En ce milieu de mois de juillet, la plupart des élèves du Mastère OSE ont pu regagner le lieu de leur stage, revoir (ou même découvrir pour certains) leurs collègues de travail, et ainsi partir sur de bonnes bases pour les trois derniers mois précédant la remise des diplômes.
C’est donc avec plaisir que nous vous proposons, depuis le lieu de nos missions professionnelles respectives, un numéro spécial de l’inf’OSE couvrant les mois de juin et de juillet.
1. Mensuel sur l’énergie et l’environnement
S
Juin - Juillet 2020 N°154
L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE
OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
page: 7
POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR
POPULAIRE ?
page: 12
LE BATTERY SWAPPING
page: 18
VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
page: 21
LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT
page: 27
INTERVIEW DE STÉPHANIE BOUCKAERT (AIE)
page: 29
2. Chères lectrices, chers lecteurs,
En ce milieu de mois de juillet, la plupart des
élèves du Mastère OSE ont pu regagner le lieu
de leur stage, revoir (ou même découvrir pour
certains) leurs collègues de travail, et ainsi
partir sur de bonnes bases pour les trois der-
niers mois précédant la remise des diplômes.
C’est donc avec plaisir que nous vous pro-
posons, depuis le lieu de nos missions pro-
fessionnelles respectives, un numéro spécial de l’inf’OSE cou-
vrant les mois de juin et de juillet.
Ce sera l’occasion de revenir sur la fermeture de la dernière
tranche de la centrale nucléaire de Fessenheim, suivie dans
la foulée par l’ouverture non loin de la nouvelle centrale alle-
mande… au charbon. Concernant les marchés pétroliers, après
un article consacré aux baisses du cours de l’or noir courant
mai, l’heure est au bilan pour les professionnels du pétrole
et du gaz de schiste, lequel s’annonce particulièrement amer.
Nous reviendrons aussi sur l’exercice inédit de la convention
citoyenne sur le climat dont le rapport a été rendu public le
18 juin, et suite auquel le gouvernement s’est engagé à rap-
idement mettre en œuvre 146 des 149 propositions.
Du côté des énergies renouvelables, nous explorerons la tech-
nologie du repowering des parcs éoliens, ainsi que la tech-
nologie du battery swapping, absente en Europe mais qui est
en train de donner une nouvelle dimension à la mobilité élec-
trique chinoise.
En France, la thématique du gaz pour la transition énergétique
sera à l’honneur, et nous reviendrons sur un dossier qui est peut
être resté dans la mémoire de nos lecteurs : le dossier Voltalis.
Avec le déploiement prochain de 150 000 boitiers d’effacement
diffus par l’entreprise, c’est le moment de faire le point sur
cette technologie prometteuse marquée par les polémiques
depuis plus de dix ans.
Nous conclurons ce numéro par une interview de Stéphanie
Bouckaert, qui nous a fait le plaisir de nous éclairer sur son
activité de prospective au sein de l’AIE.
En attendant de se retrouver fin août/début septembre pour
un ultime tour d’horizon de l’actualité énergétique avec le
dernier numéro produit par la promotion OSE 2019, l’équipe
des rédacteurs en chef vous souhaite une agréable lecture
ainsi que de bonnes vacances, nous n’en doutons pas ample-
ment méritées !
Victor MAQUART
2 EDITO
ADRESSE E-MAIL
infose@mastere-ose.fr
TELEPHONE
04 97 15 70 73
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Maquettiste - Younes Baghdad
Toute reproduction, représentation, traduction
ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle,
quel qu’en soit le procèdé, le support ou le
média, est strictement interdite sans l’autori-
sation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
CONTACTS
3. SOMMAIRE
Actualités Juin - Juillet 20204
Repowering éolien 4
Chassé-croisé des deux côtés du Rhin 5
La fracturation hydraulique et le ralentissement
économique6
L’exploitation pétrolière offshore face
au prix du baril 7
Pourquoi le gaz devrait-il devenir popu-
laire ? 12
Le battery swapping18
VOLTALIS : à nouveau sous les feux
médiatiques 21
La Convention citoyenne pour
le climat27
Africa Energy Outlook 2019
Interview de Stéphanie BOUCKAERT (AIE) 29
3SOMMAIRE
4. Sources :
[1] C. Juppin, « Un cimetière à pales d’éolienne aux États-Unis », Pôle Technologique Sud Champagne, juill. 18, 2020. https://
poletechno52.fr/Un-cimetiere-a-pales-d-eolienne-aux-Etats-Unis.html (consulté le juill. 18, 2020).
[2] B. Deboyser, « Le repowering éolien », Révolution Énergétique. https://www.revolution-energetique.com/dossiers/le-repow-
ering-eolien/ (consulté le juill. 18, 2020).
[3] « Les principales technologies éoliennes », Journal de l’éolien - Tout sur l’éolien. http://www.journal-eolien.org/tout-sur-l-
eolien/les-principales-technologies-eoliennes/ (consulté le juill. 18, 2020).
[4] B. Claessens, « La spectaculaire évolution technologique des éoliennes », Révolution Énergétique, mai 09, 2018. https://
www.revolution-energetique.com/spectaculaire-evolution-technologique-des-eoliennes/ (consulté le juill. 18, 2020)
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
4 ACTUALITÉS JUIN - JUILLET 2020
Repowering éolien
M
algré l’engouement pour l’éolien Off-Shore, l’éolien terrestre n’est pas en reste grâce à
de nombreux projets de repowering des parcs existants. En effet, la technologie éolienne
s’est beaucoup améliorée en termes d’efficacité encombrement/puissance, mais aussi
dans sa capacité à fonctionner sur des plages d’utilisations plus larges (augmentation du facteur
de charge). On estime que la capacité de production d’énergie à taille égale a été multipliée par
3 en 20 ans. EDF Renouvelables estime que 1600 éoliennes seront potentiellement remplaçables
en Allemagne entre 2021 et 2026. En France, on peut citer l’exemple du parc de Cham Longe qui
est composé de 14 turbines situées à 1500m d’altitude et totalisant une puissance 22,6 MW. Cette
installation a l’inconvénient d’être sujette au gel en hiver. Boralex, exploitant du parc de Cham
Longe, a donc décidé de renouveler l’installation par 12 éoliennes de nouvelles générations, 15m
plus imposantes et dotées d’une technologie de chauffage leur permettant de continuer à fonc-
tionner en hiver. Ce repowering portera la puissance du site à 39,95MW et devrait accroitre la pro-
duction de 80%. Concernant les éoliennes démantelées, elles seront révisées et envoyées sur des
sites plus propices à leur utilisation en Espagne.
Ces projets vont se multiplier, ce qui aura pour impact d’accroitre la puissance disponible sans
augmenter la surface occupée au sol. Ils permettront également de diminuer les interventions de
maintenance et donc les coûts d’utilisation, mais aussi d’accroître le confort des riverains car les
nouvelles éoliennes (2019/2020) sont 20% plus silencieuses (1 à 3 dB) que les anciennes.
Reste à développer des filières de revalorisation des éoliennes démantelées pour ne pas suivre la
voie des USA qui enterrent leurs vieilles éoliennes dans le sol…
Actualités Juin - Juillet 2020
Antonin PIERRE DE LA BRIERE Arthur OBRY
5. Sources :
[1] Euronews, « L’Allemagne annonce la fin de l’exploitation du charbon d’ici 2038 », janv. 2020.
[2] Connaissances des Énergies, « Datteln 4, une nouvelle centrale au charbon dans le paysage électrique allemand », juin
2020. https://www.connaissancedesenergies.org/datteln-4-une-nouvelle-centrale-au-charbon-dans-le-paysage-allemand-200603.
[3] Maxence Cordiez, « Fermeture de Fessenheim : pour le climat on repassera... », févr. 2020, [En ligne]. Disponible sur:
https://www.sfen.org/rgn/fermeture-fessenheim-climat-repassera.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
5ACTUALITÉS JUIN - JUILLET 2020
Chassé-croisé des deux côtés du Rhin
E
n janvier dernier, l’Allemagne annonçait une sortie du charbon prévue pour 2038 [1]. Six
mois plus tard, c’est avec étonnement que l’on observe la mise en service de la nouvelle
centrale thermique Datteln 4.
La centrale électrique, d’une puissance de 1100 MW, est un projet de long terme qui devait ini-
tialement démarrer en 2011 [2]. Cette installation se différentie notamment par son rendement
net élevé, supérieur à 45%. Par ailleurs, elle permet d’alimenter en chaleur environ 100.000
foyers et autres bâtiments avoisinant grâce à son unité de cogénération.
La mise en service de
cette unité de produc-
tion est évidemment à
mettre en perspective
avec l’arrêt du deux -
ième réacteur de la cen-
t r a l e n u c l é a i r e f r a n -
çaise de Fessenheim le
30 juin dernier, ces deux
dernières étant distan-
tes d’environ 500 kilo-
mètres. La fermeture de
Fesseinheim, suite à l’alliance proposée par François Hollande au parti Europe Écologie-Les Verts
lors de la campagne présidentielle de 2012, a suscité de nombreux débats ces derniers jours.
Les arguments majeurs avancés par les différents acteurs politiques et militants anti-nuclé-
aires justifiant la fermeture de Fessenheim concernent son âge (43 ans, la plus ancienne des
centrales nucléaires) et son positionnement dans une zone sismique inondable. À l’opposé, de
nombreuses personnes se sont ouvertement opposées à cette décision politique, notamment
dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, certaines estimations
font état d’un surplus d’émissions évalué entre 6 à 10 millions de tonnes équivalent CO2 par
an, toutes choses étant égales par ailleurs [3].
