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TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
1	
INTRODUCTION	GÉNÉRALE	
Ce	 traité	 des	 techniques	 d’écritures	 sur	 support	 est	 le	 résultat	 tangible	 de	 plus	 de	 25	 ans	
d’enseignement	de	cette	matière	dont	j’eus	la	charge	aux	conservatoires	royaux	belges	de	Liège	(1986),	
Bruxelles	(1987-93)	et	Mons	(1993-2011)	où	il	est	toujours	transmis	aux	étudiants	de	la	section	électroa-
coustique	par	Daniel	Perez	Hajdu	qui	m’y	a	succédé.		
Tout	comme	une	formation	aux	écritures	classiques	(harmonie,	contrepoint,	fugue)	précède	dans	
les	conservatoires	européens,	la	formation	à	la	composition	classique	pour	orchestre	et	voix,	ces	écri-
tures	sur	support	offrent	au	compositeur	qui	s’engage	dans	une	voie	plus	expérimentale,	celle	des	ins-
truments	 technologiques,	 la	 palette	 des	 écritures	 musicales	 que	 son	 répertoire	 lui	 associe.	 C’est	 un	
répertoire	 né	 de	 l’enregistrement	 sonore	 sur	 support	 (disque,	 bande	 magnétique,	 mémoire	 informa-
tique)	dont	Pierre	Schaeffer	en	a	remarquablement	tiré	toutes	les	conséquences.	Là	se	trouve,	à	mes	
yeux,	 la	 véritable	 révolution	 musicale	 du	 XXe
	 siècle1
.	 François	 Bayle	 en	 proposera	 ensuite	 une	 autre	
conséquence	 sous	 le	 vocable	 de	 musique	 acousmatique2	
qui	 porte	 toute	 son	 attention	 sur	 l’écoute	
aveugle,	dé-corrélée	des	sources	sonores	grâce	au	haut-parleur.	En	découlent	alors	d’autres	comporte-
ments	liés	à	la	composition	sur	support	:	non	plus	la	production	d’évènements	objectivement	organisés	
et	formalisés	selon	leurs	interactions,	mais	des	solutions	de	conduite	de	l’écoute	et	de	communication	
avec	l’imaginaire,	avec	les	capacités	de	représentation	mentale	et	mémorielles	de	l’écoutant3.
	
Cette	première	formation	aux	écritures,	avant	la	composition	elle-même,	demande	à	l’étudiant,	du-
rant	deux	ans	et	demi,	un	effort	d’inventivité	permanent,	à	raison	d’un	exercice	hebdomadaire.	
Mais	rendons	à	César	ce	qui	lui	appartient	:	Le	GRM	a	créé,	en	1968,	une	classe	expérimentale	de	
composition	électroacoustique4	
au	sein	du	CNSMD5
	de	Paris.	Pierre	Schaeffer,	assisté	plus	tard	de	Guy	
Reibel,	en	avait	la	charge.	Les	notes	de	cours	prises	lors	de	ma	présence	dans	cette	classe	(1977-80)	sont	
à	l’origine	de	ce	texte,	qui	en	étend	le	champ	d’exploration,	mais	en	respecte	toujours	l’esprit.	Ces	écri-
tures	sont	la	marque	stylistique	de	l’école	française	de	la	musique	électroacoustique,	puisqu’elles	sont	
tirées	de	l’expérience	et	du	répertoire	des	compositeurs	pionniers	du	GRMC6
	puis	du	GRM.	
Comme	il	s’agit	ici	d’un	texte	à	orientation	pratique	et	pédagogique,	il	utilise	un	style	direct,	concis	
et	peu	«	littéraire	»,	sans	pour	autant	répondre	aux	standards	habituels	des	publications	scientifiques.	
	
Annette	Vande	Gorne	
Ohain,	octobre	2017	
																																																													
1
Schaeffer, P. 1952, À la recherche d’une musique concrète. Paris : Seuil 228 p.
2
Terme repris par Pierre Schaeffer dans son Traité des Objets Musicaux à Jérôme Peignot qui le cite dans
un article de critique du premier concert de musique concrète à Paris en 1948. Dans le dictionnaire de
Littré, au 19e
siècle, un acousmate est un bruit dont on ignore la cause.
3
Bayle, F. 1985, Acousmatique musique, http://www.universalis.fr/encyclopedie/musique-acousmatique/
4
Nom originel : « classe de musique fondamentale et appliquée à l’audiovisuel » cf. http://omf.paris-
sorbonne.fr/AUX/d-TXT/L3-XX EA-2.pdf
5
Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse.
6
Groupe de recherche de musique concrète : Schaeffer, Henry, Ferrari, Bayle, Parmegiani, Malec, Ferreyra,
Lejeune, Reibel, Chion pour ne citer que les plus actifs dans le GRM de l’époque 1948-±1970
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
2	
Afin	d’en	avoir	une	vision	d’ensemble,	voici	un	tableau	qui	évoque	les	différentes	étapes	de	travail	en	
studio,	c’est	un	travail	lent	et	précis	qui	permet	de	remettre	vingt	fois	sur	le	métier	son	ouvrage.	Évi-
demment,	ce	tableau	est	indicatif,	chaque	compositeur	ou	artiste	sonore	se	forge	sa	propre	méthode.	
	
CHAPITRE 1 : les modèles énergétiques
Ce	chapitre	est	sans	aucun	doute	le	plus	fondamental	et	original	de	ce	traité.	Il	puise	ses	ressources	chez	
Pierre	Schaeffer	(le	vocabulaire	descriptif	des	sons	entendus),	François	Bayle	(quelques	notions	qui	ca-
ractérisent	l’acousmatique)	et	Guy	Reibel	(la	séquence-jeu,	l’importance	du	geste).	
PRÉSENTATION	DU	PROGRAMME	DE	TRAVAIL	
La	séquence-jeu7
Il	s’agit	là	d’un	moyen,	simple	et	efficace,	de	pénétrer	immédiatement	au	cœur	du	musical,	par	une	rela-
tion	 expressive,	 personnelle	 au	 son,	 dans	 la	 continuité	 improvisée	 d’une	 séquence	 balisée	 par	 la	
mémoire,	 dans	 l’exploration	 et	 le	 jeu,	 orienté	 par	 une	 contrainte	 musicale,	 sur	 un	 ou	 plusieurs	 corps	
sonores,	dans	l’aller-retour	constant	entre	le	faire	et	l’entendre8
,	dans	la	relation	main	/oreille9
,	bref,	
dans	cette	relation	si	particulière	d'un	instrumentiste	à	son	instrument.	
Séquence-jeu	et	énergie	
Les	quatre	paramètres	du	son	de	la	musique	acousmatique	:	
Non	plus	:	hauteur,	rythme,	durée,	timbre,	
Mais	:	Énergie-mouvement,	morphologie,	espace,	couleur	(spectre).
																																																													
7
http://www.aecme.fr/définitions : une excellente explication de ce concept particulier, par Denis Dufour :
« La notion de séquence-jeu a été développée par Guy Reibel dans le cadre de son enseignement de la mu-
sique électroacoustique au CNSMD de Paris à partir de 1975 pour sortir de la logique d'écriture par
montage d'objets sonores ou de l'utilisation de trames informes et redonner vie au geste instrumental.
Pour réaliser une séquence-jeu (électroacoustique), il faut un exécutant, un corps sonore, un microphone et
un enregistreur. Ce n'est qu'après avoir expérimenté toutes les possibilités de ce corps sonore, en relation
avec le meilleur emplacement possible du micro, que l'exécutant détermine le paramètre dont il va tirer, par
des gestes maîtrisés, une “écriture” variée. Respectant ainsi le principe de permanence-variation propre à
tous les instruments, il va jouer sa phrase selon un déroulement exempt de toute velléité de construction
arbitraire, de tout langage établi, portant toute son attention sur le seul paramètre choisi, les autres n'évo-
luant, naturellement ou accidentellement, qu'en fonction de celui-ci. Il s'agit en quelque sorte d'une
improvisation très cadrée, non pensée comme une composition mais comme une écriture, où le détail des
inflexions, des nuances, des élans, des profils mélodique, rythmique et dynamique, etc. forme un phrasé
comparable à celui d'une ligne de contrepoint d'école que nulle répétition, nulle stagnation, nul parti-pris
arbitraire ne viendraient freiner, rompre ou dévier.
Pour résumer, une séquence-jeu est une phrase musicale enregistrée, de deux à trois minutes, obtenue par
une continuité d'exécution à partir d'un mode de jeu unique sur un seul corps sonore et dont le déroule-
ment toujours renouvelé respecte les caractéristiques “naturelles” du dispositif. »
8
Schaeffer P. 1966, rééd. 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil p.37
9
Bayle, F. 1993, musique acousmatique “propositions…positions”. Paris : Buchet/Chastel p.17
Projet(titre) matières: séquences-jeu:
corps sonores, synthèse
choisir, nettoyer, nommer, archiver
écritures par montage
Transformations
écritures par mélanges
spatialisation
idée abstraite, récit, texte…
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
3	
IDEES-FORCES	:	Séquence-jeu	et	geste	
Au	début,	en	rapport	avec	le	Traité	des	Objets	Musicaux,	pour	composer	il	manquait,	dans	la	recherche	
de	Schaeffer,	la	notion	de	séquence-jeu,	qui	reflète	une	évolution	dans	la	jeune	histoire	des	musiques	
électroacoustiques.	
Jusque	1966	:	les	objets	sonores	(ceux	de	la	perception,	à	ne	pas	confondre	avec	les	corps	sonores,	ceux	
du	jeu	musical)10
	permettent	l’analyse	descriptive.	
On	a	alors	constaté	une	frustration,	un	pensum.	
En	découle	la	nécessité	de	fabriquer	une	situation	où	l’invention	puisse	vraiment	se	développer	et	non	
fabriquer	des	unités	de	son	différentes,	les	unes	à	côté	des	autres	:	«	bazar	»	sonore	(selon	Guy	Reibel)	
—	L’importance	du	geste	s’associant	à	l’invention	musicale	:	L’action	sonore	n’est	pas	innocente,	donc	la	
meilleure	forme	en	est	la	séquence.	
Les	phénomènes	musicaux	sont	placés	dans	un	contexte,	avec	une	progression	d’un	état	à	un	autre.	
—	La	notion	essentielle	de	jeu.	
Le	geste	matérialise	l’intention	musicale	intérieure.	
Le	geste	devient	source	d’inspiration.	
—	les	corps	sonores	:	non	plus	camouflage	des	objets	«	bidules	»	mais	imaginer	de	nouveaux	dispositifs	
en	évitant	l’ambiguïté	des	instruments	traditionnels	utilisés	en	dehors	de	leur	meilleure	capacité	et	non	
construits	pour	les	énergies	mises	en	œuvre,	qui	relèvent	d’une	pensée	musicale	différente.	
Ce	qui	est	intéressant,	dans	le	cadre	des	séquences-jeu	:	
—	les	modèles	naturels	:	la	plupart	relèvent	de	la	physique	des	corps	solides	ou	liquides.	Ce	sont	des	ar-
chétypes,	une	des	notions	inhérentes	à	la	musique	acousmatique.	
—	description	des	gestes	en	rapport	avec	les	sons.	
Gestes	continus.	
Gestes	à	caractère	périodique	(répétition	à	long	terme).	
Gestes	à	caractère	répété.	
Gestes	hésitants,	équilibre	(entre	continu	et	autres).	
Gestes	globaux	sur	dispositif	(rebonds,	oscillations).	
Les	micros	observent	le	résultat	et	y	participent.	
—	importance	des	gestes	et	du	dispositif	mis	en	place	avec	le(s)	corps	sonore(s)	et	sa	relation	avec	le	mi-
cro-loupe,	enregistré	et	écouté	à	travers	le	casque	porté	par	la	personne	qui	improvise.	
LE	GESTE	
C’est	la	traduction	de	quelque	chose	de	profond,	d’intime,	comme	le	jeu,	décrit	par	Jean	Piaget11
	d’un	
jeune	enfant	qui	découvre	intuitivement	les	multiples	variations,	notamment	sonores,	d’un	jouet	qu’il	
fait	inlassablement	tomber.	
Le	contact	avec	le	corps	sonore	laisse	apparaître	alors	une	musicalité	à	la	source,	primitive	et	sensible,	
naturelle,	et	non	une	composition,	qui	est	l’ordonnance	formelle	du	sensible.	
Commentaires	
S'impliquer,	écouter	avec	tout	le	corps.	Faire	apparaître	les	racines,	les	comportements	intimes	corporels	souvent	
dépassés,	et	éliminés	par	l’éducation,	la	vie.	
La	répétition	est	un	parti	pris	différent	de	la	musique	de	l’instant,	improvisée.	
																																																													
10
Objet sonore : ce que j’entends, l’objet de ma perception, qui est entièrement dé-corrélé du corps sonore
grâce auquel le son est produit. Un même corps sonore produit des dizaines d’objets sonores différents tels
qu’ils sont décrits et catalogués dans le Traité des objets musicaux de Schaeffer, et définis de manière plus
condensée dans : Chion, M. 1983, guide des objets sonores. Paris : INA/Buchet-Chastel, p.177
11
Le stade de l'intelligence sensori-motrice dure de la naissance à deux ans. À partir de réflexes simples et
d'habitudes acquises, le stade sensorimoteur aboutit à la construction de conduites de plus en plus structu-
rées et complexes. Ce stade est caractérisé par la construction du schème (forme de connaissance qui as-
simile les données du réel et qui est susceptible de se modifier par l'accommodation à cette réalité), de
l'objet permanent et la construction de l'espace proche (lié aux espaces corporels). Lors des stades sui-
vants, l'enfant reconstruit en pensée et en représentation ce qui lui était acquis lors du stade de l'intelli-
gence sensori-motrice.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
4	
Être	observateur,	être	agissant	et	agir	par	le	phénomène	sonore,	la	rétroaction	de	l’écoute	;	le	Faire	et	l’Entendre	
schaefférien.	
Jouer	de	la	surprise	et	de	son	originalité	:	si	je	suis	(pré)	déterminé,	je	ne	découvre	rien.	
La	musicalité	vient	du	jeu	gestuel.	
Ne	pas	se	contenter	d’observer	les	réactions	d’un	dispositif	choisi.	
Geste	ouvert,	pas	trop	en	retrait.	
POINT	DE	VUE	MUSICAL	
Effort	de	localisation	d'une	idée	musicale,	la	varier,	la	travailler	pour	elle-même,	faire	émerger	l'invention	
du	geste	et	de	la	mémoire.	
Les	séquences	sont	courtes	(jusque	3,	4	minutes),	sans	forme	déterminée.	
On	doit	sentir	l'implication	mentale	et	gestuelle	intéressante	à	écouter.	
C’est	ici	que	la	démarche	concrète	prônée	par	Schaeffer	prend	tout	son	sens	:	ne	rien	prévoir,	pas	de	plan	
préétabli	(le	«	hors	champ	»	de	Xenakis)	mais	faire	évoluer	la	séquence,	par	la	mémoire	de	ce	qui	a	déjà	
été	réalisé,	vers	un	futur	incertain,	en	vivant	intensément	le	moment	présent.	
Exemples	
Percussion-résonance	
Rapport	entre	résonance	et	geste	modulant,	rapport	très	instrumental	
Frottement	
Geste	le	plus	"primitif",	proche	du	corps,	dont	la	qualité	détermine	directement	celle	du	son	
Accumulation	de	corpuscules	(à	la	limite	du	frottement	appuyé)	
Geste	global,	dominateur,	minimal	par	rapport	à	la	densité	d'évènements	générés	
Oscillation	
Geste	de	déclenchement	et	observation	
Balancement	
Geste	qui	relance	et	modifie	
Rebond	
Modèle	un	peu	semblable	à	l'oscillation	par	geste	de	déclenchement	(les	oscillations	sont	plus	rapides	
et	entre	deux	pôles,	à	vitesse	constante,	les	rebonds	jouent	sur	un	seul	pôle	à	vitesse	progressive	et	
peuvent	être	interrompus	et	relancés)	
Flux	
Geste	minimal	et	progressif	qui	tient	plus	compte	de	l’écoute	attentive	(en	zoom	allant	du	global	
homogène	au	détail	varié)	que	du	geste	lui-même.	
Pression-déformation,	flexion	
Conséquence	d’une	force	réelle	ou	simulée.	Geste	souvent	en	aller-retour	
Rotation	
Une	chaîne	acoustique	ou	plusieurs	chaînes	:	gestes	répétitifs	
Spirale	
Geste	répétitif,	avec	variations	de	vitesse.	Geste	volontaire	
POINT	DE	VUE	TECHNIQUE	
En	commençant	la	formation	par	des	séquences-jeux,	on	aborde	le	studio	simplement,	avec	initiation	à	la	
prise	 de	 son	 (caractéristiques	 différentes	 des	 microphones	 et	 de	 leurs	 placements)	 et	 au	 montage	
(nettoyage	simple).
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
5	
	
Méthode	de	travail	
Choix	 du	 ou	 des	 corps	 sonores	 en	 fonction	 du	 modèle	 énergétique	 travaillé.	 Attention	 au	 fait	 qu’un	
même	 corps	 sonore	 et	 surtout	 un	 même	 instrument	 musical	 peut,	 selon	 les	 gestes,	 produire	 des	
catégories	énergétiques	très	différentes.	
Par	exemple,	le	piano	peut	générer	à	la	fois	:	percussion-résonance,	frottement,	rebond,	rotation,	flux…	
Choix	du	dispositif	:	relation	entre	la	source	et	sa	captation.	Nombre	de	micros	[mono,	stéréo	(quelle	
technique	?),	multiphonique],	distance	fixe	(micro[s]	sur	pieds)	ou	mobile	(mouvement	de	la	source	ou	
mouvement	microphonique).	
L’écoute	 au	 casque,	 en	 direct,	 est	 indispensable.	 Si	 plusieurs	 intervenants	 sont	 nécessaires,	 ceux	 qui	
manipulent	 les	 corps	 sonores	 écoutent	 les	 sons	 au	 casque,	 écoute	 qui	 est	 très	 différente	 de	 l’écoute	
acoustique,	grâce	à	«	l’effet	de	loupe	»	du	microphone.	
Deux méthodes
1.	 Étude	 préalable	 des	 possibilités	 du	 dispositif	 puis	 enregistrement	 d’une	 ou	 plusieurs	 séquences.	
Réécoute	et	choix	de	la	meilleure.	Montage	limité	à	l’élimination	des	défauts	techniques.	
2.	Enregistrement	en	continu	de	tous	les	essais.	Réécoute	et	choix	des	meilleurs	moments	assemblés	
ensuite	par	montage.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
6	
LES	ÉNERGIES	
Le	modèle	énergétique	permet	d'être	déjà	dans	un	univers	musical	déterminé,	basé	pour	la	plupart	sur	
des	modèles	physiques.	C’est	un	archétype	(notion	fondamentale	en	conduite	d’écoute	acousmatique).	
Il	s’agit	de	réaliser	une	séquence	faisant	apparaître	une	idée	musicale	en	rapport	avec	le	modèle.	
Percussion-résonance	
Modèle	morphologique	:	
Mode	de	production	sonore	le	plus	général,	le	plus	instrumental.	
Qu’est-ce	qu’un	instrument	(lutherie)	ou	un	corps	sonore	?	:	excitateur,	résonateur,	diffuseur.	
Sons	instrumentaux	:	excitation	—	attaque	et	sa	conséquence.	
Modèle	 naturel	 le	 plus	 général	 qui	 soit	:	 attaque,	 chute	 de	 l’attaque,	 entretien,	 chute.	 Plus	 connu	 en	
anglais	par	attack,	decay,	sustain,	release,	ADSR.	C’est	un	modèle	instrumental.	
Méthode	de	travail	
La	percussion-résonance	est	une	énergie	à	bien	étudier	du	point	de	vue	de	sa	résultante	sonore,	souvent	
«	masquée	»	par	le	geste,	et	la	tradition	rythmique	associée	à	la	percussion.	Le	couple	
«	faire/entendre12
	»	de	Pierre	Schaeffer	prend	ici	tout	son	sens.	
C'est	tout	le	dispositif	micro/haut-parleurs	qui	compte.	Il	est	donc	primordial	d’y	intégrer	le	mouvement	
du	micro	(geste	musical)	pour	une	utilisation	du	dispositif	percussion/mouvement	du	micro.	
Jeu dans la résonance
La	résonance	est	la	résultante	de	la	percussion,	son	<halo	harmonique>13
	
La	résonance	donne	sa	couleur	à	l’attaque	:	pour	changer	ses	harmoniques,	il	faut	changer	la	forme	du	
résonateur.	
La	modulation	de	la	forme	de	la	résonance	est	également	possible	par	le	jeu	gestuel	avec	le	micro.	
L’utilisation	 du	 micro-contact	 rend	 le	 son	 comme	 écrasé,	 sans	 troisième	 dimension,	 il	 en	 résulte	 un	
espace	haptique	à	l’image	d’un	bas-relief	égyptien	:	tout	est	sur	un	même	plan.	
Jeu par les excitateurs
On	 observe	 les	 phénomènes	 provoqués	 par	 différents	 types	 d’excitateurs	 sur	 le	 même	 corps	 sonore,	
comme	variations	sonores	des	attaques	et	des	résonances.
Commentaires	
La	trompette	a	une	attaque	dure	et	une	résonance	entretenue	;	le	piano	a	une	attaque	dure	et	une	résonance	en	
chute	immédiate,	sans	entretien	dont	on	ne	contrôle	pas	la	chute,	sauf	par	le	jeu	de	pédale	;	le	violon	a	une	attaque	
douce,	et	un	entretien	contrôlé,	sans	chute,	sauf	celle	définie	par	l’acoustique	du	lieu	;	les	percussions	sèches	ont	
une	attaque	brève,	d’amplitude	forte,	sans	entretien,	avec	chute	rapide.	
Le	 facteur	 <dynamique>	 (amplitude)	 et	 le	 critère	 morphologique	 <halo	 harmonique>	 entrent	 en	 jeu	
comme	 variation	 perceptive	 de	 la	 percussion-résonance,	 de	 même	 que	 les	 critères	 d’attaque,	 et	
d’entretien.	
Exemples	sonores	
Ivo	Malec,	Attaqua,	4:58	
François	Bayle,	Énergie	libre,	Énergie	liée,	1:56	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	4e
	élément	:	Métal,	0:49	
Michael	Obst,	Metal	drop	music,	0:31	
Bernard	Parmegiani,	De	Natura	Sonorum	4	:	Dynamique	de	la	résonance,	2:53	
Pierre	Schaeffer,	Étude	aux	allures,	0:51	
Jonty	Harisson,	Klang,	2:15	
																																																													
