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Mensuel sur l’énergie et l’environnement
S
Février 2020	 N°150
Visites industrielles
Fevrier 2020
page: 4
Stockage des énergies
page: 17
Dynamique des politiques
internationales:
sous l’angle de la théorie des jeux
page: 22
Global Energy Interconnexion:
L’expansion chinoise dans le transport d’électricité
page: 25
Chère lectrice, cher lecteur,
Jules César, sur les conseils du grand sci-
entifique astronome Sosigène d’Alexandrie,
avait ajouté un jour supplémentaire au
calendrier julien (ancêtre de notre calen-
drier grégorien) tous les 4 ans. Notre chère
planète effectuant une révolution complète
en 365,2524 jours, cela permettait de main-
tenir le calendrier au plus proche de nos
saisons historiques, et ainsi conserver les
rituels et fêtes en bonne et due forme.
Vous l’aurez compris, 2020 est une année d’ajustement, haute
en couleur, promise à des rebondissements et avancées tant
attendus !
Une année qui marque l’entrée dans une nouvelle décennie,
pleine d’espoirs concernant la mobilisation pour la lutte contre
le réchauffement climatique. Nous vous proposons dans ce
contexte un article sur « la dynamique des politiques inter-
nationales sous l’angle de la théorie des jeux ».
Ce numéro spécial se consacre en partie au partage de nos
aventures au cœur de l’industrie ! Accompagnés par Gilles
Guerassimoff, responsable du mastère, nous avons eu le priv-
ilège de visiter 6 sites industriels dans le sud de la France :
le centre de recherche du Commissariat à l’Energie Atomique
et aux énergies alternatives (CEA) à Cadarache, la centrale
photovoltaïque flottante O’MEGA 1 à Piolenc, la Bioraffinerie
de la Mède à Châteauneuf-les-Martigues, la centrale à Cycle
Combiné Gaz de Martigues, le centre de dispatching RTE à
Marseille pour finir avec la visite de la brasserie Heineken à
Marseille. Les élèves tiennent à adresser leurs remerciements
aux différentes entreprises et à tous les intervenants nous
ayant ouvert leurs portes.
Finalement, vous trouverez dans ce numéro spécial un article
sur les technologies de stockage ainsi que sur l’expansion chi-
noise dans le transport d’électricité à travers le Projet Global
Energy Interconnexion (PGEI).
Bonne lecture !
Axelle DE CADIER
2 EDITO
Adresse e-mail
infose@mastere-ose.fr
TELEPHONE
04 97 15 70 73
ADRESSE
Centre de
Mathématiques
Appliquées
Mines Paristech
Rue Claude Daunesse
CS 10 207
06904 Sophia Antipolis
Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj
Maquettiste - Saul Villamizar
Toute reproduction, représentation, traduction
ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle,
quel qu’en soit le procèdé, le support ou le
média, est strictement interdite sans l’autori-
sation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
CONTACTS
SOMMAIRE
Visites industrielles Fevrier 20204
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies
alternatives - CEA	 4
Akuo - La centrale photovoltaïque
flottante O’MEGA 1 à Piolenc	 6
Bioraffinerie de La Mède	 8
Centrales CCG – EDF Martigues	 10
RTE - Visite du Showroom 12
La brasserie Heineken	 15
Stockage des énergies17
Dynamique des politiques internationales :
sous l’angle de la théorie des jeux 22
Global Energy Interconnexion :
l’expansion chinoise dans le
transport d’électricité25
SMensuel sur l’énergie et l’environnement
3SOMMAIRE
Commissariat à l’énergie atomique et
aux énergies alternatives - CEA
L
e commissariat à l’énergie atomique et
aux énergies alternatives (CEA) est un
organisme public de recherche en charge
de 4 missions : une mission défense et trois
missions civiles. C’est le premier organisme de
recherche déposant des brevets en France et en
Europe avec 6700 familles de brevets en 2019.
Le CEA est implémenté sur 9 centres de
recherche répartis sur la France dont Cadarache – dans lequel s’est déroulée notre visite le 19
février – qui est l’un des centres les plus importants en Europe dans la RD en énergie.
Le centre de Cadarache a été créé en 1959 par le Général De Gaulle pour mener des recherches
scientifiques sur la maîtrise de l’atome. L’objectif était historiquement centré sur la production
du plutonium pour l’arme nucléaire.
Aujourd’hui, le centre s’intéresse à plusieurs autres activités telles que le soutien au parc
nucléaire actuel, la préparation du nucléaire du futur (la 4ème génération), l’exploration de
l’énergie de fusion nucléaire et le développement des technologies solaires et des bioénergies.
Le CEA travaille également sur le test de nouveaux matériaux et combustibles nucléaires, ainsi
que le démantèlement des centrales en testant des opérations sur ses propres installations.
Avec ces 19 installations nucléaires de base (INB) et une installation de base secrète (INBS),
le centre dispose de compétences et d’installations de recherche de renommée internationale
dans les domaines des combustibles, des réacteurs et des technologies nucléaires. Aujourd’hui,
le centre emploie environ 6000 salariés.
Le projet RJH
Parmi les différents projets qu’il nous a été donné de découvrir au CEA Cadarache, le RJH
(Réacteur Jules Horowitz, en hommage au célèbre physicien nucléaire français) est aujourd’hui
le plus important en termes d’infrastructures et d’investissements. Il s’agit de la construction
du plus récent Material Testing Reactor en Europe, un réacteur spécialement conçu pour tester le
Visites industrielles Février 2020
19 Février 2020
Centre CEA de Cadarche (Source: ouest-france)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
4 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
comportement de matériaux et les caractériser. Sa date de mise en opération est prévue pour 2025
pour pallier la mise en phase de démantèlement des autres réacteurs de test européens en fin de
vie. Le RJH sera aussi capable de simuler différents types d’avaries et irradiation en conditions
anormales pour répondre aux besoins de l’état comme de l’Agence de Sureté Nucléaire (ASN).
Le coût du projet est estimé, à l’horizon 2025, à 2 milliard d’euros partagés par un consortium
comprenant des centres de recherche européens, EDF, Technic Atom ainsi que quelques centres
étrangers intéressés par les types d’expérimentations que pourra mener le RJH.
Outre l’étude du comportement des matériaux à l’irradiation, le RJH sera également en mesure
de produire des matériaux radioactifs pour la médecine, le Molybdène et le Technicium, utilisés
en scintigraphie pour la détection de cancers. Il faut savoir que le CEA fournit à l’heure actuelle
20% des besoins européens en ces deux éléments, et que cette activité permettra non seulement
au RJH de s’assurer quelques revenus mais surtout de servir de vitrine au projet.
Le projet Tore Supra/West
Tore Supra est un tokamak français situé sur
le site de Cadarache et destiné à l’étude des
plasmas pour la recherche en fusion nucléaire. Il
est, avec son homologue européen JET à Culham
(Royaume Uni), une des têtes de proue de la
recherche pour le prochain réacteur ITER en
cours de construction à Cadarache. Il a été mis
en fonctionnement en 1988 sous le nom de Tore
Supra, qui s’est transformé en WEST en 2013 à la
suite de modifications structurelles. Toute son
enceinte a alors été tapissée par des plaques de
tungstène, matériau connu pour sa très bonne
résistance aux conditions extrêmes, ce qui permet une meilleure tenue au plasma du réacteur.
C’est à ce jour le seul tokamak de sa dimension à utiliser des bobines supraconductrices pour
créer le champ magnétique afin de stabiliser le plasma, ce qui lui permet d’atteindre des courants
jusqu’à 10 millions d’ampères tout en ayant une consommation électrique bien en deçà de ses
homologues. Autre fait à son actif, c’est aujourd’hui le tokamak dans lequel a été enregistré le
plasma le plus long jamais créé avec une durée de 6 minutes 30 secondes, record qui devrait
être battu en 2025 avec la mise en fonctionnement d’ITER.
Nous tenons à remercier le pôle visite du CEA ainsi que toute l’équipe du site qui nous a permis
de réaliser cette visite ô combien intéressante.
Le réacteur West avec les circuits de refroidissement qui l’entourent
(Source : TPBM - Presse)
Younes Baghdad et Victor Maquart
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5VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Visite Akuo – La centrale photovoltaïque flottante O’MEGA 1 à Piolenc
A
vez-vous déjà vu une centrale solaire flottante ? Et bien nous non plus ! Petite anecdote amusante
avant de commencer cet article : certains oiseaux établissent leurs nids sous l’inclinaison des
panneaux.
Nous avons été accueillis par Clémence Marcueyz, cheffe de projet chez Akuo Energy. Fondée en 2007,
cette entreprise est le premier producteur et distributeur indépendant français d’énergie renouvelable.
Clémence a travaillé sur le développement de la ferme photovoltaïque flottante de Piolenc dans le
Vaucluse (84). Ce projet, appelé O’MEGA 1, a été lauréat de la première période de l’appel d’offres CRE4
au premier semestre 2017.
Avec ses 47 000 panneaux totalisant une puissance de 17 mégawatts-crètes (MWc) répartis sur 17
hectares, la ferme solaire flottante de Piolenc est la plus grande d’Europe jamais construite. Elle permet
d’alimenter jusqu’à 4 700 foyers sur l’année.
Les panneaux, fixes, sont implantés à l’aide de flotteurs. La technologie de structure flottante Hydrelio®
by Ciel  Terre a été retenue par Akuo Energy : c’est un système destiné à être implanté notamment
sur les bassins écrêteurs de crues et d’irrigation, les réservoirs d’eau potable, les bassins industriels,
les terrains inondables ou encore les lacs de carrière. Le développement du projet a duré 10 ans et le
chantier de construction un an.
Les avantages du solaire flottant sont nombreux. Premièrement, ils ne sont pas en concurrence avec
d’autres activités agricoles ou forestières. Dans le cas de Piolenc, il s’agit d’un lac artificiel issu d’une
Le mastère OSE en visite à Piolenc !
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
6 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
ancienne carrière d’extraction de granulats. Deuxièmement, la structure des flotteurs limite l’évaporation
de l’eau et la prolifération des algues. Enfin, la fraîcheur de l’eau permet d’éviter la surchauffe des
capteurs photovoltaïques et d’en améliorer le rendement. Le gain énergétique est de l’ordre de 2 à 3%
de production.
Le montant global de l’investissement s’est élevé à 17 millions d’euros. Akuo Energy a misé sur la carte
de l’investissement et du financement participatifs. La mairie locale et les citoyens du Vaucluse et des
départements alentours ont pu participer au financement du projet. De plus, le projet a été ouvert à
tous les citoyens sur le site AkuoCoop permettant de donner du sens à leur épargne avec un prêt in
fine sur 4 ans et une rémunération annuelle de 4%.
Afin d’affirmer leur cohérence écologique, Akuo Energy a décidé de développer une ferme en permaculture
en parallèle du projet photovoltaïque flottant. Agriterra (filiale d’Akuo Energy) et la mairie de Piolenc
prévoient la répartition de 5 hectares à 5 agriculteurs piolençois. L’objectif étant de développer un
circuit court de production biologique et de distribution de fruits et légumes à destination des cantines
des écoles environnantes. De plus, Akuo Energy propose des ateliers de découverte des énergies
renouvelables pour les enfants de la région ainsi qu’un parcours pédagogique autour de la centrale
comprenant des explications sur la transition énergétique.
Akuo Energy ne compte pas s’arrêter en si bon chemin avec le solaire flottant. Afin d’étudier le potentiel
du solaire flottant en France, le producteur indépendant a réalisé une étude qui montre que les capacités
estimées seraient de 20 GW.
Nous tenons à remercier très chaleureusement toutes les personnes sans lesquelles cette visite n’aurait
pas pu se faire, à savoir Patrice Lucas, Directeur Général, ainsi que Messieurs Pinard, Arcelin et Fiotti.
Un très grand merci également à Clémence Marcueyz pour l’organisation de cette visite et pour avoir
répondu à toutes nos interrogations.
 Côme Gendron
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7VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
A
vec un chiffre d’affaire de 209,4
milliards de dollars et un résultat net
ajusté de 13,6 milliards de dollars en
2018, le groupe Total a pour ambition de
devenir le major de l’énergie responsable.
C’est dans cette logique que s’inscrit la
reconversion de la raffinerie de La Mède
en bioraffinerie, que nous avons visité le
jeudi 20 février, accueillis par le directeur
Stéphane Cambier, le responsable du site
Samuel Duval, ainsi que par Bruno Durand
et Myriam Lajeune.
Créé en 1935, la raffinerie de La Mède située à Châteauneuf-les-Martigues en France est historiquement
une raffinerie classique de pétrole. Du fait des pertes estimées à hauteur de 100 millions d’euros
par an causées par la vétusté du site et par des unités non imbriquées et non optimisées en termes
d’énergie et de flux, en 2015 le groupe annonce la transformation de la raffinerie en un site tourné
vers des énergies d’avenir : les biocarburants. Le choix de cette reconversion, qui s’inscrit dans le
cadre de la COP21 et dont le coût est estimé à 300 millions d’euros, est justifié par la volonté de rendre
l’installation économiquement rentable et en même temps de promouvoir le développement d’une filière
qui est aujourd’hui faiblement représentée sur le marché. Grâce aux différentes innovations, La Mède
se présente aujourd’hui comme la première bioraffinerie française de taille mondiale.
Opérationnelle depuis juillet 2019, la raffinerie de La Mède peut produire 500 000 tonnes/an
de biodiesel de type HVO (huiles végétales hydrogénées) et 5 000 tonnes/an de bio-naphta. La
filière HVO est une filière en pleine évolution au sein des biocarburants et se distingue de la
voie classique de production. En effet, ces deux modes de production de biodiesel utilisent les
mêmes types d’intrant mais, lors de la phase de transformation, des molécules d’hydrogène sont
ajoutées au produit pour former des chaînes d’hydrocarbures pour le biodiesel de type HVO. Le
produit final est de nature similaire aux carburants fossiles et le coût de revient est légèrement
plus élevé que pour le biodiesel classique. En outre, bien que le coût de production soit 5 à 10
fois plus élevé que celui des carburants conventionnels, les biocombustibles sont soumis à des
avantages fiscaux visant à favoriser le respect des obligations concernant l’incorporation d’au
moins 7% de biocarburants dans les carburants traditionnels. D’un point de vue qualitatif, le
biodiesel HVO est bien meilleur car on peut techniquement le mélanger sans restriction dans un
moteur classique sans risque de l’endommager. Par l’usage de la filière HVO, La Mède produit du
20 Février 2020
Bioraffinerie de La Mède
Bioraffinerie de La Mède (Source: TOTAL)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
8 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
biodiesel pour le transport routier mais également du biojet pour l’aviation.
L a b i o r a ff i n e r i e p r o d u i t s e s
biocarburants à partir de différents
types d’huiles : huiles végétales
brutes, graisses animales, huiles
usagées. Ces ressources sont
mélangées entre elles pour former
un mix qui présente un rendement
plus élevé que celui que l’on peut
obtenir en utilisant un seul type
d’huile. La répartition des différents
types d’huiles dans le mix actuel n’est pas homogène, les produits végétaux (et notamment
l’huile de palme) étant prédominants dans le mélange. Ce choix est justifié par le rendement
élevé de ce produit, ainsi que pour son abondance sur le marché. L’usage des graisses animales
et les huiles usagées est en revanche limité en raison de l’insuffisante maturité des filières de
collecte qui entraine actuellement une faible disponibilité de ces produits.
La reconversion de la raffinerie s’effectue
de manière progressive par l’introduction
de nouvelles infrastructures et de procédés
pour introduire davantage les matières
premières issues du retraitement des déchets.
La plateforme de La Mède présente ainsi
aujourd’hui différentes structures. On trouve,
au-delà de l’ensemble des structures de la
bioraffinerie, une unité pour la production
d’AdBlue (un additif permettant de réduire
les émissions d’oxyde d’azote des gaz
d’échappement des moteurs diesel) avec
une capacité de 50 000 tonnes par an, une
centrale photovoltaïque d’une capacité de 8
MW s’étendant sur 12 ha sur le site, une unité de stockage et d’expédition d’une capacité de
1.3 millions de mètres cubes, une unité Ecoslops Provence pour la régénération de résidus
d’hydrocarbures issus du transport maritime. Un centre de formation, nommé Oleum, est également
présent sur site afin de former plus 2000 élèves par an.