Source : Connaissances des Énergies
6. Sources :
[1] « Pétrole Brent, Cours Pétrole Brent BRN - Prix, Cotation, Bourse Ice Europ - Boursorama ». https://www.boursorama.com/
bourse/matieres-premieres/cours/8xBRN/ (consulté le juill. 18, 2020).
[2] « Gaz naturel, Cours Gaz Naturel NG - Prix, Cotation, Bourse NYMEX - Boursorama ». https://www.boursorama.com/
bourse/matieres-premieres/cours/_NG/ (consulté le juill. 18, 2020).
[3] « Gaz de schiste — Wikipédia ». Consulté le: juill. 18, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/
Gaz_de_schiste#Aspects_micro-%C3%A9conomiques_-_Rentabilit%C3%A9_des_extractions.
SMensuel sur l’énergie et l’environnement
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
6 ACTUALITÉS JUIN - JUILLET 2020
La fracturation hydraulique et le ralentissement économique
L
a crise du COVID-19 n’aura épargné personne et notamment pas le secteur du pétrole et du
gaz de schiste. La fracturation hydraulique est une technique d’extraction coûteuse qui, pour
être économiquement viable, nécessite des prix compris entre 60$ et 90$ par baril de pétrole
et d’environ 3$ pour le gaz. Le ralentissement économique et les tensions sur les quotas de pro-
duction entre la Russie et l’Arabie-Saoudite ont provoqué la chute des cours du baril de 60$ à 20$
pour le pétrole et une baisse de 2$ à 1,7$ pour le gaz naturel. Dans ce contexte, plus de 18 entre-
prises du secteur ont fait faillite à travers le monde, dont la compagnie Chesapeake qui était la
deuxième société mondiale d’extraction de gaz de schiste. Celle-ci laisse derrière elle une dette
de 12 milliards de dollars et plus de 2000 personnes au chômage. La crise du COVID-19 n’étant pas
encore maitrisée, d’autres faillites sont à craindre.
Rappelons que le secteur du pétrole et du gaz de schiste est en plein boom aux USA depuis la
découverte des gisements de Marcellus pour le gaz et de Eagle Ford pour le pétrole. La technol-
ogie de la fracturation hydraulique a permis aux USA de devenir le premier producteur mondial.
Néanmoins, elle est responsable de la pollution des sols et des nappes phréatiques, mais égale-
ment de la fragilisation des sols et des sous-sols, ce qui aurait pour effet de provoquer des séismes
et des affaissements.
7. L
a survie des industries pétrolières
mondiales dépend majoritairement
du prix du baril du pétrole qui est
responsable des évolutions majeures de
cette industrie et influence grandement
le mix énergétique des pays.
Bien que le prix du pétrole soit plus ou
moins le même à travers le monde, son
coût de production est bien différent d’un
pays à l’autre et dépend fortement de la
méthode d’extraction.
La figure ci-contre montre le coût de pro-
duction d’un baril de pétrole en fonc-
tion du nombre de barils produits par
jour. Le prix du pétrole augmente glo-
balement de manière linéaire avant d’atteindre
une ligne presque verticale due à la saturation
de la capacité de production du pays. En effet,
entre l’extraction du pétrole dans un champ ter-
restre et son extraction de l’océan, les coûts
augmentent très rapidement. Cependant, le
facteur déterminant pour la quantité de pétrole
produite dans chaque pays est le prix du baril
sur le marché et les entreprises pétrolières con-
tinueront à produire tant que les coûts de pro-
duction seront inférieurs à celui-ci.
L’exploitation pétrolière offshore face
au prix du baril
Figure 1 : Coût marginal de production de pétrole par pays
en fonction du nombre de barils produit [1]
Figure 2 : Prix du baril de pétrole entre 1970 et 2020 [2]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
7L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
8. Quand le prix du pétrole augmente, les entre-
prises cherchent à produire plus de pétrole
même à coût plus élevé, ce qui fut souvent
le cas lors des 50 dernières années. En effet,
le prix du baril a augmenté (avec des points
hauts et des points bas) de 20 $ en 1973 jusqu’à
atteindre un pic de plus de 140 $ en 2008. C’est
cette augmentation qui a déclenché le début de
l’exploitation pétrolière dans les océans.
Pourquoi chercher du pétrole dans les
océans ?
Selon l’IFPEN, presque 20% des réserves mondia-
les de pétrole se situent dans les fonds marins.
D’après l’AIE, plus de 27 millions de barils de
pétrole par jour (incluant tous les hydrocarbures
liquides) auraient été extraits en mer en 2015,
soit près de 29% de la production mondiale de
pétrole [3][4].
Malgré ses coûts élevés, l’offshore offre de
grandes zones d’accès aux nouvelles réserves
d’hydrocarbures, et puisque les réserves ter-
restres sont majoritairement exploitées par
les sociétés nationales des États producteurs
(comme en Arabie Saoudite ou en Russie), les
multinationales pétrolières ont réalisé la plupart
de leurs grandes découvertes récentes dans les
milieux marins. [5]
Un peu d’histoire
Selon les historiens du comté de Mercer aux
États-Unis, des puits de pétrole offshore ont été
forés sur le Grand Lake St. Marys dans l’Ohio
dès les années 1890. En Californie, des puits de
pétrole offshore ont été forés à partir de jetées
dès 1896 à Summerland dans le comté de Santa
Barbara [6].
Dans le golfe du Mexique, une plate-forme de
forage Kerr-McGee, la Kermac Rig No. 16, est
devenue en 1947 la première plate-forme off-
shore qui était hors de vue de la terre. À la
fin de 1949, l’industrie offshore du golfe avait
découver t 11 champs de pétrole et de gaz
naturel. Construite dans un chantier naval de
la Nouvelle-Orléans, la plateforme de forage par
barge M. Charlie est devenue en 1954 la pre-
mière unité mobile de forage en mer (MODU) au
monde [6].
F o n c t i o n n e m e n t t e c h n i q u e d e
l’exploration offshore
Il existe de nombreux types de plateformes pour
les activités de forage offshore mais qui peuvent
être divisées en deux grandes catégories. Il y a
tout d’abord les plateformes fixes pour les eaux
peu profondes ( 300m), qui s’appuient sur le
fond et peuvent donc être reliées de façon rigide
aux têtes de puits et aux pipelines. La deuxième
catégorie consiste en des plateformes semi-sub-
mersibles flottantes et des navires de forage
capables d’opérer dans des eaux très profondes
( 300m). Pour cette catégorie de plateformes,
les installations de tête de puits sont reliées à
la structure par des conduites flexibles [7].
Avant l’installation des plateformes et le début
du forage, le processus de l’exploration offshore
passe par plusieurs étapes [5] :
La recherche sismique de gisements : des navires
sismiques permettent de récupérer les informa-
tions nécessaires afin d’identifier la forme des
différentes couches géologiques, la nature des
roches, leur porosité, ainsi que le fluide qu’ils
contiennent
La phase d’exploration : après la détection d’un
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
8 L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
9. gisement, une plateforme flottante est mise
en place afin de vérifier s’il y a suffisam-
ment d’hydrocarbures dans le réservoir pour
entamer son exploitation. Si le gisement est
estimé rentable, une plateforme de produc-
tion ou d’exploitation est construite à terre et
remorquée sur le site.
La phase d’exploitation :
l’assemblage de la plateforme
est réalisé sur la terre ferme;
la structure est ensuite trans-
portée sur des barges géantes
jusqu’au site. Des tubes per-
met t ant de remonter le s
hydrocarbures sont raccor-
dés aux forages et les débits
sont contrôlés grâce à une
série des vannes. Après des
années d’exploitation, la pres-
sion dans le réservoir com-
mence à diminuer, un liquide
(souvent de l’eau) est injecté
afin de remonter les hydro-
carbures restants et terminer
l’exploitation.
Contraintes financières
Le forage en mer, qu’il soit opéré à l’aide de
navires, de plateformes fixes ou mobiles, coûte
plusieurs fois le prix des forages à terre. Le coût
de construction d’une plateforme varie selon
son type mais reste de l’ordre de cent millions
euros. Pour une plateforme fixe, le coût de con-
struction est entre 175 et 225 millions dollars, et
pour une plateforme mobile, le coût de construc-
tion est entre 500 et 700 millions dollars [8].
Les investissements initiaux représentent les
coûts les plus importants des projets pétroliers
offshore, c’est pour cela que cette filière est
majoritairement dominée par les multination-
ales pétrolières. Quant aux coûts opérationnels,
il varie selon le pays mais reste aux alentours
de 10 $/baril, comme le montre la figure ci-des-
sous [9].
À l’inverse, les coûts d’investissement dépen-
dent du type du projet (plateforme fixe ou
mobile, profondeur de l’eau, etc.). La figure
ci-après montre le seuil de rentabilité pour
quelques projets d’exploration offshore (com-
binant les Capex et les Opex) [10].
Lors de la première décennie du 21ème
siècle, le
prix du baril a fait de l’exploration offshore un
investissement très lucratif. Cependant, plu-
sieurs facteurs peuvent venir retourner cette
situation.
Dans le cas d’un désastre comme l’explosion
du « Deepwater Horizon », en plus des impacts
environnementaux qui ont touché plus d’une
Figure 3 : Coût marginal de production du baril pour différents pays
depuis 2010
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
9L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
10. centaine de kilomètres de plages et 12 hectares
de marais dans le golfe du Mexique, l’entreprise
BP estime que cet incident lui a coûté presque
65 milliards de dollars [11]. À la suite de cet
incident, une réflexion a été amorcée sur
l’adoption de nouvelles contraintes en matière
de sécurité sur les exploitations offshore, d’où
l’apparition de nouvelles normes plus strictes
qui ont contribué à l’augmentation des coûts
d’investissements de la filière [12]. Cela expli-
que que, depuis 2005, malgré l’augmentation de
la demande en pétrole, la production offshore a
plus ou moins stagné [13].
