Expertise phytosanitaire Nov. 2017 Etiologie du dessèchement du palmier dattier dans les oasis de Kébili
1. Etiologie du desséchement du
palmier dattier dans les oasis de
Kébili
Hajlaoui* MR, Mnari-Hattab M, Hamrouni N et Zouba A
Laboratoire de Biotechnologie Appliquée à l’Agriculture, INRAT
hajlaoui06@gmail.com
Expertise phytosanitaire Nov. 2017
2. Contexte
Suite à la demande du centre technique des dattes parvenue à l'INRAT le 15 Novembre 2017
sollicitant l'intervention des chercheurs de l'INRAT pour identifier les causes d'un étrange
desséchement des palmiers dattiers dans les palmeraies de kebili qui a pris une ampleur
équitante, nous avons effectué une visite de prospection (21 et 22 Nov. 2017) pour un
diagnostic de terrain et le prélèvement d'échantillons pour complément d'analyses au
laboratoire.
En collaboration avec les ingénieurs du CT dattes, du CRDA, 3 palmeraies montrant le
développement des symptômes ont été visitées en présence de leurs propriétaires.
Constat
- Desséchement des palmes, généralisé dans toute la palmeraie, qui commence au niveau
des palmes de la couronne de base et progresse vers le haut pouvant atteindre plusieurs
tours ;
- Les palmes desséchées sont systématiquement élaguées et on atteint jusqu'à 50 à 70
palmes enlevées par sujet ce qui entraine un affaiblissement du palmier ;
- Sol limoneux avec un excès d’eau suite aux fortes précipitations de cette année ;
-Les attaques touchent aussi bien les palmiers adultes que les palmiers jeunes.
-Des palmes desséchées utilisées comme brise-vent présentent les signes des attaques
antérieures.
Symptomatologie
- La maladie provoque plusieurs types de symptômes:
Les folioles et le rachis des palmes sont maculés de nombreuses taches brunes presque
noires. Sur rachis, les tissus ne sont altérés sous les taches que sur une très faible
profondeur, n'occasionnant aucune nécrose profonde. Par contre sur limbe, les tissus sont
altérés sur toute leur profondeur et les taches sont visibles sur les deux faces des folioles.
D'autres macules apparaissent isolément sur le limbe des folioles, elles sont de forme assez
régulière, habituellement très allongée; elles se développent en nombre plus ou moins
important, ont une couleur beige foncé et sont toujours encerclées d'une lisière plus sombre
qui persiste même après la dessiccation complète des feuilles.
Les taches disposées irrégulièrement sur les folioles de l'extrémité des palmes progressent
vers le rachis. Ces taches fusionnent par endroit provoquant un desséchement des folioles à
partir de l'extrémité vers la base de leur insertion au niveau du rachis (Figure).
Diagnostic au laboratoire
L'examen des échantillons de palmes symptomatiques (folioles et rachis) fraîchement
récoltés n'ayant pas mis en évidence un type quelconque de fructifications. Nous avons
essayé par des incubations en enceintes humides et des cultures sur milieux synthétiques
d'isoler l’agent pathogène. Des fragments de rachis et de folioles ont été désinfectés
superficiellement et placés en enceintes humides à température ambiante. Sur ces
3. fragments une flore hétérogène s'est développée, plus ou moins abondante appartenant aux
genres Penicillium, Aspergillus, Cladosporium, Alternaria, moisissures banales auxquelles à
priori on ne pouvait imputer la l'origine des taches observées sur palmes. Parallèlement, des
fragments de folioles et de rachis désinfectés ont été placés sur PDA additionné
d'antibiotique et incubés sous UV à 25 °C. Ces cultures ont permis de faire apparaitre au
bout de 4 à 5 jours des colonies d'aspect visqueux qui noircissent avec le vieillissement,
produisant des conidies de types blastospores, unicellulaires, hyalines, ovoïdes et de
différentes formes et tailles. Les conidies sont formées directement à partir des hyphes ou
sur de courtes ramifications, par bourgeonnement (figure).
