Récapitulatif sur les opérations d’investissement approuvées par les comités ...
Premier signalement d’un nouveau ravageur sur figuier (ficus carica l.) en tunisie..
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Premier signalement d’un nouveau ravageur sur figuier
(Ficus carica L.) en Tunisie
Badii Gaaliche1
, Nasr Ben Abdelaali1
, Raphaëlle Mouttet2
,
Monia Ben Halima-Kamel3
et Mohamed Rabeh Hajlaoui4
1
Laboratoire d’Horticulture, Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT), Rue Hédi
Karray, 1004 El Menzah, Tunis, Tunisie.
2
Laboratoire de la santé des végétaux, Unité entomologie et plantes invasives, 755 avenue du Campus
Agropolis CS30016, 34988 Montferrier-sur-lez, Montpellier, France.
3
UR: cultures maraîchères conventionnelles et biologiques, Institut Supérieur Agronomique 4042 Chott
Mariem, Sousse, Tunisie.
4
Laboratoire de Biotechnologie Appliquée à l’Agriculture, INRAT, Rue Hédi Karray, 1004 El Menzah, Tunis,
Tunisie.
1. Contexte
La culture du figuier (Ficus carica L.) est bien adaptée aux conditions agroécologiques
de la Tunisie et s'étend sur l'ensemble du pays. Le nord du pays est bien connu par la culture
du figuier et constitue un patrimoine phytogénétique très riche et diversifié (Gaaliche et al.,
2012). Au cours de ces dernières années, un dépérissement inquiétant du figuier entrainant
la mort des arbres dans les zones urbaines et périurbaines du grand Tunis a été observé. Des
observations similaires ont été notées dans plusieurs vergers de la région de Mornag (Nord-
Est du pays). Actuellement, la situation s’est beaucoup aggravée et des arbres vigoureux en
pleine production ont été décimés sans toutefois connaître les causes qui sont souvent
attribuées aux aléas climatiques. Face à la progression rapide du dépérissement du figuier et
conscient de la gravité de ce problème, des prospections phytosanitaires ont été réalisées
pour l’examen des symptômes, l’évaluation des dégâts et le prélèvement des échantillons
pour complément d’analyses en laboratoires.
2. Constats et diagnostic
Le dépérissement entrainant la mort des arbres touche principalement les sujets âgés
indépendamment de leur vigueur. Il commence par un desséchement partiel de certaines
branches charpentières puis atteint rapidement la totalité de l’arbre (Fig. 1a). A la base du
tronc, l’écorce est fissurée par endroit (Fig. 1, b, c, d). L’attaque du tronc entraine
l’écoulement de la sève (Fig. 1e). Le grattage de l’écorce au niveau du point d’entrée, montre
une altération et une colonisation des tissus cambiaux (Fig. 1f).
L’examen des échantillons du bois attaqués montre la présence de galeries colonisées
par de petits coléoptères à différents stades de développement (Fig. 2). L’identification
2. 2
morphologique des adultes colonisant le bois a révélé la présence d’Hypocryphalus
scabricollis (Eichhoff) (Coleoptera, Curculionidae, Scolytinae). H. scabricollis est un scolyte de
petite taille (1.5-1.9mm) avec une coloration brun-jaunâtre, le pronotum étant plus clair dans
sa partie postérieure (Fig. 2c). La surface de ses élytres est recouverte de petites squamules
assez denses ainsi que de longues soies dressées plus éparses. Les yeux sont échancrés et les
antennes ont un funicule de quatre articles. La marge antérieure du pronotum est armée de
5 à 6 dents, les deux dents centrales étant plus grandes et plus saillantes (Faccoli et al.,
2016).
Le genre Hypocryphalus comprend une cinquantaine d’espèces xylophages inféodées
aux arbres forestiers, ornementaux et fruitiers dont H. scabricollis (Wood, 1986). Cette
espèce est originaire d’Asie, elle est présente en Inde, au Sri Lanka, au Bangladesh, en
Birmanie, en Chine, au Vietnam ainsi qu’au Philipines (Wood & Bright, 1992). H. scabricollis a
été signalé à Malte dès 1991 où il aurait probablement été introduit depuis l’Asie via des
espèces de Ficus ornementaux tels que F. microcarpa ou F. retusa (Mifsud et al., 2012). En
2014, ce ravageur a été détecté au Sud de l’Italie, en Sicile, sur figuier fruitier et spontané
(Ficus carica) (Faccoli et al., 2016). Que ce soit à Malte, en Italie ou en Tunisie, H. scabricollis
a été uniquement trouvé sur des plantes du genre Ficus où il agit comme un ravageur
primaire en étant capable de s’attaquer à des arbres sains.
