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Les démarches des enfants en Grande Section de Maternelle pour
résoudre des problèmes : quels usages font-ils des dessins ? 1
MATALLIOTAKI Eirini, doctorante en Sciences de l’Education de l’université Paris 5, Paris,
France, renmat2000@yahoo.com
Mots clés : enfant, calcul, résolution des problèmes, représentation graphique
Résumé : Cette étude porte sur l’utilisation précoce des représentations graphiques
comme outils de résolution de problème. En référence à la thèse défendue par Olson, on
considère que le raisonnement sur des représentations symboliques est une des
caractéristiques de la pensée scientifique. Deux épreuves ont été proposées à 55 enfants
de Grande et Moyenne Sections Maternelles : une épreuve qui évalue la capacité des
enfants à se servir de notations de quantités produites à la demande pour faire des
calculs (Dénoréco) et une épreuve d’inférence de quantités à partir d’informations
quantitatives (Gants, Chaussettes, Footballeurs). Les résultats montrent que
majoritairement les enfants se servent spontanément des notations produites à la
demande du chercheur pour se rappeler de quantités et pour faire des calculs. Par
contre, s’ils s’avèrent capables d’utiliser un moyen graphique pour catégoriser
adéquatement les données des problèmes, ils ne pensent pas à le faire spontanément.
Palabras claves: niño, cálculo, resolución de problemas, representación gráfica
Resumen: Este estudio se refiere a la utilización precoz de representaciones gráficas
como instrumentos de resolución de problemas. En referencia a la tesis defendida por
Olson, consideramos que el razonamiento sobre las representaciones simbólicas es una
de las características del pensamiento científico. Dos pruebas fueron propuestas a 55
niños de pre-escolar (4 y 5 años ): una destinada a evaluar la capacidad a utilizar las
notaciones de cantidades propuestas por el experimentador con la finalidad de realizar
cálculos (Dénoréco) y una prueba de inferencia de cantidades a partir de informaciones
cuantitativas (guantes, calcetines, futbolistas). Los resultados muestran que
,mayoritariamente, los niños utilizan las notaciones producidas a petición del investigador
para recordar las cantidades y realizar los cálculos; en cambio, aunque sean capaces de
utilizar un medio gráfico para categorizar adecuadamente los datos del problema, no lo
realizan de manera espontánea.
Περίληψη : Η παρούσα έρευνα αναφέρεται στην πρώιµη χρήση των γραφικών
αναπαραστάσεων ως εργαλείο επίλυσης προβληµάτων. Σε συνάφεια µε τις θέσεις του
Όλσον, θεωρούµε ότι ο συλλογισµός µε βάση τις συµβολικές αναπαραστάσεις αποτελεί
χαρακτηριστικό της επιστηµονικής σκέψης. ∆ύο δοκιµασίες προτάθηκαν σε 55 µαθητές
νηπιαγωγείου (5-6,5 ετών) : Μία δοκιµασία που αξιολογεί την ικανότητα των παιδιών να
χρησιµοποιούν σηµειώσεις ποσοτήτων, παραχθείσες υπο εντολή του ερευνητή, για να
διεκπαιρεώσουν υπολογισµούς, και µια δοκιµασια που αφορά την παραγωγή ποσοτικών
συµπερασµάτων χρησιµοποιώντας δεδοµένες ποσοτικές πληροφορίες. Τα αποτελέσµατα
δείχνουν ότι τα παιδιά στην πλειοψηφία τους χρησιµοποιούν τις σηµειώσεις τους για να
θυµηθούν τις ποσότητες και για να κάνουν υπολογισµούς. Αντίθετα, ενώ εχουν την
ικανότητα να χρησιµοποιήσουν ένα γραφικό µέσο για να κατηγοριοποιήσουν επαρκώς τα
δεδοµένα των προβληµάτων, δεν σκέφτονται να το κάνουν αυθόρµητα.
1
La rédaction de cette communication a bénéficié de l’aide d’A. Weil-Barais, directeur de la thèse.
2
Keywords: child, calculation, problem solving, graphical representation
Abstract: The current research refers to the primary use of graphical representations as
a tool of problem solving. In relation to the theories of Olson, we believe that the
perception of symbolic representations consists a characteristic of the scientific thought.
Two studies have been carried out with 55 children of medium and upper kindergarten-
age: One that evaluates the children’s capacity to utilize quantitative notations after being
requested to make a calculation, and another that examines the inference of quantities by
use of quantitative division when initial quantity information is presented verbally and
subsequently graphically. The results show that the majority of children use their notes to
remember the quantities and to make calculations. On the contrary, despite having the
ability to use a graphical mean of categorising effectively the givens of the problems, they
do not think to do that spontaneously.
1 Le dessin : première entrée dans les systèmes de notation
Les dessins qu’on rencontre dans les livres pour l’école maternelle sont le premier contact de
l’enfant avec un système graphique. Ils sont assimilables à un système d’écriture, non
seulement parce qu’ils sont les seuls moyens d’introduction de l’enfant au domaine des
représentations du monde réel (puisque l’enfant ne peut pas encore lire l'écriture
alphabétique), mais aussi parce qu'ils constituent un système de communication avec des
signes et des codes ce qui les rapproche du langage écrit.
Comme Olson le souligne, « Nos systèmes graphiques ne se contentent pas de conserver
l’information, ils nous procurent des modèles qui nous permettent de considérer notre monde
et nos esprits sous un nouvel angle » (Olson, 1998). C'est cette fonction de modélisation des
objets, des phénomènes et des situations qu'assurent les systèmes graphiques à laquelle nous
nous sommes intéressée dans ce travail. L'objectif est de cerner les débuts de la rencontre des
enfants avec les systèmes graphiques, dans le cadre de l'école, à l’âge préscolaire. Il s'agit de
rendre compte des racines de la pensée scientifique à partir d'une analyse des premières
situations impliquant l'usage de systèmes graphiques comme outils de représentation.
L'étude empirique examine l'utilisation que font les enfants des dessins qui leurs sont
proposés pour résoudre des problèmes. Il s'agit de cerner les fonctions qu'ils attribuent aux
dessins et les usages qu'ils en font.
2 Comment les signes graphiques sont-ils devenus des outils
pour la pensée?
Les systèmes d’écriture2
et les systèmes graphiques se caractérisent par des ensembles
spécifiques de conventions. Dans les deux cas, l’importance se trouve dans la possibilité de
distinguer la représentation (signe, mot, icone) de son référant et de penser le signe
indépendamment de son référent. Cela est pour Olson la démarche qui conduit à la naissance
de la science moderne, et qui a fait le « discours analytico-référentiel » du XVIIe siècle
remplacer le « discours de convention » du Moyenne Age.
La perspective d’Olson selon laquelle la nouvelle façon de lire des textes et plutôt le début
d’une lecture sur les lignes et pas entre les lignes a contribué à la formation de l’esprit
scientifique moderne, peut être argumentée en examinant la révolution conceptuelle qui suit
les grandes modifications concernant l’utilisation de la culture écrite. Olson a démontré
2
Nous parlons pour les écritures occidentales. La vocation et les fonctions de l’écriture sont partout les mêmes.
3
comment l’écriture arrive à créer un « texte » original, objectif et fixe, doté d’une signification
que l’on considère comme littéral (qui peut alors être déterminée par des méthodes
systématiques et savantes, et qui peut exclure les interprétations les plus imaginatives ou
déviantes).
