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CHUT ! 10 CLIMAT — QUI SÈME LE VOLT RÉCOLTE LATEMPÊTE 
67
Dans les Bouches-du-Rhône, 35 pays
participent à la construction du tokamak
ITER, la machine expérimentale qui doit
exploiter l’énergie de la fusion nucléaire.
Celle-ci présente l’avantage de rejeter
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une quantité d’énergie bien supérieure à
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physique n’est pas une mince affaire. La
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se séparent et le gaz se transforme alors
en plasma, l’état de matière dans lequel
les noyaux peuvent fusionner. Pour éviter
que le plasma ne touche et ne détruise
ce qui l’entoure, le tokamak génère un
champ magnétique qui confine la matière
en fusion. Et puisqu’il s’agit de reproduire
artificiellement les réactions se produi-
sant au cœur du Soleil, une maîtrise com-
plète du processus est impérative. Ce
qui, là encore, est loin d’être évident.
« Modéliser l’évolution temporelle de
la vitesse et de la température du plas-
ma représente un temps de calcul de
l’ordre de plusieurs jours à plusieurs se-
maines », explique Emmanuel Franck,
chercheur chez Inria (Institut national de
recherche en sciences et technologies
du numérique) et membre du projet de
recherche Malesi (Machine Learning for
Simulation). « Dans le cadre de Malesi,
nous testons une approche de la fusion
nucléaire basée sur l’intelligence artifi-
cielle qui permet de corriger les erreurs
Fusion nucléaire, géothermie ou encore énergie
ambiante : chez Inria, les chercheur·ses utilisent
l’informatique pour concevoir des projets visant
à mieux maîtriser les énergies de demain.
LES SCIENCES
DU NUMÉRIQUE
EN QUÊTE D’ÉNERGIES
MOINS POLLUANTES
LE POINT DE VUE DE NOTRE PARTENAIRE
Disponible en audio
IMAGE.MIGUEL BUCANA
68
CHUT ! 10 CLIMAT — QUI SÈME LE VOLT RÉCOLTE LATEMPÊTE 
des modèles algorithmiques classiques. »
L’équipe travaille sur des modèles réduits
d’ITER, beaucoup plus simples à expéri-
menter. Selon lui, le couplage entre l’IA
et les recherches sur la fusion nucléaire
est encore balbutiant mais pourrait bien
trouver des débouchés industriels d’ici
une dizaine d’années.
Des données toujours
plus nombreuses
Des lois de Kepler à la théorie de la rela-
tivité d’Einstein, les équations et la mo-
délisation ont été pendant des siècles
le moteur de la physique. « Désormais
les données sont tellement nombreuses
qu’on y lit des choses avant même de
mettre en équation un phénomène », dé-
crypte Jacques Sainte-Marie, chercheur
et directeur scientifique adjoint de Inria,
en charge de l’environnement. Grâce à
l’intelligence artificielle, il devient plus
facile de faire tourner des modèles pré-
dictifs qui ingèrent d’énormes bases de
données et permettent de mieux com-
prendre et contrôler certains phéno-
mènes physiques.
C’est ce qu’a fait le projet d’analyse
des données de vol d’avion « Perf-AI »,
mené par la start-up Safety Line et une
équipe de Inria, avec notamment Vincent
Vandewalle, maître de conférences
à l’Université de Lille. Leur but ? « Utili-
ser au maximum les données de vol pour
prédire de façon plus fine la consomma-
tion instantanée d’un avion », détaille le
chercheur. Le procédé consiste à récu-
pérer toutes les données de consomma-
tion passées, de les croiser avec d’autres
variables comme l’altitude, la vitesse ou
l’angle de l’avion, puis à en tirer un al-
gorithme prédictif qui aide le·la pilote à
adapter sa trajectoire de vol. À terme, ce
« Waze » de l’aviation devrait permettre
d’automatiser presque intégralement les
manœuvres de décollage, qui sont les
plus polluantes.
Mais l’IA ne résout pas tous les problèmes
des scientifiques. Elle a même tendance
à leur en créer de nouveaux. « L’IA fonc-
tionne comme une boîte noire : on ne
sait pas comment elle parvient à ses
résultats. Pour élaborer des preuves et
des démonstrations, le raisonnement hu-
main reste irremplaçable », juge Jacques
Sainte-Marie. Un constat partagé par Em-
manuel Franck, pour qui « l’IA ne sera ja-
mais au cœur des prédictions physiques »
car ses algorithmes « comportent tou-
jours un risque d’échec ». On imagine en
effet assez mal laisser à l’IA le soin d’édic-
ter les nouvelles lois physiques décrivant
la portance d’un avion ou une réaction
nucléaire.
