Appréhender le système comptable
Maîtriser les concepts de base : flux, cycle, compte, ressource, emploi, débit, crédit, charge, produit, actif, passif, partie double
Maîtriser les mécanismes de base : codification comptable, enregistrement comptable des opérations au comptant et à crédit
Mettre en œuvre une organisation comptable en système classique pour enregistrer des opérations simplifiées de financement, d'investissement et d'exploitation
Etablir les documents de synthèse schématiques (bilan, compte de résultat)
S'approprier une démarche raisonnée de lecture des documents comptables de synthèse pour analyser la situation de l'entreprise (bilan) et son activité (compte de résultat)
Les politiques de l'emploi face à la croissance faible
Article colan marketing
1. Louis Quesnel
Les consommateurs et la publicité : sur un livre du professeur
Meynaud
In: Les Cahiers de la publicité. N°13, pp. 91-98.
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Quesnel Louis. Les consommateurs et la publicité : sur un livre du professeur Meynaud . In: Les Cahiers de la publicité. N°13,
pp. 91-98.
doi : 10.3406/colan.1965.4970
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_1268-7251_1965_num_13_1_4970
2. les consommateurs
et la publicité
sur un livre du professeur meynaud
par Louis QUESNEL
Directeur à F t Ecole Pratique des Hautes
Etudes» et professeur à l'Université de Lau
sanne, Jean Meynaud vient de publier un livre
important où il cherche à se placer dans la
perspective du consommateur total* (p. 9).
Versons au dossier ce témoignage-réquisitoire,
dont l'analyse est fort intéressante pour notre
propos.
Au fil des 623 pages de cette étude copieuse et concrète, on exa
mine notamment la « situation générale » et les « formes d'exploita
tiodnes consommateurs », les groupements de consommateurs en
France et en Europe, ainsi que les modalités de leurs interventions
sur le marché ou auprès des pouvoirs publics et, enfin, certains
aspects économiques et politiques de « l'opulence ».
Comme on voit, la matière de l'ouvrage est fort riche, sous une
forme parfois excessivement prolixe, et déborde largement le thème
de notre propos.
Mais, dans « Les consommateurs et le pouvoir », la Publicité fait
l'objet de trois sous-chapitres : « Intervention de la réclame »,
« Déformations publicitaires » et « Contrôle de la Publicité », et de
critiques répétées.
En outre, il serait difficile de comprendre le point de vue du
Professeur Meynaud, qui reflète celui de nombreux fonctionnaires,
sans relier ses jugements concernant la Publicité aux thèses qu'il
expose avec franchise, et même rudesse, sur les phénomènes de
consommation. C'est donc par là qu'il nous faut commencer. .
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3. «Une certaine conception de l'Homme».
« L'homme », remarque l'auteur, « est toujours et de plus en plus
un consommateur universel » (p. 112) et c'est à juste titre, selon nous,
que le Professeur Meynaud inclut, dans le champ des consommations
contemporaines, l'urbanisme et la santé, la culture et les transports
autant que l'alimentation et l'habillement.
L'homme ne peut vivre sans consommer, ne serait-ce que de
l'oxygène, et même cette consommation minimale pose aujourd'hui
des problèmes (pollution de l'atmosphère des villes, voyages dans
l'espace extra-terrestre, etc.).
On peut ainsi admettre que « nos sociétés ont peu de tâches plus
importantes et plus lourdes de sens à accomplir que l'étude appro
fondie des besoins des hommes » (p. 533) .
Quels sont donc les besoins des hommes?
Question fondamentale, presque métaphysique et pourtant toute
proche des préoccupations des techniciens du marketing!
Question à laquelle, malheureusement, le Professeur Meynaud
n'apporte pas de réponse explicite.
Or « il est impossible de dresser une échelle de l'importance
relative des besoins sans partir d'une certaine conception de
l'homme » (p. 531).
Et c'est pourquoi, à défaut de cette table des valeurs, les critiques
adressées à la Publicité au nom de la défense des consommateurs
nous paraissent si souvent injustes, injustifiables et, disons-le, démag
ogiques.