12
Schaeffer P. 1966, rééd. 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil p.37
13
Ibidem pp.516-517
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
7	
Frottement-granulation	
Frottement	:	énergie	brute	entre	2	surfaces	qui	se	rencontrent.	
C’est	un	modèle	gestuel,	de	mouvement	:	une	représentation	mentale	du	geste	basée	sur	le	connu	:	cf	
Jean	Piaget14
.	Cette	représentation	est	proprio-perceptive.	
Il	s’agit	de	passer	d’un	état	glissant	à	un	arrêt,	d’envisager	tous	les	états,	les	équilibres	instables	(les	
grains)	entre	ces	deux	pôles.	
Il	y	a	un	rapport	direct	entre	intention,	geste	et	sons	résultants.	
La	signification	profonde,	affective	est	dans	le	geste	:	pour	le	musicien	comme	pour	le	danseur,	le	peintre	
ou	 le	 sculpteur,	 l’émotion	 est	 transmise	 par	 la	 qualité	 et	 le	 vécu	 intense	 des	 gestes	 physiques	 qui	
expriment	un	ressenti.	
Méthode	de	travail	
C’est	un	modèle	global,	on	le	pense	plus	en	séquence-jeu	assez	improvisé.	On	se	laisse	guider	par	le	
geste	 et	 l’écoute	 au	 casque.	 Le	 couple	 main	 —	 oreille15
	trouve	 toute	 sa	 justification	 dans	 ce	 modèle	
énergétique	du	frottement.	
Prise	de	son	des	corps	sonores	en	rapport	direct	avec	le	corps	humain.	
Le	micro	fait	partie	de	l’instrument	(ou	de	la	façon	de	tenir	l’instrument)	
Passer	du	lisse	au	granuleux	et	au	ponctuel.	
Le	granuleux	est	un	type	d’énergie	qui	résulte	d’un	effort	:	
La	 personne	 qui	 écoute	 va	 le	 ressentir,	 avec	 son	 propre	 corps,	 car	 elle	 a	 une	 connaissance	 proprio-
perceptive	des	mêmes	mouvements.	
Retenir	les	choses,	les	laisser	aller.	
Commentaires		
Le	frottement	génère	un	rapport	ligne-point	(cf.	Paul	Klee
16
).	
La	dynamique	de	la	ligne,	la	dynamique	du	point	et	tous	les	phénomènes	intermédiaires	:	passer	d’un	état	à	un	
autre	d’un	même	phénomène,	la	ligne	étant	le	repos,	le	relâchement	du	point	itératif.	
Calibre	des	points	entre	eux,	calibre	des	lignes	entre	elles.	
Dynamique	du	mouvement,	qui	n’est	pas	nécessairement	«	rectiligne	».	
Le	frottement	est	l’énergie	qui	laisse	le	plus	passer	l’idée	du	mouvement.	
C’est	une	énergie	la	plus	primaire,	la	plus	primitive,	la	plus	proche	des	enfants	entre	0	et	2	ans.	
	
Le	 facteur	 <vitesse>	 et	 le	 critère	 typologique	 de	 matière	 <grain>	 entrent	 en	 jeu	 comme	 variation	
perceptive	du	frottement,	de	même	que	le	critère	d’entretien	<itératif>	:	entretien	du	son	découpé	et	
répété.	
Exemples	sonores	
Pierre	Henry,	Variations	pour	une	porte	et	un	soupir,	1:49	
Pierre	Henry,	Le	voyage	:	souffle	1	et	souffle	2,	2:44;	1:54	
Bernard	Parmegiani,	De	Natura	Sonorum	:	étude	élastique,	2:28	
Bernard	Parmegiani,	Dedans-dehors	(proche-lointain),	au	début,	5:09	
Bertrand	Dubedout,	Aux	lampions,	3e
	mouvement	Sous	les	planches,	1:33	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	2e
	élément	:	Feu	(début),	1:45	
Philippe	Mion,	Confidence,	1:28	
Henri	Kergomard,	Plume	de	roche,	3:31	
Helmut	Lachenman,	Pression	pour	vlc,	3:06	
Helmut	Lachenman,	Dal	Niente	(intérieur	III)	pour	clarinette,	début,	1:46	
Luigi	Ceccarelli,	Cadenza,	2:47
																																																													
14
https://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/0001/bin66/textes/theoa.htm
15
Bayle, F.1993, musique acousmatique “propositions…positions”. Paris : Buchet/Chastel p.17
16
Klee, P. 1968, Théorie de l'art moderne. Genève : Denoël-Gonthier
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
8	
Accumulation	de	corpuscules	
Synthèse	granulaire	:	les	grains	sont	au-dessus	du	seuil	de	perception	auditive	
Modèle	beaucoup	plus	global,	modèle	de	corpuscules	fonctionnant	en	accumulation.	
Modèle-image	:	Selon	l’échelle	de	perception,	une	même	source	sonore	devient	un	objet	corpusculaire,	
ou	par	exemple	un	flux	:	
La	mer	(proche=corpuscules,	loin=flux),	l’eau	(idem).	
Une	foule	sur	un	terrain	de	football	(loin=corpuscules,	proche=événements	détaillés,	cris,	etc.).	
Le	vent	dans	les	feuilles	(proche=corpuscules,	loin=flux).	
On	écoute	l’évolution	globale	de	l’ensemble	des	grains.	
Mode	de	fonctionnement	dans	la	durée	par	accumulation	;	Processus	et	non	formes.	
On	peut	entendre	les	mini-particules	qui	ressortent	de	l’ensemble	(par	exemple,	celles	générées	par	le	
papier	aluminium)	en	privilégiant	l’aigu.	
Corpusculaire	global	:	accumulation	d’atomes.	
Le	critère	de	matière	<grain>,	de	<masse>	(occupation	du	champ	des	hauteurs),	son	<calibre>	(gros	à	
très	fin)	et	la	<densité>	des	accumulations	sont	des	facteurs	de	variations	perceptives	de	l’accumulation	
de	corpuscules.	Le	courant	«	noise	»	des	musiques	électroniques	en	est	la	meilleure	illustration.	
Commentaires	
À	noter	ici	une	différence	entre	frottement	et	accumulation	de	corpuscules	:	Si	le	frottement	génère	des	grains	
«	individuels	»	ou	itératifs,	ou	du	grain	tellement	fin	qu’il	se	rapproche	de	l’entretien	lisse	du	son,	l’accumulation	de	
corpuscules,	 plus	 globale,	 génère	 des	 masses	 de	 grains	 telles	 que	 la	 perception	 porte	 plus	 sur	 le	 couple	
forme/matière	de	Pierre	Schaeffer
17
	que	sur	le	détail	des	granulations.	Ici	aussi,	le	critère	<masse>	est	important.	
Exemples	sonores	
Barry	Truax,	Riverrun	(synthèse	granulaire),	4:25	
Guy	Reibel,	Granulation-sillage	:	Granulation,	4:17	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	1er
	élément,	Eau,	3:08	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	2e
	élément,	Feu,	0:37	
Bernard	Parmegiani,	Dedans,	Dehors	:	métamorphoses,	6:20	
Bernard	Parmegiani,	Rouge	Mort	:	Thanatos,	derniers	jeux	5:13.	Mode	de	fonctionnement	en	oscillation.	
Iannis	Xenakis,	Concret	PH,	2:44	
Iannis	Xenakis,	La	légende	d’Ear	(octophonique)	=	Immersion-sensation,	5:24	
Iannis	Xenakis,	Piktoprakta	pour	orchestre,	0:20	
Bernard	Fort,	Fractal	V,	1:10	
François	Bayle	Match	nul,	«	L’expérience	Acoustique	»,	chap.	L’Aventure	du	Cri,	1:42	
François	Bayle,	Bâton	de	pluie,	1:06	
François	Bayle,	Paysage,	personnage,	nuage,	0:57	
Michèle	Bokanowski,	Tabou,	4:15	
Denis	Smalley,	Wind	Chimes	(aussi	percussion-résonance),	1:30	
Robert	Normandeau,	Murmures,	2:13	
Elainie	Lillios	Deep	fire,	1:01	
John	Oswald,	Skindling	Shadès,	5:00	
Pierre	Henry,	Le	livre	des	morts	égyptiens	1-Navigation,	1:21	
Francis	Dhomont,	Forêt	profonde	:	Chambre	de	lumière,	1:11	
En	cuerdas,	0:32	
Les	moirures	ou	Moirures	(vidéo-musique),	1:14	
Phœnix	XXI,	1:05	
Ricercare,	0:49	
Convulsive, 0:36	
																																																													
17
Schaeffer P. 1966, rééd.1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.399-403
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
9	
Oscillation	
Modèle	mathématique	:	Loi	qui	décrit	un	phénomène	physique	:	loi	du	pendule.	
Dispositif	énergétique	fondamental	qui	entre	en	oscillation.	
Oscillation	:	Deux	pôles,	entendus	comme	tels,	avec	un	mouvement	rapide	et	régulier,	mécanique.	
Geste	de	déclenchement	puis	observation	de	la	loi	:	rencontre	entre	le	geste	et	la	loi,	qui	est	le	modèle.	
La	variabilité	de	la	force	du	geste	de	déclenchement	va	déterminer	la	variété	des	sons	résultants.	
Le	trille,	joué	très	régulièrement,	en	est	un	exemple	dans	le	jeu	instrumental.	
Les	 facteurs	 de	 variation	 sont	 <force	 de	 déclenchement,	 vitesse,	 densité,	 fréquence,	 spectre,	 espace	
Gauche-Droite,	espace-plan	de	profondeur>.	
Commentaires	
Être	dans	le	son	et	non	dans	le	jeu	d’un	corps	sonore	qui	apparaît	alors	dans	toute	sa	dérision,	car	on	reste	à	
l’extérieur	de	l’écoute	du	son.	
Moduler	le	geste	par	la	loi.	
La	variabilité	d’un	modèle	qui	répond	à	une	loi	dépend	donc	des	différents	facteurs	qui	varient	la	loi,	et	non	le	son.	
Donc,	l’oscillation	dépend	du	nombre,	du	poids,	de	l’emplacement	des	excitateurs,	de	la	force	appliquée	sur	les	
excitateurs,	de	la	durée	laissée	à	l’oscillation.	
Exemples	sonores	
Bernard	Parmegiani,	Pour	en	finir	avec	le	pouvoir	d’Orphée	:	l’oscillée,	3:29	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	3e
	élément	Bois	:	3e
	partie	à	7:08,	3:51	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	4e
	élément	Métal,	2:59	
Georgy	Ligeti,	Continuum	pour	clavecin,	3:57	
François	Bayle,	«	L’expérience	Acoustique	»,	le	langage	des	fleurs	:	Métaphore,	3:25	
François	Bayle,	Grande	Polyphonie	:	2e
	polyphonie,	4:54	
François	Bayle,	Camera	oscura	:	vibrato,	1:55	
François	Bayle,	Bâton	de	pluie	(à	16’),	1:06
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
10	
Balancement	
Dispositif	énergétique	fondamental	qui	entre	en	oscillation.	
Le	 geste	 est	 volontaire,	 en	 alternance,	 provoquant	 différents	 balancements	;	 vision	 d’une	 mécanique	
intéressante	dans	laquelle	on	intervient.	
Balancement	:	2	pôles	comme	points	d’arrivée	d’un	mouvement	plus	lent,	irrégulier,	gestuel,	dont	on	
peut	entendre	le	trajet	entre	les	deux	pôles.	
Ce	 trajet,	 mouvement	 continu	 entre	 deux	 pôles,	 peut	 être	 celui	 d’une	 <allure>,	 critère	 d’entretien	
schaefférien18
.	
Ce	qui	compte	c’est	le	comportement	(alternance	irrégulière),	pas	le	son	qui	peut	changer.	
Les	facteurs	de	variations	sont	<vitesse,	densité,	fréquence,	spectre,	espace	Gauche-Droite,	espace-plan>	
Image-modèle	:	l’enfant	poussé	par	un	parent	sur	la	vieille	balançoire	grinçante.	
Commentaires	
Gestes	fins,	cohérence	sonore,	reprise	en	main	de	la	loi.	Contrairement	à	l’oscillation,	le	geste	reprend	ici	toute	son	
importance	 puisque	 sa	 force,	 sa	 vitesse	 et	 le	 fait	 de	 laisser	 aller	 jusqu’au	 bout	 ou	 de	 relancer	 le	 balancement	
introduisent	des	variations	qui	entretiennent	l’intérêt	et	l’éveil	de	l’écoute.	
Exemples	sonores	
Guy	Reibel,	Balancement	(extrait	de	Granulation/sillage),	3:49	
François	Bayle,	Bâton	de	pluie	(oscillation+balancement),	0:33	
François	Bayle,	Motion-émotion,	1:14	
François	Bayle,	Camera	Oscura	:	6e
	prélude,	2:23	
François	Bayle,	Toupie	dans	le	ciel	(pédale	grave	en	balancement	à	partir	de	2’30),	5:58	
François	Bayle,	«	L’Expérience	Acoustique	»,	le	langage	des	fleurs	:	Métaphore,	3:35	
Pierre	Henry,	Variations	pour	une	porte	et	un	soupir	:	balancement,	3:16	
Randall	Smith,	L’oreille	voit,	1:26,	balancement	spatial	
Annette	Vande	Gorne,	Figures	d’espace	:	Vagues,	3:29	
																																																													
18
Schaeffer, P. 1966, rééd.1977, Traité des Objets Musicaux. Paris : Seuil pp.556-560
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
11	
Rebond	
Modèle	mathématique	;	Loi	qui	décrit	un	phénomène	physique	:	loi	du	rebond.	
Rebond	:	 mouvement	 répété	 sur	 un	 seul	 pôle,	 avec	 accélération	 progressive	 et	 prévisible	 des	 chocs	
(diminution	du	temps	entre	deux	chocs).	
Geste	de	déclenchement	puis	observation	de	la	loi	:	rencontre	entre	le	geste	et	la	loi,	qui	est	le	modèle.	
La	variabilité	de	la	force	du	geste	de	déclenchement	va	déterminer	la	variété	des	sons	résultants.	
La	 synthèse,	 ou	 le	 son	 à	 l’envers,	 permettent	 d’inverser	 le	 mouvement	:	 décélération	 progressive.	 En	
mode	 «	acoustique	»,	 le	 rebond	 produit	 un	 profil	 mélodique19
	vers	 l’aigu	 au	 fur	 et	 à	 mesure	 de	
l’accélération	de	la	vitesse	des	rebonds	(alors	que	la	hauteur	physique	du	rebond	diminue).	
Le	facteur	<vitesse>	et	le	critère	typologique	<halo	harmonique>	et	<matière>	entrent	en	jeu	comme	
variation	perceptive	du	rebond.	
Le	 critère	 d’entretien	 <itératif>	 est	 une	 répétition	 régulière,	 mécanique,	 sur	 un	 seul	 pôle	 comme	 le	
rebond,	mais	sans	accélération	de	la	vitesse.	
Commentaires	
Jeu	avec	un	seul	corps	sonore,	ou	avec	plusieurs	;	sur	une	seule	surface	ou	sur	plusieurs	dont	les	différences	de	
matières	varieront	les	couleurs	des	impacts	et	leur	halo	harmonique.	
Jeu	qui	observe	le	déroulement	mathématique	du	modèle	jusqu’à	son	extinction,	ou	au	contraire,	qui	donne	une	
intention	 musicale	 en	 reprenant	 la	 chose	 en	 main	 (modèle	 gestuel),	 avec	 des	 hésitations,	 des	 variations	
d’amplitude,	de	densités	d’évènements	différentes.	
En	résumé	:	
Loi	:	accélération	ou	décélération	régulière,	prévisible	sur	un	seul	pôle	d’impact.	
Jeu	:	1.	Observation	de	la	loi	jusqu’à	son	extinction	-2.	«	Reprise	en	main	»	de	la	loi	-3.	Multiplication	
des	événements	en	rebond	-4.	Multiplication	des	surfaces/matières	d’impacts.	
Exemples	sonores	
Bernard	Parmegiani,	De	Natura	Sonorum	:	pleins	et	déliés,	4:40	
François	Bayle,	Onoma	:	Rebond,	3:08	
François	Bayle,	Camera	Oscura,	4e
	prélude	:	Toccata,	1:11	
François	Bayle,	Tremblement	de	terre	très	doux	:	Paysage	1,	3:23	
Randall	Smith,	Elastic	Rebound,	3:05	
Panayotis	Kokoras,	Anechoic	pulse,	2:02	
Guy	Reibel,	Variations	en	étoile,	0:46	
Francis	Dhomont,	Vol	d’arondes,	1:12	
Annette	Vande	Gorne,	Figures	d’espace	:	ritournelles,	0:36
																																																													
19
Trajet continu dans le champ des hauteurs.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
12	
Flux	
Variation	continue	et	lente	:	énergie	«	minimale	»,	de	type	homogène20
,	avec	taux	de	variation	minimum.	
Musicalement,	il	s’agit	de	maintenir	et	de	resserrer	l’écoute	malgré	l’absence	de	contours,	le	cadrage	
«	vu	de	loin	»,	le	peu	de	moyens	musicaux.	
Le	 modèle	 en	 flux	 continu	 est	 peut-être	 l’image	 de	 marque	 la	 plus	 fréquente	 de	 la	 musique	
électroacoustique,	en	raison	du	débit	continu	caractéristique	des	instruments	de	synthèse	analogique	
des	 années	70,	 et	 de	 l’absence	 de	 pulsations	 que	 leur	 construction	 par	 modules	 interconnectés	
permettait.	C’est	ce	qui	l’oppose,	perceptivement,	aux	musiques	instrumentales	scalaires	et/ou	pulsées.	
Se	rappeler	Héraclite,	pour	qui	l’éternité	est	l’instant	présent,	qui	change	à	chaque	instant,	et	pourtant	
toujours	le	même,	tel	un	fleuve.	
Le	facteur	<densité>	et	le	critère	<profil	de	masse>21	
entrent	en	jeu	comme	variation	perceptive	du	flux.	
Commentaires	
Le	flux	relève	de	la	métamorphose	:	transformation	par	mutations	successives,	fondu-enchaînés
22
.	Les	musiques	
répétitives,	 le	 minimalisme	 américain	 sont	 caractéristiques	 d’une	 homogénéité	 temporelle	 en	 flux,	 avec	
transformations	lentes	par	approximations	successives.	
Le	 flux	 est	 donc	 continu,	 c’est	 une	 trame
23
	de	 durée	 «	non	 convenable	»	 (Schaeffer),	 longue.	 Le	 défi	 est	 de	
maintenir	 l’intérêt	 de	 l’écoute	 malgré	 un	 degré	 minimal	 de	 variation.	 Introduire	 des	 accidents	 permet	 de	
renouveler	l’écoute.	
Exemples	sonores	
François	Bayle,	La	main	vide	I	:	Bâton	de	pluie,	2:07	
François	Bayle,	«	L’expérience	Acoustique	»,	L’épreuve	par	le	son	:	transparence	du	purgatoire	:	écoute	
active,	pédagogie	de	l’écoute.	Temps	présent,	3:23	
François	Bayle,	Concrescence,	1er
	mouvement	de	«	La	forme	du	Temps	est	un	cercle	»,	1:39	
Bernard	Parmegiani,	De	Natura	Sonorum	:	géologie	sonore.	Un	récit	:	Flèche	du	temps,	téléologique,	
4:34	
Steve	Reich, The	Desert	Music,	3e
	mouvement	:	même	isorythmie	sur	séquences	répétitives	différentes,	
construites	selon	le	même	schéma,	7:00	
Georgy	Ligeti,	Continuum	pour	clavecin,	3:57	
Georgy	Ligeti,	Coulée	pour	orgue,	3:30	
Georgy	Ligeti, volumina	pour	orgue,	1:53	
Georgy	Ligeti,	Lux	Æterna	pour	16	voix	mixtes	a	capella,	9:29	
Michel	Redolfi,	The	underwater	park	at	sunset,	4:07	
Robert	Murray	Schäfer,	2e
	quatuor	Waves	:	Allures.	Récit	actif,	1:06	
Jean-François	Laporte,	Mantra	:	écoute	passive.	Temps	présent,	5:01	
François	Bayle,	Univers	nerveux,	1:04
																																																													
