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TRAITÉ
sur
LA PRÉDESTINATION ET
. LE LIBRE ARBITRE
...
.,, .
1'RAI1'É DU DÉCRET (AL-QAD1l ') )
ET DE L'ARR.ÈT (AL-QADAR)<1
>,
PAR LE SHAYKH KAMAL AD-D!N,
Que Dieu lui octroye amplement sa miséricorde
Louange à Dieu qui, par sa science, embrasse toutes
choses dans leur e11Semble et dans leurs .détails; qui lesa
déterminées d'avance, dans son décret (qada'), puis
exécutées suivant son arrèt (qadar) précis; qui les
a disposées dans l'ordre le plus parfait, conformément
à sa volonté, et leur a assigné à chacune une piace
élòignée ou rapprochée, dans sa prescience; qui, dans
sa puissance (qudrah), a produit les ètres et leur a
fixé un commencement ; qui, d~ns sa sagesse, a manifesté
les créatures et.leur a prescrit un terme ; qui a précipité
(x) Sur ces mots, voyez la note suivante.
TRAITi~ SUR LA PRi;m~STINATlON
ou retardé leur arrivée d~ns le cours du temps ; << qu_i a
départi à toutes choses une certaineforme et une certame
mesure (qaddara-hu taqdiriin)<1
>. »
Bénédictions sur celui (Muhammad) qui gouverna le
monde entier par sa science, et vint perfectionner
l'élite des hommes (les Arabes) par sa ùirection ! Béné-
dictions aussi sur tous les siens, les parfaits, les savants,
les justes, les nobles, les bienfaiteurs généreux !
Une personne dont la d~mande ,éta~t. ~ou.~ moi ~·Ut~
grand poids, à laquelle les llens de l anutle m ~mposa1e1~t
de répondre, m'ayant prié ,de ~édig_er. les t~?t.wns. qu~ l~
possédais sur le décret et l arret (di,v1;1s), ] a1 -~a~1sf~1~ ~
8011 désir en composant cet abrege, que J a1 d1v1se
en autant de chapitres qu'il m'avait été posé de ques-
tions différentes, et dans lesquels j'ai développé les
principaux points qui m'avaient été ~ndiqué~.• ·~~utes le~
fois que j'ai craint de tomber dans l erreur, Ja1 mvoque
l'assistance de Dieu, et j'ai imploré le secours de sa
grace dans tous les cas où la science m'a fait défaut.
(1) [Coran, XXV, 2],
..
l
SENS DES MO'l'S QADÀ' (DÉCRET)
ET QADAR (ARRET),
ET DISTINCTION ENTRE CES DEUX TERMES
ET ENTRE CELUI DE 'INAYAH AL-ULÀ
(PRESCIENCE PRElIIÈRE) <1>
Le mot qad/i' est une expression signifiant : existence
cles types universels de toutes choses, dans le monde
(r) Nous rendons qada' par décret et qadar par arrèt. C'est
bien là le sens que leur attribue Qàshani, et que conr· ·me
l'étymologie. Par le qada', Dieu décrète toutes choses; · ?ar
le qadar, il les cxécute. Kazimirski, dans son dictionnarre,
n'aurait pas du confondre ces deux rnots, ni surtout traduire le
premier : « effet de l'arret itnmuable de Dieu. » Jurjan.i définit
ainsi qadd' : << Dans le langage usuel, qada' est synonyme de
huhm (ordre, jugement) ; com.me terme technique, c'est une
expression signifiant : l'ordre divin, universel, en vertu duquel
les substances créées sont telles qu'elles sont, contenant ·vir-
tuellement lcs circonstances qui se développent en elles dans
l'étemité. )) -Il définit ainsi qadar: « Rapport qui lie la volonté
essentielle (la volonté divine) aux choses, en tant qu'elles sont
produites dans leurs temps respectifs. )) Plus bas, il donne cette
autre défiuition ; [« Le qadar est la sortie des « possibles »
(al-mumkincU) de l'ine:xistence (al-'adam) à l'e:xistence (al-
wufud), l'un après l'autre, et en conformité avec le qada'. Le
qada! est de toute éternité (fi-l-azal) et le qadar pour la perpé-
tuité (la yazal) [...] La différence entre les deux consiste dans le
fait que le qada' est la contenance globale des choses dans la
Table Préscrvée (al-lawhu-l-mallfuzh), alors que le qadar
est leur existenciation distinctive dans les realités cré4es,
lorsque les conditions correspondantes sont remplies. » (Tradò.è-
tion de M. Valsan dans Études Traditionnelles, rg6r, p. 37, n. x).
Le texte arabe de ces citations se trouve aux pages r8o et r8r
des Ta'rijdt, éd. Fliigel (1845, rééd. Beyrouth, s.d.).]
5
66 'l'RAITf~ SUR LA PRlWES1'1NATION
de la Raison (al-'alam al-'aqli)(l>.
Le mot qadar est une expression signifiant arnvee
daus le monde de l'Ame (al-'dlam an-najsi) des types
des choses existantes, après s'ètre individualisés,
pour s'adapter aux matières extérieures<2>, ces types
étant liés à leurs causes<3>, produits par elle, et se
manifestant dans leurs temps respectifs.
Quant à la prescience divine (al-'ùtdyah al-ilcl.hiyyah},
appelée prescience première, elle renferme en elle le
décret et l'arret de la mème façon que le décret ét
l'arrèt contiennent tout ce qui est eu acte (jf-l-waqi').
La prescience première est clone la science divine
embrassant le Tout, tel qu'il est, d'une manière uni-
verselle et permanente. Elle ne résicle en aucun lieu,
car la science de Dieu, isolé dans son essence, n'est
rien autre que la présence (constante) de son essence
à son essence mème, laquelle est essentiellement une
et accompagnée de toutes les propriétés qui lui' sont
inhérentes. Or, la première de ces propriétés que
suppose l'essence divine est une substance spirituelle
(jawhar ruhdni), qui a été désignée sous le nom de
Premier Esprit (ar-ruh al-awwal), de Première Intelli-
gence (al-'aql al-awwal), ou de Plume Sublime (al-
Quant au mot 'inayah, il signifie providence, prescience. Ce ·
sens dérive de l'acception primitive de 'ana, prendre soin d'une·
chose, s'en occuper. Castell l'a bien rendu, dans son Iexigue, ·
par Pfovidentia; Kazinùrsk.i a omis cette acception. Jur.Jànl ,·
n'en donne pas la définition, probablement parce que ce mot .:
est très usité et qu'il ne peut y avoir de doute sur sa signification. ,
{x) [Le mot «Raison» doit étre entendu ici conuue Intellect.]
(2) C'est-à-dire aux matières visibles.
(3) Les types universels.
'l'HAl'l'Ù SUJ.~ LA PRÉDE.S'l'lNATION
qalam al-a'l/i)<l), ainsi ue l'
ditions prophétiques ef lan~f~ 1ai;>prennent .les tra-
diaire de cette première subst~:c~gt~. ~ar l'mtermé-
tances sont produites l'u . 't • eux autres subs-
. • ne sptn uelleC2) l' t
cluque<a>, accomi)agne'e d ' au re psy-
, , e ses corps célest t r·les elements matériels avec 1 f es, e en m
comme cela est exposé d leurs orces naturelles,
h. ans es ouvrages d 1·1sop te. Cette première substance est l'Es 't ; P,11 ~-
vers, en qui sont tracés 1es types de l~~ e l uru-
leur ordre voulu, avec 1eurs forme s c oses, ~ans
respectives suivant le mod . 5
et leurs perfectlons
connait cet Esprit de 1' .e umversei, et le Créateur
umvers, avec les t ,.1renferme, directement et ypes qu 1
forme idéa1e supplém~ntai:~on p~s au r~lOyet~ d'une
son esprit) Il ]. A •. (qUI se pemdratt dans
· e conna1t par sa se 1 ,
et cette présence est la . u ~ ~)re~-iiCe en lui,
bien évident que la pr~sr~:~~~c~.d~vme. Il :s.t donc
aucun lieu, comme c'est l~llle ne reSlde eu
décret et l'arret. -.' Et Dieua~iscontratre le .cas pour le
grace. . pose de la SClence et de la
(~} c:est la Raison universelle.
. (..) C est la substance du · d
Stderé~ conune distincte dru.on. e de la Raisou universelle con.:.
Intelligences qui l'habitent oe DAteu, et dont sont formées les
(J} C' t 1. , u nges
es Alne ttuiverselle. ·
DU LIEU OU RÉSIDE LE DÉCRE'l'
Il est constant qu'il existe des forn~es spiritudles.~çu­
war ruhaniyyah) (les anges) (1>, abstrattes de la matlere,
exemptes de corruption, concevant par leur,esse1:ce
tout ce qui est en dehors d'elles p~r esse~ce,.et detachees
des corps (ceci est prouvé en phtlosoplue par des ~r~u­
ments, et enseigné péremptoirement dans la trad1tlon
et dans le Coran, par exemple, dans ces paroles du
Très-Haut : << Ils t'interrogeront au sujet de l'Esprit.
Dis-leur : L'Esprit procède d'un commandement de
mon Seigneur<z>, » et dans ces paroles du Prophète
(le salut soi~ sur l~i !). : « Die,u a écrit un livre ~va,1;~
la création : Ma nuséncorde l emporte sur Ma colere ,
ce livre est écrit auprès de lui, au-dessus du Trcme<
3
>, »
et encore dans ces paroles : « Les anges ont été créés
de lumière ll). Cela étant, nous diso~~ que ce~ for~1es
spirituelles (les anges) sont des lun~ter:~ donunatr~ces
exerçant sur les ames et les corps uueneurs la. me:ne
influence que Dieu exerce sur elles. Et cette dommatwn
(qahiriyyah), qui consiste dans l'infl~ence . qu'ell~s
exercent sur les autres ètres, est la mamfestatwn exte-
(
1
) Ces anges sont les raisons partielles, dérivées de la
Raison universelle et habitant le monde de la Raison.
(2) Coran, xvn, 85. . . . ·
(
3
) On verra plus loin que ce livre est la Ra1son umverselle,
qui est fractionnée en Intelligences partielles ou Anges.
TRAITI~ SUR LA PRimESTrNATION 6g
rieure<1> de l'attribut divin de toute-puissance (qalzi-
riyyah), l'une des marques visibles<2> de son pouvoir,
de meme que leur éclat est l'une des splendeurs du
visage divin. C'est là pourquoi les anges reçoivent
l'épithète de rapprochés de Dieu (al-mt.tqarrabin),
et le monde qu'ils habitent, celle de monde du pouvoir
('cllam al-qudrah). Et de meme que de Dieu émanent
(yafidu) les formes cles choses et leur substance<3
>
par l'émanation de la Vérité (bi-ifc'id~ti-l-Haqq), d~
mème aussi, de ces formes spirituelles (les anges),
émanent leurs qualités et leurs perfections qui viennent
réparer les imperfections des autres etres. Voilà pourquoi
le monde des anges est encore appelé monde de la répa-
ration (' alam al-fabarut), ou bien encore parce que les
anges contraignent<4> les autres etres de tendre à la
perfection, de chercher à l'atteindre lorsqu'elle' leur
fait défaut, et à la conserver autant que possible,
une fois qu'ils l'ont acquise. Cette (action) est alors
la manifestation extérieure de l'attribut divin appelé
fabMriy)Jah.
Il est clair que si les essences et les formes<S> qui
découlent des anges n'avaient pas une existence réelle
en eux, elles ne pourraient en découler; conséquemment,
ces essences et ces formes sont positivement imprimées
(r) Mot à mot, la forme (aç-çurah).
(2) Mot à mot, l'une des traces (athdr). --
(3) Mot à mot, leurs réalités (haqa'iq).
(4) Le verbe fabara, d'où dérive fabarut, a, en effet, les
deu:x: sens de réparer et de contraindre.
(5) Le texte porte : les réalités et les perfections · mais dans
le h~_ngage philosophique, haqtqah est synonym~ d'e~ence,
l~amal, de fanne.
70 'fRAITÉ SUR LA PRÉDESTINATION
en eux, et, à ce point de vue, on appelle les anges cles
intelligences ('ttqul). Quant à cette impression elle-
meme, c'est la forme du décret divin (çurah al-qada! al-
ilahi) <1>, et son lieu est le monde de la réparation
(alam al-jabarut). Ce monde est encore nommé la Mère du
Livre (mnm al-K~'tab), et il y est fait allusion dans ces
paroles du Très-Haut : << Dieu efface ce qu'Il veut,
et établit (une autre chose qu'Il veut), et chez lui
se trouve la Mère du Livre<2>. n C'est de là que nous
viennent toutes les sciences qu'on désigne sous le nom
de religieuses, suivant ces paroles de Dieu, au sujet
du Coran : <<Il est renfermé dans la Mère clu Livre qui
est auprès de nous; il est élevé, rempli de sagesse<3>, >>
et suivant ces autres paroles : << Lis, au nom de ton
Seigneur... qui a instruit (l'homme) au moyen du
calame<4>. n Ce monde est donc le trésor cles mystères
divins, suivant cette autre parole : << Il n'y a pas de
choses dont les trésors n'existent auprès de nous<6
>. »
- Il est, d'ailleurs, hors de doute que les intelligences
du monde du décret sont bien au-dessus cles entraves
du temps, de tous les changements et de toutes les
vicissitudes. Il en est de meme du décret.
{x) L'essence du décret est, comme on l'a vu plus haut, dans
la prescience divine, qui ne réside en aucun lieu.
{2) C01·an, XIII, 39. Le livre en question est le Coran.
{3) Coran, xr.m, 4·
{4) Coran, XCVI, I, 4·
{5) Coran, XV, 21. [« ... Nous ne les faisons descendre que
d'après une mesure (qadr) déterminée. >>] '
DU Sl'~JOUR DE 1./ARR"tT
De mcme que le moncle spirituel, avec sa substance
immatérielle, est le séjour du décret, de meme le monde
de l'Ame (universelle,) avec son corps céleste, est
le séjour de l'arret. Comme il est impossible que les types
universels clu monde du décret, par suite de l'excès de
leur pureté et de l'intensité de leur éclat, soient vus et
imaginés, tels qu'ils sont, en dehors de ce monde-là
(de meme qu'un miroir lumineux empecherait, par
ses rayons, le regard de voir les formes qui y seraient
réfléchies), ces types viennent se peindre sur la surface
de l'Ame raisonnable universelle (al-lawh an-nafs
an-mUiqah al-kulliyyah), qui est le cceur de l'univers, à
la façon de certaines figures qu'on peut tracer sur une
tablette, et ces types sont gravés (sur l'Ame universelle),
dans la dépendance de leurs causes, sous forme de
concepts généraux(l>. On peut comparer à cela ce qui
se passe clans notre esprit, lorsque nous y évoquons
cles notions générales, telles que l'idée de l'espèce, par
exemple, ou la majeure d'un syllogisme<2>, quand nous
en vou1ons tirer une conclusion particulière d'où
résu1tera, de notre part, la détermination à un acte:
(x) Tandis que les types du monde du décret sont des types
uruversels.
(2) Parce que la majeure d'un syllogisme est toujours une
proposition générale.
72 'rRAITÉ SUR LA PRl.:DESTINA'l'ION
On désigne (l'Ame ·universelle) sous le nom de 'fable
gardée (al-lawh al-mahfuzh), parce que c'est en elle
que sont déposés ces concepts, et qu'ils y sont pré-
servés contre toute altération. Ensuite, ces concepts
viennent se graver dans les ames célestes individtielles
(an-nufus as-sanuiwiyyah al-f'uz'iyyàh), qui sont des
facultés(l) dérivées des ames raisonnables individuelles,
inhérentes à ces ames<2>, en types exclusivement spé-
ciaux,. doués de formes déterminées, ayant une mesure
. déterminée, et occupant des positions déterminées dans.
la matière, tels enfin que nous les voyons dans la
réaHté. C'est d'une façon analogue que se peignent
dans nos facultés imaginatives (quwana al-khayaliyyah)
des notions spéciales, telles que les idées d'individus,
par exemple, ou les mineures des syllogism~s<
3
>, qui,
rapprochées des majeures, amènent des conclusions
particulières d'où résultent des déterminations à cer-
tains actes précis, qui, forcément, doivent alors se
produire. Ce monde (des ames célestes partielles)
est désigné sous le nom de Table de l'arrèt (lawh al-
qadar), d'Imagination du monde (khayal al-' alam),
de Ciel le plus proche (as-sanui' ad-dunya), et c'est
là que descendent tout d'abord les ètres, à leur sortie
du nori-manifesté (ghayb al-gkuyub), pour apparaltre
ensuite dans le monde sensible· ('alam ash-shahadah),
(1) L'auteur entend les facultés hnaginativ~ des àmes ra~­
sonnables individuelles, dérivées de l'Ame ratsonnable un~­
verselle, qui sont les ames des sphères et ~:s planètes. La ph1- .
losophie arabe considère les facultés de l ame conune autant
d'ames distinctes, subordonnées à l'ame raisounable.
(2) Mot à mot: imprimées dans leurs.parties. .
(3) .Parce que les mineures des syllogtslnes sont touJours des
propositions particulières.
~;
~·
:.
l
z:;
'
.
.,,
'fRAI'l'É SUR LA PRf:DESTINATION 73
ainsi que l'enseigne la traditionU>. Et les ames (célestes
imaginatives indiquées plus haut) sont dans le meme
rapport avec leurs ames raisonnables (respectives)
que notre imagination avec notre ame (raisonnable indi-
viduelle). Chacune d'elles est un Livr~ évident, comme.
ceux dont parle le Très-Haut : « Il n'y a pas un seui
grain dans les ténèbres de la terre, un brin vert otl
desséché, qui ne soit inscrit dans le Livre évident<2>...
.Il n'y a pas un animai auquel Dieu ne se charge d~ four-
nir la nourriture ; i1 connait son repaire et le lieu de
sa mort; tout est inscrit dans le Livre évident<3>.... Au-
cune calamite ne frappe soit la terre, soit vos personnes,
qui n'ait été écrite dans le Livre, avant que nous les
ayons créées<4
>. ,, .
L'arrivée (sur la t:ible de l'arrèt) de chaque forme
détenninée dans son temps déterminé est ce qu'on
(I) Jurjiì.ni, au mot lawh, résume les renseignements divers que
vient,de donner Qashani. cc Il y a, dit-il, quatre tables ; Io celle
du decret, sur laquelle on efface ou maintient : c'est la table
de l'Intellect Premier.. (al-'aqt al-awwal) : 2o la table de l'arret
c'est-à-dite la table de l'Ame raisonnable universelle, s~
laquelle sont divisés (en types généraux) les universaux de
la première table, ces types généraux restant dans la dépen-
dance de leurs causes ; c'est la table désignée sous le nom .de
t~ble. gardée; 3° la ~able de l'Ame céleste particulière (ima-
gzna_,tzon de .Z A1~e razs?'l!nable), sur·laquelle se peignent tous
.les etres qu1 extstent 1ct-bas, avec leur forme, leur figure et
leur volume: c'est elle qu'on appelle le ciel le plus proche,
et ce ci~l est comme l'imagination du monde, de mème que
la prem1ère table en est comme l'esprit, et la seconde .table,
comme le cceur: 4° enfin, la table de la matière première
susceptible de recevoir les fonnes, dans le monde des sens.. ~
[op. cit., p. 204].
(2) Coran, VI, 59·
(3) Coran, XI, 6.
(4)" Corcm, r.vrr, 22.
74 TRAITÉ SUR LA PRÉDESTINA'l'IO::
appelle le qadar<1
> d'une chose extérieure, déterminée,
suivant ces paroles du Très-Haut : « Nous ne les faisons
descendre que dans une mesure (qadar) détermi-
née<2>. » Et l'on ne peut douter que la réalisation de
cette chose ici-bas ne soit fatale, lorsque son moment
est arrivé.
Le monde (dont nous venons de parler) porte le nom
de Monde de la Royauté (' alam al-malakut) <
3
>. C'est
le monde des agents qui, par la permission de Dieu,
mettent tout en mouvement et dirigent les affaires .
de l'univers, en mesurant la matière et en disposant
les causes. Le séjour de l'arret est donc le monde
de la Royauté, comme celui du décret est le monde de la
Réparation.
Ceci<4>réclame des explications détaillées.
(I) Ce mot est pris ici dans un sens très voisin de celui
d'arret, pour ne pas dire dans le meme sens. Il signifie : déter-
mination d'un etre, en forme, en tem:P.s, en lieu, en quantité,
en volume, etc. C'est avec ce sens qu'1l parait le plus souvent
dans le Coran.
(2) Coran, xv, 21.
(3) Le mot malaktet est défini par Ibn 'Arabi ; « Monde dn
Mystèi:e » ('dlam al-ghayb) et par Jurjaui ; (( Monde du Mys-
tère, réservé aux esprits et aux ames » (encore appelé le « Monde
des Modèles » ('dlam al-mithdl) ; c'est le domaine de la mani-
festation subtile, le domaine de la manifestation infonnelle
étant le 'alam al-jabarut].
{4) Par le mot ceci, l'auteur entend ce qu'il· vient de dire
un peu avant, à savoir : que le monde de l'arret met tout en
mouvement. On verra plus loin (chap. v) que, dans l'opinion
de l'auteur, les corps célestes du monde de l'iì.me sont camme
les organes et les membres de l'univers.
(·"'":
'··
'
f
;.
IV
DÉTAII~S SUR CE QUI VIENT
D'ÈTRE SOMMAIREMENT INDIQUI~
Les corps célestes sont doués d'ames raisonnables qui,
semblablement à nos ames, ont des conceptions et des
désirs généraux, par leur essence, des conceptions et
des désir.; spéciaux, par leurs organes. Toutes ces
ames tendent vers une substance spirituelle (jawhar
ruhani)(l> qui est jeur source et (pour ainsi dire) leur
réservoir immécliat, et cherchent à s'assimiler à cette
substance, cela, parce qu'elles conçoivent certaines de
ses perfections. Elìes aspirent donc à une manière
d'etre universelle, qui leur permette de réaliser cette
assimilation. Pour arrh·er à ce but. elles sont douées
de conceptions spéciales qui viennent se joindre à leurs
conceptions générales, de sorte qu'il en résulte pour
elles des désirs spéciaux: et des tendances spéciales,
occasionnant de leur part des mouvements analogues
à ceuxque produisent les ames, lorsqu'elles cherchent à
atteindre un but quelconque.
