J'ai 6 ans, une prise de conscience me fait pleurer 3 jours...
1. J'ai 6 ans, une prise de conscience me fait pleurer
3 jours...
Aujourd’hui je souhaite vousfairepartd’unautre évènementparticulièrementtriste et traumatisant
de ma vie, de ma vie de jeune enfant…
Nous sommes un dimanche de l’été 1985, j’ai 5 ans. Mes parents ont pris la voiture et ont conduit
ma sœur Laetitia dans un centre de vacances pour une semaine à Arreau, joli village situé dans les
Pyrénéesetplusexactementdansle beaudépartementdesHautesPyrénées.Je n’ai pasde souvenir
d’avoirfait partie du voyage ce jour-là, mais mon père m’a confirmé que j’avais forcément dû faire
partie du voyage.
Dès le lendemain, dans notre maison, située dans un village non loin de Toulouse, mes parents se
sont mis à changer la tapisserie de la chambre dans laquelle nous dormions ma sœur et moi. Ils
avaient en effet ainsi profité de l’absence de ma sœur pendant cette semaine pour s’attaquer à la
tapisserie. Je ne me souviens donc pas du tout de ce jour où j’ai accompagné ma sœur à sa colonie
de vacances, toujours est-il que pendant la semaine où ma sœur était dans sa colonie de vacances,
j’ai fait des pieds et des mains pour convaincre mes parents de m’amener rejoindre ma sœur dans
cette colonie de vacances.J’avaisalorslaconvictionque c’étaitunendroitgénial oùj’allaisbeaucoup
m’amuser. Et surtout beaucoup plus m’amuser qu’à rester seul avec mes parents dans notre
maison…
Mais mesparentsse sont alorsévertuésàm’expliquerque celan’étaitpaspossible car cette colonie
de vacances ne prenait les enfants qu’à partir de l’âge de 6 ans. Il m’était donc impossible de
rejoindre de rejoindre ma sœur durant cette semaine. J’ai donc dû patienter 1 an…
L’été d’après, ayant été enthousiaste pendant 1 an à l’idée de partir avec ma sœur dans cette
fameuse coloniede vacances,mesparentsnousyontconduit, ma sœur et moi et nous y ont laissé…
pour une semaine…
2. Laetitia et Sébastien Marty en 1988
Je ne me souvienspasdumomentoùmesparentsnous ont laissé. Sûrement que j’étais encore très
excité à l’idée d’enfin passer du temps dans cette superbe colonie de vacances…
Dèsle premierjour,j’ai sûrementdûme faire quelquescopains. Mais très vite et sûrement au cours
de cette première journée j’ai pris conscience et ce pour la toute première fois de ma vie, que ma
sœurn’étaitpascomme lesautresenfants,qu’elle étaithandicapée,qu’elle ne pouvait pas venir en
ballade avecnousparce qu’elle perdaitvite l’équilibre etqu’elle marchait très lentement, quelle ne
pouvait pas jouer aux mêmes jeux que nous car elle n’y voyait pas assez, qu’elle ne pouvait pas
comprendre les choses comme nous…
3. J’ai pleuré 3 jours
Cette prise conscience aété tellementdure que je me suismisàpleurer. J’ai pleuré pendant 3 jours.
3 longues journées. Sans pouvoir m’arrêter.
Aujourd’hui ça me parait dingue : 3 jours ! c’est long ! Mais je suis sûr que c’était 3 jours et pas 1 et
pas 2 jourscar je l’ai dit à mesparentsimmédiatementlorsqu’ils sont venus nous rechercher à la fin
de cette semaine, et nous en avons rediscuté plusieurs fois dans les années qui ont suivies.
Je me souvienspartiellementde ce que j’avaisfaitpendantcesfameuses3duresjournées:alorsque
lesautresenfantspartaientenballade,ouparticipaientàdesjeux,moi je partaisme cacher entre de
grands arbres qui étaient situaient à l’entrée de la très grande cours par laquelle on passait pour
accéderà aux bâtimentsde cette colonie de vacances.Cesbâtimentsétaient,eux,situésplusaufond
et de chaque côté de cette cours. Enfin tel en est mon souvenir. Je n’y suis jamais retourné depuis.
Ma prise de conscience de l’handicapde masœurfût ainsi trèsdouloureuse. En effet c’était la toute
première fois que je voyais ma sœur avec d’autres enfants non handicapés. Le choc. Je me
souviendrai de cette douleur toute ma vie. Et si j’ai été aussi triste c’est très sûrement parce que
j’avais compris que l’état de ma soeur était ainsi et qu’il ne s’améliorerait jamais.
Et c’est vrai que putain c’est ça qui est triste ! Il n’y aura jamais d’amélioration ! Jamais ! Imaginez :
ma sœurdoittraverserla vie danscet état: paralysée ducôté droit,née aveugle etunpeude vue est
arrivée lorsqu’elle étaitjeune enfant,avecdesdifficultéspourcomprendre de nombreuseschoses.Et
aussi des sortes de convulsions imprévisibles, plus ou moins violentes et durant plus ou moins
longtemps à chaque fois. Et enfin des problèmes de santé en permanence. C’est à peine croyable
tout ce qu’elle doit endurer !
La carte postale
Je me souvienspendantcette semaine dansce centre de vacances,c’étaitaumilieude lasemaine,ce
devaitdoncêtre soitle mercredi soitle jeudi.J’avaisenfin arrêté de pleurer. Mais bien sûr pour moi
la joie n’était pas au rendez-vous… Un animateur nous a rassemblé. Il nous a donné des cartes
postalesavecuntimbre etnousa dicté ce que nous allionsmarquersurlacarte postale que le centre
allait ensuite envoyer à nos parents.
La dictée était du type : « Chère maman, cher papa, je vous écris d’Arreau. Je vais très bien. Je suis
trèsheureux…» un blablapour moi aussi détestable à rédiger que dès que mes parents sont venus
nousrechercherà la fin de la semaine, je leur ai tout de suite dit que c’était un animateur qui nous
avait fait marquer ces phrases sur la carte postale, mais que c’était pas du tout vrai. Que j’avais
pleuré pendant 3 jours, que j’avais été très triste pendant toute la semaine parce que ma sœur
n’était pas comme les autres…
4. L’analyse du Général de Gaulle
Le troisième enfantdugénéral de Gaulle étaitune fille trisomique. Cette fille est décédée à l’âge de
20 ans à la Boisserie, cette grande bâtisse qu’avaient achetée le Général de Gaulle et sa femme en
1934 à Colombey-les-2-églises,sentantque sonprochainlieud’affectation serait à l’est de la France
et ce de manière à permettre au Général de voir sa famille plus facilement.
Et bienlorsde l’enterrementde safille,devantsa tombe, le Général avait dit à son aide de camp en
parlantde sa fille décédée : «C’était une prisonnière,maintenantelle estcomme tout le monde… »
Le Général de Gaulle et sa fille trisomique
Source Photo : Le blog de Bernard Gensane
http://bernard-gensane.over-blog.com
Voilà,je voulaisvousfaire partde cetévènementparticulièrement triste de ma vie de jeune enfant.
Je voulais vous le faire connaitre sûrement pour ne plus le porter tout seul…
Sébastien Marty
Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à laisser un commentaire.