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1
La perception
Les sens sont-ils trompeurs ?__________________________________________________ 2
Toute perception est interprétation _____________________________________________ 3
Le caractère holiste (global) de la perception__________________________________ 3
Les lois de la perception ___________________________________________________ 5
Perception et interprétation ________________________________________________ 6
L’attention sélective ______________________________________________________ 7
La vie est-elle un rêve ?____________________________________________________ 9
L’efficacité de la perception__________________________________________________ 10
Les perceptions sont utiles à la vie__________________________________________ 10
Erreur ponctuelle et erreur générale________________________________________ 10
La théorie et la pratique __________________________________________________ 10
L’objectivité des différences_______________________________________________ 11
Conclusion _______________________________________________________________ 12
2
Les sens sont-ils trompeurs ?
Je regarde un joli paysage et je me dis : « Ah, que la nature est belle ! »
A première vue, la perception est un processus tout simple. Il y a le paysage qui s’étale
devant moi. Le soleil l’éclaire, mes yeux captent ces rayons lumineux, et mon cerveau forme
l’image des ces jolies collines verdoyantes.
La perception, c’est le processus par lequel notre corps – nos organes, nos cinq sens –
fabriquent une image du monde.
Mais comment savoir si cette image correspond réellement au monde ? Comment en être
sûr ? Parfois, nous rêvons : nous percevons quelque chose, mais il n’y a rien. Parfois encore,
nous sommes victimes d’illusions d’optique : nous percevons une image, par exemple de
l’eau qui scintille sur le sol, alors qu’il n’y a rien.
Puisque nos sens nous trompent quelquefois, comment savoir s’ils ne nous trompent pas
tout le temps ? Comment savoir si nous pouvons leur faire confiance ? Et si, après tout, le
monde entier, tel que nous le connaissons, n’était qu’une illusion ? Et si la vie tout entière
n’était qu’un rêve ? Comment savoir ?
3
Toute perception est interprétation
Pour savoir si la perception est fiable, intéressons-nous à son fonctionnement. On pourrait
penser que le fonctionnement des sens est tout simple. Qu’ils se contentent de capter un
stimulus (par exemple, pour l’œil, un rayon lumineux) et de le restituer au cerveau, qui fait
« la somme » de ces touches de couleur, pour constituer l’image globale du paysage.
Le caractère holiste (global) de la perception
En réalité, les sens ne fonctionnent pas de cette manière. Ce que nous apprend la
psychologie de la forme (ou Gestaltpsychologie, car elle a vu le jour en Allemagne), c’est que
nous percevons des formes globales. Mieux, nous percevons d’abord le tout, et c’est à partir
du tout que nous réinterprétons les parties, que nous les percevons et les construisons. On dit
que la perception est holiste, du grec holos, qui signifie « le tout ».
Par exemple, la couleur d’une partie d’une image est perçue en fonction des couleurs qui
l’environnent. De même, la hauteur d’une note est perçue en fonction de la note qui la précède
et de la note qui la suit.
Exemple : les cases A et B sont de la même couleur. Mais la case A semble plus foncée
que la case B car nous percevons chaque case en fonction de celles qui l’entourent.
Autre exemple : sur l’image ci-dessous, la barre centrale est d’une couleur homogène :
4
Encore un exemple qui montre le caractère holiste de la perception : quand nous lisons
nous ne lisons pas chaque lettre, mais nous lisons chaque mot « d'un bloc », nous
reconnaissons d'un coup l'ensemble du mot.
Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas
d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la
bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas
porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias
le mot cmome un tuot.
La peruve...
Arlos ne veenz puls m'ememdrer aevc les corerticons otrahhgropqiues.
5
Les lois de la perception
La psychologie de la forme permet ainsi de mettre à jour les lois fondamentales de la
perception :
 Simplicité : nous interprétons toute image de la manière la plus simple possible
 Proximité : des figures voisines sont perçues ensembles, comme un « bloc »
 Continuité : on associe les figures de manière à constituer des lignes continues,
harmonieuses
 Complétude : on associe les figures de manière à compléter les figures incomplètes
 Symétrie : on associe les figures symétriques
 Similitude : on associe les figures semblables
6
Perception et interprétation
De plus, le cerveau interprète les données de sens pour « comprendre » l’image, pour lui
donner du sens. Par exemple, que voyez-vous dans l’illustration ci-dessous ?