Actuellement, des problèmes de démarrage de la nouvelle filière de production font que l’usine
n’est pas encore économiquement rentable, mais une amélioration des profits est estimée en
conditions normales de fonctionnement.
Mix actuel de la bioraffinerie de la Mède
Parc photovoltaïque de La Mède
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9VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Le mastère OSE tient à remercier l’ensemble
des professionnels de la raffinerie de La Mède
pour cette visite enrichissante et instructive et
plus spécifiquement Stéphane Cambier, Directeur
de la raffinerie, Samuel Duval, Responsable du
site, Bruno Durand, Formateur Oleum et Myriam
Lajeune, chargée d’affaire.
Un grand merci également à Sylvain Clemendot,
Directeur Innovation de la branche raffinage
chimie, qui a permis que cette visite puisse
avoir lieu.
Giulia Grazioli  Amala Sivaramou
L
e jeudi 20 février, la promotion
OSE a eu l’opportunité,
sous la conduite de Sabrina
Brunon du service des visites
et Kamel KHATIR, responsable
Technique Patrimoine au Service
Maintenance de la Centrale, de
visiter la centrale électrique EDF
de Martigues.
À l ’ o r i g i n e , c e t t e c e n t r a l e
t h e r m i q u e d u p r o d u c t e u r
historique EDF, construite en
1969, était composée de quatre
unités chacune formée d’une
chaudière alimentée au fioul et
d’une turbine à vapeur.
Entre 1984 et 2012, ces dernières sont appelées à l’arrêt. L’idée est de transformer cette
centrale en Cycle Combiné Gaz (CCG) dans une optique d’amélioration technique et de réduction
des émissions de gaz à effet de serre et de polluants.
Centrale électrique EDF de Martigues
Centrales CCG – EDF Martigues
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
10 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Fonctionnement du CCG
Dans sa nouvelle configuration, la centrale se
compose de deux unités. Chacune comporte un
premier groupe de production électrique avec
l’entraînement d’un premier alternateur entraîné
par les gaz de combustion de la Turbine À Com-
bustion (TAC).
L’idée principale de ce type de cycle est de prof-
iter de la chaleur résiduelle des gaz de combus-
tion afin de créer de la vapeur dans une chaudière
de récupération.
Le second groupe de production électrique utilise
le même principe avec cette fois-ci une détente
de la vapeur dans une Turbine à Vapeur (TAV).
Une fois détendue, elle circule dans un circuit de
refroidissement séparé prenant avantage de la
mer comme source froide.
Un système de post-combustion (ne figurant pas sur le schéma) permet de réchauffer les
fumées et ainsi de profiter de quelques MW supplémentaires.
Améliorations techniques et environnementales
Le CCG de Martigues est la première installation de ce type construite sur la base du « re-
powering » avec l’utilisation de deux anciennes turbines à vapeur. Mise en service entre
2012 et 2013, cette centrale composée de deux unités CCG, affiche des performances tech-
niques intéressantes : 57% de rendement total contre 37% avec l’ancienne centrale au fioul
ainsi que des divisions respectives par deux et trois des émissions de dioxyde de carbone et
d’oxyde d’azote par rapport à l’installation précédente.
La puissance électrique d’une unité s’élève à 465 MW avec deux tiers produits par la TAC.
Totalisant 930 MW, la centrale a assuré 3,9 TWh de production électrique en 2019 avec 11 000
heures de fonctionnement annuel sur les deux unités.
Au niveau des ressources humaines, elle compte 65 salariés dont six équipes de quatre à
cinq personnes opérant en trois-huit pour assurer son exploitation continue.
Principe de fonctionnement d’un cycle au combiné au
gaz. (Souce : [1])
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11VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Une centrale importante en PACA
L’installation de production électrique de Martigues présente un intérêt crucial dans une ré-
gion où environ 40% de l’électricité est importée. Elle assure une alimentation en semi-base
et permet de couvrir en partie les pointes de consommation du matin et du soir.
Techniquement, ce type d’installation présente des caractéristiques intéressantes avec un
potentiel de montée en puissance particulièrement élevé (10 à 15 MW/min à chaud et 2 MW/
min à froid) et une durée de démarrage plus rapide (4h à chaud et 8h à froid) que l’ancienne
installation au fioul (8h à chaud et 12 à 15h à froid). Ainsi, elle peut rapidement, en plus
d’assurer des « services systèmes » consistant au rééquilibrage dynamique entre production
et consommation, s’adapter à une baisse soudaine de la production électrique pouvant être
d’origine éolienne ou solaire photovoltaïque.
Les quatre cheminées de l’ancienne centrale au fioul, visibles sur la photo, devraient être
démantelées d’ici 2025.
Nous tenons à remercier Sabrina Brunon du service des visites et Kamel KHATIR, responsable
Technique Patrimoine au Service Maintenance de la Centrale, pour cette visite fort intéres-
sante.
L
e vendredi 21 février, nous avons été accueillis par Didier LAINE pour visiter le Showroom
de RTE à Marseille.
RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a pour mission principale d’assurer l’équilibre
des flux transitant sur ses lignes entre l’électricité qui est produite et l’électricité qui est consommée.
La spécificité de cette entreprise réside dans sa domination du marché de par sa position de monopole
naturel. La lourdeur des investissements à mettre en place pour ces infrastructures est telle qu’il est
économiquement inefficace pour de potentiels concurrents d’en construire de nouvelles
21 Février 2020
RTE : Visite du Showroom
 Emmanuel GASSE MUÑOZ
Sources:
[1]	EDF. L’hydraulique en chiffres. EDF. www.edf.fr
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12 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Pour éviter l’abus de monopole, RTE est néanmoins régulé par la Commission de Régulation de l’Énergie
(CRE) qui est en charge de déterminer la rémunération de l’entreprise sur le principe du Cost+. En
effet, RTE est rémunéré à travers un droit de péage, le TURPE, qui lui permet de couvrir ses frais de
fonctionnement et d’investissement.
ENEDIS est le principal client de RTE. En rachetant l’électricité au niveau de ses postes sources, ENEDIS
contribue à 70% du chiffre d’affaires de RTE. Ses autres clients notables sont les acteurs qui sont
directement raccordés au réseau de transport, tels que la SNCF ou de grands industriels.
En complément du TURPE, RTE consolide son chiffre d’affaires en percevant une rente lors du transport
d’électricité transfrontalier pendant les périodes de congestion. Le sujet est technique mais, pour faire
simple, RTE récupère le différentiel de prix entre les deux marchés financiers d’électricité.
En allant visiter RTE, la promotion 2020 nourrissait l’espoir de pouvoir pénetrer au sein de l’antre où
toutes les décisions stratégiques se prennent pour assurer l’équilibre en temps réel du réseau de
transport d’électricité.
Grande fut notre déception lorsque l’on apprit que ce doux rêve ne pourrait se réaliser en raison du
caractère très sensible des informations qui circulent dans la salle de contrôle.
Néanmoins, nous avons pu en apprendre plus sur le métier de dispatcher. Contrairement à l’idée reçue
qui voudrait que le dispatcher soit constamment sous tension pour résoudre dans l’immédiat des
problématiques d’équilibre afin d’éviter le blackout, la majeure partie du travail de dispatcher réside
dans l’anticipation. Loin de l’image du trader qui, en homme d’action, essaye de garder son sang-
froid afin de réagir au plus vite et au mieux dans une salle de bourse, le métier de dispatcher exige
beaucoup de préparation en amont afin de prévoir les actions à réaliser pour justement éviter d’agir
dans l’urgence.
La visite du centre de dispatching régional à Marseille a plutôt porté sur les interactions de l’entreprise
avec les habitants de la région PACA. Il en ressort que, malgré les nombreuses actions souhaitables pour
le bien commun, certains projets de RTE sont confrontés à des refus en bloc à l’échelle locale. Cette
réaction correspond au syndrome NIMBY (Not In My Backyard) où l’individu est persuadé de l’intérêt
général d’un projet mais le rejette fondamentalement lorsqu’il doit avoir lieu à proximité de son habitat.
Le sujet le plus emblématique de la région reste la connexion entre Boutre et Le Broc/Carros par une
ligne à 400 kV. La région PACA souffre d’un problème de sécurité énergétique en matière l’électricité
car toute la région est alimentée par une seule ligne à 400 kV. Donc, en cas d’incident sur la ligne,
une partie considérable de la population régionale peut potentiellement être privée d’électricité. Ce
projet visant à créer une deuxième ligne de 400 kV pourrait permettre de remédier à ce problème en
créant un deuxième chemin d’acheminement de l’électricité conformément à la règle de N-1 de RTE.
Malheureusement, ce projet est tombé en désuétude à cause d’un mouvement de contestation local.
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13VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Pour assurer la sécurité de l’approvisionnement d’électricité, une solution moins satisfaisante a été
mise en œuvre : une liaison électrique souterraine de 225 kV, longue de 65 km, a été créée entre
Boutre et Trans, solution plus socialement acceptable. L’inconvénient de cette solution est d’être
moins performante que la première à cause d’une tension de fonctionnement moins élevée. Le second
inconvénient réside dans le coût de l’infrastructure reliant Boutre et Trans-en-Provence qui est très
élevé par son caractère souterrain.
D’autres problèmes d’acceptabilité sociale ont été soulevés lors de la visite. Sans entrer dans le détail,
nous pouvons citer la dernière interconnexion France-Espagne ou encore la volonté désormais éteinte
de connecter sous 400 kV les sites de production électrique de Fos sur Mer jusqu’à la ligne de 400 kV.
Bien que certains projets ne puissent pas atteindre une efficacité technicoéconomique optimale pour
des raisons sociales, RTE étudie désormais ses décisions d’investissement à travers de nouvelles
méthodes d’analyse.
Ainsi, auparavant les câbles étaient dimensionnés pour supporter les intensités de fonctionnement selon
des conditions standards et selon une probabilité minimale de réalisation. Cette méthode pouvait parfois
amener des surdimensionnements car les conditions météorologiques n’étaient pas prises en compte.
À titre d’exemple, l’apparition d’une nouvelle ferme éolienne aurait nécessité de remplacer l’installation
de transport existante car l’intensité qui transite aurait été supérieure au dimensionnement initial
des câbles en condition standard. Néanmoins, RTE a décidé, en s’appuyant sur des mesures sur site,
qu’aucun ouvrage supplémentaire n’était nécessaire car, lorsque la ferme produisait, le vent refroidissait
suffisamment les câbles pour supporter l’intensité élevée qui transitait.
Le bouclage du réseau haute tension de la région Paca est désormais assuré grâce à ce filet de sécurité électrique à 225 000 volts
(Source : RTE)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
14 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
Nous pouvons finalement conclure que RTE, entreprise d’envergure nationale, est contrainte de vivre
avec son temps aussi bien sur le plan des avancés techniques que sur celui de l’acceptabilité sociale.
Nous tenons à remercier Didier LAINE, conseiller affaires internes à RTE, pour le temps qu’il nous a
consacré et l’éclairage qu’il nous a apporté, ainsi que Jean Philippe Bonnet, délégué régional Méditerranée
chez RTE, pour avoir permis l’organisation de cette visite.
C
’est une visite un peu différente des
précédentes qui est venue conclure
ce séjour de 3 jours pour les élèves
du Mastère OSE. Baptiste Metz, élève de la
promotion 2017, nous a fait découvrir les
dessous de l’industrie brassicole avec le
site d’HEINEKEN. La brasserie de la Valentine,
située à Marseille, a été fondée en 1872 et
acquise plus tard par le groupe néerlandais.
Le site a une capacité de production de
100.000 bouteilles par heure et le volume
produit en 2019 s’élevait à 150 millions de
litres. En plus de la bière qui porte le nom
de l’entreprise, Heineken qui est la première
marque d’alcool consommée en France depuis 2017, le groupe produit également la Desperados, la
Affligem, la Fischer ou encore la Pelforth.
La production de bière chez HEINEKEN commence par une phase de brassage qui consiste à faire passer
le malt et le houblon par différentes étapes de préparation avant de fermenter le produit préparé et
d’en extraire le produit final qui va passer par la deuxième phase, dite de conditionnement, consistant à
mettre la bière produite dans des contenants (bouteilles, canettes, fûts) qui seront étiquetés, emballés
et expédiés à leurs clients.
Leader du marché de la bière en France, HEINEKEN est également une entreprise engagée pleinement dans
une démarche QSE (Qualité Sécurité Environnement). La brasserie de la Valentine a notamment obtenu
la certification ISO 50 001 en 2012, validant ainsi leur bonne gestion des énergies. Pour suivre au plus
près les consommations d’électricité, de gaz et d’eau, les brasseries sont équipées de plus de cent-
cinquante sous-compteurs sur les postes très énergivores : pasteurisateurs, groupes froids, centrales
d’air comprimé, chaudière, etc. Baptiste, responsable énergie et maintenance sur les centrales fluides,
peut ainsi suivre en direct les consommations énergétiques des process, identifier les machines moins
La brasserie de Heineken
Les élèves du mastère OSE à la brasserie de HEINEKEN
 Adrien LAILLE
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15VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
performantes et anticiper les pannes. Ceci a notamment permis de réaliser une cartographie des flux
énergétiques de la centrale des fluides :
Les pourcentages inscrits
représentent la part de
consommation de chaque process
sur la consommation totale
de ce fluide. Le processus de
fabrication de la bière consomme
des quantités d’énergies non
négligeables, qui ont cependant
diminué de 30% environ
depuis 2008, toutes énergies
confondues. Actuellement, pour
produire 100 litres de bières, la
brasserie consomme 320 litres
d’eau, 57 MJ d’énergie thermique
(principalement du gaz) et 9 kWh
d’électricité.
Cette visite a ainsi permis d’illustrer la nécessité de maîtriser les consommations d’énergie qui
représentent une part très importante des dépenses d’une industrie. Finalement, nous avons fait d’une
pierre deux coups avec cette visite car nous avons eu l’honneur de la clôturer avec une dégustation de
la Heineken 0.0, bière sans alcool, qui a fait une entrée remarquable sur le marché de la bière en France.
L’ensemble de la promotion
2 0 1 9 r e m e r c i e t r è s
chaleureusement Baptiste
Metz et les responsables du
site de Heineken Marseille
de nous avoir permis de
découvrir l’univers de
l’industrie brassicole.
Encore un grand merci à
Baptiste pour l’accueil qu’il
nous a réservé.
Abdelhamid ahajjam  Arthur OBRY
(Source: Rapport veille technologique de Baptiste METZ)
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16 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
STOCKAGE DES ÉNERGIES
D
epuis le début du siècle dernier, notre
société n’a pas cessé de réaliser des
progrès dans l’agriculture, la méde-
cine, le transport, les communications, la
construction et plus généralement en ce qui
concerne notre mode de vie. Ces avancées
technologiques nous ont permis de forger la
société que nous connaissons en occident et
plus majoritairement dans les pays développés
en créant un monde ouvert où les échanges
longues distances sont devenus la norme. En
contrepartie de l’amélioration de notre mode
de vie, nous avons massivement exploité les
énergies fossiles présentes dans nos sous-
sols et créé une pollution sans précédent sur
l’ensemble de notre planète et de sa biodiver-
sité. Avec la multiplication des catastrophes
naturelles et des anomalies climatiques crois-
santes, on assiste à un «  réveil  » de la po-
pulation. Les ressources fossiles, faciles à
exploiter et très denses énergétiquement,
étaient jusqu’alors abondantes sur Terre.
Elles ont ainsi fait l’objet d’une exploitation
démesurée. Malheureusement, après une cen-
taine d’années d’opulence énergétique, nous
essuyons les premiers revers de nos compor-
tements prédateurs sur l’environnement. Plu-
sieurs solutions s’offrent dès lors à nous dans
un but commun  : optimiser et réduire notre
consommation d’énergie primaire.