A chaque mouvement que font ces ames célestes, elles
s'élèvent à une position nouvelle, et cet état leur procure,
(r) Un des esprits qui habitent le monde de la Raison uni-
verselle.
TRAI1'É SUR LA PRimES'fiNATION
de la part de Ja substance vers laquelle elles tendent,
la communication d'une image intellectuelle, qui est
une perfection (nouvelle), l'épanchement de lumières
qui leur font gouter une nouvelle jouissance, leur
inspirent un nouveau désir d'acquérir une antre per-
fection, et provoquent derechef en elles la volonté
de s'élever à un degré (supérieur). 1/image (susclite)
s'imprime dans la force imaginative de ces ames,
sous forme d'une image spéciale, laquelle fait naitre en
elles un désir spécial, une tendance vers un état spécial,.
de sorte que leur volonté primitive, (qui s'appliquait,
dans le principe, au but) général, se particularise,
devient une volonté (dirigée vers ce but) spécial et
suivie d'un mouvement spécial, qui les conduit à
cet état nouveau. Cet état, une fois atteint, leur fait
concevoir un autre mouvement spécial (qui les conduira
vers un degré supérieur). A chaque nouvel état, il
découle de ces ames sur les matières de l'univers, en
raison de leur plus ou moins grande aptitude, des
formes qui les perfectionnent et une nouvelle aptitude à
recevoir la forme subséquente qui doit accompagner
un état subséquent. C'est ainsi que les mouvements
partiels se produisent à la suite les uns des autres,
qu'à un état succède un autre état, que les formes
(de plus en plus parfaites) sont communiquées toùr
à tour aux ames célestes, que ces ames répandent
leurs influences consécutives sur les matières, que
les matières acquièrent successivement de nouvelles
aptitudes à recevoir ces formes, et que ces formes leur
sont ·successivement transmises.
Nous avons déjà fait comprendre que l'existence
positive, perpétuelle, immuable, éternelle, cles formes
TRAITÙ SUR LA PRlmESTINATIO~ 77
(ou types) dans les esprits(l), objets du désir (des ame~
célestes), s'appelle le décret. L'arrivée de ces formes,
individualisées, dans les ames eélestes imaginatives, .
de manière à les remplir!2>, prend le nom d'arret.
Certains philosophes appliquent le terme d'arret à
l'arrivée cles formes dans les matières délimitées cxté-
rieurement!3>, et croient que ces formes ne peuvent
etre efiacées ou tracées que dans ces matières, tandis
que les formes spéciales qui remplissent les ames célestes
y subsist~nt à jamais, dans leur intégrité. Mais nous
croyons, nous, que les formes sont effacées ou tracées
dans les ames célestes et dans les matières, à la fois
et qu'à chacune de ces alternatives il s'ensuit pour
les matières destruction ou création. Il est d'ailleurs
hor) de doute que les matières sont dans une dépendance
nécessaire des ames.
Quoi qu'il en soit, parmi les différentes manières
d'ètre (ou positions des corps célestes), il y en a de géné-
rales, qui constituent la création ou la destruction
des individualités, et ·il y en a de particulières, d'où
résultent les circonstances de la vie et les perfectionne-
ments successifs de ces memes individualités. Les
manières d'etre particulières sont établies, espacées entre
les manières d'etre générales. Chaque groupe de manières
d'etre, échelonnées dans un certain ordre, et amenant
le perfectimmement d'un ètre quelconque, ou produisant
en lui quelque circonstance, quelque modification,
(t) Ce sont les Intelligences du monde de la Raison uni- ·
verselle.
(2) Mot à mot : s'imprimer ùans leurs parties.
(3) C'est-à-dire sur terre.
'l'RAI'l'É SUl{ LA l'RÉDES'l'INA'flON
est donc limité par deux mauières d'etre (extremes),
' dont 1'w1e amène l'apparition de cet etre, et l'autre,
sa destruction. Quant à la durée qui s'étend entre
les deux manières d'etre extremes (durée qui accom-
pagne chaque état intennédiaire et se compose de la
somme des durées cles mouvements qui produisent ces
états (intermédiaires), pendant l'existence de l'etre en
question, jusqu'à son dernier moment), cette durée,
disons-nous, est le Livre désigné par ces paroles du
Très-Haut : «Il y a un Livre pour chaque terme (ou .
durée)<l>. » - Que nous interprétions le mot afal dans
le sens de terme de la durée, ou dans celui de durée
entière, il devra toujours s'entendre du premier moment
qui accompagne la première manière d'ètre manifestée,
suivi de toute la série de moments qui accompagnent
les états intermédiaires, jusqu'au dernier état. Et
il n'est pas douteux que cette durée ne soit déterminée
dans toutes ses parties par (la quantité) cles circons-
tances fixées dans le décret pour chaque etre, de telle
sorte qu'aucune de ces circonstances ne peut arriver
que dans une partie déterminée du temps (qui constitue
la durée de l'ètre). C'est pourquoi on ne peut échapper à
l'arrèt (à la destinée), ainsi que l'a dit le Très-Haut.:
cc Dis : La fuite ne vous servira de rien. Si vous avez
échappé à la mort naturelle ou violente (elle fhùra
par vous atteindre)...<2> Lorsque leur terme est venu,
ils ne sauraient l'avancer ou le retarder d'un seu1
instant<3
>. »
(1) Coran, XIII, 38.
(2) Coran, XXXIII, 16.
(3) Coran, X, 49·
.;.
'l'RAITÉ SUR LA PRimESTINA'l'ION
79
Quant aux ames du monde du décret, elles ne sont
point sujettes aux vicissitudes, ni soumises aux divisions
du temps. A ce propos, on rapporte que le Prophètc
(sur lui la paix !) se détourna, un jour, d'un mur qui
menaçait ruine, et que quelqu'un lui dit : « Veux-tu
clone échapper au décret de Dieu ? )) Il répondit : << ] e
fuis devant son décret, mais (pour me diriger) vers son
arret. >> Par là il est mmùfeste que l'arret est l'exécution
en détail du décret. -Et Dieu embrasse toutes choses.
/EXEMPLE POUR ILLUSTRTIR
CE QUI PR~CÈDE
Sache que la forme de l'univers est .de tous points sen:-
blable à celle de l'homme. En effet, 1l y a quatre degr.es
dans la production des actes de I'.homm:: quand 1~s
sortent des arcanes de leur mysténeux seJOUr (maka-
min ghaybi-ha) pour se montrer sur le théatre d.e
leur apparition. Ils sont d'abord J?rofondément enfoms
dans son esprit (ruh), qui est ce qu':l y a de plus secre: en
lui. Ils sont insaisissables en ra1so11 de le1r extreme
te
, Puis ils clescendent dans le domamc de sunpure . ,
cceur (qalb), au moment où illes évoque clans sa pen~ee
et se les représente d'une manière tr~s gér:éra~e. EnsUlte
ils descendent dans le trésor de son nnagmab~n (m~k![­
zan khayali-hi), déjà individualisés ..~t part1culanse7.
Enfin, ses membres s'agitent, lorsqu 11 veut les m~m­
fester, et ils se produisent au dehors. Il en est de ~eme
pour tous les événements qui se passent dans l'umvers.
Le premier degré correspond au décret (qada') ; le
deuxième, à l'ame de la Table gardée (à l'arret, al-qa~~r);
le troisième, à l'apparition des form~s. dans les matleres
composées des éléments<l>. Il est ev1dent que la P,re-
mière descente (des actes) n'a lieu qu'.en ve:t~ d un
désir général ; la seconde, en vertu d un des1r plns
(I) Au moyen des mouvements ~es .corps célestes (voy.
chap.. IV), qui so'nt les membres de l umvers.
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'l'RAI'l'i': SUR I.A l'IdWES'fiNA'flON
p:..:rticul~e.r m~is ,11on appare1~t, qu~,. se joignant au pre-
m1er des1r generai, le partlculanse et le transforme
en. une ~mlon~é particulière. De cette volonté, qu'elle
sott aff1rmatlve ou négative<l), jaillit une intention
particulière, dont la conséquence est un acte décisif
de la volonté, qui cherche à manifester cette intention.
Alors les membres et Ies organes sont mis enmouvement
et l'action se produit. Ce mouvement des · organes
correspond au mouvement du ciel. - D'après la seconde
opinion (citée plus haut), l'apparition de l'acte serait
l'arret lui-meme..
..D;. plus, ~n sait que l'esprit (ar-ruh) - j'entends
1c1 lmtellecbon (at-ta'aqqul) et la perception intuitive
(al-idrak) - réside en souverain, uniquement dam;
la partie du corps appelée cerveau. De mcme, l'Esprit
um·erse! (ar-rttlt al-kulli) <2>, c'est-à-dire l'Esprit dc
l'univers, réside en souverain dans le Trcme<a>. ·Le
Tròne est donc, par rapport à l'univers, ce qu'est le
cerveau par rapport à nous. Le lieu où se produit la
première manifestation de l'esprit est, chez no~s.
le cceur, source de la vie: De meme, le lieu de la première
m~nifest~tion ~e l'Esprit, dans l'univers, est le qua-
tneme etel, qUl est la sphère du soleil, source de la
vie de l'univers. Cette sphère remplit clone le ròle
:le poitrine, dans. _l'univers, et le soleil correspond
a notre cceur matenel. Pour le cceur réel (qalb haqiqi),
c'est, comme nous l'avons déjà dit, l'Ame raisonnable
, (I) ,Le. texte porte bi-hasbi muldyamati-Ju1 aw mwuijarati-ha,
c est-a-dire, swvant que la volonté consent ou rejette.
(2) Ou Raison universelle.
(J). L; Tròne, 'arsh, si fréquemment cité dans le Coran,
est s1tue au-dessus de la sphère des étoiles fixes.
~,''
6
82 'l'RAITÉ SUR LA l'RÉDES'i'INA'l'ION
universelle<I>. Quant à l'esprit (particulier) de la qua-
trième sphère, il correspond à l'esprit animai qui
est dans notre cceur, puisque c'est lui qui vìvifie tous
nos membres (comme l'esprit particulier de la quatrième
sphère vivifie les corps célestes). Cet esprit n'est autre
que la Maison habitée (al-bayt al-ma'mur), bien comme,
dans notre religion, pour etre située au quatrièmc
ciel, et par laquelle Dieu a juré dans le Coran : « Par le
mont Sinai. Par un livre écrit, sur un Roulcau déployé.
Par la Maison habitée. Par la Vml.te élevée. ·Par la
Mer gonflée<2>. n C'est pourquoi la Maison habitée est
la station (maqam) de ]ésus, l'Esprit de Dieu (ruh
Allah) (sur lui la paix l), dont le mirade consistait
à ressusciter les morts. Le mont Sina1 est le Tròne (3
l.
Le Livre écrit (kittib mastur) est le décret ~al-qadft')
lui-meme qui réside dans le Premier Esprit (ar-rt''th
al-awwal) <4
l. Ce Premier Esprit est le Rouleau déployé
(I) L'Ame raisonnable universellc est ceusée habiter le
soleil, comme notre fune raisonnable partielle est censée habiter
notre cceur. Le mot qalb (cceur) est ainsi défini par Jurja.ni :
u Le principe subtil, divin, qui est en relation avec ce cceur
matériel, en forme de pomme de pin, qui est placé au còté
gauche de la poittine. Et ce principe subtil est l'essence meme
de l'homme ; les philosophes le nomment ame raisonnable,
et c'est en lui que réside l esprit: l'ame animale en est le véhi-
Cùle. C'est cette partie de l'homme qui a la faculté de concevoir,
de savoir, qui nous fait parler, désirer, blamer. ,, Jurjani a
emprunté cette définition à Qasha.ni, mais en la modifiant
un peu. (Cf. lçtilahdt aç-çufiyyah, p. I4I, no 444).
Quant à l'expression employée par Qasha.ni, dans notre
texte, pour désigner le creur matériel, c'est al-qalb aç-çanubari,
c'est-à-dire, le cceur en fonne de ponune de pin.
(z) Coran, x.rr, I à 6.
(3) Séjour de la Raison universelle.
(4) C'est la Ra.ison universelle.
'l'l{AI'l'É SUR L." '
,,. PRim.~tSl'I.NATION SJ
(raqq ·Jnanshur) La v A , ,
est le Ciel le Jl~s )IO oute elev~: (as-saqf al-marfu')
haut<l> Et lal V )t ~lhe (as-sama ad-dunya), cité p1us
· ou ·e e evée est ment' ' ·
ment à la suite de la M . .l~nnee Immédiate-
du Coran) parce que c' attsdon llab:tee (dans le. texte
. t ' es e ce Ciel que de d t
sur erre les formes et d 1, M . . scen en
l ffl ' e a atson ]Jabltée q . te sou e de l'esprit (nafkh a _.," ) . u~ Vlcn
desque11es deux choses est r ~uh ' p~r la combtnaison
etres animés. paia.chevee la création des
Quant à la Mer aonflé ( l b .
la merde la l11att'e't·e o . _e a- alzr al-masJur), c'est
pretmere (al h "1 ") ·
partout et est ret11plt' d f - ayu a qut se répand
e e ormes.
(I) Cf. chap. m.
VI
DES ACTIONS SOUMISES AU LIBREARBITRE
(AL-IKHTIYAR)
Il a été démontré, dans ce qui précède, que tout cc
qui arrive est arreté, en forme et en temps, dans un
autre monde, avant de se produirc en ce monde.
Si maintenant la question des actes attrihués au lihrc
arbitre te semblait obscure ; si tu étais tenté ùc t'ima-
giner que ces actes sont fatals, par suite de )eur pré-
détermination (l) ; (si tu te disais) comment se fait-il
alors que nous usions de la délibération, que nous lJllÌs-
sions modifier nos actes, les avancer ou les retarder,
et que nous distinguions entre les actes fatals et les
actes déterminés par un choix ; si tu te demandais
pourquoi l'homme est tantòt punì et chatié, à cause
de ses actions, tantòt rémunéré et récompensé ; pour-
quoi il en est rendu responsable ; quelle est la dif-
férence entre les actions involontaires et les actions
voulues ; comment elles entrainent à leur suite la
louange ou le blàme; quel est le but cles comman-
dements de Dieu et de ses défenses; quelle utilité
il y a dans l'obligation d'accomplir de bonnes ceuvres et
des pratiques agréables à Dieu, dans l'appel adressé
aux hommes par les prophètes, au moyen des signes
(r) Mot à lUOt « dans cette hypothèse n, c'est-ù-ùire dans
l'hyp?thèse que les actes sont arretés d'avance dans le monde
supéneur.
','.,
;
~··
!..
'l'RAITi~ SUR LA PRimES1'INATION 8S
célestes et des miracles ; quel est le résultat cles efforts
v~r~ le bien ; à quoi tendent les promesses et les menaces
dtvmes ; quel est le sens cles épreuves que Dieu envoie
- toutes choses exprimées dans ces paroles du Très-
H~ut : << ~l vous éprouve pour savoir qui de vous
ag1ra le 111leux(l), >> et clans bien d'autres versets, indi-
quant ~ous qu~ le pivot cles prescriptions religieuses
est le hbre arb1tre, et que le commandement de faire
usage de son libre arbitre est fondé sur son existence
me.n:e (autrement,. les fondements cles obligations
re!1g1euses re~osera1ent sur clu sable, et la parole de
D1eu ne sermt que :adotage et plaisanterie) ; - si
clone tu te demandms tout cela, je te répondrais :
Comme~1ce })ar implorer ton pardon auprès du Dieu
tout-pu1ssant, et repens-toi, puis considère le cours
des ordres divins, dans la marche clu décret et de
.l'an·et ; réfléchis sur la disposition de la chai:ne cles
causes ; établis, parla pensée, les bases de toutes choses,
comme elles doivent etre établies ; pénètre avec toutè
la force de la réflexion dans le sens intime cles versets
du Coran, peut-etre Dieu t'accordera-t-il l'assistance
de sa gnke, après t'avoir pardonné, et alors, convaincu
(de ton erreur), tu t'empresseras de t'excuser.
En .effet, le dé~:et et l'arret produisent ce qu'ils
prodmsent, p~r lmtermédiaire de causes, rangées
clan~ ~n c:rtam ordre, panni lesquelles les unes sont
clestmees a régler et à clisposer, comme les ames des
SJ?hères, les mouvements et les positions cles corps
celestes, les types cles choses, les propriétés de lamatière
les événements qui jouent le ròle d'événements for~
(r) Coran, r.,xvn, 2.
86 TRAITÉ SUR LA PRtDESTINATIO?{
tuits, et, en autre, les perceptians et les volitions de
l'hamme, avec les mauvements et les repas arganiques ;
les autres sant actives, dauées d'influences, camme
les principes supérieurs des essences spirituelles ;
d'autres encare sant passives (leurs prapriétés étant
essentielles au accidentelles) et reçaivent l'impressian
des causes précédentes, dans certains cas, à l'exclusian
d'autres cas, suivant certaines farmes, à l'exclusian
d'autres farmes, mais taujaurs d'après un ardre évident,
une dispasitian cannue dans le décret primitif. La
réunian de tautes ces causes et de toutes ces canditians
est appelée cause camplète (l), et cette cause camplète
amène farcément, taut abstacle étant levé, la pra-
ductian de la chase dispasée d'avr'l.ce, décrétée et
arretée. Au cantraire, tant que l'actian de l'une quel-
canque de ces causes partielles est retardée, au si
quelque abstacle survient<2>, la praductian de la chase
reste dans le damaine du passible, et cela quelle que
sait la cause qui reste inactive. Or, camme au nambre
des causes susdites, et principalement des plus vaisines
(1) La cause complète est donc l'ensemble de toutes les
causes dont le concours est nécessaire pour la productiou
d'une chose quelconque. Dans tous les événements non soumis à
la volonté humaine, ces causes agissent fatalement ; dans tous
les actes soumis au libre arbitre, ces causes sont mises en
mouvement par cette autre cause qui est le libre arbitre.
Jurjàni définit ainsi ce tenne : «La cause complète est celle
qui amène forcément la production de l'effet, ou encore
l'ensemble de tout ce dont dépend l'existence d'une chose, en
ce sens qu'en dehors de cet ensemble on ne peut. suppose~
aucun autre efficace. >> - Chacune des causes parhelles qut
composent cet ensemble, et par rapport à laquelle l'existence
d'une chose est possible, reçoit le nom de cause incomplète
(ndqisah).
{2) Obstacle naturellement prévu dans le décret.
··~·
,J·
i.
l'RAITJ:; SUR I.A PRl~DESTINATION 87
(de l'acte), figure précisément l'individualité humaine
ou anim~le avec ses facultés de percevoir, de savoir,
c~e pauvotr, de voulair, avec sa réflexian et san imagina-
tlan•. a,u I~ayen clesquelles an adapte ou rejette un
parti, l acban à laquelle on s'est décidé est déterminée
par un chaix ; mais sa praductian est fatale, dès que taut
cet ~nsemble de causes, appelé cause camplète, a agi, et
passtble, par rappart à l'une quelconque de ces causes. La
productian fatale de l'acte n'est danc pas incompatible
avec son libre choix, puisque cette praductian fatale
n'a été amenée que par le libre chaix.
~i h1 ve~:-: que je reprenne en détail cet expasé sam-
mmre en dr~r1sant cl~irement man sujet et en expliquant
ch~que P?mt auss1 camplètement que possible, je
vms le fa1re dans un chapitre spécial. Écoute avec
un esprit év_eillé, .et ~e te laisse distraire par rien,
car ce .que Je va1s d1re renferme «un enseignement
pour c~Ulcanque est daué d'intelligence, sait preterl'oreille
et votrO>. »
(1) Coran, r,, 37·
VII
EXPLICATION EN DÉTAIL DE CE QUI VIEN'l'
D'ETRE EXPOS:f: SQMMAIREMENT
ET ÉCLAIRCISSEMENT DE CE QUI PRÉCÈDE
Sache que !es facultés de percevoir, de savoir, de
pouvoir, sont des modifìcations de l'ame et font partie .
de ses propriétés ìnnées. Nous allons maintenant
!es définir et montrer l'emploi de chacun cles termes qui
les désignent.
La science ('ilm) est l'impressioa dans l'fune des
formes cles choses.
La perception (idrak) est la saisie d'une chose,
au moyen d'un cles organes extérieurs, tels que les
cinq sens, ou d'un organe intérìeur, comme l'ìntelligence
(al-'aql) et la faculté de conception (wahm) qui est
la source première de la science.
Le pouvoir (qudrah) est cette faculté de l'àme qui
permet de se décider également à faire ou à ne pas fatre
une chose.
La volition (iradah) est l'intention décisive qui nous
pousse à l'action, ou à l'abstention de l'action. Lorsque
nous avons perçu une chose, nous la connaisso.ns, et
lorsque nous la connaissons, selon qu'ell.e ex.c1te. en
nous l'amour ou la haine, soit dans notre unagmatwn,
soit dans notre raison, il nait en nous un désir tendant à
attirer à nous cet objet ou à le repousser. C'est précisé-
ment ce désir qui est l'intention décisive appelée volition.
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'fRArri~ suR r.A PRÉDESTINATION Bg
Lorsque la volition se joint au pouvoir, qui est
la forme de notre faculté d'action, cette force active
se dispose aussitòt à mouvoir les membres ; le mouve-
ment est alors fatalement produit, mais par l'effet du
libre arbitre. Le libre arbitre (ikhtiyar) est donc la
réunion de la volition au pouvoir.
I-~orsqu'un objet n'excite pas nécessairement en
nous l'amour ou la haine, la raison emploie sa faculté de
réflexion, ou l'imagination sa faculté imaginative,
pour provoquer une délibération de la part de la volonté
raisonnable ou imaginative<1>, délibération qui produira
un mouvement du libre arbitre d'oit, finalement, résul-
tera 1'option.
Souvent un objet est agréal:· ~ à certains égards, et
désagréable à cl'autres égards; par exemple, il est
agréable à certains de nos sens, désagréable à certains
au1 res ; agréable .à certains de nos membres, désagréables
au:x autres ; agréable aux sens et désagréable à la raison,
ou réciproquement; agréable en ce monde et désagréable
en vue de l'autre monde, ou réciproquement; agréable
par certains avantages qu'il possède, mais désagréable
par certains inconvénients. .Or, de tout sentiment
agréable nait un motif invitant à l'action, et de tout
sentiment désagréable, un motif qui en détourne.