Décarboner la
production d’énergie
Avec ou sans IA, Inria s’est engagée dans
de nombreux projets de décarbonation
de la production d’énergie. C'est le cas
du projet PIXIL, qui cartographie le sous-
sol des Pyrénées afin d’y accélérer l’ex-
ploitation de l’énergie géothermique.
Naturelle et non émettrice de CO2, cette
énergie qui provient de la chaleur déga-
gée par les entrailles de la Terre a la vertu
d’être quasiment inépuisable. Une manne
pour la transition énergétique, à laquelle
les chercheur·ses de Inria apportent
leurs compétences en mathématiques
« NOTREPROJETN’APASVOCATION
ÀFAIREBAISSERLENIVEAUGLOBAL
D’ÉNERGIECONSOMMÉE,MAISÀ
RÉCUPÉRERL’ÉNERGIEGRATUITEQUISE
TROUVEPARTOUTAUTOURDENOUS. »
69
appliquées. À leurs côtés travaillent des
entreprises spécialisées dans le traite-
ment des données de géosciences et
dans l’industrie du sous-sol. Pour Pixil,
iels développent ensemble des mo-
dèles chargés de simuler la propagation
d’ondes sonores dans le sol pour en dé-
duire une image 3D la plus précise pos-
sible.
« Chez Inria, 80 % des projets de re-
cherche sont menés par des équipes qui
mêlent chercheurs, industriels et établis-
sements publics. L’intérêt, c’est de défi-
nir un projet scientifique avec une dota-
tion fournie par chacun des partenaires
et de travailler avec des points de vue
différents sur un même sujet », précise
Jacques Sainte-Marie. Les chercheur·ses
de Inria mettent ainsi leurs compétences
en informatique, calculs haute perfor-
mance et sciences des données au ser-
vice de l’amélioration des connaissances
géophysiques et de la réduction de
l’empreinte environnementale du numé-
rique. Car, comme le rappelle le direc-
teur scientifique adjoint de Inria, « la voie
entre le développement du numérique et
ses impacts, notamment sur l’environne-
ment, est encore à construire ».
Vibrations, ondes,
température : des
sources d’énergie
ambiantes et gratuites
Pour minimiser les impacts négatifs du
numérique, l’équipe du projet ZEP (Ze-
ro-Power Computing Systems) a travail-
lé sur des systèmes informatiques ca-
pables de fonctionner uniquement grâce
à la récupération de l’énergie ambiante.
De petits objets connectés tels que des
capteurs, des caméras ou des montres
peuvent fonctionner avec quelques mi-
crowatts. Cette puissance électrique peut
être fournie par des panneaux solaires et
éoliennes de la taille d’un porte-clefs, ou
des capteurs qui créent de l’électricité
à partir de la différence de température
(entre la peau et l’air par exemple), des
vibrations, ou encore des ondes électro-
magnétiques (radio, wifi). « Le problème
de ces sources d’énergie, c’est qu’elles
sont intermittentes. Nous essayons donc
de trouver des moyens de gérer cette
intermittence en nous basant sur les
technologies de mémoire non volatiles
(par exemple mémoire magnétique), qui
permettent de sauvegarder l’état du sys-
tème à un moment donné pour un coût
énergétique très faible. Cela évite d’avoir
à reprendre à zéro la tâche qui était en
train d’être effectuée », développe Olivier
Sentieys, membre du projet et professeur
à l’Université de Rennes 1.
L’émergence des mémoires non volatiles
ouvre la voie à une plus grande autono-
mie énergétique des objets connectés.
Exit, donc, les batteries et leur cortège
de pollution ? Non, car certaines applica-
tions critiques nécessitent une continui-
té de service et donc une alimentation
continue. « Notre projet n’a pas vocation
à faire baisser le niveau global d’énergie
consommée, mais à récupérer l’énergie
gratuite qui se trouve partout autour de
nous », remarque Olivier Sentieys. Pa-
radoxalement, concevoir un numérique
plus frugal pourrait permettre d’accroître
les connaissances scientifiques. Par
exemple en mettant en place un réseau
de capteurs environnementaux, dissémi-
nés dans les milieux naturels inhospita-
liers, qui remonteraient en continu des
données normalement peu accessibles.
À PROPOS DE NOTRE PARTENAIRE
Inria est l’Institut national de recherche en sciences
et technologies du numérique. La recherche
de rang mondial, l’innovation technologique
et le risque entrepreneurial constituent son ADN.