En outre, des politiques environnementales
comme la taxe carbone et l’augmentation de la
Figure 4 : Seuil de rentabilité en $/baril [10]
Figure 5 : Production pétrolière offshore en million barils par jour [13]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
10 L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
11. part des énergies renouvelables dans le mix
énergétique risquent de contribuer à la baisse
de la demande en pétrole et potentiellement à la
réduction du prix du baril. Dans ces conditions,
le pétrole offshore pourra-t-il conserver une
place dans le mix énergétique ?
Sources:
[1] Rystad Energy, « Cost of supply of Oil and Gas ». https://www.rystadenergy.com/globalassets/products/ep-solutions/ucube/
cost-of-supply-oil-gas.jpg?w=281h=211 (consulté le juin 25, 2020).
[2] « Crude Oil Prices - 70 Year Historical Chart ». https://www.macrotrends.net/1369/crude-oil-price-history-chart (consulté le
juin 25, 2020).
[3] « Forage et production offshore | IFPEN ». https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/innovation-et-industrie/nos-expertises/hydro-
carbures-responsables/forage-et-production-offshore (consulté le juin 25, 2020).
[4] « Offshore production nearly 30% of global crude oil output in 2015 - Today in Energy - U.S. Energy InformationAdministration
(EIA) ». https://www.eia.gov/todayinenergy/detail.php?id=28492 (consulté le juin 25, 2020).
[5] « Pétrole et gaz offshore : exploitation de gisements d’hydrocarbures », nov. 24, 2010. https://www.connaissancedesener-
gies.org/fiche-pedagogique/petrole-et-gaz-offshore (consulté le juin 25, 2020).
[6] « Offshore Oil History », American Oil Gas Historical Society. https://aoghs.org/offshore-oil-history/ (consulté le juin 25,
2020).
[7] « Plateformes pétrolières : définition, explications, fonctionnement », nov. 24, 2011. https://www.connaissancedesenergies.
org/fiche-pedagogique/plateformes-petrolieres (consulté le juin 25, 2020).
[8] « Reviewing rig construction cost factors », Offshore, juill. 2012. https://www.offshore-mag.com/business-briefs/equipment-
engineering/article/16760123/reviewing-rig-construction-cost-factors (consulté le juin 25, 2020).
[9] « Operational production costs have fallen globally, led by the United Kingdom ». https://www.rystadenergy.com/newsevents/
news/press-releases/operational-production-costs-have-fallen-globally/ (consulté le juin 25, 2020).
[10] « Offshore breakeven oil prices globally by company project 2018 », Statista. https://www.statista.com/statistics/984193/
breakeven-price-offshore-oil-globally-by-company-and-project/ (consulté le juin 25, 2020).
[11] « BP Deepwater Horizon costs balloon to $65 billion », Reuters, janv. 16, 2018.
[12] « Marée noire : BP va faire une nouvelle tentative », euronews, mai 24, 2010. https://fr.euronews.com/2010/05/24/maree-
noire-bp-va-faire-une-nouvelle-tentative (consulté le juin 25, 2020).
[13] « Offshore oil production in deepwater and ultra-deepwater is increasing - Today in Energy - U.S. Energy Information
Administration (EIA) ». https://www.eia.gov/todayinenergy/detail.php?id=28552 (consulté le juin 25, 2020).
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
11L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE OFFSHORE FACE AU PRIX DU BARIL
Abdelhamid AHAJJAM
12. Pourquoi le gaz devrait-il devenir
populaire ?
A
vec près de 500 TWh de consommation
annuelle en France, la demande en gaz
est aujourd’hui comparable à celle de
l’électricité. Majoritairement associée à un
besoin en chauffage, cette consommation est
caractérisée par une forte modulation entre
l’été et l’hiver.
À la pointe hivernale, la puissance appelée en
gaz est même supérieure à celle de l’électricité
: le pic de consommation date du 8 février 2012,
avec une puissance appelée en gaz de 159 GW,
alors qu’elle était de 102 GW en électricité [1].
Pourtant, le gaz est aujourd’hui peu présent
dans les débats publics sur la transition éner-
gétique, nuisant à la visibilité et crédibilité
des nouvelles filières de gaz renouvelables. Cet
article propose un aperçu du rôle du vecteur
gaz dans le mix énergétique français, de ses
atouts, pour finir par les potentiels de dével-
oppement des filières de gaz renouvelable.
1. La place du gaz dans le mix
énergétique français
L’analyse du mix énergétique actuel (cf
graphique ci-dessous) met en lumière trois élé-
ments majeurs, pris en compte pour la con-
struction de scénarios de la transition éner-
gétique :
• D’une part, la consommation énergétique
française varie d’un facteur 4 entre l’été et
l’hiver (ce que l’on nomme la thermo-sensibil-
ité). La complémentarité des énergies ainsi que
la flexibilité du réseau gazier sont de vérita-
bles leviers pour éviter le surdimensionnement
Figure 1 : Pointe de puissance hebdomadaire du mix énergétique français, sur la période du 1er avril
2017 au 31 mars 2018, en GW. (Source : [2])
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
12 POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
13. des réseaux et infrastructures.
• D’autre part, en période hivernale, la
puissance appelée1
se compose de 40% de gaz,
30% d’électricité, 15% de bois et réseaux de
chaleur, ainsi que 15% de fioul, charbon et
autres.
• Finalement, seulement 6% du mix éner-
gétique français provient des énergies renouv-
elables électriques.
Le gaz naturel étant l’énergie fossile la moins
polluante, son exclusion du mix énergétique à
l’horizon 2050 serait logiquement précédée par
celle du charbon, GPL, fioul, et autres éner-
gies fossiles du secteur industriel. Or, la sub-
stitution de ces énergies par l’électricité parait
impossible sans mettre en danger la sécurité
d’approvisionnement.
En effet, diversifier permet de minimiser les
risques : que ce soit en économie, en finance
ou en ingénierie, nous apprenons très tôt à
« ne pas mettre tous les œufs dans le même
panier ».
Par conséquent, une électrification massive
interroge non seulement sur la résilience/
robustesse du réseau et infrastructures asso-
ciées (variation de la demande, aléas clima-
tiques, congestion de ligne, cyber-attaque,
dégradations, etc.), mais également sur leur
dimensionnement : doit-on dimensionner
l’ensemble du parc électrique pour répon-
dre à la pointe hivernale ? Cela reviendrait à
surdimensionner le parc de production pour
couvrir une multitude de scénarios clima-
tiques, et donc à une utilisation très partielle
1 La puissance appelée est la grandeur physique per-
mettant de mesurer le besoin total en énergie.
de certaines installations. Peut-on dépendre
des pays frontaliers ? C’est une possibilité,
mais qui requiert des politiques industrielles
et gouvernementales stables et rigoureuses.
Bien que le stockage de l’électricité (STEP, bat-
teries, technologie révolutionnaire potentielle,
etc.) soit souvent présenté comme paramètre
clé pour palier l’intermittence de la produc-
tion et consommation du réseau électrique, il
ne peut à lui seul assurer la transition :
• Le développement massif de nouvelles
infrastructures de stockage aurait un impact
considérable sur notre environnement : les
espaces nécessaires aux installations, les
procédés de transformations de matériaux, les
circuits de refroidissement, l’aménagement des
sols pour le raccordement, les systèmes de
sécurité, technologies de communication, etc.
• Peu présent aujourd’hui, le parc de
stockage d’électricité2
serait entièrement à
construire. La maintenance et/ou le recyclage
d’infrastructures déjà existantes peut avoir un
impact écologique moindre, ce qui est un atout
indéniable.
• Un monopole électrique rend la France
plus vulnérable face aux aléas qui peuvent être
de différentes natures : sabotages, aléas cli-
matiques, cyber-attaques, champ électromag-
nétique, etc.
• Le dimensionnement des infrastructures
reste problématique : si le parc est « surdimen-
sionné » pour répondre aux heures de pointes
extrêmes, de nombreuses infrastructures feront
l’objet de maintenances et mesures de sécurité
2 Ici nous parlons d’un parc de stockage n’intégrant pas
les technologies de la filière gazière.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
13POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
14. pour n’être utilisées qu’une partie de l’année
(ce qui va à l’encontre de l’optimisation des sys-
tèmes). À l’inverse, dimensionner pour répon-
dre à la demande « moyenne » revient à faire
appel à d’autres énergies complémentaires,
d’autres pays, et/ou bien lisser la demande. Ne
retenir que cette dernière option reviendrait à
maitriser l’ensemble des usages énergétiques
de l’ensemble des secteurs d’activités… Elle
doit donc être utilisée en complément d’autres
leviers.
Le réseau électrique présente des atouts indéni-
ables pour une transition énergétique durable,
mais ne peut faire cavalier seul dans un envi-
ronnement géopolitiquement et écologiquement
complexe.
2. Les principaux atouts de la
filière gazière
Le réseau gazier présente de nombreux atouts,
dont les plus connus sont :
• Un stockage maîtrisé et à grande(s)
échelle(s) : le vecteur gaz est aujourd’hui le
seul vecteur énergétique qui peut se stocker
sur le long terme et pour des volumes impor-
tants. Cette flexibilité du réseau gazier est un
atout non négligeable, permettant de répon-
dre à la forte modulation de la consomma-
tion (à l’échelle journalière, mensuelle ou
encore saisonnière). Aujourd’hui, l’ensemble
des infrastructures sont existantes, maîtri-
sées, et économiquement viables. À terme, la
connexion des réseaux de gaz et d’électricité
par l’intermédiaire du Power to Gaz (P2G)
permettront de stocker l’électricité d’origine
renouvelable sur plusieurs mois.
