1. Mulhouse SAMEDI 21 JUILLET 2012 27
Les cages d’escalier sont jalonnées d’échelles métalliques
permettant d’accéder aux fenêtres et au toit.
Christophe Duchêne et Bernard Wianni sur l’un des nombreux
balcons donnant sur la rue Engel-Dollfus.
Sur les longs guichets de bois, l’architecte a aligné des lampes
en « œuf de dinosaure », qui sont aujourd’hui rarement allumées.
Il faut bien le
reconnaître : l’hôtel
des finances publiques
de Mulhouse n’est pas
le genre d’endroit où
l’on se rend pour le
plaisir. Mais autant en
profiter pour jeter un
œil à son architecture
hors normes.
Depuis le début de sa carrière,
Bernard Wianni, trésorier muni-
cipal de Mulhouse, a connu une
douzaine de bâtiments diffé-
rents. Des petits, des grands, des
basiques ou des luxueux… « À un
moment donné, j’ai même travaillé
dans un château », se souvient-il.
Mais des immeubles comme
l’hôtel des finances, où son servi-
ce a pris ses quartiers le mois
dernier, jamais. « C’est complète-
ment hors normes », observe-t-il.
L’histoire de cet édifice remonte à
1987, lorsque le ministère a lancé
un appel à projets pour accueillir
ses services mulhousiens. Parmi
les réponses, plusieurs dossiers
montés par des cabinets presti-
gieux, mais aussi le projet auda-
cieux d’un tout jeune architecte :
Michel Bourdeau. C’est lui qui
estparvenuàconvaincrelesfonc-
tionnaires de Bercy, pourtant
plus réputés pour leur rigueur
que pour leur fantaisie.
Son concept : casser la monoto-
nie avec un édifice modulaire.
« Quandvousfaitesunbâtimentde
100 m en ville, si vous ne voulez pas
d’une barre, il faut le composer de
plusieurs éléments », explique-t-il.
En l’observant depuis la rue En-
gel-Dollfus, on peut distinguer le
« socle », dont le revêtement en
grès rose forme une équerre, le
« prisme » allongé qui abrite 45 m
de bureaux, l’« écusson » noir qui
chapeaute le tout et abritait jadis
trois logements de fonction…
Aujourd’hui, ils ont été transfor-
més en débarras.
À l’intérieur aussi, la bâtisse sort
de l’ordinaire, à commencer par
son hall monumental, un cube
de 11 mètres d’arête inspiré du
hall d’entrée de la bibliothèque
Laurent de Médicis. « Je voulais
unespaceintérieurquiavaittousles
intérêts d’un espace extérieur, com-
me une façade », se souvient Mi-
chel Bourdeau. C’est ce qui
explique son aspect minéral, ses
colonnades, ses balcons intéri-
eurs, ses larges baies vitrées…
Une œuvre d’art
en fibre optique
Au sommet, des filins métalli-
ques sont équipés de poulies et
de cordes d’escalade pour per-
mettre aux nettoyeurs de vitres
d’y progresser. En face, un autre
câble suspendu au plafond dessi-
ne une parabole, mais celui-ci n’a
rien à voir avec l’entretien. Cette
« liane » est une œuvre d’art en
fibreoptique,baptisée« Lobe »et
réalisée en 1993. « Quand c’est
allumé, ça fait un arc lumineux sur
le mur gris », explique Bernard
Wianni, qui a accepté de jouer les
guides avec le nouvel administra-
teur des finances publiques en
charge de la Recette des finances,
Christophe Duchêne.
Lorsqu’ils patientent dans le hall,
les usagers peuvent aussi aperce-
voir une vitrine où sont exposées
des reliques de l’administration
fiscale, comme des tampons, des
sceaux en cire ou encore un ma-
nuel antédiluvien, et une petite
curiosité : des espèces de gros
œufs jalonnant les guichets en
bois massif. En cherchant bien,
un interrupteur oublié permet de
les allumer. « Je voulais des lampes
à l’échelle des choses, se souvient
l’architecte. J’appelle ça des œufs de
dinosaure… »
De l’autre côté des cloisons mobi-
les installées dernièrement, pour
aiguiller les usagers après les dé-
ménagements successifs que
viennent de vivre les services des
finances publiques mulhou-
siens,ungrandespacedécloison-
n é a b r i t e l a t r é s o r e r i e
municipale.« C’estleserviceleplus
frais », observe Bernard Wianni.
Etpourcause :lemurestconstel-
lé de dizaines de petits hublots
carrés pouvant être ouverts.
C’est l’une des raisons pour les-
quelles les occupants des lieux
ontprisl’habitudedecomparerle
bâtiment à un « paquebot ». En
poursuivant la visite, d’autres dé-
tails confortent cette comparai-
son : escaliers en colimaçon,
passerelles et balcons évoquant
les ponts d’un navire, escalier
central équipé d’échelles métalli-
quespermettantd’accéderauxfe-
nêtres ou au toit, cheminées
surdimensionnées…
Finalement, seuls les bureaux
des étages, qui abritent le reste
des services de la trésorerie de
Mulhouse ville, celle de Mulhou-
se campagne et la recette des fi-
nances, sont relativement
classiques, voire un brin datés…
Hormis,biensûr,ladécodeleurs
occupants. Bernard Wianni, lui,
n’a pas tardé à installer la sienne.
Un mois après son emménage-
ment,sesmurssontdéjàtapissés
de souvenirs et documents d’ar-
chives.
François Torelli
Visite privée L’hôtel des finances, sa liane,
ses hublots et ses oeufs de dinosaure
L’hôtel des finances de Mulhouse s’étend sur une centaine de mètres, rue Engel-Dollfus. Photos F.T.
Dans le hall d’entrée monumental, un artiste a installé une « liane »
en fibre optique dans le cadre du « 1 % culturel ».
Les étages communiquent par de multiples escaliers en colimaçon.
Laver les grandes baies vitrées
relève de l’alpinisme.
À l’entrée comme dans le bureau de Bernard Wianni, des objets de
collection, comme cette antique calculatrice, sont exposés.
La façade Nord «alterne pièces monobloc préfabriquées et pans
de verre montés sur aluminium brut».
Plusieurs colombes ont élu
domicile sous le porche.
L‘hôtel des finances est signé par
Michel Bourdeau (ici devant un
bâtiment signé Fuksas dont il a
dirigé la construction). DR
En chiffres
H Le projet a été présenté en
1987 par l’architecte Michel
Bourdeau et achevé 6 ans plus
tard, en 1993.
H Il compte 4 étages et s’étend
sur une « surface hors œuvre
nette » de 7 800 m².
H Il a représenté un
investissement de 8,5 millions
d’euros.
H Outre le hall et les bureaux, il
dispose d’un parking, d’une
cafétéria et de 3 logements
aujourd’hui transformés en
remises.
H Après les déménagements
successifs, il accueille
3 services : la trésorerie de
Mulhouse, celle de la couronne
mulhousienne et les recettes des
finances.
H Ces derniers se sont unis pour
accueillir les usagers à
1 seule caisse, une première
dans le département.
H Depuis la dernière
réorganisation, ils totalisent des
effectifs d’environ 60 personnes.