On peut y voir un canard. Mais on peut aussi y voir un lapin. Selon la façon dont nous
« comprenons » l’image, nous la percevons différemment, nous la voyons différemment. On
peut multiplier les exemples.
De nombreux exemples renvoient à la profondeur. Par exemple, si on dessine un cube en
perspective, on peut « comprendre » le dessin de différentes manières, selon la face du cube
qu’on « choisit » comme étant à l’avant ou à l’arrière. Car de manière générale, toute image à
deux dimensions qui représente quelque chose doit être « plongée » dans un espace à trois
dimensions. Il nous faut ajouter la profondeur, et décider ce qui se trouve devant et ce qui se
trouve à l’arrière.
C’est en ce sens que Nietzsche dit que « le monde est profond » : il est infini, car il est
susceptible de recevoir une infinité d’interprétation.
7
L’attention sélective
Mais on peut aller encore plus loin. Car l’esprit ne se contente pas de déformer les parties
élémentaires d’une perception. Il peut carrément « décider » d’ignorer complètement certains
éléments. C’est ce qu’on appelle l’attention sélective. Ce que nous percevons dépend de notre
attention, de notre concentration. Pour le dire simplement : nous ne voyons que ce que nous
voulons voir, nous n’entendons que ce que nous voulons entendre. C’est pourquoi, selon
Nietzsche, on invente les trois quarts de ce qu’on perçoit :
Un lecteur d’aujourd’hui ne lit pas tous les mots (ou toutes les syllabes) d’une page, —
sur vingt mots il en prend tout au plus cinq, au hasard, et par ces cinq mots il devine le
sens supposé. De même nous ne voyons pas un arbre d’une façon exacte et dans son
ensemble, en détaillant ses feuilles, ses branches, sa couleur et sa forme ; il nous est
beaucoup plus facile d’imaginer un à peu près d’arbre. Au milieu des événements les
plus extraordinaires, nous agissons encore de même : nous inventons la plus grande
partie de l’aventure, et il n’est guère possible de nous contraindre à assister à un
événement quelconque, sans y être « inventeurs ».
Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 192
Conclusion : la perception n’est décidément pas un processus « simple » et « naïf » ni
« honnête ». Elle est pleine de préjugés, d’habitudes. Elle est pétrie de pensée, car le cerveau
tente constamment de donner du sens à ce qu’il voit. Bref : la perception est mensonge.
Tout cela veut dire que nous sommes foncièrement et dès l’origine — habitués au
mensonge. Ou, pour m’exprimer d’une façon plus vertueuse et plus hypocrite, je veux
dire d’une façon plus agréable : on est bien plus artiste qu’on ne le pense.
Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 192
Pour Nietzsche, toute perception est perspective : toute connaissance est fonction de la vie
et de nos intérêts. Ainsi nous percevons les fruits en couleurs vives, rouge sur fond vert. Mais
comment savoir si ces couleurs existent réellement ? N’est-il pas évident qu’elles sont au
contraire notre propre création ? La preuve en est qu’une mouche ou un autre animal percevra
le monde d’une toute autre manière. Même au sein de l’humanité la perception des couleurs et
des choses varie considérablement en fonction de la culture et du mode de vie. Les Inuits, par
exemple, disposent d’une dizaine de mot pour dire « blanc », car ils ont appris à discerner les
différentes nuances de la neige.
8
Et cette objection touche l’ensemble de nos sens : tout ce qu’ils nous disent n’est rien
d’autre que leur propre création, c’est-à-dire notre propre création : qu’y a-t-il d’objectif là-
dedans ? Comme dit Spinoza, la perception du soleil comme petit disque jaune en dit bien
plus long sur la constitution de notre corps (notre œil et notre cerveau notamment) que sur la
constitution du soleil lui-même.
9
La vie est-elle un rêve ?