Pour cela nous allons devoir réduire drasti-
quement notre consommation en essayant de
la rendre soutenable pour notre planète mais
aussi plus locale. De plus, nous allons devoir
modifier la provenance de l’énergie que nous
utilisons. Les énergies renouvelables comme le
vent, le soleil et les cours d’eau connaissent
un réel essor, mais bien que suffisamment
abondantes pour subvenir à nos besoins, elles
présentent des défauts majeurs :
•	 Elles ne sont pas constantes ou difficile-
ment prévisibles.
•	 Une fois transformées en électricité, elles
sont difficilement stockables.
•	 Elles sont actuellement plus chères à pro-
duire que les énergies fossiles. Ce surcoût
est en partie dû au coût de fabrication et
de production des panneaux solaires et des
éoliennes qui sont des technologies rela-
tivement récentes, au coût d’installation
qui nécessite de la main d’œuvre qualifiée,
mais surtout au stockage.
En effet, le stockage de l’énergie produite
par une ferme de production photovoltaïque
ou éolienne double le coût du kWh produit.
De surcroît, les technologies de stockage ma-
tures comme les batteries lithium nécessitent
d’importantes quantités de terres rares et de
produits nocifs pour l’environnement. Quelles
sont alors les alternatives à ce type de stoc-
kage ?
Les futurs besoins français
Aujourd’hui, la France a un mix électrique
composé à plus de 70% de nucléaire. Le gou-
vernement, dans le cadre du plan de transi-
tion énergétique a décidé de réduire la part
du nucléaire à 50% en 2035, puis de l’arrêter
complètement en 2050. L’énergie hydraulique
en France représente la seconde source de
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
17STOCKAGE DES ÉNERGIES
production d’électricité avec plus de 10% de
la production annuelle [1], soit environ 50TWh.
La puissance installée [2] du parc est actuel-
lement répartie en 4 types d’installation : les
STEP (Station de Transfert Energie par Pom-
page), les centrales d’éclusées, les centrales
de lac et les centrales au fil de l’eau, pour une
puissance installée totale de 24 GW. D’après
l’ADEME dans son rapport sur la faisabilité
d’une production électrique 100% renouve-
lable, le potentiel d’hydroélectricité en France
est quasiment atteint.
Dans un futur proche, la France aura donc be-
soin d’une capacité de stockage importante
qui découlera de l’utilisation massive des
énergies renouvelables, majoritairement l’éo-
lien (terrestre et off-shore) et le solaire. Pour
stocker cette énergie qui n’est pas pilotable et
pérenniser la production électrique française,
il faudra faire appel à des solutions de stoc-
kage de l’énergie. Actuellement, ce stockage
est majoritairement réalisé par les Stations
de Transfert Energies par Pompage (STEP) [3],
mais comme nous venons de le voir le gisement
national est quasiment saturé. Il conviendra
donc de développer d’autres filières. Toujours
d’après l’ADEME, nous aurions besoin de trois
solutions de stockage dans un mix 100% renou-
velables, pour une puissance de 36 GW :
•	 17 GW de stockage inter-journalier  ; ce
stockage sera nécessaire pour assurer la
consommation d’électricité en France du-
rant les phénomènes météorologiques dé-
favorables.
•	 7 GW de stockage hebdomadaire
•	 12 GW de stockage infra-journalier
Pour arriver à cette puissance tout en préser-
vant un coût raisonnable et un impact envi-
ronnemental contenu, il va falloir développer
de nouvelles solutions de stockage.
Les systèmes de stockage :
Actuellement, il existe une multitude de solu-
tions de stockage qui présentent toutes des
avantages et des inconvénients. Le STEP est la
technologie la plus mature, mais n’ayant plus
de gisement exploitable en France (sauf STEP
sous-terraine qui entrainerait des CAPEX im-
portants), elle ne peut donc être raisonnable-
ment considérée comme une solution d’avenir.
Le Power to Gas est une solution présentant de
nombreux avantages (voir inf’OSE du 01/2020).
Néanmoins, l’utilisation du vecteur hydrogène
et du méthane comme combustible pour la
production d’électricité risque d’être délicat
si nous souhaitons avoir des émissions de GES
nulles.
La batterie est surement la solution la plus
Répartition des types de centrale hydraulique (Source: [3])
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
18 STOCKAGE DES ÉNERGIES
commune et la plus répandue. Elle permettrait
théoriquement de répondre à la demande et
d’avoir une souplesse pour les futures ins-
tallations. Cependant, elle présente de nom-
breux désavantages :
1.	 Les productions de batteries sont au-
jourd’hui majoritairement concentrées
en Asie. Nous serions donc dépendants
des gouvernements étrangers pour notre
souveraineté énergétique.
2.	 La fabrication des batteries, notamment
des batteries au Lithium, sont forte-
ment polluantes pour l’environnement
(écotoxicité lors de son extraction). La
durabilité d’une batterie est aujourd’hui
assez faible, de quelques milliers de
cycles (10 ans d’utilisation environ), et
son recyclage est complexe, consomma-
teur d’énergie et pas encore mature.
3.	 La difficulté d’approvisionnement en
lithium. Si le stockage d’électricité et
le transport passent à des solutions Li-
thium, il se pourrait alors que les stocks
mondiaux ne soient pas suffisants.
En l’état, les batteries chimiques ne sont pas
une solution rationnelle pour le stockage de
l’énergie électrique. Bien évidemment, d’ici
2030, de nombreuses évolutions pourraient
subvenir mais cette technologie n’est pour
l’instant tout simplement pas adaptée.
Le « Compressed Air Energy Storage » (CAES [4])
est une des trois solutions privilégiées. Cette
solution va comprimer de l’air à haute pression
(100 à 300 bars) dans des réservoirs d’origine
naturelle ou industrielle pour ensuite alimen-
ter une turbine lorsque l’on doit produire de
l’électricité. Cette technologie présente un ren-
dement compris entre 50% (pour un CAES clas-
sique ou la chaleur est perdue) et 70% (pour un
CAES adiabatique ou la chaleur est stockée pour
être utilisée dans des processus industriels).
Cela reste assez faible en comparaison d’une
STEP (70% à 85% de rendement). Son CAPEX éle-
vé de 400 à 1200 €/kW, sa puissance pouvant
atteindre 10 à 300 MW et son utilisation plus
que limitée à l’heure actuelle (10 sites en uti-
lisation) en font une solution immature mais
pleine d’avenir. De plus, les CAES isothermes
pourraient atteindre un rendement théorique
de 95%, ce qui les placeraient comme une des
solutions les plus performantes.
Spécificités des types de batterie (Source : [4])
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
19STOCKAGE DES ÉNERGIES
Le stockage d’énergie sous forme de chaleur
est aussi envisageable et se présente sous
trois formes  : le stockage thermique latent,
le stockage thermique sensible et le stockage
thermique thermochimique. Ces trois solu-
tions présentent chacune des avantages et
des inconvénients qui sont des freins à leur
développement. Aujourd’hui, seul le stockage
thermique sensible avec du sel fondu est uti-
lisé pour le stockage de l’énergie issue de la
production solaire à concentration.
Une solution d’avenir ?
Récemment « Siemens Gamesa [5] » a présenté
une solution simple et prometteuse. Elle se
base sur un stockage de la chaleur dans un ré-
servoir rempli de pierre volcanique concassée
dont les murs sont complétés par un mètre
d’isolant. L’électricité est stockée en faisant
chauffer la pierre volcanique concassée. Celle-
ci peut atteindre une température de 600°Cel-
sius et la conserver pendant plusieurs jours.
En termes de capacité, une solution de 800m3
(1000 tonnes de roche) permettrait de stocker
135 MWh, et une solution de 1 GWh (10  000
tonnes de roche) est prévue pour 2022. Si les
derniers essais sont concluants, cette solution
arrivera sur le marché d’ici 2025. Les coûts
annoncés sont de l’ordre de 100$/kW. Concer-
nant le rendement, pour une utilisation de
chaleur le rendement est de 98%, alors que
pour la production d’électricité il sera, pour le
cycle complet, de 45% environ. Ce dispositif à
de nombreux avantages :
•	 Siemens annonce que les installations de
production d’électricité (notamment au
charbon) pourront facilement convertir les
cuves de combustion en cuves de stockage.
Le reste de la chaine de production d’éner-
gie n’évoluant que très peu.
•	 Pour les industriels qui ont besoin de cha-
leur, ils peuvent récupérer la chaleur fa-
tale issue de leur processus de fabrication
pour la revaloriser ou la revendre pendant
les périodes de pointe.
La solution est simple, peu couteuse, durable
(30 ans) et relativement écologique compte
tenu du fait qu’elle ne nécessite que de la
pierre volcanique, un système de chaleur et
des fluides caloporteurs.
Schéma de fonctionnement des ETES (Source : [6])
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
20 STOCKAGE DES ÉNERGIES
Conclusion
Les recherches qui sont aujourd’hui menées
se concentrent sur les trois types de solutions
précédemment présentées (Power to gas,
CAES et stockage thermique). Les batteries
sont aujourd’hui majoritairement utilisées
pour les applications nécessitant une liberté
de mobilité (appareil électronique et batte-
rie de véhicule électrique). Le power to gas
permet de nombreux usages, mais son déve-
loppement dépendra des volontés des acteurs
politiques et de la conjoncture économique.
Pour le stockage sous forme de CAES, il ap-
parait comme une solution très intéressante
car il se base sur une technologie relative-
ment simple, dénuée de pollution et capable
de stocker de grosses quantités d’énergie. Il
reste pour l’instant à démocratiser ce procédé
pour que celui-ci devienne commercialisable.
Pour finir, le stockage sous forme de chaleur
se positionne comme une alternative cré-
dible et robuste. Ses nombreuses qualités et
sa commercialisation imminente en font une
option très intéressante pour les acteurs de
l’énergie ou les industriels désireux d’amélio-
rer le rendement de leur processus ou voulant
se diversifier.
 Antonin PIERRE DE LA BRIERE
Sources:
[1]	EDF. L’hydraulique en chiffres. EDF. www.edf.fr
[2]	 Connaissance des Energies. STEP - Station de transfert d’énergie par pompage.
[3]	 Connaissance des Energies. Informations Hydroélectricité. www.connaissancedesenergies.org
[4]	 ADEME, DGCIS, ATEE, ARTELYS, ENEA, G2Elab. 2013. Étude sur le potentiel du stockage d’énergies
[5]	 Connaissance des Energies. CAES - Stockage par air-comprimé. www.connaissancedesenergies.org
[6]	 Siemens Gamesa. Energy storage. www.siemensgamesa.com
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21STOCKAGE DES ÉNERGIES
Dynamique des politiques
internationales:
Sous l’angle de la théorie des jeux
L
es intérêts et postures des pays sur la
question environnementale dépendent
de leur vulnérabilité face aux impacts
climatiques et de leur capacité à s’adapter.
De par leur position géographique, leur
développement économique ou encore leurs
capacités technologiques, certains pays
peuvent résister aux impacts plus longtemps
et profitent de cette position de force pour
négocier sous conditions.
Ce que les Etats ont bien compris est que
« l’action d’un seul pays est vaine si les autres
n’agissent pas de manière similaire ». En
conséquence, pourquoi certains prendraient le
risque d’instabilités économiques et politiques
si les conséquences restent inchangées  ?
N’ont-ils pas intérêt à conserver leur position
dominante pour résister plus longtemps ?
C’est ce que nous proposons d’aborder sous
l’angle de la théorie des jeux avec le principe
clé du dilemme du prisonnier.
Le principe est le suivant :
Deux brigands sont arrêtés suite à un
cambriolage. En l’absence de preuves, le
procureur a besoin d’aveux. Il isole alors
chacun des brigands (joueurs) et propose un
marché. Si l’un d’eux avoue et que l’autre
non, alors le premier sera libre et le second
sera lourdement condamné (7 ans). Si les
deux avouent, leur peine respective sera de 5
ans, et si les deux se taisent, faute de preuve
accablante chacun purgera une peine de 1 an.
L’intérêt commun serait de nier mais
l’intérêt personnel est d’avouer. Le dilemme
du prisonnier incarne l’idée fondamentale
selon laquelle la confrontation des intérêts
individuels ne débouche pas nécessairement
sur l'optimum collectif.
Ici, quelle que soit l'action entreprise par le
partenaire, le choix rationnel est d’avouer :
on maximise ses gains (si l’on est le premier
on est libéré immédiatement) et on minimise
ses pertes (on évite la pire situation des 7 ans
de prison si l’autre nous dénonce).
Si les deux individus sont rationnels, alors la
solution tendra vers l’équilibre non optimal
où les deux joueurs ont avoué. (Ici l’équilibre
de Nash n’est pas un optimum de Pareto).
Dans le cadre du réchauffement climatique
le dilemme du prisonnier est une situation
de dilemme social dans laquelle les intérêts
individuels s'opposent aux intérêts collectifs,
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22 DYNAMIQUE DES POLITIQUES INTERNATIONALES: SOUS L’ANGLE DE LA THÉORIE DES JEUX
le nombre de joueurs est multiple (le nombre
de pays) et la durée de répétition du jeu est
inconnue. L’intérêt collectif est la réduction
des émissions de GES.
La coopération est alors d’autant plus difficile
et incertaine pour les raisons suivantes :
•	 D’une part, la contribution à titre individuel
demande des investissements lourds et
sans garantie de réussite.
Si l’ensemble des pays ne respectent pas leurs
engagements, alors ceux qui auront investi
auront agi « pour rien » et devront supporter
les conséquences climatiques devenues plus
intenses encore. Ils auront alors fragilisé leur
économie, leur politique et perdu la confiance
de leur population. Une situation critique qui
pourrait conduire à l’effondrement précoce du
pays.
•	 La seconde grande difficulté est la
multiplicité des acteurs et la diversité des
comportements.
En effet, aux contraintes climatiques s’ajoutent
un contexte historique et culturel qui
complexifie considérablement la coopération:
des rapports de forces historiques, des
guerres, des divergences d’opinions et de
culture, des modèles de développement et de
consommations très différents, etc.
Quelques exemples :
Les pays BRIC (Brésil, Chine, Inde, Russie)
souhaitent favoriser leur développement
économique, qui passe par un accroissement
de la consommation énergétique et donc du
recours aux énergies carbonées.
Les pays du Moyen-Orient ont des politiques
religieuses très marquées, ce qui demande
des solutions différentes des pays Européens,
par exemple.
Ainsi, le « joueur » a d’autant plus intérêt
à être rationnel pour minimiser ses pertes
et maximiser ses gains face à ce système
complexe, qui par nature est imprévisible
(équivaut à ne pas concerter l’autre joueur,
donc ignorer ses intentions).
Exemple : la sortie de l’accord de Paris des
états-Unis sous Donald-Trump, en novembre
2019, témoigne de l’intérêt particulier auquel
s’ajoute le contexte et la psychologie du
joueur. Donald Trump est un homme d’affaire
milliardaire devenu président en 2017. La
stratégie actuelle des Etats Unis consiste
à accroître leur indépendance à l’égard
des importations d’hydrocarbures. Par le
déploiement à grande échelle des pétroles et
gaz de schistes, ce pays, traditionnellement
importateur d’or noir, est devenu l’un des
principaux producteurs de la planète et a
entraîné un bouleversement des marchés
mondiaux. L’AIE estime, dans son rapport
annuel prospectif, qu’ils talonneront l’Arabie
Saoudite sur les marchés mondiaux en 2021.
•	 Les gains et pertes des pays sont inégaux :
Comme l’illustre la partie I, l’ampleur et la
répartition des impacts est hétérogène sur la
planète. Les îles sont directement menacées
de disparaître sous le niveau des océans, les
réserves d’eau s’épuisent en Afrique, les sols
deviennent arides et impropres à la culture
dans plusieurs régions du monde, etc.
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
23DYNAMIQUEDESPOLITIQUESINTERNATIONALES:SOUSL’ANGLEDELATHÉORIEDESJEUX
Le degré d’impact varie considérablement
d’une région à une autre, allant de l’inondation
fréquente à l'inhabitabilité du territoire.
Dans le cas d’une probabilité de perte de 90%,
il est rationnel d’investir, ce qui ne serait pas
le cas si la probabilité de perte était de 50%
ou de 10%.
En ces circonstances, le besoin imminent
de collaboration se fait sentir pour certains
pays qui sont prêts à tout pour conserver leur
territoire.