• La capacité et la puissance des
infrastructures gazières, permettant de faire
face à toutes sortes d’aléas (climatiques, tech-
niques, etc.). À titre d’exemple : un termi-
nal méthanier peut faire varier ses émissions
de 50% en 2h seulement, une CCG (Centrale
Cogénération Gaz) peut démarrer en moins
d’une heure, et une TAG (Turbine à gaz) démarre
en moyenne en un peu moins de 30 min.
• La diversification de l’approvisionnement
en GAZ : le gaz peut être importé sous forme
liquéfiée (Gaz Naturel Liquéfié) par méthanier,
ou par gazoducs, obtenu par conversion d’un
autre vecteur énergétique via une technolo-
gie comme l’électrolyse, ou encore produite à
partir de déchets (les gaz renouvelables).
• La mobilité gaz, une option pour lutter
contre la pollution de l’air : selon l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), la pollution de
l’air (extérieure et intérieure) cause chaque
année 5,5 millions de décès prématurés dans
le monde. En France, le chiffre avoisine les
50 000 décès par an.
La mobilité gaz, qu’elle soit terrestre ou mari-
time, permettrait de lutter efficacement contre
cette pollution de l’air. Émettant une faible
quantité d’oxyde de soufre, d’oxyde d’azote
et de particules fines, et en réduisant celle
du CO2 de 25 %, le GNL (gaz naturel liqué-
fié) apparaît aujourd’hui comme le meilleur
moyen de répondre aux objectifs de réduction
des émissions fixés par l’Union européenne
et par l’Organisation maritime internationale
(OMI), dans le secteur maritime, vivement cri-
tiqué ces dernières années[3].
Le gaz est finalement une énergie pleine de
ressources. Bien que nous ayons à l’esprit
le gaz naturel (gazeux ou liquide), énergie
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
14 POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
15. fossile certes la moins polluante mais néan-
moins décriée à l’heure de la transition, il
existe pourtant de réelles solutions d’avenir
en matière de gaz renouvelables.
3. Les gaz renouvelables : un
potentiel prometteur, en adéquation
avec l’économie circulaire
Le développement des filières de gaz renouv-
e l a b l e s q u e s o n t l a M é t h a n i s a t i o n , l a
Pyrogazéification, le Power to Gas (P2G) -
Power to Methane (P2M), la Gazéification
Hydrothermale ou encore du Captage et
Stockage/Usage carbone (CCS ou CCU), sont en
totale adéquation avec les objectifs de neu-
tralité carbone et d’indépendance énergétique.
Leur développement aurait de multiples retom-
bées positives, en accord avec « le monde de
demain » :
La diminution des gaz à effet de serre :
- L’analyse du cycle de vie du biomé-
thane (ACV) estime que les émissions de CO2
sont divisées par 10 par rapport au gaz naturel,
pour chaque mégawattheure (MWh) de biomé-
thane produit, injecté et consommé pour une
valorisation chaleur [4].
- Dans les transports : près de 80% des
émissions de gaz à effet de serre sont évitées
grâce au BioGNV par rapport au diesel [4].
Un support au développement des terri-
toires et de l‘économie circulaire :
- La production locale et non-délocalis-
able de biométhane est un levier de dével-
oppement de l’économie circulaire (valorisation
énergétique de déchets co-produits locaux)
et un moyen de dynamiser l’emploi local
avec en moyenne 3 à 4 emplois par site pour
l’exploitation-maintenance[4].
- Les gisements étant majoritairement
situés en zones agricoles rurales alors que les
consommations de gaz se concentrent dans les
grands centres urbains, la production locale
permet de renouer les solidarités locales villes-
campagnes [4].
- À l’heure où le monde agricole rencon-
tre des difficultés, la production de biométhane
permet de pérenniser l’activité des exploita-
tions agricoles tout en répondant à une problé-
matique de gestion de leurs co-produits et en
contribuant au développement d’une agricul-
ture durable tournée vers la bioéconomie [4].
Un moyen de stockage et de valorisation
de l’électricité renouvelable intermittente
(Panneaux solaires, éolien, fil de l’eau,
etc):
Le procédé du Power to Gaz permet, par élec-
trolyse de l’eau, de convertir l’électricité
excédentaire (produite généralement en été)
en Hydrogène. L’hydrogène peut être stocké,
consommé pour la mobilité, ou encore trans-
formé en méthane via le procédé de méthana-
tion (Power to Methane). Ce procédé de con-
version permettrait de connecter les réseaux
d’électricité et de gaz, de manière à récupérer
l’électricité excédentaire pour la consommer
autrement ou plus tard.
Malgré ces avantages, les filières de gaz
renouvelable sont confrontées à la concurrence
à court-terme des énergies fossiles, ce qui nuit
à leur développement et visibilité publique.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
15POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
16. Pourtant, une étude de l’ADEME « Mix de gaz
100 % renouvelable en 2050 ? » démontre la
viabilité technique et économique du dével-
oppement de ces filières.
Cette étude identifie un potentiel théorique de
460 TWh3
de gaz renouvelables injectable dans
le réseau en France, sans concurrence avec les
besoins alimentaires ou de matières premières.
Ce potentiel est réparti entre la méthanisation
(30% du gisement), la pyrogazéification (40%)
et le Power to gas (30%).
D’un point de vue économique, un développe-
ment massif permettrait de rendre ces différ-
entes technologies compétitives : à l’horizon
2050, dans un contexte de neutralité carbone,
et/ou à court terme (2030), en présence
d’énergies fossiles, à condition d’intégrer dans
le modèle économique les coûts évités / gains
3 Pour rappel : la consommation de Gaz en France en
2019 est de l’ordre de 450 TWh, et 475 TWh pour l’électricité.
économiques et environnementaux.
L’étude réalisée par l’ADEME montre que : « Une
demande de gaz de 276 à 361 TWh en 2050 peut
être satisfaite par du gaz renouvelable pour un
coût global compris entre 116 et 153 €/MWh. Un
mix gaz 100% renouvelable permettrait d’éviter
les émissions directes d’environ 63 MtCO2/an,
ce qui représente 12,6 milliards d’euros pour
une valeur tutélaire du carbone de 200€/tonnes
de CO2 en 2050.
La France renforcerait son indépendance éner-
gétique et améliorerait sa balance commerciale.
Selon le scénario étudié, l’étude établit un coût
du gaz renouvelable compris entre 116 €/MWh
et 153 €/MWh, incluant le coût de production,
de stockage, d’utilisation et d’adaptation des
réseaux gaziers. Ces coûts sont comparables
aux 120 à 130€/ MWh évalués pour l’électricité
dans l’étude « Un mix électrique 100% renouv-
elable ? Analyses et optimisations (2015) »[5].
Figure 2 : Coûts de production des différentes filières en 2050, en fonction de la ressource globale mobilisée.
(Source : [8] )
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
16 POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
17. 4. À ce jour, quelle place le gaz
occupe-t-il dans la stratégie fran-
çaise pour la transition énergétique?
Malgré ses atouts, le gaz n’est pas très popu-
laire, et vit bien souvent dans l’ombre de son
allié, l’électricité.
Le projet de PPE (Programmation pluriannuelle
de l’énergie) 2023-2028 présenté fin janvier
2019, propose une part de 7 % de biogaz dans
le mix gaz en 2030. Un objectif nettement moins
ambitieux que les 10% de gaz vert dans le
réseau en 2028 (énoncé dans la Loi pour la
Transition Energétique et la Croissance Verte de
2015 (LTECV) ), ou encore les 22-30% qui per-
mettraient de rendre les filières compétitives
et favoriser leur développement.
« S’il y a autant de débat autour de cet objec-
tif, c’est que celui-ci traduit la confiance des
politiques dans la filière et calibrera ensuite
les mécanismes de soutiens.
Par exemple, la nouvelle PPE prévoit 55 milliards
d’euros pour les nouveaux projets d’électricité
verte d’ici 2028 contre 5,5 milliards pour la
filière du gaz vert.
Outre cette vision à 10 ans que donnera la PPE,
la filière gaz a besoin de connaitre les jalons
qui permettront d’atteindre en 2050 les 90%
de gaz renouvelables imposés par la neutral-
ité carbone.
L’enjeu pour la filière gaz est double : dévelop-
per la production de gaz renouvelable (biogaz,
méthanisation, hydrogène, etc.), ainsi que
développer le réseau de transport de gaz pour
raccorder les sites de production de biogaz »
[2].
En conclusion
La complémentarité des énergies est un véri-
table atout pour la transition énergétique. À
l’heure où nous tentons d’allier respect de
l’environnement, sécurité d’approvisionnement,
cohésion sociale et économie circulaire, nous
avons tout intérêt à mieux comprendre les
sources et vecteurs énergétiques, de manière
à coordonner leurs actions et limiter leurs
« effets indésirables ».
Sources:
[1] « Le gaz, une énergie et un vecteur énergétique incontournables pour une transition énergétique économique, solidaire et
respectueuse de l’environnement – Entretien avec Philippe Madiec, directeur Stratégie Régulation chez GRTgaz », EnergyStream, juill.
13, 2018. https://www.energystream-wavestone.com/2018/07/la-place-du-gaz-dans-le-mix-energetique-europeen-et-francais-entretien-
avec-philippe-madiec-directeur-strategie-regulation-chez-grtgaz
[2] « Quel avenir pour la filière gaz en France ? réflexions de Bertrand de SINGLY, délégué stratégie GRDF », EnergyStream,
juill. 08, 2019. https://www.energystream-wavestone.com/2019/07/quel-avenir-pour-la-filiere-gaz-en-france
[3] « Le gaz, une énergie au service de l’avenir », Gaz d’aujourd’hui, mars 21, 2017. https://www.gazdaujourdhui.fr/
le-gaz-au-service-de-la-transition-energetique
[4] « Panorama-du-gaz-renouvelable-2019.pdf ».GRTgaz http://www.grtgaz.com/fileadmin/plaquettes/fr/2020/Panorama-du-gaz-
renouvelable-2019.pdf.