Pire encore : il se pourrait bien que l’ensemble du monde visible ne soit rien d’autre qu’une
illusion, comme une ombre projetée sur le mur d’une caverne, pour reprendre la célèbre
allégorie de Platon, ou encore un simple rêve, dont nous nous réveillerons lors de notre mort.
Comment, en effet, être sûrs que nous ne rêvons pas ? Comment savoir que notre image du
monde correspond bien à celui-ci ? Pour cela il faudrait pouvoir comparer cette image – c’est-
à-dire nos sensations – avec le monde lui-même. Comparer notre image de la cerise à la cerise
elle-même. Mais c’est malheureusement impossible car nous n’avons pas accès à la « cerise
elle-même », à la chose en soi. Nous sommes enfermés dans notre tête, dans le monde des
phénomènes et des apparences. Nous ne pouvons « sauter au-delà de nous-mêmes ». Ainsi
selon Platon le monde réel n’est pas le monde fluctuant révélé par les sens, mais un monde
idéal et éternel que nous ne pouvons connaître que par la raison, c’est-à-dire les yeux de
l’esprit. Le seul fait, d’ailleurs, que le monde auquel nous donnent accès nos sens soit si
fluctuant est un argument contre sa réalité, car ce qui change sans cesse n’existe pas
véritablement. La véritable réalité est une Idée éternelle, dont le monde temporel n’est que le
reflet.
Nous pourrions donc être enfermés dans nos perceptions fausses, totalement coupés du
monde réel ! Peut-être que nous sommes des légumes, stockés dans une cuve, et que tout le
monde que nous connaissons n’est qu’une illusion, constituée par des signaux électriques
(nerveux) qu’une machine envoie à nos cerveaux, comme dans le film Matrix.
10
L’efficacité de la perception
Les perceptions sont utiles à la vie
Contre une hypothèse aussi extrême, il n’y a pas vraiment d’arguments. Oui, toute la vie ne
pourrait être qu’un rêve. Oui, peut-être que tout ce monde est faux. Mais comment savoir ? Et
surtout : que vaut cette hypothèse, puisque nous ne pouvons pas connaître le « vrai monde »
qui se cache derrière les apparences ? En quoi cela nous intéresse-t-il ?
Non seulement nous ne pouvons rien y faire, mais cela n’a pas vraiment d’intérêt si la vie
qui nous intéresse est cette vie-ci, telle que nous la connaissons. Or pour vivre, et s’orienter
dans ce monde, nos perceptions ne sont pas si trompeuses que cela.
Nietzsche montre bien que les perceptions construisent et inventent en fonction de nos
intérêts vitaux. Mais puisque cette interprétation est au service de nos intérêts vitaux, elle doit
être efficace, et utile, donc vraie, pourrait-on répondre.
Erreur ponctuelle et erreur générale
Bien sûr, les perceptions peuvent nous tromper ponctuellement. Par exemple, un bâton
plongé dans l’eau semble cassé. Mais pour le savoir, on peut toucher le bâton, ou le sortir de
l’eau. C’est-à-dire qu’on peut corriger la perception trompeuse en faisant appel à d’autres
perceptions. Il ne faudrait donc pas dire que c’est « les perceptions » en général qui sont
mensongères, mais plutôt une perception particulière, et qu’elle est mensongère par rapport à
d’autres perceptions. Et ces autres perceptions sont le seul moyen de savoir que la première
perception était mensongère. On ne peut donc pas rejeter toutes les perceptions en bloc, ou du
moins, si on le fait, c’est gratuit : cela ne repose sur aucun indice. Rien n’indique que toutes
nos perceptions sont fausses, et il serait même difficile de donner un sens à cette idée.
La théorie et la pratique
Contre l’idéalisme platonicien, soyons pragmatiques. Pourquoi le monde « idéal », celui
des idées et des notions mathématiques, serait-il « plus vrai » que le monde de la matière, le
monde des objets, des sens et des apparences ? Après tout c’est dans ce monde matériel que
nous vivons. Et pour survivre, nous sommes bien obligés de faire confiance à nos sens, de
supposer qu’ils ne nous trompent pas.