20
Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.517-518
21
Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.542-543 changement
continu de la masse
22
Voir le chapitre consacré aux techniques d’écriture par mélange.
23
Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.455-557 continuité dans la
durée.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
13	
Pression-déformation	(flexion)	
Énergie	en	aller-retour	continu	entre	deux	pôles.	Force	appliquée	et	retour	de	force	:	force	continue,	
évolution	et	transformation	(du	spectre,	en	général,	dans	le	cours	du	trajet).	
Image-modèle	:	un	verre	retourné	plongé	et	retiré	de	l’eau.	
Instrument-modèle	:	le	flexatone,	la	guimbarde	ou	la	scie	musicale.	
On	 pourrait	 considérer	 le	 critère	 d’entretien	 d’un	 son	 en	 <allure>	 comme	 une	 flexion.	 Dans	 ce	 cas,	
l’allure	devra	être	suffisamment	lente	et	variée	pour	être	perçue	comme	pression-déformation.	
Le	facteur	<vitesse>	et	les	critères	<profil	de	masse>	ou	<profil	mélodique>	avec	transformation/variation	
de	l’<enveloppe	spectrale>	entrent	en	jeu	comme	variation	perceptive	de	pression-déformation.	
Commentaires	
Le	 terme	 «	déformation	»	 est	 important	:	 cela	 suppose	 une	 trajectoire	 audible	 entre	 les	 deux	 pôles,	 avec	 une	
variation	continue,	souvent	spectrale	(comme	dans	le	cas	de	la	guimbarde),	ou	mélodique	(la	scie	musicale).	En	cela	
se	trouve	la	différence	avec	l’oscillation,	dont	on	n’entend	que	les	deux	pôles,	sans	trajet.	
Exemples	sonores	
Bernard	Parmegiani,	Pour	en	finir	avec	le	pouvoir	d’Orphée	:	L’oscillée,	3:29	
Pierre	Henry,	Variations	pour	une	porte	et	un	soupir,	chant	II,	1:44	
François	Bayle,	Motion-émotion,	0:32	
Bernard	Parmegiani,	L’instant	mobile	:	3e
	partie,	3:39	
François	Bayle,	Bâton	de	pluie,	0:35	
Iannis	Xenakis,	Hibiki	hana-ma	:	flexion	du	violon,	2:55	
Annette	Vande	Gorne,	Noces	Noires	:	Allures,	1:44	
Guy	Reibel,	Variations	en	étoile	:	3e
	variation,	3:02	
François	Bayle,	Camera	Oscura	:	Ripieno,	2:50	
François	Bayle,	La	main	vide,	0:36
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
14	
Rotation	
Modèle	de	mouvement	et	de	fonctionnement.	
1.	Plus	mouvement	qu’énergie	pure,	la	rotation	peut	s’appliquer	à	un	autre	modèle,	le	frottement	par	
exemple.	En	perception	sonore,	on	l’entend	comme	répétition	cyclique	(simulation	d’une	rotation).	Bien	
sûr,	 le	 jeu	 avec	 l’espace	 est	 ici	 évident	:	 simulation	 tridimensionnelle	 entre	 deux	 haut-parleurs	 ou	
mouvement	réel	en	multiphonie.	Dans	ce	cas,	trouver	la	nécessité	spatiale	(éviter	le	jeu	anecdotique	du	
mouvement	surajouté).	
2.	À	mettre	également	en	évidence	le	caractère	répétitif	de	la	rotation	:	mouvement	périodique	continu.	
Nous	 sommes	 alors	 dans	 la	 figuration	 (l’illusion)	 du	 mouvement,	 la	 représentation	 typiquement	
acousmatique.	
Toute	formule	mélodique	assez	courte	bouclée	sur	elle-même,	peut,	avec	un	peu	d’imagination	illustrer	
une	rotation,	surtout	si	on	s’en	fait	une	représentation	mentale	en	mouvement	circulaire.	Essayez	!	
Les	facteurs	<vitesse>,	<fréquence>,	<espace>,	sont	des	critères	de	variabilité	de	la	rotation.	
Commentaires	
S’il	 est	 un	 archétype	 le	 plus	 général	 qui	 soit,	 c’est	 bien	 le	 mouvement	 en	 rotation,	 et	 sa	 figure	 géométrique	 le	
cercle.	Au	point	qu’aujourd’hui,	on	considère	comme	évident	de	placer	les	haut-parleurs	en	cercles	de	diamètres	
différents	autour,	et	au-dessus	du	public	pour	spatialiser	les	œuvres	multiphoniques	en	8,	16,	24	ou	32	canaux.	
Exemples	sonores	
François	Bayle,	Toupie	dans	le	ciel	(les	scintillements	aigus),	1:37	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	Bois,	2e
	mouvement,	2:19	
Annette	Vande	Gorne,	Noces	Noires,	4:49	
Michèle	Bokanowski,	Cirque,	1:16	
Francis	Dhomont,	Espace-Escape,	0:30	
Francis	Dhomont,	Point	de	fuite,	0:19	
Elizabeth	Anderson,	L’éveil	(+	spirale),	0:54	
Georgy	Ligeti,	Coulée	pour	orgue,	3:30	
Aliocha	Van	der	Avoort	Tropisme,	3:01	
Christian	Fennesz,	Paint	it	black,	3:29	
Aliocha	Van	der	Avoort	Anisotrope,	7:30	(octophonique)	
Francis	Dhomont,	Espace	Escape,	0:41	
Spirale	
Rotation	 accompagnée	 d’une	 variation	 de	 vitesse	 vers	 l’aigu	 (accélération	 progressive	 et	 profil	
mélodique)	ou	vers	le	grave	(décélération).	
Exemples	sonores	
Elizabeth	Anderson,	L’éveil,	1:34	
Yu-Chung	Tseng:		Metascape	(CD	Métamorphoses	2008),	0:53	
Michèle	Bokanowski,	Tabou,	4:25	
Georgy	Ligeti,	Coulée	pour	orgue,	3:30	
Aliocha	Van	der	Avoort	Tropisme	(début	et	fin),	3:20+1:52	
Giacinto	Scelsi,	Kom	om	Pax	pour	orchestre,	2e
	mouvement,	2:01	
Karlheinz	Stockhausen,	Sirius	:	capricorne,	4:32	
Annette	Vande	Gorne,	TAO	5e
	élément,	Terre,	2:47	
Francis	Dhomont,	Chiaroscuro,	1:17	
Esa-Pekka	Salonen,	Helix	(fin),	0:54
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
15	
Organisation	des	énergies	
	
Selon	le	point	de	vue	théorique	adopté,	quelques	caractères	communs	peuvent	relier	certains	modèles	
énergétiques,	certains	archétypes	physiques	entre	eux.		
	
Énergies	 matérielles,	 pour	 lesquelles	 la	 matière	 et/ou	 la	 morphologie	 du	 son	 est	 importante	 pour	 en	
percevoir	l’énergie.	
Percussion-résonance,	Frottement.	
Gestion	globale	du	sonore.	
Accumulations	de	corpuscules	(mobile),	Flux	(immobile).	
Énergies	gestuelles	:	le	geste	se	devine,	le	son	dérive	clairement	d’un	geste.	
Frottement,	balancement,	rebond	(avec	geste	de	rattrapage).	
Énergies-mouvements	:	trajets	(mobile),	statisme	(immobile).	
Rotation,	spirale,	pression/déformation,	flux.	
Énergies-lois	:	qui	répondent	à	un	certain	degré	de	prévisibilité.	
Oscillation,	rebond.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
16	
JEU	SUR	L’ESPACE	
Nous	 arrivons	 ici	 au	 cœur	 même	 des	 musiques	 sur	 support,	 et	 singulièrement	 les	 musiques	
acousmatiques.	En	effet,	lorsqu’en	1970	j’ai	découvert	par	hasard	les	musiques	acousmatiques,	c’est	leur	
spatialité	et	leur	impact	sur	l’imaginaire,	leur	puissante	capacité	à	créer	des	formes	en	mouvement	sur	
mon	écran	mental	qui	m’ont	immédiatement	amenée	à	m’investir	dans	cette	recherche	nouvelle	pour	
une	musicienne	«	classique	».	Le	voyage	de	Pierre	Henry,	les	espaces	inhabitables	de	François	Bayle,	et	
plus	tard	Innominé	de	Léo	Küpper	ont	été	les	œuvres-choc	libératrices.	Dès	ce	moment	j’ai	ressenti	où	se	
situe	 la	 différence	 avec	 les	 musiques	 du	 passé	:	 L’espace	 fait	 intégralement	 partie	 du	 langage,	 du	
contenu,	et	du	sens	de	l’œuvre	musicale,	au	même	degré	que	les	autres	composantes.	C’est	un	percept	
inné,	 immédiat,	 alors	 que	 l’autre	 part	 nouvelle	 de	 ces	 musiques	 acousmatiques,	 la	 morphologie,	
demande	 un	 apprentissage	 par	 l’écoute	 réduite	 fondé	 sur	 le	 solfège	 descriptif	 des	 objets	 sonores	 de	
Pierre	Schaeffer,	photo	instantanée	d’un	son.	
L’acousmatique,	dans	ses	conditions	d’écoute	les	plus	strictes	(rien	à	voir,	tout	à	imaginer)	est	depuis	le	
début24
	le	laboratoire	de	recherche	tant	technologique	qu’esthétique	le	plus	pointu	sur	les	interrelations	
multiples	entre	Espace,	Son,	et	Musique.	
Perception	psycho-acoustique	de	l'espace25
	
Tout	 comme	 la	 vision	 binoculaire	 permet	 au	 cerveau	 humain	 de	 percevoir	 le	 relief,	 la	 profondeur	 de	
champ,	 la	 production	 de	 sensations	 d’espace	 passant	 par	 le	 canal	 perceptif	 de	 l’ouïe	 est	 liée	 à	 la	
psychoacoustique	et	à	l’audition	binaurale	:	étude	certes	subjective,	mais	quelques	caractères	généraux	
en	ont	été	dégagés	du	point	de	vue	de	la	localisation.	Celle-ci	a	été	créée	par	la	perception	ancestrale	du	
danger,	par	l’adaptation	de	l’homme	à	son	environnement.	
La	localisation	spatiale	est	donc	liée	à	la	morphologie	de	la	tête	humaine	:	la	distance	entre	les	deux	
oreilles,	séparées	par	la	proéminence	nasale.	Cette	distance	est	traduite	par	une	différence	d’intensité	—	
IID	mesurée	en	Db	—	ou	une	différence	de	temps	—	ITD	mesurée	en	millisecondes	(ms)	—	pour	qu’une	
source	située	d’un	côté	parvienne	à	l’autre	oreille.	Le	ITD	entre	les	deux	oreilles	est	de	0,7	ms.	Le	IID	
entre	 les	 deux	 oreilles	 dépend	 fortement	 de	 la	 zone	 fréquentielle	 entendue	 au-delà	 de	 1500	Hz,	 qui	
semble	aller	progressivement	jusque	±	6	Db.	
Mise	en	espace	
En	 principe	 cette	 étape	 de	 transformation	 intervient	 en	 fin	 de	 travail,	 jusqu’à	 récemment	 considérée	
comme	une	valeur	surajoutée	et	non	comme	une	réelle	transformation.	Aujourd’hui,	certaines	musiques	
utilisent	 des	 sons	 qui	 ont	 un	 espace	 d’origine	 marqué,	 (espace	 acoustique)	 lequel	 restera	 toujours	
présent,	résistera	aux	transformations	si	on	ne	casse	pas	la	chaîne	stéréo.	
D’autres	ne	se	mettent	en	relief	que	grâce	à	la	spatialisation	par	l’écriture	multiphonique.	
ESPECES	D’ESPACES26
	
Espace	intrinsèque	:	L’espace	de	la	chose	
Généralement,	 c’est	 par	 le	 mouvement	 constitutif	 du	 corps	 sonore,	 de	 la	 source	 sonore	 reconnue	
(l’icône),	que	s’entend	l’espace	et	surtout	le	mouvement	propre	à	la	chose	:	la	boule	qui	roule,	le	passage	
de	la	voiture,	la	bille	qui	tourne	dans	ou	sur	une	surface	etc.	
Espace	acoustique	:	L’espace	du	lieu	
C’est	l’espace	de	la	prise	de	son,	caractérisé	par	son	<halo	harmonique>27
	spécifique.	
																																																													
24
1951, première projection sonore en relief spatial par Pierre Henry à Paris dans la salle de l’ancien
conservatoire.
25
http://www.cochlea.eu/son/psychoacoustique/localisation.
26
Titre repris à Georges Perec (édition Galilée, Paris, 1974) par Bernard Parmegiani en 2002 pour son
œuvre éponyme.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
17	
Espace	interne28
	:	L’espace	composé	
C’est	 l’espace	 de	 l’œuvre,	 déterminé,	 agencé,	 reconstitué	 par	 le	 compositeur.	 Il	 est	 stéréo	 ou	
multiphonique.	 Il	 se	 subdivise	 en	 quatre	 catégories	:	 Espace	 ambiophonique	 (dont	 l’espace	 divisé),	
Espace	source	(pointilliste	ou	mouvement),	Espace	géométrie	et	Espace	illusion.	
Espace	externe29
	:	L’espace	interprété,	l’espace	d’écoute	
Espace	de	jeu	de	l’œuvre,	interprétation	spatiale	surajoutée	à	l’espace	interne	(jeu	sur	l’acousmonium,	
démultiplication,	installation	sonore).	Ce	sont	les	conditions	circonstancielles	de	l’écoute	de	l’œuvre,	à	
travers	la	mise	en	œuvre	des	figures	spatiales.	
Catégories	d’espaces	
ESPACE-ILLUSION	
Il	s’agit	de	l’illusion	de	la	profondeur	de	champ	par	la	stéréophonie,	qui	si	elle	est	respectée	d’un	bout	à	
l’autre	de	la	chaîne	de	production,	sera	projetée	sur	les	«	écrans	de	phase	»	des	haut-parleurs.	Le	son	
n’est	plus	entendu	grâce	à	une	source	réelle,	mais	une	image,	une	représentation.	Nous	entrons	dans	
l’univers	des	médiatisations,	celui	de	la	photo,	du	cinéma,	de	la	vidéo,	de	la	radio...	La	stéréo	en	est	le	
meilleur	vecteur.	
Jean-Marc	Duchenne,	Feuillet	d’album	1,	2:00	
L’illusion	de	l’espace	fonctionne	souvent	parce	qu’elle	s’associe	à	un	imaginaire	poétique	de	l’espace,	
imaginaire	conduit	par	l’utilisation	d’archétypes.	
Christian	Zanési,	Stop	l’horizon	1er
	mouvement	3:55	
Annette	Vande	Gorne,	Le	gingko	2:14	
La	magie	acousmatique	
Différencions	brièvement	la	musique	acousmatique	de	toute	autre	sur	support,	par	sa	relation	à	l’image	
sous	toutes	ses	catégories	:	perceptives	-images	mentales,	cinéma	pour	l’oreille,	trois	degrés	temporels	
de	la	mémoire-	et	productives	répondant	ou	non	à	la	théorie	du	signe	selon	Charles	Pearce	-sinsigne/i-
son	 (selon	 François	 Bayle30
),	 qualisigne/di-son,	 légisigne/mé-son-,	 ou	 s’ouvrant	 aux	 formes-matières	
arbitraires,	abstraites	tissant	un	réseau	de	liens	dans	des	espaces	fictifs.	
Le	concept	de	l’acousmonium	tel	qu’il	fut	mis	au	point	par	François	Bayle	en	1974	en	est	le	meilleur	
instrument	d’interprétation	en	concert.31
	
A.	LOCALISATION	SUR	LE	PLAN	HORIZONTAL	
A1.	La	stéréo	:	recréation	de	l’espace	naturel	de	l’écoute	:	essayer	de	toujours	conserver	l’image	stéréo,	
si	elle	existe	au	départ,	pendant	les	étapes	du	travail	de	transformation.	Cette	image	est	créée	à	partir	
d’une	prise	de	son	stéréophonique.32
	
C’est	un	espace-illusion	:	les	deux	haut-parleurs	sont	des	projecteurs	d’une	image	au	centre	des	haut-
parleurs,	avec	sa	profondeur	simulée,	ses	contours	tels	que	l’enregistrement	en	stéréo	de	phase	les	a	
créés.	
																																																																																																																																																																																																						
27
Schaeffer, P. 1966 rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil, pp.261-231 et Chion, M.
1993 Guide des objets sonores, Paris : Buchet/Chastel pp.149-151
28
Chion, M. 1988 rééd 1998, Les deux espaces de la musique concrète in Dhomont, F. éd, L’Espace du
Son, Ohain : Musiques & Recherches pp.31-33
29
ibidem
30
Bayle, F. 1993, Musique acousmatique, propositions…positions, Paris : Buchet/Chastel p.186
31
Vande Gorne, A. 2012, L’espace comme cinquième paramètre musical, in : Pottier, L., La spatialisation
des musiques électroacoustiques, Publications de l’université de Saint-Etienne, pp.53-73. 224p.
- Vande Gorne, A. 2015, Space, sound and acousmatic music, the heart of the research, in Brech M. et
Paland R., Compositions for audible space, Berlin: [transcript] Music and Sound Culture, pp.205-220, 350p.
32
http://www.lemicrophone.fr/contenu.php?id_contenu=52&id_dossier=16
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
18	
A2.	 La	 fausse	 stéréo	:	 replacer	 les	 sons	 en	 studio,	 là	 où	 ils	 doivent	 apparaître,	 grâce	 au	 module	 de	
panoramique	sur	la	console	analogique	ou	virtuelle.	
Si	 on	 veut	 imiter	 l’espace	 acoustique	 qui	 nous	 entoure	 (esthétique	 réaliste)	 il	 y	 a	 0,7	 milliseconde	 à	
1,8	ms	maximum	de	délai	entre	les	deux	oreilles	(écoute	binaurale)	à	respecter	à	la	reproduction.	
A3.	Hors	phase	ou	«	extra	large	»	:	en	inversant	la	phase	d’un	des	deux	canaux,	l’image	semble	dépasser	
la	largeur	d’écran	limitée	par	les	haut-parleurs.	
Bernard	Parmegiani,	Dedans	dehors	:	En	phase,	hors	phase.	2:29	
A4.	La	rampe	stéréo,	son	calibre	:	La	rampe	détermine	la	largeur	de	l’image	entre	les	deux	haut-parleurs.	
Elle	est	déterminée	en	première	étape	par	la	technique	de	prise	de	son	utilisée.	Le	calibre	plus	ou	moins	
large	(jeu	sur	les	panoramiques	ou	prise	de	son	MS)	et	le	décentrement	possible	d’un	même	calibre	sur	
un	axe	angulaire	permettent	une	clarification	spatiale	de	la	polyphonie.	
A5.	La	biphonie	:	2	sources	différentes	sur	les	deux	haut-parleurs	:	il	n’y	a	pas	d’illusion	d’espace,	mais	
bien	une	recherche	de	réalisme,	un	espace-source	ponctuel	qui	trouve	son	origine	dans	la	mono.	
Pierre	Henry,	Variations	pour	une	porte	et	un	soupir,	1:23	:	biphonie,	dialogue	
Pierre	Henry,	Variations	pour	une	porte	et	un	soupir,	1:59	:	biphonie,	parallélisme	de	deux	séquences	—	
jeux	complémentaires.	
A6.	Et	la	mono	?	Un	enregistrement	mono,	surtout	s’il	est	réalisé	par	un	micro	omnidirectionnel,	cerne	
mieux	les	contours	du	son,	avec	réalisme	quant	aux	détails	et	au	registre	grave.	Sur	deux	pistes,	on	place	
le	 même	 signal	 synchronisé	 à	 gauche	 et	 à	 droite,	 ou	 centré	 au	 milieu	 des	 deux	 haut-parleurs	 par	 un	
panoramique.	Essayez,	le	résultat	est	différent	!	Évidemment,	le	son	mono	est	unique	sur	le	haut-parleur	
central	des	formats	5.0,	5.1,	7.0	ou	7.1.	Placé	au	milieu	d’une	image	stéréo,	avec	un	contenu	similaire,	il	
renforce	la	présence	et	précise	les	contours	qu’une	prise	de	son	stéréo	a	tendance	à	estomper.	
B.	LOCALISATION	EN	PROFONDEUR	
Ici,	nous	sommes	réellement	dans	l’illusion	de	l’espace	:	La	profondeur	simulée	sur	un	seul	écran	plan	:	
création	de	perspective33
.	
Pour	qu’il	y	ait	différentiation	de	plan,	il	en	faut	deux	au	moins,	différents	:	
Plan	large	:	le	plus	lointain.	
Plan	moyen	ou	médian	:	plus	étroit,	rassemble	des	évènements	entendus	«	naturellement	»,	sans	effort.	
Plan	américain	:	centration	sur	un	objet	de	perception.	
Plan	proche	:	mise	en	évidence	d’une	figure.	Peut	servir	de	contraste	au	plan	lointain.	
Gros	plan	:	loupe	sonore	sur	les	détails,	les	arêtes,	effet	de	proximité,	prend	toute	la	place	en	horizontal	
et	en	profondeur	:	Espace	haptique.	
La	 différentiation	 des	 plans	 de	 profondeur	 permet	 également	 une	 clarification	 de	 la	 perception	
polyphonique	des	sons.	
Michel	Chion,	Requiem	:	4’34.	Gros	plan	:	Synthèse	analogique	et	voix	très	proche	
Francis	Dhomont,	Espace	Escape	1:34.	Plans	différenciés	lointain	et	proche	successifs	
Christian	Zanési,	Stop	l’horizon	3e
	mouvement	7:15.	Mélange	de	plans	
Alain	Savouret	:	sonate	baroque	:	La	Conférence	illustrée	et	égarée	du	professeur	Coustique	7:12.	Leçon	
humoristique	qui	parcourt	toutes	les	possibilités	spatiales.	
La	 qualité	 des	 attaques	 (Pierre	 Schaeffer	 en	 a	 défini	 sept	 différentes34
)	 joue	 aussi	 sur	 la	 perception	
psycho-acoustique	 de	 l’espace	:	 une	 attaque	 dure	 définit	 un	 espace	 haptique,	 une	 attaque	 molle,	 ou	
nulle,	est	associée	à	un	espace	plus	lointain.	
																																																													