[5] « Vers un gaz 100% renouvelable d’ici 2050 ? », Le Gaz. L’Énergie des Possibles. /vers-un-gaz-100-renouvelable-dici-2050
[6] ADEME, « Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050? synthèse de l’étude », 2018.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
17POURQUOI LE GAZ DEVRAIT-IL DEVENIR POPULAIRE ?
Axelle DE CADIER
18. M
algré la crise que traverse le secteur
de l’automobile, les ventes de véhi-
cules électriques aux particuliers ont
augmenté de 50% au mois de mai par rapport
à l’année précédente, alors que les ventes de
véhicules classiques chutaient de moitié sur la
même période[1]. Sur le volume total des ventes
de véhicules électriques, ce sont les véhicules
hybrides rechargeables qui sont de loin les plus
plébiscités, avec une augmentation de 134% des
ventes au mois de mai 2020. En effet, même si
cela tend à s’améliorer, le véhicule électrique
léger à toujours mauvaise presse au regard de
son autonomie et surtout en ce qui concerne
la facilité d’accès à des points de recharges,
comme en témoigne cet article du Monde au
titre évocateur paru en juin 2020 : « Recharger
une voiture électrique, un enfer »[2].
Nous allons donc ici nous intéresser à un mode
de recharge différent du système classique qui
consiste à brancher son véhicule à une borne de
recharge. Il s’agit du battery swapping : dans ce
mode de recharge la batterie n’appartient plus
à l’utilisateur mais il la loue à un opérateur de
station de charge. Ainsi, quand l’utilisateur du
véhicule électrique souhaite faire « le plein »,
il se rend dans une de ces stations et échange
sa batterie déchargée contre une pleine. Cette
opération, qui dure moins de trois minutes,
contre plusieurs heures pour une charge à une
borne standard, réduit considérablement le
temps pour passer à une charge pleine.
Plusieurs constructeurs se sont déjà essayés
à cette technologie. Il y eut tout d’abord le
constructeur français Renault qui, en 2008,
via un partenariat avec la société américaine
Better Place, a développé le projet Quick Drop.
Déployé au Danemark et en Israël, l’objectif de
Renault et son partenaire américain était de
mettre en service plus d’une centaine de sta-
tions dans leurs pays respectifs et de vendre
100 000 Fluence ZE, le véhicule de la gamme
Renault conçu pour fonctionner avec le système
de battery swapping[3]. En 2013, c’est au tour
de Tesla de se lancer dans l’aventure en fanfare
: Elon Musk, fondateur du leader de la mobilité
électrique, fait la démonstration de l’échange
de batterie sur le Model S en moins de 90 sec-
ondes. Il est prévu à ce moment-là d’équiper
une large partie de Los Angeles pour permettre
aux utilisateurs de Tesla de se recharger rapide-
ment dans cette métropole au trafic automobile
particulièrement dense[4].
Le battery swapping
Figure 1 : Une station Quick Drop de Renault au
Danemark
Figure 2 : Battery swap par Tesla, avec la batterie
située sous le châssis
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
18 LE BATTERY SWAPPING
19. Mais pour les deux constructeurs ces projets
s’arrêtent. En effet, cinq ans plus tard, en 2013,
la société partenaire de Renault, Better Place,
annonce sa faillite et Renault se désengage de
la technologie du battery swapping. C’est au
même moment que Tesla met fin à son projet
en Californie. Les raisons de ces deux échecs
sont diverses. Tout d’abord, pour Renault, le
succès de la Fluence ZE, seul modèle compati-
ble avec la technologie, n’a pas été au rendez-
vous. Pour Tesla, en revanche, ce sont les util-
isateurs qui se sont désengagés de l’utilisation
de cette technologie[5]. En effet, avec l’arrivée
des super-chargeurs Tesla de troisième généra-
tion, d’une puissance de 250 kW, il est possible
de charger 360 km d’autonomie en 15 minutes,
rendant la technologie de battery swapping
moins attractive, le temps gagné étant seule-
ment d’une dizaine de minutes[6].
Mais le cas de Renault nous éclaire sur une
problématique majeure en Europe quant à la
technologie de battery swapping. En effet, il
faut que les véhicules soient compatibles avec
la technologie et aujourd’hui les véhicules qui
sortent des chaines de montages des con-
structeurs européens ne le sont pas, chaque
constructeur répondant à ses propres standards
dans le domaine.
Cette technologie a cependant retrouvé un
second souffle en Asie et plus précisément en
Chine. Le constructeur automobile chinois Nio,
spécialisé dans les véhicules électriques, a
ouvert sa première station de battery swapping
à Shenzen dans le sud de la Chine en 2018[7].
Depuis, d’autres constructeurs chinois comme
BAIC se sont mis au battery swapping. Encouragé
par l’impulsion donnée par les autorités chi-
noises, BAIC prévoit de déployer 187 stations
de battery swapping dans plus de 15 villes chi-
noises à destination d’une flotte totale de 16 000
taxis, d’ici la fin 2022. En effet, les autorités
chinoises ont décidé de prendre en main la pro-
blématique de compatibilité des véhicules : le
gouvernement a mis en place des standards sur
les procédés de battery swapping, permettant à
tous les utilisateurs de cette technologie de se
charger dans une de ces stations, peu importe
Figure 3 : Station de battery swapping Nio à Shenzen
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
19LE BATTERY SWAPPING
20. la provenance de leur véhicule[9].
Côté prix, BAIC, qui vend son modèle EC300 à
11 000€, propose un abonnement à 50€ par mois
pour l’utilisation de ses stations de recharge[8].
Aujourd’hui, le coup en Europe est d’environ
2€/100 km.
Aujourd’hui, la Chine représente plus de la
moitié des ventes de véhicules électriques dans
le monde et elle a fait le pari du battery swap-
ping en s’attaquant immédiatement aux pro-
blèmes qui étaient à la source de son échec
quelques années plus tôt. Cette technologie
présente l’avantage de s’adapter à tout type
de véhicule, peu importe leur gamme, ce qui
n’est pas le cas des systèmes de charge ultr-
arapide (au-dessus de 100 kW). Mais surtout,
ces stations présentent un énorme avantage du
point de vue de la gestion du réseau électrique.
Avec un grand nombre de batteries stockées au
même endroit, la technologie vehicle to grid
(V2G), qui consiste à injecter ou à soustraire
de l’énergie de la batterie du véhicule en fonc-
tion des besoins du réseau, prend ici une autre
dimension.
Sources:
[1]. Avere-France. Baromètre mensuel : en mai, les immatriculations de voitures électriques et hybrides rechargeables sont en
hausse de + 61 % malgré la crise. Avere-France http://www.avere-france.org/Site/Article/?article_id=7858 (2020).
[2]. Wakim, N. Recharger une voiture électrique, un enfer. Le Monde.fr (2020).
[3]. Debeuret, B. Quick Drop : le changement minute de batterie selon Renault. Autonews https://www.autonews.fr/voiture-bio/
renault-quick-drop-20696 (2010).
[4]. Byford, S. Tesla Motors demonstrates 90-second Model S battery-swapping tech. The Verge https://www.theverge.
com/2013/6/21/4450664/tesla-model-s-battery-swap-demo (2013).
[5]. Zhang, B. Tesla’s battery-swapping plan has a mere shadow of the promise it once showed. Business Insider France https://
www.businessinsider.fr/us/teslas-battery-swapping-plan-isnt-working-out-2015-6 (2015).
[6]. Meunier, N. Charger sa Tesla en 15 minutes, ce sera très bientôt possible. Challenges https://www.challenges.fr/automobile/
actu-auto/superchargeur-tesla-puissance-250-kw-charge-en-15-minutes_646566 (2019).
[7]. Terregrossa, M. Nio ouvre une première station d’échange de batterie en Chine. Automobile Propre https://www.automobile-
propre.com/breves/nio-ouvre-premiere-station-echange-batterie-chine/ (2018).
[8]. Berman, B. EV battery swapping is dead in US, but China wants to make it happen. Electrek https://electrek.co/2020/01/17/
ev-battery-swapping-is-dead-in-us-but-china-wants-to-make-it-happen/ (2020).
[9]. Bloomberg. China Embraces Battery-Swapping System for Electric Vehicles. Bloomberg.com (2020).
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
20 LE BATTERY SWAPPING
Antoine FOURCADE
21. VOLTALIS : à nouveau sous les feux
médiatiques
V
oltalis, entreprise fondée en 2006, est
un agrégateur d’effacement diffus à
l’échelle du réseau électrique français.
Son modèle économique est basé sur le pilot-
age à distance de la consommation d’appareils
ménagers, comme le ballon d’ECS électrique ou
les radiateurs électriques, via un boîtier élec-
tronique connecté.
Le pilotage consiste à effacer (éteindre) ces
appareils lorsque le réseau électrique est
saturé ou en période de pointe, de manière à
éviter le démarrage de centrales thermiques (à
fioul, charbon ou gaz) d’appoint. Grâce aux
boitiers électroniques connectés, Voltalis a la
possibilité d’éteindre certains équipements à
distance en seulement quelques secondes, et
ce, plusieurs fois par jour. Avec plus de 100
000 clients, Voltalis offre un réel mécanisme
de flexibilité pour le réseau électrique, favor-
able à l’intégration des Énergies Renouvelables.