Ainsi la réponse varie sensiblement selon qu’on se place dans la perspective de l’action ou
dans la perspective de la connaissance pure. Et nous pouvons déjà dire que, pour ce qui est
d’agir et de vivre, nous pouvons faire confiance à nos sens. D’abord parce que nous n’avons
11
pas le choix, n’ayant pas d’autre guide ; ensuite parce qu’ils ont fait leurs preuves, puisque
nous avons survécu grâce à eux, et qu’ils nous permettent chaque jour de nous orienter dans le
monde et d’échapper à la mort (en regardant les voitures arriver, par exemple).
Et on peut espérer, à partir de l’ensemble de nos perceptions, créer une image de la réalité,
un modèle du monde, qui peut être un modèle mathématique ou scientifique. Ce modèle doit
expliquer l’ensemble de nos perceptions. Mais toute théorie, scientifique ou mathématique, si
abstraite soit-elle, se ramène toujours, finalement, à des expériences, à des perceptions.
Comme le dit Montaigne : « Toute connaissance s’achemine en nous par les sens : ce sont nos
maîtres […]. La science commence par eux et se résout en eux […]. Les sens sont le
commencement et la fin de l’humaine connaissance. »1
On pourrait même définir la connaissance comme étant ce qui est vérifiable par les sens,
afin d’exclure toutes les spéculations invérifiables sur les « arrières-mondes ». C’est ce que
propose le positivisme, courant de pensée philosophique du début du XXe
siècle.
L’objectivité des différences
On peut dire encore mieux que ça. Certes, dans la perception, par exemple quand je
regarde le soleil couchant, il y a une contribution de l’objet (le soleil), mais aussi une
contribution du sujet (moi), qui déforme l’objet en l’interprétant à sa façon, en construisant
une image qui n’a sans doute pas grand-chose à voir.
Mais on peut contourner cette difficulté en s’intéressant aux différences. Quand je vois un
objet unique, je ne peux pas savoir ce qui appartient réellement à l’objet et ce qui vient de
moi-même. Je ne peux pas savoir ce qui est objectif et ce qui est subjectif. En revanche, si je
considère plusieurs objets, je sais que les différences que j’observe entre eux sont objectives.
Car c’est toujours moi qui les perçois. Je n’ai pas changé. Les différences entre les objets que
je vois viennent donc nécessairement des objets. Elles sont objectives, elles sont le signe de
quelque chose d’objectif.
Ainsi je vois le ciel bleu, et cela ne m’apprend rien du ciel, car la couleur bleue est une
création de mon cerveau. Mais si je me tourne vers l’herbe, et que je vois qu’elle est verte, je
peux au moins savoir ceci : le ciel et l’herbe ne sont pas de la même couleur. C’est-à-dire : ils
ont une différence objective (cette différence ne vient pas de moi) qui les fait paraître de
couleur différente. Ils doivent avoir des propriétés chimiques, intrinsèques, différentes.
1
Montaigne, Essais, livre II, chap. XII (Apologie de Raimond Sebond).
12
Conclusion
Conclusion : nous ne pouvons pas dépasser la perception. C’est une erreur que de vouloir
la dépasser. Mais nous devons comprendre quelle est sa place. La perception nous donne une
image du monde. Cette image n’est pas le monde. On ne peut même pas vraiment savoir si
elle lui ressemble, car la question n’a pas de sens : on ne peut comparer une image qu’avec
une autre image. Mais elle entretient certains rapports avec le monde qui lui donnent un sens
et nous permettent de nous orienter.
En un mot : la perception devient vraiment utile, et cesse d’être trompeuse, quand on sait
qu’elle ne nous dit pas tout, qu’elle déforme, qu’elle construit les choses. Alors on peut
l’utiliser à bon escient, sans lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, pour progresser vers une
meilleure connaissance du monde, qui ne pourra jamais être, tant qu’on parle de ce monde,
une théorie qui explique au mieux, de façon cohérente, nos différentes perceptions.