Certes, on peut parfaitement croire que « la réforme des rapports
de production conditionne en définitive la modification des rapports
de consommation » (p. 557) encore que ce déterminisme univoque
ne corresponde plus à la complexité dynamique des économies du
xx' siècle. ,
On peut évidemment n'avoir « aucune admiration pour le régime
de la concurrence » (p. 61) et penser que « l'orientation et la mise en
uvre de la technologie doivent être placées sous contrôle public, la
planification représentant la seule méthode concevable d'une telle
intégration » (p. 547) encore que la direction de la consommation,
en fonction du consommateur, exige des organes et des méthodes de
planification qui restent entièrement à inventer, puisqu'ils n'existent
dans aucun pays du monde.
Mais il nous parait de toute façon contraire aux faits de prétendre
que « le trait majeur de nos sociétés est la coexistence d'un gaspillage
frénétique des ressources et d'une impuissance à satisfaire des
besoins essentiels» (p. 475).
Certes, dans la France de 1965, des besoins immenses restent à
satisfaire. Nous l'avons dit ici-même (1).
(1) Cf. l'article de J. Klanfer dans le n« 12.
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4. Mais la contradiction dénoncée par le Professeur Meynaud est
plutôt typique des sociétés traditionnelles de pénurie, où le luxe des
classes dirigeantes et la destruction militaire des richesses coexis
taient avec les famines périodiques et l'inculture permanente des
populations.
Il est vrai que la notion de « gaspillage » est plutôt élastique et
permet bien des interprétations. On peut parfaitement prétendre que
le gaspillage commence à partir d'un seuil de satisfaction très bas,
défini par le fameux « minimum vital ».
Ce n'est sans doute pas la pensée du Professeur Meynaud, qui
prend soin de préciser : ... « rien ne m'est plus étranger que de prê
cher un esprit d'ascèse... ». Mais alors pourquoi ne pas reconnaître
tout de suite que, sans l'action conjuguée des producteurs et des
publicitaires qui en dépendent, la plupart des biens de consommation
actuellement « courants » seraient considérés comme superflus?
En ce sens, il n'est pas suffisant d'affirmer que « l'intérêt du
consommateur est, pour une qualité déterminée, d'obtenir le prix le
plus avantageux » (p. 90). Car, ou bien nous admettons 1' « homo
economicus » comme une représentation adéquate de l'homme, ou
bien nous introduisons dans la notion de « qualité » autre chose que
la simple aptitude à l'emploi.
Autrement dit, l'Homme, tel qu'il se profile à l'arrière-plan des
analyses de Jean Meynaud, paraît d'une grande pauvreté psycholog
iques,i ngulièrement étroit, calculateur et utilitaire, dépourvu de
sentiments, d'habitudes et de fantaisie bref, plus rationnel que réel.
La Publicité contrairement à certaines pédagogies autoritaires
ne croit généralement pas que l'on puisse faire le bonheur des
hommes malgré eux...
La condition de consommateur.
Ayant dit nos réserves de principe, il faut maintenant préciser
que nous sommes souvent d'accord avec le Professeur Meynaud sur
la description qu'il fait de la condition de consommateur.
Il est vrai en effet que :
1* « les consommateurs sont réduits à un rôle secondaire parce
qu'on persiste à les traiter comme des mineurs» (p. 233).
Il n'est d'ailleurs pas moins vrai que les professionnels du mar
keting contribuent effectivement à la promotion du consommateur
autant (sinon plus) que toutes les associations de consommateurs
réunies.
En faisant prévaloir l'optique de la demande sur celle de l'offre, il
est indéniable que le publicitaire représente, jusqu'à un certain point,
les consommateurs auprès de l'annonceur-producteur. Les innomb
rables améliorations de produits obtenues à la suite de tests effec
tués par les agences de publicité témoignent de ce rôle médiateur.
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5. 2° « La première sauvegarde du consommateur est qu'il se protège
lui-même », ainsi que le suggérait déjà le rapport Molony pour la
Grande-Bretagne.
On peut admettre que, d'une façon générale », les groupes et les
milieux les mieux défendus sont ceux qui se défendent eux-mêmes»
(p. 351). Le Professeur Meynaud, spécialiste des « groupes de pres
sion », sait de quoi il parle!
Se défendre, soit. Mais contre quelle agression?
Incontestablement, il y a des fraudeurs, des spéculateurs et des
profiteurs de la crédulité publique. Mais il ne s'agit que d'une minor
itéa berrante.
En réalité, les dangers les plus graves pour la santé, le bien-être
et l'équilibre du consommateur semblent provenir des « effets secon
daires » (c'est-à-dire involontaires, sinon imprévisibles) de l'industria
lisationet de l'urbanisation sur le milieu de vie, plutôt que de la
consommation de tel ou tel produit particulier.