•	 La durée de la partie est inconnue :
L’homme ne connaît pas les limites réelles
de la planète. Ainsi, les Etats ne savent pas
combien de temps ils résisteront aux impacts
ni s’ils s’adapteront à long terme. En revanche,
ils peuvent hiérarchiser les pays par degré de
criticité, ce qui conforte certains dans leur
position dominante.
D’un point de vue expérimental, il a été observé
que la stratégie de coopération pouvait être
adoptée par les joueurs, mais qu’à mesure
de répétition du jeu, le taux de coopération
chutait progressivement.
Cela s’explique par une tendance à préférer le
présent au futur qui confère une garantie de
résultats. Le système français en est un parfait
exemple : les mandats politiques sont courts
(5 ans) avec une exigence de résultats forte.
En économie, l’actualisation de la monnaie en
est la preuve : « c’est une conséquence du
jugement de valeur emprunté à l’économie du
bien-être sur lequel repose l’Analyse Coût-
Bénéfice. Aussi longtemps que les individus
continueront à préférer le présent au futur,
ce jugement de valeur devrait logiquement
s’appliquer à la dimension temporelle. »
Ce que les travaux des chercheurs des
instituts Max Planck de biologie évolutive
et de météorologie ont mis en évidence est
que les Etats doivent être convaincus des
conséquences dramatiques que l’on peut
attendre du changement climatique si l’on
veut tendre vers l’optimum de Pareto (qui est
l’intérêt commun). Les pays ne s’engageront
pour la protection collective seulement s’ils
redoutent avec certitude des inconvénients
personnels. Cela implique que les intérêts
personnels des pays doivent converger avec
les intérêts collectifs.
 Axelle DE CADIER
Sources:
[1]	 “Le dilemme du prisonnier. Association des Université Numériques en Economie et Eestion (AUNEGE). Emmanuel PETIT.
[2]	 “Versunepolitiqueduclimatréalisteetefficace:àlalumièredelathéoriedesjeux.FrédéricBABONNEAU,AlainHAURIE,MarcVIELLE.
[3]	 L'accord de Paris : un passager clandestin nommé Trump. Christian DE PERTHUIS.
[4]	 Comprendre la théorie des jeux ( pour mieux analyser le monde) Institut PANDORE
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24 DYNAMIQUE DES POLITIQUES INTERNATIONALES: SOUS L’ANGLE DE LA THÉORIE DES JEUX
Global Energy Interconnexion
L’expansion chinoise dans le
transport d’électricité
L
a Chine tend depuis plusieurs années à
redevenir la première puissance mon-
diale et rien ne semble pouvoir l’en
empêcher. Liu Zhenya, président de la State
Grid Corporation of China (SGCC), la société
de transport d’électricité chinoise, a déclaré
en 2016 : « In overseas acquisitions, money is
not a problem for SGCC » (Traduction : Dans
les acquisitions à l’étranger, l’argent n’est
pas un problème pour SGCC) . Ces propos
démontrent bien l’ambition démesurée de
la Chine pour être leader dans le transport
d’électricité et que seuls des aléas techniques
pourraient stopper sa montée en puissance.
Cette dynamique s’inscrit dans le projet Global
Energy Interconnexion.
Un projet à grande échelle
Le projet GEI est porté par une organisation nommée
Global Energy Interconnexion Development and
Coorporation Organization (GEIDCO). Cette organ-
isation a été créée à l’initiative de l’entreprise
SGCC en 2015. GEIDCO est un groupement mondial
représenté par 600 personnes venant de 85
pays différents avec une majorité de représent-
ant chinois (414 personnes), soit 68% du total.
L’organisation est donc majoritairement dirigée
par la Chine et l’entreprise SGCC.
Le Global Energy Interconnexion (GEI) a pour la
première fois été mis en avant par le président
chinois Xi Jinping lors du sommet des Nations
Unies sur le développement durable en 2015. Il
a ensuite été présenté à nouveau lors de la con-
férence internationale sur l’interconnexion éner-
gétique mondiale en 2016, lors la 35ème Cera
Week la même année puis à Harvard en 2018.
Le président de SGCC estime que le développe-
ment mondial de l’énergie est confronté à trois
défis majeurs qu’il souhaite relever dans un
projet appelé Global Energy Interconnexion (GEI) :
•	 La quantité limitée des ressources
•	 La pollution environnementale
Réseau électrique mondial imaginé par GEIDCO (source : GEIDCO)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
25GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
•	 Les changements climatiques
Le GEI est un système d’énergie moderne centré
sur l’électricité produite à partir de sources
renouvelables qui est interconnecté à l’échelle
mondiale. L’objectif est de construire ce réseau
conjointement avec tous les pays et il se veut
avantageux pour tous.
Le GEI serait à terme une plate-forme pour le
développement, le transport et la consomma-
tion à grande échelle de ressources énergé-
tiques propres dans le monde entier. GEIDCO
résume son projet à une équation :
GEI=Smart Grid+Lignes UHT+énergie Propre
Avec :
Smart Grid
Le projet GEI intègre des technologies mod-
ernes intelligentes de transmission de puis-
sance, d’exploitation et de contrôles intelli-
gents, d’intégration des énergies renouvelables
et de stockage d’énergie nouvelle. Doté d’une
grande flexibilité et adaptabilité, le réseau
serait en mesure d’intégrer diverses sources
d’énergie propre centralisées et distribuées,
ainsi que de fournir des services interactifs
intelligents.
Lignes UHT
Le réseau UHT proposé dans le projet GEI est
principalement composé de réseaux de trans-
port de ±800 kV à ±1100 kV. Les réseaux UHT
apportent des avantages significatifs pour un
développement du réseau électrique à l’échelle
mondiale : longues distances, capacité impor-
tante, rendement élevé, faible perte de ligne,
utilisation moindre du sol et sécurité élevée.
En tant que réseau fédérateur du projet GEI,
il permet le transport de l’électricité dans le
monde entier, couvrant toutes les principales
bases d’énergie propre et les centres de charge.
Le plan de développement du projet GEI s’appuie
sur un quadrillage planétaire Nord-Sud et Est-
Ouest de 18 lignes UHT. Ces lignes transport-
eraient l’électricité entre pays et continents et
connecteraient les sources d’énergies vertes
aux lieux de consommations. Au total, le GEI
s’étendrait sur 177 000 Kilomètres.
énergie Propre
Les énergies propres que le projet GEI souhaite
utiliser s’appuie sur l’hydraulique, l’éolien, le
solaire, le nucléaire, l’énergie des océans et
la biomasse. Les points de production seront
situés dans les zones où le potentiel renouv-
elable d’une ressource est le plus important.
Les fermes éoliennes seraient principalement
situées au niveau des pôles et les zones fermes
solaires au niveau de l’équateur. L’objectif
serait de mutualiser les ressources de plus-
ieurs pays afin d’entrainer une diminution de
la pollution. Les études réalisées par GEIDCO
estiment que les énergies renouvelables cou-
vriraient 81% du total de l’énergie mondiale
produite.
Le plan de développement du projet GEI
Pour ce faire, le plan de développement du GEI
comporte trois grandes étapes qui s’étalent sur
une période de 50 ans, à savoir :
•	 2035 : une interconnexion transnationale.
Chaque pays aurait un réseau national dével-
oppé, efficient, tous les réseaux étant reliés
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
26 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
entre eux au niveau du continent. L’Asie,
l’Europe et l’Afrique prendraient l’initiative
de coupler leurs réseaux formant ainsi cinq
réseaux horizontaux et cinq réseaux verti-
caux, pour un flux total de installé de 280 GW.
•	 2050 : une interconnexion transcontinen-
tale. Les interconnexions entre l’Afrique,
l’Eurasie et l’Amérique seraient bâties afin
de former sept réseaux horizontaux et sept
réseaux verticaux. Le flux de capacité estimé
serait de 720 GW.
•	 2070 : une interconnexion internationale.
Le réseau passant par l’Arctique sera mis
en place formant un paysage énergétique
mondial avec neuf réseaux horizontaux et
neuf réseaux verticaux connectant les cinq
continents. Les flux de capacité estimé
seraient de l’ordre de 1.25 TW.
Le coût du développement
Le coût de développement total du projet est
estimé à 38 000 milliards de dollars. La répar-
tition serait la suivante : 27 000 milliards de
dollars pour la génération d’électricité et 11
000 milliards de dollars pour l’investissement
dans le réseau électrique .
Un projet réalisable ?
Le projet GEI semble utopique et impossible, que
ce soit d’un point de vue technique, économique
ou géopolitique. Techniquement, les distances
des lignes UHT à réaliser sont gigantesques,
économiquement, le montant estimé est « fara-
mineux » et géopolitiquement, les tensions entre
les pays concernés semblent prépondérantes.
Cependant, au vu de la force de frappe de la Chine
et de sa société SGCC, rien ne semble impossible.
Ce projet pose aussi des questions de sécurité
et de dépendance énergétique des pays dans
lesquels la Chine investit massivement. Le pré-
sident de SGCC considère que malgré ces pro-
blèmes qui sont les sources de vulnérabilité
globale du projet, ils finiraient par être sur-
montés en vertu des nécessités auxquelles le
monde sera bientôt confronté.
Les investissements chinois dans les réseaux
électriques sont conséquents depuis plusieurs
années sur tous les continents. La suite de
l’article présente les projets d’investissements
chinois et d’interconnexions en Europe.
Investissements massifs dans les
réseaux de transport d’électricité en
Europe
Le secteur de l’énergie est dorénavant devenu
une priorité pour le gouvernement et les indus-
triels chinois et représente une des parts les plus
importantes de leurs investissements. En 2017,
le gouvernement chinois a fortement aiguillé les
investissements vers le secteur de l’énergie, des
minéraux et des nouvelles technologies.
Depuis 2012, SGCC a investi dans les réseaux
portugais, italien et grec, ce qui lui permet
de siéger aux conseils d’administration de ces
entreprises. Ces pays connaissent des situa-
tions économiques difficiles et ne peuvent se
passer des fonds apportés par la Chine. Avec
ces investissements, la Chine fait d’une pierre
deux coups :
•	 Elle profite de la rentabilité des réseaux
é l e c t r i q u e s . C o m m e l ’ é v o q u e J a c q u e s
Percebois : « Les Chinois ont compris que
les réseaux, ça rapporte, il s’agit de revenus
régulés, et donc très stables ».
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
27GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
•	 L a C h i n e e n p r o f i t e é g a l e m e n t p o u r
s’immiscer au sein des réseaux de trans-
port d’électricité des pays européens afin
de proposer sa vision du réseau de demain,
à savoir le GEI.
Les pays dans lesquels la Chine a réussi ses
investissements dans les groupes énergétiques
sont le Portugal, l’Italie, la Grèce, le Royaume
Uni, le Danemark, la Norvège, les pays d’Europe
centrale et orientale ainsi que les Balkans. A con-
trario, des pays comme la France, l’Allemagne
ou la Belgique ont interdit aux entreprises chi-
noises d’investir dans leurs capitaux afin de pro-
téger leur indépendance énergétique.
Les pays européens n’ont pas tout de suite pris
conscience du danger que pouvait représenter
les investissements chinois dans ce domaine,
aboutissant à une dépendance énergétique
chinoise. Aujourd’hui, les décisions finales
d’investissements étrangers sont prises par
les Etats eux-mêmes et aucun autre pays n’est
en mesure de bloquer un rachat. Afin de limiter
ces entrées de capitaux étrangers, la France et
l’Allemagne souhaitent obtenir de Bruxelles un
système européen de surveillance des inves-
tissements étrangers.
Suite à ces récents investissements chinois en
Europe, le GEI ne semble plus être une utopie,
mais un réseau qui pourrait bien se constru-
ire très rapidement. En 2017, la Commission
Européenne a publié un rapport qui se penche
sur l’interconnexion électrique Chine-Europe au
moyen de ligne UHT. Elle envisage l’utilisation
de ce type de ligne compte tenu des longues dis-
tances à parcourir, soit environ 7500 km entre la
France et le centre de la Chine. L’interconnexion
serait assurée par une ligne UHT principale de
1100 kV d’une capacité de 12 GW à laquelle
serait reliées plusieurs lignes secondaires qui
alimenteraient la ligne principale en électric-
ité issue de sources renouvelables.
La Commission Européenne a imaginé trois
voies possibles pour le passage de la ligne
principale (ANNEXE 1). Le tableau ci-dessous
présentes les caractéristiques, les avantages,
les inconvénients et les coûts de chacune des
voies imaginées.
Investissements chinois par secteur d’activité en Europe depuis
2008 en milliards de dollars (source : Le Monde)
Prises de participation de groupes dans des entreprises
énergétiques en Europe (source : Le Monde)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
28 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
L’estimation des coûts a été réalisée en consi-
dérant que le coût de construction d’un kilo-
mètre de ligne UHT était de l’ordre de 1,8 à
2 millions d’euros, hormis pour les segments
sous-marins, estimés trois à quatre fois plus
chers. Le projet prend aussi en considération
le fait que chaque pays souhaite installer
des stations de conversion afin de soutirer et
d’injecter sa propre électricité. Il faut donc en
installer une par pays pour un coût unitaire
d’environ 350 à 400 millions d’euros.
Route du Nord Route du milieu Route du Sud
Pays traver-
sés
•	Chine
•	Kazakhstan
•	Russie
•	Ukraine
•	Pologne
•	Chine
•	Kazakhstan
•	Ouzbékistan
•	Turkménistan
•	Géorgie
•	Roumanie
•	Hongrie
•	Chine
•	Bengladesh
•	Inde
•	Pakistan
•	Afghanistan
•	Iran
•	Turquie
•	Bulgarie
•	Hongrie
Longueur 5600 km 6500 km 8600 km
Avantages
•	Peu de pays traversés
•	Facilité d’intégration des
EnR
•	Terrain favorable (plat)
•	Infrastructures de trans-
port existantes déjà
existantes (routes)
•	Riche en EnR
•	Evite les zones de
conflits
•	Possibilité de reprendre
des lignes UHT déjà exis-
tantes en Chine et Inde
•	Riche en EnR
•	Forte densité de popu-
lation dans les zones de
passage de la ligne
Inconvé-
nients
•	Zone de conflit entre la
Russie et l’Ukraine
•	Traverse beaucoup de
pays
•	Traverse des mers (aug-
mente les coûts)
•	 Traverse beaucoup de
pays
•	 Différents environne-
ments naturels et clima-
tiques
•	 Conflit en Afghanistan
Coûts
•	Station de conversion :
4 à 5 milliards €
•	Lignes UHT :
11 milliards €
•	TOTAL : 16 milliards €
•	Station de conversion :
6 à 8 milliards €
•	Lignes UHT :
10 milliards €
•	Segments sous-marins :
5 à 6 milliards €
•	TOTAL : 24 milliards €
•	Station de conversion :
7.5 à 9 milliards €
•	Lignes UHT :
17 milliards €
•	TOTAL : 26 milliards €
Synthèses des trois voies différentes suggérées par la Commission Européenne (source : Commission Européenne)
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
29GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
Chaque route a ses avantages et ses incon-
vénients. L’objectif est de maximiser la pro-
duction électrique avec les énergies renouv-
elables et les échanges entre pays. La route
devra traverser le moins de pays pour éviter
les demandes de permis de construire et les
différentes réglementations propres à chaque
pays. Les désavantages liés à l’environnement
sont compensables par une augmentation des
coûts de construction. L’inconvénient majeur à
surmonter semble être les zones de conflit. Afin
que la ligne de transmission soit efficiente et
sécurisée, la Chine a tout intérêt à conclure des
alliances avec les pays traversés par la ligne.
Avec ce rapport, l’Europe réalise que la Chine
a les moyens d’installer une ligne de trans-
port d’électricité très longue distance. Si elle
ne veut pas tomber sous la dépendance éner-
gétique chinoise, elle doit se protéger des
investissements chinois dans les entreprises
énergétiques européennes. En 2015, l’UE a
proposé le projet d’« Union de l’énergie » afin
de définir une politique énergétique cohér-
ente des états membres en visant à sécuriser
l’approvisionnement énergétique. A terme, elle
souhaite développer un « super-grid » européen
associant 34 pays, donc plus que l’UE . La Chine
en fera-t-elle partie dans les années à venir ?