Les textes écrits comme des représentations autonomes de la signification qu’on leur donne,
autrement dit les faits observés, deviennent la base objective de la pensée. On commence à
penser le monde réel à travers ses représentations, et l’écriture est utilisée comme une
représentation qui peut à son tour être considérée comme un objet de pensée. A partir de ce
moment-là, la science devient une activité consistant à manipuler des signes.
La thèse principale d’Olson selon laquelle la science est une activité qui consiste à manipuler
les signes, peut s’étendre à l’idée que les dessins (représentations du monde réel) peuvent être
utilisés indépendamment de leurs référents, pour produire des déductions.
Olson défend aussi l’idée qu’il n’existe pas d’histoire des processus cognitifs de base, comme
la perception ou la déduction, et qu’il n’est pas possible alors que les fonctions cérébrales
aient changé même en deux cents générations. Ce qui a une histoire en revanche, ce sont les
techniques, les technologies, les systèmes, les schémas, les formes et les présentations
destinés à diriger ces processus. Il considère que la pensée a une histoire, dans le sens où les
cultures ont évolué et accumulé à la fois des pratiques, des concepts et des catégories pour
penser le monde.
Si on applique cette évolution des cultures au psychisme de l’enfant on peut alors supposer
que l’enfant dispose de ces processus de base, mais aussi qu’il peut pratiquer et faire évoluer
ses techniques pour penser et déduire. On peut supposer alors que les dessins comme outils
cognitifs peuvent avoir des implications sur les techniques que l’enfant utilise pour penser.
Olson propose lui même ce parallélisme entre cultures et enfant. Bien sûr, on ne trouve pas
dans l’esprit des enfants la pensée «primitive» qui caractérise les peuples indigènes, mais «on
peut considérer que le développement conceptuel est ordonné, qu’il révèle de l’Histoire ou de
l’ontogenèse» (Olson,1998). Olson trouve qu’il y a une liaison entre psychogenèse et
phylogenèse : «…les nouvelles structures du savoir, plus spécialisées, s’érigent en prenant
appui sur des concepts plus anciens. L’évolution culturelle des systèmes conceptuels procède-
t-elle de manière parallèle à l’acquisition ou à la construction par l’enfant de son propre
système conceptuel» (Olson,1998).
3 Présentation de l’étude
Nous présentons ci-après l’étude empirique réalisée dans le cadre de ces préoccupations
théoriques.
3.1 Questions de recherche
Si l’on considère comme Olson (1998) que le raisonnement sur des représentations
symboliques est une des caractéristiques de la pensée scientifique, on comprendra l’intérêt
d’étudier l’émergence de la capacité à raisonner sur des représentations. Nous avons donc
essayé de transférer ces réflexions d’Olson au contexte des enfants de l’école maternelle qui
utilisent des systèmes graphiques pour produire des déductions et des raisonnements. Nous ne
pourrions pas bien sûr arriver à des conclusions comme si les notations rendaient l’enfant un
scientifique, mais nous essayons d’explorer attentivement toute la procédure entre l’utilisation
d’une notation et la résolution d’un problème.
4
3.2 Problèmes proposés aux enfants
Deux problèmes sont présentés successivement aux enfants.
3.2.1 Dénoréco
Ce problème est une adaptation d’une épreuve conçue par Gaux, Iralde et Weil-Barais, 2003
dans la perspective d’évaluer la notation des quantités numériques et leur usage fonctionnel.
Le matériel utilisé est composé de quatre boîtes remplies d’objets (jetons et figures cartonnées
représentant des animaux). Les quantités ont été adaptées aux âges des enfants (boîte A : 4
jetons ; boîte B : 6 jetons ; Boîte C : 2 jetons, 4 figures; boîte D : 3 jetons, 3 figures ) de façon
à ce que les enfants puissent mentalement effectuer des additions (4+6 et 6+6).
- Déroulement : Les quatre boîtes placées sur la table face à l’enfant sont fermées. On vide le
contenu de chaque boite successivement devant l’enfant et on lui demande combien d’objets
il voit chaque fois. Si l’enfant se trompe, on l’invite à compter à nouveau. Puis on lui
demande de noter sa réponse sur une fiche de réponse qu’on a posée devant lui. A la fin de
cette procédure, une fois les boîtes refermées, on demande à l’enfant « combien d’objets il y a
dans les deux premières boîtes ensemble (A et B) ?». L’enfant peut consulter ses notations
pour répondre à cette question, mais l’expérimentateur ne le lui suggère pas. Si l’enfant ne
répond pas à la question on lui demande combien d’objets il y a dans la première boîte (A).
On examine s’il utilise spontanément ses notations pour répondre. Puis on demande combien
d’objets il y a dans la deuxième boîte (B) et puis combien d’objets dans les deux boîtes
(A∩B) ensemble. Pour montrer à l’enfant s’il a bien répondu, on vide le contenu des deux
boîtes et on lui demande de compter les objets. On suit la même procédure pour les deux
dernières boîtes (C et D).
On examine le type de notation des quantités produit par l’enfant (numérique, figurative,
analogique) et l’usage que font les enfants des notations (moyen mnémotechnique et calculs).
Si les enfants se servent de leurs notations pour faire des calculs, on estime qu’ils sont
capables de raisonner sur les représentations (produire des déductions).
3.2.2 Epreuve Gants-Chaussettes-Footballeurs : Inférence de quantités
Cette épreuve vise à répondre aux questions suivantes :
- quelles stratégies sont employées par les enfants quand les problèmes sont présentés
oralement ou sous une forme graphique ?
- la forme graphique des problèmes joue-t-elle un rôle facilitant ?
- quand les enfants font l’expérience d’une facilitation de l’usage des graphiques, vont-
ils en produire eux-mêmes ?
- observe-t-on un lien entre l’utilisation des graphiques et l’utilisation des notations
numériques ?
Les problèmes présentés aux enfants peuvent être résolus avec la même stratégie inégalement
disponible chez des enfants de cet âge : réunir les objets par deux et compter les ensembles
réunis (Matalliotaki 2001). Chaque problème est présenté aux enfants d’abord seulement
oralement et ensuite au moyen d’une planche (au format 21x29,7) représentant graphiquement
les objets (cf. annexe 1), dans l’ordre suivant :
- Combien d’enfants on peut habiller avec six gants ?
5
- Combien d’enfants on peut habiller avec douze chaussettes ?
- Huit footballeurs vont s’entraîner en groupes de deux. Chaque groupe va avoir un
ballon. Combien de ballons seront utilisés ?
Les deux premiers problèmes ont le statut de problèmes d’entraînement ; en effet on s’attend
à ce que les enfants aient du mal à trouver la solution dans la forme orale, mais que la forme
graphique les aident à trouver la solution, surtout lorsque la collection dépasse le nombre de
doigts (12 chaussettes) Nous avons vu dans une autre étude que le fait qu’il s’agisse d’objets
familiers afférents au corps de l’enfant joue un rôle facilitant : les enfants pensent assez
facilement à la procédure d’appariement (Matalliotaki 2001).
On examine si les enfants vont penser à utiliser un dessin pour traiter le problème
« footballeurs » qui est plus difficile car il ne repose pas sur une représentation familière du
corps : les joueurs de foot jouent par deux, ce qui n’est pas l’usage tel que les enfants le voient
à la télévision ou qu’ils connaissent.