{I) Ces expressions de volonté raisonnable, de volonté
imaginative pourraient signifier : volonté jointe à la raison,
volonté jointe à l'im.agination. Mais l'auteur fait évidem.ment
de la volonté raisonnable et de la volonté imaginative des
facultés à part, et, aujourd'hui encore, on enseigne dans les
traités de philosophie que c'est la volonté gui prend une déci-
sion. On fait donc de la volonté une faculte de l'entendement,
en qtte1qne sorte.
go TRAITI~ SUR I,A PRÉDESTINA'fiON
Si les motifs opposés se contrebalancent, il en résulte.un
acte de notre volonté qui nous incline à l'abstenbon
de l'action. Il est, dans ce cas, obligatoire pour nous
d'opter pour l'abstention(l). De là.le mérite et, le ~émé­
rite, la louange et le blame, smvant que 1opbon a
été benne ou mauvaise, et de là la récompense ou le
chatiment. La distinction entre ce qui est forcé et
ce qui est librement choisi apparait clone bien nettement.
Souvent l'équilibre cles motifs n'apparait pas claire-
ment à l'ame · elle demeure alors dans l'incertitude., ..
D'autres fois certaines dispositions, certaines déctswns
semblent en' exclure d'autres. C'est alors qu'a lieu
la délibération sur l'opportunité de changer telle ou
telle chose, telle ou telle drconstance, d'avancer ou de
retarder telle ou telle époque. Le résultat dépend
du jugement plus ou moins sain de l'homme<2
>.
Il est hors de doute que notre perception, notre
science, notre pouvoir, notre volonté, notre réflexion,
notre imagination et les autres facultés et organes de
l'homme, tels qu'ils sont disposés, sont 1'reuvre de
Dieu, et non notre reuvre, ni le produit de notre ben
plaisir, car, sans cela, notre pouvoir et 1:otre volont.é
ne se rattac.heraient à rien. ·Mais il est desplulosophes qut,
considérant (la volonté humaine) seulement dans ses
rapports avec les causes les plus voisines de l'acte, (et
perdant de vue les causes éloignées,) proclament qu'elle
(I) Le cas supposé ici par l'auteur est natnrellement celui où
il s'agit d'une action agréable aux sens, mais que réprouve la
raison. , l'té
(2} L'auteur dit ail.leurs que Dieu. tie~t comptc de l'inega 1
des mtelligences, au JOU.l' de la rétnbuhon.
l
l
. -~·
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Tl~AITJ~ SUR LA PRÙDBSTINATION 91
est indépendante. Ils professent la doctrine du Qadar
et du Tajwid<1>, c'est-à-dire, croient que les actes
émanent de notre propre puissance, sont arretés par
notls seuls, et que nous en avons la pleine et entière
disposition. C'est pourquoi le Prophète (sur lui la
paix !) a dit : cc Lcs Qadaris sont les Mages de ce peuple-
ci. ))
En effet, ils établissent deux principes indépendants,
d'une puissance éga1e<2>, absolument comme les Mages
qui croient à Ormazd et à Ahriman, faisant du premier
le principe inclépendant clu bien, et du seconclle principe
indépendant clu mal. C'est ainsi que les Qadarls en-
seignent que tout mal vient de nous, et non (comme
nous le disons) qu'il est produit par la volonté de Dieu
et par son commandement.
Ceux, au contraire, qui contemplent seulement
la cause première et la manière dont toutes les autres
causes et intermédiaires remontent, suivant l'ordre
institué clans l'enchainement des causes et des e:ffets,
jusqu'à Dieu, par une dépendance nécessaire, suivant
cles dispositions fixes conformes au décret et à l'arret,
(1) La doctrine du Qadar était professée par les Mu'tazills
et diverses autres sectes comprises sous le nom de Qadariyyah.
Jurjani définit cette secte : cc Les Qadarls sont ceux qtù pré-
tendent que tout holllllle crée ses actions, et ne croient pas
que l'infidélité et les actes de désobéissance aient été décrétés
par Dieu. >•
Le mot tafwid signifie ordinairement : confier une affaire à
quelqu'tm et s'en rapporter à lui pour son exécution. Ici, ce
temte doit ètre J?ris dans le sens de confiance absolue en soi-
UH~me et, par smte, d'indépendance. [Ce tafw'id serait évidem-
ment celui d'Allah, qui remettrait ainsi le destin entre les
ma.ins de Son serviteur.]
(2) C'est-à-dire opposent l'honune à Dieu.
92 'tRAITI~ SUR LA PRl.mESTINATION
et qui perdent absolument de vue ]es causes les plus
voisines de l'acte, ceux-là. disons-nous, professent la
doctrine du Jabar<1> et de la création des actes, sans
faire la distinction entre les actes libres et lès actes
fatals<2>. Les uns et les autres sont borgnes : ils ne
voient que d'un reil. Les Qadaris sont privés de l'reil
droit, le plus fort, celui qui nous fait contempler les
essences(3>. Les ]abaris sont privés de l'reil gauche,
le plus faible, celui qui nous fait voir les choses exté-
rieures<4>. Mais celui qui voit juste et se sert des deux .
yeux de son creur contemple les essences, de l'reil droit,
et rattache à la volonté divine les actions bonnes et
mauvaises, puis regarde les créatures, de l'reil gauche, et
affirme l'influence (propre) qu'elles exercent sur les
actions, mais par un effet de la volonté de Dieu et non
indépendamment de lui. Il reconnait la vérité de ces
paroles de J a' far aç-çàdiq : « Il n'y a ni contrainte
absolue (fabr), ni indépendance absolue (tafwid), mais
quelque chose entre ces deu:x extremes<5 >, ,, et se range
(r) C'est le dogme de la fatalité. Jurjani s'exprime en ces
termes : ''Le Jabar (est la doctrine qui) attribue à Dieu les
actions de l'homme. Il y a deux sortes de Jabaris. Les modérés
établissent que l'homme acquiert ses actions. (c'est-à-dire
en a le mérite et le démérite, bien qu'elles soient créées par Dieu) :
ce sont les partisans d'Ash'ari : les radicaux, tels que les
J abmis, repoussent (mème) l'acquisition du mérite on du
démérite. >>
(2) :Mot à mot: les actes des honuues et les actes des tninéraux.
(3) Qui sont les causes éloignées.
(4) Qui sont les causes prochaines.
(5) Un jour on dem.andait à Abu Hanifah son avis sur la
prédestination. Il répondit ; « C'est une question difficile,
qui ne peut ètre résolue que par ceux auxquels Dieu euvoie
sa révélation: or, la révélation divine est interrompue. Pour-
tant, je vm1s dirai comme Ja'far aç-çiidiq : Il n'y a ni con-
trainte absolue, ni indépendance absolnc, etc. ~
l 'l'RAITJ~ SUR J,A l'lu'-:DHS'l'IKA'fiON 93
à son avis. Celui-là est favorisé de la gracc maJeure
(al-fadl al-kabir) (Il.
Quant à celui(2
l qui parvient à rattacher clircctement
Ics actions à Dien, par la contemplation de son un.ité
(bi-nazhari-t-tawhid), en faisant abstraction cle toute
relation, et en supprimant les causes et les effets, mais
non en ce sens que les actions ont été créées en nous
(une fois pour toutes), ou qu'à chaqne manifestation
d'une action de notre part Dieu crée (en nous) un pouvoir
nouveau et une volition (iriidah) nouvelle, comme le
prétendent les lvfztjabbirah<3>, celui-là replie la créat.ion
camme un tapis, franchit d'un seui coup l'intervalle,
se débarrasse des catégories de entre et de o-ù ? et s'ab-
sorbe dans l'essence de l'Ètre (Dien) ; mais il reste
lui-meme dans l'anéantissement et ne peut obteni~
en meme temps la vision du movde créé, plongé qu'il
.est dans l'essence de la réunion avec Dieu, empeché qu'il
est, par la contemplation de la Vérité (Dieu), de voir
la création. Son regard ne se détache pas de l'aspect de
Sa splendeur<4
J, et' son ame ne se détourne pas de
l'intuition de Sa perfection<5
>; bien loin de là, la lumière
(r) Expression tirée du Coran, :'0.."XV, 32 ; xr.rr. 2 2.
(2) C'est le Soufi.
(3) Secte de Jabaris.
(4) Dans le langage des Soufis, la splendeur et la :perfection se
rapportent à l'essence de Dieu, tandis que la majeste se rapporte
à ses attributs extérieurs. Dans tout ce passage Qasharu
opp?se l'essence .divine à la création. La splendeu:r, la per-
f~cf;ion, la lu_nuè;e ,de la splendeur désignent l'essence
d1v1~e ; la maJeste, l ombre de la majesté, les ténèbres des
~ttr1~uts S?~t .autau~ ?-e synonymes de création. (Voyez à
cc suJet I çtzlahat aç-çujtyyah, p. 18, aux mots jalal et jamal.)
(5) Cf. la note précédente.
94 TRAITI~ SUH LA PREDESTINA'l'ION
de Sa splendeur lui cache l'ombre de Sa majesté~1 >,
les clartés de Sa face et de Son essence ne lui pennettent
pas de voir les ténèbres de Ses attributs. La multiplicité
disparait pour lui dans sa vision contemplative (sltu-
hud), et il ignore sa propre existence. Cct état est la
félicité supreme (al-fawz al-'azhim)(2>. Puis, lorsqu'il
revient à la perception du monde extérieur, après avoir
été plongé dans l'anéantissement (al-mahw), et qu'il
voit les détails dans l'essence totalisante, alors la
vision de la Vérité (Dieu) ne lui enlève pas celle de la
création, ni la vision de la création celle de la Vérité.
La contemplation des attributs ne le distrait pas de
celle de l'essence, ni la contemplation de l'essence de
celle des attributs. La splendeur de Dieu ne lui en
dérobe pas la majesté, et la majesté ne lui en dérobe
pas la splendeur. Celui-là est le véritable voyant qui,
parvenu à la stabilité (tamkin)(3> et à la réalisation
effective (tahqiq), connait la relation des actions avec
Dieu, en tant qu'il les crée, mais sans les dépouiller
de leurs rapports avec l'homme.
Il est 1dans cet état auquel font allusion les paroles
suivantes du Très-Haut : «Ce n'est pas toi qui lançais
(la poussière contre les ennemis), lorsque tu la lanças ;
(x) Cf. ibid. . .
(2) Allusion à l'.expression s! fréquentc, du Coran, dllaltka
httwa-l-fawzu-l-'azlmn. On déstgne cet etat, plus .cotmnu-
nément, sous le nom de fam: m~ rénnion, rec~eilleme?t.
Qashani définit ce terme : u Vou Dten senl et oubher la crea-
tion. » (Cf. Içtilaluit, p. xg.) . . . ,
(3) La siguification de ce mot est snfftsaw.ment 1nd1quee
dans ce passa9e. (Cf. pourtant Jurjani, Ta'rtfdt, p. 7 et
292, et Içtilahat aç-çufiyyah, p. 156, au mot talwin.)
'l'RAI'l'.É SUR LA PRÉDES1'I~.}.'l'IO~
95
c~~s~ J?ieu qui la lanç~it<I>. n - Cet état est la grande
fehc1te (al-fawz al-kab~r).(2)
.(x) Au cot:?-bat de Badr, le Prophète lança, conune on le
satt, une po1gnée de poussière contre les ennemis. (Coran,
VIU, 17).
(~). Plus ordinairement appelée jam' al-fam'. Qashaui
déftmt ce tenne : « Voir que la création subsiste par Dieu •
c'~st-!t-dire voir .J?i~u agissant dans tout phénomène de 'ta
c~eatwn. (Cf. Içtztahat, p. 19) [et« voir l'unite dans la mnltipli-
ctt~ et la multiplicité dans l'unité sans que la vue de l'une
volle l'autre, ou iuversement (cf. ibid., p. 130)]. L'expression
al-faw;; al-kabir est empruutée au Coran, r.xxxv, II.
;/UTILITJ! DE L'OBLIGA'l'ION DES BONNES
CEUVRES ET DE L'APPEL À LA RELIGION,
p AR LE MOYEN DES SIGNES CÉLESTES.
1NFLUENCE DU ZÈLE ET DES EFFORTS, DU'l'
DES MENACES ET DES PROMESSES DIVINES,
.:f:PREUVES QUE DIEU NOUS ENVOIE.
Dans le chapitre précédent nous avons exposé
le mode de production cles actes soumis au libre arbitre,
· de manière à dissiper tous les doutes à cet égard, et nous
avons montré camme..·~ ccs actes s'attiraient la louange
,ou le blàme, la récompense ou le chitiment. Il nous
reste, à présent, à démontrer l'utilité des obligations
religieuses et des pénitences, l'influence du zèle et cles
efforts, des réprimandes et cles eucouragements.
Nous dirons, à ce sujet, que si tu as bien compris
que toutes les facultés inhérentes à l'~tre humain,.comme
la faculté de connaitre, de pouv01r, de voulou, etc.,
se rangeut parmi les causes produc.trices de l'action,
tu peux supposer aussi que les choses que nous venaus
d'énumérer, et qui sont en dehors de l'homme, font
également partie de ces causes. La prédication: les
obligations, la direction spirituelle, les e:rnort~twns,
les promesses, les encouragements, la d1~suaswn et
les réprimandes ont été institués p~r D1eu co~um~
des stimulants de nos désirs, propres a nous conv1er a
la pratique du bien et cles bonnes ceuvres, à l'acquisitiou
cles mérites et des perfections, et camme cles moyens de
'1'RAI'l'I•: SUH LA PRimBS1'INA1'ION 97
nous pousser à faire de belles actions, à contracter
de louables habitudes, à développer en nous de belles
qualités, cles vertus cxcellentes et aimables qui nous sont
départies et qui nous servent en ce monde et dans
l'autre, par Iesquelles nous améliorons notre condition
ici-bas, et qui nous assurcront une fin heureuse ; qui
nous préservent, enfin, de leurs contraires, c'est-à-dire
des maux, cles fautes honteuses, cles péchés, de l'a·i-
lissement, en un mot de tout ce qui peut nous nuire en
ce monde et faire notre malheur dans I'autre.
Il en est de nH~me du zèle, cles efforts, de la prudence et
de la circonspection qui ont été décrétés par Dieu
camme étant propres à nous conduire à l'objet de
nos désirs, à nous faire atteindre les buts divers que
nous nous proposons, à manifester an dehors nos per-
fections, et qui (de plus) ont été institués par Dieu
camme des causes intermédiaires au moyen desquelles
il nous conununique ses faveurs journalières, ce qu'il a
décidé de nous accorder pendant notre vie, ou ce
qu'ilnous prépare dans l'autre monde, et par l'entremise
desquelles il détourne de nous les malheurs, nous épargne
les maux et les calamités - tous résultats que nous ne
pouvons obtenir d'une autre manière.
Aussi Dieu a-t-ilxarreté l'existence de ces choses<1>,
pour nous, et leur acquisition est-elle obligatoire pour
notre libre arbitre, suivant cette réponse que fit le
Prophète (sur lui la paix !) à une personne qui lui
demanclait si les remèdes et les incantations étaieut
.efficaces contre les 'àrrets de Dieu : « Les remèdes et
(1) C'est-à-dire : le zèle, les efforts, la prudence et la circons-
pectiou.
.,
g8 TRAI'l'B SUR LA PRÉDES'l'INA'l'ION
les incantations proviennent eux-mèmes de l'arreJ
de Dieu. » Mais il a dit aussi : << La piume qui a écrit
sa destinée est sèche<1>. » Pourquoi clone agir ? lui objec-
ta-t-on. « Agissez, répondit-il : chacun de vous a reçu
la capacité de faire ce pourquoi il a été créé<2>. >> Et quand
on lui demanda : « Sommes-nous au milieu de choses
complètement terminées, ou au milieu de choses en :V?ie
de formation ? >> Il réponclit : « Nous sommes au nuheu
de choses terminées et de choses en voie de formation<3
>. >>
Il résulte de là que tout ce qui nous revient en fait de
mouvements, de repos, d'actions bonnes et mau-
vaises, est conservé, inscrit à notre charge, et que nous
devons l'accomplir, bien que ce soit en usant de notre
libre arbitre<4>. Cela ressort de ces paroles clu Très-
Haut : « Tout ce qu'ils font est consigné dans le Livre.
Toute chose, petite et grande, tout y est écrit<5>...
Et nous inscrivons leurs ceuvres et leurs traces. Nous
(x) C'est-à-dire : rieu ne peut plus etre changé dans sa
destinée. Ces paroles s:ap?liquent à Abu .r~ura_Yrah. .
(2) Ce qui revient a dire que la parbc1pat1on de l ~m.Wlle
à la production des actes est au nombre des choses decretées
par Dieu. .
(3) Cette parole ne contredit pas celle où le Proph~te d1t qu~
la plum.e qui a écrit la destinée est sèche. ~n effet, s'il est e~tre
dans les dispositions de Dieu que certames ch?ses sera1ent
hors de notre pouvoir, et d'autres en notre pouv~rr, par co~sé­
quent modifiables, le Prophète pouvait dire que D1eu ne, reVlen~
pas sur ses décisions, et en meme temps que, conformemeut a
ces décisions il y a au monde des choses complètement ter-
minées, ou f~tales, et des choses en voie de formation, ou en
notre pouvoir. · . .
(4) En effet, tout acte produit par notre hbre arb1tre a du
etre prévu par Dieu, afin qu'il disposat d'avance toute chose
nécessaire à l'accomplissement de cet acte.
(5) Coran, r,IV, 52-53·
,-·.
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'l'RAI1'J~ SUR LA PRBDES1'INATION
99
a;.ons tout :ompt~ dans un prototype évident<I>...
C est notre I-~tvre; 11 parlera sur vous en toute vérité
car_ nous couchons par écrit tout ce que vous faites<2>. >;
Mms ces choses<3
l n'ont aucune influence sur notre
F bonheur ou notre.smalheur, dans la vie future, non
plus que ce qui nous arrive en fait d'événements
agréa?Ies ou facheux. En effet, le Prophète (sur lui
la 1~mx !) a dtt : «Sache qu'alors 11H~me que le peuple
entler se rassemblerait pour t'etre utile il ne te serait. .utile qu'en ce que Dieu a écrit en ta faveur dans ta
destinée, et qu'alors meme que le peuple 'entier se
ra.ssem~lera~t pour te n.uire, il ne te nuirait qu'en ce que
Dteu a mscnt contre tot, dans ta destinée. - Les plumes
ont été enle·ées et les pages sont sèches<4). ,, L'émir
des croyants<5
l a dit aussi : " Sachez, de science cer-
taine ('ilman yaqinan), que Dieu n'accorde à son
serviteur rien. de plus que ce q~'illui a d'ayance assigné
dans la Mention. sage (adh- dhtkr al-hakim)<6>,,, queiquès
grandes que s01ent son habileté,1 son activité et sa
ruse, et que rien ne peut empecher l'homme faible et
de yet; de moyeus d'o?tenir la portion qui lui a été
asstgnee dans. la Mentwn sage. n Les preuves de cè
que nous avançons sont trop nombreuses pour que nous
les énumérions. ·
(r) Coran, XXXVI, 12.
(2) Coran, xr.v, 29.
(3) Le zèle, les efforts, la prudence et la drconspection.
~f) ~ette dem~ère phrase signifie que tout est fixé d'avance,
qu il n y a plus a y revenir.
(5) Probablement le khalife 'Ali.
(6) ,La mentio~ sage dési~e la Mère du Livre, ou Table
des decrets, dont tl est queshou plus haut.
100 TRAI1'i~ SUR LA PH.ÉDESTINA'l'IO~
Quant aux épreuves (que Dieu envoie), c'est la réalisa-
tion des événements qui ont été décrétés pour nous ou
contre nous (md kataba lana wa 'alayna fi-l-qad1) ;,
c'est l'apparition de faits, d'événements, de devous
pénibles, qui font sortir de nous et réduisent en actes ~es..
facultés qui ont été déposées en nous et que, :e.cele
en puissance notre nature, de manière ~~e nous me:l.tt?ns
la récompense (ath-thawdb) ou le chattment (al- ~qab).
En effet, les actions capables de récompense et de
chatiment sont les fruits, les suites inévitables, les consé~
quences, les accidents de facultés qui existent en no~s,
et ces effets n'existent pas encore lorsque (nos facultes)
ne se sont pas manifestées au dehors, .lorsqu'elle~ ne se·
sont pas traduites par des actes, bten que J?teu les
connaisse et bien que ces effets e::-..J.;::;tent 'trtuelle-
ment en' nous. Et comment résulterait-il (de ·nos
facultés) des fruits et des co~sé.quences qui en sont le~·
accidents (si elles ne se tradmsa1ent pas par des actes) ·
C'est pourquoi le Très-Haut a dit, entre autres versets
analogues : << Nous les mettons à l'épreuve ~o~r, con-
naitre ceux d'entre eux qui s'efforcent (al-1n'ttJahtdtn) et
ceux qui sont patients (aç-çdbirin.)<~> ', » c'est-à-dire p~~r
les connaitre doués de ces quahtes, de sorte qu ils
en reçoivent la rétribution. Avant cette épreu,ve, ~ieu
sait seulement qu'ils sont aptes à s'efforcer et a patlen-
ter, qu'ils le feront dans un temps donné.
(1) Coran, XI.VII, 31.
l
IX
DES DISPOSITIONS NA'fURELLES
(AL-ISTJ·DA.DAT)
ET DE LEUR CLASSIFICATION
J
Peut-etre t'agites-tu et conçois-tu de la colère et
t'irrites-tu et vas-tu me dire : Si les bonnes et les
mauvaises qualités, les bonnes et les mauvaises actions,
les actes d'obéissance et de rébellion, en un mot, si
le bien et le mal sont déterminés d'avance, inscrit à
notre charge; si, après avoir été déposés en nous,
ils sont produits par nous, dans les temps où ils devaient
se produire, pourquoi n'avons-pous pas tous reçu
une part égale de bien et de mal ? pourquoi n'y parti-
cipons-nous point tous dans la meme mesure et ne
nous ressemblons-nous point tous en cela· ? Comment
nous préserver de ce dont il faut se préserver, de manière
à échapper aux malheurs czyi nous attendent et à
leurs conséquences ? Pourquoi l'heureux est-il supérieur
au malheureux, alors qu'ils 'devraient etre égaux dans
leur destinée ? Où est, à notre égard, la justice<1> de
Dieu, qui a clit : « Je ne suis pas injuste envers mes
(r) Cette objection avait paru si forte à certains docteurs
qu'ils n'hésitèrent pas à déclarer qu'on ne pouvait concevoir
la justice divine que c~mme abandonnant à l'hopune tout .
pouvoir sur ses actions, de manière à le rendre lui-mém.e auteur
de son bonheur et de son malheur, en cette vie et dans l'autre.