Finalement, en nous interrogeant sur la perception nous en sommes venus à affiner notre
conception de la vérité et de la science, en prenant conscience de l’exigence positiviste, pour
toute connaissance, de se relier à une expérience, à une perception possible. Le monde que
nous percevons est peut-être un rêve, mais c’est de celui-ci que nous devons parler, car il est
le seul dont on puisse parler. Et « sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire. » (Ludwig
Wittgenstein)

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  • 1. 1 La perception Les sens sont-ils trompeurs ?__________________________________________________ 2 Toute perception est interprétation _____________________________________________ 3 Le caractère holiste (global) de la perception__________________________________ 3 Les lois de la perception ___________________________________________________ 5 Perception et interprétation ________________________________________________ 6 L’attention sélective ______________________________________________________ 7 La vie est-elle un rêve ?____________________________________________________ 9 L’efficacité de la perception__________________________________________________ 10 Les perceptions sont utiles à la vie__________________________________________ 10 Erreur ponctuelle et erreur générale________________________________________ 10 La théorie et la pratique __________________________________________________ 10 L’objectivité des différences_______________________________________________ 11 Conclusion _______________________________________________________________ 12
  • 2. 2 Les sens sont-ils trompeurs ? Je regarde un joli paysage et je me dis : « Ah, que la nature est belle ! » A première vue, la perception est un processus tout simple. Il y a le paysage qui s’étale devant moi. Le soleil l’éclaire, mes yeux captent ces rayons lumineux, et mon cerveau forme l’image des ces jolies collines verdoyantes. La perception, c’est le processus par lequel notre corps – nos organes, nos cinq sens – fabriquent une image du monde. Mais comment savoir si cette image correspond réellement au monde ? Comment en être sûr ? Parfois, nous rêvons : nous percevons quelque chose, mais il n’y a rien. Parfois encore, nous sommes victimes d’illusions d’optique : nous percevons une image, par exemple de l’eau qui scintille sur le sol, alors qu’il n’y a rien. Puisque nos sens nous trompent quelquefois, comment savoir s’ils ne nous trompent pas tout le temps ? Comment savoir si nous pouvons leur faire confiance ? Et si, après tout, le monde entier, tel que nous le connaissons, n’était qu’une illusion ? Et si la vie tout entière n’était qu’un rêve ? Comment savoir ?
  • 3. 3 Toute perception est interprétation Pour savoir si la perception est fiable, intéressons-nous à son fonctionnement. On pourrait penser que le fonctionnement des sens est tout simple. Qu’ils se contentent de capter un stimulus (par exemple, pour l’œil, un rayon lumineux) et de le restituer au cerveau, qui fait « la somme » de ces touches de couleur, pour constituer l’image globale du paysage. Le caractère holiste (global) de la perception En réalité, les sens ne fonctionnent pas de cette manière. Ce que nous apprend la psychologie de la forme (ou Gestaltpsychologie, car elle a vu le jour en Allemagne), c’est que nous percevons des formes globales. Mieux, nous percevons d’abord le tout, et c’est à partir du tout que nous réinterprétons les parties, que nous les percevons et les construisons. On dit que la perception est holiste, du grec holos, qui signifie « le tout ». Par exemple, la couleur d’une partie d’une image est perçue en fonction des couleurs qui l’environnent. De même, la hauteur d’une note est perçue en fonction de la note qui la précède et de la note qui la suit. Exemple : les cases A et B sont de la même couleur. Mais la case A semble plus foncée que la case B car nous percevons chaque case en fonction de celles qui l’entourent. Autre exemple : sur l’image ci-dessous, la barre centrale est d’une couleur homogène :
  • 4. 4 Encore un exemple qui montre le caractère holiste de la perception : quand nous lisons nous ne lisons pas chaque lettre, mais nous lisons chaque mot « d'un bloc », nous reconnaissons d'un coup l'ensemble du mot. Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot. La peruve... Arlos ne veenz puls m'ememdrer aevc les corerticons otrahhgropqiues.