3.2.3 Déroulement
Les enfants ont été interviewés individuellement, à deux reprises (une séance par épreuve)
L’enfant et le chercheur étaient assis face à face de part et d’autre d’une table sur laquelle
étaient disposés des feuilles de papier et des crayons de différentes couleurs.
Concernant l’épreuve Gants-Chaussettes-Footballeurs les planches sont présentées à l’enfant
au fur et à mesure. Par ailleurs, pour toute réponse donnée par l’enfant, on lui demande
d’expliquer comment il a fait pour trouver.A la fin de chaque réponse, on disait à l’enfant :
« Très bien je note ta réponse », sans manifester de l’approbation ou de la désapprobation.
Le temps alloué à la réalisation des tâches n’était pas limité de façon à pouvoir respecter le
rythme de chaque enfant. Les séances ont été filmées.
Signalons que, conformément à une réglementation de sécurité pour la protection des enfants,
le chercheur n’avait pas le droit de rester seul avec un enfant dans la salle des investigations.
Ainsi un enfant accompagnateur était-il présent dans la salle et s’occupait en jouant avec des
Legos.
3.2.4 Population
Cinquante cinq enfants d’une école maternelle du 13ème arrondissement de Paris ont
participé à cette recherche. L’âge s’étale entre 5 et 6 ans 6 mois. Ce sont 31 garçons et 24
filles répartis dans trois classes différentes de moyenne et grande sections maternelles. Nous
avons vu les enfants dont les parents ont signé une attestation donnant droit à participer à la
recherche.
4 Résultats
Nous présentons ci-après les résultats recueillis par les deux épreuves présentées aux enfants.
4.1 Dénoréco
Les réponses des enfants ont été analysées en prenant en compte quatre variables : 1. la
qualité du dénombrement des objets, 2. le type de notation produit, 3. l’utilisation des
notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire des calculs, 4. la procédure utilisée
pour additionner les quantités.
6
4.1.1 Dénombrement des objets
L’épreuve Dénoréco était initialement utilisée dans cette étude pour tester les performances
des enfants au dénombrement. La répartition des réponses est indiquée dans le tableau 1.
Réponse
correcte
d’emblée
Réponse
correcte
2
ème
essai
Réponse
incorrecte Total
Item 1 53 2 0 55
Item 2 51 4 0 55
Item 3 49 6 0 55
Item 4 55 0 0 55
Item 5 46 9 0 55
Item 6 39 16 0 55
Tableau 1 : Dénombrement des collections à l’épreuve Dénoréco (Item 1 et 2 : collections homogènes ;
autres items : collections hétérogènes)
Globalement les performances des enfants sont conformes à ce qu’on peut attendre compte
tenu de leur âge (Nieuwenhoven, 1999). Les difficultés apparaissent quand les collections
sont supérieures à 10 (item 6). On relèvera que lorsque les enfants ont commis une erreur, la
seconde demande aboutit toujours à un résultat correct.
4.1.2 Type de notation utilisée
Trois types de notations sont distingués. Réponse numérique, réponse analogique et
graphismes abstraits. Nous avons partiellement emprunté la terminologie de Sinclair (1988).
Les réponses sont considérées comme numériques indépendamment des éventuelles erreurs
d’écriture des chiffres. Les graphismes abstraits correspondent à des traces qui ne sont
assimilables ni à des chiffres ni à des dessins de l’objet. S’il y a plusieurs traces, leur nombre
est différent de celui de la collection dénombrée. La répartition des types de notations utilisés
est indiquée dans le tableau 2.
Réponse
numérique
Réponse
analogique
Graphismes
abstraits TOTAL
Item 1 46 9 0 55
Item 2 41 14 0 55
Item 3 44 11 0 55
Item 4 43 12 0 55
Item 5 42 11 2 55
Item 6 41 13 1 55
Tableau 2 : Types de notation produite
La plupart des enfants maîtrise l’écriture numérique et est donc habituée à utiliser un symbole
arbitraire pour représenter une quantité. Les enfants qui ne maîtrisent pas l’écriture numérique
arrivent à représenter de manière analogique une quantité : autant de petits points que
d’objets. Dans ce cas, les réponses sont plus fréquemment exactes puisqu’en effet il y a un
lien très direct (et plus contrôlable pour les enfants de 5-6,5 ans) entre la notation et les
collections. Les graphismes abstraits sont très rares et ne concernent que des quantités égales
à « dix » et « douze » (items 5 et 6 respectivement).
7
4.1.3 Utilisation des notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire
des calculs
Afin de répondre à la question « combien d’objets il y a dans les deux boites ensemble », on
demande aux enfants combien d’objets il y a dans chaque boîte, quand les objets sont déjà
cachés dans les boites. On examine si les enfants consultent leurs notations comme moyen
mnémotechnique pour répondre à la question. On examine aussi si les enfants se servent de
leurs notations pour trouver la quantité correspondant à la réunion de deux quantités. Les
résultats sont récapitulés selon le tableau 3.
Moyen
Mnémotechnique
Calcul en utilisant les
notations
oui non Total oui non Total
Item 5 41 14 55 22 33 55
Item 6 42 13 55 27 28 55
Tableau 3 : Utilisation des notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire des calculs
Trois quarts des enfants se servent spontanément de leurs notations pour se souvenir de
quantités et, selon les items, entre 40 et 50% des enfants les utilisent pour faire un calcul. Ceci
montre leur confiance en leurs notations et qu’ils en connaissent leur rôle fonctionnel :
mémoriser, calculer. Rappelons cependant que ces notations n’ont pas été produites à
l’initiative spontanée des enfants mais à la demande du chercheur.
4.1.4 Les procédures utilisées pour faire des calculs
Pour les enfants ayant effectué un calcul à partir de leurs notations (22 sur 55 à l’item 5 et 27
sur 55 à l’item 2), nous avons examiné les procédures utilisées. Elles sont indiquées dans le
tableau 4.
Utilisation
des
doigts
Comptage
des
points
Addition
Procédure
non
identifiable
Total
Item 5 7 2 6 7 22
Item 6 11 2 6 8 27
Tableau 4 : Les procédures utilisées pour faire des calculs
Le comptage des doigts reste prépondérant (1/3 des enfants qui ont fait un calcul), suivi de
très près par l’addition des quantités. Beaucoup de procédures sont restées non identifiables,
les enfants étant incapables d’expliciter comment ils s’y étaient pris pour donner leur réponse.
Le comptage des points n’apparaît que dans le cas de notation analogique, mais est moins
fréquent que la conduite qui consiste à représenter avec les doigts les quantités notées.
Des enfants ayant utilisé leurs doigts pour faire l’addition ont pu avoir noté les quantités par
un symbole (chiffre). Ils ont ainsi associé au symbole une représentation analogique (doigts)
pour effectuer une addition. Les enfants qui manifestent de telles conduites semblent maîtriser
les différentes représentations d’une quantité et comprendre leur lien fonctionnel.
Les enfants qui justifient leur réponse avec l’opération d’addition répondent simplement que 4
+6 font 10 et 6+ 6 font 12. Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer s’ils ont fait appel à des
faits numériques stockés en mémoire ou s’ils ont utilisé une procédure d’addition.