En contrepartie, les clients qui permettent ce
pilotage, au-delà des économies faites lors de
l’effacement de certains de leurs appareils, ont
accès à une plateforme pour surveiller leurs
consommations et recevoir des conseils pour
les réduire. Les économies énergétiques réal-
isées par les ménages sont à hauteur de 15%
selon Voltalis et 8% selon l’ADEME.
1. Un chemin semé d’embûches
Les services proposés par Voltalis ont toujours
retenu l’attention de RTE.
En 2007, RTE intègre à titre expérimen-
tal l’effacement diffus dans son mécanisme
d’ajustement. Un groupe de travail intitulé “GT
Effacements diffus” est alors créé, réunissant
RTE, Voltalis et la CRE pour définir les règles
et modalités pour la mise en œuvre de ces
services.
Cependant, des controverses apparaissent rap-
idement au sujet des modalités de rémunération.
D’un côté, les fournisseurs d’électricité exigent
une rémunération de la part des agrégateurs.
En effet, dans le cas d’une soudaine hausse de
la demande d’électricité, RTE peut faire appel
aux services d’effacement de manière à équili-
brer le réseau. Par conséquent, le fournisseur
ne sera pas rémunéré par ses clients car il
perdra cette part de consommation qui a été
effacée. De l’autre, les agrégateurs considèrent
qu’ils n’ont pas à payer la fourniture d’une
Figure 1 : Boîtier Voltalis (Source: Voltalis)
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
21VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
22. quantité d’électricité non consommée par ses
clients car elle a été consommée ailleurs (prin-
cipe de l’équilibre du réseau) [1].
En l’absence d’accord entre les acteurs, RTE
fait alors appel à la CRE afin de mieux définir
les règles.
Le 9 juillet 2009, la CRE rend une décision qui
déclenche une polémique, « l’affaire Voltalis »
fait l’objet d’une médiatisation sans précédent.
La CRE, dans cette décision, impose aux agréga-
teurs de rémunérer aux fournisseurs l’énergie
effacée.
Cette contestation engendre un débat animé,
passant d’un plan purement technique à un
plan politique grâce aux sollicitations de Pierre
Bivas, fondateur de Voltalis. La CRE est alors
accusée de se placer « du point de vue des
fournisseurs, qui se plaignent du manque
à gagner, et non du point de vue des con-
sommateurs qui bénéficient de l’économie
Figure 2 : Schéma du réseau de rémunération des fournisseurs avec d’une hausse de la demande et
l’activation de l’effacement.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
22 VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
23. d’énergie réalisée ». Après de nombreuses con-
troverses, en 2011 le débat prend une tout
autre tournure quand le Conseil d’État décide
d’annuler la décision de la CRE [2].
En 2013, le débat reprend avec l’introduction
de la Loi Brottes. Celle-ci reprend le fait que
l’agrégateur doit rémunérer les fournisseurs
effacés. Cependant, cette fois-ci, sachant que
cette obligation affaiblit la rémunération de
l’agrégateur d’effacement, une prime financée
par la CSPE est prévue en rémunération des
bénéfices que le service d’effacement apporte
à la collectivité [3]. Cette décision est justi-
fiée par le fait que les agrégateurs peuvent
désormais valoriser ces effacements sur le
mécanisme d’ajustement ou le marché grâce
au mécanisme NEBEF (Notification d’Échange de
Bloc d’Effacement). Dans ce dernier, un opéra-
teur d’effacement récupère l’électricité non
consommée par les blocs effacés et celle-ci
est revendue aux autres consommateurs via le
marché de l’électricité [4].
2. Opportunités saisies
Mécanisme de Capacité
En 2010, le rapport « Poignant – Sido » sur la
maîtrise de la pointe, souligne l’importance
d’assurer un espace économique aux efface-
ments et débouche sur la mise en place d’un
marché de capacité [5]. Dans ce marché, la capac-
ité de production et la capacité d’effacement
rendent le même service. Ce marché a été con-
testé jusqu’à son entrée en vigueur en 2017,
où Voltalis a inscrit 100 MW correspondant au
parc de 100 000 foyers équipés de leurs tech-
nologies communicantes jusqu’à 2015 (Voltalis
avait suspendu le déploiement depuis cette
année là, suite à l’instauration du versement
aux fournisseurs d’une compensation finan-
cière pour chaque MWh effacé) [6].
Appels d’Offres Long Terme (AOLT)
En début d’année 2019, la programmation
Figure 3 : Mécanisme NEBEF (Source : [4])
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
23VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
24. pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe un
objectif de 4,5 GW de capacité d’effacement
à l’horizon 2023 et de 6,5 GW pour 2028, dont
1,5 GW proviendrait de l’effacement diffus et le
restant de l’effacement industriel et tertiaire. À
l’heure actuelle (janvier 2020) la France compte
d’environ 2,7 GW de capacité d’effacement
[7]. Cet objectif s’inscrit dans le cadre de la
sécurité d’approvisionnement nécessaire et
obligatoire pour le passage de la pointe élec-
trique hivernale (selon le bilan prévisionnel
réalisé par RTE), tout en réduisant la produc-
tion d’électricité à partir d’énergies fossiles.
Par conséquent, une nouvelle procédure d’appel
d’offres long terme de capacité est lancée
fin novembre 2019 dont les lauréats ont été
présentés en février 2020. Ces appels d’offre
ont favorisé les technologies bas carbones, car
ils prévoyaient une limite d’émissions de 200
gCO2/KW [8].
Le volume retenu sur l’ensemble des AOLT est
de 376,8 MW, dont deux tiers correspondent
aux projets de stockage par batteries et le tiers
restant aux projets d’effacement. Une capac-
ité d’effacement de 119 MW a été attribuée
à Voltalis, venant donc s’ajouter au 100 MW
préexistants[9].
Réglage primaire de fréquence
De plus, Voltalis a été certifié par RTE pour
pouvoir participer au réglage primaire de la
fréquence, devenant ainsi le premier agréga-
teur d’effacement diffus en France à pouvoir
participer à ce mécanisme. Cette décision a été
prise compte tenu des fermetures de moyens de
production thermique de pointe et de la forte
intégration des EnR prévue par la PPE. Par con-
séquent, de nouvelles solutions de flexibilité
ont été mises en place pour assurer la sécurité
d’approvisionnement. RTE a noté la capacité de
Figure 4 : Capacités sélectionnées pour les AOLT organisés en 2019 (Source : [9])
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
24 VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
25. réaction de ce système par rapport aux cen-
trales de pointe : moins de 4 secondes pour
effacer la consommation de chauffages agrégés
par Voltalis, contre les 30 secondes demandés
par les règles du marché aux centrales de pro-
duction [10].
« C’est, selon nous, une véritable première
mondiale et nous sommes très fiers de l’avoir
menée à bien avec RTE ! Pour la première fois,
des particuliers vont pouvoir participer mas-
sivement –et non plus simplement dans le cadre
de tests pilotes– à l’équilibre du réseau élec-
trique au travers du marché européen de la
réserve primaire. Et cela grâce à la technolo-
gie que nous avons développée depuis plus de
10 ans et aux dizaines de milliers de particuli-
ers qui nous font déjà confiance pour optimiser
leur consommation, tout en aidant à la sûreté
du système électrique » a déclaré Mathieu
Bineau, PDG de Voltalis [10].
3. Nouveaux horizons
En janvier 2020, Voltalis a obtenu un prêt
de 20 M€ auprès de la Banque Européenne
d’Investissement, en vue d’ajouter 150 000
nouveaux foyers à leur parc existant dans les
années à venir [11].
De plus, poursuivant le déploiement massif
de sa technologie, Voltalis s’est associé récem-
ment au fournisseur d’énergie alternatif ekWa-
teur, afin de proposer cette technologie aux
clients de ce même fournisseur. Leur objec-
tif est d’équiper 50 000 foyers en 2021, et ce
déploiement a déjà commencé [12]. Dans l’offre
proposée, le boîtier (appelé “Narco” chez ekWa-
teur) est installé gratuitement et les clients ont
aussi accès à une plateforme pour suivre leur
consommation en temps réel ; les économies
énergétiques que les clients peuvent faire sont
annoncées à hauteur de 10% [13].
Malgré les entraves qu’ont connu les efface-
ments diffus sur les différents marchés de
l’électricité et les différents mécanismes
d’équilibre, la France est l’un des états pion-
niers de l’UE dans cette technique d’ajustement
[14]. De plus, la CRE a identifié en 2013, un
gisement technique compris entre 10 et 15 GW
pour les effacements diffus, ce qui apporterait
une flexibilité non négligeable [15]. Cela devrait
se traduire par une croissance des investisse-
ments dans ce secteur dans les années à venir,
avec d’avantages de visibilité dans la partici-
pation aux marchés [5].
Qu’est ce qu’un AOLT ? « L’appel d’offres long terme, dit « AOLT », est un appel d’offres destiné
aux nouvelles capacités. Il est organisé quatre ans en amont de chaque année de livraison par le Ministre
chargé de l’énergie si un bénéfice est identifié pour la collectivité. Objectif : offrir de la visibilité sur un prix
stable et ainsi faciliter les nouveaux investissements.
Un prix garanti est défini à l’issue de chaque appel d’offres. Les candidats dont l’offre est inférieure au prix
garanti sont retenus et bénéficient d’un contrat pour différence qui leur assure une rémunération stable
égale au prix garanti, pour une période de sécurisation de 7 ans. Ainsi, durant la période couverte par l’appel
d’offres, si le prix garanti est supérieur au prix du marché, le lauréat obtiendra la différence. Dans le cas
contraire, il versera la différence sur un fond dédié.» [16]
Saul VILLAMIZAR
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
25VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
26. Sources:
[1] « Affaire Voltalis-EDF: un conflit plus économique qu’écologique », LExpansion.com, juill. 24, 2009. https://lexpansion.lex-
press.fr/entreprises/affaire-voltalis-edf-un-conflit-plus-economique-qu-ecologique_1348534.html (consulté le juin 29, 2020).