  • 5. 5 Les lois de la perception La psychologie de la forme permet ainsi de mettre à jour les lois fondamentales de la perception :  Simplicité : nous interprétons toute image de la manière la plus simple possible  Proximité : des figures voisines sont perçues ensembles, comme un « bloc »  Continuité : on associe les figures de manière à constituer des lignes continues, harmonieuses  Complétude : on associe les figures de manière à compléter les figures incomplètes  Symétrie : on associe les figures symétriques  Similitude : on associe les figures semblables
  • 6. 6 Perception et interprétation De plus, le cerveau interprète les données de sens pour « comprendre » l’image, pour lui donner du sens. Par exemple, que voyez-vous dans l’illustration ci-dessous ? On peut y voir un canard. Mais on peut aussi y voir un lapin. Selon la façon dont nous « comprenons » l’image, nous la percevons différemment, nous la voyons différemment. On peut multiplier les exemples. De nombreux exemples renvoient à la profondeur. Par exemple, si on dessine un cube en perspective, on peut « comprendre » le dessin de différentes manières, selon la face du cube qu’on « choisit » comme étant à l’avant ou à l’arrière. Car de manière générale, toute image à deux dimensions qui représente quelque chose doit être « plongée » dans un espace à trois dimensions. Il nous faut ajouter la profondeur, et décider ce qui se trouve devant et ce qui se trouve à l’arrière. C’est en ce sens que Nietzsche dit que « le monde est profond » : il est infini, car il est susceptible de recevoir une infinité d’interprétation.
  • 7. 7 L’attention sélective Mais on peut aller encore plus loin. Car l’esprit ne se contente pas de déformer les parties élémentaires d’une perception. Il peut carrément « décider » d’ignorer complètement certains éléments. C’est ce qu’on appelle l’attention sélective. Ce que nous percevons dépend de notre attention, de notre concentration. Pour le dire simplement : nous ne voyons que ce que nous voulons voir, nous n’entendons que ce que nous voulons entendre. C’est pourquoi, selon Nietzsche, on invente les trois quarts de ce qu’on perçoit : Un lecteur d’aujourd’hui ne lit pas tous les mots (ou toutes les syllabes) d’une page, — sur vingt mots il en prend tout au plus cinq, au hasard, et par ces cinq mots il devine le sens supposé. De même nous ne voyons pas un arbre d’une façon exacte et dans son ensemble, en détaillant ses feuilles, ses branches, sa couleur et sa forme ; il nous est beaucoup plus facile d’imaginer un à peu près d’arbre. Au milieu des événements les plus extraordinaires, nous agissons encore de même : nous inventons la plus grande partie de l’aventure, et il n’est guère possible de nous contraindre à assister à un événement quelconque, sans y être « inventeurs ». Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 192 Conclusion : la perception n’est décidément pas un processus « simple » et « naïf » ni « honnête ». Elle est pleine de préjugés, d’habitudes. Elle est pétrie de pensée, car le cerveau tente constamment de donner du sens à ce qu’il voit. Bref : la perception est mensonge. Tout cela veut dire que nous sommes foncièrement et dès l’origine — habitués au mensonge. Ou, pour m’exprimer d’une façon plus vertueuse et plus hypocrite, je veux dire d’une façon plus agréable : on est bien plus artiste qu’on ne le pense. Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 192 Pour Nietzsche, toute perception est perspective : toute connaissance est fonction de la vie et de nos intérêts. Ainsi nous percevons les fruits en couleurs vives, rouge sur fond vert. Mais comment savoir si ces couleurs existent réellement ? N’est-il pas évident qu’elles sont au contraire notre propre création ? La preuve en est qu’une mouche ou un autre animal percevra le monde d’une toute autre manière. Même au sein de l’humanité la perception des couleurs et des choses varie considérablement en fonction de la culture et du mode de vie. Les Inuits, par exemple, disposent d’une dizaine de mot pour dire « blanc », car ils ont appris à discerner les différentes nuances de la neige.
  • 8. 8 Et cette objection touche l’ensemble de nos sens : tout ce qu’ils nous disent n’est rien d’autre que leur propre création, c’est-à-dire notre propre création : qu’y a-t-il d’objectif là- dedans ? Comme dit Spinoza, la perception du soleil comme petit disque jaune en dit bien plus long sur la constitution de notre corps (notre œil et notre cerveau notamment) que sur la constitution du soleil lui-même.