Cette opinion donna naissance à la secte des Mu'tazills, ou
dissidents, qui donnèrent à leur doctrine le nom de 'adi, justice.
102 TRAITÉ SUR LA PRÉDES'l'INA'l'ION
serviteurs<ll... Nous n'avons pas été injuste envers
eux, mais ce sont eux les injustes <2
l ? >>
Nous te répondrons, à l'instar du poète: «Ne te laisse
pas abattre à la vue de ce qui blesse les regards ; les
yeux les mieux éveillés dorment encore : patiente. ·
Souvent la làcheté te réussira, tandis que le calme ·
et le sang-froid manqueront leur but<3
l..n Tu n'es pas le
premier dont le pied a glissé à cet endroit et qui s'est
pris à douter, mais qui, épouvanté de ses propres
paroles, s'est rétracté et repenti (puisse Dieu fortifier
l'ceil de ta pénétration avec le collyre de sa lumineuse
direction, et en écarter le voile de l'aveuglement !).
Tout d'abord, réfléchis à l'hlstoire de Moise et d'al-
Khadir, lorsque Moise s'opposa à ce dernier, lui fit
des reproches sur le meurtre du jenne garçon et s'emporta
contre lui. Ne te souvient-il pas de cette parole de
Moise : cc Tu as commis là une action détestable, n
et de la repartie d'al-Khadir: <<Ne t'avais-je pas dit que
tu n'aurais point assez de patience pour rester avec
moi<4l ? >> Puis écoute ce qui va apaiser ta colère et
dissiper tes doutes.
Apprends que les dispositions naturelles sont divisées
par classes, queles substances sont de différentes espèces,
que les ames humaines, suivant leur origine, diffèrent
par leur pureté et leur impureté respectives, par leur
force et leur faiblesse, et sont échelonnées à des distances
(x) Cortm, L, 29.
(2) Coran, xr.m, 76. [Voir supra p. 54, hadith n° 25.]
(3} Alors que ce devrait étre le contraire.
(4} Sur cette histoire, cf. Coran, xvm, 6o et suiv., et une
tradition Lcitée plus haut, p. 46 hadUh, n° 9·]
l
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TRAI'rÙ SUR LA PRi:O:DESTINA'riC>N !03
très ~iverses, dans leur proximité ou leur éloignement
de D1euCll. Sache que, de meme, les matières inférieures
son.t de n~tures très diverses, qu'elles sont plus ou
moms subtt~es ou grossières, que les tempéraments sont
plus on moms rapprochés ou éloignés du juste milieu
~ue la ~apacité qu'ils ont de recevoir telle ou tell~
ame vane beaucoup, que, réCÌJ)!OCiuement toute ame a
't' . ' . t • c
e :e ~ssoc1ee par l'arret divin aux matières qui lui
con~letmcnt, et que de cette association résultent des
aphtude7 plus ou moins grandes potu certaines sciences
et certames . conceptions, à l'exclusion de certaines
aut.res, cles dispositions plus ou moins propres à telles
actlons o~ à telles pratiques, à l'exclusion de telles
autre~, smvant ce que leur a attribué la prescience
pn::m1
1
ère et. le décret primitif: Le Prophète (sur lui la
pmx ·~ a d1t. : « Les hommes sont des mines, comme
les ,1n1;1es d or et d'argent. " Ainsi les intelligences
(~l-.t.tqul) et .les facultés. de perception. (al-idrakat)
'anent en ra1son de la d1versité des naturels et des
caractères, qui recherchent, les uns, ce que fuient les
autres, et admirent, les uns, ce que les autres détestent.
La prescience divine (at-··inayah al-ilc'ihiyyah) suppose
un agencement de l'existence (nizlu1m al-wujud) aussi
(I) Cette inégalité des etres est désignée ailleurs par Qash. •
sous le nom de clef du m.ystère de l'arrét divin t d 1 f aru, ·
m~è~e. (Cf. Içtilahdt, p. 65, nos 217, 218.) [Les etr:s é:a_:tedft~~
dm s par leurs propre~ poss~bilités (c'est le qada'), ils s'or-
onnent ,dans. la . manifestatwn selon une hiérarchie fixée
par ~a. predestmahon (le qada~ ; «La situation de l'etr d ·
le nnheu [est] dét · ' éf' · . e ans(R , G , ermmee en mthve par sa natt:~re propre,
ze ~~~).] uenon, La Grande Triade, se reporter à la p. n 3,
104 TRAI'l'f.: SUR LA PRIWESTINATION
parfait que possible, car s'il y en avait un plus parfait,
il ex:isterait. D'ailleurs, si les aptitudes (al-isti'dadat)
étaient égales en tout, la beauté de l'orc1re de l'univers
disparaitrait, et toute organisation serait détrnite
dans le monde. Tous les etres appartienclraient à la
meme classe resteraient dans le meme état et se trou-• .veraient au meme degré: Leurs affaires ne marchera1ent
pas, leurs commodités seraient supprimées, et tous
les autres possibles (al-mumkinah) demeureraient dans
les arcanes du néant (kutnm al-'adam), malgré la
possibilité de leur existence. Ce serait là une in~ust~ce
et une iniquité pour ces étres et non pas la Justlce
('adl) et l'équité (qist). Le monde aurait besoin d'eux,
et pourtant ils n'ex:isteraient pas. Ce serait absolument
comme si l'oignon était du safran et le laurier-rose de la
camomille, l'oignon et le laurier-rose étant entièrement
privés d'ex:istence. Les hommes ser~ie!1t frustrés par. là
du profit qu'ils en retirent et sonffnratent dans certa~ns
de leurs avantages, par le manque de ces prodlllts.
Si donc tu te préoccupes fort peu de ce que l'oignon
ne soit pas du safran, l'abrotone du stc:echas, le chien
un lion, la chèvre un chameau, les rochers cles an.imaux,
les animatL">: des hommes, le fétu de paille un c:eil, et
l'imagination la raison ; de meme, ne te soucie point
de savoir pourquoi un adolescent n'est pas un Sahban<
1
>,
le mendiant un sultan, le malheureux un heureux<
2
>,
(1) Sahban, fils de Wàil et contemporain .de Mu'a~iy~,
personnage célèbre par son éloquence, et qm a donne lieu
au proverbe : « Plus éloquent que Sahban. ))
(2) Ou le réprouvé un élu, car shaqi et sa'id ont ce sens.
Nous avons traduit malheureux et heureux pour donner aux:
mots précités la signification la plus étenduc.
!
ll
l
li
lJ
~
'J'RAI'fÉ SUR I.A PRÉDESTINA'l'ION I05
l'ignorant nuisible un savant vertueux et habile, car,
s'il en était ainsi, le sultan se verrait réduit à balayer
et le savant qui se consacre à l'adoration de Dieu serait
contraint de vivre avec les betes fauves. Cette égalisation ·
clétruirait tonte proportion : le sultan ne serait pl.1s
sultan, ni l'intendant intendant; l'ordre de l'univers
serait aboli, et l'on verrait apparaitre le désordre et·
la confusion. Cet état de choses ne serait pas la justice :
bien au contraire, ce serait l'arbitraire et la tyrannie.
En effet, la justice consiste à associer les matières et les
corps avec les formes et les ames qui leur conviennent, à
répartir les tempéraments en raison des genres, des
espèces et cles individus, et à imprimer aux ind.ividus
la direction qui les fait tendre vers des occupations
conformes à celles de leur espècc.
Quiconque fait le mal et pèche dans sa manière
de voir se maltraite donc lui-meme, par la méchanceté
de sa nature et l'insuffisance de ses aptitudes. Il est digne
du malheur dans la_vie future. Malik, gardien de l'enfer,
lui criera cc Tout beau ! Ce.sont tes propres mains qui ont
serré (l'outre), ta propre bouche qui l'a gonflée ! »
Et si ses aptitudes sont défectueuses et sa nature
mauvaise, c'est quesanaturenecomportaitpasla possibi-
lité d'etre meilleure qu'elle n'a été créée, de meme qu'il
est impossible qu'un singe, par exemple, engendre
un homme parfait, au point de vue de la beauté de
la forme et de la conduite. << Les hommes ne cesseront
point. de différer entre eux, excepté ceux à qui Dieu aura·
accordé sa miséricorde. Il les a crees pour cela, afin
que s'accompllt cette parole de ton Seigneur : Je
I06 'l'RAI'l'É SUR LA PRimES'riNA'l'ION
remplirai l'enfer de génies et d'hommes à la fois<l> .. »
Mais, de mème qu'on ne reproche pas au plus lm~l ·
des hommes de ne pas ressembler à Joseph, en,?eaute,
et de meme que Dieu excuse les homm.es d etre de
formes si diverses qu'on n'eu trouvera1t pas deux
pareils, de mème on ne reproche pas au pire des homn:es
de ne pas etre comme Muhammad, le Prophète de Dt.eu
(que Dieu le protège et le sauve !), dans sa condmte
et sa manière d'agir<~>. Dieu excuse les hommes et~
cela, car leurs qualités et leurs caractères. so~t aus,st ··
variés que leurs formes et l~urs natu.res, et a111s1 que l a
dit le Prophète (sur lui la pmx !), « D1e~ ~ complèten~ent
achevé quatre choses : la form~ exteneure .(al-hh~lq),
le caractère (al-kh~tlq), la subststance (ar-r~zq) et le
terme de la vie (al-afal). »
Et maintenant, comment se garder de ce dont il faut se
garder ? Nous répondons: Celui dont l'àme est noble: le .
caractère élevé, la nature excellente, l'hume~r do~1le,
ne songe pas à accomplir des actions. co~traues a .s~
nature des actes honteux et vils qut n ont pas ete
décrétés à sa charge, parce qu'ils ne lui sont pas con- ·
formes. Et s'il y songe parfois, vaincu p~r m:e des
qualités ou des forces de son àme, parla pr:do~ma~1ce
d'un des motifs que lui fournissent son 1mag:nat~on
(wahm.) et sa passion (hawa), ou par Ul;e. exc1tatwn
venue de ses facultés passionnelles et c?lenque~, alo.rs
sa raison l'écarte et l'éloigne de cette achon, et l Espr~t­
Saint qui est en lui (ruh-hu al-q·udsi) l'empeche et le
(x) Coran, XI, II8·II9. .
(2 ) Il suffit que cet houuue agisse aussi bieu qu'1l est en son
pouvoir.
l
l
f
TRAI'l'I·: SUR LA l'Rl-:DES'fiNA'rlO}; 107
retient, ainsi que Dieu l'a exposé, en parlant de Joseph
(sur lui la paix !) : <<Elle le sollicita,· et il l'aurait ·
désirée s'il n'avait pas compris l'avertissement de
son Seigneur<1
>. >> - Lorsque l'homme est inférieur ·
à cela, en fait de pureté d'aptitude, il ne peut etre
retenu que par la loi religieuse et civile, par les conseils
et les réprimandes, etc., et il en a besoin.
Quand au contraire l'homme supérieur médite de
faire une belle action, conforme à sa nature, il y trouve
un e:xcitant dans sa raison et dans son intelligence,
un auxiliaire dans l'assistance (at-tawfiq) et la direction
(al-h~'dayah) divines qui sont en lui. Il se dispose alors à
accomplir cette action avec désir (shawq) et passion
(slza'af), parce qu'elle lui est conforme, et rien ne
l'en détourne n.i ne l'en écarte. - Chez l'homme un
peu inférieur à cela, le besoin se fait sentir d'excitations ·
et de stimulants venus du dehors.. ·
Quant à celui dont l'àme est basse, le caractère sordide,
l'origine perverse, l'humeur intraitable, les choses
se passent pour lui d'une manière inverse, suivant
ces paroles du Très-Haut, qui s'appliquent à Abt'1
Jahl<
2
> et à ses pareils : «Il leur est indifférent que
tu les avertisses ou non, ils ne croient pas<3> », et ces
autres : «Tu ne peux pas diriger qui il te plait<4>. »
En effet, chacun désire faire ce qui est compatible avec
sa nature, ce qui lui est agréable et ce qui lui plait,
(1) Coran, XII, 24. TI est ici question de la femme de Putiphar.
(2) Enuemi déclaré du Prophète.
(3) Coran, II, 6; XXXVI, ro.
(4) Coran, xxvm, 56.
ro8
'fRAITi~ SUI~ LA PRÉDES'ÒNA'fiON
l t que le contraire est préférable et plus
tout en sac 1an , , nf ts
beau C'est ainsi que le nègre prefere ses .e an ,.'
malg~é leur laideur, à un jeune garçon turc, b;en 9-u 11
n'ignore pas que ce dernier est plus beau que es stens.
En Ce qui concerne le bOlilieur et le malhe'":r' nous
· ··1 l At ' Dteuallons l'exposer dans un chapttre, s 1 p al a .
DE LA F~LICITn (AS-SA 'ADAJI)
ET DU~~fALHEUR (ASH-SHAQAvVAH)
Tu sais à présent ce qui vient d'etre exposé, touchant
la classification des aptitudes et la répartition des esprits
(arwc'ìh) en différents degrés (darajtlt). Apprends mainte-
nant que chacun a une félicité (spéciale), en corrélation
avec son etre intime (lwwiyyah), avec les faveurs
(al-minnah) que Dieu lui a accordées, et avec sa proxi-
mité (qttrb) de Dieu, félicité qui est le tenne e:xtrème
de la perfection (al-kaméil) que comporte sa nature.
A l'opposé de cette perfection est le terme e:xtreme de
l'imperfection dont elle est susceptible : c'est là son
S1-.malheur spécial. Les félicìtés (respectives) sont dane
graduées suivant les aptitudes, et (par conséquent),
la plus grande félicité appartient absolument aux plus
excellentes aptitudes, aux ·perfections les plus nobles,
au plus noble des esprits qui est l'esprit du véritable
p6le absolu (1 >, c'est-à-dire Muhammad (sur lui la paix !},
ainsi que l'a déclaré le Très-Haut : « Nous avons
élevé les prophètes au-dessus les uns des autres...
Il a élevé les degrés de certains d'entre eux(2>. )) Le
Prophète possède donc le degré le plus élevé des apti-
tudes (al-martabah al-'aliyéi ft-l-isti'ddd), et la félicité
supreme (as-sa'adah al-kttbrd), dans l'autre vie. Au
(1) Cf. Jurjaui, aux mots qutbiyyah et qutb lp. 184-5}.
(2) Coran, II, 253.
IlO 'rRAI'l'f: SUR LA l'RÉDES'l'INATION
contraire, plus les aptitudes sont bornées, moindre
est le bonl1eur; moindre aussi l'intervalle qui le sépare
du dernier degré du malheur ou du bonheur (relatif) F
qui lui correspond.
Lorsque les aptitudes occupent un juste milieu
entre les deux termes extremes, supérieur et inférieur,
svmbolisés par la lumière (an-nur) et Ies ténèbrcs (azlz-
zJmlmah) et encore par la divinité (lahttt) et par l'huma-
nité (nasut), les penchants de l'homnl.e se trouv~nt
à égale distance de la perfection et de l'it:lpe:·fec,twn ·
désignées dans le Coran par les termes de Illzy~un.(l)
et de Asfala Sajain<Zl. C'est dans ce cas surtout (lU agls-
sent puissamment clans un sens l'ap1~el des proph~tes,
les obligations religieuses, les répresswus et !es dispo-
sitions de la loi (toutes choses qui relè·ent de l'assistance
divine). et, dans le sens contraire, la .d~sobéiss~nce~ et la
rébellion (qui relèvent de l'abandon divm, al-kht~lzla~~)<3
l.
Plus l'homme s'efforce dans l'une de ces deux dtrectwns,
plus son penchant s'accroit. S'écarte-t-il du juste 1~ilieu
pour tendre vers les degrés supérieurs, la mom~re
impulsion de l'assistance divine suf!it pour. le fmre
progresser sur l'échelle asce~dante, et 1l f~udr~1t alors l~
plus complet abandon de D1eu pour le f~1re retrograde.r
vers les degrés descendants. Au contrmre, pe.nche:t-11
vers les degrés iniérieurs, c'est l'inverse qm arnve.
(1) Coran, LXXXIII, 18.
(2) Cora11, xcv, 5· . .
(3) [Voir Coran, m, 160 ; à la cond~ite ~ans la vo1~ drotte (al-
hidayah) correspond inversement la chrechon clo.ns ,l erre~tr. (w!-
dalal). C'est Dieu qui dirige chaque etre vers c~ a ,quo1 11 est
destiné par sa propre nature et ses teudances mnees.J
t
ì
l
l;~
'fRAI'l'I~ SUR LA Pl~ÉDl~S'l'INA'riON
III
~ chaque pureté correspond une impureté, à toute
chose !ll:np:de une chose troubl~, à toute clarté une
obscunte, ~ toute beauté une laideur. Toute chose a
so.n cont~aue, comme Abu Jahl et Muhammad (sur
lt11 .la patx !), Phar~on et. Moise (sur lui la paix !),
Ibhs et Adam (s:1r 1ut la patx !), et iln'y a pas d'autre
moyen de connattre le pourquoi de la félicité des uns
~t d~nalheur ?es autres que de les considérer comme
l ~ffet des aphtudes naturelles (al-ist-i'dad) qui pro~
vtennent de I'Effluve. sanctissime primordiale (al-
fayd al-aqdas al-awwalt) (l) et de la science sub1
1
'
t ,t 11 . . me
e e erne .e.~11~s1 q~e n.ous l'avons exposé en traitant
de la posstblhte (al-tmkan), relativement à la beauté d
l'orclre de l'univers. e
Lc$'bonheur se divise en deux 1)arties · le b h
d . . on eur
mon an~ (~unyawiyyat) et le bonheur de la vie future
(ulll~rawtyyat!.. ~e bonheur mondaiu comprend égale-
n~ent.deux d1v1s10ns : le bouheur corporei, c'est-à-dire le
b1en-etre, la santé, la force, la bonne conformation
des or~anes; et le f'bonheur extérieur, c'est-à-dire la
possess101: des moyens d'existence et de tout ce dont
on a beso1n dans ce genre.
L&onheu~ futur est aussi divisé en deux parties :
le ,bonheur 111tellectuel ('ilmiyyat), provenant de ce
q~?~ possè~e les connaissances (al-tna'arif) et les
ventes essenttelles (al-haqd'iq), et Ietbonheur des actes
(1) [« L'Effluve sanctissitn~ (al-fayd al-aqdas) de l'Essenc
~ra~r~<: au PB;SSage .de la possibilité pure des etres à leu~
e erdd a)
10
d
11
prtm<;>r<liale, et l'Effluve sacrée (al-fayd al-
muqa as es Attributs se rap rt · 1 ·
~~f~~yJe n (?11:. Vàlsan, dans Étudesp1ra~it~n:~fes,1
~~~~e;~a;~~~
l
II2 TRAITÙ SUR LA l'RÉDES'l'INATION
('mhaliyyat), consistant en ce qu'o1~ accomplit _de
bonnes ceuvres (at-ta'at) et de belles actlons (al-khayrat).
Et de meme que la beauté du visage et du corps ~entre
dans la première catégorie du(~bonlJeur mondatn, .,de
meme les belles qualités rentrent dans la prenuere
catégorie du®bonheur futur. C'est d'après ces qualités
que l'on énumère les différents clegrés du l~m~heur®
On demanda à l'émir cles croyants(l> de decnre le
savant · il le décrivit. Puis on lui dit : « Décris-nous
l'ignor;nt. n Il répondit : « Je viens de le. faire(2l. >>
En effet liJbonheur et ldilnalheur sont en rmson de la
science (al-'ilm) et de l'ignorance (al-jahl) (et, ils sont
essentiellement inhérents aux hommes, cela eternelle-
ment, à tout jamais), ou en raison cles bonnes ~t des
mauvaises actions, d'après lesquelles on reç01t sa
rétribution, et sur lesquelles on mcsure les réc.om-
penses et les chatiments. Di:~ n'a-t-i.l pas, dit :
«C'est la récompense de ce qu 1ls ont fmt...; c e~t la
rétribution de ce qu'ils ont acquis(3) ? » - Mals le
5 malheur n'est pas perpétuel (sauf le bou plaisir de Dieu),
et il. admet des aggravations et des allègements. On
peut dire, toutefois, en général, que les péchés les
plus nombreux et les plus graves sont la conséquence
de l'ignorance, et que la plupart des ve~tus et les plus
grandes sont la conséquence de la sc1ence. O n:on
Dieu ! place-nous panni les bienheureux que tu agrees,
et non parmi les réprouvés que tu éloignes.
(r) Probablement 'Ali. . . ,.
(2) Il voulait dire que pour avoir la descnptwn de.l1gnorant
et de son état, il suffisait de prendre la contrepartle de celle
du savant.
(3) Coran, passim.
l
l
TRAITI~ SUR LA PRÉDESTINATIOX
IIJ
~'est d'~illeurs I'intelligence (al-'aql) qui est le
pomt cardmal des obligations imposées à tous les
hom~es•. c!uel que soit, dans ce domaine, leur degré
de v1vac1te ou de lenteur. En effet, l'intelligence est
~a commune mesure des etres intelligents (al-'uqala') :
{ent~nds ce p~r quoi l'homme lui-nH~me est appelé
mtelhgent ('aqtl). C'est r>ourquoi tous les hommes
sont astreints aux memes devoirs, mais ne sont pas
tous tenus légalement de connaitre les décisions juri-
diques, ni d'approfondir les sciences, suivant cette
parole du Très-Haut : « Dieu n'impose à chaque ame
· q~e ce qu'elle peut supporter(ll. >l Les progrès dans les
sc1ences sont donc eu dehors de la loi.