8
4.2 Gants Chaussettes Footballeurs
Nous examinons comment les enfants ont géré les trois problèmes présentés à eux. D’abord
on examine combien d’enfants ont réussi à chaque problème et ensuite les techniques utilisées
pour parvenir au résultat.
4.2.1 Conduites des enfants
Rappelons que trois problèmes étaient présentés aux enfants, d’abord oralement, puis sous
une forme graphique (dessin des objets). Les réponses des enfants sont récapitulées dans le
tableau 5.
Réponse
correcte
Réponse
incorrecte
Total
Gants 9 46 55
Chaussettes 5 50 55
Présentation
orale
Footballeurs 5 50 55
Gants 24 31 55
Chaussettes 24 31 55
Présentation
écrite
graphique Footballeurs 19 36 55
Tableau 5 : Répartition des réponses en fonction du format de présentation (oral/graphique) et du
problème
La forme écrite est associée à un plus grand nombre de réussites (11% de réponses correctes à
l’oral contre 40% dans la forme graphique). Dans la forme graphique, le problème des
footballeurs s’avère être le plus difficile comme nous l’avions prévu, mais il est quand même
réussi par environ un tiers des enfants.
Pour les trois problèmes, le dessin permet aux enfants de mobiliser la stratégie de résolution
consistant à regrouper les objets par paire.
4.2.2 Techniques utilisées pour répondre
Les techniques employées pour la résolution des problèmes sont présentées dans le tableau 6.
Quatre techniques sont distinguées :
- l’enfant utilise une représentation graphique ou il représente sa réponse avec des
gestes, en représentant une paire avec deux doigts ; ces deux conduites ont été regroupées car
elles correspondent à l’utilisation d’une représentation analogique – dans le tableau cette
technique est désignée par « support analogique »
- l’enfant compte au moyen des doigts;
- l’enfant justifie sa réponse par une opération arithmétique ;
- l’enfant n’a pas de conduite manifeste ou celle-ci est inclassable - dans le tableau,
ces réponses sont regroupées avec les enfants qui n’ont pas donné de réponse, puisqu’elles
sont peu nombreuses.
9
Support
analogique
Comptage des
doigts
Opérations
arithmétiques
Autre ou pas
de réponse
Total
Gants 4 6 3 42 55
Chaussettes 4 9 4 38 55
Présentation
orale
Footballeurs 5 6 3 41 55
Gants 27 2 0 26 55
Chaussettes 28 0 0 27 55
Présentation
écrite
graphique Footballeurs 23 0 0 32 55
Tableau 6 : Répartition des techniques de réponse en fonction du format de présentation (oral/graphique)
et du problème
Les techniques graphiques sont très peu utilisées pour les problèmes présentés dans la forme
graphique. Les enfants ne font pas de tracés sur le dessin. Ils traitent les données seulement
visuellement ou en plaçant leurs doigts sur les différents dessins. Un seul enfant décide
spontanément de représenter graphiquement les données du problème oral Footballeurs, pour
trouver la solution. La plupart des enfants qui réussissent à trouver la bonne stratégie et
répondent correctement aux problèmes ont agi sur les dessins avec leurs doigts. Ceci montre
que les enfants sont capables de gérer les données représentées mais qu’ils ont une difficulté
de prendre l’initiative de produire des graphismes.
Le fait que les procédés qu’ils emploient aux différents problèmes ne changent pas montrent
qu’ils ne se sont pas rendu compte activement de l’apport des notations, même si celles-ci leur
a permis de fournir une réponse correcte à un problème antérieur.
4.3 Relation entre les conduites aux deux épreuves Dénoréco et GCF
Dans le tableau 7 nous présentons la relation entre les conduites des enfants au problème
Footballeurs dans sa forme graphique, et l’utilisation des notations comme moyen
mnémotechnique et pour faire des calculs à l’item 6 de l’épreuve Dénoréco. Ces deux tâches
sont comparables au sens où préalablement les enfants ont eu l’opportunité d’appréhender les
fonctions des notations.
Utilisation des notations comme
moyen mnémotechnique
Utilisation des notations comme
moyen de calcul
DENORECO
Item 6
Footballeurs
Oui Non Oui Non
Réponses
correctes
18 1 16 3
Réponses
incorrectes
24 12 11 25
Total 42 13 27 28
Tableau 7 : Relation entre les réponses des enfants au problème « Footballeurs » dans la forme graphique
et utilisation des notations à l’item 6 de l’épreuve Dénoréco (N=55)
Les enfants qui répondent correctement au problème « Footballeurs » dans sa forme
graphique ont davantage que les autres utilisé leurs notations à l’épreuve Dénoreco pour se
10
souvenir des quantités (18 sur 42 contre 1 sur 13) et pour faire des calculs (16 sur 27 contre 3
sur 28). Ceci montre que les enfants qui sont capables de réaliser que les notations constituent
un moyen mnémotechnique utilisable comme représentations des éléments de la réalité
parviennent aussi à traiter des données représentées par des dessins. On observera cependant
que seule la moitié des enfants utilisant les notations à l’épreuve Dénoréco à des fins de calcul
font un usage bénéfique des dessins au problème « footballeurs ». Ceci s’explique sans doute
par le fait que le calcul à faire est plus accessible aux enfants dans le cas de l’épreuve
Dénoréco (addition de deux quantités) que dans le cas du problème « footballeurs » (division
d’une quantité par deux).
5 Synthèse des résultats et conclusions
Dans cette étude des élèves de Moyenne et Grande Sections Maternelle ont été invités à
produire et manipuler des notations.
Les résultats montrent que trois quarts des enfants sont capables d’utiliser des notations
comme moyens mnémotechniques et, pour la moitié d’entre eux comme supports pour
produire des inférences. Cependant, dans leur grande majorité, les enfants n’ont pas
l’initiative de produire des notations même s’ils ont fait préalablement l’expérience qu’elles
constituent un support utile des activités. Pour les problèmes que nous leur avons proposés, ils
font plutôt un usage spontané des doigts pour représenter les objets et les quantités, et de cette
manière ils parviennent à trouver la solution du problème.
Quand les enfants disposent d’un support graphique présenté par l’adulte, ils parviennent à
résoudre des problèmes difficiles pour eux, mieux qu’ils le font lorsque ces problèmes sont
présentés oralement. Disposant d’un support graphique les enfants sont capables d’organiser
leurs données (par des gestes de regroupement avec les doigts ou en reliant graphiquement les
couples) et d’effectuer des traitements. Sans le support de dessins beaucoup d’enfants ne
parviennent pas semble-t-il à construire une représentation (soit gestuelle, soit mentale) leur
permettant de faire des inférences.
Les résultats obtenus confirment que l’utilisation de signes par des enfants d’âge préscolaire
leur permet d’organiser des données et de produire des déductions. On peut se demander s’il
s’agit bien là des prémices de la construction d’une pensée scientifique.
6 Références
Gaux, C., Iralde, L. et Weil-Barais, A. (2003). Epreuve numérique Dénoréco-1, Laboratoire de psychologie,
Université d’Angers.
Matalliotaki, E. (2001). L’utilisation du dessin comme outil cognitif à l’école maternelle, Mémoire de D.E.A en
sciences de l’éducation, Université René Descartes - Paris 5, Paris.
Olson, D.,(1998). L’univers de l’écrit. Paris : Retz.