  • 9. 9 La vie est-elle un rêve ? Pire encore : il se pourrait bien que l’ensemble du monde visible ne soit rien d’autre qu’une illusion, comme une ombre projetée sur le mur d’une caverne, pour reprendre la célèbre allégorie de Platon, ou encore un simple rêve, dont nous nous réveillerons lors de notre mort. Comment, en effet, être sûrs que nous ne rêvons pas ? Comment savoir que notre image du monde correspond bien à celui-ci ? Pour cela il faudrait pouvoir comparer cette image – c’est- à-dire nos sensations – avec le monde lui-même. Comparer notre image de la cerise à la cerise elle-même. Mais c’est malheureusement impossible car nous n’avons pas accès à la « cerise elle-même », à la chose en soi. Nous sommes enfermés dans notre tête, dans le monde des phénomènes et des apparences. Nous ne pouvons « sauter au-delà de nous-mêmes ». Ainsi selon Platon le monde réel n’est pas le monde fluctuant révélé par les sens, mais un monde idéal et éternel que nous ne pouvons connaître que par la raison, c’est-à-dire les yeux de l’esprit. Le seul fait, d’ailleurs, que le monde auquel nous donnent accès nos sens soit si fluctuant est un argument contre sa réalité, car ce qui change sans cesse n’existe pas véritablement. La véritable réalité est une Idée éternelle, dont le monde temporel n’est que le reflet. Nous pourrions donc être enfermés dans nos perceptions fausses, totalement coupés du monde réel ! Peut-être que nous sommes des légumes, stockés dans une cuve, et que tout le monde que nous connaissons n’est qu’une illusion, constituée par des signaux électriques (nerveux) qu’une machine envoie à nos cerveaux, comme dans le film Matrix.
  • 10. 10 L’efficacité de la perception Les perceptions sont utiles à la vie Contre une hypothèse aussi extrême, il n’y a pas vraiment d’arguments. Oui, toute la vie ne pourrait être qu’un rêve. Oui, peut-être que tout ce monde est faux. Mais comment savoir ? Et surtout : que vaut cette hypothèse, puisque nous ne pouvons pas connaître le « vrai monde » qui se cache derrière les apparences ? En quoi cela nous intéresse-t-il ? Non seulement nous ne pouvons rien y faire, mais cela n’a pas vraiment d’intérêt si la vie qui nous intéresse est cette vie-ci, telle que nous la connaissons. Or pour vivre, et s’orienter dans ce monde, nos perceptions ne sont pas si trompeuses que cela. Nietzsche montre bien que les perceptions construisent et inventent en fonction de nos intérêts vitaux. Mais puisque cette interprétation est au service de nos intérêts vitaux, elle doit être efficace, et utile, donc vraie, pourrait-on répondre. Erreur ponctuelle et erreur générale Bien sûr, les perceptions peuvent nous tromper ponctuellement. Par exemple, un bâton plongé dans l’eau semble cassé. Mais pour le savoir, on peut toucher le bâton, ou le sortir de l’eau. C’est-à-dire qu’on peut corriger la perception trompeuse en faisant appel à d’autres perceptions. Il ne faudrait donc pas dire que c’est « les perceptions » en général qui sont mensongères, mais plutôt une perception particulière, et qu’elle est mensongère par rapport à d’autres perceptions. Et ces autres perceptions sont le seul moyen de savoir que la première perception était mensongère. On ne peut donc pas rejeter toutes les perceptions en bloc, ou du moins, si on le fait, c’est gratuit : cela ne repose sur aucun indice. Rien n’indique que toutes nos perceptions sont fausses, et il serait même difficile de donner un sens à cette idée. La théorie et la pratique Contre l’idéalisme platonicien, soyons pragmatiques. Pourquoi le monde « idéal », celui des idées et des notions mathématiques, serait-il « plus vrai » que le monde de la matière, le monde des objets, des sens et des apparences ? Après tout c’est dans ce monde matériel que nous vivons. Et pour survivre, nous sommes bien obligés de faire confiance à nos sens, de supposer qu’ils ne nous trompent pas. Ainsi la réponse varie sensiblement selon qu’on se place dans la perspective de l’action ou dans la perspective de la connaissance pure. Et nous pouvons déjà dire que, pour ce qui est d’agir et de vivre, nous pouvons faire confiance à nos sens. D’abord parce que nous n’avons