 Côme Gendron
Sources:
[1]	C.-J. Yang, Energy Policy in China. Taylor  Francis, 2017.
[2]	 S. G. C. of China (SGCC), « La Conférence internationale 2016 sur l’interconnexion énergétique mondiale ouvre ses portes
à Pékin ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.prnewswire.com/fr/communiques-de-presse/la-conference-internationale-2016-sur-
linterconnexion-energetique-mondiale-ouvre-ses-portes-a-pekin-573990871.html. [Consulté le: 27-déc-2019].
[3]	 « Development Strategy - Global Energy Interconnection Development and Cooperation Organization | GEIDCO ». [En
ligne]. Disponible sur: https://en.geidco.org/aboutgei/strategy/. [Consulté le: 27-déc-2019].
[4]	 « Breakthroughs made in global energy interconnection development - Xinhua | English.news.cn ». [En ligne]. Disponible
sur: http://www.xinhuanet.com/english/2018-03/28/c_137072515.htm. [Consulté le: 27-déc-2019].
[5]	 Le Monde, « La Chine achète l’Europe de l’énergie », 30-août-2018.
[6]	 Ardelean M. et Minnebo P., « A China-EU electricity transmission link », 2017.
[7]	 « Commission européenne : les interconnexions électriques | Planète Énergies ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.
planete-energies.com/fr/medias/decryptages/interconnexions-electriques-les-objectifs-de-la-commission-europeenne. [Consulté le:
27-déc-2019].
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0
30 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
150 infose fev2020

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  • 1. Mensuel sur l’énergie et l’environnement S Février 2020 N°150 Visites industrielles Fevrier 2020 page: 4 Stockage des énergies page: 17 Dynamique des politiques internationales: sous l’angle de la théorie des jeux page: 22 Global Energy Interconnexion: L’expansion chinoise dans le transport d’électricité page: 25
  • 2. Chère lectrice, cher lecteur, Jules César, sur les conseils du grand sci- entifique astronome Sosigène d’Alexandrie, avait ajouté un jour supplémentaire au calendrier julien (ancêtre de notre calen- drier grégorien) tous les 4 ans. Notre chère planète effectuant une révolution complète en 365,2524 jours, cela permettait de main- tenir le calendrier au plus proche de nos saisons historiques, et ainsi conserver les rituels et fêtes en bonne et due forme. Vous l’aurez compris, 2020 est une année d’ajustement, haute en couleur, promise à des rebondissements et avancées tant attendus ! Une année qui marque l’entrée dans une nouvelle décennie, pleine d’espoirs concernant la mobilisation pour la lutte contre le réchauffement climatique. Nous vous proposons dans ce contexte un article sur « la dynamique des politiques inter- nationales sous l’angle de la théorie des jeux ». Ce numéro spécial se consacre en partie au partage de nos aventures au cœur de l’industrie ! Accompagnés par Gilles Guerassimoff, responsable du mastère, nous avons eu le priv- ilège de visiter 6 sites industriels dans le sud de la France : le centre de recherche du Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Cadarache, la centrale photovoltaïque flottante O’MEGA 1 à Piolenc, la Bioraffinerie de la Mède à Châteauneuf-les-Martigues, la centrale à Cycle Combiné Gaz de Martigues, le centre de dispatching RTE à Marseille pour finir avec la visite de la brasserie Heineken à Marseille. Les élèves tiennent à adresser leurs remerciements aux différentes entreprises et à tous les intervenants nous ayant ouvert leurs portes. Finalement, vous trouverez dans ce numéro spécial un article sur les technologies de stockage ainsi que sur l’expansion chi- noise dans le transport d’électricité à travers le Projet Global Energy Interconnexion (PGEI). Bonne lecture ! Axelle DE CADIER 2 EDITO Adresse e-mail infose@mastere-ose.fr TELEPHONE 04 97 15 70 73 ADRESSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines Paristech Rue Claude Daunesse CS 10 207 06904 Sophia Antipolis Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj Maquettiste - Saul Villamizar Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle, quel qu’en soit le procèdé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’autori- sation des auteurs sauf cas prévus par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. CONTACTS
  • 3. SOMMAIRE Visites industrielles Fevrier 20204 Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives - CEA 4 Akuo - La centrale photovoltaïque flottante O’MEGA 1 à Piolenc 6 Bioraffinerie de La Mède 8 Centrales CCG – EDF Martigues 10 RTE - Visite du Showroom 12 La brasserie Heineken 15 Stockage des énergies17 Dynamique des politiques internationales : sous l’angle de la théorie des jeux 22 Global Energy Interconnexion : l’expansion chinoise dans le transport d’électricité25 SMensuel sur l’énergie et l’environnement 3SOMMAIRE
  • 4. Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives - CEA L e commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un organisme public de recherche en charge de 4 missions : une mission défense et trois missions civiles. C’est le premier organisme de recherche déposant des brevets en France et en Europe avec 6700 familles de brevets en 2019. Le CEA est implémenté sur 9 centres de recherche répartis sur la France dont Cadarache – dans lequel s’est déroulée notre visite le 19 février – qui est l’un des centres les plus importants en Europe dans la RD en énergie. Le centre de Cadarache a été créé en 1959 par le Général De Gaulle pour mener des recherches scientifiques sur la maîtrise de l’atome. L’objectif était historiquement centré sur la production du plutonium pour l’arme nucléaire. Aujourd’hui, le centre s’intéresse à plusieurs autres activités telles que le soutien au parc nucléaire actuel, la préparation du nucléaire du futur (la 4ème génération), l’exploration de l’énergie de fusion nucléaire et le développement des technologies solaires et des bioénergies. Le CEA travaille également sur le test de nouveaux matériaux et combustibles nucléaires, ainsi que le démantèlement des centrales en testant des opérations sur ses propres installations. Avec ces 19 installations nucléaires de base (INB) et une installation de base secrète (INBS), le centre dispose de compétences et d’installations de recherche de renommée internationale dans les domaines des combustibles, des réacteurs et des technologies nucléaires. Aujourd’hui, le centre emploie environ 6000 salariés. Le projet RJH Parmi les différents projets qu’il nous a été donné de découvrir au CEA Cadarache, le RJH (Réacteur Jules Horowitz, en hommage au célèbre physicien nucléaire français) est aujourd’hui le plus important en termes d’infrastructures et d’investissements. Il s’agit de la construction du plus récent Material Testing Reactor en Europe, un réacteur spécialement conçu pour tester le Visites industrielles Février 2020 19 Février 2020 Centre CEA de Cadarche (Source: ouest-france) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 4 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 5. comportement de matériaux et les caractériser. Sa date de mise en opération est prévue pour 2025 pour pallier la mise en phase de démantèlement des autres réacteurs de test européens en fin de vie. Le RJH sera aussi capable de simuler différents types d’avaries et irradiation en conditions anormales pour répondre aux besoins de l’état comme de l’Agence de Sureté Nucléaire (ASN). Le coût du projet est estimé, à l’horizon 2025, à 2 milliard d’euros partagés par un consortium comprenant des centres de recherche européens, EDF, Technic Atom ainsi que quelques centres étrangers intéressés par les types d’expérimentations que pourra mener le RJH. Outre l’étude du comportement des matériaux à l’irradiation, le RJH sera également en mesure de produire des matériaux radioactifs pour la médecine, le Molybdène et le Technicium, utilisés en scintigraphie pour la détection de cancers. Il faut savoir que le CEA fournit à l’heure actuelle 20% des besoins européens en ces deux éléments, et que cette activité permettra non seulement au RJH de s’assurer quelques revenus mais surtout de servir de vitrine au projet. Le projet Tore Supra/West Tore Supra est un tokamak français situé sur le site de Cadarache et destiné à l’étude des plasmas pour la recherche en fusion nucléaire. Il est, avec son homologue européen JET à Culham (Royaume Uni), une des têtes de proue de la recherche pour le prochain réacteur ITER en cours de construction à Cadarache. Il a été mis en fonctionnement en 1988 sous le nom de Tore Supra, qui s’est transformé en WEST en 2013 à la suite de modifications structurelles. Toute son enceinte a alors été tapissée par des plaques de tungstène, matériau connu pour sa très bonne résistance aux conditions extrêmes, ce qui permet une meilleure tenue au plasma du réacteur. C’est à ce jour le seul tokamak de sa dimension à utiliser des bobines supraconductrices pour créer le champ magnétique afin de stabiliser le plasma, ce qui lui permet d’atteindre des courants jusqu’à 10 millions d’ampères tout en ayant une consommation électrique bien en deçà de ses homologues. Autre fait à son actif, c’est aujourd’hui le tokamak dans lequel a été enregistré le plasma le plus long jamais créé avec une durée de 6 minutes 30 secondes, record qui devrait être battu en 2025 avec la mise en fonctionnement d’ITER. Nous tenons à remercier le pôle visite du CEA ainsi que toute l’équipe du site qui nous a permis de réaliser cette visite ô combien intéressante. Le réacteur West avec les circuits de refroidissement qui l’entourent (Source : TPBM - Presse) Younes Baghdad et Victor Maquart I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 5VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 6. Visite Akuo – La centrale photovoltaïque flottante O’MEGA 1 à Piolenc A vez-vous déjà vu une centrale solaire flottante ? Et bien nous non plus ! Petite anecdote amusante avant de commencer cet article : certains oiseaux établissent leurs nids sous l’inclinaison des panneaux. Nous avons été accueillis par Clémence Marcueyz, cheffe de projet chez Akuo Energy. Fondée en 2007, cette entreprise est le premier producteur et distributeur indépendant français d’énergie renouvelable. Clémence a travaillé sur le développement de la ferme photovoltaïque flottante de Piolenc dans le Vaucluse (84). Ce projet, appelé O’MEGA 1, a été lauréat de la première période de l’appel d’offres CRE4 au premier semestre 2017. Avec ses 47 000 panneaux totalisant une puissance de 17 mégawatts-crètes (MWc) répartis sur 17 hectares, la ferme solaire flottante de Piolenc est la plus grande d’Europe jamais construite. Elle permet d’alimenter jusqu’à 4 700 foyers sur l’année. Les panneaux, fixes, sont implantés à l’aide de flotteurs. La technologie de structure flottante Hydrelio® by Ciel Terre a été retenue par Akuo Energy : c’est un système destiné à être implanté notamment sur les bassins écrêteurs de crues et d’irrigation, les réservoirs d’eau potable, les bassins industriels, les terrains inondables ou encore les lacs de carrière. Le développement du projet a duré 10 ans et le chantier de construction un an. Les avantages du solaire flottant sont nombreux. Premièrement, ils ne sont pas en concurrence avec d’autres activités agricoles ou forestières. Dans le cas de Piolenc, il s’agit d’un lac artificiel issu d’une Le mastère OSE en visite à Piolenc ! I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 6 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 7. ancienne carrière d’extraction de granulats. Deuxièmement, la structure des flotteurs limite l’évaporation de l’eau et la prolifération des algues. Enfin, la fraîcheur de l’eau permet d’éviter la surchauffe des capteurs photovoltaïques et d’en améliorer le rendement. Le gain énergétique est de l’ordre de 2 à 3% de production. Le montant global de l’investissement s’est élevé à 17 millions d’euros. Akuo Energy a misé sur la carte de l’investissement et du financement participatifs. La mairie locale et les citoyens du Vaucluse et des départements alentours ont pu participer au financement du projet. De plus, le projet a été ouvert à tous les citoyens sur le site AkuoCoop permettant de donner du sens à leur épargne avec un prêt in fine sur 4 ans et une rémunération annuelle de 4%. Afin d’affirmer leur cohérence écologique, Akuo Energy a décidé de développer une ferme en permaculture en parallèle du projet photovoltaïque flottant. Agriterra (filiale d’Akuo Energy) et la mairie de Piolenc prévoient la répartition de 5 hectares à 5 agriculteurs piolençois. L’objectif étant de développer un circuit court de production biologique et de distribution de fruits et légumes à destination des cantines des écoles environnantes. De plus, Akuo Energy propose des ateliers de découverte des énergies renouvelables pour les enfants de la région ainsi qu’un parcours pédagogique autour de la centrale comprenant des explications sur la transition énergétique. Akuo Energy ne compte pas s’arrêter en si bon chemin avec le solaire flottant. Afin d’étudier le potentiel du solaire flottant en France, le producteur indépendant a réalisé une étude qui montre que les capacités estimées seraient de 20 GW. Nous tenons à remercier très chaleureusement toutes les personnes sans lesquelles cette visite n’aurait pas pu se faire, à savoir Patrice Lucas, Directeur Général, ainsi que Messieurs Pinard, Arcelin et Fiotti. Un très grand merci également à Clémence Marcueyz pour l’organisation de cette visite et pour avoir répondu à toutes nos interrogations. Côme Gendron I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 7VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 8. A vec un chiffre d’affaire de 209,4 milliards de dollars et un résultat net ajusté de 13,6 milliards de dollars en 2018, le groupe Total a pour ambition de devenir le major de l’énergie responsable. C’est dans cette logique que s’inscrit la reconversion de la raffinerie de La Mède en bioraffinerie, que nous avons visité le jeudi 20 février, accueillis par le directeur Stéphane Cambier, le responsable du site Samuel Duval, ainsi que par Bruno Durand et Myriam Lajeune. Créé en 1935, la raffinerie de La Mède située à Châteauneuf-les-Martigues en France est historiquement une raffinerie classique de pétrole. Du fait des pertes estimées à hauteur de 100 millions d’euros par an causées par la vétusté du site et par des unités non imbriquées et non optimisées en termes d’énergie et de flux, en 2015 le groupe annonce la transformation de la raffinerie en un site tourné vers des énergies d’avenir : les biocarburants. Le choix de cette reconversion, qui s’inscrit dans le cadre de la COP21 et dont le coût est estimé à 300 millions d’euros, est justifié par la volonté de rendre l’installation économiquement rentable et en même temps de promouvoir le développement d’une filière qui est aujourd’hui faiblement représentée sur le marché. Grâce aux différentes innovations, La Mède se présente aujourd’hui comme la première bioraffinerie française de taille mondiale. Opérationnelle depuis juillet 2019, la raffinerie de La Mède peut produire 500 000 tonnes/an de biodiesel de type HVO (huiles végétales hydrogénées) et 5 000 tonnes/an de bio-naphta. La filière HVO est une filière en pleine évolution au sein des biocarburants et se distingue de la voie classique de production. En effet, ces deux modes de production de biodiesel utilisent les mêmes types d’intrant mais, lors de la phase de transformation, des molécules d’hydrogène sont ajoutées au produit pour former des chaînes d’hydrocarbures pour le biodiesel de type HVO. Le produit final est de nature similaire aux carburants fossiles et le coût de revient est légèrement plus élevé que pour le biodiesel classique. En outre, bien que le coût de production soit 5 à 10 fois plus élevé que celui des carburants conventionnels, les biocombustibles sont soumis à des avantages fiscaux visant à favoriser le respect des obligations concernant l’incorporation d’au moins 7% de biocarburants dans les carburants traditionnels. D’un point de vue qualitatif, le biodiesel HVO est bien meilleur car on peut techniquement le mélanger sans restriction dans un moteur classique sans risque de l’endommager. Par l’usage de la filière HVO, La Mède produit du 20 Février 2020 Bioraffinerie de La Mède Bioraffinerie de La Mède (Source: TOTAL) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 8 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 9. biodiesel pour le transport routier mais également du biojet pour l’aviation. L a b i o r a ff i n e r i e p r o d u i t s e s biocarburants à partir de différents types d’huiles : huiles végétales brutes, graisses animales, huiles usagées. Ces ressources sont mélangées entre elles pour former un mix qui présente un rendement plus élevé que celui que l’on peut obtenir en utilisant un seul type d’huile. La répartition des différents types d’huiles dans le mix actuel n’est pas homogène, les produits végétaux (et notamment l’huile de palme) étant prédominants dans le mélange. Ce choix est justifié par le rendement élevé de ce produit, ainsi que pour son abondance sur le marché. L’usage des graisses animales et les huiles usagées est en revanche limité en raison