Plus de 3 900 chercheur·ses et ingénieur·es y explorent
les voies de l’innovation : de l’édition open source de
logiciels à la création de start-up technologiques.

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Extrait CHUT n°10 - sciences moins polluantes

  • 1. 66 CHUT ! 10 CLIMAT — QUI SÈME LE VOLT RÉCOLTE LATEMPÊTE 
  • 2. 67 Dans les Bouches-du-Rhône, 35 pays participent à la construction du tokamak ITER, la machine expérimentale qui doit exploiter l’énergie de la fusion nucléaire. Celle-ci présente l’avantage de rejeter moins de déchets radioactifs que lors du processus de fission, tout en libérant une quantité d’énergie bien supérieure à ce que délivrent les centrales nucléaires actuelles. Mais générer cette réaction physique n’est pas une mince affaire. La fusion nucléaire se produit ainsi lorsqu’un gaz est porté à très haute température. Les noyaux et les électrons des atomes se séparent et le gaz se transforme alors en plasma, l’état de matière dans lequel les noyaux peuvent fusionner. Pour éviter que le plasma ne touche et ne détruise ce qui l’entoure, le tokamak génère un champ magnétique qui confine la matière en fusion. Et puisqu’il s’agit de reproduire artificiellement les réactions se produi- sant au cœur du Soleil, une maîtrise com- plète du processus est impérative. Ce qui, là encore, est loin d’être évident. « Modéliser l’évolution temporelle de la vitesse et de la température du plas- ma représente un temps de calcul de l’ordre de plusieurs jours à plusieurs se- maines », explique Emmanuel Franck, chercheur chez Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) et membre du projet de recherche Malesi (Machine Learning for Simulation). « Dans le cadre de Malesi, nous testons une approche de la fusion nucléaire basée sur l’intelligence artifi- cielle qui permet de corriger les erreurs Fusion nucléaire, géothermie ou encore énergie ambiante : chez Inria, les chercheur·ses utilisent l’informatique pour concevoir des projets visant à mieux maîtriser les énergies de demain. LES SCIENCES DU NUMÉRIQUE EN QUÊTE D’ÉNERGIES MOINS POLLUANTES LE POINT DE VUE DE NOTRE PARTENAIRE Disponible en audio IMAGE.MIGUEL BUCANA
  • 3. 68 CHUT ! 10 CLIMAT — QUI SÈME LE VOLT RÉCOLTE LATEMPÊTE  des modèles algorithmiques classiques. » L’équipe travaille sur des modèles réduits d’ITER, beaucoup plus simples à expéri- menter. Selon lui, le couplage entre l’IA et les recherches sur la fusion nucléaire est encore balbutiant mais pourrait bien trouver des débouchés industriels d’ici une dizaine d’années. Des données toujours plus nombreuses Des lois de Kepler à la théorie de la rela- tivité d’Einstein, les équations et la mo- délisation ont été pendant des siècles le moteur de la physique. « Désormais les données sont tellement nombreuses qu’on y lit des choses avant même de mettre en équation un phénomène », dé- crypte Jacques Sainte-Marie, chercheur et directeur scientifique adjoint de Inria, en charge de l’environnement. Grâce à l’intelligence artificielle, il devient plus facile de faire tourner des modèles pré- dictifs qui ingèrent d’énormes bases de données et permettent de mieux com- prendre et contrôler certains phéno- mènes physiques. C’est ce qu’a fait le projet d’analyse des données de vol d’avion « Perf-AI », mené par la start-up Safety Line et une équipe de Inria, avec notamment Vincent Vandewalle, maître de conférences à l’Université de Lille. Leur but ? « Utili- ser au maximum les données de vol pour prédire de façon plus fine la consomma- tion instantanée d’un avion », détaille le chercheur. Le procédé consiste à récu- pérer toutes les données de consomma- tion passées, de les croiser avec d’autres variables comme l’altitude, la vitesse ou l’angle de l’avion, puis à en tirer un al- gorithme prédictif qui aide le·la pilote à adapter sa trajectoire de vol. À terme, ce « Waze » de l’aviation devrait permettre d’automatiser presque intégralement les manœuvres de décollage, qui sont les plus polluantes. Mais l’IA ne résout pas tous les problèmes des scientifiques. Elle a même tendance à leur en créer de nouveaux. « L’IA fonc- tionne comme une boîte noire : on ne sait pas comment elle parvient à ses résultats. Pour élaborer des preuves et des démonstrations, le raisonnement hu- main reste irremplaçable », juge Jacques Sainte-Marie. Un constat partagé par Em- manuel Franck, pour qui « l’IA ne sera ja- mais au cœur des prédictions physiques » car ses algorithmes « comportent tou- jours un risque d’échec ». On imagine en effet assez mal laisser à l’IA le soin d’édic- ter les nouvelles lois physiques décrivant la portance d’un avion ou une réaction nucléaire. Décarboner la production d’énergie Avec ou sans IA, Inria s’est engagée dans de nombreux projets de décarbonation de la production d’énergie. C'est le cas du projet PIXIL, qui cartographie le sous- sol des Pyrénées afin d’y accélérer l’ex- ploitation de l’énergie géothermique. Naturelle et non émettrice de CO2, cette énergie qui provient de la chaleur déga- gée par les entrailles de la Terre a la vertu d’être quasiment inépuisable. Une manne pour la transition énergétique, à laquelle les chercheur·ses de Inria apportent leurs compétences en mathématiques « NOTREPROJETN’APASVOCATION ÀFAIREBAISSERLENIVEAUGLOBAL D’ÉNERGIECONSOMMÉE,MAISÀ RÉCUPÉRERL’ÉNERGIEGRATUITEQUISE TROUVEPARTOUTAUTOURDENOUS. »
  • 4. 69 appliquées. À leurs côtés travaillent des entreprises spécialisées dans le traite- ment des données de géosciences et dans l’industrie du sous-sol. Pour Pixil, iels développent ensemble des mo- dèles chargés de simuler la propagation d’ondes sonores dans le sol pour en dé- duire une image 3D la plus précise pos- sible. « Chez Inria, 80 % des projets de re- cherche sont menés par des équipes qui mêlent chercheurs, industriels et établis- sements publics. L’intérêt, c’est de défi- nir un projet scientifique avec une dota- tion fournie par chacun des partenaires et de travailler avec des points de vue différents sur un même sujet », précise Jacques Sainte-Marie. Les chercheur·ses de Inria mettent ainsi leurs compétences en informatique, calculs haute perfor- mance et sciences des données au ser- vice de l’amélioration des connaissances géophysiques et de la réduction de l’empreinte environnementale du numé- rique. Car, comme le rappelle le direc- teur scientifique adjoint de Inria, « la voie entre le développement du numérique et ses impacts, notamment sur l’environne- ment, est encore à construire ». Vibrations, ondes, température : des sources d’énergie ambiantes et gratuites Pour minimiser les impacts négatifs du numérique, l’équipe du projet ZEP (Ze- ro-Power Computing Systems) a travail- lé sur des systèmes informatiques ca- pables de fonctionner uniquement grâce à la récupération de l’énergie ambiante. De petits objets connectés tels que des capteurs, des caméras ou des montres peuvent fonctionner avec quelques mi- crowatts. Cette puissance électrique peut être fournie par des panneaux solaires et éoliennes de la taille d’un porte-clefs, ou des capteurs qui créent de l’électricité à partir de la différence de température (entre la peau et l’air par exemple), des vibrations, ou encore des ondes électro- magnétiques (radio, wifi). « Le problème de ces sources d’énergie, c’est qu’elles sont intermittentes. Nous essayons donc de trouver des moyens de gérer cette intermittence en nous basant sur les technologies de mémoire non volatiles (par exemple mémoire magnétique), qui permettent de sauvegarder l’état du sys- tème à un moment donné pour un coût énergétique très faible. Cela évite d’avoir à reprendre à zéro la tâche qui était en train d’être effectuée », développe Olivier Sentieys, membre du projet et professeur à l’Université de Rennes 1. L’émergence des mémoires non volatiles ouvre la voie à une plus grande autono- mie énergétique des objets connectés. Exit, donc, les batteries et leur cortège de pollution ? Non, car certaines applica- tions critiques nécessitent une continui- té de service et donc une alimentation continue. « Notre projet n’a pas vocation à faire baisser le niveau global d’énergie consommée, mais à récupérer l’énergie gratuite qui se trouve partout autour de nous », remarque Olivier Sentieys. Pa- radoxalement, concevoir un numérique plus frugal pourrait permettre d’accroître les connaissances scientifiques. Par exemple en mettant en place un réseau de capteurs environnementaux, dissémi- nés dans les milieux naturels inhospita- liers, qui remonteraient en continu des données normalement peu accessibles. À PROPOS DE NOTRE PARTENAIRE Inria est l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. La recherche de rang mondial, l’innovation technologique et le risque entrepreneurial constituent son ADN. Plus de 3 900 chercheur·ses et ingénieur·es y explorent les voies de l’innovation : de l’édition open source de logiciels à la création de start-up technologiques.