33
Depuis la perspective en point de fuite de Le Pérugin (XVe
) et Raphaël (XVIe
), et les architectures en
trompe-l’œil comme celle de la scène du théâtre Olimpico (1580) de Vicence par Palladio, jusqu’au
« citizen
kane » (1940) de Orson Wells, cette recherche de l’illusion de profondeur sur un seul plan fascine tous les
artistes.
34
Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil, pp.216-231 et Chion, M.
1993, Guide des objets sonores. Paris : Buchet/Chastel p.158
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
19	
POINT	DE	VUE	TECHNIQUE	:	La	réverbération	artificielle	
Il	s’agit	de	recréer	artificiellement	un	espace	réaliste	ou	non,	et	de	pouvoir	en	moduler	les	dimensions	
simulées.	
L'attaque	 principale	 du	 signal	 direct	 est	 suivie	 d‘un	 certain	 nombre	 de	 réflexions	 (répétitions	 très	
serrées).	Le	retard	entre	l’attaque	et	la	première	réflexion	détermine	l’espace	perçu.	Si	on	augmente	le	
retard,	on	augmente	l'impression	d'espace.	Il	en	est	de	même	quant	au	retard	entre	chaque	réflexion.	
Cependant,	au-delà	d’un	certain	seuil	de	retard	(1,8ms),	on	perçoit	l’espace	comme	étant	mesuré	par	le	
temps,	celui	de	l’écho.	
Le	nombre	de	réflexions	détermine	la	vraisemblance	réaliste	et	la	qualité	de	la	réverbération.	
Les	réflexions	simulées	reproduisent	celles	d’un	son	projeté	dans	un	espace	plus	ou	moins	clos.	Là	où	il	
n'y	a	pas	de	réflexions	possibles,	il	n’y	a	pas	d’espace	audible.	Crier	dans	le	désert,	par	exemple,	est	
perçu	faiblement	:	à	3	m	tout	apparaît	alors	mat,	absorbé.	Les	aigus	s’éteignent	plus	vite.	Il	n’y	a	pas	de	
son	dans	l’espace	interstellaire.	
Le	feedback	(ou	diffusion)	répète	l’onde	sur	elle-même	avec	diminution	constante	et	modifiable	de	son	
amplitude,	ce	qui	qualifie	également	les	différences	d’espaces	perçus.	
Le	 feedback	 est	 également	 lié	 à	 la	 fréquence	 de	 coupure	 laissée	 parfois	 au	 choix	 de	 l'utilisateur	 qui	
détermine	le	point	de	croisement	(crossover)	entre	le	grave	et	l’aigu	de	la	réverbération	artificielle.	Ainsi,	
on	peut	générer	des	espaces	non	réalistes,	en	réglant	ces	différents	paramètres.	
Luc	Ferrari,	Hétérozygote	:	La	grotte	2:11	
Francis	Dhomont,	Novars	(avec	phasing)	1:49	
La	réverbération	par	convolution	
Les	ordinateurs	puissants	d’aujourd’hui	permettent	de	recalculer	en	temps	réel	un	halo	harmonique35
	
(donc	 dans	 le	 domaine	 fréquentiel)	 et	 sa	 durée,	 selon	 l’analyse	 d’un	 modèle	 (un	 impact)	 réellement	
enregistré	dans	un	lieu	donné.	Il	en	résulte	des	sonorités	incomparables	de	naturel	acoustique.	Nous	ne	
sommes	plus	dans	une	simulation,	mais	dans	une	modélisation	de	l’espace.36
.	
ESPACE	AMBIOPHONIQUE	
À	l'image	de	l'athanor	dans	lequel	se	réalise	la	réaction	alchimique,	il	s'agit	d'un	espace	dans	lequel	on	ne	
peut	déterminer	d'où	viennent	les	sons,	l'auditeur	baignant	dans	une	ambiance	diffuse.	C'est	son	écoute	
qui	réalise	le	«	mixage	»	de	l'ensemble	des	évènements	donnés	à	entendre.	
On	peut	établir	une	analogie	avec	les	églises	byzantines	:	celles-ci	comportent	des	coupoles	couvertes	de	
tessères	d'or	qui	redistribuent	de	manière	égale	le	peu	de	lumière	ambiante	sur	l'ensemble	de	l'église,	
sans	qu'aucune	source	soit	localisable.	Pour	une	composition	et	diffusion	en	ambiophonie,	on	entoure	le	
public	de	haut-parleurs	identiques	avec	une	relative	équidistance	entre	eux	de	sorte	qu'il	n'y	ait	pas	de	
trou	acoustique.	L'englobement	se	fait	sur	tous	les	plans,	et	c'est	alors	la	sphère	ou	le	dôme	qui	sont	le	
modèle	idéal,	ou	sur	un	seul	:	le	cercle.	Les	systèmes	dolby	ou	THX	au	cinéma	peuvent	être	aussi	rangés	
dans	cette	catégorie	:	trois	canaux	différents	à	l'écran	et	les	côtés	et	arrière	se	partagent	deux	ou	quatre	
voies.	 Le	 message	 musical	 est	 quasi	 identique	 et	 globalisé	 dans	 toutes	 les	 pistes	 de	 la	 composition	
multiphonique.	
Léo	Küpper,	Litanea.	1:06	
Annette	Vande	Gorne,	Au-delà	du	réel	16	canaux,	réduction	octophonique	:	début.	0:44		
Elizabeth	Anderson,	Solar	winds	octophonique	1:10	
ESPACE	DIVISÉ	
L’espace	 divisé	 fait	 partie	 de	 l’espace	 ambiophonique	 car	 il	 est	 associé	 à	 un	 enveloppement	 (bain)	
sonore,	dans	toutes	les	dimensions,	y	compris	en	hauteur.	
																																																													
35
Schaeffer, P. 1966 rééd.1977, Traité des Objets Musicaux. Paris : Seuil, pp.526-527 et Chion, M. 1993
Guide des objets sonores, Paris : Buchet/Chastel pp.149-151
36
Le logiciel altiverb de Audioease en est un des précurseurs.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
20	
Or	la	perception	de	l’espace	auditif	en	hauteur	est	quasi	aussi	précise	que	la	perception	angulaire	(le	
cercle),	à	tout	le	moins	dans	les	premiers	mètres.	
À	la	différence	de	l’espace	ambiophonique	général,	qui	privilégie	un	même	type	de	son	positionné,	avec	
quelques	variantes,	sur	plusieurs	haut-parleurs,	et	spatialisé	en	mouvement	global	unifié,	l’espace	divisé	
permet	une	polyphonie	de	sons	différents	et	une	superposition	de	mouvements	diversifiés,	dans	une	
perception	englobante	et	unifiée	de	l’espace.	
On	peut	le	comparer	au	flux,	dans	la	taxinomie	des	énergies-mouvements.	
À	la	différence	du	pointillisme,	on	n’entend	pas	précisément	les	sources	spatiales.	L’espace	est	globalisé.	
Il	est	cependant	parcouru	de	petits	mouvements	internes	qui	le	font	vivre	et	vibrer.	Il	immerge	l’auditeur	
dans	la	multiplicité.	
Le	dôme	semble	donc	en	être	la	meilleure	configuration	spatiale.	La	division	spatiale	est	conditionnée	
par	la	multiplication	des	canaux	en	sortie	:	16	au	minimum	(8	et	8).	
POINT	DE	VUE	TECHNIQUE	
Léo	 Küpper37
	est	 sans	 aucun	 doute	 un	 pionnier	 du	 dôme	:	 En	 1974,	 au	 château	 Malou,	 64	 canaux	 de	
sortie	de	son	synthétiseur	analogique	construit	par	lui-même,	voyagent	sur	une	coupole	de	104	haut-
parleurs,	notamment	grâce	à	un	«	clavier	d’espace	»,	le	kinéphone38
.	
Jonty	Harrison	divise	l’espace	jusqu’à	72	canaux	qui	se	répartissent	en	plusieurs	zones	différentes.	Cela	à	
partir	de	prises	de	sons	ambisoniques39
	et	de	plugins	qui	permettent	de	les	manipuler	en	3D	dans	un	
logiciel	avec	64	canaux	de	sortie40
.	
Les	logiciels	de	spatialisation	immersive	commencent	à	voir	le	jour	:	
Robert	Normandeau	et	son	équipe	de	chercheurs	de	l’Université	de	Montréal	conçoivent	le	«	SpatGRIS	»	
et	le	«	SpatServerGRIS	»	»,	logiciels	de	composition	de	l’espace	multiphonique	en	2D	sur	16	haut-parleurs	
ou	3D	sur	un	dôme	de	128	haut-parleurs	maximum,	après	s’être	inspiré	du	«	Zirkonium	»	développé	au	
ZKM41
	de	Karlsruhe.	
Robert	Normandeau,	Kuppel	extrait	en	réduction	stéréo,	2:38	
L’IRCAM	 développe	 depuis	 longtemps	 une	 recherche	 tous	 azimuts	 sur	 la	 spatialisation.	 Le	 «	SPAT-	
révolution	»	est	commercialisé	dans	les	ircamtools	avec	64	canaux	de	sorties	et	un	nombre	infini	de	haut-
parleurs	virtuels,	en	192Khz	ou	384Khz	sur	certains	lecteurs-enregistreurs	multicanaux.	
Fonctions	musicales	
—Le	foisonnement	:	Figure	d’espace	:	accumulation	sur	deux	niveaux	
Annette	Vande	Gorne,	Haiku	:	Printemps	:	jeux	d’enfants	16	canaux.	2:55	
—Les	mouvements	internes	démultipliés	:	Figure	d’espace	:	vagues,	alternance	rapide.	
Annette	Vande	Gorne,	Haiku	:	printemps	:	jeux	d’eau	2:24	
—La	dramatisation	
La	surprise	:	Figure	d’espace	:	l’incrustation,	l’apparition/disparition	
Annette	Vande	Gorne,	Haiku	:	printemps	:	jeux	d’enfants	2:40	
Le	dialogue,	le	répons	:	Figure	d’espace	:	l’oscillation,	le	balancement,	l’alternance	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	III	«	Gens	de	naissance	»	3:14	
—L’action/réaction	 :	 clarifier	 par	 l’espace	 :	 Figures	 d’espace	 :	 le	 rebond,	 le	 déclenchement	 par	
substitutions	d’attaques.	
Annette	Vande	Gorne,	Haiku,	Hiver	:	jeux	de	sons	(hommage	à	Bernard	Parmegiani)	4:31	
Le	 cadre	 d’un	 espace	 ambiophonique	 dans	 toutes	 les	 dimensions	 permet	 par	 la	 multiplicité	 de	 ses	
divisions,	 de	 reconstituer	 un	 univers	 globalisé	 artificiel	 ou	 proche	 de	 notre	 perception	 du	 réel,	 tout	
comme	la	synthèse	granulaire	reconstitue	un	objet	sonore	et	son	développement	temporel.	
																																																													
37
Compositeur belge né à Nidrum en 1925.
38
Témoignage personnel, étant présente dans le public, j’ai expérimenté ce kinéphone en fin de concert.
39
Prise de son multiphonique cf Jean-Marc Duchenne, http://multiphonie.free.fr/ambisonic.htm
40
	Reaper + http://www.ambisonictoolkit.net et http://www.blueripplesound.com
41
Zentrum für Kunst und Medientechnologie.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
21	
—	 la	 superposition	 (polyphonie	 spatiale)	 par	 plans	 différents	 d’éléments	 différents	 plus	 ou	 moins	
synchrones	:	Figures	d’espace	:	accumulation,	démasquage,	remplir/vider.	
Annette	Vande	Gorne,	Haiku,	hiver1	:	jeux	de	pas	sur	la	neige	16	canaux	2:16	
—	le	réalisme	(immersion	dans	un	faux	paysage)	:	superposition	d’images.	
Jonty	Harrison,	Going/Places	32	canaux.	Extrait	en	réduction	octophonique	3:42	
L’espace	divisé,	et	son	instrument,	le	dôme	ou	tout	autre	système	global	et	immersif	dans	toutes	les	
directions,	sont	les	vecteurs	d’une	écriture	différente	de	l’espace,	rendue	possible	par	le	développement	
des	outils	numériques	de	spatialisation	et	la	montée	en	puissance	des	ordinateurs.	
Nous	pourrions	y	trouver	des	analogies	avec	l’économie	mondialisée	actuelle,	les	fractals	(effet	papillon),	
mais	 aussi,	 par	 le	 plaisir	 immédiat	 qu’un	 «	bain	 sonore	»	 procure,	 le	 risque	 d’un	 assoupissement	 des	
facultés	 critiques	 et	 intellectuelles	 au	 bénéfice	 de	 toute	 prise	 de	 pouvoir	 dictatoriale.	 On	 la	 constate	
aujourd’hui	en	bien	des	pays.	«	Dormez,	bonnes	gens,	on	s’occupe	de	vous…	»	
ESPACE	SOURCE	:	LE	POINTILLISME	
Opposé	au	précédent,	ce	type	d’espace	localise	avec	précision	la	source	du	son,	qui	peut	être	mono,	bi	
ou	multipiste	(mais	pas	stéréophonique).	Ce	sont	les	mouvements	et	repérages	du	son	qui	importent.	On	
peut	 aussi	 vouloir	 faire	 ressentir	 les	 différences	 de	 couleur	 et	 d’amplitude	 des	 sons.	 L’espace	 source	
permet	de	dissocier	et	clarifier	la	perception	des	différents	éléments	d’un	mixage,	si	ceux-ci	sont	eux-
mêmes	différenciés.	
Pierre	 Henry	 fut	 sans	 doute	 le	 premier	 à	 explorer	 les	 possibilités	 musicales	 de	 cette	 philosophie	 de	
l’espace,	 tant	 au	 stade	 de	 la	 composition	 qu’à	 celui	 du	 concert.	 Dans	 ce	 cadre	 il	 oppose	 souvent	 les	
canaux	et	les	voies	gauche/droite,	se	servant	de	la	géographie	du	lieu	pour	l’organiser.	
Aujourd’hui,	l’utilisation	la	plus	fréquente	de	l’espace	source	est	la	multiphonie.	Il	s’agit	de	placer	des	
sons	ayant	des	transitoires	d’attaque	assez	marqués	pour	les	localiser,	si	brefs	soient-ils.	La	composition	
devient	alors	celle	d’un	environnement	pointilliste,	jouant	avec	les	masses,	les	phrasés	ponctuels	et	les	
variations	de	densités.	Les	mêmes	sources	sonores	ne	doivent	pas	être	systématiquement	placées	sur	les	
mêmes	 haut-parleurs,	 si	 les	 sons	 ont	 une	 durée	 suffisamment	 courte	 pour	 ne	 pas	 créer	 de	 trajets.	
Cependant,	les	dialogues	multiples	et	superpositions	de	séquences	confiées	aux	mêmes	haut-parleurs	
sont	 une	 autre	 esthétique	 de	 l’espace	 source,	 qui	 met	 en	 évidence	 les	 personnages	 sonores	 ou	 les	
contrepoints.	
Le	 standard	 le	 plus	 fréquent,	 à	 partir	 des	 années	90,	 est	 l’octophonie,	 en	 raison	 de	 l’apparition	
d’enregistreurs	8	pistes	digitaux	peu	chers	(ADAT	ou	DA	88).	
Elsa	Justel,	Débris	octophonique.	0:35	
Annette	Vande	Gorne,	TAO,	Terre,	les	particules,	octophonique.		3:23	
ESPACE	SOURCE	:	LE	MOUVEMENT	
Fait	 également	 partie	 de	 l’espace	 source	 tout	 ce	 qui	 est	 mouvement,	 trajet	 audible	 dans	 l’espace	
externe,	 donc	 généré	 par	 l’interprète,	 ou	 écrit	 par	 le	 compositeur	 sur	 le	 support	 multipiste	 (espace	
interne).	Comme	la	langue	d’Ésope,	le	mouvement	en	lui-même	peut	être	la	pire	ou	la	meilleure	des	
choses.	En	effet,	il	nous	a	toujours	semblé	inutile	de	tenter	de	sauver	une	musique	pauvre,	sans	énergie	
interne	 en	 lui	 appliquant	 des	 mouvements,	 des	 agitations	 externes.	 Le	 mouvement	 devient	 alors	 une	
ornementation	non	intégrée,	non	justifiée	par	la	structure	musicale	ou	le	phrasé.	Mais	si	l’on	considère	
l’expression	musicale	d’un	point	de	vue	énergétique,	les	trajets	peuvent	alors	renforcer	l’énergie	interne	
du	son.	L’histoire	de	la	musique	occidentale	est	peuplée	d’œuvres	qui	font	la	part	belle	au	mouvement	
même	 comme	 facteur	 d’expression	 (pensons	 à	 Monteverdi	 et	 son	 stile	 concitato,	 au	 figuralisme,	
particulièrement	 dans	 l’œuvre	 de	 Jean-Sébastien	 Bach,	 à	 Berlioz,	 à	 la	 majorité	 des	 poèmes	
symphoniques)	puis	facteur	de	structuration	(Stravinski	et	son	Sacre,	Pacific	231	d’Honegger,	Scelsi…).	
Une	 circumduction	 autour	 du	 public	 ou	 d’un	 pivot	 quelconque	 soulignera	 aux	 oreilles	 de	 tous	 le	
mouvement	 rotatif	 d’une	 toupie,	 d’un	 tourbillon,	 d’une	 répétition	 (écriture).	 Ou	 bien	 encore,	 les	
circonvolutions	buissonnières	d’un	 «	souffle	serpentin	»	dans	un	lieu	donné	préciseront	son	caractère	
capricieux.	 Enfin,	 l’application	 à	 un	 son	 de	 caractère	 neutre	 et	 abstrait	 d’un	 mouvement	 spatial	 en	
balancement	lui	donnera	une	signification	particulière,	celle	d’une	berceuse	par	exemple.	Il	faut	peut-
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
22	
être	rappeler	ici	combien	temps,	espace	et	mouvement	sont	liés	:	une	rotation	lente	ou	rapide	ne	génère	
pas	la	même	signification,	et	si	elle	passe	progressivement	à	un	tempo	plus	rapide,	elle	change	de	forme	
et	devient	spirale.	
Cet	 espace-mouvement,	 s’il	 n’est	 pas	 gratuit,	 aurait	 donc	 surtout	 une	 fonction	 ornementale	 ou	
métaphorique	à	l’appui	expressif	des	sons	eux-mêmes	auxquels	il	offre	un	support	spatial.	Au	XIXe
	siècle,	
le	timbre	et	la	ligne	mélodique	entretenaient	le	même	rapport.	
Claudio	Monteverdi,	Combatiemento	di	Tancredi	e	Clorinda	0:27	
Stephan	Dunkelman,	Metharcana,	octophonique.	0:36	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	1	:	Lamento	7.1	1:44	
POINT	DE	VUE	TECHNIQUE	
Après	une	période	de	recherche	esthétique42
,	la	recherche	des	outils	numériques	n’a	pas	cessé	de	croître	
quant	à	l’espace	du	son,	en	deux	catégories	distinctes	:	la	simulation	d’espaces	bi	ou	tri-dimensionnels,	
et	 la	 création	 de	 mouvements,	 de	 trajets	 individuels	 ou	 globaux.	 La	 recherche	 dans	 cette	 dernière	
catégorie	 est	 due	 à	 quelques	 compositeurs	 passionnés,	 studios	 privés	 ou	 institutions	 de	 recherche	 et	
d’enseignement 43
.	 Certains,	 comme	 les	 trois	 «	space	»	 des	 GRMtools,	 sont	 commercialisés.	 Tous	
répondent	 aux	 quatre	 modes	 opératoires	 cités	 en	 début	 de	 ce	 chapitre	:	 (1)	 Fixes	 (crible),	 les	
mouvements	 sont	 identiques,	 mais	 parcourus	 par	 des	 sons	 différents	;	 (2)	 Mobiles,	 gestuels,	 les	
mouvements	répondent	à	des	gestes	sur	des	surfaces	de	contrôle,	ou	automatisés,	ils	sont	générés	par	
une	série	de	commandes	paramétriques	modifiables	ou	par	des	lois	de	comportement	physique	comme	
le	rebond	;	(3)	Par	commande,	ils	répondent	à	des	figures	géométriques	préprogrammées	dont	les	temps	
de	parcours	sont	variables	ou	non	;	(4)	Par	synthèse	croisée,	l’analyse	d’un	paramètre	d’un	son	ou	d’une	
séquence	sonore,	comme	son	amplitude	par	exemple,	va	déclencher	ou	modifier	le	trajet	spatial	et	son	
comportement.	
ESPACE	GÉOMÉTRIE	
Si	l’on	considère	l’espace	d’un	point	de	vue	structurel,	on	peut	l’imaginer	comme	le	lieu	d’intersection	de	
lignes	 et	 de	 plans	 différents,	 comme	 surface	 ou	 volume	 entrecoupé	 de	 lignes	 bissectrices,	 obliques,	
verticales,	transversales,	de	formes	géométriques	comme	le	triangle,	le	carré,	le	cube	(en	volume	avec	
dispositif	de	haut-parleurs	en	hauteur)	etc.	À	partir	de	sources	multiples	(multipiste),	penser	le	sonore	en	
termes	de	composition	de	l’espace	mono,	bi,	quadri,	triple	stéréo,	double	quadri,	octophonique…	avec	
tous	les	jeux	de	combinaisons	possibles,	appliqués	à	une	seule	chaîne	acoustique	ou	à	plusieurs	d’entre	
elles,	simultanément	ou	par	séquences,	en	plans	rapprochés	ou	éloignés,	c’est	donner	à	l’espace	le	statut	
de	 paramètre	 du	 son	 équivalent	 aux	 quatre	 autres.	 Le	 mouvement	 fait	 partie	 de	 la	 forme	 lorsqu’il	
devient	figure,	répétition,	transition,	rupture,	déclenchement,	etc.	Ici,	l’espace	géométrie	n’est	pas	un	
support,	c’est	un	objet	musical	réel	et	abstrait	qui	conduit	l’écoute	et	structure	la	perception	par	son	
évolution	dans	le	temps.	
L’espace	organisé,	contrôlé,	nécessite	de	prévoir	un	schéma	de	principe	du	dispositif	de	projection	en	
fonction	duquel	on	choisira	les	configurations	spatiales	à	inscrire	sur	le	support	comme,	par	exemple,	
																																																													