de l’insuffisante maturité des filières de collecte qui entraine actuellement une faible disponibilité de ces produits. La reconversion de la raffinerie s’effectue de manière progressive par l’introduction de nouvelles infrastructures et de procédés pour introduire davantage les matières premières issues du retraitement des déchets. La plateforme de La Mède présente ainsi aujourd’hui différentes structures. On trouve, au-delà de l’ensemble des structures de la bioraffinerie, une unité pour la production d’AdBlue (un additif permettant de réduire les émissions d’oxyde d’azote des gaz d’échappement des moteurs diesel) avec une capacité de 50 000 tonnes par an, une centrale photovoltaïque d’une capacité de 8 MW s’étendant sur 12 ha sur le site, une unité de stockage et d’expédition d’une capacité de 1.3 millions de mètres cubes, une unité Ecoslops Provence pour la régénération de résidus d’hydrocarbures issus du transport maritime. Un centre de formation, nommé Oleum, est également présent sur site afin de former plus 2000 élèves par an. Actuellement, des problèmes de démarrage de la nouvelle filière de production font que l’usine n’est pas encore économiquement rentable, mais une amélioration des profits est estimée en conditions normales de fonctionnement. Mix actuel de la bioraffinerie de la Mède Parc photovoltaïque de La Mède I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 9VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 10. Le mastère OSE tient à remercier l’ensemble des professionnels de la raffinerie de La Mède pour cette visite enrichissante et instructive et plus spécifiquement Stéphane Cambier, Directeur de la raffinerie, Samuel Duval, Responsable du site, Bruno Durand, Formateur Oleum et Myriam Lajeune, chargée d’affaire. Un grand merci également à Sylvain Clemendot, Directeur Innovation de la branche raffinage chimie, qui a permis que cette visite puisse avoir lieu. Giulia Grazioli Amala Sivaramou L e jeudi 20 février, la promotion OSE a eu l’opportunité, sous la conduite de Sabrina Brunon du service des visites et Kamel KHATIR, responsable Technique Patrimoine au Service Maintenance de la Centrale, de visiter la centrale électrique EDF de Martigues. À l ’ o r i g i n e , c e t t e c e n t r a l e t h e r m i q u e d u p r o d u c t e u r historique EDF, construite en 1969, était composée de quatre unités chacune formée d’une chaudière alimentée au fioul et d’une turbine à vapeur. Entre 1984 et 2012, ces dernières sont appelées à l’arrêt. L’idée est de transformer cette centrale en Cycle Combiné Gaz (CCG) dans une optique d’amélioration technique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants. Centrale électrique EDF de Martigues Centrales CCG – EDF Martigues I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 10 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 11. Fonctionnement du CCG Dans sa nouvelle configuration, la centrale se compose de deux unités. Chacune comporte un premier groupe de production électrique avec l’entraînement d’un premier alternateur entraîné par les gaz de combustion de la Turbine À Com- bustion (TAC). L’idée principale de ce type de cycle est de prof- iter de la chaleur résiduelle des gaz de combus- tion afin de créer de la vapeur dans une chaudière de récupération. Le second groupe de production électrique utilise le même principe avec cette fois-ci une détente de la vapeur dans une Turbine à Vapeur (TAV). Une fois détendue, elle circule dans un circuit de refroidissement séparé prenant avantage de la mer comme source froide. Un système de post-combustion (ne figurant pas sur le schéma) permet de réchauffer les fumées et ainsi de profiter de quelques MW supplémentaires. Améliorations techniques et environnementales Le CCG de Martigues est la première installation de ce type construite sur la base du « re- powering » avec l’utilisation de deux anciennes turbines à vapeur. Mise en service entre 2012 et 2013, cette centrale composée de deux unités CCG, affiche des performances tech- niques intéressantes : 57% de rendement total contre 37% avec l’ancienne centrale au fioul ainsi que des divisions respectives par deux et trois des émissions de dioxyde de carbone et d’oxyde d’azote par rapport à l’installation précédente. La puissance électrique d’une unité s’élève à 465 MW avec deux tiers produits par la TAC. Totalisant 930 MW, la centrale a assuré 3,9 TWh de production électrique en 2019 avec 11 000 heures de fonctionnement annuel sur les deux unités. Au niveau des ressources humaines, elle compte 65 salariés dont six équipes de quatre à cinq personnes opérant en trois-huit pour assurer son exploitation continue. Principe de fonctionnement d’un cycle au combiné au gaz. (Souce : [1]) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 11VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 12. Une centrale importante en PACA L’installation de production électrique de Martigues présente un intérêt crucial dans une ré- gion où environ 40% de l’électricité est importée. Elle assure une alimentation en semi-base et permet de couvrir en partie les pointes de consommation du matin et du soir. Techniquement, ce type d’installation présente des caractéristiques intéressantes avec un potentiel de montée en puissance particulièrement élevé (10 à 15 MW/min à chaud et 2 MW/ min à froid) et une durée de démarrage plus rapide (4h à chaud et 8h à froid) que l’ancienne installation au fioul (8h à chaud et 12 à 15h à froid). Ainsi, elle peut rapidement, en plus d’assurer des « services systèmes » consistant au rééquilibrage dynamique entre production et consommation, s’adapter à une baisse soudaine de la production électrique pouvant être d’origine éolienne ou solaire photovoltaïque. Les quatre cheminées de l’ancienne centrale au fioul, visibles sur la photo, devraient être démantelées d’ici 2025. Nous tenons à remercier Sabrina Brunon du service des visites et Kamel KHATIR, responsable Technique Patrimoine au Service Maintenance de la Centrale, pour cette visite fort intéres- sante. L e vendredi 21 février, nous avons été accueillis par Didier LAINE pour visiter le Showroom de RTE à Marseille. RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a pour mission principale d’assurer l’équilibre des flux transitant sur ses lignes entre l’électricité qui est produite et l’électricité qui est consommée. La spécificité de cette entreprise réside dans sa domination du marché de par sa position de monopole naturel. La lourdeur des investissements à mettre en place pour ces infrastructures est telle qu’il est économiquement inefficace pour de potentiels concurrents d’en construire de nouvelles 21 Février 2020 RTE : Visite du Showroom Emmanuel GASSE MUÑOZ Sources: [1] EDF. L’hydraulique en chiffres. EDF. www.edf.fr I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 12 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 13. Pour éviter l’abus de monopole, RTE est néanmoins régulé par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) qui est en charge de déterminer la rémunération de l’entreprise sur le principe du Cost+. En effet, RTE est rémunéré à travers un droit de péage, le TURPE, qui lui permet de couvrir ses frais de fonctionnement et d’investissement. ENEDIS est le principal client de RTE. En rachetant l’électricité au niveau de ses postes sources, ENEDIS contribue à 70% du chiffre d’affaires de RTE. Ses autres clients notables sont les acteurs qui sont directement raccordés au réseau de transport, tels que la SNCF ou de grands industriels. En complément du TURPE, RTE consolide son chiffre d’affaires en percevant une rente lors du transport d’électricité transfrontalier pendant les périodes de congestion. Le sujet est technique mais, pour faire simple, RTE récupère le différentiel de prix entre les deux marchés financiers d’électricité. En allant visiter RTE, la promotion 2020 nourrissait l’espoir de pouvoir pénetrer au sein de l’antre où toutes les décisions stratégiques se prennent pour assurer l’équilibre en temps réel du réseau de transport d’électricité. Grande fut notre déception lorsque l’on apprit que ce doux rêve ne pourrait se réaliser en raison du caractère très sensible des informations qui circulent dans la salle de contrôle. Néanmoins, nous avons pu en apprendre plus sur le métier de dispatcher. Contrairement à l’idée reçue qui voudrait que le dispatcher soit constamment sous tension pour résoudre dans l’immédiat des problématiques d’équilibre afin d’éviter le blackout, la majeure partie du travail de dispatcher réside dans l’anticipation. Loin de l’image du trader qui, en homme d’action, essaye de garder son sang- froid afin de réagir au plus vite et au mieux dans une salle de bourse, le métier de dispatcher exige beaucoup de préparation en amont afin de prévoir les actions à réaliser pour justement éviter d’agir dans l’urgence. La visite du centre de dispatching régional à Marseille a plutôt porté sur les interactions de l’entreprise avec les habitants de la région PACA. Il en ressort que, malgré les nombreuses actions souhaitables pour le bien commun, certains projets de RTE sont confrontés à des refus en bloc à l’échelle locale. Cette réaction correspond au syndrome NIMBY (Not In My Backyard) où l’individu est persuadé de l’intérêt général d’un projet mais le rejette fondamentalement lorsqu’il doit avoir lieu à proximité de son habitat. Le sujet le plus emblématique de la région reste la connexion entre Boutre et Le Broc/Carros par une ligne à 400 kV. La région PACA souffre d’un problème de sécurité énergétique en matière l’électricité car toute la région est alimentée par une seule ligne à 400 kV. Donc, en cas d’incident sur la ligne, une partie considérable de la population régionale peut potentiellement être privée d’électricité. Ce projet visant à créer une deuxième ligne de 400 kV pourrait permettre de remédier à ce problème en créant un deuxième chemin d’acheminement de l’électricité conformément à la règle de N-1 de RTE. Malheureusement, ce projet est tombé en désuétude à cause d’un mouvement de contestation local. I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 13VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 14. Pour assurer la sécurité de l’approvisionnement d’électricité, une solution moins satisfaisante a été mise en œuvre : une liaison électrique souterraine de 225 kV, longue de 65 km, a été créée entre Boutre et Trans, solution plus socialement acceptable. L’inconvénient de cette solution est d’être moins performante que la première à cause d’une tension de fonctionnement moins élevée. Le second inconvénient réside dans le coût de l’infrastructure reliant Boutre et Trans-en-Provence qui est très élevé par son caractère souterrain. D’autres problèmes d’acceptabilité sociale ont été soulevés lors de la visite. Sans entrer dans le détail, nous pouvons citer la dernière interconnexion France-Espagne ou encore la volonté désormais éteinte de connecter sous 400 kV les sites de production électrique de Fos sur Mer jusqu’à la ligne de 400 kV. Bien que certains projets ne puissent pas atteindre une efficacité technicoéconomique optimale pour des raisons sociales, RTE étudie désormais ses décisions d’investissement à travers de nouvelles méthodes d’analyse. Ainsi, auparavant les câbles étaient dimensionnés pour supporter les intensités de fonctionnement selon des conditions standards et selon une probabilité minimale de réalisation. Cette méthode pouvait parfois amener des surdimensionnements car les conditions météorologiques n’étaient pas prises en compte. À titre d’exemple, l’apparition d’une nouvelle ferme éolienne aurait nécessité de remplacer l’installation de transport existante car l’intensité qui transite aurait été supérieure au dimensionnement initial des câbles en condition standard. Néanmoins, RTE a décidé, en s’appuyant sur des mesures sur site, qu’aucun ouvrage supplémentaire n’était nécessaire car, lorsque la ferme produisait, le vent refroidissait suffisamment les câbles pour supporter l’intensité élevée qui transitait. Le bouclage du réseau haute tension de la région Paca est désormais assuré grâce à ce filet de sécurité électrique à 225 000 volts (Source : RTE) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 14 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 15. Nous pouvons finalement conclure que RTE, entreprise d’envergure nationale, est contrainte de vivre avec son temps aussi bien sur le plan des avancés techniques que sur celui de l’acceptabilité sociale. Nous tenons à remercier Didier LAINE, conseiller affaires internes à RTE, pour le temps qu’il nous a consacré et l’éclairage qu’il nous a apporté, ainsi que Jean Philippe Bonnet, délégué régional Méditerranée chez RTE, pour avoir permis l’organisation de cette visite. C ’est une visite un peu différente des précédentes qui est venue conclure ce séjour de 3 jours pour les élèves du Mastère OSE. Baptiste Metz, élève de la promotion 2017, nous a fait découvrir les dessous de l’industrie brassicole avec le site d’HEINEKEN. La brasserie de la Valentine, située à Marseille, a été fondée en 1872 et acquise plus tard par le groupe néerlandais. Le site a une capacité de production de 100.000 bouteilles par heure et le volume produit en 2019 s’élevait à 150 millions de litres. En plus de la bière qui porte le nom de l’entreprise, Heineken qui est la première marque d’alcool consommée en France depuis 2017, le groupe produit également la Desperados, la Affligem, la Fischer ou encore la Pelforth. La production de bière chez HEINEKEN commence par une phase de brassage qui consiste à faire passer le malt et le houblon par différentes étapes de préparation avant de fermenter le produit préparé et d’en extraire le produit final qui va passer par la deuxième phase, dite de conditionnement, consistant à mettre la bière produite dans des contenants (bouteilles, canettes, fûts) qui seront étiquetés, emballés et expédiés à leurs clients. Leader du marché de la bière en France, HEINEKEN est également une entreprise engagée pleinement dans une démarche QSE (Qualité Sécurité Environnement). La brasserie de la Valentine a notamment obtenu la certification ISO 50 001 en 2012, validant ainsi leur bonne gestion des énergies. Pour suivre au plus près les consommations d’électricité, de gaz et d’eau, les brasseries sont équipées de plus de cent- cinquante sous-compteurs sur les postes très énergivores : pasteurisateurs, groupes froids, centrales d’air comprimé, chaudière, etc. Baptiste, responsable énergie et maintenance sur les centrales fluides, peut ainsi suivre en direct les consommations énergétiques des process, identifier les machines moins La brasserie de Heineken Les élèves du mastère OSE à la brasserie de HEINEKEN Adrien LAILLE I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 15VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 16. performantes et anticiper les pannes. Ceci a notamment permis de réaliser une cartographie des flux énergétiques de la centrale des fluides : Les pourcentages inscrits représentent la part de consommation de chaque process sur la consommation totale de ce fluide. Le processus de fabrication de la bière consomme des quantités d’énergies non négligeables, qui ont cependant diminué de 30% environ depuis 2008, toutes énergies confondues. Actuellement, pour produire 100 litres de bières, la brasserie consomme 320 litres d’eau, 57 MJ d’énergie thermique (principalement du gaz) et 9 kWh d’électricité. Cette visite a ainsi permis d’illustrer la nécessité de maîtriser les consommations d’énergie qui représentent une part très importante des dépenses d’une industrie. Finalement, nous avons fait d’une pierre deux coups avec cette visite car nous avons eu l’honneur de la clôturer avec une dégustation de la Heineken 0.0, bière sans alcool, qui a fait une entrée remarquable sur le marché de la bière en France. L’ensemble de la promotion 2 0 1 9 r e m e r c i e t r è s chaleureusement Baptiste Metz et les responsables du site de Heineken Marseille de nous avoir permis de découvrir l’univers de l’industrie brassicole. Encore un grand merci à Baptiste pour l’accueil qu’il nous a réservé. Abdelhamid ahajjam Arthur OBRY (Source: Rapport veille technologique de Baptiste METZ) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 16 VISITES INDUSTRIELLES FÉVRIER 2020