[2] « Voltalis : le Conseil d’Etat censure une décision de la CRE », Territoire d’énergie, mai 09, 2011. https://www.territoire-ener-
gie.com/article/voltalis-le-conseil-detat-censure-une-decision-de-la-cre/ (consulté le juin 29, 2020).
[3] « Effacement électrique : la loi Brottes précise le mécanisme de capacité », Actu-Environnement. https://www.actu-envi-
ronnement.com/ae/news/loi-brottes-marche-capacite-effacement-17576.php4 (consulté le juin 29, 2020).
[4] CRE, « Effacements », juin 13, 2018. https://www.cre.fr/Electricite/Reseaux-d-electricite/Effacements.
[5] S. Poignant et B. Sido, « Rapport Poignant - Sido », Groupe de travailsur la Maîtrise de la pointe électrique,Avril 2010. Consulté
le: juill. 02, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000160.pdf.
[6] « Effacement diffus : de nouvelles perspectives pour les marchés du résidentiel et du tertiaire », Actu-Environnement. https://
www.actu-environnement.com/ae/news/effacement-diffus-energie-voltalis-residentiel-tertiaire-35049.php4 (consulté le juin 29, 2020).
[7] Ministère de la transition écologique et solidaire, « Stratégie française pour l’énergie et le climat, Programmation Plurianuelle
de l’Energie 2019-2023 | 2024-2028 ». Consulté le: juin 29, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.connaissancedesenergies.
org/sites/default/files/pdf-actualites/projet-ppe-pour-consultation.pdf.
[8] Arrêté du 5 décembre 2019 définissant les critères d’émissions du dispositif de contractualisation pluriannuel, pris pour
l’application de l’article R. 335-76 du code de l’énergie - Article 1. .
[9] RTE, « Rapport de synthèse sur les appels d’offres long terme organisés en 2019 », Juin2020. Consulté le: juin 29, 2020. [En
ligne]. Disponible sur: https://www.services-rte.com/files/live/sites/services-rte/files/pdf/MECAPA/Rapport-analyse-AOLT-2019.pdf.
[10] « RTE et Voltalis développent un nouvel outil de flexibilité pour la gestion du réseau électrique en temps réel : l’effacement
de consommation électrique chez les particuliers. », RTE France, mars 03, 2020. https://media.rte-france.com/rte-et-voltalis-develop-
pent-un-nouvel-outil-de-flexibilite-pour-la-gestion-du-reseau-electrique-en-temps-reel-leffacement-de-consommation-electrique-chez-
les-particuliers/ (consulté le juin 29, 2020).
[11] « Electricité : Voltalis veut équiper 150.000 foyers de boîtiers “intelligents” | Les Echos ». https://www.lesechos.fr/industrie-
services/energie-environnement/electricite-voltalis-veut-equiper-150000-foyers-de-boitiers-intelligents-1165832 (consulté le juin 29,
2020).
[12] « ekWateur et Voltalis proposent une offre d’effacement de consommation ». https://www.environnement-magazine.fr/energie/
article/2020/06/04/129244/ekwateur-voltalis-proposent-une-offre-effacement-consommation (consulté le juin 29, 2020).
[13] « Boitier Narco : piloter son chauffage électrique à distance ». https://ekwateur.fr/offre-narco-effacement/ (consulté le juin 29,
2020).
[14] SEDC, « Explicit Demand Response in Europe Mapping the Markets 2017 », Smart Energy Demand Coalition, Avril 2017.
Consulté le: janv. 03, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.smarten.eu/wp-content/uploads/2017/04/SEDC-Explicit-Demand-
Response-in-Europe-Mapping-the-Markets-2017.pdf?fbclid=IwAR1Z2ofEtM4hCSBH05pDAsTEXVO52PdFvEoh8AIKMld4ZDwPBwq
HW0XhlkI.
[15] « Délibération de la CRE du 24 juillet 2013 portant proposition de décret pris en application des articles L.271-1 et L.123-1 du
code de l’énergie relatif à la méthodologie utilisée pour établir les règles permettant la valorisation des effacements de consommation
d’électricité sur les marchés de l’énergie et sur le mécanisme d’ajustement, et pour établir la prime versée aux opérateurs d’effacement
». https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Proposition/effacements-de-consommation (consulté le juin 29, 2020).
[16] « RTE». https://www.services-rte.com/fr/decouvrez-nos-offres-de-services/participez-au-mecanisme-de-capacite/appel-d-
offres-long-terme.html (consulté le juin 29, 2020).
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
26 VOLTALIS : À NOUVEAU SOUS LES FEUX MÉDIATIQUES
27. La Convention citoyenne pour le
climat
I
nstaurée pour la première fois en octobre
2019, elle a réuni 150 citoyens tirés au sort
autour d’un même objectif : trouver des
leviers d’action pour réduire de 40% les émis-
sions de gaz à effet de serre en France d’ici
2030 (par rapport à 1990), en doublant ces
efforts d’une dimension sociale.
Les citoyens formant la convention n’ayant a
priori pas de connaissances particulières en
énergie ou en droit, ont été accompagnés par
un panel d’experts chargés d’encadrer le dia-
logue. La diversité des origines socio-professi-
onnelles et des expériences est, en effet, le mot
d’ordre de la convention : tous ont dû se former
en un laps de temps réduit sur les mêmes rap-
ports officiels, mais chacun est venu apporter
son propre regard quant aux conclusions à en
tirer. Les débats se sont étalés sur 7 séances
d’octobre 2019 à juin 2020, avec comme objec-
tif de définir des plans d’action qui seront
soit déclinés en propositions de loi, votés par
référendum, soit mis en application directe.
La clôture de la convention le 21 juin dernier et
la remise du livrable final au gouvernement ont
été l’occasion de revenir sur cette expérience
inédite, inspirée par le Grand débat national
et voulu par le chef de l’État.
Le livrable final contient les plans d’action
retenus par l’assemblée citoyenne et s’articule
autour de 4 grands axes de la vie des français
: les transports, le travail, le résidentiel-ter-
tiaire et la consommation. Pour chacun de ces
axes, des stratégies ont été dessinées et des
mesures proposées pouvant prétendre à une
application législative.
Figure 1 : Photo de l’assemblée des citoyens présents à la Convention. (Source : CESE-Katrin Baumann)
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
27LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT
28. Parmi celles-ci, figure la proposition de baisser
la TVA des billets de trains de 10% à 5,5%. Avec
l’ouverture à la concurrence des grandes lignes
ferroviaires adoptée en décembre 2019 et, qui
se matérialisera prochainement par l’arrivée
de nouvelles compagnies, cette directive pour-
rait bien faire baisser significativement le prix
des billets, et ainsi orienter le choix des con-
sommateurs. Pour l’industrie, il est prévu
que les entreprises distribuant plus de 10M
d’euros de dividendes en cèdent 4% pour la
transition énergétique. L’obligation de recy-
clage sur le lieu de travail deviendra la norme.
On pourrait également citer une mesure pour
rendre obligatoire la rénovation totale des bâti-
ments pour les propriétaires, qui devront entre
autres se débarrasser des chaudières au fioul
et à charbon. L’affichage obligatoire du score
carbone des produits dans les magasins était
aussi discuté, mesure qui avait déjà été appli-
quée de manière similaire à l’électroménager
(Étiquette-énergie) et s’était montrée particu-
lièrement efficace. Cette liste est bien enten-
due non exhaustive, et de nombreuses autres
propositions, souvent sous forme de pistes de
réflexion, ont été évoquées.
Cette convention a eu le mérite de pointer du
doigt les défaillances du système actuel : les
SUV neufs, notamment, jouissent d’une cer-
taine impunité vis-à-vis de la classification
Crit’Air, qui est basée sur la date de première
immatriculation. Une mesure, qui risque de
faire parler d’elle, prévoit tout bonnement d’en
interdire la vente en 2025. Néanmoins, on ne
peut s’empêcher de voir dans ces mesures une
contradiction profonde entre l’objectif affiché
et chiffré (réduire de 40% les émissions fran-
çaises de GES) et le caractère vague de certaines
mesures, se contentant souvent de reprendre
des pistes de réflexion éprouvées. Quoi qu’il
en soit, le caractère inédit de cette conven-
tion lui donne l’atout d’avoir été largement
médiatisée, et le livrable arrive à un moment
(rare) où les mots « changement » et « monde
d’après » sont présents dans toutes les têtes.
N’est-ce pas là le premier pas vers une prise
de conscience citoyenne généralisée?
Source:
« Site officiel de la Convention Citoyenne pour le Climat », Convention Citoyenne pour le Climat. https://www.conventionci-
toyennepourleclimat.fr/ (consulté le juill. 11, 2020).
Victor MAQUART
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
28 LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT
30. nous avons modélisé individuellement 11
pays d’Afrique subsaharienne (Afrique-du-Sud,
Angola, Côte d’Ivoire, République Démocratique
du Congo, Éthiopie, Ghana, Kenya, Mozambique,
Nigeria, Sénégal et Tanzanie).
Pourriez-vous parler brièvement de l’exercice
de prospective que vous avez effectué ?