D’après les critères taxonomiques établis par Zalar et al. (2008) pour la redéfinition du genre
Aureobasidium, le champignon isolé à partir des tissus nécrosés du palmier dattier
appartient au genre Aureobasidium. La pathogénie de trois isolats de ce champignon a
permis de reproduire les symptômes de nécroses sur folioles détachées. La détermination
exacte de l’espèce est en cours moyennant l’amplification et le séquençage des ITS de l' ADN
ribosomique.
Les Aureobasidium sont des pseudo-levures cosmopolites et ubiquitaires dont l’espèce la
plus connue est A. pullulans qui a un intérêt industriel important dans la préparation des
textiles ou en agro-alimentaire pour la synthèse de pullulane, un polysaccharide
biodégradable utilisé pour la conservation des aliments. Par conte, d'autres espèces sont
phytopathogènes à l’instar d’A. microstictum agent de la rayure et la brulure des feuilles de
Liliacées (Yoshikawa and Yokoyama, 1987 ; Meyers et Hudelson, 2014).
Recommandations
La maladie des taches brunes du palmier dattier était décrite depuis longtemps sans
incidence notable et plusieurs champignons sont incriminés selon les régions de culture
(Fawcett et Klotz, 1932; Rieuf, 1968 ; Djerbi et al., 1983 ; Abdullah et al., 2010 ; Ammar et
al., 2011). A notre connaissance, c’est la première fois au monde que des espèces de levures
du genre Aureobasidium sont associées à l’apparition des taches brunes conduisant au
dessèchement des palmes du palmier dattier. Les traitements phytosanitaires contre les
levures sont difficiles (cas des levures responsables de la pourriture acide des grappes),
seules des mesures prophylactiques et phytotechniques peuvent être recommandées pour
réduire les dégâts de cette maladie émergente dans nos palmeraies.
Assurer le bon drainage des palmeraies pour réduire l’humidité favorable au
développement de l’agent pathogène ;
Equilibrer la nutrition minérale des arbres pour améliorer son système d'autodéfense
contre les attaques du parasite ;
Elaguer les palmes fortement attaquées et les faire sortir des palmeraies afin d'éviter
le turnover de l’inoculum dans la palmeraie ;
4. Mettre en place un programme de lutte basée sur la minéralo-thérapie (Cuivre,
Silicium organique) et un protocole enzymatique dans le cadre d’une convention
recherche-développement.
Références
Abdullah SK, L.V. Lopez Lorca and HB Jansson. 2010. Diseases of date palms (Phoenix dactylifera L.).
Basrah Journal for Date Palm Researches. Vol.9 No. 2
Ammar MI and EL-Naggar MA, 2011 : Date Palm (Phoenix dactylifere) fungal disease in Najran, Saudi
Arabia. International Journal of Plant Pathology 2 : 126-135.
Djerbi, M. 1983. Diseases of the date palm (Phoenix dactylifera) Regional Project for Palm and Dates
Research Centre in Near East and North Africa .Baghdad, Iraq, FAO.
Fawcett, HS and Klotz, LT. 1932. Diseases of date palm. California Agriculture Expteriental Station
Bulletin 522, 47p.
Meyers M and B Hudelson, 2014. Daylily Leaf Streak, University of Wisconsin Garden Facts.
Rieuf P. 1968. La maladie des taches brunes du palmier dattier. Al Awamia, 26, pp. l-24, Janvier 1968.
Yoshikawa M and Yokoyama T, 1987. Leaf Blight of Day Lily Caused by Aureobasidium microstictum
(Bubak) W.B. Cooke. Ann. Phytopath. Soc. Japan 53: 606-615.
Zalar P. Gostincar C, de Hoog GS, Ursic V, Sudhadham M, Gunde-Cimerman N. 2008. Redefinition of
Aureobasidium pullulans and its varieties. Studies in Mycology 61: 21-38. 61:21-38. doi:
10.3114/sim.2008.61.02.
Remerciements
Nous remercions Monsieur Foued Ben HAMIDA, Directeur Général du Centre technique des
dattes pour son accueil chaleureux et la prise en charge de notre équipe lors de
l’accomplissement de cette mission (hébergement à l’hôtel, planification des visites des
palmeraies).
5. ,
Figure: Symptômes de la maladie des taches brunes sur rachis et folioles et
aspects de la culture et des fructifications de l'agent causal, Aurebasidium sp.