Quant aux ceunes, elles assurent à leur auteur un
rang en proportion de ce qu'il a fait. Quiconque reste en
deçà de la perfection à laquelle ses aptitudes lui per-
mettaient d'atteindre, soit par omission, soit parce
qu'il a commis cles actions incompatibles avec elles,
recevra en rétribution de ses fautes un chatiment
proportionnel à la distance à laquelle il sera resté
en arrière. De mème, tout homme, dont les ceuvres
sont inscrites au livre des comptes, qui sera parvenu
au degré de®bonheur auquel il lui était donné d'at-
teindre, et qui avait été décrété pour lui, obtiendra
le salut, quand bien meme son bonheur futur serait
humble et restreint, en comparaison de la félicité
supreme. En effet, comme cet homme ne conçoit
pas ce à quoi il ne peut atteindre, il n'en a pas le désir,
et .d~s qu'il n'en a pas le désir, il ne souffre pas d'en etre.
pnve.
(r) Coran, II, 286.
8
II4 TRAITi~ SUR LA PRiWES'riNA'l'ION
Tout ce qui a été décidé est fatal à un point de vue
et possible à un autre point de vue. Cela n'exclut clone
pas la participation du libre arbitre.
Ce que nous venons d'exposer suffira à quiconque
est assisté de Dieu. Quant à celui dont Dieu a rendu
l'intelligence obtuse, en dire plus long ne le convaincrait
pas. Notre recours est en Dieu, contre l'incapacité.
C'est lui qui facilite les choses ardues, qui exauce
les prières. C'est en lui qu'est notre confiance. Il est
notre protecteur, et quelle belle protection !
l
l
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  • 1. •·'' r', ' TRAITÉ sur LA PRÉDESTINATION ET . LE LIBRE ARBITRE ... .,, .
  • 2. 1'RAI1'É DU DÉCRET (AL-QAD1l ') ) ET DE L'ARR.ÈT (AL-QADAR)<1 >, PAR LE SHAYKH KAMAL AD-D!N, Que Dieu lui octroye amplement sa miséricorde Louange à Dieu qui, par sa science, embrasse toutes choses dans leur e11Semble et dans leurs .détails; qui lesa déterminées d'avance, dans son décret (qada'), puis exécutées suivant son arrèt (qadar) précis; qui les a disposées dans l'ordre le plus parfait, conformément à sa volonté, et leur a assigné à chacune une piace élòignée ou rapprochée, dans sa prescience; qui, dans sa puissance (qudrah), a produit les ètres et leur a fixé un commencement ; qui, d~ns sa sagesse, a manifesté les créatures et.leur a prescrit un terme ; qui a précipité (x) Sur ces mots, voyez la note suivante.
  • 3. TRAITi~ SUR LA PRi;m~STINATlON ou retardé leur arrivée d~ns le cours du temps ; << qu_i a départi à toutes choses une certaineforme et une certame mesure (qaddara-hu taqdiriin)<1 >. » Bénédictions sur celui (Muhammad) qui gouverna le monde entier par sa science, et vint perfectionner l'élite des hommes (les Arabes) par sa ùirection ! Béné- dictions aussi sur tous les siens, les parfaits, les savants, les justes, les nobles, les bienfaiteurs généreux ! Une personne dont la d~mande ,éta~t. ~ou.~ moi ~·Ut~ grand poids, à laquelle les llens de l anutle m ~mposa1e1~t de répondre, m'ayant prié ,de ~édig_er. les t~?t.wns. qu~ l~ possédais sur le décret et l arret (di,v1;1s), ] a1 -~a~1sf~1~ ~ 8011 désir en composant cet abrege, que J a1 d1v1se en autant de chapitres qu'il m'avait été posé de ques- tions différentes, et dans lesquels j'ai développé les principaux points qui m'avaient été ~ndiqué~.• ·~~utes le~ fois que j'ai craint de tomber dans l erreur, Ja1 mvoque l'assistance de Dieu, et j'ai imploré le secours de sa grace dans tous les cas où la science m'a fait défaut. (1) [Coran, XXV, 2], .. l SENS DES MO'l'S QADÀ' (DÉCRET) ET QADAR (ARRET), ET DISTINCTION ENTRE CES DEUX TERMES ET ENTRE CELUI DE 'INAYAH AL-ULÀ (PRESCIENCE PRElIIÈRE) <1> Le mot qad/i' est une expression signifiant : existence cles types universels de toutes choses, dans le monde (r) Nous rendons qada' par décret et qadar par arrèt. C'est bien là le sens que leur attribue Qàshani, et que conr· ·me l'étymologie. Par le qada', Dieu décrète toutes choses; · ?ar le qadar, il les cxécute. Kazimirski, dans son dictionnarre, n'aurait pas du confondre ces deux rnots, ni surtout traduire le premier : « effet de l'arret itnmuable de Dieu. » Jurjan.i définit ainsi qadd' : << Dans le langage usuel, qada' est synonyme de huhm (ordre, jugement) ; com.me terme technique, c'est une expression signifiant : l'ordre divin, universel, en vertu duquel les substances créées sont telles qu'elles sont, contenant ·vir- tuellement lcs circonstances qui se développent en elles dans l'étemité. )) -Il définit ainsi qadar: « Rapport qui lie la volonté essentielle (la volonté divine) aux choses, en tant qu'elles sont produites dans leurs temps respectifs. )) Plus bas, il donne cette autre défiuition ; [« Le qadar est la sortie des « possibles » (al-mumkincU) de l'ine:xistence (al-'adam) à l'e:xistence (al- wufud), l'un après l'autre, et en conformité avec le qada'. Le qada! est de toute éternité (fi-l-azal) et le qadar pour la perpé- tuité (la yazal) [...] La différence entre les deux consiste dans le fait que le qada' est la contenance globale des choses dans la Table Préscrvée (al-lawhu-l-mallfuzh), alors que le qadar est leur existenciation distinctive dans les realités cré4es, lorsque les conditions correspondantes sont remplies. » (Tradò.è- tion de M. Valsan dans Études Traditionnelles, rg6r, p. 37, n. x). Le texte arabe de ces citations se trouve aux pages r8o et r8r des Ta'rijdt, éd. Fliigel (1845, rééd. Beyrouth, s.d.).] 5
  • 4. 66 'l'RAITf~ SUR LA PRlWES1'1NATION de la Raison (al-'alam al-'aqli)(l>. Le mot qadar est une expression signifiant arnvee daus le monde de l'Ame (al-'dlam an-najsi) des types des choses existantes, après s'ètre individualisés, pour s'adapter aux matières extérieures<2>, ces types étant liés à leurs causes<3>, produits par elle, et se manifestant dans leurs temps respectifs. Quant à la prescience divine (al-'ùtdyah al-ilcl.hiyyah}, appelée prescience première, elle renferme en elle le décret et l'arret de la mème façon que le décret ét l'arrèt contiennent tout ce qui est eu acte (jf-l-waqi'). La prescience première est clone la science divine embrassant le Tout, tel qu'il est, d'une manière uni- verselle et permanente. Elle ne résicle en aucun lieu, car la science de Dieu, isolé dans son essence, n'est rien autre que la présence (constante) de son essence à son essence mème, laquelle est essentiellement une et accompagnée de toutes les propriétés qui lui' sont inhérentes. Or, la première de ces propriétés que suppose l'essence divine est une substance spirituelle (jawhar ruhdni), qui a été désignée sous le nom de Premier Esprit (ar-ruh al-awwal), de Première Intelli- gence (al-'aql al-awwal), ou de Plume Sublime (al- Quant au mot 'inayah, il signifie providence, prescience. Ce · sens dérive de l'acception primitive de 'ana, prendre soin d'une· chose, s'en occuper. Castell l'a bien rendu, dans son Iexigue, · par Pfovidentia; Kazinùrsk.i a omis cette acception. Jur.Jànl ,· n'en donne pas la définition, probablement parce que ce mot .: est très usité et qu'il ne peut y avoir de doute sur sa signification. , {x) [Le mot «Raison» doit étre entendu ici conuue Intellect.] (2) C'est-à-dire aux matières visibles. (3) Les types universels. 'l'HAl'l'Ù SUJ.~ LA PRÉDE.S'l'lNATION qalam al-a'l/i)<l), ainsi ue l' ditions prophétiques ef lan~f~ 1ai;>prennent .les tra- diaire de cette première subst~:c~gt~. ~ar l'mtermé- tances sont produites l'u . 't • eux autres subs- . • ne sptn uelleC2) l' t cluque<a>, accomi)agne'e d ' au re psy- , , e ses corps célest t r·les elements matériels avec 1 f es, e en m comme cela est exposé d leurs orces naturelles, h. ans es ouvrages d 1·1sop te. Cette première substance est l'Es 't ; P,11 ~- vers, en qui sont tracés 1es types de l~~ e l uru- leur ordre voulu, avec 1eurs forme s c oses, ~ans respectives suivant le mod . 5 et leurs perfectlons connait cet Esprit de 1' .e umversei, et le Créateur umvers, avec les t ,.1renferme, directement et ypes qu 1 forme idéa1e supplém~ntai:~on p~s au r~lOyet~ d'une son esprit) Il ]. A •. (qUI se pemdratt dans · e conna1t par sa se 1 , et cette présence est la . u ~ ~)re~-iiCe en lui, bien évident que la pr~sr~:~~~c~.d~vme. Il :s.t donc aucun lieu, comme c'est l~llle ne reSlde eu décret et l'arret. -.' Et Dieua~iscontratre le .cas pour le grace. . pose de la SClence et de la (~} c:est la Raison universelle. . (..) C est la substance du · d Stderé~ conune distincte dru.on. e de la Raisou universelle con.:. Intelligences qui l'habitent oe DAteu, et dont sont formées les (J} C' t 1. , u nges es Alne ttuiverselle. ·
  • 5. DU LIEU OU RÉSIDE LE DÉCRE'l' Il est constant qu'il existe des forn~es spiritudles.~çu­ war ruhaniyyah) (les anges) (1>, abstrattes de la matlere, exemptes de corruption, concevant par leur,esse1:ce tout ce qui est en dehors d'elles p~r esse~ce,.et detachees des corps (ceci est prouvé en phtlosoplue par des ~r~u­ ments, et enseigné péremptoirement dans la trad1tlon et dans le Coran, par exemple, dans ces paroles du Très-Haut : << Ils t'interrogeront au sujet de l'Esprit. Dis-leur : L'Esprit procède d'un commandement de mon Seigneur<z>, » et dans ces paroles du Prophète (le salut soi~ sur l~i !). : « Die,u a écrit un livre ~va,1;~ la création : Ma nuséncorde l emporte sur Ma colere , ce livre est écrit auprès de lui, au-dessus du Trcme< 3 >, » et encore dans ces paroles : « Les anges ont été créés de lumière ll). Cela étant, nous diso~~ que ce~ for~1es spirituelles (les anges) sont des lun~ter:~ donunatr~ces exerçant sur les ames et les corps uueneurs la. me:ne influence que Dieu exerce sur elles. Et cette dommatwn (qahiriyyah), qui consiste dans l'infl~ence . qu'ell~s exercent sur les autres ètres, est la mamfestatwn exte- ( 1 ) Ces anges sont les raisons partielles, dérivées de la Raison universelle et habitant le monde de la Raison. (2) Coran, xvn, 85. . . . · ( 3 ) On verra plus loin que ce livre est la Ra1son umverselle, qui est fractionnée en Intelligences partielles ou Anges. TRAITI~ SUR LA PRimESTrNATION 6g rieure<1> de l'attribut divin de toute-puissance (qalzi- riyyah), l'une des marques visibles<2> de son pouvoir, de meme que leur éclat est l'une des splendeurs du visage divin. C'est là pourquoi les anges reçoivent l'épithète de rapprochés de Dieu (al-mt.tqarrabin), et le monde qu'ils habitent, celle de monde du pouvoir ('cllam al-qudrah). Et de meme que de Dieu émanent (yafidu) les formes cles choses et leur substance<3 > par l'émanation de la Vérité (bi-ifc'id~ti-l-Haqq), d~ mème aussi, de ces formes spirituelles (les anges), émanent leurs qualités et leurs perfections qui viennent réparer les imperfections des autres etres. Voilà pourquoi le monde des anges est encore appelé monde de la répa- ration (' alam al-fabarut), ou bien encore parce que les anges contraignent<4> les autres etres de tendre à la perfection, de chercher à l'atteindre lorsqu'elle' leur fait défaut, et à la conserver autant que possible, une fois qu'ils l'ont acquise. Cette (action) est alors la manifestation extérieure de l'attribut divin appelé fabMriy)Jah. Il est clair que si les essences et les formes<S> qui découlent des anges n'avaient pas une existence réelle en eux, elles ne pourraient en découler; conséquemment, ces essences et ces formes sont positivement imprimées (r) Mot à mot, la forme (aç-çurah). (2) Mot à mot, l'une des traces (athdr). -- (3) Mot à mot, leurs réalités (haqa'iq). (4) Le verbe fabara, d'où dérive fabarut, a, en effet, les deu:x: sens de réparer et de contraindre. (5) Le texte porte : les réalités et les perfections · mais dans le h~_ngage philosophique, haqtqah est synonym~ d'e~ence, l~amal, de fanne.
  • 6. 70 'fRAITÉ SUR LA PRÉDESTINATION en eux, et, à ce point de vue, on appelle les anges cles intelligences ('ttqul). Quant à cette impression elle- meme, c'est la forme du décret divin (çurah al-qada! al- ilahi) <1>, et son lieu est le monde de la réparation (alam al-jabarut). Ce monde est encore nommé la Mère du Livre (mnm al-K~'tab), et il y est fait allusion dans ces paroles du Très-Haut : << Dieu efface ce qu'Il veut, et établit (une autre chose qu'Il veut), et chez lui se trouve la Mère du Livre<2>. n C'est de là que nous viennent toutes les sciences qu'on désigne sous le nom de religieuses, suivant ces paroles de Dieu, au sujet du Coran : <<Il est renfermé dans la Mère clu Livre qui est auprès de nous; il est élevé, rempli de sagesse<3>, >> et suivant ces autres paroles : << Lis, au nom de ton Seigneur... qui a instruit (l'homme) au moyen du calame<4>. n Ce monde est donc le trésor cles mystères divins, suivant cette autre parole : << Il n'y a pas de choses dont les trésors n'existent auprès de nous<6 >. » - Il est, d'ailleurs, hors de doute que les intelligences du monde du décret sont bien au-dessus cles entraves du temps, de tous les changements et de toutes les vicissitudes. Il en est de meme du décret. {x) L'essence du décret est, comme on l'a vu plus haut, dans la prescience divine, qui ne réside en aucun lieu. {2) C01·an, XIII, 39. Le livre en question est le Coran. {3) Coran, xr.m, 4· {4) Coran, XCVI, I, 4· {5) Coran, XV, 21. [« ... Nous ne les faisons descendre que d'après une mesure (qadr) déterminée. >>] ' DU Sl'~JOUR DE 1./ARR"tT De mcme que le moncle spirituel, avec sa substance immatérielle, est le séjour du décret, de meme le monde de l'Ame (universelle,) avec son corps céleste, est le séjour de l'arret. Comme il est impossible que les types universels clu monde du décret, par suite de l'excès de leur pureté et de l'intensité de leur éclat, soient vus et imaginés, tels qu'ils sont, en dehors de ce monde-là (de meme qu'un miroir lumineux empecherait, par ses rayons, le regard de voir les formes qui y seraient réfléchies), ces types viennent se peindre sur la surface de l'Ame raisonnable universelle (al-lawh an-nafs an-mUiqah al-kulliyyah), qui est le cceur de l'univers, à la façon de certaines figures qu'on peut tracer sur une tablette, et ces types sont gravés (sur l'Ame universelle), dans la dépendance de leurs causes, sous forme de concepts généraux(l>. On peut comparer à cela ce qui se passe clans notre esprit, lorsque nous y évoquons cles notions générales, telles que l'idée de l'espèce, par exemple, ou la majeure d'un syllogisme<2>, quand nous en vou1ons tirer une conclusion particulière d'où résu1tera, de notre part, la détermination à un acte: (x) Tandis que les types du monde du décret sont des types uruversels. (2) Parce que la majeure d'un syllogisme est toujours une proposition générale.
  • 7. 72 'rRAITÉ SUR LA PRl.:DESTINA'l'ION On désigne (l'Ame ·universelle) sous le nom de 'fable gardée (al-lawh al-mahfuzh), parce que c'est en elle que sont déposés ces concepts, et qu'ils y sont pré- servés contre toute altération. Ensuite, ces concepts viennent se graver dans les ames célestes individtielles (an-nufus as-sanuiwiyyah al-f'uz'iyyàh), qui sont des facultés(l) dérivées des ames raisonnables individuelles, inhérentes à ces ames<2>, en types exclusivement spé- ciaux,. doués de formes déterminées, ayant une mesure . déterminée, et occupant des positions déterminées dans. la matière, tels enfin que nous les voyons dans la réaHté. C'est d'une façon analogue que se peignent dans nos facultés imaginatives (quwana al-khayaliyyah) des notions spéciales, telles que les idées d'individus, par exemple, ou les mineures des syllogism~s< 3 >, qui, rapprochées des majeures, amènent des conclusions particulières d'où résultent des déterminations à cer- tains actes précis, qui, forcément, doivent alors se produire. Ce monde (des ames célestes partielles) est désigné sous le nom de Table de l'arrèt (lawh al- qadar), d'Imagination du monde (khayal al-' alam), de Ciel le plus proche (as-sanui' ad-dunya), et c'est là que descendent tout d'abord les ètres, à leur sortie du nori-manifesté (ghayb al-gkuyub), pour apparaltre ensuite dans le monde sensible· ('alam ash-shahadah), (1) L'auteur entend les facultés hnaginativ~ des àmes ra~­ sonnables individuelles, dérivées de l'Ame ratsonnable un~­ verselle, qui sont les ames des sphères et ~:s planètes. La ph1- . losophie arabe considère les facultés de l ame conune autant d'ames distinctes, subordonnées à l'ame raisounable. (2) Mot à mot: imprimées dans leurs.parties. . (3) .Parce que les mineures des syllogtslnes sont touJours des propositions particulières. ~; ~· :. l z:; ' . .,, 'fRAI'l'É SUR LA PRf:DESTINATION 73 ainsi que l'enseigne la traditionU>. Et les ames (célestes imaginatives indiquées plus haut) sont dans le meme rapport avec leurs ames raisonnables (respectives) que notre imagination avec notre ame (raisonnable indi- viduelle). Chacune d'elles est un Livr~ évident, comme. ceux dont parle le Très-Haut : « Il n'y a pas un seui grain dans les ténèbres de la terre, un brin vert otl desséché, qui ne soit inscrit dans le Livre évident<2>... .Il n'y a pas un animai auquel Dieu ne se charge d~ four- nir la nourriture ; i1 connait son repaire et le lieu de sa mort; tout est inscrit dans le Livre évident<3>.... Au- cune calamite ne frappe soit la terre, soit vos personnes, qui n'ait été écrite dans le Livre, avant que nous les ayons créées<4 >. ,, . L'arrivée (sur la t:ible de l'arrèt) de chaque forme détenninée dans son temps déterminé est ce qu'on (I) Jurjiì.ni, au mot lawh, résume les renseignements divers que vient,de donner Qashani. cc Il y a, dit-il, quatre tables ; Io celle du decret, sur laquelle on efface ou maintient : c'est la table de l'Intellect Premier.. (al-'aqt al-awwal) : 2o la table de l'arret c'est-à-dite la table de l'Ame raisonnable universelle, s~ laquelle sont divisés (en types généraux) les universaux de la première table, ces types généraux restant dans la dépen- dance de leurs causes ; c'est la table désignée sous le nom .de t~ble. gardée; 3° la ~able de l'Ame céleste particulière (ima- gzna_,tzon de .Z A1~e razs?'l!nable), sur·laquelle se peignent tous .les etres qu1 extstent 1ct-bas, avec leur forme, leur figure et leur volume: c'est elle qu'on appelle le ciel le plus proche, et ce ci~l est comme l'imagination du monde, de mème que la prem1ère table en est comme l'esprit, et la seconde .table, comme le cceur: 4° enfin, la table de la matière première susceptible de recevoir les fonnes, dans le monde des sens.. ~ [op. cit., p. 204]. (2) Coran, VI, 59· (3) Coran, XI, 6. (4)" Corcm, r.vrr, 22.
  • 8. 74 TRAITÉ SUR LA PRÉDESTINA'l'IO:: appelle le qadar<1 > d'une chose extérieure, déterminée, suivant ces paroles du Très-Haut : « Nous ne les faisons descendre que dans une mesure (qadar) détermi- née<2>. » Et l'on ne peut douter que la réalisation de cette chose ici-bas ne soit fatale, lorsque son moment est arrivé. Le monde (dont nous venons de parler) porte le nom de Monde de la Royauté (' alam al-malakut) < 3 >. C'est le monde des agents qui, par la permission de Dieu, mettent tout en mouvement et dirigent les affaires . de l'univers, en mesurant la matière et en disposant les causes. Le séjour de l'arret est donc le monde de la Royauté, comme celui du décret est le monde de la Réparation. Ceci<4>réclame des explications détaillées. (I) Ce mot est pris ici dans un sens très voisin de celui d'arret, pour ne pas dire dans le meme sens. Il signifie : déter- mination d'un etre, en forme, en tem:P.s, en lieu, en quantité, en volume, etc. C'est avec ce sens qu'1l parait le plus souvent dans le Coran. (2) Coran, xv, 21. (3) Le mot malaktet est défini par Ibn 'Arabi ; « Monde dn Mystèi:e » ('dlam al-ghayb) et par Jurjaui ; (( Monde du Mys- tère, réservé aux esprits et aux ames » (encore appelé le « Monde des Modèles » ('dlam al-mithdl) ; c'est le domaine de la mani- festation subtile, le domaine de la manifestation infonnelle étant le 'alam al-jabarut]. {4) Par le mot ceci, l'auteur entend ce qu'il· vient de dire un peu avant, à savoir : que le monde de l'arret met tout en mouvement. On verra plus loin (chap. v) que, dans l'opinion de l'auteur, les corps célestes du monde de l'iì.me sont camme les organes et les membres de l'univers. (·"'": '·· ' f ;. IV DÉTAII~S SUR CE QUI VIENT D'ÈTRE SOMMAIREMENT INDIQUI~ Les corps célestes sont doués d'ames raisonnables qui, semblablement à nos ames, ont des conceptions et des désirs généraux, par leur essence, des conceptions et des désir.; spéciaux, par leurs organes. Toutes ces ames tendent vers une substance spirituelle (jawhar ruhani)(l> qui est jeur source et (pour ainsi dire) leur réservoir immécliat, et cherchent à s'assimiler à cette substance, cela, parce qu'elles conçoivent certaines de ses perfections. Elìes aspirent donc à une manière d'etre universelle, qui leur permette de réaliser cette assimilation. Pour arrh·er à ce but. elles sont douées de conceptions spéciales qui viennent se joindre à leurs conceptions générales, de sorte qu'il en résulte pour elles des désirs spéciaux: et des tendances spéciales, occasionnant de leur part des mouvements analogues à ceuxque produisent les ames, lorsqu'elles cherchent à atteindre un but quelconque. A chaque mouvement que font ces ames célestes, elles s'élèvent à une position nouvelle, et cet état leur procure, (r) Un des esprits qui habitent le monde de la Raison uni- verselle.