Sinclair, H. (1988). La production de notations. Paris : PUF.
Van Nieuwenhoven, C. V. (1999). Le comptage ; vers la construction du nombre. Paris : De Boeck & Larcier
S.A.
11
Annexe 1
Les planches utilisées dans la forme graphique des problèmes
« Gants »
« chaussettes »
« footballeurs »

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Contribution matalliotaki noter pour penser

  • 1. 1 Les démarches des enfants en Grande Section de Maternelle pour résoudre des problèmes : quels usages font-ils des dessins ? 1 MATALLIOTAKI Eirini, doctorante en Sciences de l’Education de l’université Paris 5, Paris, France, renmat2000@yahoo.com Mots clés : enfant, calcul, résolution des problèmes, représentation graphique Résumé : Cette étude porte sur l’utilisation précoce des représentations graphiques comme outils de résolution de problème. En référence à la thèse défendue par Olson, on considère que le raisonnement sur des représentations symboliques est une des caractéristiques de la pensée scientifique. Deux épreuves ont été proposées à 55 enfants de Grande et Moyenne Sections Maternelles : une épreuve qui évalue la capacité des enfants à se servir de notations de quantités produites à la demande pour faire des calculs (Dénoréco) et une épreuve d’inférence de quantités à partir d’informations quantitatives (Gants, Chaussettes, Footballeurs). Les résultats montrent que majoritairement les enfants se servent spontanément des notations produites à la demande du chercheur pour se rappeler de quantités et pour faire des calculs. Par contre, s’ils s’avèrent capables d’utiliser un moyen graphique pour catégoriser adéquatement les données des problèmes, ils ne pensent pas à le faire spontanément. Palabras claves: niño, cálculo, resolución de problemas, representación gráfica Resumen: Este estudio se refiere a la utilización precoz de representaciones gráficas como instrumentos de resolución de problemas. En referencia a la tesis defendida por Olson, consideramos que el razonamiento sobre las representaciones simbólicas es una de las características del pensamiento científico. Dos pruebas fueron propuestas a 55 niños de pre-escolar (4 y 5 años ): una destinada a evaluar la capacidad a utilizar las notaciones de cantidades propuestas por el experimentador con la finalidad de realizar cálculos (Dénoréco) y una prueba de inferencia de cantidades a partir de informaciones cuantitativas (guantes, calcetines, futbolistas). Los resultados muestran que ,mayoritariamente, los niños utilizan las notaciones producidas a petición del investigador para recordar las cantidades y realizar los cálculos; en cambio, aunque sean capaces de utilizar un medio gráfico para categorizar adecuadamente los datos del problema, no lo realizan de manera espontánea. Περίληψη : Η παρούσα έρευνα αναφέρεται στην πρώιµη χρήση των γραφικών αναπαραστάσεων ως εργαλείο επίλυσης προβληµάτων. Σε συνάφεια µε τις θέσεις του Όλσον, θεωρούµε ότι ο συλλογισµός µε βάση τις συµβολικές αναπαραστάσεις αποτελεί χαρακτηριστικό της επιστηµονικής σκέψης. ∆ύο δοκιµασίες προτάθηκαν σε 55 µαθητές νηπιαγωγείου (5-6,5 ετών) : Μία δοκιµασία που αξιολογεί την ικανότητα των παιδιών να χρησιµοποιούν σηµειώσεις ποσοτήτων, παραχθείσες υπο εντολή του ερευνητή, για να διεκπαιρεώσουν υπολογισµούς, και µια δοκιµασια που αφορά την παραγωγή ποσοτικών συµπερασµάτων χρησιµοποιώντας δεδοµένες ποσοτικές πληροφορίες. Τα αποτελέσµατα δείχνουν ότι τα παιδιά στην πλειοψηφία τους χρησιµοποιούν τις σηµειώσεις τους για να θυµηθούν τις ποσότητες και για να κάνουν υπολογισµούς. Αντίθετα, ενώ εχουν την ικανότητα να χρησιµοποιήσουν ένα γραφικό µέσο για να κατηγοριοποιήσουν επαρκώς τα δεδοµένα των προβληµάτων, δεν σκέφτονται να το κάνουν αυθόρµητα. 1 La rédaction de cette communication a bénéficié de l’aide d’A. Weil-Barais, directeur de la thèse.
  • 2. 2 Keywords: child, calculation, problem solving, graphical representation Abstract: The current research refers to the primary use of graphical representations as a tool of problem solving. In relation to the theories of Olson, we believe that the perception of symbolic representations consists a characteristic of the scientific thought. Two studies have been carried out with 55 children of medium and upper kindergarten- age: One that evaluates the children’s capacity to utilize quantitative notations after being requested to make a calculation, and another that examines the inference of quantities by use of quantitative division when initial quantity information is presented verbally and subsequently graphically. The results show that the majority of children use their notes to remember the quantities and to make calculations. On the contrary, despite having the ability to use a graphical mean of categorising effectively the givens of the problems, they do not think to do that spontaneously. 1 Le dessin : première entrée dans les systèmes de notation Les dessins qu’on rencontre dans les livres pour l’école maternelle sont le premier contact de l’enfant avec un système graphique. Ils sont assimilables à un système d’écriture, non seulement parce qu’ils sont les seuls moyens d’introduction de l’enfant au domaine des représentations du monde réel (puisque l’enfant ne peut pas encore lire l'écriture alphabétique), mais aussi parce qu'ils constituent un système de communication avec des signes et des codes ce qui les rapproche du langage écrit. Comme Olson le souligne, « Nos systèmes graphiques ne se contentent pas de conserver l’information, ils nous procurent des modèles qui nous permettent de considérer notre monde et nos esprits sous un nouvel angle » (Olson, 1998). C'est cette fonction de modélisation des objets, des phénomènes et des situations qu'assurent les systèmes graphiques à laquelle nous nous sommes intéressée dans ce travail. L'objectif est de cerner les débuts de la rencontre des enfants avec les systèmes graphiques, dans le cadre de l'école, à l’âge préscolaire. Il s'agit de rendre compte des racines de la pensée scientifique à partir d'une analyse des premières situations impliquant l'usage de systèmes graphiques comme outils de représentation. L'étude empirique examine l'utilisation que font les enfants des dessins qui leurs sont proposés pour résoudre des problèmes. Il s'agit de cerner les fonctions qu'ils attribuent aux dessins et les usages qu'ils en font. 2 Comment les signes graphiques sont-ils devenus des outils pour la pensée? Les systèmes d’écriture2 et les systèmes graphiques se caractérisent par des ensembles spécifiques de conventions. Dans les deux cas, l’importance se trouve dans la possibilité de distinguer la représentation (signe, mot, icone) de son référant et de penser le signe indépendamment de son référent. Cela est pour Olson la démarche qui conduit à la naissance de la science moderne, et qui a fait le « discours analytico-référentiel » du XVIIe siècle remplacer le « discours de convention » du Moyenne Age. La perspective d’Olson selon laquelle la nouvelle façon de lire des textes et plutôt le début d’une lecture sur les lignes et pas entre les lignes a contribué à la formation de l’esprit scientifique moderne, peut être argumentée en examinant la révolution conceptuelle qui suit les grandes modifications concernant l’utilisation de la culture écrite. Olson a démontré 2 Nous parlons pour les écritures occidentales. La vocation et les fonctions de l’écriture sont partout les mêmes.