3* « Tous les hommes sont des consommateurs » (p. 106) et
« il est indispensable que les consommateurs soient placés, autant
que faire se peut, dans une situation d'égalité avec les producteurs »
(p. 345).
Les producteurs valables n'ont, en effet, rien à craindre d'une
pareille promotion. Mais, cette promotion, souhaitable à tous égards,
est-elle possible?
On peut, avec le Professeur Meynaud, en douter sérieusement,
attendu que « la technologie moderne suscite sans cesse l'apparition
de nouveaux matériaux dont il est exclu que le consommateur moyen
possède jamais une connaissance suffisante» (p. 343).
La démocratie directe étant utopique, il est donc indispensable
que le consommateur de base délègue sa souveraineté et son « pouvoir
de marchandage ».
A qui?
4* En fait, en France (et même ailleurs), « il n'existe aucun
groupe capable d'assurer la représentation totale des intérêts des
consommateurs» (p. 292).
C'est que, pour le consommateur comme pour le syndicaliste,
« c'est toujours l'action au niveau de la formation du revenu qui
constitue le moyen essentiel d'amélioration de la condition du consom
mateur » (p. 445).
Pessimiste, le Professeur Meynaud ajoute : « Je ne crois pas que
le mouvement des consommateurs représente déjà, s'il doit jamais le
devenir (2), une force sociale capable de se mesurer d'égale à égale
avec les catégories qui orientent la vie économique et détiennent la
majeure partie de l'influence politique » (p. 273-274) .
(2) Souligné par nous.
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6. 5* A ce point du raisonnement, le Professeur Meynaud ayant cessé
de croire à l'efficacité de la « révolte des consommateurs » en vient
tout naturellement à conclure : « En l'état actuel des choses, la meil
leure chance des consommateurs et des groupes qui les représentent
est l'existence, au sein de l'univers bureaucratique, de quelques ser
vices... » (p. 385).
Certes, reconnaît-il, « les producteurs-distributeurs ne sont pas
nécessairement insensibles aux protestations et aux plaintes des
consommateurs» (p. 275).
Mais, s'il s'agit d'exiger « que la production soit subordonnée à la
consommation » (p. 510), il est sûr que le pouvoir d'Etat fera mieux
l'affaire. Selon le Professeur Meynaud, « les associations de consom
mateurs ne peuvent obtenir de résultats sérieux... sans appui administ
ratifqu i compense leurs insuffisances » (p. 408) et « c'est la régle
mentation publique.» qui doit constituer la base de la protection des
consommateurs» (p. 341).
On pourra, selon ses opinions concernant le rôle économique de
l'Etat, approuver ou rejeter les perspectives auxquelles aboutit le
Professeur Meynaud.
N'oublions pas toutefois que « c'est dès le départ du processus
économique, et non à son point d'arrivée, que doit intervenir la pro
tection du consommateur » (p. 517) pour être efficace.
Dans ces conditions, on n'imagine pas comment, à moins d'une
révolution totale, l'Etat pourrait remplacer l'initiative des product
eurs notamment dans le cas des nouveaux produits. .
N'oublions pas, non plus, que « l'expansion de la fonction technoc
ratique, qui n'est propre ni à la V* République ni à la France, n'est
pas susceptible de faciliter le passage du consommateur-objet au
consommateur-sujet » (p. 309) et que « dans les situations où un souci
d'associer les usagers à la gestion a été pris en considération (indust
riesn ationalisées), les consommateurs finaux ont été généralement
réduits à la condition de simples figurants» (p. 241).
Ce qui laisse à penser que, pour différentes raisons, la démocratie
des consommateurs n'est pas pour demain!
Les pouvoirs publicitaires.
A la différence de certains professionnels qui, minimisant leurs
responsabilités, réduisent la Publicité à une technique de communicat
iooun un art de vendre, le Professeur Meynaud a fort bien vu que
« l'ambition suprême de l'argumentation publicitaire est de porter le
problème de l'achat du plan du moyen à celui de la fin ou, si l'on
préfère, de créer un système de fins légitimant ou rendant pratique
meninté vitable (rôle de la pression sociale) l'achat des biens offerts
en tant que moyen de satisfaire ces fins. C'est en ce sens, je crois,
qu'il faut interpréter le pouvoir attribué à la publicité de créer des
besoins. Observons que c'est en s'élevant au niveau des fins que la
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7. Publicité a chance d'agir sur tous les membres de la communauté
(y compris ceux qui déclarent a priori rejeter ses suggestions).