  • 9. TRAI1'É SUR LA PRimES'fiNATION de la part de Ja substance vers laquelle elles tendent, la communication d'une image intellectuelle, qui est une perfection (nouvelle), l'épanchement de lumières qui leur font gouter une nouvelle jouissance, leur inspirent un nouveau désir d'acquérir une antre per- fection, et provoquent derechef en elles la volonté de s'élever à un degré (supérieur). 1/image (susclite) s'imprime dans la force imaginative de ces ames, sous forme d'une image spéciale, laquelle fait naitre en elles un désir spécial, une tendance vers un état spécial,. de sorte que leur volonté primitive, (qui s'appliquait, dans le principe, au but) général, se particularise, devient une volonté (dirigée vers ce but) spécial et suivie d'un mouvement spécial, qui les conduit à cet état nouveau. Cet état, une fois atteint, leur fait concevoir un autre mouvement spécial (qui les conduira vers un degré supérieur). A chaque nouvel état, il découle de ces ames sur les matières de l'univers, en raison de leur plus ou moins grande aptitude, des formes qui les perfectionnent et une nouvelle aptitude à recevoir la forme subséquente qui doit accompagner un état subséquent. C'est ainsi que les mouvements partiels se produisent à la suite les uns des autres, qu'à un état succède un autre état, que les formes (de plus en plus parfaites) sont communiquées toùr à tour aux ames célestes, que ces ames répandent leurs influences consécutives sur les matières, que les matières acquièrent successivement de nouvelles aptitudes à recevoir ces formes, et que ces formes leur sont ·successivement transmises. Nous avons déjà fait comprendre que l'existence positive, perpétuelle, immuable, éternelle, cles formes TRAITÙ SUR LA PRlmESTINATIO~ 77 (ou types) dans les esprits(l), objets du désir (des ame~ célestes), s'appelle le décret. L'arrivée de ces formes, individualisées, dans les ames eélestes imaginatives, . de manière à les remplir!2>, prend le nom d'arret. Certains philosophes appliquent le terme d'arret à l'arrivée cles formes dans les matières délimitées cxté- rieurement!3>, et croient que ces formes ne peuvent etre efiacées ou tracées que dans ces matières, tandis que les formes spéciales qui remplissent les ames célestes y subsist~nt à jamais, dans leur intégrité. Mais nous croyons, nous, que les formes sont effacées ou tracées dans les ames célestes et dans les matières, à la fois et qu'à chacune de ces alternatives il s'ensuit pour les matières destruction ou création. Il est d'ailleurs hor) de doute que les matières sont dans une dépendance nécessaire des ames. Quoi qu'il en soit, parmi les différentes manières d'ètre (ou positions des corps célestes), il y en a de géné- rales, qui constituent la création ou la destruction des individualités, et ·il y en a de particulières, d'où résultent les circonstances de la vie et les perfectionne- ments successifs de ces memes individualités. Les manières d'etre particulières sont établies, espacées entre les manières d'etre générales. Chaque groupe de manières d'etre, échelonnées dans un certain ordre, et amenant le perfectimmement d'un ètre quelconque, ou produisant en lui quelque circonstance, quelque modification, (t) Ce sont les Intelligences du monde de la Raison uni- · verselle. (2) Mot à mot : s'imprimer ùans leurs parties. (3) C'est-à-dire sur terre.
  • 10. 'l'RAI'l'É SUl{ LA l'RÉDES'l'INA'flON est donc limité par deux mauières d'etre (extremes), ' dont 1'w1e amène l'apparition de cet etre, et l'autre, sa destruction. Quant à la durée qui s'étend entre les deux manières d'etre extremes (durée qui accom- pagne chaque état intennédiaire et se compose de la somme des durées cles mouvements qui produisent ces états (intermédiaires), pendant l'existence de l'etre en question, jusqu'à son dernier moment), cette durée, disons-nous, est le Livre désigné par ces paroles du Très-Haut : «Il y a un Livre pour chaque terme (ou . durée)<l>. » - Que nous interprétions le mot afal dans le sens de terme de la durée, ou dans celui de durée entière, il devra toujours s'entendre du premier moment qui accompagne la première manière d'ètre manifestée, suivi de toute la série de moments qui accompagnent les états intermédiaires, jusqu'au dernier état. Et il n'est pas douteux que cette durée ne soit déterminée dans toutes ses parties par (la quantité) cles circons- tances fixées dans le décret pour chaque etre, de telle sorte qu'aucune de ces circonstances ne peut arriver que dans une partie déterminée du temps (qui constitue la durée de l'ètre). C'est pourquoi on ne peut échapper à l'arrèt (à la destinée), ainsi que l'a dit le Très-Haut.: cc Dis : La fuite ne vous servira de rien. Si vous avez échappé à la mort naturelle ou violente (elle fhùra par vous atteindre)...<2> Lorsque leur terme est venu, ils ne sauraient l'avancer ou le retarder d'un seu1 instant<3 >. » (1) Coran, XIII, 38. (2) Coran, XXXIII, 16. (3) Coran, X, 49· .;. 'l'RAITÉ SUR LA PRimESTINA'l'ION 79 Quant aux ames du monde du décret, elles ne sont point sujettes aux vicissitudes, ni soumises aux divisions du temps. A ce propos, on rapporte que le Prophètc (sur lui la paix !) se détourna, un jour, d'un mur qui menaçait ruine, et que quelqu'un lui dit : « Veux-tu clone échapper au décret de Dieu ? )) Il répondit : << ] e fuis devant son décret, mais (pour me diriger) vers son arret. >> Par là il est mmùfeste que l'arret est l'exécution en détail du décret. -Et Dieu embrasse toutes choses.
  • 11. /EXEMPLE POUR ILLUSTRTIR CE QUI PR~CÈDE Sache que la forme de l'univers est .de tous points sen:- blable à celle de l'homme. En effet, 1l y a quatre degr.es dans la production des actes de I'.homm:: quand 1~s sortent des arcanes de leur mysténeux seJOUr (maka- min ghaybi-ha) pour se montrer sur le théatre d.e leur apparition. Ils sont d'abord J?rofondément enfoms dans son esprit (ruh), qui est ce qu':l y a de plus secre: en lui. Ils sont insaisissables en ra1so11 de le1r extreme te , Puis ils clescendent dans le domamc de sunpure . , cceur (qalb), au moment où illes évoque clans sa pen~ee et se les représente d'une manière tr~s gér:éra~e. EnsUlte ils descendent dans le trésor de son nnagmab~n (m~k![­ zan khayali-hi), déjà individualisés ..~t part1culanse7. Enfin, ses membres s'agitent, lorsqu 11 veut les m~m­ fester, et ils se produisent au dehors. Il en est de ~eme pour tous les événements qui se passent dans l'umvers. Le premier degré correspond au décret (qada') ; le deuxième, à l'ame de la Table gardée (à l'arret, al-qa~~r); le troisième, à l'apparition des form~s. dans les matleres composées des éléments<l>. Il est ev1dent que la P,re- mière descente (des actes) n'a lieu qu'.en ve:t~ d un désir général ; la seconde, en vertu d un des1r plns (I) Au moyen des mouvements ~es .corps célestes (voy. chap.. IV), qui so'nt les membres de l umvers. Ili'. f ~- 1: ltl l ~ lt- t:Il; t~· ~: i i~' t·_..·,. l.. '. f; i~~ ~ i 'l'RAI'l'i': SUR I.A l'IdWES'fiNA'flON p:..:rticul~e.r m~is ,11on appare1~t, qu~,. se joignant au pre- m1er des1r generai, le partlculanse et le transforme en. une ~mlon~é particulière. De cette volonté, qu'elle sott aff1rmatlve ou négative<l), jaillit une intention particulière, dont la conséquence est un acte décisif de la volonté, qui cherche à manifester cette intention. Alors les membres et Ies organes sont mis enmouvement et l'action se produit. Ce mouvement des · organes correspond au mouvement du ciel. - D'après la seconde opinion (citée plus haut), l'apparition de l'acte serait l'arret lui-meme.. ..D;. plus, ~n sait que l'esprit (ar-ruh) - j'entends 1c1 lmtellecbon (at-ta'aqqul) et la perception intuitive (al-idrak) - réside en souverain, uniquement dam; la partie du corps appelée cerveau. De mcme, l'Esprit um·erse! (ar-rttlt al-kulli) <2>, c'est-à-dire l'Esprit dc l'univers, réside en souverain dans le Trcme<a>. ·Le Tròne est donc, par rapport à l'univers, ce qu'est le cerveau par rapport à nous. Le lieu où se produit la première manifestation de l'esprit est, chez no~s. le cceur, source de la vie: De meme, le lieu de la première m~nifest~tion ~e l'Esprit, dans l'univers, est le qua- tneme etel, qUl est la sphère du soleil, source de la vie de l'univers. Cette sphère remplit clone le ròle :le poitrine, dans. _l'univers, et le soleil correspond a notre cceur matenel. Pour le cceur réel (qalb haqiqi), c'est, comme nous l'avons déjà dit, l'Ame raisonnable , (I) ,Le. texte porte bi-hasbi muldyamati-Ju1 aw mwuijarati-ha, c est-a-dire, swvant que la volonté consent ou rejette. (2) Ou Raison universelle. (J). L; Tròne, 'arsh, si fréquemment cité dans le Coran, est s1tue au-dessus de la sphère des étoiles fixes. ~,'' 6
  • 12. 82 'l'RAITÉ SUR LA l'RÉDES'i'INA'l'ION universelle<I>. Quant à l'esprit (particulier) de la qua- trième sphère, il correspond à l'esprit animai qui est dans notre cceur, puisque c'est lui qui vìvifie tous nos membres (comme l'esprit particulier de la quatrième sphère vivifie les corps célestes). Cet esprit n'est autre que la Maison habitée (al-bayt al-ma'mur), bien comme, dans notre religion, pour etre située au quatrièmc ciel, et par laquelle Dieu a juré dans le Coran : « Par le mont Sinai. Par un livre écrit, sur un Roulcau déployé. Par la Maison habitée. Par la Vml.te élevée. ·Par la Mer gonflée<2>. n C'est pourquoi la Maison habitée est la station (maqam) de ]ésus, l'Esprit de Dieu (ruh Allah) (sur lui la paix l), dont le mirade consistait à ressusciter les morts. Le mont Sina1 est le Tròne (3 l. Le Livre écrit (kittib mastur) est le décret ~al-qadft') lui-meme qui réside dans le Premier Esprit (ar-rt''th al-awwal) <4 l. Ce Premier Esprit est le Rouleau déployé (I) L'Ame raisonnable universellc est ceusée habiter le soleil, comme notre fune raisonnable partielle est censée habiter notre cceur. Le mot qalb (cceur) est ainsi défini par Jurja.ni : u Le principe subtil, divin, qui est en relation avec ce cceur matériel, en forme de pomme de pin, qui est placé au còté gauche de la poittine. Et ce principe subtil est l'essence meme de l'homme ; les philosophes le nomment ame raisonnable, et c'est en lui que réside l esprit: l'ame animale en est le véhi- Cùle. C'est cette partie de l'homme qui a la faculté de concevoir, de savoir, qui nous fait parler, désirer, blamer. ,, Jurjani a emprunté cette définition à Qasha.ni, mais en la modifiant un peu. (Cf. lçtilahdt aç-çufiyyah, p. I4I, no 444). Quant à l'expression employée par Qasha.ni, dans notre texte, pour désigner le creur matériel, c'est al-qalb aç-çanubari, c'est-à-dire, le cceur en fonne de ponune de pin. (z) Coran, x.rr, I à 6. (3) Séjour de la Raison universelle. (4) C'est la Ra.ison universelle. 'l'l{AI'l'É SUR L." ' ,,. PRim.~tSl'I.NATION SJ (raqq ·Jnanshur) La v A , , est le Ciel le Jl~s )IO oute elev~: (as-saqf al-marfu') haut<l> Et lal V )t ~lhe (as-sama ad-dunya), cité p1us · ou ·e e evée est ment' ' · ment à la suite de la M . .l~nnee Immédiate- du Coran) parce que c' attsdon llab:tee (dans le. texte . t ' es e ce Ciel que de d t sur erre les formes et d 1, M . . scen en l ffl ' e a atson ]Jabltée q . te sou e de l'esprit (nafkh a _.," ) . u~ Vlcn desque11es deux choses est r ~uh ' p~r la combtnaison etres animés. paia.chevee la création des Quant à la Mer aonflé ( l b . la merde la l11att'e't·e o . _e a- alzr al-masJur), c'est pretmere (al h "1 ") · partout et est ret11plt' d f - ayu a qut se répand e e ormes. (I) Cf. chap. m.
  • 13. VI DES ACTIONS SOUMISES AU LIBREARBITRE (AL-IKHTIYAR) Il a été démontré, dans ce qui précède, que tout cc qui arrive est arreté, en forme et en temps, dans un autre monde, avant de se produirc en ce monde. Si maintenant la question des actes attrihués au lihrc arbitre te semblait obscure ; si tu étais tenté ùc t'ima- giner que ces actes sont fatals, par suite de )eur pré- détermination (l) ; (si tu te disais) comment se fait-il alors que nous usions de la délibération, que nous lJllÌs- sions modifier nos actes, les avancer ou les retarder, et que nous distinguions entre les actes fatals et les actes déterminés par un choix ; si tu te demandais pourquoi l'homme est tantòt punì et chatié, à cause de ses actions, tantòt rémunéré et récompensé ; pour- quoi il en est rendu responsable ; quelle est la dif- férence entre les actions involontaires et les actions voulues ; comment elles entrainent à leur suite la louange ou le blàme; quel est le but cles comman- dements de Dieu et de ses défenses; quelle utilité il y a dans l'obligation d'accomplir de bonnes ceuvres et des pratiques agréables à Dieu, dans l'appel adressé aux hommes par les prophètes, au moyen des signes (r) Mot à lUOt « dans cette hypothèse n, c'est-ù-ùire dans l'hyp?thèse que les actes sont arretés d'avance dans le monde supéneur. ','., ; ~·· !.. 'l'RAITi~ SUR LA PRimES1'INATION 8S célestes et des miracles ; quel est le résultat cles efforts v~r~ le bien ; à quoi tendent les promesses et les menaces dtvmes ; quel est le sens cles épreuves que Dieu envoie - toutes choses exprimées dans ces paroles du Très- H~ut : << ~l vous éprouve pour savoir qui de vous ag1ra le 111leux(l), >> et clans bien d'autres versets, indi- quant ~ous qu~ le pivot cles prescriptions religieuses est le hbre arb1tre, et que le commandement de faire usage de son libre arbitre est fondé sur son existence me.n:e (autrement,. les fondements cles obligations re!1g1euses re~osera1ent sur clu sable, et la parole de D1eu ne sermt que :adotage et plaisanterie) ; - si clone tu te demandms tout cela, je te répondrais : Comme~1ce })ar implorer ton pardon auprès du Dieu tout-pu1ssant, et repens-toi, puis considère le cours des ordres divins, dans la marche clu décret et de .l'an·et ; réfléchis sur la disposition de la chai:ne cles causes ; établis, parla pensée, les bases de toutes choses, comme elles doivent etre établies ; pénètre avec toutè la force de la réflexion dans le sens intime cles versets du Coran, peut-etre Dieu t'accordera-t-il l'assistance de sa gnke, après t'avoir pardonné, et alors, convaincu (de ton erreur), tu t'empresseras de t'excuser. En .effet, le dé~:et et l'arret produisent ce qu'ils prodmsent, p~r lmtermédiaire de causes, rangées clan~ ~n c:rtam ordre, panni lesquelles les unes sont clestmees a régler et à clisposer, comme les ames des SJ?hères, les mouvements et les positions cles corps celestes, les types cles choses, les propriétés de lamatière les événements qui jouent le ròle d'événements for~ (r) Coran, r.,xvn, 2.
  • 14. 86 TRAITÉ SUR LA PRtDESTINATIO?{ tuits, et, en autre, les perceptians et les volitions de l'hamme, avec les mauvements et les repas arganiques ; les autres sant actives, dauées d'influences, camme les principes supérieurs des essences spirituelles ; d'autres encare sant passives (leurs prapriétés étant essentielles au accidentelles) et reçaivent l'impressian des causes précédentes, dans certains cas, à l'exclusian d'autres cas, suivant certaines farmes, à l'exclusian d'autres farmes, mais taujaurs d'après un ardre évident, une dispasitian cannue dans le décret primitif. La réunian de tautes ces causes et de toutes ces canditians est appelée cause camplète (l), et cette cause camplète amène farcément, taut abstacle étant levé, la pra- ductian de la chase dispasée d'avr'l.ce, décrétée et arretée. Au cantraire, tant que l'actian de l'une quel- canque de ces causes partielles est retardée, au si quelque abstacle survient<2>, la praductian de la chase reste dans le damaine du passible, et cela quelle que sait la cause qui reste inactive. Or, camme au nambre des causes susdites, et principalement des plus vaisines (1) La cause complète est donc l'ensemble de toutes les causes dont le concours est nécessaire pour la productiou d'une chose quelconque. Dans tous les événements non soumis à la volonté humaine, ces causes agissent fatalement ; dans tous les actes soumis au libre arbitre, ces causes sont mises en mouvement par cette autre cause qui est le libre arbitre. Jurjàni définit ainsi ce tenne : «La cause complète est celle qui amène forcément la production de l'effet, ou encore l'ensemble de tout ce dont dépend l'existence d'une chose, en ce sens qu'en dehors de cet ensemble on ne peut. suppose~ aucun autre efficace. >> - Chacune des causes parhelles qut composent cet ensemble, et par rapport à laquelle l'existence d'une chose est possible, reçoit le nom de cause incomplète (ndqisah). {2) Obstacle naturellement prévu dans le décret. ··~· ,J· i. l'RAITJ:; SUR I.A PRl~DESTINATION 87 (de l'acte), figure précisément l'individualité humaine ou anim~le avec ses facultés de percevoir, de savoir, c~e pauvotr, de voulair, avec sa réflexian et san imagina- tlan•. a,u I~ayen clesquelles an adapte ou rejette un parti, l acban à laquelle on s'est décidé est déterminée par un chaix ; mais sa praductian est fatale, dès que taut cet ~nsemble de causes, appelé cause camplète, a agi, et passtble, par rappart à l'une quelconque de ces causes. La productian fatale de l'acte n'est danc pas incompatible avec son libre choix, puisque cette praductian fatale n'a été amenée que par le libre chaix. ~i h1 ve~:-: que je reprenne en détail cet expasé sam- mmre en dr~r1sant cl~irement man sujet et en expliquant ch~que P?mt auss1 camplètement que possible, je vms le fa1re dans un chapitre spécial. Écoute avec un esprit év_eillé, .et ~e te laisse distraire par rien, car ce .que Je va1s d1re renferme «un enseignement pour c~Ulcanque est daué d'intelligence, sait preterl'oreille et votrO>. » (1) Coran, r,, 37·
  • 15. VII EXPLICATION EN DÉTAIL DE CE QUI VIEN'l' D'ETRE EXPOS:f: SQMMAIREMENT ET ÉCLAIRCISSEMENT DE CE QUI PRÉCÈDE Sache que !es facultés de percevoir, de savoir, de pouvoir, sont des modifìcations de l'ame et font partie . de ses propriétés ìnnées. Nous allons maintenant !es définir et montrer l'emploi de chacun cles termes qui les désignent. La science ('ilm) est l'impressioa dans l'fune des formes cles choses. La perception (idrak) est la saisie d'une chose, au moyen d'un cles organes extérieurs, tels que les cinq sens, ou d'un organe intérìeur, comme l'ìntelligence (al-'aql) et la faculté de conception (wahm) qui est la source première de la science. Le pouvoir (qudrah) est cette faculté de l'àme qui permet de se décider également à faire ou à ne pas fatre une chose. La volition (iradah) est l'intention décisive qui nous pousse à l'action, ou à l'abstention de l'action. Lorsque nous avons perçu une chose, nous la connaisso.ns, et lorsque nous la connaissons, selon qu'ell.e ex.c1te. en nous l'amour ou la haine, soit dans notre unagmatwn, soit dans notre raison, il nait en nous un désir tendant à attirer à nous cet objet ou à le repousser. C'est précisé- ment ce désir qui est l'intention décisive appelée volition. J f ' . il ·1''.: •·. .,. 'l l ~ 'fRArri~ suR r.A PRÉDESTINATION Bg Lorsque la volition se joint au pouvoir, qui est la forme de notre faculté d'action, cette force active se dispose aussitòt à mouvoir les membres ; le mouve- ment est alors fatalement produit, mais par l'effet du libre arbitre. Le libre arbitre (ikhtiyar) est donc la réunion de la volition au pouvoir. I-~orsqu'un objet n'excite pas nécessairement en nous l'amour ou la haine, la raison emploie sa faculté de réflexion, ou l'imagination sa faculté imaginative, pour provoquer une délibération de la part de la volonté raisonnable ou imaginative<1>, délibération qui produira un mouvement du libre arbitre d'oit, finalement, résul- tera 1'option. Souvent un objet est agréal:· ~ à certains égards, et désagréable à cl'autres égards; par exemple, il est agréable à certains de nos sens, désagréable à certains au1 res ; agréable .à certains de nos membres, désagréables au:x autres ; agréable aux sens et désagréable à la raison, ou réciproquement; agréable en ce monde et désagréable en vue de l'autre monde, ou réciproquement; agréable par certains avantages qu'il possède, mais désagréable par certains inconvénients. .Or, de tout sentiment agréable nait un motif invitant à l'action, et de tout sentiment désagréable, un motif qui en détourne. {I) Ces expressions de volonté raisonnable, de volonté imaginative pourraient signifier : volonté jointe à la raison, volonté jointe à l'im.agination. Mais l'auteur fait évidem.ment de la volonté raisonnable et de la volonté imaginative des facultés à part, et, aujourd'hui encore, on enseigne dans les traités de philosophie que c'est la volonté gui prend une déci- sion. On fait donc de la volonté une faculte de l'entendement, en qtte1qne sorte.