  • 3. 3 comment l’écriture arrive à créer un « texte » original, objectif et fixe, doté d’une signification que l’on considère comme littéral (qui peut alors être déterminée par des méthodes systématiques et savantes, et qui peut exclure les interprétations les plus imaginatives ou déviantes). Les textes écrits comme des représentations autonomes de la signification qu’on leur donne, autrement dit les faits observés, deviennent la base objective de la pensée. On commence à penser le monde réel à travers ses représentations, et l’écriture est utilisée comme une représentation qui peut à son tour être considérée comme un objet de pensée. A partir de ce moment-là, la science devient une activité consistant à manipuler des signes. La thèse principale d’Olson selon laquelle la science est une activité qui consiste à manipuler les signes, peut s’étendre à l’idée que les dessins (représentations du monde réel) peuvent être utilisés indépendamment de leurs référents, pour produire des déductions. Olson défend aussi l’idée qu’il n’existe pas d’histoire des processus cognitifs de base, comme la perception ou la déduction, et qu’il n’est pas possible alors que les fonctions cérébrales aient changé même en deux cents générations. Ce qui a une histoire en revanche, ce sont les techniques, les technologies, les systèmes, les schémas, les formes et les présentations destinés à diriger ces processus. Il considère que la pensée a une histoire, dans le sens où les cultures ont évolué et accumulé à la fois des pratiques, des concepts et des catégories pour penser le monde. Si on applique cette évolution des cultures au psychisme de l’enfant on peut alors supposer que l’enfant dispose de ces processus de base, mais aussi qu’il peut pratiquer et faire évoluer ses techniques pour penser et déduire. On peut supposer alors que les dessins comme outils cognitifs peuvent avoir des implications sur les techniques que l’enfant utilise pour penser. Olson propose lui même ce parallélisme entre cultures et enfant. Bien sûr, on ne trouve pas dans l’esprit des enfants la pensée «primitive» qui caractérise les peuples indigènes, mais «on peut considérer que le développement conceptuel est ordonné, qu’il révèle de l’Histoire ou de l’ontogenèse» (Olson,1998). Olson trouve qu’il y a une liaison entre psychogenèse et phylogenèse : «…les nouvelles structures du savoir, plus spécialisées, s’érigent en prenant appui sur des concepts plus anciens. L’évolution culturelle des systèmes conceptuels procède- t-elle de manière parallèle à l’acquisition ou à la construction par l’enfant de son propre système conceptuel» (Olson,1998). 3 Présentation de l’étude Nous présentons ci-après l’étude empirique réalisée dans le cadre de ces préoccupations théoriques. 3.1 Questions de recherche Si l’on considère comme Olson (1998) que le raisonnement sur des représentations symboliques est une des caractéristiques de la pensée scientifique, on comprendra l’intérêt d’étudier l’émergence de la capacité à raisonner sur des représentations. Nous avons donc essayé de transférer ces réflexions d’Olson au contexte des enfants de l’école maternelle qui utilisent des systèmes graphiques pour produire des déductions et des raisonnements. Nous ne pourrions pas bien sûr arriver à des conclusions comme si les notations rendaient l’enfant un scientifique, mais nous essayons d’explorer attentivement toute la procédure entre l’utilisation d’une notation et la résolution d’un problème.
  • 4. 4 3.2 Problèmes proposés aux enfants Deux problèmes sont présentés successivement aux enfants. 3.2.1 Dénoréco Ce problème est une adaptation d’une épreuve conçue par Gaux, Iralde et Weil-Barais, 2003 dans la perspective d’évaluer la notation des quantités numériques et leur usage fonctionnel. Le matériel utilisé est composé de quatre boîtes remplies d’objets (jetons et figures cartonnées représentant des animaux). Les quantités ont été adaptées aux âges des enfants (boîte A : 4 jetons ; boîte B : 6 jetons ; Boîte C : 2 jetons, 4 figures; boîte D : 3 jetons, 3 figures ) de façon à ce que les enfants puissent mentalement effectuer des additions (4+6 et 6+6). - Déroulement : Les quatre boîtes placées sur la table face à l’enfant sont fermées. On vide le contenu de chaque boite successivement devant l’enfant et on lui demande combien d’objets il voit chaque fois. Si l’enfant se trompe, on l’invite à compter à nouveau. Puis on lui demande de noter sa réponse sur une fiche de réponse qu’on a posée devant lui. A la fin de cette procédure, une fois les boîtes refermées, on demande à l’enfant « combien d’objets il y a dans les deux premières boîtes ensemble (A et B) ?». L’enfant peut consulter ses notations pour répondre à cette question, mais l’expérimentateur ne le lui suggère pas. Si l’enfant ne répond pas à la question on lui demande combien d’objets il y a dans la première boîte (A). On examine s’il utilise spontanément ses notations pour répondre. Puis on demande combien d’objets il y a dans la deuxième boîte (B) et puis combien d’objets dans les deux boîtes (A∩B) ensemble. Pour montrer à l’enfant s’il a bien répondu, on vide le contenu des deux boîtes et on lui demande de compter les objets. On suit la même procédure pour les deux dernières boîtes (C et D). On examine le type de notation des quantités produit par l’enfant (numérique, figurative, analogique) et l’usage que font les enfants des notations (moyen mnémotechnique et calculs). Si les enfants se servent de leurs notations pour faire des calculs, on estime qu’ils sont capables de raisonner sur les représentations (produire des déductions). 3.2.2 Epreuve Gants-Chaussettes-Footballeurs : Inférence de quantités Cette épreuve vise à répondre aux questions suivantes : - quelles stratégies sont employées par les enfants quand les problèmes sont présentés oralement ou sous une forme graphique ? - la forme graphique des problèmes joue-t-elle un rôle facilitant ? - quand les enfants font l’expérience d’une facilitation de l’usage des graphiques, vont- ils en produire eux-mêmes ? - observe-t-on un lien entre l’utilisation des graphiques et l’utilisation des notations numériques ? Les problèmes présentés aux enfants peuvent être résolus avec la même stratégie inégalement disponible chez des enfants de cet âge : réunir les objets par deux et compter les ensembles réunis (Matalliotaki 2001). Chaque problème est présenté aux enfants d’abord seulement oralement et ensuite au moyen d’une planche (au format 21x29,7) représentant graphiquement les objets (cf. annexe 1), dans l’ordre suivant : - Combien d’enfants on peut habiller avec six gants ?