Il est aisé d'échapper aux incitations directes d'un message quel
conque, mais beaucoup moins facile de manquer aux règles du
conformisme social » (p. 32) .
Ce pouvoir de la Publicité de « créer un système de fins »
pouvoir dont bien peu de publicitaires sont conscients est évidem
mentc onsidérable et lourd de conséquences pour l'avenir de notre
civilisation. Il n'en est pas moins nécessaire et même, à notre avis,
légitime (3).
Ainsi que le remarque le Professeur Meynaud, « l'écoulement de la
production de masse dans un régime de marché exige un certain
conditionnement du consommateur» (p. 482). Il en irait, d'ailleurs,
de même dans un régime de planification intégrale.
R est donc surprenant que le Professeur Meynaud évoque, à la
suite de Vance Packard et quelques journalistes anarchisants, le
croquemitaine de , « l'aliénation . du consommateur » et s'écrie :
« Partout, avec ou sans l'aide des pouvoirs publics, les consommat
eurtenste nt de s'organiser, le mobile le plus profond de ce rassem
blement étant d'éviter la mise en condition du troupeau des acheteurs
par les techniques d'un psycho-contrôle ainsi que leur asservissement
par des annonceurs partant à l'assaut du client («La vente commence
quand celui-ci dit non ») en se fondant sur « la stratégie du désir »
(p. 196).
Car, en réalité, la Publicité ne peut être tenue pour principale
responsable du « système des fins » nécessaire à la croissance écono
mique des sociétés industrielles. Pour être un tantinet logique, le
refus du conditionnement publicitaire devrait aller jusqu'à la condamn
ation de cette civilisation qui n'est pas tant celle du gadget gaspil
leurq ue de la machine à laver, des antibiotiques, de la télévision, des
textiles artificiels, de l'automobile, des résidences secondaires, etc.
Naturellement, « on peut vivre sans ça ». Mais, aussi, pourquoi ne
pas retourner à l'âge des cavernes?
Nous décelons donc un certain idéalisme et un irréalisme certain
dans la dénonciation des « phénomènes d'aliénation que crée la
consommation de masse le terme « aliénation » désignant ici l'état
de l'individu qui perd la maîtrise de lui-même, est traité comme une
chose et devient l'esclave des choses» (p. 585).
Car, où donc est cette cité idéale d'hommes libres?
Un grand sociologue, Emile Durkheim, considérait la « contrainte »
comme la marque du fait social. Et, puisqu'il est question de < trou
peaux d'acheteurs », n'est-ce pas, en somme, des troupeaux de chré
tiens qui firent les Croisades et des troupeaux de patriotes qui firent
la Révolution française?
ép(m«tlha êiImi(dnq3ouet)yr eioseNd dréou oudclesto ipgornailqova u oàden t oslémda l eéos pmu tu»foé.bf utiltasi[eacpC mifutp.bmé u»lbei,nc lLiitcet7 i sét »Ién)(C .«s]apC ihsootiuneérr t srsn uiedbr eu p tllaiaaso nPêd tuirmbàe leiscnluaist sipéoP»en,cu tbn hl°duia-em s6éca omi(nr«epa ,noL rteacistqu iulpstemru»ore)b e llèeleetmt dee9est
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8. On peut même, avec beaucoup de bonne foi, soutenir que le
conditionnement publicitaire se révèle, tous comptes faits, moins
nuisible à l'humanité que d'autres formes de propagande, et se féli
citer du fait que la Publicité, elle, ne nous mène ni aux guerres de
religion ni au génocide atomique...
Certes, le consommateur a le droit d'être honnêtement informé.
Le publicitaire, de son côté, a le devoir de ne pas discréditer son
métier par l'usage délibéré du mensonge. La loi de juillet 1963 contre
la publicité mensongère peut être bénéfique, encore que la loi, sans
moralité professionnelle, soit inopérante.
Mais il faut aussi tirer les conséquences du fait que l'information
pure est un mythe et que même les physiciens d'aujourd'hui ne
croient plus à l'objectivité, à une vérité absolue, extérieure et indé
pendante de l'expérimentateur. Ainsi, l'image psychologique des prod
uits, les « images de marque » ne sont-elles pas moins vraies, moins
réelles que les caractéristiques physiques ou économiques.