  • 16. go TRAITI~ SUR I,A PRÉDESTINA'fiON Si les motifs opposés se contrebalancent, il en résulte.un acte de notre volonté qui nous incline à l'abstenbon de l'action. Il est, dans ce cas, obligatoire pour nous d'opter pour l'abstention(l). De là.le mérite et, le ~émé­ rite, la louange et le blame, smvant que 1opbon a été benne ou mauvaise, et de là la récompense ou le chatiment. La distinction entre ce qui est forcé et ce qui est librement choisi apparait clone bien nettement. Souvent l'équilibre cles motifs n'apparait pas claire- ment à l'ame · elle demeure alors dans l'incertitude., .. D'autres fois certaines dispositions, certaines déctswns semblent en' exclure d'autres. C'est alors qu'a lieu la délibération sur l'opportunité de changer telle ou telle chose, telle ou telle drconstance, d'avancer ou de retarder telle ou telle époque. Le résultat dépend du jugement plus ou moins sain de l'homme<2 >. Il est hors de doute que notre perception, notre science, notre pouvoir, notre volonté, notre réflexion, notre imagination et les autres facultés et organes de l'homme, tels qu'ils sont disposés, sont 1'reuvre de Dieu, et non notre reuvre, ni le produit de notre ben plaisir, car, sans cela, notre pouvoir et 1:otre volont.é ne se rattac.heraient à rien. ·Mais il est desplulosophes qut, considérant (la volonté humaine) seulement dans ses rapports avec les causes les plus voisines de l'acte, (et perdant de vue les causes éloignées,) proclament qu'elle (I) Le cas supposé ici par l'auteur est natnrellement celui où il s'agit d'une action agréable aux sens, mais que réprouve la raison. , l'té (2} L'auteur dit ail.leurs que Dieu. tie~t comptc de l'inega 1 des mtelligences, au JOU.l' de la rétnbuhon. l l . -~· . r Tl~AITJ~ SUR LA PRÙDBSTINATION 91 est indépendante. Ils professent la doctrine du Qadar et du Tajwid<1>, c'est-à-dire, croient que les actes émanent de notre propre puissance, sont arretés par notls seuls, et que nous en avons la pleine et entière disposition. C'est pourquoi le Prophète (sur lui la paix !) a dit : cc Lcs Qadaris sont les Mages de ce peuple- ci. )) En effet, ils établissent deux principes indépendants, d'une puissance éga1e<2>, absolument comme les Mages qui croient à Ormazd et à Ahriman, faisant du premier le principe inclépendant clu bien, et du seconclle principe indépendant clu mal. C'est ainsi que les Qadarls en- seignent que tout mal vient de nous, et non (comme nous le disons) qu'il est produit par la volonté de Dieu et par son commandement. Ceux, au contraire, qui contemplent seulement la cause première et la manière dont toutes les autres causes et intermédiaires remontent, suivant l'ordre institué clans l'enchainement des causes et des e:ffets, jusqu'à Dieu, par une dépendance nécessaire, suivant cles dispositions fixes conformes au décret et à l'arret, (1) La doctrine du Qadar était professée par les Mu'tazills et diverses autres sectes comprises sous le nom de Qadariyyah. Jurjani définit cette secte : cc Les Qadarls sont ceux qtù pré- tendent que tout holllllle crée ses actions, et ne croient pas que l'infidélité et les actes de désobéissance aient été décrétés par Dieu. >• Le mot tafwid signifie ordinairement : confier une affaire à quelqu'tm et s'en rapporter à lui pour son exécution. Ici, ce temte doit ètre J?ris dans le sens de confiance absolue en soi- UH~me et, par smte, d'indépendance. [Ce tafw'id serait évidem- ment celui d'Allah, qui remettrait ainsi le destin entre les ma.ins de Son serviteur.] (2) C'est-à-dire opposent l'honune à Dieu.
  • 17. 92 'tRAITI~ SUR LA PRl.mESTINATION et qui perdent absolument de vue ]es causes les plus voisines de l'acte, ceux-là. disons-nous, professent la doctrine du Jabar<1> et de la création des actes, sans faire la distinction entre les actes libres et lès actes fatals<2>. Les uns et les autres sont borgnes : ils ne voient que d'un reil. Les Qadaris sont privés de l'reil droit, le plus fort, celui qui nous fait contempler les essences(3>. Les ]abaris sont privés de l'reil gauche, le plus faible, celui qui nous fait voir les choses exté- rieures<4>. Mais celui qui voit juste et se sert des deux . yeux de son creur contemple les essences, de l'reil droit, et rattache à la volonté divine les actions bonnes et mauvaises, puis regarde les créatures, de l'reil gauche, et affirme l'influence (propre) qu'elles exercent sur les actions, mais par un effet de la volonté de Dieu et non indépendamment de lui. Il reconnait la vérité de ces paroles de J a' far aç-çàdiq : « Il n'y a ni contrainte absolue (fabr), ni indépendance absolue (tafwid), mais quelque chose entre ces deu:x extremes<5 >, ,, et se range (r) C'est le dogme de la fatalité. Jurjani s'exprime en ces termes : ''Le Jabar (est la doctrine qui) attribue à Dieu les actions de l'homme. Il y a deux sortes de Jabaris. Les modérés établissent que l'homme acquiert ses actions. (c'est-à-dire en a le mérite et le démérite, bien qu'elles soient créées par Dieu) : ce sont les partisans d'Ash'ari : les radicaux, tels que les J abmis, repoussent (mème) l'acquisition du mérite on du démérite. >> (2) :Mot à mot: les actes des honuues et les actes des tninéraux. (3) Qui sont les causes éloignées. (4) Qui sont les causes prochaines. (5) Un jour on dem.andait à Abu Hanifah son avis sur la prédestination. Il répondit ; « C'est une question difficile, qui ne peut ètre résolue que par ceux auxquels Dieu euvoie sa révélation: or, la révélation divine est interrompue. Pour- tant, je vm1s dirai comme Ja'far aç-çiidiq : Il n'y a ni con- trainte absolue, ni indépendance absolnc, etc. ~ l 'l'RAITJ~ SUR J,A l'lu'-:DHS'l'IKA'fiON 93 à son avis. Celui-là est favorisé de la gracc maJeure (al-fadl al-kabir) (Il. Quant à celui(2 l qui parvient à rattacher clircctement Ics actions à Dien, par la contemplation de son un.ité (bi-nazhari-t-tawhid), en faisant abstraction cle toute relation, et en supprimant les causes et les effets, mais non en ce sens que les actions ont été créées en nous (une fois pour toutes), ou qu'à chaqne manifestation d'une action de notre part Dieu crée (en nous) un pouvoir nouveau et une volition (iriidah) nouvelle, comme le prétendent les lvfztjabbirah<3>, celui-là replie la créat.ion camme un tapis, franchit d'un seui coup l'intervalle, se débarrasse des catégories de entre et de o-ù ? et s'ab- sorbe dans l'essence de l'Ètre (Dien) ; mais il reste lui-meme dans l'anéantissement et ne peut obteni~ en meme temps la vision du movde créé, plongé qu'il .est dans l'essence de la réunion avec Dieu, empeché qu'il est, par la contemplation de la Vérité (Dieu), de voir la création. Son regard ne se détache pas de l'aspect de Sa splendeur<4 J, et' son ame ne se détourne pas de l'intuition de Sa perfection<5 >; bien loin de là, la lumière (r) Expression tirée du Coran, :'0.."XV, 32 ; xr.rr. 2 2. (2) C'est le Soufi. (3) Secte de Jabaris. (4) Dans le langage des Soufis, la splendeur et la :perfection se rapportent à l'essence de Dieu, tandis que la majeste se rapporte à ses attributs extérieurs. Dans tout ce passage Qasharu opp?se l'essence .divine à la création. La splendeu:r, la per- f~cf;ion, la lu_nuè;e ,de la splendeur désignent l'essence d1v1~e ; la maJeste, l ombre de la majesté, les ténèbres des ~ttr1~uts S?~t .autau~ ?-e synonymes de création. (Voyez à cc suJet I çtzlahat aç-çujtyyah, p. 18, aux mots jalal et jamal.) (5) Cf. la note précédente.
  • 18. 94 TRAITI~ SUH LA PREDESTINA'l'ION de Sa splendeur lui cache l'ombre de Sa majesté~1 >, les clartés de Sa face et de Son essence ne lui pennettent pas de voir les ténèbres de Ses attributs. La multiplicité disparait pour lui dans sa vision contemplative (sltu- hud), et il ignore sa propre existence. Cct état est la félicité supreme (al-fawz al-'azhim)(2>. Puis, lorsqu'il revient à la perception du monde extérieur, après avoir été plongé dans l'anéantissement (al-mahw), et qu'il voit les détails dans l'essence totalisante, alors la vision de la Vérité (Dieu) ne lui enlève pas celle de la création, ni la vision de la création celle de la Vérité. La contemplation des attributs ne le distrait pas de celle de l'essence, ni la contemplation de l'essence de celle des attributs. La splendeur de Dieu ne lui en dérobe pas la majesté, et la majesté ne lui en dérobe pas la splendeur. Celui-là est le véritable voyant qui, parvenu à la stabilité (tamkin)(3> et à la réalisation effective (tahqiq), connait la relation des actions avec Dieu, en tant qu'il les crée, mais sans les dépouiller de leurs rapports avec l'homme. Il est 1dans cet état auquel font allusion les paroles suivantes du Très-Haut : «Ce n'est pas toi qui lançais (la poussière contre les ennemis), lorsque tu la lanças ; (x) Cf. ibid. . . (2) Allusion à l'.expression s! fréquentc, du Coran, dllaltka httwa-l-fawzu-l-'azlmn. On déstgne cet etat, plus .cotmnu- nément, sous le nom de fam: m~ rénnion, rec~eilleme?t. Qashani définit ce terme : u Vou Dten senl et oubher la crea- tion. » (Cf. Içtilaluit, p. xg.) . . . , (3) La siguification de ce mot est snfftsaw.ment 1nd1quee dans ce passa9e. (Cf. pourtant Jurjani, Ta'rtfdt, p. 7 et 292, et Içtilahat aç-çufiyyah, p. 156, au mot talwin.) 'l'RAI'l'.É SUR LA PRÉDES1'I~.}.'l'IO~ 95 c~~s~ J?ieu qui la lanç~it<I>. n - Cet état est la grande fehc1te (al-fawz al-kab~r).(2) .(x) Au cot:?-bat de Badr, le Prophète lança, conune on le satt, une po1gnée de poussière contre les ennemis. (Coran, VIU, 17). (~). Plus ordinairement appelée jam' al-fam'. Qashaui déftmt ce tenne : « Voir que la création subsiste par Dieu • c'~st-!t-dire voir .J?i~u agissant dans tout phénomène de 'ta c~eatwn. (Cf. Içtztahat, p. 19) [et« voir l'unite dans la mnltipli- ctt~ et la multiplicité dans l'unité sans que la vue de l'une volle l'autre, ou iuversement (cf. ibid., p. 130)]. L'expression al-faw;; al-kabir est empruutée au Coran, r.xxxv, II.
  • 19. ;/UTILITJ! DE L'OBLIGA'l'ION DES BONNES CEUVRES ET DE L'APPEL À LA RELIGION, p AR LE MOYEN DES SIGNES CÉLESTES. 1NFLUENCE DU ZÈLE ET DES EFFORTS, DU'l' DES MENACES ET DES PROMESSES DIVINES, .:f:PREUVES QUE DIEU NOUS ENVOIE. Dans le chapitre précédent nous avons exposé le mode de production cles actes soumis au libre arbitre, · de manière à dissiper tous les doutes à cet égard, et nous avons montré camme..·~ ccs actes s'attiraient la louange ,ou le blàme, la récompense ou le chitiment. Il nous reste, à présent, à démontrer l'utilité des obligations religieuses et des pénitences, l'influence du zèle et cles efforts, des réprimandes et cles eucouragements. Nous dirons, à ce sujet, que si tu as bien compris que toutes les facultés inhérentes à l'~tre humain,.comme la faculté de connaitre, de pouv01r, de voulou, etc., se rangeut parmi les causes produc.trices de l'action, tu peux supposer aussi que les choses que nous venaus d'énumérer, et qui sont en dehors de l'homme, font également partie de ces causes. La prédication: les obligations, la direction spirituelle, les e:rnort~twns, les promesses, les encouragements, la d1~suaswn et les réprimandes ont été institués p~r D1eu co~um~ des stimulants de nos désirs, propres a nous conv1er a la pratique du bien et cles bonnes ceuvres, à l'acquisitiou cles mérites et des perfections, et camme cles moyens de '1'RAI'l'I•: SUH LA PRimBS1'INA1'ION 97 nous pousser à faire de belles actions, à contracter de louables habitudes, à développer en nous de belles qualités, cles vertus cxcellentes et aimables qui nous sont départies et qui nous servent en ce monde et dans l'autre, par Iesquelles nous améliorons notre condition ici-bas, et qui nous assurcront une fin heureuse ; qui nous préservent, enfin, de leurs contraires, c'est-à-dire des maux, cles fautes honteuses, cles péchés, de l'a·i- lissement, en un mot de tout ce qui peut nous nuire en ce monde et faire notre malheur dans I'autre. Il en est de nH~me du zèle, cles efforts, de la prudence et de la circonspection qui ont été décrétés par Dieu camme étant propres à nous conduire à l'objet de nos désirs, à nous faire atteindre les buts divers que nous nous proposons, à manifester an dehors nos per- fections, et qui (de plus) ont été institués par Dieu camme des causes intermédiaires au moyen desquelles il nous conununique ses faveurs journalières, ce qu'il a décidé de nous accorder pendant notre vie, ou ce qu'ilnous prépare dans l'autre monde, et par l'entremise desquelles il détourne de nous les malheurs, nous épargne les maux et les calamités - tous résultats que nous ne pouvons obtenir d'une autre manière. Aussi Dieu a-t-ilxarreté l'existence de ces choses<1>, pour nous, et leur acquisition est-elle obligatoire pour notre libre arbitre, suivant cette réponse que fit le Prophète (sur lui la paix !) à une personne qui lui demanclait si les remèdes et les incantations étaieut .efficaces contre les 'àrrets de Dieu : « Les remèdes et (1) C'est-à-dire : le zèle, les efforts, la prudence et la circons- pectiou. .,
  • 20. g8 TRAI'l'B SUR LA PRÉDES'l'INA'l'ION les incantations proviennent eux-mèmes de l'arreJ de Dieu. » Mais il a dit aussi : << La piume qui a écrit sa destinée est sèche<1>. » Pourquoi clone agir ? lui objec- ta-t-on. « Agissez, répondit-il : chacun de vous a reçu la capacité de faire ce pourquoi il a été créé<2>. >> Et quand on lui demanda : « Sommes-nous au milieu de choses complètement terminées, ou au milieu de choses en :V?ie de formation ? >> Il réponclit : « Nous sommes au nuheu de choses terminées et de choses en voie de formation<3 >. >> Il résulte de là que tout ce qui nous revient en fait de mouvements, de repos, d'actions bonnes et mau- vaises, est conservé, inscrit à notre charge, et que nous devons l'accomplir, bien que ce soit en usant de notre libre arbitre<4>. Cela ressort de ces paroles clu Très- Haut : « Tout ce qu'ils font est consigné dans le Livre. Toute chose, petite et grande, tout y est écrit<5>... Et nous inscrivons leurs ceuvres et leurs traces. Nous (x) C'est-à-dire : rieu ne peut plus etre changé dans sa destinée. Ces paroles s:ap?liquent à Abu .r~ura_Yrah. . (2) Ce qui revient a dire que la parbc1pat1on de l ~m.Wlle à la production des actes est au nombre des choses decretées par Dieu. . (3) Cette parole ne contredit pas celle où le Proph~te d1t qu~ la plum.e qui a écrit la destinée est sèche. ~n effet, s'il est e~tre dans les dispositions de Dieu que certames ch?ses sera1ent hors de notre pouvoir, et d'autres en notre pouv~rr, par co~sé­ quent modifiables, le Prophète pouvait dire que D1eu ne, reVlen~ pas sur ses décisions, et en meme temps que, conformemeut a ces décisions il y a au monde des choses complètement ter- minées, ou f~tales, et des choses en voie de formation, ou en notre pouvoir. · . . (4) En effet, tout acte produit par notre hbre arb1tre a du etre prévu par Dieu, afin qu'il disposat d'avance toute chose nécessaire à l'accomplissement de cet acte. (5) Coran, r,IV, 52-53· ,-·. l l l ... !'Il f. l f ·. ··j·.:.· ..:. .. ~ ; 'l'RAI1'J~ SUR LA PRBDES1'INATION 99 a;.ons tout :ompt~ dans un prototype évident<I>... C est notre I-~tvre; 11 parlera sur vous en toute vérité car_ nous couchons par écrit tout ce que vous faites<2>. >; Mms ces choses<3 l n'ont aucune influence sur notre F bonheur ou notre.smalheur, dans la vie future, non plus que ce qui nous arrive en fait d'événements agréa?Ies ou facheux. En effet, le Prophète (sur lui la 1~mx !) a dtt : «Sache qu'alors 11H~me que le peuple entler se rassemblerait pour t'etre utile il ne te serait. .utile qu'en ce que Dieu a écrit en ta faveur dans ta destinée, et qu'alors meme que le peuple 'entier se ra.ssem~lera~t pour te n.uire, il ne te nuirait qu'en ce que Dteu a mscnt contre tot, dans ta destinée. - Les plumes ont été enle·ées et les pages sont sèches<4). ,, L'émir des croyants<5 l a dit aussi : " Sachez, de science cer- taine ('ilman yaqinan), que Dieu n'accorde à son serviteur rien. de plus que ce q~'illui a d'ayance assigné dans la Mention. sage (adh- dhtkr al-hakim)<6>,,, queiquès grandes que s01ent son habileté,1 son activité et sa ruse, et que rien ne peut empecher l'homme faible et de yet; de moyeus d'o?tenir la portion qui lui a été asstgnee dans. la Mentwn sage. n Les preuves de cè que nous avançons sont trop nombreuses pour que nous les énumérions. · (r) Coran, XXXVI, 12. (2) Coran, xr.v, 29. (3) Le zèle, les efforts, la prudence et la drconspection. ~f) ~ette dem~ère phrase signifie que tout est fixé d'avance, qu il n y a plus a y revenir. (5) Probablement le khalife 'Ali. (6) ,La mentio~ sage dési~e la Mère du Livre, ou Table des decrets, dont tl est queshou plus haut.
  • 21. 100 TRAI1'i~ SUR LA PH.ÉDESTINA'l'IO~ Quant aux épreuves (que Dieu envoie), c'est la réalisa- tion des événements qui ont été décrétés pour nous ou contre nous (md kataba lana wa 'alayna fi-l-qad1) ;, c'est l'apparition de faits, d'événements, de devous pénibles, qui font sortir de nous et réduisent en actes ~es.. facultés qui ont été déposées en nous et que, :e.cele en puissance notre nature, de manière ~~e nous me:l.tt?ns la récompense (ath-thawdb) ou le chattment (al- ~qab). En effet, les actions capables de récompense et de chatiment sont les fruits, les suites inévitables, les consé~ quences, les accidents de facultés qui existent en no~s, et ces effets n'existent pas encore lorsque (nos facultes) ne se sont pas manifestées au dehors, .lorsqu'elle~ ne se· sont pas traduites par des actes, bten que J?teu les connaisse et bien que ces effets e::-..J.;::;tent 'trtuelle- ment en' nous. Et comment résulterait-il (de ·nos facultés) des fruits et des co~sé.quences qui en sont le~· accidents (si elles ne se tradmsa1ent pas par des actes) · C'est pourquoi le Très-Haut a dit, entre autres versets analogues : << Nous les mettons à l'épreuve ~o~r, con- naitre ceux d'entre eux qui s'efforcent (al-1n'ttJahtdtn) et ceux qui sont patients (aç-çdbirin.)<~> ', » c'est-à-dire p~~r les connaitre doués de ces quahtes, de sorte qu ils en reçoivent la rétribution. Avant cette épreu,ve, ~ieu sait seulement qu'ils sont aptes à s'efforcer et a patlen- ter, qu'ils le feront dans un temps donné. (1) Coran, XI.VII, 31. l IX DES DISPOSITIONS NA'fURELLES (AL-ISTJ·DA.DAT) ET DE LEUR CLASSIFICATION J Peut-etre t'agites-tu et conçois-tu de la colère et t'irrites-tu et vas-tu me dire : Si les bonnes et les mauvaises qualités, les bonnes et les mauvaises actions, les actes d'obéissance et de rébellion, en un mot, si le bien et le mal sont déterminés d'avance, inscrit à notre charge; si, après avoir été déposés en nous, ils sont produits par nous, dans les temps où ils devaient se produire, pourquoi n'avons-pous pas tous reçu une part égale de bien et de mal ? pourquoi n'y parti- cipons-nous point tous dans la meme mesure et ne nous ressemblons-nous point tous en cela· ? Comment nous préserver de ce dont il faut se préserver, de manière à échapper aux malheurs czyi nous attendent et à leurs conséquences ? Pourquoi l'heureux est-il supérieur au malheureux, alors qu'ils 'devraient etre égaux dans leur destinée ? Où est, à notre égard, la justice<1> de Dieu, qui a clit : « Je ne suis pas injuste envers mes (r) Cette objection avait paru si forte à certains docteurs qu'ils n'hésitèrent pas à déclarer qu'on ne pouvait concevoir la justice divine que c~mme abandonnant à l'hopune tout . pouvoir sur ses actions, de manière à le rendre lui-mém.e auteur de son bonheur et de son malheur, en cette vie et dans l'autre. Cette opinion donna naissance à la secte des Mu'tazills, ou dissidents, qui donnèrent à leur doctrine le nom de 'adi, justice.
