédé par la divinité Aziza
pendant l’acte de création.
(7) Florent Couao-Zotti, dans « Éloge de la souffrance créatrice », préface
du livre-catalogue « Artistes contemporains du Bénin – Artistes du Monde »
par A. Jolly, édité par la Galerie Vallois et l’Union Européenne, 2020
113. 113
Artistes contemporains du Bénin – Artistes
du Monde, et leur présence à Abidjan
Artistes contemporains du Bénin – Artistes du Monde, j’emprunte
ici le titre du dernier livre d’André Jolly, ancien directeur du Centre
culturel français à Cotonou (actuel Institut français), paru en 2020 et
édité en partenariat avec la galerie Vallois et la Délégation de l’Union
européenne au Bénin. Quatre-vingt-deux artistes y sont représentés
et leur présence témoigne de la dimension mondiale de leur travail,
dimension que, précisément, la ville d’Abidjan met aussi à l’honneur en
accueillant dans ses murs trois expositions d’envergure.
« Émergence », « effervescence », « étonnante vitalité », tels sont
les qualificatifs les plus généralement employés par les acteurs de
l’art pour définir la création plastique contemporaine au Bénin, pays
considéré comme le Saint-Germain-des-Prés du continent africain.
Idelphonse Affogbolo et Robert Vallois ne limitent pas leur volonté de
faire connaître la teneur exponentielle et « diverselle » de la création
contemporaine de ce pays de l’Ouest africain. Ils agissent pour offrir
au public africain un accès à l’art du Bénin.
Ainsi, les promoteurs de cet évènement, ont attiré l’attention de la ville
d’Abidjan,vastelieud’échangesculturels,surlapertinenced’organiser
des événements d’ampleur et de stimuler l’intérêt d’une ouverture du
marché de l’art de la Côte d’Ivoire vers le Bénin. C’est ainsi que la
création contemporaine béninoise, au travers des expositions d’une
centaine d’œuvres de 14 artistes béninois à Abidjan, s’ouvre au regard
de la Côte d’Ivoire et des acteurs de sa vie artistique. Se trouvent ainsi
conjugués les efforts d’institutions publiques et privées pour révéler
au monde l’intensité du rayonnement de l’art contemporain africain.
115. 115
DU GENIE ARTISTIQUE BENINOIS
François René de Chateaubriand, grand écrivain du romantisme
français a écrit le « génie du christianisme ».
Par extension il est de coutume de se demander qu’est ce qui fait le
«génie» d’une nation, d’un pays, de son peuple.
Pour certains c’est le commerce ; pour d’autres, les sciences ; pour
d’autres encore la culture et les arts…
Si l’on prend ce prisme des arts on peut aisément dire que les
congolais portent la musique à des sommets inégalés, là où les
cinéastes burkinabés sont au cinéma africain ce que les haïtiens sont
à la littérature : des modèles uniques d’excellence et de talent.
Pour ma part, il me semble que le génie artistique béninois s’exprime
par les arts plastiques. Il y a chez nos plasticiens une inventivité
dans les styles, une originalité singulière dans les thématiques,
un tel foisonnement de productions diverses et variées qu’on est
véritablement surpris et saisi lorsqu’on les découvre.
Il n’y a pourtant pas (encore) d’école des beaux arts au Bénin et les
initiations scolaires ou académiques sont largement insatisfaisantes.
Maisilyatroissièclesd’unemêmedynastie,celleduroyaumed’Abomey
qui a su capter à la cour les meilleurs artisans et artistes, pour célébrer
la beauté, le beau, la magnificence et l’éternité des Agassouvi. (1)
IlyaindéniablementcerapportàlareligionVaudou,véritable«fabrique
des Dieux » où, grâce à la divinité Aziza, inspiratrice des artistes, on
invente des formes pour rendre l’invisible accessible, concret, vivant
comme une œuvre plastique.
Il y a enfin, comme dans tout « génie » artistique, et n’en déplaise à
Aziza, beaucoup de travail – 99 % paraît-il – .
Il faut s’être rendu dans les « ateliers » de ces créateurs, entre
nuisances sonores environnantes, précarité des outils de création,
sueurs, recyclage, débrouille, récupération, frugalité des repas,
souffrance et douleur pour admettre avec Chateaubriand qu’au bout
du compte ce que l’artiste transmet ce n’est pas son génie mais son
sang, sa vie.
Venez découvrir la vie palpitante de quelques artistes béninois.
(1) Agassouvi : les descendants du roi Agassou, né de l’union de sa
mère Aligbonon ave une panthère noire. Ils sont les fondateurs, entre
autre, du royaume d’Abomey.
117. 117
Bénéfic Productions tient à remercier en premier lieu tous les artistes qui se sont attelés à produire
les œuvres originales pour cette exposition.
Que toutes les personnes et institutions qui ont contribué à la réalisation de cette exposition, par
leur disponibilité, leur action et leur conseil reçoivent notre profonde gratitude :
Le Ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts de la République du Bénin, Monsieur Jean Michel
ABIMBOLA et ses équipes,
Madame Carole BORNA,
Madame Léa AWUNU, Directrice Générale de l’Agence Galerie Nationale du Bénin,
Monsieur Dominique Zinkpè qui a participé à la mobilisation des artistes,
Madame Illa Ginette DONWAHI, Présidente de la Fondation DONWAHI pout l’art contemporain et
ses équipes,
Monsieur Jean Léon NGUETTA, Fondateur de la Galerie AMANI,
Monsieur Adenile BORNA SOGLO, Directeur Général de Universum,
Madame Léa PERIER LOKO et Madame Julie BANÂTRE, Fondatrices de SEPTIEME Gallery à
Paris,
Que tous les auteurs de ce catalogue reçoivent nos sincères remerciements :
Monsieur José PLIYA, Auteur et Dramaturge,
Monsieur André JOLLY, ancien Directeur de l’Institut Français de Cotonou,
Monsieur Issa DIABATE,
Madame Valentine PLISNIER,
Madame Valerie OKA,
Mademoiselle Shade AFFOGBOLO,
Toute notre reconnaissance aux Partenaires officiels :
Monsieur René AYIDETI Président Directeur Général de Librairie de France et ses équipes,
Monsieur Mikel ORTIZ, Président Directeur Général du PNHG et ses équipes,
Monsieur Yigo THIAM, Président de MODENA,
Monsieur Laurent LOUKOU Directeur Général d’Air Côte d’Ivoire et ses équipes,
Monsieur Corentin ADJOVI, Directeur Général de Comtel Technologies,
Toute notre gratitude à toutes les personnes qui de près ou de loin, et d’une façon ou une autre, ont
soutenu ce projet par leur conseil à la réalisation de cet évènement.