  • 5. 5 - Combien d’enfants on peut habiller avec douze chaussettes ? - Huit footballeurs vont s’entraîner en groupes de deux. Chaque groupe va avoir un ballon. Combien de ballons seront utilisés ? Les deux premiers problèmes ont le statut de problèmes d’entraînement ; en effet on s’attend à ce que les enfants aient du mal à trouver la solution dans la forme orale, mais que la forme graphique les aident à trouver la solution, surtout lorsque la collection dépasse le nombre de doigts (12 chaussettes) Nous avons vu dans une autre étude que le fait qu’il s’agisse d’objets familiers afférents au corps de l’enfant joue un rôle facilitant : les enfants pensent assez facilement à la procédure d’appariement (Matalliotaki 2001). On examine si les enfants vont penser à utiliser un dessin pour traiter le problème « footballeurs » qui est plus difficile car il ne repose pas sur une représentation familière du corps : les joueurs de foot jouent par deux, ce qui n’est pas l’usage tel que les enfants le voient à la télévision ou qu’ils connaissent. 3.2.3 Déroulement Les enfants ont été interviewés individuellement, à deux reprises (une séance par épreuve) L’enfant et le chercheur étaient assis face à face de part et d’autre d’une table sur laquelle étaient disposés des feuilles de papier et des crayons de différentes couleurs. Concernant l’épreuve Gants-Chaussettes-Footballeurs les planches sont présentées à l’enfant au fur et à mesure. Par ailleurs, pour toute réponse donnée par l’enfant, on lui demande d’expliquer comment il a fait pour trouver.A la fin de chaque réponse, on disait à l’enfant : « Très bien je note ta réponse », sans manifester de l’approbation ou de la désapprobation. Le temps alloué à la réalisation des tâches n’était pas limité de façon à pouvoir respecter le rythme de chaque enfant. Les séances ont été filmées. Signalons que, conformément à une réglementation de sécurité pour la protection des enfants, le chercheur n’avait pas le droit de rester seul avec un enfant dans la salle des investigations. Ainsi un enfant accompagnateur était-il présent dans la salle et s’occupait en jouant avec des Legos. 3.2.4 Population Cinquante cinq enfants d’une école maternelle du 13ème arrondissement de Paris ont participé à cette recherche. L’âge s’étale entre 5 et 6 ans 6 mois. Ce sont 31 garçons et 24 filles répartis dans trois classes différentes de moyenne et grande sections maternelles. Nous avons vu les enfants dont les parents ont signé une attestation donnant droit à participer à la recherche. 4 Résultats Nous présentons ci-après les résultats recueillis par les deux épreuves présentées aux enfants. 4.1 Dénoréco Les réponses des enfants ont été analysées en prenant en compte quatre variables : 1. la qualité du dénombrement des objets, 2. le type de notation produit, 3. l’utilisation des notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire des calculs, 4. la procédure utilisée pour additionner les quantités.
  • 6. 6 4.1.1 Dénombrement des objets L’épreuve Dénoréco était initialement utilisée dans cette étude pour tester les performances des enfants au dénombrement. La répartition des réponses est indiquée dans le tableau 1. Réponse correcte d’emblée Réponse correcte 2 ème essai Réponse incorrecte Total Item 1 53 2 0 55 Item 2 51 4 0 55 Item 3 49 6 0 55 Item 4 55 0 0 55 Item 5 46 9 0 55 Item 6 39 16 0 55 Tableau 1 : Dénombrement des collections à l’épreuve Dénoréco (Item 1 et 2 : collections homogènes ; autres items : collections hétérogènes) Globalement les performances des enfants sont conformes à ce qu’on peut attendre compte tenu de leur âge (Nieuwenhoven, 1999). Les difficultés apparaissent quand les collections sont supérieures à 10 (item 6). On relèvera que lorsque les enfants ont commis une erreur, la seconde demande aboutit toujours à un résultat correct. 4.1.2 Type de notation utilisée Trois types de notations sont distingués. Réponse numérique, réponse analogique et graphismes abstraits. Nous avons partiellement emprunté la terminologie de Sinclair (1988). Les réponses sont considérées comme numériques indépendamment des éventuelles erreurs d’écriture des chiffres. Les graphismes abstraits correspondent à des traces qui ne sont assimilables ni à des chiffres ni à des dessins de l’objet. S’il y a plusieurs traces, leur nombre est différent de celui de la collection dénombrée. La répartition des types de notations utilisés est indiquée dans le tableau 2. Réponse numérique Réponse analogique Graphismes abstraits TOTAL Item 1 46 9 0 55 Item 2 41 14 0 55 Item 3 44 11 0 55 Item 4 43 12 0 55 Item 5 42 11 2 55 Item 6 41 13 1 55 Tableau 2 : Types de notation produite La plupart des enfants maîtrise l’écriture numérique et est donc habituée à utiliser un symbole arbitraire pour représenter une quantité. Les enfants qui ne maîtrisent pas l’écriture numérique arrivent à représenter de manière analogique une quantité : autant de petits points que d’objets. Dans ce cas, les réponses sont plus fréquemment exactes puisqu’en effet il y a un lien très direct (et plus contrôlable pour les enfants de 5-6,5 ans) entre la notation et les collections. Les graphismes abstraits sont très rares et ne concernent que des quantités égales à « dix » et « douze » (items 5 et 6 respectivement).
  • 7. 7 4.1.3 Utilisation des notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire des calculs Afin de répondre à la question « combien d’objets il y a dans les deux boites ensemble », on demande aux enfants combien d’objets il y a dans chaque boîte, quand les objets sont déjà cachés dans les boites. On examine si les enfants consultent leurs notations comme moyen mnémotechnique pour répondre à la question. On examine aussi si les enfants se servent de leurs notations pour trouver la quantité correspondant à la réunion de deux quantités. Les résultats sont récapitulés selon le tableau 3. Moyen Mnémotechnique Calcul en utilisant les notations oui non Total oui non Total Item 5 41 14 55 22 33 55 Item 6 42 13 55 27 28 55 Tableau 3 : Utilisation des notations comme moyen mnémotechnique ou pour faire des calculs Trois quarts des enfants se servent spontanément de leurs notations pour se souvenir de quantités et, selon les items, entre 40 et 50% des enfants les utilisent pour faire un calcul. Ceci montre leur confiance en leurs notations et qu’ils en connaissent leur rôle fonctionnel : mémoriser, calculer. Rappelons cependant que ces notations n’ont pas été produites à l’initiative spontanée des enfants mais à la demande du chercheur. 4.1.4 Les procédures utilisées pour faire des calculs Pour les enfants ayant effectué un calcul à partir de leurs notations (22 sur 55 à l’item 5 et 27 sur 55 à l’item 2), nous avons examiné les procédures utilisées. Elles sont indiquées dans le tableau 4. Utilisation des doigts Comptage des points Addition Procédure non identifiable Total Item 5 7 2 6 7 22 Item 6 11 2 6 8 27 Tableau 4 : Les procédures utilisées pour faire des calculs Le comptage des doigts reste prépondérant (1/3 des enfants qui ont fait un calcul), suivi de très près par l’addition des quantités. Beaucoup de procédures sont restées non identifiables, les enfants étant incapables d’expliciter comment ils s’y étaient pris pour donner leur réponse. Le comptage des points n’apparaît que dans le cas de notation analogique, mais est moins fréquent que la conduite qui consiste à représenter avec les doigts les quantités notées. Des enfants ayant utilisé leurs doigts pour faire l’addition ont pu avoir noté les quantités par un symbole (chiffre). Ils ont ainsi associé au symbole une représentation analogique (doigts) pour effectuer une addition. Les enfants qui manifestent de telles conduites semblent maîtriser les différentes représentations d’une quantité et comprendre leur lien fonctionnel. Les enfants qui justifient leur réponse avec l’opération d’addition répondent simplement que 4 +6 font 10 et 6+ 6 font 12. Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer s’ils ont fait appel à des faits numériques stockés en mémoire ou s’ils ont utilisé une procédure d’addition.