Il reste que les publicitaires ne sont pas les seuls qualifiés pour
élaborer ce « système de fins », ces motivations et ces valeurs esthé
tiques et morales dont ils sont et seront, consciemment ou non, les
propagandistes dans les sociétés de consommation.
Le publicitaire doit donc sortir de son isolement social, de cet
univers étroitement triangulaire (annonceur-agence-support) qui est,
de tradition, le sien afin de confronter sa propre vision du monde,
son système implicite de fins et de valeurs aux philosophies, aux
objectifs de la planification à long terme (4), au point de vue des
consommateurs.
En ce sens, la position du Professeur Meynaud nous paraît insuff
isamment positive quand il écrit : « La protection des consommateurs
contre les excès et les abus de la Publicité ne concerne ni les sup
ports, ni les annonceurs, mais la puissance publique (service de la
répression des fraudes) et les consommateurs eux-mêmes qu'il est
irritant de voir constamment réduits à la condition de mineurs que
l'on défendrait en leur dissimulant la réalité du mal qui les menace.
Rien ne saurait remplacer l'absence et, malgré de récents efforts,
l'insuffisance des militants et des ingénieurs au service des consom
mateurs » (p. 267).
Non, il ne s'agit pas essentiellement « que les associations de
consommateurs soient en mesure de poursuivre en justice les annon
ceurs faisant de la publicité mensongère» (p. 103). Il ne s'agit pas
seulement de reconnaître, comme à regret, que « l'information donnée
par un groupe patronal ... n'est pas nécessairement défavorable à
l'acheteur (p. 244). Il s'agit de savoir si les consommateurs, convena
blement consultés par des spécialistes qualifiés en sciences humaines,
peuvent être à l'origine d'une politique générale de la consommation,
c'est-à-dire d'une doctrine et d'une stratégie globale de production,
de commercialisation et de publicité des produits et des services.
(4) Tels qu'ils s'expriment, par exemple, dans « Réflexions pour 1985 ».
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9. « La publicité et la mode », affirme le Professeur Meynaud,
« conduisent les consommateurs à accomplir des actes déraisonn
ables... » Alors, dirons-nous, que les associations de consommateurs
déclarent ce qui, dans la nature humaine, est raisonnable et ce qui ne
l'est pas, autrement que par référence à des morales traditionnelles,
dont les normes sont, pour beaucoup de nos contemporains, complè
tement périmées (5).
Ainsi que le souligne le Professeur Meynaud : « si la question
« comment produire » me paraît importante, la question « que pro
duire » me semble encore bien plus fondamentale » (p. 532) .
Bien plus fondamentale et combien plus difficile! Car elle ne
suppose pas seulement les critères du Bien et du Mal, mais aussi et
surtout la puissance d'invention, la vertu d'innovation, la « créati
vité». Et il n'est pas du tout certain que, dans ce rôle essentiel aux
progrès de la civilisation moderne, le consommateur puisse se substi
tuera u producteur (6).
Dans le pilotage de la consommation de masse, les erreurs sont
probablement inévitables y compris dans les économies socialistes
(voir la crise agricole en U.R.S.S.). ,
Par exemple, l'enrichissement égoïste de l'Occident n'est-il pas une
« faute », comparé à la paupérisation croissante du Tiers-Monde?...
Il peut s'ensuivre un complexe collectif de culpabilité plus ou moins
refoulée et qui, par projection, donne naissance à des « boucs émis
saires » dans les sociétés riches.
La Publicité activité tapageuse et peu prestigieuse, économique
mefnaibtle et volontiers décriée par les élites intellectuelles de la
nation pourrait facilement devenir, si nous n'y prenons garde, le
« bouc émissaire » d'une foule de citoyens frustrés, angoissés ou mal
adaptés aux avantages et aux inconvénients de la consommation de
masse et de l'Abondance.
C'est cet avertissement, cet appel à la lucidité et à la conscience
professionnelle qu'il est, croyons-nous, bon de déchiffrer entre les
paragraphes du Professeur Meynaud.
Louis QUESNEL.
(5) Violette Morin, dans « Un mythe moderne, l'érotisme », a très justement
distingué, dans la Publicité, l'expression d'une morale païenne du plaisir.
(6) Cf. sur ce point capital, l'article de P. Schoenlaub, < Les attitudes des
consommateurs devant l'innovation» («Humanisme et Entreprise»).