Les scolytes sont des ravageurs primaires ou secondaires qui se nourrissent
généralement de la couche tendre du bois située sous l’écorce (cambium). Les mâles et les
femelles creusent une loge nuptiale sous l’écorce, où a lieu l’accouplement, puis la femelle
creuse une galerie de ponte où les œufs (Fig. 2a) sont déposés. Les œufs éclosent et des
larves émergent. Les larves présentent une tête sclérifiée et des pièces buccales du type
broyeur (Fig. 2b). Les scolytes sont généralement des coléoptères cambiophages qui causent
des dégâts aux arbres en creusant des galeries sous l'écorce, lieu où les futures cellules du
xylème sont élaborées. Certaines espèces se développent sur des plantes saines, mais
d’autres sélectionnent des plantes en stress physiologique ou blessées. Les larves de scolytes
ne sont pas capables de digérer le bois en raison des toxines présentes dans celui-ci. Elles
utilisent donc le mutualisme de certains champignons pathogènes comme Ceratocystis
(Masood et al., 2011). Les scolytes peuvent être vecteurs de maladies, et leurs galeries et les
orifices creusés dans l’écorce peuvent servir de portes d’entrée pour les champignons
pathogènes. Des spores de champignons peuvent être aussi captées, transportées et
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inoculées grâce aux soies microscopiques qui garnissent les élytres et les pattes du scolyte
(Masood & Saeed, 2012).
3. Recommandations
La protection du figuier contre Hypocryphalus scabricollis est désormais une
nécessité absolue pour la sauvegarde de cette espèce, autochtone symbole d’éternité
caractérisant le paysage urbain et arboricole, menacée de dégradation. L’intervention contre
ce nouveau scolyte inféodé au figuier nécessite ainsi l’organisation d’une campagne
nationale de sensibilisation pour la reconnaissance du ravageur (stade nuisible, nombre de
générations, étendues des infestations) et la mise au point d’une stratégie de lutte basée sur
la prophylaxie (élagage des arbres dépéris, incinération du bois attaqué) et l’emploi
d’insecticides contre les stades sensibles du ravageur.
Remerciements
Les auteurs remercient vivement le personnel du Commissariat Régional de Développement
Agricole de Ben Arous ainsi que les agriculteurs de la région de Mornag pour leur soutien et
leur accueil chaleureux.
Références
Faccoli M, Campo G, Perrotta G & Rassati D (2016) Two newly introduced tropical bark and
ambrosia beetles (Coleoptera: Curculionidae, Scolytinae) damaging figs (Ficus carica) in
southern Italy. Zootaxa, 4138, 189–194.
Gaaliche B, Saddoud O & Mars M (2012) Morphological and pomological diversity of fig
(Ficus carica L.) cultivars in northwest of Tunisia. ISRN Agronomy, 2012, 1–9.
Masood A, Saeed S, Silvaldo F, Dasilveira CN, Akem Hussain N & Farooq M (2011) Quick
decline of mango in Pakistan: survey and pathogenicity of fungi isolated from mango
tree and bark beetle. Pakistan Journal of Botany, 43, 1793–1798.
Masood A & Saeed S (2012) Bark beetle, Hypocryphalus mangiferae Stebbing (Coleoptera:
Curculionidae: Scolytinae) is a vector of mango sudden death disease in Pakistan.
Pakistan Journal of Botany, 44, 813–820.
Mifsud D, Falzon A, Malumphy C, de Lillo E, Vovlas N & Porcelli F (2012) On some arthropods
associated with Ficus species (Moraceae) in the Maltese Islands. Bulletin of the
Entomological Society of Malta, 5, 5–34.
Wood SL (1986) A reclassification of the genera of Scolytidae (Coleoptera). Great Basin
Naturalist Memoirs, 10, 1–126.
Wood, S. L., & Bright D. E. (1992). A catalog of Scolytidae and Platypodidae (Coleoptera), Part
2: Taxonomic Index. Great Basin Naturalist Memoirs, 13, 1–1553.
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Fig. 1: Symptômes des attaques d’H. scabricollis sur figuier (cv. Zidi) dans la région de
Mornag. Dépérissement d’un arbre fortement attaqué (a), attaque sévère à la base du tronc
(b), des branches montrant la fissuration (c) et l’éclatement de l’écorce (d), signes d’attaque
montrant l’écoulement de la sève (e) et la pourriture du bois (f).
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Fig. 2: Différents stades de vie d’ H. scabricollis, sur figuier : (a) œufs, (b) larve et (c) adulte.