  • 11. 11 pas le choix, n’ayant pas d’autre guide ; ensuite parce qu’ils ont fait leurs preuves, puisque nous avons survécu grâce à eux, et qu’ils nous permettent chaque jour de nous orienter dans le monde et d’échapper à la mort (en regardant les voitures arriver, par exemple). Et on peut espérer, à partir de l’ensemble de nos perceptions, créer une image de la réalité, un modèle du monde, qui peut être un modèle mathématique ou scientifique. Ce modèle doit expliquer l’ensemble de nos perceptions. Mais toute théorie, scientifique ou mathématique, si abstraite soit-elle, se ramène toujours, finalement, à des expériences, à des perceptions. Comme le dit Montaigne : « Toute connaissance s’achemine en nous par les sens : ce sont nos maîtres […]. La science commence par eux et se résout en eux […]. Les sens sont le commencement et la fin de l’humaine connaissance. »1 On pourrait même définir la connaissance comme étant ce qui est vérifiable par les sens, afin d’exclure toutes les spéculations invérifiables sur les « arrières-mondes ». C’est ce que propose le positivisme, courant de pensée philosophique du début du XXe siècle. L’objectivité des différences On peut dire encore mieux que ça. Certes, dans la perception, par exemple quand je regarde le soleil couchant, il y a une contribution de l’objet (le soleil), mais aussi une contribution du sujet (moi), qui déforme l’objet en l’interprétant à sa façon, en construisant une image qui n’a sans doute pas grand-chose à voir. Mais on peut contourner cette difficulté en s’intéressant aux différences. Quand je vois un objet unique, je ne peux pas savoir ce qui appartient réellement à l’objet et ce qui vient de moi-même. Je ne peux pas savoir ce qui est objectif et ce qui est subjectif. En revanche, si je considère plusieurs objets, je sais que les différences que j’observe entre eux sont objectives. Car c’est toujours moi qui les perçois. Je n’ai pas changé. Les différences entre les objets que je vois viennent donc nécessairement des objets. Elles sont objectives, elles sont le signe de quelque chose d’objectif. Ainsi je vois le ciel bleu, et cela ne m’apprend rien du ciel, car la couleur bleue est une création de mon cerveau. Mais si je me tourne vers l’herbe, et que je vois qu’elle est verte, je peux au moins savoir ceci : le ciel et l’herbe ne sont pas de la même couleur. C’est-à-dire : ils ont une différence objective (cette différence ne vient pas de moi) qui les fait paraître de couleur différente. Ils doivent avoir des propriétés chimiques, intrinsèques, différentes. 1 Montaigne, Essais, livre II, chap. XII (Apologie de Raimond Sebond).
  • 12. 12 Conclusion Conclusion : nous ne pouvons pas dépasser la perception. C’est une erreur que de vouloir la dépasser. Mais nous devons comprendre quelle est sa place. La perception nous donne une image du monde. Cette image n’est pas le monde. On ne peut même pas vraiment savoir si elle lui ressemble, car la question n’a pas de sens : on ne peut comparer une image qu’avec une autre image. Mais elle entretient certains rapports avec le monde qui lui donnent un sens et nous permettent de nous orienter. En un mot : la perception devient vraiment utile, et cesse d’être trompeuse, quand on sait qu’elle ne nous dit pas tout, qu’elle déforme, qu’elle construit les choses. Alors on peut l’utiliser à bon escient, sans lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, pour progresser vers une meilleure connaissance du monde, qui ne pourra jamais être, tant qu’on parle de ce monde, une théorie qui explique au mieux, de façon cohérente, nos différentes perceptions. Finalement, en nous interrogeant sur la perception nous en sommes venus à affiner notre conception de la vérité et de la science, en prenant conscience de l’exigence positiviste, pour toute connaissance, de se relier à une expérience, à une perception possible. Le monde que nous percevons est peut-être un rêve, mais c’est de celui-ci que nous devons parler, car il est le seul dont on puisse parler. Et « sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire. » (Ludwig Wittgenstein)