42
Dhomont, F. éd., 1988, rééd 1998, LIEN vol 1, L’espace du son. Ohain : Musiques & Recherches p. 97 a
été une des premières tentatives francophones de réflexion et de synthèse exclusivement consacrée aux
diverses relations entre le son et l’espace.
43
Citons à cet égard quelques exemples, dont la liste est loin d’être exhaustive :
(1,2,3) MusicPanSpace versions 1 et 2 par Flo Menezes,
(2,3) HyperSpaceVbap par Åke Parmerud,
(2) 8 ou16 masses ambisonic par Hans Tutschku,
(1,2,4) Spatule Versions 1 et 2 par Alexis Boiley pour Musiques & Recherches,
(1,2,4) HoloAutoSpat de M&R, avec interface IPad développé par Benjamin Thigpen,
(2,3) Spaces, SpaceGrain et SpaceFilter des GRMTools, avec interface IPad par Benjamin Thigpen pour M&R,
(3) Wonder développé à l’université de Delft par Marije Baalman pour la gestion de trajectoires en temps
différé pour le wavefield synthesis.
Déjà cités, les logiciels de spatialisation pour environnement en dôme (espace ambiophonique).
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
23	
dans	le	cadre	des	sonorisations	de	lieux	spécifiques	ou	d’installations.	Une	trop	grande	complexité	(en	
nombre	de	pistes,	de	variations	possibles	à	la	spatialisation)	nuira	à	la	transparence	de	l’architecture.	
L’agencement	a	priori,	l’écriture	de	l’espace	pour	lui-même	à	partir	des	points-sources	multiphoniques,	
génère	une	pensée	musicale	stabilisatrice	qui	lie	l’espace	à	la	forme,	donc	une	fois	encore,	au	temps.	
Exemple	
En	1989,	n’ayant	aucun	modèle	ni	expérience	en	la	matière,	je	réalise	TAO	:	Terre,	en	octophonie,	sur	
bande	magnétique	8	pistes	1	pouce.	J’ai	structuré	les	différentes	sections	de	la	pièce	selon	ces	figures	
géométriques	et	ces	différents	formats	de	composition	de	l’espace.	Les	matières	sont	élaborées	dans	le	
studio	123	du	GRM	(en	temps	différé)	puis	sur	le	syter	(en	temps	réel),	et	mixées	en	8	pistes	dans	le	
studio	analogique	de	Musiques	&	Recherches.	La	structure	globale	rend	compte	de	cette	façon	de	penser	
l’espace.	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
Dispositif	de	Terre	pour	un	concert	du	GMVL,	 Lyon,	jardins	de	la	villa	Gillet	1991	
Fonctions	musicales	de	toutes	les	catégories	spatiales.	
Comme	tout	élément	musical,	l’espace	du	son	revêt	le	niveau	de	fonction	musicale	que	le	compositeur	
veut	 bien	 lui	 accorder.	 La	 technologie	 d’aujourd’hui	 permet	 tous	 les	 degrés	 d’utilisation,	 du	 micro	
événement	(un	placement	spatial	statique	ou	dynamique	pour	chaque	son)	à	la	macro	structure	(une	
structure	spatiale,	statique	ou	dynamique,	monodique	ou	polyphonique	par	section,	phrase	ou	groupe	
d’évènements).	
Parmi	 d’autres	 niveaux	 possibles,	 nous	 en	 avons	 sélectionné	 six	 qui	 nous	 paraissent	 particulièrement	
utiles	et	expressifs	:	
–	Niveau	abstrait	de	l’espace	pensé	par	plans,	volumes,	mouvements	ou	figures	géométriques.	
–	Niveau	structurel	de	l’espace	utilisé	comme	valorisation	des	sections,	transition,	rappel.	
–	Niveau	ornemental	d’un	espace,	souvent	en	mouvement,	ajouté	à	un	évènement	pour	en	renforcer	
l’intérêt	ou	la	fonction	momentanée.	
1 1
2
2
4 4
3
3
3
1 2
4
5
5
6 6
7
78
8
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
24	
–	Niveau	figuratif	d’une	relation	de	l’espace	à	l’imaginaire,	au	trait	caractéristique,	à	la	métaphore.	
–	Niveau	archétypal	de	certaines	figures	d’espace	évidentes	pour	tous,	comme	la	vague	(bercement),	le	
cercle	(enfermement),	l’explosion…	
–	 Niveau	 madrigalesque	 du	 renforcement	 expressif	 d’éléments	 extérieurs	 à	 la	 musique	 même	 (texte,	
image,	etc.)	par	des	figures,	mouvements,	situations	spatiales	appropriées.	
1. Niveau abstrait
En	stéréo,	les	plans	en	profondeur	allègent	et	clarifient	l’orchestration	sonore,	le	mélange.	
L’espace	devient	alors	un	agent	musical	actif	comme	le	sont	les	étagements	de	registres	de	hauteurs,	et	
les	colorations	par	le	timbre	dans	une	écriture	orchestrale.	
Christian	Zanési,	Stop	l’horizon	1:00	
Les	différenciations	spatiales	permettent	une	forme	de	variations	sur	un	même	matériau.	
Annette	 Vande	 Gorne44
,	 Yawar	 fiesta,	 introduction	 des	 deux	 chœurs	 de	 femmes	 acte	1	 et	 acte	2	
1:34+1:35	
	
Sans	remonter	aux	années	50-60	(Karlheinz	Stockhausen	Gesang	der	Jünglinge	1956,	Kontakte	1960)	ou	
à	1972	(John	Chowning,	Turenas),	l’écriture	abstraite	multiphonique	se	développe	dans	la	décade	1990.	
En	1989,	Lune	Noire	de	Patrick	Ascione,	composée,	et	montée,	au	GRM	sur	bande	analogique	16	pistes	2	
pouces,	installe	un	double	espace	de	mouvements	tourbillonnants	autour	du	public	et	sur	scène.	
2. Niveau structurel
Le	choix	des	mouvements	permet	de	clarifier	une	forme	ou	une	section,	un	moment	particulier	à	mettre	
en	exergue.	
Par	exemple,	une	double	section	en	miroir,	dont	les	événements,	les	matériaux	sont	similaires,	mais	dont	
le	 mouvement	 spatial	 circulaire	 inversé	 accentue	 une	 forme	 inversée	 aussi	 dans	 ses	 trajets	 de	 profils	
mélodiques	et	ses	morphologies,	ce	qui	met	en	évidence	le	texte	poétique	:	un	sens	identique	exprimé	
dans	des	images-mots	opposées.	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	II	Combattimento	:	sous	les	coups	de	ta	croupe	+	et	le	lait	de	tes	
reins	1:12	
Autre	exemple	:	Une	figure	est	répétée	comme	transition,	avec	accélération	progressive	et	transposition	
vers	l’aigu.	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	Fiesta,	acte	II	Combattimento	:	transitions	1	et	2,	0:21	+	0:24	
3. Niveau ornemental
Espace	ou	mouvement	ajouté	pour	renforcer	l’intérêt	de	la	figure	sonore.	
Tout	comme	le	mordant	ou	le	trille	au	XVIIIe
	siècle,	le	mouvement	oriente	l’attention	perceptive	sur	un	
élément	parmi	d’autres.	Cet	espace-source	permet	une	écriture	de	type	«	figure	sur	fond	».	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta	:	acte	I	chœur	des	femmes	:	lamento,	1:44.	Un	souffle	serpentin	qui	
par	un	mouvement	spatial	aléatoire,	fantaisiste,	entoure,	traverse	le	texte	chanté,	étiré	dans	le	temps.	Il	
allège	et	contrepointe	une	temporalité	lente	par	un	trajet	spatial	rapide.	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta	:	Acte	I	Condor,	0:47.	Mouvement	en	cercle	sur	le	mot	«	Taureau	»,	
pour	laisser	imaginer	l’espace	de	jeu	de	l’arène,	et	l’encerclement	du	taureau,	précédé	d’un	mouvement	
en	 spirale	 et	 chute	 qui	 figure	 le	 condor	 sur	 le	 dos	 du	 taureau.	 	En	 situation	 d’interprétation	 (espace	
externe	 selon	 Michel	 Chion45
),	 il	 arrive	 très	 (trop	!)	 fréquemment	 que	 l’interprète	 ajoute	 des	 figures,	
souvent	en	mouvement,	à	une	œuvre	qui	n’en	demande	pas	tant.	Le	niveau	ornemental,	s’il	n’est	pas	
soutenu	 par	 une	 compréhension	 intuitive	 et	 analytique	 de	 l’œuvre,	 reste	 la	 langue	 d’Ésope	 de	 la	
spatialisation	en	concert.	
																																																													
44
La majorité des exemples qui concernent les différents niveaux fonctionnels de l’espace sont puisés dans
mes propres œuvres car elles font l’objet d’une réflexion « spatiale » en cours de développement.
45
Chion, M. 1988, rééd 1998, Les deux espaces de la musique concrète, in Dhomont, F. éd, L’espace du
son vol I. Ohain : Musiques & Recherches pp.31-33
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
25	
4. Niveau figuratif
—L’imaginaire,	qui	se	base	sur	la	reconnaissance,	recrée	l’espace,	le	mouvement,	la	localisation	:	niveau	
de	l’image	iconique	selon	François	Bayle46
.	
Annette	Vande	Gorne,	Paysage	vitesse.	0:21.	Mouvement	de	«	voyage	»	Gauche	-Droite	artificiellement	
appliqué	à	un	son	de	cigale.	Qu’entend-on	le	plus	?	la	source	(écoute	indicielle),	ou	le	mouvement	?	
Annette	Vande	Gorne,	figures	d’espace	:	contrastes	7’58	à	8’55,	10’51	à	11’54	
—Souvent	 un	 trait	 caractéristique	 suffit	 à	 provoquer	 l’image	 spatiale	 :	 niveau	 du	 diagramme	 selon	
François	Bayle47
	
Annette	 Vande	 Gorne,	 Le	 gingko	 (conte	 philosophique	 de	 Werner	 Lambersy)	 :	 le	 désert	 2:14.	 Quelle	
imagination	avons-nous	du	désert	?	Le	souffle	dans	le	tuyau	d’une	flûte,	avec	un	léger	grain	itératif	et	un	
peu	de	réverbération	suffit	à	créer	l’espace	horizontal	ondoyant,	la	matière	sableuse	du	«	souffle	chaud	
du	désert	»	et	la	nudité	pure	que	notre	imaginaire	lui	associe.	
—Enfin	le	niveau	métaphorique	(μεταφορειν	:	porter	ailleurs)	dépend	du	contexte	global.	
Annette	Vande	Gorne,	Vox	Alia	:	œuvre	octophonique	dont	chaque	partie	est	un	affect,	traduit	par	une	
configuration	spatiale	particulière.	
•	Giocoso	est	une	forme	binaire	contrastée,	avec	des	oppositions	spatiales	Gauche-Droite,	obliques,	ou	
proche-loin	à	l’image	de	groupes	d’amis	qui	jouent	et	discutent	ensembles.	
•	Amoroso	entrelace	des	mouvements	de	spirales,	de	rotations,	de	double	cheminement	avant-arrière	
en	deux	quadraphonies	ou	une	octophonie,	à	l’image	de	l’amour	qui	étreint	et	entoure.	
•	Innocentemente	retrouve	la	spatialité	non	orientée,	informelle,	rapide	et	versatile	de	l’enfance.	
•	Furioso	éructe	sa	violence	dans	un	espace	longtemps	confiné	à	la	stéréo	avant,	qui	explose	en	vagues	
agressives	et	recouvre	le	public.	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	I	:	réverbération	“cathédrale”	et	en	mouvement	rapide	sur	la	
voix	 pour	 marquer	 la	 destinée	 d’un	 peuple	 :	 soyez	 comme	 le	 ciel	 qui	 brûle	 et	 qui	 brille	 (mouvement	
rapide)	au-dessus	de	vos	champs	(fixe	avec	réverbération)	0:37	
5. Niveau archétypal
Certains	mouvements,	par	leur	seule	présence,	évidents	parce	que	proches	d’un	archétype,	clarifient	le	
sens	du	message,	le	contexte,	la	communication.	
•	La	vague	(aller-retour,	hésitation,	balancier)	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	III	monologue	final	:	les	dieux	0:52	
•	Le	cercle	(enfermement)	
Annette	Vande	Gorne,	Yawar	fiesta,	acte	III	monologue	final	:	les	mêmes	tains	ont	dit	1:49	
•	L’explosion	
Annette	Vande	Gorne,	TAO	Terre,	1ère	partie	pour	exprimer	le	«	big	bang	»	primordial	4:26	
•	La	spirale	
Annette	Vande	Gorne,	TAO	Terre,	finale	:	vers	l’Omega	6:10	
6. Niveau madrigalesque
Les	architectures	polyphoniques	abstraites	de	la	musique	ont	évolué	vers	l’expressivité	grâce	au	passage	
par	le	texte	et	sa	relation	naïve,	immédiate,	développée	dans	le	madrigal	du	16e
	siècle	en	Italie.	Je	tente	
cette	même	relation	dans	un	opéra	(Yawar	fiesta,	2006-2012),	en	attribuant	ce	rôle	aux	mouvements	
spatiaux,	ou	à	l’illusion	spatiale.	
Yawar	 fiesta	 :	 acte	 II	 combattimento	:	 nous	 rêvons	 Le	 rêve	 est	 l’expression	 d’un	 désir	 lointain	 ou	
inachevé…	réverbération	sur	tous	les	canaux.	0:31	
Yawar	fiesta	:	acte	II	combattimento	:	ton	piétinement	de	sabot,	(rythmes	sur	les	mots	fragmentés)	nous	
en	avons	nourri	nos	âmes	(mouvement	loin	devant	et	medium-aigu	sur	le	mot	«	âmes	»).	0:56	
																																																													
46
Bayle, F. 1993, Musique acousmatique, propositions…positions. Paris : Buchet/Chastel p.186
47
ibidem
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
26	
Yawar	fiesta	:	acte	II	Toro	:	Fils	de	la	conquête,	aiguillonnez	votre	gloire.	Réverbération	et	long	gel	sur	les	
mots	conquête	et	gloire.	1:07	
Yawar	fiesta	:	acte	III	monologue	final	:	Qu’ici	au	moins	où	les	mots	sont	chantés	(espace	rempli)	dans	les	
jeux	de	l’ombre	(espace	vide,	arrière)	et	des	lumières	(solo,	centre	avant).	0:23	
Conclusion	quant	à	l’espace	
La	 musique	 acousmatique	 est	 sans	 aucun	 doute	 le	 lieu	 de	 toutes	 les	 expériences	 sur	 la	 relation	 son-
temps-espace,	tant	à	la	composition	que	lors	de	son	interprétation	spatialisée,	car	en	perdant	le	bénéfice	
d’une	 génération	 sonore	 en	 direct,	 elle	 gagne	 celui	 d’une	 véritable	 écriture/jeu	 avec	 l’espace	 comme	
paramètre	musical.		
Le	figuralisme,	par	le	jeu	avec	des	figures	spatiales,	nous	semble	une	voie	royale	pour	donner	sens	et	
justifier	l’espace	comme	élément	qui	renforce	l’expressivité	de	l’œuvre	musicale.	
La	 projection	 spatiale	 de	 la	 musique	 pour	 une	 écoute	 acousmatique	 (le	 son	 dans	 l’espace)	 permet	 à	
l’espace	de	l’avenir	de	s’ouvrir	à	une	cinquième	dimension	de	la	musique	expressive	:	l’espace	du	son.
TECHNIQUES	D’ÉCRITURE	sur	support	
	