  • 8. 8 4.2 Gants Chaussettes Footballeurs Nous examinons comment les enfants ont géré les trois problèmes présentés à eux. D’abord on examine combien d’enfants ont réussi à chaque problème et ensuite les techniques utilisées pour parvenir au résultat. 4.2.1 Conduites des enfants Rappelons que trois problèmes étaient présentés aux enfants, d’abord oralement, puis sous une forme graphique (dessin des objets). Les réponses des enfants sont récapitulées dans le tableau 5. Réponse correcte Réponse incorrecte Total Gants 9 46 55 Chaussettes 5 50 55 Présentation orale Footballeurs 5 50 55 Gants 24 31 55 Chaussettes 24 31 55 Présentation écrite graphique Footballeurs 19 36 55 Tableau 5 : Répartition des réponses en fonction du format de présentation (oral/graphique) et du problème La forme écrite est associée à un plus grand nombre de réussites (11% de réponses correctes à l’oral contre 40% dans la forme graphique). Dans la forme graphique, le problème des footballeurs s’avère être le plus difficile comme nous l’avions prévu, mais il est quand même réussi par environ un tiers des enfants. Pour les trois problèmes, le dessin permet aux enfants de mobiliser la stratégie de résolution consistant à regrouper les objets par paire. 4.2.2 Techniques utilisées pour répondre Les techniques employées pour la résolution des problèmes sont présentées dans le tableau 6. Quatre techniques sont distinguées : - l’enfant utilise une représentation graphique ou il représente sa réponse avec des gestes, en représentant une paire avec deux doigts ; ces deux conduites ont été regroupées car elles correspondent à l’utilisation d’une représentation analogique – dans le tableau cette technique est désignée par « support analogique » - l’enfant compte au moyen des doigts; - l’enfant justifie sa réponse par une opération arithmétique ; - l’enfant n’a pas de conduite manifeste ou celle-ci est inclassable - dans le tableau, ces réponses sont regroupées avec les enfants qui n’ont pas donné de réponse, puisqu’elles sont peu nombreuses.
  • 9. 9 Support analogique Comptage des doigts Opérations arithmétiques Autre ou pas de réponse Total Gants 4 6 3 42 55 Chaussettes 4 9 4 38 55 Présentation orale Footballeurs 5 6 3 41 55 Gants 27 2 0 26 55 Chaussettes 28 0 0 27 55 Présentation écrite graphique Footballeurs 23 0 0 32 55 Tableau 6 : Répartition des techniques de réponse en fonction du format de présentation (oral/graphique) et du problème Les techniques graphiques sont très peu utilisées pour les problèmes présentés dans la forme graphique. Les enfants ne font pas de tracés sur le dessin. Ils traitent les données seulement visuellement ou en plaçant leurs doigts sur les différents dessins. Un seul enfant décide spontanément de représenter graphiquement les données du problème oral Footballeurs, pour trouver la solution. La plupart des enfants qui réussissent à trouver la bonne stratégie et répondent correctement aux problèmes ont agi sur les dessins avec leurs doigts. Ceci montre que les enfants sont capables de gérer les données représentées mais qu’ils ont une difficulté de prendre l’initiative de produire des graphismes. Le fait que les procédés qu’ils emploient aux différents problèmes ne changent pas montrent qu’ils ne se sont pas rendu compte activement de l’apport des notations, même si celles-ci leur a permis de fournir une réponse correcte à un problème antérieur. 4.3 Relation entre les conduites aux deux épreuves Dénoréco et GCF Dans le tableau 7 nous présentons la relation entre les conduites des enfants au problème Footballeurs dans sa forme graphique, et l’utilisation des notations comme moyen mnémotechnique et pour faire des calculs à l’item 6 de l’épreuve Dénoréco. Ces deux tâches sont comparables au sens où préalablement les enfants ont eu l’opportunité d’appréhender les fonctions des notations. Utilisation des notations comme moyen mnémotechnique Utilisation des notations comme moyen de calcul DENORECO Item 6 Footballeurs Oui Non Oui Non Réponses correctes 18 1 16 3 Réponses incorrectes 24 12 11 25 Total 42 13 27 28 Tableau 7 : Relation entre les réponses des enfants au problème « Footballeurs » dans la forme graphique et utilisation des notations à l’item 6 de l’épreuve Dénoréco (N=55) Les enfants qui répondent correctement au problème « Footballeurs » dans sa forme graphique ont davantage que les autres utilisé leurs notations à l’épreuve Dénoreco pour se
  • 10. 10 souvenir des quantités (18 sur 42 contre 1 sur 13) et pour faire des calculs (16 sur 27 contre 3 sur 28). Ceci montre que les enfants qui sont capables de réaliser que les notations constituent un moyen mnémotechnique utilisable comme représentations des éléments de la réalité parviennent aussi à traiter des données représentées par des dessins. On observera cependant que seule la moitié des enfants utilisant les notations à l’épreuve Dénoréco à des fins de calcul font un usage bénéfique des dessins au problème « footballeurs ». Ceci s’explique sans doute par le fait que le calcul à faire est plus accessible aux enfants dans le cas de l’épreuve Dénoréco (addition de deux quantités) que dans le cas du problème « footballeurs » (division d’une quantité par deux). 5 Synthèse des résultats et conclusions Dans cette étude des élèves de Moyenne et Grande Sections Maternelle ont été invités à produire et manipuler des notations. Les résultats montrent que trois quarts des enfants sont capables d’utiliser des notations comme moyens mnémotechniques et, pour la moitié d’entre eux comme supports pour produire des inférences. Cependant, dans leur grande majorité, les enfants n’ont pas l’initiative de produire des notations même s’ils ont fait préalablement l’expérience qu’elles constituent un support utile des activités. Pour les problèmes que nous leur avons proposés, ils font plutôt un usage spontané des doigts pour représenter les objets et les quantités, et de cette manière ils parviennent à trouver la solution du problème. Quand les enfants disposent d’un support graphique présenté par l’adulte, ils parviennent à résoudre des problèmes difficiles pour eux, mieux qu’ils le font lorsque ces problèmes sont présentés oralement. Disposant d’un support graphique les enfants sont capables d’organiser leurs données (par des gestes de regroupement avec les doigts ou en reliant graphiquement les couples) et d’effectuer des traitements. Sans le support de dessins beaucoup d’enfants ne parviennent pas semble-t-il à construire une représentation (soit gestuelle, soit mentale) leur permettant de faire des inférences. Les résultats obtenus confirment que l’utilisation de signes par des enfants d’âge préscolaire leur permet d’organiser des données et de produire des déductions. On peut se demander s’il s’agit bien là des prémices de la construction d’une pensée scientifique. 6 Références Gaux, C., Iralde, L. et Weil-Barais, A. (2003). Epreuve numérique Dénoréco-1, Laboratoire de psychologie, Université d’Angers. Matalliotaki, E. (2001). L’utilisation du dessin comme outil cognitif à l’école maternelle, Mémoire de D.E.A en sciences de l’éducation, Université René Descartes - Paris 5, Paris. Olson, D.,(1998). L’univers de l’écrit. Paris : Retz. Sinclair, H. (1988). La production de notations. Paris : PUF. Van Nieuwenhoven, C. V. (1999). Le comptage ; vers la construction du nombre. Paris : De Boeck & Larcier S.A.
  • 11. 11 Annexe 1 Les planches utilisées dans la forme graphique des problèmes « Gants » « chaussettes » « footballeurs »