Face au désengagement du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques sur une politique linguistique pour l'occitan, le Collectif "Tòcas'i se gausas" se mobilise.
1. Tòca'i se gausas !
Collectif d'associations pour la langue béarnaise/gasconne/occitane
tocaisegausas.bearn@gmail.com
Pau le 27 juin 2016
Objet : Subvention 2016
Copie à : Mmes et MM. les Députés des Pyrénées-Atlantiques, Mmes et MM. les Sénateurs des
Pyrénées-Atlantiques, Mmes et MM. les Présidents et Chargés de la Culture des
Communautés de Communes du Béarn et du Bas-Adour
Mmes les Conseillères départementales, MM. les Conseillers départementaux
Lors de la Commission permanente du 27 mai dernier, le Conseil départemental a voté les
subventions aux opérateurs de sa politique linguistique Iniciativa. Comme nous le craignions - et
ce dès notre courrier du 11 avril 2016 - les arbitrages définitifs sonnent comme une véritable
sanction pour les acteurs de transmission et de la diffusion de la langue : Calandreta, CFPÒC,
InÒc Aquitaine, Lo Congrès permanent de la lenga occitana, Ràdio País, Reclams, ÒcBi, Per
Noste, etc., tous ont vu leurs aides baisser, parfois drastiquement, sans qu'aucune explication ne
soit donnée, hormis les restrictions budgétaires qui auraient dû induire une baisse unilatérale de
l'ensemble des aides accordées aux associations concernées. Hélas, cela n'a pas été le cas. Nous
constatons, par exemple, que le Collectif Ça-i voit sa subvention baisser de 25.000 euros,
déclenchant de facto une baisse très forte de son activité menaçant le salarié d'un collectif
artistique qui travaille sur le territoire depuis plusieurs années et qui est un véritable acteur dans
l'éducation à l'art et à la culture dans le département.
Nous ne comprenons pas ces choix : ils n'ont jamais été explicités et sont, de surcroît, stigmatisants
et humiliants pour les acteurs que nous sommes. C'est pour cette raison que nous étions présents en
nombre devant l'Hôtel du Département et le Parlement de Navarre, les 26 et 27 mai derniers. Vous
avez pu constater le climat de tension, donnant lieu malheureusement à des débordements verbaux
que nous regrettons.
Cette langue, peu importe le nom que l'on lui prête, va très mal. L'érosion de locuteurs continue
inexorablement, la transmission familiale est résiduelle et devrait rapidement cesser... Il s'agit là
d'un patrimoine vivant de notre département, de la République et plus encore, comme toutes
langues, de l'Humanité. Il est d'ores et déjà en grand danger.
Pourtant, et c'est là un grand paradoxe, la demande sociale est là, et si elle n'est pas toujours
explicite, nous tâchons de la rendre publique. Des écoles ouvrent chaque année, des cours pour
adultes se développent. Nous avons désormais un collège immersif en béarnais, une télévision
numérique, des dictionnaires sur téléphones mobiles.
La demande est telle qu'il est difficile de la satisfaire, de recruter et de former du personnel
compétent. Le manque cruel d'enseignants en est une des illustrations les plus édifiantes : sans nul
2. doute un enjeu de réussite dans la crise de croissance que nous traversons.
Les arbitrages récemment réalisés par l'exécutif du département compromettent une politique
linguistique dynamique qui fait ses preuves. Car, en plus de ne pas donner les moyens nécessaires
pour répondre à une demande croissante, ils fragilisent des structures déjà en situation de précarité.
En outre, ils donnent de mauvais signes de la part d'un département qui était, jusqu'alors,
précurseur en politique publique pour le béarnais/gascon/occitan et pour le basque.
Nous rassemblons de nombreuses structures et de nombreux bénévoles, militants de tous les jours,
associés à des professionnels compétents et impliqués : nous sommes soucieux du bon usage des
deniers publics et ne sollicitons aucune rente. Nous constatons une nouvelle fois un traitement
inégal avec la langue basque qui, elle, dispose d'un budget cumulé de 1.245.000 euros contre
935.000 euros pour le béarnais/gascon/occitan (Budget primitif 2016 voté à la session le
18/02/2016 ). Pire : les crédits prévus au budget primitif ont été réduits lors la commission
permanente du 27/05/2016 (Action 1031. soutenir la langue béarnaise/gaconne/occitane) qui a voté
un budget total de 814.340 euros, soit une baisse de plus de 120.000 euros !
Le principe d'égalité républicaine sur notre territoire est clairement remis en cause et nous
demandons légitimement un traitement égal entre les deux langues ainsi qu'un retour à l'esprit et à
l'ambition première d'Iniciativa lors de sa mise en place en 2005, à savoir une véritable politique
publique concertée pour le développement de la langue, en lien avec les autres politiques
publiques existantes, axée sur la transmission avec des objectifs co-construits avec l'Etat, les
Régions et les partenaires publics, un budget dédié, des opérateurs conventionnés par domaines et
missions, et des actions évaluées.
Au moment où l'État se décide enfin à reconnaître sa richesse linguistique, au moment où toutes
les Conseils Régionaux mettent en place des politiques linguistiques pour que perdure ce
patrimoine sans prix, au moment où les Régions "Nouvelle Aquitaine" et "Occitanie" s'associent à
l'État (ministères de la Culture et de l'Éducation nationale) pour créer l'Office Public de la Langue
Occitane (OPLO), un groupement d'intérêt public comparable à l'Office de la langue basque, bref,
au moment où toutes les astres semblent s'aligner pour faire vivre notre langue, nous ne pouvons
croire que vous ne voulez pas participer à l'effort commun.
Aussi, nous souhaitons connaître votre position sur ces trois questions :
- Vous engagez-vous personnellement à mettre en place les conditions et les moyens nécessaires à
une politique publique concertée de développement de la langue béarnaise/gasconne/occitane,
comme c'était le cas jusqu'alors et comme cela a pu être fait pour les langues basque, bretonne ou
corse, avec les succès que l'on connaît ? Dans ce cadre, vous engagez-vous à ce que le département
des Pyrénées-Atlantiques engage une réflexion avec l'Office public de la langue occitane qui a
pour mission de conduire la politique linguistique sur l'ensemble de l'espace occitan ?
- Vous engagez-vous à flécher la totalité des crédits pour la langue béarnaise/gasconne/occitane
inscrits au budget primitifs 2016 - 935.000 euros - vers les opérateurs de transmission de la
langue?
- Vous engagez-vous à faire respecter dès 2017 le principe d'égalité républicaine dans la conduite
de la politique linguistique dans le département des Pyrénées-Atlantiques, en consacrant pour le
béarnais/gascon/occitan un budget équivalent à celui consacré à la langue basque, soit 1.245.000
euros ?
En tant qu'élus, vous êtes face à une responsabilité historique : si l'occitan (ici le béarnais et le
gascon) doit être sauvé, ça sera dans les 20 prochaines années : nous savons qu'en menant une
politique linguistique énergique et efficace - l'exemple basque est particulièrement probant - , on
3. peut stopper l'érosion et regagner des locuteurs, et même de faire de cette langue une source
d'innovation et d'attractivité pour notre territoire. Encore faut-il se donner les moyens, dépasser les
débats stériles et les postures mortifères et construire ensemble un projet ambitieux pour le Béarn
et le Bas-Adour.
Nous vous adressons, Mmes les Conseillères départementales, MM. les Conseillers
départementaux nos salutations respectueuses.
Le collectif
Tòca'i se gausas !