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  • 1. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE Ce traité des techniques d’écritures sur support est le résultat tangible de plus de 25 ans d’enseignement de cette matière dont j’eus la charge aux conservatoires royaux belges de Liège (1986), Bruxelles (1987-93) et Mons (1993-2011) où il est toujours transmis aux étudiants de la section électroa- coustique par Daniel Perez Hajdu qui m’y a succédé. Tout comme une formation aux écritures classiques (harmonie, contrepoint, fugue) précède dans les conservatoires européens, la formation à la composition classique pour orchestre et voix, ces écri- tures sur support offrent au compositeur qui s’engage dans une voie plus expérimentale, celle des ins- truments technologiques, la palette des écritures musicales que son répertoire lui associe. C’est un répertoire né de l’enregistrement sonore sur support (disque, bande magnétique, mémoire informa- tique) dont Pierre Schaeffer en a remarquablement tiré toutes les conséquences. Là se trouve, à mes yeux, la véritable révolution musicale du XXe siècle1 . François Bayle en proposera ensuite une autre conséquence sous le vocable de musique acousmatique2 qui porte toute son attention sur l’écoute aveugle, dé-corrélée des sources sonores grâce au haut-parleur. En découlent alors d’autres comporte- ments liés à la composition sur support : non plus la production d’évènements objectivement organisés et formalisés selon leurs interactions, mais des solutions de conduite de l’écoute et de communication avec l’imaginaire, avec les capacités de représentation mentale et mémorielles de l’écoutant3. Cette première formation aux écritures, avant la composition elle-même, demande à l’étudiant, du- rant deux ans et demi, un effort d’inventivité permanent, à raison d’un exercice hebdomadaire. Mais rendons à César ce qui lui appartient : Le GRM a créé, en 1968, une classe expérimentale de composition électroacoustique4 au sein du CNSMD5 de Paris. Pierre Schaeffer, assisté plus tard de Guy Reibel, en avait la charge. Les notes de cours prises lors de ma présence dans cette classe (1977-80) sont à l’origine de ce texte, qui en étend le champ d’exploration, mais en respecte toujours l’esprit. Ces écri- tures sont la marque stylistique de l’école française de la musique électroacoustique, puisqu’elles sont tirées de l’expérience et du répertoire des compositeurs pionniers du GRMC6 puis du GRM. Comme il s’agit ici d’un texte à orientation pratique et pédagogique, il utilise un style direct, concis et peu « littéraire », sans pour autant répondre aux standards habituels des publications scientifiques. Annette Vande Gorne Ohain, octobre 2017 1 Schaeffer, P. 1952, À la recherche d’une musique concrète. Paris : Seuil 228 p. 2 Terme repris par Pierre Schaeffer dans son Traité des Objets Musicaux à Jérôme Peignot qui le cite dans un article de critique du premier concert de musique concrète à Paris en 1948. Dans le dictionnaire de Littré, au 19e siècle, un acousmate est un bruit dont on ignore la cause. 3 Bayle, F. 1985, Acousmatique musique, http://www.universalis.fr/encyclopedie/musique-acousmatique/ 4 Nom originel : « classe de musique fondamentale et appliquée à l’audiovisuel » cf. http://omf.paris- sorbonne.fr/AUX/d-TXT/L3-XX EA-2.pdf 5 Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse. 6 Groupe de recherche de musique concrète : Schaeffer, Henry, Ferrari, Bayle, Parmegiani, Malec, Ferreyra, Lejeune, Reibel, Chion pour ne citer que les plus actifs dans le GRM de l’époque 1948-±1970
  • 2. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 2 Afin d’en avoir une vision d’ensemble, voici un tableau qui évoque les différentes étapes de travail en studio, c’est un travail lent et précis qui permet de remettre vingt fois sur le métier son ouvrage. Évi- demment, ce tableau est indicatif, chaque compositeur ou artiste sonore se forge sa propre méthode. CHAPITRE 1 : les modèles énergétiques Ce chapitre est sans aucun doute le plus fondamental et original de ce traité. Il puise ses ressources chez Pierre Schaeffer (le vocabulaire descriptif des sons entendus), François Bayle (quelques notions qui ca- ractérisent l’acousmatique) et Guy Reibel (la séquence-jeu, l’importance du geste). PRÉSENTATION DU PROGRAMME DE TRAVAIL La séquence-jeu7 Il s’agit là d’un moyen, simple et efficace, de pénétrer immédiatement au cœur du musical, par une rela- tion expressive, personnelle au son, dans la continuité improvisée d’une séquence balisée par la mémoire, dans l’exploration et le jeu, orienté par une contrainte musicale, sur un ou plusieurs corps sonores, dans l’aller-retour constant entre le faire et l’entendre8 , dans la relation main /oreille9 , bref, dans cette relation si particulière d'un instrumentiste à son instrument. Séquence-jeu et énergie Les quatre paramètres du son de la musique acousmatique : Non plus : hauteur, rythme, durée, timbre, Mais : Énergie-mouvement, morphologie, espace, couleur (spectre). 7 http://www.aecme.fr/définitions : une excellente explication de ce concept particulier, par Denis Dufour : « La notion de séquence-jeu a été développée par Guy Reibel dans le cadre de son enseignement de la mu- sique électroacoustique au CNSMD de Paris à partir de 1975 pour sortir de la logique d'écriture par montage d'objets sonores ou de l'utilisation de trames informes et redonner vie au geste instrumental. Pour réaliser une séquence-jeu (électroacoustique), il faut un exécutant, un corps sonore, un microphone et un enregistreur. Ce n'est qu'après avoir expérimenté toutes les possibilités de ce corps sonore, en relation avec le meilleur emplacement possible du micro, que l'exécutant détermine le paramètre dont il va tirer, par des gestes maîtrisés, une “écriture” variée. Respectant ainsi le principe de permanence-variation propre à tous les instruments, il va jouer sa phrase selon un déroulement exempt de toute velléité de construction arbitraire, de tout langage établi, portant toute son attention sur le seul paramètre choisi, les autres n'évo- luant, naturellement ou accidentellement, qu'en fonction de celui-ci. Il s'agit en quelque sorte d'une improvisation très cadrée, non pensée comme une composition mais comme une écriture, où le détail des inflexions, des nuances, des élans, des profils mélodique, rythmique et dynamique, etc. forme un phrasé comparable à celui d'une ligne de contrepoint d'école que nulle répétition, nulle stagnation, nul parti-pris arbitraire ne viendraient freiner, rompre ou dévier. Pour résumer, une séquence-jeu est une phrase musicale enregistrée, de deux à trois minutes, obtenue par une continuité d'exécution à partir d'un mode de jeu unique sur un seul corps sonore et dont le déroule- ment toujours renouvelé respecte les caractéristiques “naturelles” du dispositif. » 8 Schaeffer P. 1966, rééd. 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil p.37 9 Bayle, F. 1993, musique acousmatique “propositions…positions”. Paris : Buchet/Chastel p.17 Projet(titre) matières: séquences-jeu: corps sonores, synthèse choisir, nettoyer, nommer, archiver écritures par montage Transformations écritures par mélanges spatialisation idée abstraite, récit, texte…
  • 3. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 3 IDEES-FORCES : Séquence-jeu et geste Au début, en rapport avec le Traité des Objets Musicaux, pour composer il manquait, dans la recherche de Schaeffer, la notion de séquence-jeu, qui reflète une évolution dans la jeune histoire des musiques électroacoustiques. Jusque 1966 : les objets sonores (ceux de la perception, à ne pas confondre avec les corps sonores, ceux du jeu musical)10 permettent l’analyse descriptive. On a alors constaté une frustration, un pensum. En découle la nécessité de fabriquer une situation où l’invention puisse vraiment se développer et non fabriquer des unités de son différentes, les unes à côté des autres : « bazar » sonore (selon Guy Reibel) — L’importance du geste s’associant à l’invention musicale : L’action sonore n’est pas innocente, donc la meilleure forme en est la séquence. Les phénomènes musicaux sont placés dans un contexte, avec une progression d’un état à un autre. — La notion essentielle de jeu. Le geste matérialise l’intention musicale intérieure. Le geste devient source d’inspiration. — les corps sonores : non plus camouflage des objets « bidules » mais imaginer de nouveaux dispositifs en évitant l’ambiguïté des instruments traditionnels utilisés en dehors de leur meilleure capacité et non construits pour les énergies mises en œuvre, qui relèvent d’une pensée musicale différente. Ce qui est intéressant, dans le cadre des séquences-jeu : — les modèles naturels : la plupart relèvent de la physique des corps solides ou liquides. Ce sont des ar- chétypes, une des notions inhérentes à la musique acousmatique. — description des gestes en rapport avec les sons. Gestes continus. Gestes à caractère périodique (répétition à long terme). Gestes à caractère répété. Gestes hésitants, équilibre (entre continu et autres). Gestes globaux sur dispositif (rebonds, oscillations). Les micros observent le résultat et y participent. — importance des gestes et du dispositif mis en place avec le(s) corps sonore(s) et sa relation avec le mi- cro-loupe, enregistré et écouté à travers le casque porté par la personne qui improvise. LE GESTE C’est la traduction de quelque chose de profond, d’intime, comme le jeu, décrit par Jean Piaget11 d’un jeune enfant qui découvre intuitivement les multiples variations, notamment sonores, d’un jouet qu’il fait inlassablement tomber. Le contact avec le corps sonore laisse apparaître alors une musicalité à la source, primitive et sensible, naturelle, et non une composition, qui est l’ordonnance formelle du sensible. Commentaires S'impliquer, écouter avec tout le corps. Faire apparaître les racines, les comportements intimes corporels souvent dépassés, et éliminés par l’éducation, la vie. La répétition est un parti pris différent de la musique de l’instant, improvisée. 10 Objet sonore : ce que j’entends, l’objet de ma perception, qui est entièrement dé-corrélé du corps sonore grâce auquel le son est produit. Un même corps sonore produit des dizaines d’objets sonores différents tels qu’ils sont décrits et catalogués dans le Traité des objets musicaux de Schaeffer, et définis de manière plus condensée dans : Chion, M. 1983, guide des objets sonores. Paris : INA/Buchet-Chastel, p.177 11 Le stade de l'intelligence sensori-motrice dure de la naissance à deux ans. À partir de réflexes simples et d'habitudes acquises, le stade sensorimoteur aboutit à la construction de conduites de plus en plus structu- rées et complexes. Ce stade est caractérisé par la construction du schème (forme de connaissance qui as- simile les données du réel et qui est susceptible de se modifier par l'accommodation à cette réalité), de l'objet permanent et la construction de l'espace proche (lié aux espaces corporels). Lors des stades sui- vants, l'enfant reconstruit en pensée et en représentation ce qui lui était acquis lors du stade de l'intelli- gence sensori-motrice.
  • 4. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 4 Être observateur, être agissant et agir par le phénomène sonore, la rétroaction de l’écoute ; le Faire et l’Entendre schaefférien. Jouer de la surprise et de son originalité : si je suis (pré) déterminé, je ne découvre rien. La musicalité vient du jeu gestuel. Ne pas se contenter d’observer les réactions d’un dispositif choisi. Geste ouvert, pas trop en retrait. POINT DE VUE MUSICAL Effort de localisation d'une idée musicale, la varier, la travailler pour elle-même, faire émerger l'invention du geste et de la mémoire. Les séquences sont courtes (jusque 3, 4 minutes), sans forme déterminée. On doit sentir l'implication mentale et gestuelle intéressante à écouter. C’est ici que la démarche concrète prônée par Schaeffer prend tout son sens : ne rien prévoir, pas de plan préétabli (le « hors champ » de Xenakis) mais faire évoluer la séquence, par la mémoire de ce qui a déjà été réalisé, vers un futur incertain, en vivant intensément le moment présent. Exemples Percussion-résonance Rapport entre résonance et geste modulant, rapport très instrumental Frottement Geste le plus "primitif", proche du corps, dont la qualité détermine directement celle du son Accumulation de corpuscules (à la limite du frottement appuyé) Geste global, dominateur, minimal par rapport à la densité d'évènements générés Oscillation Geste de déclenchement et observation Balancement Geste qui relance et modifie Rebond Modèle un peu semblable à l'oscillation par geste de déclenchement (les oscillations sont plus rapides et entre deux pôles, à vitesse constante, les rebonds jouent sur un seul pôle à vitesse progressive et peuvent être interrompus et relancés) Flux Geste minimal et progressif qui tient plus compte de l’écoute attentive (en zoom allant du global homogène au détail varié) que du geste lui-même. Pression-déformation, flexion Conséquence d’une force réelle ou simulée. Geste souvent en aller-retour Rotation Une chaîne acoustique ou plusieurs chaînes : gestes répétitifs Spirale Geste répétitif, avec variations de vitesse. Geste volontaire POINT DE VUE TECHNIQUE En commençant la formation par des séquences-jeux, on aborde le studio simplement, avec initiation à la prise de son (caractéristiques différentes des microphones et de leurs placements) et au montage (nettoyage simple).
  • 5. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 5 Méthode de travail Choix du ou des corps sonores en fonction du modèle énergétique travaillé. Attention au fait qu’un même corps sonore et surtout un même instrument musical peut, selon les gestes, produire des catégories énergétiques très différentes. Par exemple, le piano peut générer à la fois : percussion-résonance, frottement, rebond, rotation, flux… Choix du dispositif : relation entre la source et sa captation. Nombre de micros [mono, stéréo (quelle technique ?), multiphonique], distance fixe (micro[s] sur pieds) ou mobile (mouvement de la source ou mouvement microphonique). L’écoute au casque, en direct, est indispensable. Si plusieurs intervenants sont nécessaires, ceux qui manipulent les corps sonores écoutent les sons au casque, écoute qui est très différente de l’écoute acoustique, grâce à « l’effet de loupe » du microphone. Deux méthodes 1. Étude préalable des possibilités du dispositif puis enregistrement d’une ou plusieurs séquences. Réécoute et choix de la meilleure. Montage limité à l’élimination des défauts techniques. 2. Enregistrement en continu de tous les essais. Réécoute et choix des meilleurs moments assemblés ensuite par montage.
  • 6. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 6 LES ÉNERGIES Le modèle énergétique permet d'être déjà dans un univers musical déterminé, basé pour la plupart sur des modèles physiques. C’est un archétype (notion fondamentale en conduite d’écoute acousmatique). Il s’agit de réaliser une séquence faisant apparaître une idée musicale en rapport avec le modèle. Percussion-résonance Modèle morphologique : Mode de production sonore le plus général, le plus instrumental. Qu’est-ce qu’un instrument (lutherie) ou un corps sonore ? : excitateur, résonateur, diffuseur. Sons instrumentaux : excitation — attaque et sa conséquence. Modèle naturel le plus général qui soit : attaque, chute de l’attaque, entretien, chute. Plus connu en anglais par attack, decay, sustain, release, ADSR. C’est un modèle instrumental. Méthode de travail La percussion-résonance est une énergie à bien étudier du point de vue de sa résultante sonore, souvent « masquée » par le geste, et la tradition rythmique associée à la percussion. Le couple « faire/entendre12 » de Pierre Schaeffer prend ici tout son sens. C'est tout le dispositif micro/haut-parleurs qui compte. Il est donc primordial d’y intégrer le mouvement du micro (geste musical) pour une utilisation du dispositif percussion/mouvement du micro. Jeu dans la résonance La résonance est la résultante de la percussion, son <halo harmonique>13 La résonance donne sa couleur à l’attaque : pour changer ses harmoniques, il faut changer la forme du résonateur. La modulation de la forme de la résonance est également possible par le jeu gestuel avec le micro. L’utilisation du micro-contact rend le son comme écrasé, sans troisième dimension, il en résulte un espace haptique à l’image d’un bas-relief égyptien : tout est sur un même plan. Jeu par les excitateurs On observe les phénomènes provoqués par différents types d’excitateurs sur le même corps sonore, comme variations sonores des attaques et des résonances. Commentaires La trompette a une attaque dure et une résonance entretenue ; le piano a une attaque dure et une résonance en chute immédiate, sans entretien dont on ne contrôle pas la chute, sauf par le jeu de pédale ; le violon a une attaque douce, et un entretien contrôlé, sans chute, sauf celle définie par l’acoustique du lieu ; les percussions sèches ont une attaque brève, d’amplitude forte, sans entretien, avec chute rapide. Le facteur <dynamique> (amplitude) et le critère morphologique <halo harmonique> entrent en jeu comme variation perceptive de la percussion-résonance, de même que les critères d’attaque, et d’entretien. Exemples sonores Ivo Malec, Attaqua, 4:58 François Bayle, Énergie libre, Énergie liée, 1:56 Annette Vande Gorne, TAO, 4e élément : Métal, 0:49 Michael Obst, Metal drop music, 0:31 Bernard Parmegiani, De Natura Sonorum 4 : Dynamique de la résonance, 2:53 Pierre Schaeffer, Étude aux allures, 0:51 Jonty Harisson, Klang, 2:15 12 Schaeffer P. 1966, rééd. 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil p.37 13 Ibidem pp.516-517
  • 7. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 7 Frottement-granulation Frottement : énergie brute entre 2 surfaces qui se rencontrent. C’est un modèle gestuel, de mouvement : une représentation mentale du geste basée sur le connu : cf Jean Piaget14 . Cette représentation est proprio-perceptive. Il s’agit de passer d’un état glissant à un arrêt, d’envisager tous les états, les équilibres instables (les grains) entre ces deux pôles. Il y a un rapport direct entre intention, geste et sons résultants. La signification profonde, affective est dans le geste : pour le musicien comme pour le danseur, le peintre ou le sculpteur, l’émotion est transmise par la qualité et le vécu intense des gestes physiques qui expriment un ressenti. Méthode de travail C’est un modèle global, on le pense plus en séquence-jeu assez improvisé. On se laisse guider par le geste et l’écoute au casque. Le couple main — oreille15 trouve toute sa justification dans ce modèle énergétique du frottement. Prise de son des corps sonores en rapport direct avec le corps humain. Le micro fait partie de l’instrument (ou de la façon de tenir l’instrument) Passer du lisse au granuleux et au ponctuel. Le granuleux est un type d’énergie qui résulte d’un effort : La personne qui écoute va le ressentir, avec son propre corps, car elle a une connaissance proprio- perceptive des mêmes mouvements. Retenir les choses, les laisser aller. Commentaires Le frottement génère un rapport ligne-point (cf. Paul Klee 16 ). La dynamique de la ligne, la dynamique du point et tous les phénomènes intermédiaires : passer d’un état à un autre d’un même phénomène, la ligne étant le repos, le relâchement du point itératif. Calibre des points entre eux, calibre des lignes entre elles. Dynamique du mouvement, qui n’est pas nécessairement « rectiligne ». Le frottement est l’énergie qui laisse le plus passer l’idée du mouvement. C’est une énergie la plus primaire, la plus primitive, la plus proche des enfants entre 0 et 2 ans. Le facteur <vitesse> et le critère typologique de matière <grain> entrent en jeu comme variation perceptive du frottement, de même que le critère d’entretien <itératif> : entretien du son découpé et répété. Exemples sonores Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir, 1:49 Pierre Henry, Le voyage : souffle 1 et souffle 2, 2:44; 1:54 Bernard Parmegiani, De Natura Sonorum : étude élastique, 2:28 Bernard Parmegiani, Dedans-dehors (proche-lointain), au début, 5:09 Bertrand Dubedout, Aux lampions, 3e mouvement Sous les planches, 1:33 Annette Vande Gorne, TAO, 2e élément : Feu (début), 1:45 Philippe Mion, Confidence, 1:28 Henri Kergomard, Plume de roche, 3:31 Helmut Lachenman, Pression pour vlc, 3:06 Helmut Lachenman, Dal Niente (intérieur III) pour clarinette, début, 1:46 Luigi Ceccarelli, Cadenza, 2:47 14 https://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/0001/bin66/textes/theoa.htm 15 Bayle, F.1993, musique acousmatique “propositions…positions”. Paris : Buchet/Chastel p.17 16 Klee, P. 1968, Théorie de l'art moderne. Genève : Denoël-Gonthier
  • 8. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 8 Accumulation de corpuscules Synthèse granulaire : les grains sont au-dessus du seuil de perception auditive Modèle beaucoup plus global, modèle de corpuscules fonctionnant en accumulation. Modèle-image : Selon l’échelle de perception, une même source sonore devient un objet corpusculaire, ou par exemple un flux : La mer (proche=corpuscules, loin=flux), l’eau (idem). Une foule sur un terrain de football (loin=corpuscules, proche=événements détaillés, cris, etc.). Le vent dans les feuilles (proche=corpuscules, loin=flux). On écoute l’évolution globale de l’ensemble des grains. Mode de fonctionnement dans la durée par accumulation ; Processus et non formes. On peut entendre les mini-particules qui ressortent de l’ensemble (par exemple, celles générées par le papier aluminium) en privilégiant l’aigu. Corpusculaire global : accumulation d’atomes. Le critère de matière <grain>, de <masse> (occupation du champ des hauteurs), son <calibre> (gros à très fin) et la <densité> des accumulations sont des facteurs de variations perceptives de l’accumulation de corpuscules. Le courant « noise » des musiques électroniques en est la meilleure illustration. Commentaires À noter ici une différence entre frottement et accumulation de corpuscules : Si le frottement génère des grains « individuels » ou itératifs, ou du grain tellement fin qu’il se rapproche de l’entretien lisse du son, l’accumulation de corpuscules, plus globale, génère des masses de grains telles que la perception porte plus sur le couple forme/matière de Pierre Schaeffer 17 que sur le détail des granulations. Ici aussi, le critère <masse> est important. Exemples sonores Barry Truax, Riverrun (synthèse granulaire), 4:25 Guy Reibel, Granulation-sillage : Granulation, 4:17 Annette Vande Gorne, TAO, 1er élément, Eau, 3:08 Annette Vande Gorne, TAO, 2e élément, Feu, 0:37 Bernard Parmegiani, Dedans, Dehors : métamorphoses, 6:20 Bernard Parmegiani, Rouge Mort : Thanatos, derniers jeux 5:13. Mode de fonctionnement en oscillation. Iannis Xenakis, Concret PH, 2:44 Iannis Xenakis, La légende d’Ear (octophonique) = Immersion-sensation, 5:24 Iannis Xenakis, Piktoprakta pour orchestre, 0:20 Bernard Fort, Fractal V, 1:10 François Bayle Match nul, « L’expérience Acoustique », chap. L’Aventure du Cri, 1:42 François Bayle, Bâton de pluie, 1:06 François Bayle, Paysage, personnage, nuage, 0:57 Michèle Bokanowski, Tabou, 4:15 Denis Smalley, Wind Chimes (aussi percussion-résonance), 1:30 Robert Normandeau, Murmures, 2:13 Elainie Lillios Deep fire, 1:01 John Oswald, Skindling Shadès, 5:00 Pierre Henry, Le livre des morts égyptiens 1-Navigation, 1:21 Francis Dhomont, Forêt profonde : Chambre de lumière, 1:11 En cuerdas, 0:32 Les moirures ou Moirures (vidéo-musique), 1:14 Phœnix XXI, 1:05 Ricercare, 0:49 Convulsive, 0:36 17 Schaeffer P. 1966, rééd.1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.399-403
  • 9. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 9 Oscillation Modèle mathématique : Loi qui décrit un phénomène physique : loi du pendule. Dispositif énergétique fondamental qui entre en oscillation. Oscillation : Deux pôles, entendus comme tels, avec un mouvement rapide et régulier, mécanique. Geste de déclenchement puis observation de la loi : rencontre entre le geste et la loi, qui est le modèle. La variabilité de la force du geste de déclenchement va déterminer la variété des sons résultants. Le trille, joué très régulièrement, en est un exemple dans le jeu instrumental. Les facteurs de variation sont <force de déclenchement, vitesse, densité, fréquence, spectre, espace Gauche-Droite, espace-plan de profondeur>. Commentaires Être dans le son et non dans le jeu d’un corps sonore qui apparaît alors dans toute sa dérision, car on reste à l’extérieur de l’écoute du son. Moduler le geste par la loi. La variabilité d’un modèle qui répond à une loi dépend donc des différents facteurs qui varient la loi, et non le son. Donc, l’oscillation dépend du nombre, du poids, de l’emplacement des excitateurs, de la force appliquée sur les excitateurs, de la durée laissée à l’oscillation. Exemples sonores Bernard Parmegiani, Pour en finir avec le pouvoir d’Orphée : l’oscillée, 3:29 Annette Vande Gorne, TAO, 3e élément Bois : 3e partie à 7:08, 3:51 Annette Vande Gorne, TAO, 4e élément Métal, 2:59 Georgy Ligeti, Continuum pour clavecin, 3:57 François Bayle, « L’expérience Acoustique », le langage des fleurs : Métaphore, 3:25 François Bayle, Grande Polyphonie : 2e polyphonie, 4:54 François Bayle, Camera oscura : vibrato, 1:55 François Bayle, Bâton de pluie (à 16’), 1:06