  • 17. STOCKAGE DES ÉNERGIES D epuis le début du siècle dernier, notre société n’a pas cessé de réaliser des progrès dans l’agriculture, la méde- cine, le transport, les communications, la construction et plus généralement en ce qui concerne notre mode de vie. Ces avancées technologiques nous ont permis de forger la société que nous connaissons en occident et plus majoritairement dans les pays développés en créant un monde ouvert où les échanges longues distances sont devenus la norme. En contrepartie de l’amélioration de notre mode de vie, nous avons massivement exploité les énergies fossiles présentes dans nos sous- sols et créé une pollution sans précédent sur l’ensemble de notre planète et de sa biodiver- sité. Avec la multiplication des catastrophes naturelles et des anomalies climatiques crois- santes, on assiste à un «  réveil  » de la po- pulation. Les ressources fossiles, faciles à exploiter et très denses énergétiquement, étaient jusqu’alors abondantes sur Terre. Elles ont ainsi fait l’objet d’une exploitation démesurée. Malheureusement, après une cen- taine d’années d’opulence énergétique, nous essuyons les premiers revers de nos compor- tements prédateurs sur l’environnement. Plu- sieurs solutions s’offrent dès lors à nous dans un but commun  : optimiser et réduire notre consommation d’énergie primaire. Pour cela nous allons devoir réduire drasti- quement notre consommation en essayant de la rendre soutenable pour notre planète mais aussi plus locale. De plus, nous allons devoir modifier la provenance de l’énergie que nous utilisons. Les énergies renouvelables comme le vent, le soleil et les cours d’eau connaissent un réel essor, mais bien que suffisamment abondantes pour subvenir à nos besoins, elles présentent des défauts majeurs : • Elles ne sont pas constantes ou difficile- ment prévisibles. • Une fois transformées en électricité, elles sont difficilement stockables. • Elles sont actuellement plus chères à pro- duire que les énergies fossiles. Ce surcoût est en partie dû au coût de fabrication et de production des panneaux solaires et des éoliennes qui sont des technologies rela- tivement récentes, au coût d’installation qui nécessite de la main d’œuvre qualifiée, mais surtout au stockage. En effet, le stockage de l’énergie produite par une ferme de production photovoltaïque ou éolienne double le coût du kWh produit. De surcroît, les technologies de stockage ma- tures comme les batteries lithium nécessitent d’importantes quantités de terres rares et de produits nocifs pour l’environnement. Quelles sont alors les alternatives à ce type de stoc- kage ? Les futurs besoins français Aujourd’hui, la France a un mix électrique composé à plus de 70% de nucléaire. Le gou- vernement, dans le cadre du plan de transi- tion énergétique a décidé de réduire la part du nucléaire à 50% en 2035, puis de l’arrêter complètement en 2050. L’énergie hydraulique en France représente la seconde source de I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 17STOCKAGE DES ÉNERGIES
  • 18. production d’électricité avec plus de 10% de la production annuelle [1], soit environ 50TWh. La puissance installée [2] du parc est actuel- lement répartie en 4 types d’installation : les STEP (Station de Transfert Energie par Pom- page), les centrales d’éclusées, les centrales de lac et les centrales au fil de l’eau, pour une puissance installée totale de 24 GW. D’après l’ADEME dans son rapport sur la faisabilité d’une production électrique 100% renouve- lable, le potentiel d’hydroélectricité en France est quasiment atteint. Dans un futur proche, la France aura donc be- soin d’une capacité de stockage importante qui découlera de l’utilisation massive des énergies renouvelables, majoritairement l’éo- lien (terrestre et off-shore) et le solaire. Pour stocker cette énergie qui n’est pas pilotable et pérenniser la production électrique française, il faudra faire appel à des solutions de stoc- kage de l’énergie. Actuellement, ce stockage est majoritairement réalisé par les Stations de Transfert Energies par Pompage (STEP) [3], mais comme nous venons de le voir le gisement national est quasiment saturé. Il conviendra donc de développer d’autres filières. Toujours d’après l’ADEME, nous aurions besoin de trois solutions de stockage dans un mix 100% renou- velables, pour une puissance de 36 GW : • 17 GW de stockage inter-journalier  ; ce stockage sera nécessaire pour assurer la consommation d’électricité en France du- rant les phénomènes météorologiques dé- favorables. • 7 GW de stockage hebdomadaire • 12 GW de stockage infra-journalier Pour arriver à cette puissance tout en préser- vant un coût raisonnable et un impact envi- ronnemental contenu, il va falloir développer de nouvelles solutions de stockage. Les systèmes de stockage : Actuellement, il existe une multitude de solu- tions de stockage qui présentent toutes des avantages et des inconvénients. Le STEP est la technologie la plus mature, mais n’ayant plus de gisement exploitable en France (sauf STEP sous-terraine qui entrainerait des CAPEX im- portants), elle ne peut donc être raisonnable- ment considérée comme une solution d’avenir. Le Power to Gas est une solution présentant de nombreux avantages (voir inf’OSE du 01/2020). Néanmoins, l’utilisation du vecteur hydrogène et du méthane comme combustible pour la production d’électricité risque d’être délicat si nous souhaitons avoir des émissions de GES nulles. La batterie est surement la solution la plus Répartition des types de centrale hydraulique (Source: [3]) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 18 STOCKAGE DES ÉNERGIES
  • 19. commune et la plus répandue. Elle permettrait théoriquement de répondre à la demande et d’avoir une souplesse pour les futures ins- tallations. Cependant, elle présente de nom- breux désavantages : 1. Les productions de batteries sont au- jourd’hui majoritairement concentrées en Asie. Nous serions donc dépendants des gouvernements étrangers pour notre souveraineté énergétique. 2. La fabrication des batteries, notamment des batteries au Lithium, sont forte- ment polluantes pour l’environnement (écotoxicité lors de son extraction). La durabilité d’une batterie est aujourd’hui assez faible, de quelques milliers de cycles (10 ans d’utilisation environ), et son recyclage est complexe, consomma- teur d’énergie et pas encore mature. 3. La difficulté d’approvisionnement en lithium. Si le stockage d’électricité et le transport passent à des solutions Li- thium, il se pourrait alors que les stocks mondiaux ne soient pas suffisants. En l’état, les batteries chimiques ne sont pas une solution rationnelle pour le stockage de l’énergie électrique. Bien évidemment, d’ici 2030, de nombreuses évolutions pourraient subvenir mais cette technologie n’est pour l’instant tout simplement pas adaptée. Le « Compressed Air Energy Storage » (CAES [4]) est une des trois solutions privilégiées. Cette solution va comprimer de l’air à haute pression (100 à 300 bars) dans des réservoirs d’origine naturelle ou industrielle pour ensuite alimen- ter une turbine lorsque l’on doit produire de l’électricité. Cette technologie présente un ren- dement compris entre 50% (pour un CAES clas- sique ou la chaleur est perdue) et 70% (pour un CAES adiabatique ou la chaleur est stockée pour être utilisée dans des processus industriels). Cela reste assez faible en comparaison d’une STEP (70% à 85% de rendement). Son CAPEX éle- vé de 400 à 1200 €/kW, sa puissance pouvant atteindre 10 à 300 MW et son utilisation plus que limitée à l’heure actuelle (10 sites en uti- lisation) en font une solution immature mais pleine d’avenir. De plus, les CAES isothermes pourraient atteindre un rendement théorique de 95%, ce qui les placeraient comme une des solutions les plus performantes. Spécificités des types de batterie (Source : [4]) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 19STOCKAGE DES ÉNERGIES
  • 20. Le stockage d’énergie sous forme de chaleur est aussi envisageable et se présente sous trois formes  : le stockage thermique latent, le stockage thermique sensible et le stockage thermique thermochimique. Ces trois solu- tions présentent chacune des avantages et des inconvénients qui sont des freins à leur développement. Aujourd’hui, seul le stockage thermique sensible avec du sel fondu est uti- lisé pour le stockage de l’énergie issue de la production solaire à concentration. Une solution d’avenir ? Récemment « Siemens Gamesa [5] » a présenté une solution simple et prometteuse. Elle se base sur un stockage de la chaleur dans un ré- servoir rempli de pierre volcanique concassée dont les murs sont complétés par un mètre d’isolant. L’électricité est stockée en faisant chauffer la pierre volcanique concassée. Celle- ci peut atteindre une température de 600°Cel- sius et la conserver pendant plusieurs jours. En termes de capacité, une solution de 800m3 (1000 tonnes de roche) permettrait de stocker 135 MWh, et une solution de 1 GWh (10  000 tonnes de roche) est prévue pour 2022. Si les derniers essais sont concluants, cette solution arrivera sur le marché d’ici 2025. Les coûts annoncés sont de l’ordre de 100$/kW. Concer- nant le rendement, pour une utilisation de chaleur le rendement est de 98%, alors que pour la production d’électricité il sera, pour le cycle complet, de 45% environ. Ce dispositif à de nombreux avantages : • Siemens annonce que les installations de production d’électricité (notamment au charbon) pourront facilement convertir les cuves de combustion en cuves de stockage. Le reste de la chaine de production d’éner- gie n’évoluant que très peu. • Pour les industriels qui ont besoin de cha- leur, ils peuvent récupérer la chaleur fa- tale issue de leur processus de fabrication pour la revaloriser ou la revendre pendant les périodes de pointe. La solution est simple, peu couteuse, durable (30 ans) et relativement écologique compte tenu du fait qu’elle ne nécessite que de la pierre volcanique, un système de chaleur et des fluides caloporteurs. Schéma de fonctionnement des ETES (Source : [6]) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 20 STOCKAGE DES ÉNERGIES
  • 21. Conclusion Les recherches qui sont aujourd’hui menées se concentrent sur les trois types de solutions précédemment présentées (Power to gas, CAES et stockage thermique). Les batteries sont aujourd’hui majoritairement utilisées pour les applications nécessitant une liberté de mobilité (appareil électronique et batte- rie de véhicule électrique). Le power to gas permet de nombreux usages, mais son déve- loppement dépendra des volontés des acteurs politiques et de la conjoncture économique. Pour le stockage sous forme de CAES, il ap- parait comme une solution très intéressante car il se base sur une technologie relative- ment simple, dénuée de pollution et capable de stocker de grosses quantités d’énergie. Il reste pour l’instant à démocratiser ce procédé pour que celui-ci devienne commercialisable. Pour finir, le stockage sous forme de chaleur se positionne comme une alternative cré- dible et robuste. Ses nombreuses qualités et sa commercialisation imminente en font une option très intéressante pour les acteurs de l’énergie ou les industriels désireux d’amélio- rer le rendement de leur processus ou voulant se diversifier. Antonin PIERRE DE LA BRIERE Sources: [1] EDF. L’hydraulique en chiffres. EDF. www.edf.fr [2] Connaissance des Energies. STEP - Station de transfert d’énergie par pompage. [3] Connaissance des Energies. Informations Hydroélectricité. www.connaissancedesenergies.org [4] ADEME, DGCIS, ATEE, ARTELYS, ENEA, G2Elab. 2013. Étude sur le potentiel du stockage d’énergies [5] Connaissance des Energies. CAES - Stockage par air-comprimé. www.connaissancedesenergies.org [6] Siemens Gamesa. Energy storage. www.siemensgamesa.com I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 21STOCKAGE DES ÉNERGIES
  • 22. Dynamique des politiques internationales: Sous l’angle de la théorie des jeux L es intérêts et postures des pays sur la question environnementale dépendent de leur vulnérabilité face aux impacts climatiques et de leur capacité à s’adapter. De par leur position géographique, leur développement économique ou encore leurs capacités technologiques, certains pays peuvent résister aux impacts plus longtemps et profitent de cette position de force pour négocier sous conditions. Ce que les Etats ont bien compris est que « l’action d’un seul pays est vaine si les autres n’agissent pas de manière similaire ». En conséquence, pourquoi certains prendraient le risque d’instabilités économiques et politiques si les conséquences restent inchangées  ? N’ont-ils pas intérêt à conserver leur position dominante pour résister plus longtemps ? C’est ce que nous proposons d’aborder sous l’angle de la théorie des jeux avec le principe clé du dilemme du prisonnier. Le principe est le suivant : Deux brigands sont arrêtés suite à un cambriolage. En l’absence de preuves, le procureur a besoin d’aveux. Il isole alors chacun des brigands (joueurs) et propose un marché. Si l’un d’eux avoue et que l’autre non, alors le premier sera libre et le second sera lourdement condamné (7 ans). Si les deux avouent, leur peine respective sera de 5 ans, et si les deux se taisent, faute de preuve accablante chacun purgera une peine de 1 an. L’intérêt commun serait de nier mais l’intérêt personnel est d’avouer. Le dilemme du prisonnier incarne l’idée fondamentale selon laquelle la confrontation des intérêts individuels ne débouche pas nécessairement sur l'optimum collectif. Ici, quelle que soit l'action entreprise par le partenaire, le choix rationnel est d’avouer : on maximise ses gains (si l’on est le premier on est libéré immédiatement) et on minimise ses pertes (on évite la pire situation des 7 ans de prison si l’autre nous dénonce). Si les deux individus sont rationnels, alors la solution tendra vers l’équilibre non optimal où les deux joueurs ont avoué. (Ici l’équilibre de Nash n’est pas un optimum de Pareto). Dans le cadre du réchauffement climatique le dilemme du prisonnier est une situation de dilemme social dans laquelle les intérêts individuels s'opposent aux intérêts collectifs, I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 22 DYNAMIQUE DES POLITIQUES INTERNATIONALES: SOUS L’ANGLE DE LA THÉORIE DES JEUX
  • 23. le nombre de joueurs est multiple (le nombre de pays) et la durée de répétition du jeu est inconnue. L’intérêt collectif est la réduction des émissions de GES. La coopération est alors d’autant plus difficile et incertaine pour les raisons suivantes : • D’une part, la contribution à titre individuel demande des investissements lourds et sans garantie de réussite. Si l’ensemble des pays ne respectent pas leurs engagements, alors ceux qui auront investi auront agi « pour rien » et devront supporter les conséquences climatiques devenues plus intenses encore. Ils auront alors fragilisé leur économie, leur politique et perdu la confiance de leur population. Une situation critique qui pourrait conduire à l’effondrement précoce du pays. • La seconde grande difficulté est la multiplicité des acteurs et la diversité des comportements. En effet, aux contraintes climatiques s’ajoutent un contexte historique et culturel qui complexifie considérablement la coopération: des rapports de forces historiques, des guerres, des divergences d’opinions et de culture, des modèles de développement et de consommations très différents, etc. Quelques exemples : Les pays BRIC (Brésil, Chine, Inde, Russie) souhaitent favoriser leur développement économique, qui passe par un accroissement de la consommation énergétique et donc du recours aux énergies carbonées. Les pays du Moyen-Orient ont des politiques religieuses très marquées, ce qui demande des solutions différentes des pays Européens, par exemple. Ainsi, le « joueur » a d’autant plus intérêt à être rationnel pour minimiser ses pertes et maximiser ses gains face à ce système complexe, qui par nature est imprévisible (équivaut à ne pas concerter l’autre joueur, donc ignorer ses intentions). Exemple : la sortie de l’accord de Paris des états-Unis sous Donald-Trump, en novembre 2019, témoigne de l’intérêt particulier auquel s’ajoute le contexte et la psychologie du joueur. Donald Trump est un homme d’affaire milliardaire devenu président en 2017. La stratégie actuelle des Etats Unis consiste à accroître leur indépendance à l’égard des importations d’hydrocarbures. Par le déploiement à grande échelle des pétroles et gaz de schistes, ce pays, traditionnellement importateur d’or noir, est devenu l’un des principaux producteurs de la planète et a entraîné un bouleversement des marchés mondiaux. L’AIE estime, dans son rapport annuel prospectif, qu’ils talonneront l’Arabie Saoudite sur les marchés mondiaux en 2021. • Les gains et pertes des pays sont inégaux : Comme l’illustre la partie I, l’ampleur et la répartition des impacts est hétérogène sur la planète. Les îles sont directement menacées de disparaître sous le niveau des océans, les réserves d’eau s’épuisent en Afrique, les sols deviennent arides et impropres à la culture dans plusieurs régions du monde, etc. I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 23DYNAMIQUEDESPOLITIQUESINTERNATIONALES:SOUSL’ANGLEDELATHÉORIEDESJEUX