  • 22. 102 TRAITÉ SUR LA PRÉDES'l'INA'l'ION serviteurs<ll... Nous n'avons pas été injuste envers eux, mais ce sont eux les injustes <2 l ? >> Nous te répondrons, à l'instar du poète: «Ne te laisse pas abattre à la vue de ce qui blesse les regards ; les yeux les mieux éveillés dorment encore : patiente. · Souvent la làcheté te réussira, tandis que le calme · et le sang-froid manqueront leur but<3 l..n Tu n'es pas le premier dont le pied a glissé à cet endroit et qui s'est pris à douter, mais qui, épouvanté de ses propres paroles, s'est rétracté et repenti (puisse Dieu fortifier l'ceil de ta pénétration avec le collyre de sa lumineuse direction, et en écarter le voile de l'aveuglement !). Tout d'abord, réfléchis à l'hlstoire de Moise et d'al- Khadir, lorsque Moise s'opposa à ce dernier, lui fit des reproches sur le meurtre du jenne garçon et s'emporta contre lui. Ne te souvient-il pas de cette parole de Moise : cc Tu as commis là une action détestable, n et de la repartie d'al-Khadir: <<Ne t'avais-je pas dit que tu n'aurais point assez de patience pour rester avec moi<4l ? >> Puis écoute ce qui va apaiser ta colère et dissiper tes doutes. Apprends que les dispositions naturelles sont divisées par classes, queles substances sont de différentes espèces, que les ames humaines, suivant leur origine, diffèrent par leur pureté et leur impureté respectives, par leur force et leur faiblesse, et sont échelonnées à des distances (x) Cortm, L, 29. (2) Coran, xr.m, 76. [Voir supra p. 54, hadith n° 25.] (3} Alors que ce devrait étre le contraire. (4} Sur cette histoire, cf. Coran, xvm, 6o et suiv., et une tradition Lcitée plus haut, p. 46 hadUh, n° 9·] l lt l l~ l ll l TRAI'rÙ SUR LA PRi:O:DESTINA'riC>N !03 très ~iverses, dans leur proximité ou leur éloignement de D1euCll. Sache que, de meme, les matières inférieures son.t de n~tures très diverses, qu'elles sont plus ou moms subtt~es ou grossières, que les tempéraments sont plus on moms rapprochés ou éloignés du juste milieu ~ue la ~apacité qu'ils ont de recevoir telle ou tell~ ame vane beaucoup, que, réCÌJ)!OCiuement toute ame a 't' . ' . t • c e :e ~ssoc1ee par l'arret divin aux matières qui lui con~letmcnt, et que de cette association résultent des aphtude7 plus ou moins grandes potu certaines sciences et certames . conceptions, à l'exclusion de certaines aut.res, cles dispositions plus ou moins propres à telles actlons o~ à telles pratiques, à l'exclusion de telles autre~, smvant ce que leur a attribué la prescience pn::m1 1 ère et. le décret primitif: Le Prophète (sur lui la pmx ·~ a d1t. : « Les hommes sont des mines, comme les ,1n1;1es d or et d'argent. " Ainsi les intelligences (~l-.t.tqul) et .les facultés. de perception. (al-idrakat) 'anent en ra1son de la d1versité des naturels et des caractères, qui recherchent, les uns, ce que fuient les autres, et admirent, les uns, ce que les autres détestent. La prescience divine (at-··inayah al-ilc'ihiyyah) suppose un agencement de l'existence (nizlu1m al-wujud) aussi (I) Cette inégalité des etres est désignée ailleurs par Qash. • sous le nom de clef du m.ystère de l'arrét divin t d 1 f aru, · m~è~e. (Cf. Içtilahdt, p. 65, nos 217, 218.) [Les etr:s é:a_:tedft~~ dm s par leurs propre~ poss~bilités (c'est le qada'), ils s'or- onnent ,dans. la . manifestatwn selon une hiérarchie fixée par ~a. predestmahon (le qada~ ; «La situation de l'etr d · le nnheu [est] dét · ' éf' · . e ans(R , G , ermmee en mthve par sa natt:~re propre, ze ~~~).] uenon, La Grande Triade, se reporter à la p. n 3,
  • 23. 104 TRAI'l'f.: SUR LA PRIWESTINATION parfait que possible, car s'il y en avait un plus parfait, il ex:isterait. D'ailleurs, si les aptitudes (al-isti'dadat) étaient égales en tout, la beauté de l'orc1re de l'univers disparaitrait, et toute organisation serait détrnite dans le monde. Tous les etres appartienclraient à la meme classe resteraient dans le meme état et se trou-• .veraient au meme degré: Leurs affaires ne marchera1ent pas, leurs commodités seraient supprimées, et tous les autres possibles (al-mumkinah) demeureraient dans les arcanes du néant (kutnm al-'adam), malgré la possibilité de leur existence. Ce serait là une in~ust~ce et une iniquité pour ces étres et non pas la Justlce ('adl) et l'équité (qist). Le monde aurait besoin d'eux, et pourtant ils n'ex:isteraient pas. Ce serait absolument comme si l'oignon était du safran et le laurier-rose de la camomille, l'oignon et le laurier-rose étant entièrement privés d'ex:istence. Les hommes ser~ie!1t frustrés par. là du profit qu'ils en retirent et sonffnratent dans certa~ns de leurs avantages, par le manque de ces prodlllts. Si donc tu te préoccupes fort peu de ce que l'oignon ne soit pas du safran, l'abrotone du stc:echas, le chien un lion, la chèvre un chameau, les rochers cles an.imaux, les animatL">: des hommes, le fétu de paille un c:eil, et l'imagination la raison ; de meme, ne te soucie point de savoir pourquoi un adolescent n'est pas un Sahban< 1 >, le mendiant un sultan, le malheureux un heureux< 2 >, (1) Sahban, fils de Wàil et contemporain .de Mu'a~iy~, personnage célèbre par son éloquence, et qm a donne lieu au proverbe : « Plus éloquent que Sahban. )) (2) Ou le réprouvé un élu, car shaqi et sa'id ont ce sens. Nous avons traduit malheureux et heureux pour donner aux: mots précités la signification la plus étenduc. ! ll l li lJ ~ 'J'RAI'fÉ SUR I.A PRÉDESTINA'l'ION I05 l'ignorant nuisible un savant vertueux et habile, car, s'il en était ainsi, le sultan se verrait réduit à balayer et le savant qui se consacre à l'adoration de Dieu serait contraint de vivre avec les betes fauves. Cette égalisation · clétruirait tonte proportion : le sultan ne serait pl.1s sultan, ni l'intendant intendant; l'ordre de l'univers serait aboli, et l'on verrait apparaitre le désordre et· la confusion. Cet état de choses ne serait pas la justice : bien au contraire, ce serait l'arbitraire et la tyrannie. En effet, la justice consiste à associer les matières et les corps avec les formes et les ames qui leur conviennent, à répartir les tempéraments en raison des genres, des espèces et cles individus, et à imprimer aux ind.ividus la direction qui les fait tendre vers des occupations conformes à celles de leur espècc. Quiconque fait le mal et pèche dans sa manière de voir se maltraite donc lui-meme, par la méchanceté de sa nature et l'insuffisance de ses aptitudes. Il est digne du malheur dans la_vie future. Malik, gardien de l'enfer, lui criera cc Tout beau ! Ce.sont tes propres mains qui ont serré (l'outre), ta propre bouche qui l'a gonflée ! » Et si ses aptitudes sont défectueuses et sa nature mauvaise, c'est quesanaturenecomportaitpasla possibi- lité d'etre meilleure qu'elle n'a été créée, de meme qu'il est impossible qu'un singe, par exemple, engendre un homme parfait, au point de vue de la beauté de la forme et de la conduite. << Les hommes ne cesseront point. de différer entre eux, excepté ceux à qui Dieu aura· accordé sa miséricorde. Il les a crees pour cela, afin que s'accompllt cette parole de ton Seigneur : Je
  • 24. I06 'l'RAI'l'É SUR LA PRimES'riNA'l'ION remplirai l'enfer de génies et d'hommes à la fois<l> .. » Mais, de mème qu'on ne reproche pas au plus lm~l · des hommes de ne pas ressembler à Joseph, en,?eaute, et de meme que Dieu excuse les homm.es d etre de formes si diverses qu'on n'eu trouvera1t pas deux pareils, de mème on ne reproche pas au pire des homn:es de ne pas etre comme Muhammad, le Prophète de Dt.eu (que Dieu le protège et le sauve !), dans sa condmte et sa manière d'agir<~>. Dieu excuse les hommes et~ cela, car leurs qualités et leurs caractères. so~t aus,st ·· variés que leurs formes et l~urs natu.res, et a111s1 que l a dit le Prophète (sur lui la pmx !), « D1e~ ~ complèten~ent achevé quatre choses : la form~ exteneure .(al-hh~lq), le caractère (al-kh~tlq), la subststance (ar-r~zq) et le terme de la vie (al-afal). » Et maintenant, comment se garder de ce dont il faut se garder ? Nous répondons: Celui dont l'àme est noble: le . caractère élevé, la nature excellente, l'hume~r do~1le, ne songe pas à accomplir des actions. co~traues a .s~ nature des actes honteux et vils qut n ont pas ete décrétés à sa charge, parce qu'ils ne lui sont pas con- · formes. Et s'il y songe parfois, vaincu p~r m:e des qualités ou des forces de son àme, parla pr:do~ma~1ce d'un des motifs que lui fournissent son 1mag:nat~on (wahm.) et sa passion (hawa), ou par Ul;e. exc1tatwn venue de ses facultés passionnelles et c?lenque~, alo.rs sa raison l'écarte et l'éloigne de cette achon, et l Espr~t­ Saint qui est en lui (ruh-hu al-q·udsi) l'empeche et le (x) Coran, XI, II8·II9. . (2 ) Il suffit que cet houuue agisse aussi bieu qu'1l est en son pouvoir. l l f TRAI'l'I·: SUR LA l'Rl-:DES'fiNA'rlO}; 107 retient, ainsi que Dieu l'a exposé, en parlant de Joseph (sur lui la paix !) : <<Elle le sollicita,· et il l'aurait · désirée s'il n'avait pas compris l'avertissement de son Seigneur<1 >. >> - Lorsque l'homme est inférieur · à cela, en fait de pureté d'aptitude, il ne peut etre retenu que par la loi religieuse et civile, par les conseils et les réprimandes, etc., et il en a besoin. Quand au contraire l'homme supérieur médite de faire une belle action, conforme à sa nature, il y trouve un e:xcitant dans sa raison et dans son intelligence, un auxiliaire dans l'assistance (at-tawfiq) et la direction (al-h~'dayah) divines qui sont en lui. Il se dispose alors à accomplir cette action avec désir (shawq) et passion (slza'af), parce qu'elle lui est conforme, et rien ne l'en détourne n.i ne l'en écarte. - Chez l'homme un peu inférieur à cela, le besoin se fait sentir d'excitations · et de stimulants venus du dehors.. · Quant à celui dont l'àme est basse, le caractère sordide, l'origine perverse, l'humeur intraitable, les choses se passent pour lui d'une manière inverse, suivant ces paroles du Très-Haut, qui s'appliquent à Abt'1 Jahl< 2 > et à ses pareils : «Il leur est indifférent que tu les avertisses ou non, ils ne croient pas<3> », et ces autres : «Tu ne peux pas diriger qui il te plait<4>. » En effet, chacun désire faire ce qui est compatible avec sa nature, ce qui lui est agréable et ce qui lui plait, (1) Coran, XII, 24. TI est ici question de la femme de Putiphar. (2) Enuemi déclaré du Prophète. (3) Coran, II, 6; XXXVI, ro. (4) Coran, xxvm, 56.
  • 25. ro8 'fRAITi~ SUI~ LA PRÉDES'ÒNA'fiON l t que le contraire est préférable et plus tout en sac 1an , , nf ts beau C'est ainsi que le nègre prefere ses .e an ,.' malg~é leur laideur, à un jeune garçon turc, b;en 9-u 11 n'ignore pas que ce dernier est plus beau que es stens. En Ce qui concerne le bOlilieur et le malhe'":r' nous · ··1 l At ' Dteuallons l'exposer dans un chapttre, s 1 p al a . DE LA F~LICITn (AS-SA 'ADAJI) ET DU~~fALHEUR (ASH-SHAQAvVAH) Tu sais à présent ce qui vient d'etre exposé, touchant la classification des aptitudes et la répartition des esprits (arwc'ìh) en différents degrés (darajtlt). Apprends mainte- nant que chacun a une félicité (spéciale), en corrélation avec son etre intime (lwwiyyah), avec les faveurs (al-minnah) que Dieu lui a accordées, et avec sa proxi- mité (qttrb) de Dieu, félicité qui est le tenne e:xtrème de la perfection (al-kaméil) que comporte sa nature. A l'opposé de cette perfection est le terme e:xtreme de l'imperfection dont elle est susceptible : c'est là son S1-.malheur spécial. Les félicìtés (respectives) sont dane graduées suivant les aptitudes, et (par conséquent), la plus grande félicité appartient absolument aux plus excellentes aptitudes, aux ·perfections les plus nobles, au plus noble des esprits qui est l'esprit du véritable p6le absolu (1 >, c'est-à-dire Muhammad (sur lui la paix !}, ainsi que l'a déclaré le Très-Haut : « Nous avons élevé les prophètes au-dessus les uns des autres... Il a élevé les degrés de certains d'entre eux(2>. )) Le Prophète possède donc le degré le plus élevé des apti- tudes (al-martabah al-'aliyéi ft-l-isti'ddd), et la félicité supreme (as-sa'adah al-kttbrd), dans l'autre vie. Au (1) Cf. Jurjaui, aux mots qutbiyyah et qutb lp. 184-5}. (2) Coran, II, 253.
  • 26. IlO 'rRAI'l'f: SUR LA l'RÉDES'l'INATION contraire, plus les aptitudes sont bornées, moindre est le bonl1eur; moindre aussi l'intervalle qui le sépare du dernier degré du malheur ou du bonheur (relatif) F qui lui correspond. Lorsque les aptitudes occupent un juste milieu entre les deux termes extremes, supérieur et inférieur, svmbolisés par la lumière (an-nur) et Ies ténèbrcs (azlz- zJmlmah) et encore par la divinité (lahttt) et par l'huma- nité (nasut), les penchants de l'homnl.e se trouv~nt à égale distance de la perfection et de l'it:lpe:·fec,twn · désignées dans le Coran par les termes de Illzy~un.(l) et de Asfala Sajain<Zl. C'est dans ce cas surtout (lU agls- sent puissamment clans un sens l'ap1~el des proph~tes, les obligations religieuses, les répresswus et !es dispo- sitions de la loi (toutes choses qui relè·ent de l'assistance divine). et, dans le sens contraire, la .d~sobéiss~nce~ et la rébellion (qui relèvent de l'abandon divm, al-kht~lzla~~)<3 l. Plus l'homme s'efforce dans l'une de ces deux dtrectwns, plus son penchant s'accroit. S'écarte-t-il du juste 1~ilieu pour tendre vers les degrés supérieurs, la mom~re impulsion de l'assistance divine suf!it pour. le fmre progresser sur l'échelle asce~dante, et 1l f~udr~1t alors l~ plus complet abandon de D1eu pour le f~1re retrograde.r vers les degrés descendants. Au contrmre, pe.nche:t-11 vers les degrés iniérieurs, c'est l'inverse qm arnve. (1) Coran, LXXXIII, 18. (2) Cora11, xcv, 5· . . (3) [Voir Coran, m, 160 ; à la cond~ite ~ans la vo1~ drotte (al- hidayah) correspond inversement la chrechon clo.ns ,l erre~tr. (w!- dalal). C'est Dieu qui dirige chaque etre vers c~ a ,quo1 11 est destiné par sa propre nature et ses teudances mnees.J t ì l l;~ 'fRAI'l'I~ SUR LA Pl~ÉDl~S'l'INA'riON III ~ chaque pureté correspond une impureté, à toute chose !ll:np:de une chose troubl~, à toute clarté une obscunte, ~ toute beauté une laideur. Toute chose a so.n cont~aue, comme Abu Jahl et Muhammad (sur lt11 .la patx !), Phar~on et. Moise (sur lui la paix !), Ibhs et Adam (s:1r 1ut la patx !), et iln'y a pas d'autre moyen de connattre le pourquoi de la félicité des uns ~t d~nalheur ?es autres que de les considérer comme l ~ffet des aphtudes naturelles (al-ist-i'dad) qui pro~ vtennent de I'Effluve. sanctissime primordiale (al- fayd al-aqdas al-awwalt) (l) et de la science sub1 1 ' t ,t 11 . . me e e erne .e.~11~s1 q~e n.ous l'avons exposé en traitant de la posstblhte (al-tmkan), relativement à la beauté d l'orclre de l'univers. e Lc$'bonheur se divise en deux 1)arties · le b h d . . on eur mon an~ (~unyawiyyat) et le bonheur de la vie future (ulll~rawtyyat!.. ~e bonheur mondaiu comprend égale- n~ent.deux d1v1s10ns : le bouheur corporei, c'est-à-dire le b1en-etre, la santé, la force, la bonne conformation des or~anes; et le f'bonheur extérieur, c'est-à-dire la possess101: des moyens d'existence et de tout ce dont on a beso1n dans ce genre. L&onheu~ futur est aussi divisé en deux parties : le ,bonheur 111tellectuel ('ilmiyyat), provenant de ce q~?~ possè~e les connaissances (al-tna'arif) et les ventes essenttelles (al-haqd'iq), et Ietbonheur des actes (1) [« L'Effluve sanctissitn~ (al-fayd al-aqdas) de l'Essenc ~ra~r~<: au PB;SSage .de la possibilité pure des etres à leu~ e erdd a) 10 d 11 prtm<;>r<liale, et l'Effluve sacrée (al-fayd al- muqa as es Attributs se rap rt · 1 · ~~f~~yJe n (?11:. Vàlsan, dans Étudesp1ra~it~n:~fes,1 ~~~~e;~a;~~~ l
  • 27. II2 TRAITÙ SUR LA l'RÉDES'l'INATION ('mhaliyyat), consistant en ce qu'o1~ accomplit _de bonnes ceuvres (at-ta'at) et de belles actlons (al-khayrat). Et de meme que la beauté du visage et du corps ~entre dans la première catégorie du(~bonlJeur mondatn, .,de meme les belles qualités rentrent dans la prenuere catégorie du®bonheur futur. C'est d'après ces qualités que l'on énumère les différents clegrés du l~m~heur® On demanda à l'émir cles croyants(l> de decnre le savant · il le décrivit. Puis on lui dit : « Décris-nous l'ignor;nt. n Il répondit : « Je viens de le. faire(2l. >> En effet liJbonheur et ldilnalheur sont en rmson de la science (al-'ilm) et de l'ignorance (al-jahl) (et, ils sont essentiellement inhérents aux hommes, cela eternelle- ment, à tout jamais), ou en raison cles bonnes ~t des mauvaises actions, d'après lesquelles on reç01t sa rétribution, et sur lesquelles on mcsure les réc.om- penses et les chatiments. Di:~ n'a-t-i.l pas, dit : «C'est la récompense de ce qu 1ls ont fmt...; c e~t la rétribution de ce qu'ils ont acquis(3) ? » - Mals le 5 malheur n'est pas perpétuel (sauf le bou plaisir de Dieu), et il. admet des aggravations et des allègements. On peut dire, toutefois, en général, que les péchés les plus nombreux et les plus graves sont la conséquence de l'ignorance, et que la plupart des ve~tus et les plus grandes sont la conséquence de la sc1ence. O n:on Dieu ! place-nous panni les bienheureux que tu agrees, et non parmi les réprouvés que tu éloignes. (r) Probablement 'Ali. . . ,. (2) Il voulait dire que pour avoir la descnptwn de.l1gnorant et de son état, il suffisait de prendre la contrepartle de celle du savant. (3) Coran, passim. l l TRAITI~ SUR LA PRÉDESTINATIOX IIJ ~'est d'~illeurs I'intelligence (al-'aql) qui est le pomt cardmal des obligations imposées à tous les hom~es•. c!uel que soit, dans ce domaine, leur degré de v1vac1te ou de lenteur. En effet, l'intelligence est ~a commune mesure des etres intelligents (al-'uqala') : {ent~nds ce p~r quoi l'homme lui-nH~me est appelé mtelhgent ('aqtl). C'est r>ourquoi tous les hommes sont astreints aux memes devoirs, mais ne sont pas tous tenus légalement de connaitre les décisions juri- diques, ni d'approfondir les sciences, suivant cette parole du Très-Haut : « Dieu n'impose à chaque ame · q~e ce qu'elle peut supporter(ll. >l Les progrès dans les sc1ences sont donc eu dehors de la loi. Quant aux ceunes, elles assurent à leur auteur un rang en proportion de ce qu'il a fait. Quiconque reste en deçà de la perfection à laquelle ses aptitudes lui per- mettaient d'atteindre, soit par omission, soit parce qu'il a commis cles actions incompatibles avec elles, recevra en rétribution de ses fautes un chatiment proportionnel à la distance à laquelle il sera resté en arrière. De mème, tout homme, dont les ceuvres sont inscrites au livre des comptes, qui sera parvenu au degré de®bonheur auquel il lui était donné d'at- teindre, et qui avait été décrété pour lui, obtiendra le salut, quand bien meme son bonheur futur serait humble et restreint, en comparaison de la félicité supreme. En effet, comme cet homme ne conçoit pas ce à quoi il ne peut atteindre, il n'en a pas le désir, et .d~s qu'il n'en a pas le désir, il ne souffre pas d'en etre. pnve. (r) Coran, II, 286. 8
  • 28. II4 TRAITi~ SUR LA PRiWES'riNA'l'ION Tout ce qui a été décidé est fatal à un point de vue et possible à un autre point de vue. Cela n'exclut clone pas la participation du libre arbitre. Ce que nous venons d'exposer suffira à quiconque est assisté de Dieu. Quant à celui dont Dieu a rendu l'intelligence obtuse, en dire plus long ne le convaincrait pas. Notre recours est en Dieu, contre l'incapacité. C'est lui qui facilite les choses ardues, qui exauce les prières. C'est en lui qu'est notre confiance. Il est notre protecteur, et quelle belle protection ! l l