  • 10. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 10 Balancement Dispositif énergétique fondamental qui entre en oscillation. Le geste est volontaire, en alternance, provoquant différents balancements ; vision d’une mécanique intéressante dans laquelle on intervient. Balancement : 2 pôles comme points d’arrivée d’un mouvement plus lent, irrégulier, gestuel, dont on peut entendre le trajet entre les deux pôles. Ce trajet, mouvement continu entre deux pôles, peut être celui d’une <allure>, critère d’entretien schaefférien18 . Ce qui compte c’est le comportement (alternance irrégulière), pas le son qui peut changer. Les facteurs de variations sont <vitesse, densité, fréquence, spectre, espace Gauche-Droite, espace-plan> Image-modèle : l’enfant poussé par un parent sur la vieille balançoire grinçante. Commentaires Gestes fins, cohérence sonore, reprise en main de la loi. Contrairement à l’oscillation, le geste reprend ici toute son importance puisque sa force, sa vitesse et le fait de laisser aller jusqu’au bout ou de relancer le balancement introduisent des variations qui entretiennent l’intérêt et l’éveil de l’écoute. Exemples sonores Guy Reibel, Balancement (extrait de Granulation/sillage), 3:49 François Bayle, Bâton de pluie (oscillation+balancement), 0:33 François Bayle, Motion-émotion, 1:14 François Bayle, Camera Oscura : 6e prélude, 2:23 François Bayle, Toupie dans le ciel (pédale grave en balancement à partir de 2’30), 5:58 François Bayle, « L’Expérience Acoustique », le langage des fleurs : Métaphore, 3:35 Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir : balancement, 3:16 Randall Smith, L’oreille voit, 1:26, balancement spatial Annette Vande Gorne, Figures d’espace : Vagues, 3:29 18 Schaeffer, P. 1966, rééd.1977, Traité des Objets Musicaux. Paris : Seuil pp.556-560
  • 11. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 11 Rebond Modèle mathématique ; Loi qui décrit un phénomène physique : loi du rebond. Rebond : mouvement répété sur un seul pôle, avec accélération progressive et prévisible des chocs (diminution du temps entre deux chocs). Geste de déclenchement puis observation de la loi : rencontre entre le geste et la loi, qui est le modèle. La variabilité de la force du geste de déclenchement va déterminer la variété des sons résultants. La synthèse, ou le son à l’envers, permettent d’inverser le mouvement : décélération progressive. En mode « acoustique », le rebond produit un profil mélodique19 vers l’aigu au fur et à mesure de l’accélération de la vitesse des rebonds (alors que la hauteur physique du rebond diminue). Le facteur <vitesse> et le critère typologique <halo harmonique> et <matière> entrent en jeu comme variation perceptive du rebond. Le critère d’entretien <itératif> est une répétition régulière, mécanique, sur un seul pôle comme le rebond, mais sans accélération de la vitesse. Commentaires Jeu avec un seul corps sonore, ou avec plusieurs ; sur une seule surface ou sur plusieurs dont les différences de matières varieront les couleurs des impacts et leur halo harmonique. Jeu qui observe le déroulement mathématique du modèle jusqu’à son extinction, ou au contraire, qui donne une intention musicale en reprenant la chose en main (modèle gestuel), avec des hésitations, des variations d’amplitude, de densités d’évènements différentes. En résumé : Loi : accélération ou décélération régulière, prévisible sur un seul pôle d’impact. Jeu : 1. Observation de la loi jusqu’à son extinction -2. « Reprise en main » de la loi -3. Multiplication des événements en rebond -4. Multiplication des surfaces/matières d’impacts. Exemples sonores Bernard Parmegiani, De Natura Sonorum : pleins et déliés, 4:40 François Bayle, Onoma : Rebond, 3:08 François Bayle, Camera Oscura, 4e prélude : Toccata, 1:11 François Bayle, Tremblement de terre très doux : Paysage 1, 3:23 Randall Smith, Elastic Rebound, 3:05 Panayotis Kokoras, Anechoic pulse, 2:02 Guy Reibel, Variations en étoile, 0:46 Francis Dhomont, Vol d’arondes, 1:12 Annette Vande Gorne, Figures d’espace : ritournelles, 0:36 19 Trajet continu dans le champ des hauteurs.
  • 12. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 12 Flux Variation continue et lente : énergie « minimale », de type homogène20 , avec taux de variation minimum. Musicalement, il s’agit de maintenir et de resserrer l’écoute malgré l’absence de contours, le cadrage « vu de loin », le peu de moyens musicaux. Le modèle en flux continu est peut-être l’image de marque la plus fréquente de la musique électroacoustique, en raison du débit continu caractéristique des instruments de synthèse analogique des années 70, et de l’absence de pulsations que leur construction par modules interconnectés permettait. C’est ce qui l’oppose, perceptivement, aux musiques instrumentales scalaires et/ou pulsées. Se rappeler Héraclite, pour qui l’éternité est l’instant présent, qui change à chaque instant, et pourtant toujours le même, tel un fleuve. Le facteur <densité> et le critère <profil de masse>21 entrent en jeu comme variation perceptive du flux. Commentaires Le flux relève de la métamorphose : transformation par mutations successives, fondu-enchaînés 22 . Les musiques répétitives, le minimalisme américain sont caractéristiques d’une homogénéité temporelle en flux, avec transformations lentes par approximations successives. Le flux est donc continu, c’est une trame 23 de durée « non convenable » (Schaeffer), longue. Le défi est de maintenir l’intérêt de l’écoute malgré un degré minimal de variation. Introduire des accidents permet de renouveler l’écoute. Exemples sonores François Bayle, La main vide I : Bâton de pluie, 2:07 François Bayle, « L’expérience Acoustique », L’épreuve par le son : transparence du purgatoire : écoute active, pédagogie de l’écoute. Temps présent, 3:23 François Bayle, Concrescence, 1er mouvement de « La forme du Temps est un cercle », 1:39 Bernard Parmegiani, De Natura Sonorum : géologie sonore. Un récit : Flèche du temps, téléologique, 4:34 Steve Reich, The Desert Music, 3e mouvement : même isorythmie sur séquences répétitives différentes, construites selon le même schéma, 7:00 Georgy Ligeti, Continuum pour clavecin, 3:57 Georgy Ligeti, Coulée pour orgue, 3:30 Georgy Ligeti, volumina pour orgue, 1:53 Georgy Ligeti, Lux Æterna pour 16 voix mixtes a capella, 9:29 Michel Redolfi, The underwater park at sunset, 4:07 Robert Murray Schäfer, 2e quatuor Waves : Allures. Récit actif, 1:06 Jean-François Laporte, Mantra : écoute passive. Temps présent, 5:01 François Bayle, Univers nerveux, 1:04 20 Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.517-518 21 Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.542-543 changement continu de la masse 22 Voir le chapitre consacré aux techniques d’écriture par mélange. 23 Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil pp.455-557 continuité dans la durée.
  • 13. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 13 Pression-déformation (flexion) Énergie en aller-retour continu entre deux pôles. Force appliquée et retour de force : force continue, évolution et transformation (du spectre, en général, dans le cours du trajet). Image-modèle : un verre retourné plongé et retiré de l’eau. Instrument-modèle : le flexatone, la guimbarde ou la scie musicale. On pourrait considérer le critère d’entretien d’un son en <allure> comme une flexion. Dans ce cas, l’allure devra être suffisamment lente et variée pour être perçue comme pression-déformation. Le facteur <vitesse> et les critères <profil de masse> ou <profil mélodique> avec transformation/variation de l’<enveloppe spectrale> entrent en jeu comme variation perceptive de pression-déformation. Commentaires Le terme « déformation » est important : cela suppose une trajectoire audible entre les deux pôles, avec une variation continue, souvent spectrale (comme dans le cas de la guimbarde), ou mélodique (la scie musicale). En cela se trouve la différence avec l’oscillation, dont on n’entend que les deux pôles, sans trajet. Exemples sonores Bernard Parmegiani, Pour en finir avec le pouvoir d’Orphée : L’oscillée, 3:29 Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir, chant II, 1:44 François Bayle, Motion-émotion, 0:32 Bernard Parmegiani, L’instant mobile : 3e partie, 3:39 François Bayle, Bâton de pluie, 0:35 Iannis Xenakis, Hibiki hana-ma : flexion du violon, 2:55 Annette Vande Gorne, Noces Noires : Allures, 1:44 Guy Reibel, Variations en étoile : 3e variation, 3:02 François Bayle, Camera Oscura : Ripieno, 2:50 François Bayle, La main vide, 0:36
  • 14. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 14 Rotation Modèle de mouvement et de fonctionnement. 1. Plus mouvement qu’énergie pure, la rotation peut s’appliquer à un autre modèle, le frottement par exemple. En perception sonore, on l’entend comme répétition cyclique (simulation d’une rotation). Bien sûr, le jeu avec l’espace est ici évident : simulation tridimensionnelle entre deux haut-parleurs ou mouvement réel en multiphonie. Dans ce cas, trouver la nécessité spatiale (éviter le jeu anecdotique du mouvement surajouté). 2. À mettre également en évidence le caractère répétitif de la rotation : mouvement périodique continu. Nous sommes alors dans la figuration (l’illusion) du mouvement, la représentation typiquement acousmatique. Toute formule mélodique assez courte bouclée sur elle-même, peut, avec un peu d’imagination illustrer une rotation, surtout si on s’en fait une représentation mentale en mouvement circulaire. Essayez ! Les facteurs <vitesse>, <fréquence>, <espace>, sont des critères de variabilité de la rotation. Commentaires S’il est un archétype le plus général qui soit, c’est bien le mouvement en rotation, et sa figure géométrique le cercle. Au point qu’aujourd’hui, on considère comme évident de placer les haut-parleurs en cercles de diamètres différents autour, et au-dessus du public pour spatialiser les œuvres multiphoniques en 8, 16, 24 ou 32 canaux. Exemples sonores François Bayle, Toupie dans le ciel (les scintillements aigus), 1:37 Annette Vande Gorne, TAO, Bois, 2e mouvement, 2:19 Annette Vande Gorne, Noces Noires, 4:49 Michèle Bokanowski, Cirque, 1:16 Francis Dhomont, Espace-Escape, 0:30 Francis Dhomont, Point de fuite, 0:19 Elizabeth Anderson, L’éveil (+ spirale), 0:54 Georgy Ligeti, Coulée pour orgue, 3:30 Aliocha Van der Avoort Tropisme, 3:01 Christian Fennesz, Paint it black, 3:29 Aliocha Van der Avoort Anisotrope, 7:30 (octophonique) Francis Dhomont, Espace Escape, 0:41 Spirale Rotation accompagnée d’une variation de vitesse vers l’aigu (accélération progressive et profil mélodique) ou vers le grave (décélération). Exemples sonores Elizabeth Anderson, L’éveil, 1:34 Yu-Chung Tseng: Metascape (CD Métamorphoses 2008), 0:53 Michèle Bokanowski, Tabou, 4:25 Georgy Ligeti, Coulée pour orgue, 3:30 Aliocha Van der Avoort Tropisme (début et fin), 3:20+1:52 Giacinto Scelsi, Kom om Pax pour orchestre, 2e mouvement, 2:01 Karlheinz Stockhausen, Sirius : capricorne, 4:32 Annette Vande Gorne, TAO 5e élément, Terre, 2:47 Francis Dhomont, Chiaroscuro, 1:17 Esa-Pekka Salonen, Helix (fin), 0:54
  • 15. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 15 Organisation des énergies Selon le point de vue théorique adopté, quelques caractères communs peuvent relier certains modèles énergétiques, certains archétypes physiques entre eux. Énergies matérielles, pour lesquelles la matière et/ou la morphologie du son est importante pour en percevoir l’énergie. Percussion-résonance, Frottement. Gestion globale du sonore. Accumulations de corpuscules (mobile), Flux (immobile). Énergies gestuelles : le geste se devine, le son dérive clairement d’un geste. Frottement, balancement, rebond (avec geste de rattrapage). Énergies-mouvements : trajets (mobile), statisme (immobile). Rotation, spirale, pression/déformation, flux. Énergies-lois : qui répondent à un certain degré de prévisibilité. Oscillation, rebond.
  • 16. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 16 JEU SUR L’ESPACE Nous arrivons ici au cœur même des musiques sur support, et singulièrement les musiques acousmatiques. En effet, lorsqu’en 1970 j’ai découvert par hasard les musiques acousmatiques, c’est leur spatialité et leur impact sur l’imaginaire, leur puissante capacité à créer des formes en mouvement sur mon écran mental qui m’ont immédiatement amenée à m’investir dans cette recherche nouvelle pour une musicienne « classique ». Le voyage de Pierre Henry, les espaces inhabitables de François Bayle, et plus tard Innominé de Léo Küpper ont été les œuvres-choc libératrices. Dès ce moment j’ai ressenti où se situe la différence avec les musiques du passé : L’espace fait intégralement partie du langage, du contenu, et du sens de l’œuvre musicale, au même degré que les autres composantes. C’est un percept inné, immédiat, alors que l’autre part nouvelle de ces musiques acousmatiques, la morphologie, demande un apprentissage par l’écoute réduite fondé sur le solfège descriptif des objets sonores de Pierre Schaeffer, photo instantanée d’un son. L’acousmatique, dans ses conditions d’écoute les plus strictes (rien à voir, tout à imaginer) est depuis le début24 le laboratoire de recherche tant technologique qu’esthétique le plus pointu sur les interrelations multiples entre Espace, Son, et Musique. Perception psycho-acoustique de l'espace25 Tout comme la vision binoculaire permet au cerveau humain de percevoir le relief, la profondeur de champ, la production de sensations d’espace passant par le canal perceptif de l’ouïe est liée à la psychoacoustique et à l’audition binaurale : étude certes subjective, mais quelques caractères généraux en ont été dégagés du point de vue de la localisation. Celle-ci a été créée par la perception ancestrale du danger, par l’adaptation de l’homme à son environnement. La localisation spatiale est donc liée à la morphologie de la tête humaine : la distance entre les deux oreilles, séparées par la proéminence nasale. Cette distance est traduite par une différence d’intensité — IID mesurée en Db — ou une différence de temps — ITD mesurée en millisecondes (ms) — pour qu’une source située d’un côté parvienne à l’autre oreille. Le ITD entre les deux oreilles est de 0,7 ms. Le IID entre les deux oreilles dépend fortement de la zone fréquentielle entendue au-delà de 1500 Hz, qui semble aller progressivement jusque ± 6 Db. Mise en espace En principe cette étape de transformation intervient en fin de travail, jusqu’à récemment considérée comme une valeur surajoutée et non comme une réelle transformation. Aujourd’hui, certaines musiques utilisent des sons qui ont un espace d’origine marqué, (espace acoustique) lequel restera toujours présent, résistera aux transformations si on ne casse pas la chaîne stéréo. D’autres ne se mettent en relief que grâce à la spatialisation par l’écriture multiphonique. ESPECES D’ESPACES26 Espace intrinsèque : L’espace de la chose Généralement, c’est par le mouvement constitutif du corps sonore, de la source sonore reconnue (l’icône), que s’entend l’espace et surtout le mouvement propre à la chose : la boule qui roule, le passage de la voiture, la bille qui tourne dans ou sur une surface etc. Espace acoustique : L’espace du lieu C’est l’espace de la prise de son, caractérisé par son <halo harmonique>27 spécifique. 24 1951, première projection sonore en relief spatial par Pierre Henry à Paris dans la salle de l’ancien conservatoire. 25 http://www.cochlea.eu/son/psychoacoustique/localisation. 26 Titre repris à Georges Perec (édition Galilée, Paris, 1974) par Bernard Parmegiani en 2002 pour son œuvre éponyme.
  • 17. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 17 Espace interne28 : L’espace composé C’est l’espace de l’œuvre, déterminé, agencé, reconstitué par le compositeur. Il est stéréo ou multiphonique. Il se subdivise en quatre catégories : Espace ambiophonique (dont l’espace divisé), Espace source (pointilliste ou mouvement), Espace géométrie et Espace illusion. Espace externe29 : L’espace interprété, l’espace d’écoute Espace de jeu de l’œuvre, interprétation spatiale surajoutée à l’espace interne (jeu sur l’acousmonium, démultiplication, installation sonore). Ce sont les conditions circonstancielles de l’écoute de l’œuvre, à travers la mise en œuvre des figures spatiales. Catégories d’espaces ESPACE-ILLUSION Il s’agit de l’illusion de la profondeur de champ par la stéréophonie, qui si elle est respectée d’un bout à l’autre de la chaîne de production, sera projetée sur les « écrans de phase » des haut-parleurs. Le son n’est plus entendu grâce à une source réelle, mais une image, une représentation. Nous entrons dans l’univers des médiatisations, celui de la photo, du cinéma, de la vidéo, de la radio... La stéréo en est le meilleur vecteur. Jean-Marc Duchenne, Feuillet d’album 1, 2:00 L’illusion de l’espace fonctionne souvent parce qu’elle s’associe à un imaginaire poétique de l’espace, imaginaire conduit par l’utilisation d’archétypes. Christian Zanési, Stop l’horizon 1er mouvement 3:55 Annette Vande Gorne, Le gingko 2:14 La magie acousmatique Différencions brièvement la musique acousmatique de toute autre sur support, par sa relation à l’image sous toutes ses catégories : perceptives -images mentales, cinéma pour l’oreille, trois degrés temporels de la mémoire- et productives répondant ou non à la théorie du signe selon Charles Pearce -sinsigne/i- son (selon François Bayle30 ), qualisigne/di-son, légisigne/mé-son-, ou s’ouvrant aux formes-matières arbitraires, abstraites tissant un réseau de liens dans des espaces fictifs. Le concept de l’acousmonium tel qu’il fut mis au point par François Bayle en 1974 en est le meilleur instrument d’interprétation en concert.31 A. LOCALISATION SUR LE PLAN HORIZONTAL A1. La stéréo : recréation de l’espace naturel de l’écoute : essayer de toujours conserver l’image stéréo, si elle existe au départ, pendant les étapes du travail de transformation. Cette image est créée à partir d’une prise de son stéréophonique.32 C’est un espace-illusion : les deux haut-parleurs sont des projecteurs d’une image au centre des haut- parleurs, avec sa profondeur simulée, ses contours tels que l’enregistrement en stéréo de phase les a créés. 27 Schaeffer, P. 1966 rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil, pp.261-231 et Chion, M. 1993 Guide des objets sonores, Paris : Buchet/Chastel pp.149-151 28 Chion, M. 1988 rééd 1998, Les deux espaces de la musique concrète in Dhomont, F. éd, L’Espace du Son, Ohain : Musiques & Recherches pp.31-33 29 ibidem 30 Bayle, F. 1993, Musique acousmatique, propositions…positions, Paris : Buchet/Chastel p.186 31 Vande Gorne, A. 2012, L’espace comme cinquième paramètre musical, in : Pottier, L., La spatialisation des musiques électroacoustiques, Publications de l’université de Saint-Etienne, pp.53-73. 224p. - Vande Gorne, A. 2015, Space, sound and acousmatic music, the heart of the research, in Brech M. et Paland R., Compositions for audible space, Berlin: [transcript] Music and Sound Culture, pp.205-220, 350p. 32 http://www.lemicrophone.fr/contenu.php?id_contenu=52&id_dossier=16
  • 18. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 18 A2. La fausse stéréo : replacer les sons en studio, là où ils doivent apparaître, grâce au module de panoramique sur la console analogique ou virtuelle. Si on veut imiter l’espace acoustique qui nous entoure (esthétique réaliste) il y a 0,7 milliseconde à 1,8 ms maximum de délai entre les deux oreilles (écoute binaurale) à respecter à la reproduction. A3. Hors phase ou « extra large » : en inversant la phase d’un des deux canaux, l’image semble dépasser la largeur d’écran limitée par les haut-parleurs. Bernard Parmegiani, Dedans dehors : En phase, hors phase. 2:29 A4. La rampe stéréo, son calibre : La rampe détermine la largeur de l’image entre les deux haut-parleurs. Elle est déterminée en première étape par la technique de prise de son utilisée. Le calibre plus ou moins large (jeu sur les panoramiques ou prise de son MS) et le décentrement possible d’un même calibre sur un axe angulaire permettent une clarification spatiale de la polyphonie. A5. La biphonie : 2 sources différentes sur les deux haut-parleurs : il n’y a pas d’illusion d’espace, mais bien une recherche de réalisme, un espace-source ponctuel qui trouve son origine dans la mono. Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir, 1:23 : biphonie, dialogue Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir, 1:59 : biphonie, parallélisme de deux séquences — jeux complémentaires. A6. Et la mono ? Un enregistrement mono, surtout s’il est réalisé par un micro omnidirectionnel, cerne mieux les contours du son, avec réalisme quant aux détails et au registre grave. Sur deux pistes, on place le même signal synchronisé à gauche et à droite, ou centré au milieu des deux haut-parleurs par un panoramique. Essayez, le résultat est différent ! Évidemment, le son mono est unique sur le haut-parleur central des formats 5.0, 5.1, 7.0 ou 7.1. Placé au milieu d’une image stéréo, avec un contenu similaire, il renforce la présence et précise les contours qu’une prise de son stéréo a tendance à estomper. B. LOCALISATION EN PROFONDEUR Ici, nous sommes réellement dans l’illusion de l’espace : La profondeur simulée sur un seul écran plan : création de perspective33 . Pour qu’il y ait différentiation de plan, il en faut deux au moins, différents : Plan large : le plus lointain. Plan moyen ou médian : plus étroit, rassemble des évènements entendus « naturellement », sans effort. Plan américain : centration sur un objet de perception. Plan proche : mise en évidence d’une figure. Peut servir de contraste au plan lointain. Gros plan : loupe sonore sur les détails, les arêtes, effet de proximité, prend toute la place en horizontal et en profondeur : Espace haptique. La différentiation des plans de profondeur permet également une clarification de la perception polyphonique des sons. Michel Chion, Requiem : 4’34. Gros plan : Synthèse analogique et voix très proche Francis Dhomont, Espace Escape 1:34. Plans différenciés lointain et proche successifs Christian Zanési, Stop l’horizon 3e mouvement 7:15. Mélange de plans Alain Savouret : sonate baroque : La Conférence illustrée et égarée du professeur Coustique 7:12. Leçon humoristique qui parcourt toutes les possibilités spatiales. La qualité des attaques (Pierre Schaeffer en a défini sept différentes34 ) joue aussi sur la perception psycho-acoustique de l’espace : une attaque dure définit un espace haptique, une attaque molle, ou nulle, est associée à un espace plus lointain. 33 Depuis la perspective en point de fuite de Le Pérugin (XVe ) et Raphaël (XVIe ), et les architectures en trompe-l’œil comme celle de la scène du théâtre Olimpico (1580) de Vicence par Palladio, jusqu’au « citizen kane » (1940) de Orson Wells, cette recherche de l’illusion de profondeur sur un seul plan fascine tous les artistes. 34 Schaeffer, P. 1966, rééd 1977, Traité des objets musicaux. Paris : Seuil, pp.216-231 et Chion, M. 1993, Guide des objets sonores. Paris : Buchet/Chastel p.158