  • 24. Le degré d’impact varie considérablement d’une région à une autre, allant de l’inondation fréquente à l'inhabitabilité du territoire. Dans le cas d’une probabilité de perte de 90%, il est rationnel d’investir, ce qui ne serait pas le cas si la probabilité de perte était de 50% ou de 10%. En ces circonstances, le besoin imminent de collaboration se fait sentir pour certains pays qui sont prêts à tout pour conserver leur territoire. • La durée de la partie est inconnue : L’homme ne connaît pas les limites réelles de la planète. Ainsi, les Etats ne savent pas combien de temps ils résisteront aux impacts ni s’ils s’adapteront à long terme. En revanche, ils peuvent hiérarchiser les pays par degré de criticité, ce qui conforte certains dans leur position dominante. D’un point de vue expérimental, il a été observé que la stratégie de coopération pouvait être adoptée par les joueurs, mais qu’à mesure de répétition du jeu, le taux de coopération chutait progressivement. Cela s’explique par une tendance à préférer le présent au futur qui confère une garantie de résultats. Le système français en est un parfait exemple : les mandats politiques sont courts (5 ans) avec une exigence de résultats forte. En économie, l’actualisation de la monnaie en est la preuve : « c’est une conséquence du jugement de valeur emprunté à l’économie du bien-être sur lequel repose l’Analyse Coût- Bénéfice. Aussi longtemps que les individus continueront à préférer le présent au futur, ce jugement de valeur devrait logiquement s’appliquer à la dimension temporelle. » Ce que les travaux des chercheurs des instituts Max Planck de biologie évolutive et de météorologie ont mis en évidence est que les Etats doivent être convaincus des conséquences dramatiques que l’on peut attendre du changement climatique si l’on veut tendre vers l’optimum de Pareto (qui est l’intérêt commun). Les pays ne s’engageront pour la protection collective seulement s’ils redoutent avec certitude des inconvénients personnels. Cela implique que les intérêts personnels des pays doivent converger avec les intérêts collectifs. Axelle DE CADIER Sources: [1] “Le dilemme du prisonnier. Association des Université Numériques en Economie et Eestion (AUNEGE). Emmanuel PETIT. [2] “Versunepolitiqueduclimatréalisteetefficace:àlalumièredelathéoriedesjeux.FrédéricBABONNEAU,AlainHAURIE,MarcVIELLE. [3] L'accord de Paris : un passager clandestin nommé Trump. Christian DE PERTHUIS. [4] Comprendre la théorie des jeux ( pour mieux analyser le monde) Institut PANDORE I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 24 DYNAMIQUE DES POLITIQUES INTERNATIONALES: SOUS L’ANGLE DE LA THÉORIE DES JEUX
  • 25. Global Energy Interconnexion L’expansion chinoise dans le transport d’électricité L a Chine tend depuis plusieurs années à redevenir la première puissance mon- diale et rien ne semble pouvoir l’en empêcher. Liu Zhenya, président de la State Grid Corporation of China (SGCC), la société de transport d’électricité chinoise, a déclaré en 2016 : « In overseas acquisitions, money is not a problem for SGCC » (Traduction : Dans les acquisitions à l’étranger, l’argent n’est pas un problème pour SGCC) . Ces propos démontrent bien l’ambition démesurée de la Chine pour être leader dans le transport d’électricité et que seuls des aléas techniques pourraient stopper sa montée en puissance. Cette dynamique s’inscrit dans le projet Global Energy Interconnexion. Un projet à grande échelle Le projet GEI est porté par une organisation nommée Global Energy Interconnexion Development and Coorporation Organization (GEIDCO). Cette organ- isation a été créée à l’initiative de l’entreprise SGCC en 2015. GEIDCO est un groupement mondial représenté par 600 personnes venant de 85 pays différents avec une majorité de représent- ant chinois (414 personnes), soit 68% du total. L’organisation est donc majoritairement dirigée par la Chine et l’entreprise SGCC. Le Global Energy Interconnexion (GEI) a pour la première fois été mis en avant par le président chinois Xi Jinping lors du sommet des Nations Unies sur le développement durable en 2015. Il a ensuite été présenté à nouveau lors de la con- férence internationale sur l’interconnexion éner- gétique mondiale en 2016, lors la 35ème Cera Week la même année puis à Harvard en 2018. Le président de SGCC estime que le développe- ment mondial de l’énergie est confronté à trois défis majeurs qu’il souhaite relever dans un projet appelé Global Energy Interconnexion (GEI) : • La quantité limitée des ressources • La pollution environnementale Réseau électrique mondial imaginé par GEIDCO (source : GEIDCO) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 25GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
  • 26. • Les changements climatiques Le GEI est un système d’énergie moderne centré sur l’électricité produite à partir de sources renouvelables qui est interconnecté à l’échelle mondiale. L’objectif est de construire ce réseau conjointement avec tous les pays et il se veut avantageux pour tous. Le GEI serait à terme une plate-forme pour le développement, le transport et la consomma- tion à grande échelle de ressources énergé- tiques propres dans le monde entier. GEIDCO résume son projet à une équation : GEI=Smart Grid+Lignes UHT+énergie Propre Avec : Smart Grid Le projet GEI intègre des technologies mod- ernes intelligentes de transmission de puis- sance, d’exploitation et de contrôles intelli- gents, d’intégration des énergies renouvelables et de stockage d’énergie nouvelle. Doté d’une grande flexibilité et adaptabilité, le réseau serait en mesure d’intégrer diverses sources d’énergie propre centralisées et distribuées, ainsi que de fournir des services interactifs intelligents. Lignes UHT Le réseau UHT proposé dans le projet GEI est principalement composé de réseaux de trans- port de ±800 kV à ±1100 kV. Les réseaux UHT apportent des avantages significatifs pour un développement du réseau électrique à l’échelle mondiale : longues distances, capacité impor- tante, rendement élevé, faible perte de ligne, utilisation moindre du sol et sécurité élevée. En tant que réseau fédérateur du projet GEI, il permet le transport de l’électricité dans le monde entier, couvrant toutes les principales bases d’énergie propre et les centres de charge. Le plan de développement du projet GEI s’appuie sur un quadrillage planétaire Nord-Sud et Est- Ouest de 18 lignes UHT. Ces lignes transport- eraient l’électricité entre pays et continents et connecteraient les sources d’énergies vertes aux lieux de consommations. Au total, le GEI s’étendrait sur 177 000 Kilomètres. énergie Propre Les énergies propres que le projet GEI souhaite utiliser s’appuie sur l’hydraulique, l’éolien, le solaire, le nucléaire, l’énergie des océans et la biomasse. Les points de production seront situés dans les zones où le potentiel renouv- elable d’une ressource est le plus important. Les fermes éoliennes seraient principalement situées au niveau des pôles et les zones fermes solaires au niveau de l’équateur. L’objectif serait de mutualiser les ressources de plus- ieurs pays afin d’entrainer une diminution de la pollution. Les études réalisées par GEIDCO estiment que les énergies renouvelables cou- vriraient 81% du total de l’énergie mondiale produite. Le plan de développement du projet GEI Pour ce faire, le plan de développement du GEI comporte trois grandes étapes qui s’étalent sur une période de 50 ans, à savoir : • 2035 : une interconnexion transnationale. Chaque pays aurait un réseau national dével- oppé, efficient, tous les réseaux étant reliés I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 26 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
  • 27. entre eux au niveau du continent. L’Asie, l’Europe et l’Afrique prendraient l’initiative de coupler leurs réseaux formant ainsi cinq réseaux horizontaux et cinq réseaux verti- caux, pour un flux total de installé de 280 GW. • 2050 : une interconnexion transcontinen- tale. Les interconnexions entre l’Afrique, l’Eurasie et l’Amérique seraient bâties afin de former sept réseaux horizontaux et sept réseaux verticaux. Le flux de capacité estimé serait de 720 GW. • 2070 : une interconnexion internationale. Le réseau passant par l’Arctique sera mis en place formant un paysage énergétique mondial avec neuf réseaux horizontaux et neuf réseaux verticaux connectant les cinq continents. Les flux de capacité estimé seraient de l’ordre de 1.25 TW. Le coût du développement Le coût de développement total du projet est estimé à 38 000 milliards de dollars. La répar- tition serait la suivante : 27 000 milliards de dollars pour la génération d’électricité et 11 000 milliards de dollars pour l’investissement dans le réseau électrique . Un projet réalisable ? Le projet GEI semble utopique et impossible, que ce soit d’un point de vue technique, économique ou géopolitique. Techniquement, les distances des lignes UHT à réaliser sont gigantesques, économiquement, le montant estimé est « fara- mineux » et géopolitiquement, les tensions entre les pays concernés semblent prépondérantes. Cependant, au vu de la force de frappe de la Chine et de sa société SGCC, rien ne semble impossible. Ce projet pose aussi des questions de sécurité et de dépendance énergétique des pays dans lesquels la Chine investit massivement. Le pré- sident de SGCC considère que malgré ces pro- blèmes qui sont les sources de vulnérabilité globale du projet, ils finiraient par être sur- montés en vertu des nécessités auxquelles le monde sera bientôt confronté. Les investissements chinois dans les réseaux électriques sont conséquents depuis plusieurs années sur tous les continents. La suite de l’article présente les projets d’investissements chinois et d’interconnexions en Europe. Investissements massifs dans les réseaux de transport d’électricité en Europe Le secteur de l’énergie est dorénavant devenu une priorité pour le gouvernement et les indus- triels chinois et représente une des parts les plus importantes de leurs investissements. En 2017, le gouvernement chinois a fortement aiguillé les investissements vers le secteur de l’énergie, des minéraux et des nouvelles technologies. Depuis 2012, SGCC a investi dans les réseaux portugais, italien et grec, ce qui lui permet de siéger aux conseils d’administration de ces entreprises. Ces pays connaissent des situa- tions économiques difficiles et ne peuvent se passer des fonds apportés par la Chine. Avec ces investissements, la Chine fait d’une pierre deux coups : • Elle profite de la rentabilité des réseaux é l e c t r i q u e s . C o m m e l ’ é v o q u e J a c q u e s Percebois : « Les Chinois ont compris que les réseaux, ça rapporte, il s’agit de revenus régulés, et donc très stables ». I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 27GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
  • 28. • L a C h i n e e n p r o f i t e é g a l e m e n t p o u r s’immiscer au sein des réseaux de trans- port d’électricité des pays européens afin de proposer sa vision du réseau de demain, à savoir le GEI. Les pays dans lesquels la Chine a réussi ses investissements dans les groupes énergétiques sont le Portugal, l’Italie, la Grèce, le Royaume Uni, le Danemark, la Norvège, les pays d’Europe centrale et orientale ainsi que les Balkans. A con- trario, des pays comme la France, l’Allemagne ou la Belgique ont interdit aux entreprises chi- noises d’investir dans leurs capitaux afin de pro- téger leur indépendance énergétique. Les pays européens n’ont pas tout de suite pris conscience du danger que pouvait représenter les investissements chinois dans ce domaine, aboutissant à une dépendance énergétique chinoise. Aujourd’hui, les décisions finales d’investissements étrangers sont prises par les Etats eux-mêmes et aucun autre pays n’est en mesure de bloquer un rachat. Afin de limiter ces entrées de capitaux étrangers, la France et l’Allemagne souhaitent obtenir de Bruxelles un système européen de surveillance des inves- tissements étrangers. Suite à ces récents investissements chinois en Europe, le GEI ne semble plus être une utopie, mais un réseau qui pourrait bien se constru- ire très rapidement. En 2017, la Commission Européenne a publié un rapport qui se penche sur l’interconnexion électrique Chine-Europe au moyen de ligne UHT. Elle envisage l’utilisation de ce type de ligne compte tenu des longues dis- tances à parcourir, soit environ 7500 km entre la France et le centre de la Chine. L’interconnexion serait assurée par une ligne UHT principale de 1100 kV d’une capacité de 12 GW à laquelle serait reliées plusieurs lignes secondaires qui alimenteraient la ligne principale en électric- ité issue de sources renouvelables. La Commission Européenne a imaginé trois voies possibles pour le passage de la ligne principale (ANNEXE 1). Le tableau ci-dessous présentes les caractéristiques, les avantages, les inconvénients et les coûts de chacune des voies imaginées. Investissements chinois par secteur d’activité en Europe depuis 2008 en milliards de dollars (source : Le Monde) Prises de participation de groupes dans des entreprises énergétiques en Europe (source : Le Monde) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 28 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
  • 29. L’estimation des coûts a été réalisée en consi- dérant que le coût de construction d’un kilo- mètre de ligne UHT était de l’ordre de 1,8 à 2 millions d’euros, hormis pour les segments sous-marins, estimés trois à quatre fois plus chers. Le projet prend aussi en considération le fait que chaque pays souhaite installer des stations de conversion afin de soutirer et d’injecter sa propre électricité. Il faut donc en installer une par pays pour un coût unitaire d’environ 350 à 400 millions d’euros. Route du Nord Route du milieu Route du Sud Pays traver- sés • Chine • Kazakhstan • Russie • Ukraine • Pologne • Chine • Kazakhstan • Ouzbékistan • Turkménistan • Géorgie • Roumanie • Hongrie • Chine • Bengladesh • Inde • Pakistan • Afghanistan • Iran • Turquie • Bulgarie • Hongrie Longueur 5600 km 6500 km 8600 km Avantages • Peu de pays traversés • Facilité d’intégration des EnR • Terrain favorable (plat) • Infrastructures de trans- port existantes déjà existantes (routes) • Riche en EnR • Evite les zones de conflits • Possibilité de reprendre des lignes UHT déjà exis- tantes en Chine et Inde • Riche en EnR • Forte densité de popu- lation dans les zones de passage de la ligne Inconvé- nients • Zone de conflit entre la Russie et l’Ukraine • Traverse beaucoup de pays • Traverse des mers (aug- mente les coûts) • Traverse beaucoup de pays • Différents environne- ments naturels et clima- tiques • Conflit en Afghanistan Coûts • Station de conversion : 4 à 5 milliards € • Lignes UHT : 11 milliards € • TOTAL : 16 milliards € • Station de conversion : 6 à 8 milliards € • Lignes UHT : 10 milliards € • Segments sous-marins : 5 à 6 milliards € • TOTAL : 24 milliards € • Station de conversion : 7.5 à 9 milliards € • Lignes UHT : 17 milliards € • TOTAL : 26 milliards € Synthèses des trois voies différentes suggérées par la Commission Européenne (source : Commission Européenne) I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 29GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION
  • 30. Chaque route a ses avantages et ses incon- vénients. L’objectif est de maximiser la pro- duction électrique avec les énergies renouv- elables et les échanges entre pays. La route devra traverser le moins de pays pour éviter les demandes de permis de construire et les différentes réglementations propres à chaque pays. Les désavantages liés à l’environnement sont compensables par une augmentation des coûts de construction. L’inconvénient majeur à surmonter semble être les zones de conflit. Afin que la ligne de transmission soit efficiente et sécurisée, la Chine a tout intérêt à conclure des alliances avec les pays traversés par la ligne. Avec ce rapport, l’Europe réalise que la Chine a les moyens d’installer une ligne de trans- port d’électricité très longue distance. Si elle ne veut pas tomber sous la dépendance éner- gétique chinoise, elle doit se protéger des investissements chinois dans les entreprises énergétiques européennes. En 2015, l’UE a proposé le projet d’« Union de l’énergie » afin de définir une politique énergétique cohér- ente des états membres en visant à sécuriser l’approvisionnement énergétique. A terme, elle souhaite développer un « super-grid » européen associant 34 pays, donc plus que l’UE . La Chine en fera-t-elle partie dans les années à venir ? Côme Gendron Sources: [1] C.-J. Yang, Energy Policy in China. Taylor Francis, 2017. [2] S. G. C. of China (SGCC), « La Conférence internationale 2016 sur l’interconnexion énergétique mondiale ouvre ses portes à Pékin ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.prnewswire.com/fr/communiques-de-presse/la-conference-internationale-2016-sur- linterconnexion-energetique-mondiale-ouvre-ses-portes-a-pekin-573990871.html. [Consulté le: 27-déc-2019]. [3] « Development Strategy - Global Energy Interconnection Development and Cooperation Organization | GEIDCO ». [En ligne]. Disponible sur: https://en.geidco.org/aboutgei/strategy/. [Consulté le: 27-déc-2019]. [4] « Breakthroughs made in global energy interconnection development - Xinhua | English.news.cn ». [En ligne]. Disponible sur: http://www.xinhuanet.com/english/2018-03/28/c_137072515.htm. [Consulté le: 27-déc-2019]. [5] Le Monde, « La Chine achète l’Europe de l’énergie », 30-août-2018. [6] Ardelean M. et Minnebo P., « A China-EU electricity transmission link », 2017. [7] « Commission européenne : les interconnexions électriques | Planète Énergies ». [En ligne]. Disponible sur: https://www. planete-energies.com/fr/medias/decryptages/interconnexions-electriques-les-objectifs-de-la-commission-europeenne. [Consulté le: 27-déc-2019]. I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 2 0 30 GLOBAL ENERGY INTERCONNEXION