  • 19. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 19 POINT DE VUE TECHNIQUE : La réverbération artificielle Il s’agit de recréer artificiellement un espace réaliste ou non, et de pouvoir en moduler les dimensions simulées. L'attaque principale du signal direct est suivie d‘un certain nombre de réflexions (répétitions très serrées). Le retard entre l’attaque et la première réflexion détermine l’espace perçu. Si on augmente le retard, on augmente l'impression d'espace. Il en est de même quant au retard entre chaque réflexion. Cependant, au-delà d’un certain seuil de retard (1,8ms), on perçoit l’espace comme étant mesuré par le temps, celui de l’écho. Le nombre de réflexions détermine la vraisemblance réaliste et la qualité de la réverbération. Les réflexions simulées reproduisent celles d’un son projeté dans un espace plus ou moins clos. Là où il n'y a pas de réflexions possibles, il n’y a pas d’espace audible. Crier dans le désert, par exemple, est perçu faiblement : à 3 m tout apparaît alors mat, absorbé. Les aigus s’éteignent plus vite. Il n’y a pas de son dans l’espace interstellaire. Le feedback (ou diffusion) répète l’onde sur elle-même avec diminution constante et modifiable de son amplitude, ce qui qualifie également les différences d’espaces perçus. Le feedback est également lié à la fréquence de coupure laissée parfois au choix de l'utilisateur qui détermine le point de croisement (crossover) entre le grave et l’aigu de la réverbération artificielle. Ainsi, on peut générer des espaces non réalistes, en réglant ces différents paramètres. Luc Ferrari, Hétérozygote : La grotte 2:11 Francis Dhomont, Novars (avec phasing) 1:49 La réverbération par convolution Les ordinateurs puissants d’aujourd’hui permettent de recalculer en temps réel un halo harmonique35 (donc dans le domaine fréquentiel) et sa durée, selon l’analyse d’un modèle (un impact) réellement enregistré dans un lieu donné. Il en résulte des sonorités incomparables de naturel acoustique. Nous ne sommes plus dans une simulation, mais dans une modélisation de l’espace.36 . ESPACE AMBIOPHONIQUE À l'image de l'athanor dans lequel se réalise la réaction alchimique, il s'agit d'un espace dans lequel on ne peut déterminer d'où viennent les sons, l'auditeur baignant dans une ambiance diffuse. C'est son écoute qui réalise le « mixage » de l'ensemble des évènements donnés à entendre. On peut établir une analogie avec les églises byzantines : celles-ci comportent des coupoles couvertes de tessères d'or qui redistribuent de manière égale le peu de lumière ambiante sur l'ensemble de l'église, sans qu'aucune source soit localisable. Pour une composition et diffusion en ambiophonie, on entoure le public de haut-parleurs identiques avec une relative équidistance entre eux de sorte qu'il n'y ait pas de trou acoustique. L'englobement se fait sur tous les plans, et c'est alors la sphère ou le dôme qui sont le modèle idéal, ou sur un seul : le cercle. Les systèmes dolby ou THX au cinéma peuvent être aussi rangés dans cette catégorie : trois canaux différents à l'écran et les côtés et arrière se partagent deux ou quatre voies. Le message musical est quasi identique et globalisé dans toutes les pistes de la composition multiphonique. Léo Küpper, Litanea. 1:06 Annette Vande Gorne, Au-delà du réel 16 canaux, réduction octophonique : début. 0:44 Elizabeth Anderson, Solar winds octophonique 1:10 ESPACE DIVISÉ L’espace divisé fait partie de l’espace ambiophonique car il est associé à un enveloppement (bain) sonore, dans toutes les dimensions, y compris en hauteur. 35 Schaeffer, P. 1966 rééd.1977, Traité des Objets Musicaux. Paris : Seuil, pp.526-527 et Chion, M. 1993 Guide des objets sonores, Paris : Buchet/Chastel pp.149-151 36 Le logiciel altiverb de Audioease en est un des précurseurs.
  • 20. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 20 Or la perception de l’espace auditif en hauteur est quasi aussi précise que la perception angulaire (le cercle), à tout le moins dans les premiers mètres. À la différence de l’espace ambiophonique général, qui privilégie un même type de son positionné, avec quelques variantes, sur plusieurs haut-parleurs, et spatialisé en mouvement global unifié, l’espace divisé permet une polyphonie de sons différents et une superposition de mouvements diversifiés, dans une perception englobante et unifiée de l’espace. On peut le comparer au flux, dans la taxinomie des énergies-mouvements. À la différence du pointillisme, on n’entend pas précisément les sources spatiales. L’espace est globalisé. Il est cependant parcouru de petits mouvements internes qui le font vivre et vibrer. Il immerge l’auditeur dans la multiplicité. Le dôme semble donc en être la meilleure configuration spatiale. La division spatiale est conditionnée par la multiplication des canaux en sortie : 16 au minimum (8 et 8). POINT DE VUE TECHNIQUE Léo Küpper37 est sans aucun doute un pionnier du dôme : En 1974, au château Malou, 64 canaux de sortie de son synthétiseur analogique construit par lui-même, voyagent sur une coupole de 104 haut- parleurs, notamment grâce à un « clavier d’espace », le kinéphone38 . Jonty Harrison divise l’espace jusqu’à 72 canaux qui se répartissent en plusieurs zones différentes. Cela à partir de prises de sons ambisoniques39 et de plugins qui permettent de les manipuler en 3D dans un logiciel avec 64 canaux de sortie40 . Les logiciels de spatialisation immersive commencent à voir le jour : Robert Normandeau et son équipe de chercheurs de l’Université de Montréal conçoivent le « SpatGRIS » et le « SpatServerGRIS » », logiciels de composition de l’espace multiphonique en 2D sur 16 haut-parleurs ou 3D sur un dôme de 128 haut-parleurs maximum, après s’être inspiré du « Zirkonium » développé au ZKM41 de Karlsruhe. Robert Normandeau, Kuppel extrait en réduction stéréo, 2:38 L’IRCAM développe depuis longtemps une recherche tous azimuts sur la spatialisation. Le « SPAT- révolution » est commercialisé dans les ircamtools avec 64 canaux de sorties et un nombre infini de haut- parleurs virtuels, en 192Khz ou 384Khz sur certains lecteurs-enregistreurs multicanaux. Fonctions musicales —Le foisonnement : Figure d’espace : accumulation sur deux niveaux Annette Vande Gorne, Haiku : Printemps : jeux d’enfants 16 canaux. 2:55 —Les mouvements internes démultipliés : Figure d’espace : vagues, alternance rapide. Annette Vande Gorne, Haiku : printemps : jeux d’eau 2:24 —La dramatisation La surprise : Figure d’espace : l’incrustation, l’apparition/disparition Annette Vande Gorne, Haiku : printemps : jeux d’enfants 2:40 Le dialogue, le répons : Figure d’espace : l’oscillation, le balancement, l’alternance Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte III « Gens de naissance » 3:14 —L’action/réaction : clarifier par l’espace : Figures d’espace : le rebond, le déclenchement par substitutions d’attaques. Annette Vande Gorne, Haiku, Hiver : jeux de sons (hommage à Bernard Parmegiani) 4:31 Le cadre d’un espace ambiophonique dans toutes les dimensions permet par la multiplicité de ses divisions, de reconstituer un univers globalisé artificiel ou proche de notre perception du réel, tout comme la synthèse granulaire reconstitue un objet sonore et son développement temporel. 37 Compositeur belge né à Nidrum en 1925. 38 Témoignage personnel, étant présente dans le public, j’ai expérimenté ce kinéphone en fin de concert. 39 Prise de son multiphonique cf Jean-Marc Duchenne, http://multiphonie.free.fr/ambisonic.htm 40 Reaper + http://www.ambisonictoolkit.net et http://www.blueripplesound.com 41 Zentrum für Kunst und Medientechnologie.
  • 21. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 21 — la superposition (polyphonie spatiale) par plans différents d’éléments différents plus ou moins synchrones : Figures d’espace : accumulation, démasquage, remplir/vider. Annette Vande Gorne, Haiku, hiver1 : jeux de pas sur la neige 16 canaux 2:16 — le réalisme (immersion dans un faux paysage) : superposition d’images. Jonty Harrison, Going/Places 32 canaux. Extrait en réduction octophonique 3:42 L’espace divisé, et son instrument, le dôme ou tout autre système global et immersif dans toutes les directions, sont les vecteurs d’une écriture différente de l’espace, rendue possible par le développement des outils numériques de spatialisation et la montée en puissance des ordinateurs. Nous pourrions y trouver des analogies avec l’économie mondialisée actuelle, les fractals (effet papillon), mais aussi, par le plaisir immédiat qu’un « bain sonore » procure, le risque d’un assoupissement des facultés critiques et intellectuelles au bénéfice de toute prise de pouvoir dictatoriale. On la constate aujourd’hui en bien des pays. « Dormez, bonnes gens, on s’occupe de vous… » ESPACE SOURCE : LE POINTILLISME Opposé au précédent, ce type d’espace localise avec précision la source du son, qui peut être mono, bi ou multipiste (mais pas stéréophonique). Ce sont les mouvements et repérages du son qui importent. On peut aussi vouloir faire ressentir les différences de couleur et d’amplitude des sons. L’espace source permet de dissocier et clarifier la perception des différents éléments d’un mixage, si ceux-ci sont eux- mêmes différenciés. Pierre Henry fut sans doute le premier à explorer les possibilités musicales de cette philosophie de l’espace, tant au stade de la composition qu’à celui du concert. Dans ce cadre il oppose souvent les canaux et les voies gauche/droite, se servant de la géographie du lieu pour l’organiser. Aujourd’hui, l’utilisation la plus fréquente de l’espace source est la multiphonie. Il s’agit de placer des sons ayant des transitoires d’attaque assez marqués pour les localiser, si brefs soient-ils. La composition devient alors celle d’un environnement pointilliste, jouant avec les masses, les phrasés ponctuels et les variations de densités. Les mêmes sources sonores ne doivent pas être systématiquement placées sur les mêmes haut-parleurs, si les sons ont une durée suffisamment courte pour ne pas créer de trajets. Cependant, les dialogues multiples et superpositions de séquences confiées aux mêmes haut-parleurs sont une autre esthétique de l’espace source, qui met en évidence les personnages sonores ou les contrepoints. Le standard le plus fréquent, à partir des années 90, est l’octophonie, en raison de l’apparition d’enregistreurs 8 pistes digitaux peu chers (ADAT ou DA 88). Elsa Justel, Débris octophonique. 0:35 Annette Vande Gorne, TAO, Terre, les particules, octophonique. 3:23 ESPACE SOURCE : LE MOUVEMENT Fait également partie de l’espace source tout ce qui est mouvement, trajet audible dans l’espace externe, donc généré par l’interprète, ou écrit par le compositeur sur le support multipiste (espace interne). Comme la langue d’Ésope, le mouvement en lui-même peut être la pire ou la meilleure des choses. En effet, il nous a toujours semblé inutile de tenter de sauver une musique pauvre, sans énergie interne en lui appliquant des mouvements, des agitations externes. Le mouvement devient alors une ornementation non intégrée, non justifiée par la structure musicale ou le phrasé. Mais si l’on considère l’expression musicale d’un point de vue énergétique, les trajets peuvent alors renforcer l’énergie interne du son. L’histoire de la musique occidentale est peuplée d’œuvres qui font la part belle au mouvement même comme facteur d’expression (pensons à Monteverdi et son stile concitato, au figuralisme, particulièrement dans l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, à Berlioz, à la majorité des poèmes symphoniques) puis facteur de structuration (Stravinski et son Sacre, Pacific 231 d’Honegger, Scelsi…). Une circumduction autour du public ou d’un pivot quelconque soulignera aux oreilles de tous le mouvement rotatif d’une toupie, d’un tourbillon, d’une répétition (écriture). Ou bien encore, les circonvolutions buissonnières d’un « souffle serpentin » dans un lieu donné préciseront son caractère capricieux. Enfin, l’application à un son de caractère neutre et abstrait d’un mouvement spatial en balancement lui donnera une signification particulière, celle d’une berceuse par exemple. Il faut peut-
  • 22. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 22 être rappeler ici combien temps, espace et mouvement sont liés : une rotation lente ou rapide ne génère pas la même signification, et si elle passe progressivement à un tempo plus rapide, elle change de forme et devient spirale. Cet espace-mouvement, s’il n’est pas gratuit, aurait donc surtout une fonction ornementale ou métaphorique à l’appui expressif des sons eux-mêmes auxquels il offre un support spatial. Au XIXe siècle, le timbre et la ligne mélodique entretenaient le même rapport. Claudio Monteverdi, Combatiemento di Tancredi e Clorinda 0:27 Stephan Dunkelman, Metharcana, octophonique. 0:36 Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte 1 : Lamento 7.1 1:44 POINT DE VUE TECHNIQUE Après une période de recherche esthétique42 , la recherche des outils numériques n’a pas cessé de croître quant à l’espace du son, en deux catégories distinctes : la simulation d’espaces bi ou tri-dimensionnels, et la création de mouvements, de trajets individuels ou globaux. La recherche dans cette dernière catégorie est due à quelques compositeurs passionnés, studios privés ou institutions de recherche et d’enseignement 43 . Certains, comme les trois « space » des GRMtools, sont commercialisés. Tous répondent aux quatre modes opératoires cités en début de ce chapitre : (1) Fixes (crible), les mouvements sont identiques, mais parcourus par des sons différents ; (2) Mobiles, gestuels, les mouvements répondent à des gestes sur des surfaces de contrôle, ou automatisés, ils sont générés par une série de commandes paramétriques modifiables ou par des lois de comportement physique comme le rebond ; (3) Par commande, ils répondent à des figures géométriques préprogrammées dont les temps de parcours sont variables ou non ; (4) Par synthèse croisée, l’analyse d’un paramètre d’un son ou d’une séquence sonore, comme son amplitude par exemple, va déclencher ou modifier le trajet spatial et son comportement. ESPACE GÉOMÉTRIE Si l’on considère l’espace d’un point de vue structurel, on peut l’imaginer comme le lieu d’intersection de lignes et de plans différents, comme surface ou volume entrecoupé de lignes bissectrices, obliques, verticales, transversales, de formes géométriques comme le triangle, le carré, le cube (en volume avec dispositif de haut-parleurs en hauteur) etc. À partir de sources multiples (multipiste), penser le sonore en termes de composition de l’espace mono, bi, quadri, triple stéréo, double quadri, octophonique… avec tous les jeux de combinaisons possibles, appliqués à une seule chaîne acoustique ou à plusieurs d’entre elles, simultanément ou par séquences, en plans rapprochés ou éloignés, c’est donner à l’espace le statut de paramètre du son équivalent aux quatre autres. Le mouvement fait partie de la forme lorsqu’il devient figure, répétition, transition, rupture, déclenchement, etc. Ici, l’espace géométrie n’est pas un support, c’est un objet musical réel et abstrait qui conduit l’écoute et structure la perception par son évolution dans le temps. L’espace organisé, contrôlé, nécessite de prévoir un schéma de principe du dispositif de projection en fonction duquel on choisira les configurations spatiales à inscrire sur le support comme, par exemple, 42 Dhomont, F. éd., 1988, rééd 1998, LIEN vol 1, L’espace du son. Ohain : Musiques & Recherches p. 97 a été une des premières tentatives francophones de réflexion et de synthèse exclusivement consacrée aux diverses relations entre le son et l’espace. 43 Citons à cet égard quelques exemples, dont la liste est loin d’être exhaustive : (1,2,3) MusicPanSpace versions 1 et 2 par Flo Menezes, (2,3) HyperSpaceVbap par Åke Parmerud, (2) 8 ou16 masses ambisonic par Hans Tutschku, (1,2,4) Spatule Versions 1 et 2 par Alexis Boiley pour Musiques & Recherches, (1,2,4) HoloAutoSpat de M&R, avec interface IPad développé par Benjamin Thigpen, (2,3) Spaces, SpaceGrain et SpaceFilter des GRMTools, avec interface IPad par Benjamin Thigpen pour M&R, (3) Wonder développé à l’université de Delft par Marije Baalman pour la gestion de trajectoires en temps différé pour le wavefield synthesis. Déjà cités, les logiciels de spatialisation pour environnement en dôme (espace ambiophonique).
  • 23. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 23 dans le cadre des sonorisations de lieux spécifiques ou d’installations. Une trop grande complexité (en nombre de pistes, de variations possibles à la spatialisation) nuira à la transparence de l’architecture. L’agencement a priori, l’écriture de l’espace pour lui-même à partir des points-sources multiphoniques, génère une pensée musicale stabilisatrice qui lie l’espace à la forme, donc une fois encore, au temps. Exemple En 1989, n’ayant aucun modèle ni expérience en la matière, je réalise TAO : Terre, en octophonie, sur bande magnétique 8 pistes 1 pouce. J’ai structuré les différentes sections de la pièce selon ces figures géométriques et ces différents formats de composition de l’espace. Les matières sont élaborées dans le studio 123 du GRM (en temps différé) puis sur le syter (en temps réel), et mixées en 8 pistes dans le studio analogique de Musiques & Recherches. La structure globale rend compte de cette façon de penser l’espace. Dispositif de Terre pour un concert du GMVL, Lyon, jardins de la villa Gillet 1991 Fonctions musicales de toutes les catégories spatiales. Comme tout élément musical, l’espace du son revêt le niveau de fonction musicale que le compositeur veut bien lui accorder. La technologie d’aujourd’hui permet tous les degrés d’utilisation, du micro événement (un placement spatial statique ou dynamique pour chaque son) à la macro structure (une structure spatiale, statique ou dynamique, monodique ou polyphonique par section, phrase ou groupe d’évènements). Parmi d’autres niveaux possibles, nous en avons sélectionné six qui nous paraissent particulièrement utiles et expressifs : – Niveau abstrait de l’espace pensé par plans, volumes, mouvements ou figures géométriques. – Niveau structurel de l’espace utilisé comme valorisation des sections, transition, rappel. – Niveau ornemental d’un espace, souvent en mouvement, ajouté à un évènement pour en renforcer l’intérêt ou la fonction momentanée. 1 1 2 2 4 4 3 3 3 1 2 4 5 5 6 6 7 78 8
  • 24. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 24 – Niveau figuratif d’une relation de l’espace à l’imaginaire, au trait caractéristique, à la métaphore. – Niveau archétypal de certaines figures d’espace évidentes pour tous, comme la vague (bercement), le cercle (enfermement), l’explosion… – Niveau madrigalesque du renforcement expressif d’éléments extérieurs à la musique même (texte, image, etc.) par des figures, mouvements, situations spatiales appropriées. 1. Niveau abstrait En stéréo, les plans en profondeur allègent et clarifient l’orchestration sonore, le mélange. L’espace devient alors un agent musical actif comme le sont les étagements de registres de hauteurs, et les colorations par le timbre dans une écriture orchestrale. Christian Zanési, Stop l’horizon 1:00 Les différenciations spatiales permettent une forme de variations sur un même matériau. Annette Vande Gorne44 , Yawar fiesta, introduction des deux chœurs de femmes acte 1 et acte 2 1:34+1:35 Sans remonter aux années 50-60 (Karlheinz Stockhausen Gesang der Jünglinge 1956, Kontakte 1960) ou à 1972 (John Chowning, Turenas), l’écriture abstraite multiphonique se développe dans la décade 1990. En 1989, Lune Noire de Patrick Ascione, composée, et montée, au GRM sur bande analogique 16 pistes 2 pouces, installe un double espace de mouvements tourbillonnants autour du public et sur scène. 2. Niveau structurel Le choix des mouvements permet de clarifier une forme ou une section, un moment particulier à mettre en exergue. Par exemple, une double section en miroir, dont les événements, les matériaux sont similaires, mais dont le mouvement spatial circulaire inversé accentue une forme inversée aussi dans ses trajets de profils mélodiques et ses morphologies, ce qui met en évidence le texte poétique : un sens identique exprimé dans des images-mots opposées. Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte II Combattimento : sous les coups de ta croupe + et le lait de tes reins 1:12 Autre exemple : Une figure est répétée comme transition, avec accélération progressive et transposition vers l’aigu. Annette Vande Gorne, Yawar Fiesta, acte II Combattimento : transitions 1 et 2, 0:21 + 0:24 3. Niveau ornemental Espace ou mouvement ajouté pour renforcer l’intérêt de la figure sonore. Tout comme le mordant ou le trille au XVIIIe siècle, le mouvement oriente l’attention perceptive sur un élément parmi d’autres. Cet espace-source permet une écriture de type « figure sur fond ». Annette Vande Gorne, Yawar fiesta : acte I chœur des femmes : lamento, 1:44. Un souffle serpentin qui par un mouvement spatial aléatoire, fantaisiste, entoure, traverse le texte chanté, étiré dans le temps. Il allège et contrepointe une temporalité lente par un trajet spatial rapide. Annette Vande Gorne, Yawar fiesta : Acte I Condor, 0:47. Mouvement en cercle sur le mot « Taureau », pour laisser imaginer l’espace de jeu de l’arène, et l’encerclement du taureau, précédé d’un mouvement en spirale et chute qui figure le condor sur le dos du taureau. En situation d’interprétation (espace externe selon Michel Chion45 ), il arrive très (trop !) fréquemment que l’interprète ajoute des figures, souvent en mouvement, à une œuvre qui n’en demande pas tant. Le niveau ornemental, s’il n’est pas soutenu par une compréhension intuitive et analytique de l’œuvre, reste la langue d’Ésope de la spatialisation en concert. 44 La majorité des exemples qui concernent les différents niveaux fonctionnels de l’espace sont puisés dans mes propres œuvres car elles font l’objet d’une réflexion « spatiale » en cours de développement. 45 Chion, M. 1988, rééd 1998, Les deux espaces de la musique concrète, in Dhomont, F. éd, L’espace du son vol I. Ohain : Musiques & Recherches pp.31-33
  • 25. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 25 4. Niveau figuratif —L’imaginaire, qui se base sur la reconnaissance, recrée l’espace, le mouvement, la localisation : niveau de l’image iconique selon François Bayle46 . Annette Vande Gorne, Paysage vitesse. 0:21. Mouvement de « voyage » Gauche -Droite artificiellement appliqué à un son de cigale. Qu’entend-on le plus ? la source (écoute indicielle), ou le mouvement ? Annette Vande Gorne, figures d’espace : contrastes 7’58 à 8’55, 10’51 à 11’54 —Souvent un trait caractéristique suffit à provoquer l’image spatiale : niveau du diagramme selon François Bayle47 Annette Vande Gorne, Le gingko (conte philosophique de Werner Lambersy) : le désert 2:14. Quelle imagination avons-nous du désert ? Le souffle dans le tuyau d’une flûte, avec un léger grain itératif et un peu de réverbération suffit à créer l’espace horizontal ondoyant, la matière sableuse du « souffle chaud du désert » et la nudité pure que notre imaginaire lui associe. —Enfin le niveau métaphorique (μεταφορειν : porter ailleurs) dépend du contexte global. Annette Vande Gorne, Vox Alia : œuvre octophonique dont chaque partie est un affect, traduit par une configuration spatiale particulière. • Giocoso est une forme binaire contrastée, avec des oppositions spatiales Gauche-Droite, obliques, ou proche-loin à l’image de groupes d’amis qui jouent et discutent ensembles. • Amoroso entrelace des mouvements de spirales, de rotations, de double cheminement avant-arrière en deux quadraphonies ou une octophonie, à l’image de l’amour qui étreint et entoure. • Innocentemente retrouve la spatialité non orientée, informelle, rapide et versatile de l’enfance. • Furioso éructe sa violence dans un espace longtemps confiné à la stéréo avant, qui explose en vagues agressives et recouvre le public. Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte I : réverbération “cathédrale” et en mouvement rapide sur la voix pour marquer la destinée d’un peuple : soyez comme le ciel qui brûle et qui brille (mouvement rapide) au-dessus de vos champs (fixe avec réverbération) 0:37 5. Niveau archétypal Certains mouvements, par leur seule présence, évidents parce que proches d’un archétype, clarifient le sens du message, le contexte, la communication. • La vague (aller-retour, hésitation, balancier) Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte III monologue final : les dieux 0:52 • Le cercle (enfermement) Annette Vande Gorne, Yawar fiesta, acte III monologue final : les mêmes tains ont dit 1:49 • L’explosion Annette Vande Gorne, TAO Terre, 1ère partie pour exprimer le « big bang » primordial 4:26 • La spirale Annette Vande Gorne, TAO Terre, finale : vers l’Omega 6:10 6. Niveau madrigalesque Les architectures polyphoniques abstraites de la musique ont évolué vers l’expressivité grâce au passage par le texte et sa relation naïve, immédiate, développée dans le madrigal du 16e siècle en Italie. Je tente cette même relation dans un opéra (Yawar fiesta, 2006-2012), en attribuant ce rôle aux mouvements spatiaux, ou à l’illusion spatiale. Yawar fiesta : acte II combattimento : nous rêvons Le rêve est l’expression d’un désir lointain ou inachevé… réverbération sur tous les canaux. 0:31 Yawar fiesta : acte II combattimento : ton piétinement de sabot, (rythmes sur les mots fragmentés) nous en avons nourri nos âmes (mouvement loin devant et medium-aigu sur le mot « âmes »). 0:56 46 Bayle, F. 1993, Musique acousmatique, propositions…positions. Paris : Buchet/Chastel p.186 47 ibidem
  • 26. TECHNIQUES D’ÉCRITURE sur support 26 Yawar fiesta : acte II Toro : Fils de la conquête, aiguillonnez votre gloire. Réverbération et long gel sur les mots conquête et gloire. 1:07 Yawar fiesta : acte III monologue final : Qu’ici au moins où les mots sont chantés (espace rempli) dans les jeux de l’ombre (espace vide, arrière) et des lumières (solo, centre avant). 0:23 Conclusion quant à l’espace La musique acousmatique est sans aucun doute le lieu de toutes les expériences sur la relation son- temps-espace, tant à la composition que lors de son interprétation spatialisée, car en perdant le bénéfice d’une génération sonore en direct, elle gagne celui d’une véritable écriture/jeu avec l’espace comme paramètre musical. Le figuralisme, par le jeu avec des figures spatiales, nous semble une voie royale pour donner sens et justifier l’espace comme élément qui renforce l’expressivité de l’œuvre musicale. La projection spatiale de la musique pour une écoute acousmatique (le son dans l’espace) permet à l’espace de l’avenir de s’ouvrir à une cinquième dimension de la musique expressive : l’espace du son.