L’AIE dispose d’un modèle de prospective
mondial qui est nommé le World Energy Model
(WEM). Le monde y est divisé en 25 régions,
dont trois régions pour le continent Africain :
l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie,
Libye et Egypte), l’Afrique du Sud et le reste
de l’Afrique subsaharienne. Cette année, nous
avons développé un modèle ad-hoc pour dés-
agréger l’Afrique subsaharienne en 11 pays -
représentant 75% de la demande d’énergie pri-
maire et du PIB de la région - et une région com-
prenant le reste des pays. Cette différenciation
était nécessaire car on ne peut pas traiter toute
l’Afrique subsaharienne de la même façon. Les
potentiels sont différents d’un pays à l’autre,
notamment en termes de ressources et de sit-
uation géopolitique.
Ce modèle ad-hoc est également un modèle
bottom-up où chaque secteur de la demande
finale est détaillé. Par exemple, pour le secteur
industriel, la plupart des produits sont impor-
tés en Afrique aujourd’hui, hormis le ciment.
Mais nous avons analysés les projets de dével-
oppement industriel dans les différents pays
afin d’évaluer au mieux les demandes énergé-
tiques futures liées à une production domes-
tique. La demande énergétique des ménages
dans le secteur résidentiel ou le transport varie
fortement entre les zones rurales et urbaines,
notamment du fait de fortes disparités des taux
d’accès à l’électricité, des taux d’accès à des
modes de cuisson propres, des revenus et des
taux d’équipement associés. Nous avons donc
décidé de modéliser séparément les ménages
urbains et ruraux.
Pour parvenir à cette désagrégation très fine
des secteurs de la demande finale et à cette
modélisation pays par pays, il a été nécessaire
de collecter une grande quantité de données.
Nous avons également été en contact avec de
nombreux acteurs du secteur de l’énergie en
Afrique pour améliorer notre compréhension de
la situation actuelle et des défis futurs. À cette
fin, nous avons organisé deux ateliers - l’un à
Addis Ababa, l’autre à Paris - afin d’accueillir
un maximum d’acteurs industriels, publics, et
académiques africains du secteur de l’énergie.
Dans le rapport World Energy Outlook, les per-
spectives énergétiques mondiales sont détail-
lées suivant trois scénarios. Pour le rapport
Afrique, nous en avons étudié deux. Le scé-
nario « Politiques annoncées » - Stated Policies
Scenario (STEPS) - englobe les politiques mises
en place et les objectifs annoncés. Il prend
en considération les situations réglementaire,
institutionnelle, financière ainsi que l’état des
infrastructures dont dépendent leur mise en
place (par exemple, les politiques d’efficacité
énergétique avec la mise en place de standards
de performance énergétique, les objectifs de
capacités installées des renouvelables, les poli-
tiques de déploiement de l’accès à l’électricité,
etc.). Il s’agit du scénario central du World
Energy Outlook. Le second scénario, nommé
« Africa Case », repose sur les principes de
l’Agenda 2063 de l’Union Africaine (la vision du
continent pour un développement économique
et industriel accéléré, inclusif et durable). Il
s’appuie sur une croissance économique plus
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
30 AFRICA ENERGY OUTLOOK 2019
31. rapide2
qui va de pair avec la pleine réali-
sation d’ici 2030 des principaux Objectifs de
Développement Durable d’accès universel à
l’énergie. Pour de nombreux pays, les poli-
tiques mises en place aujourd’hui ne per-
mettent pas d’atteindre l’accès à l’électricité
et à la cuisson propre pour tous.
Dans le premier scénario, la demande d’énergie
primaire augmente de plus de 60%, alors que
dans le scénario Africa Case, une hausse
de seulement de 50% de la demande éner-
gétique permet un quadruplement du PIB.
Ceci s’explique notamment par un recul de
l’utilisation traditionnelle de la biomasse – à
l’efficacité très basse – au profit de vecteurs
énergétiques plus modernes comme le GPL
(Gaz de Pétrole Liquéfié). Par ailleurs, des
hypothèses d’efficacité énergétique plus fortes
permettent également de répondre à cette
demande d’activité plus importante et donc
de découpler la forte croissance du PIB de
l’augmentation de l’énergie primaire.
Aujourd’hui, presque 600 millions d’Africains
n’ont toujours pas accès à l’énergie élec-
trique. Selon vous, comment peut-on assurer
l’électrification à coût réduit de l’Afrique ?
Une des raisons qui justifient notre modélisa-
tion pays par pays est que l’électrification va
être menée de façon très différente d’un pays
à l’autre. Nous avons réalisé une analyse géo-
spatiale avec l’institut KTH de Stockholm afin
d’évaluer les solutions les moins onéreuses
pour atteindre l’accès universel à l’électricité.
Pour l’Afrique subsaharienne, une partie de
l’électrification devrait être assurée par den-
sification et extension des réseaux, tandis
2 Le PIB est multiplié par 4 d’ici 2040 par rapport à son
niveau actuel dans le scénario Africa Case, alors qu’il est multi-
plié par 2,5 dans le scénario STEPS.
que l’autre pourrait être réalisée à l’aide de
mini-réseaux et de systèmes autonomes. Nous
avons également étudié les options les plus
économiques pouvant être mises en place pour
l’accès à l’électricité dans chaque pays. Par
exemple, les systèmes autonomes et les mini-
réseaux (mini-grids) sont amenés à jouer un
rôle plus important dans des pays comme le
Nigeria où la population est dispersée.
L’absence de moyens de cuisson propres pour
900 millions de personnes engendrent environ
500 000 morts prématurés par an. Pour y faire
face, il existe un portefeuille de solutions
qui diffère d’un pays à l’autre, selon les con-
textes, les politiques en place et les initiatives
existantes. Par exemple au Kenya une filière
éthanol se met en place avec des modes de dis-
tributions innovants reposant sur les technol-
ogies digitales. Le biogaz est également prom-
etteur, alors que, dans les zones urbaines, le
recours au GPL est amené à fortement croitre.
En zone rurale, les foyers de cuisson améliorés
font également partie des options privilégiées,
compte tenu de la forte disponibilité des res-
sources en biomasse.
Le gaz présente un potentiel intéressant pour
l’Afrique, pourtant il ne représente que 5% du
mix énergétique actuel en Afrique subsahari-
enne. Qu’en pensez-vous ?
Alors qu’en Afrique du Nord il représente environ
50% du mix énergétique, le gaz demeure une
énergie de niche en Afrique subsaharienne où la
biomasse prédomine. Pourtant, le gaz présente
un potentiel très intéressant, notamment au
regard des récentes découvertes : entre 2011 et
2018, 40% des découvertes mondiales de gise-
ments de gaz ont eu lieu en Afrique.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
31AFRICA ENERGY OUTLOOK 2019
32. Dans la génération électrique, le gaz est très
complémentaire des énergies renouvelables
variables, notamment pour gérer les pointes
de consommation. Ce rôle de source flexible
sera d’autant plus nécessaire que le solaire et
l’éolien, aux coûts en forte baisse, sont amenés
à se développer considérablement. Par ailleurs,
le gaz pourrait jouer un rôle important dans
l’industrie pour répondre à une demande éner-
gétique en forte croissance.
Dans notre scénario STEPS, la demande en gaz
augmente très fortement. Entre aujourd’hui et
2040, l’Afrique pourrait devenir la troisième
région en terme de hausse de la consommation
de gaz, derrière la Chine et le Moyen-Orient. Le
continent Africain pourrait ainsi avoir un rôle
prépondérant à jouer sur le marché du gaz, en
tant que producteur, exportateur, mais aussi
consommateur.
D’autres énergies sont également amenées à se
développer. Pour le pétrole, la croissance atten-
due du PIB et du revenu des ménages devrait
impliquer une forte augmentation du nombre de
véhicules et de la demande en produits pétro-
liers. Mais c’est la demande en électricité qui
est amenée à croitre le plus vite, avec un boom
des énergies renouvelables. Aujourd’hui, leur
potentiel est encore largement sous-exploité :
l’Afrique concentre près de la moitié de la res-
source solaire mondiale mais ne dispose que
de 1% de la capacité photovoltaïque installée
(environ 5 GW), équivalent à la capacité instal-
lée des Pays-Bas !
Quels sont selon vous les principaux défis de
l’Afrique pour répondre aux besoins énergé-
tiques futurs ?
L’Afrique possède un fort potentiel en termes
de ressources énergétiques. Nous avons réalisé
une étude sur le rapport entre les investisse-
ments publics et les investissements privés, en
analysant plusieurs projets. On observe qu’en
moyenne, 1 dollar d’investissement public ne
permet de capter que 0,6 dollar d’investissement
privé en Afrique subsaharienne, ce qui est
Source : AIE
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 2 0
32 AFRICA ENERGY OUTLOOK 2019
33. vraiment très peu. Cependant, en Afrique-du-
Sud, ce même dollar public attire 4 dollars
privés. Il faut donc mettre en place des mesures
de gouvernance qui favorisent l’investissement
et des politiques qui encouragent les inves-
tissements privés sur le continent. Ils sont
notamment nécessaires au déploiement des
énergies renouvelables et des infrastructures
gazières qui permettront de répondre à la crois-
sance de la demande énergétique.
Dans le secteur de l’électricité, les inves-
tissements en Afrique subsaharienne sont
aujourd’hui de l’ordre de 2% du PIB. Mais sur
39 compagnies d’électricité étudiées, 19 ne
parviennent pas à couvrir leurs coûts, même
avec des tarifs d’électricité qui sont par ail-
leurs très élevés pour les ménages. Cela se
traduit par une multitude de problèmes sur
les réseaux. Il existe des opportunités pour
améliorer la gouvernance et capter davantage
d’investissements.
Par ailleurs, l’Afrique pourrait avoir un rôle
prépondérant dans la transition énergétique
globale étant donné ses gigantesques res-
sources de minerais : le chrome pour les éoli-
ennes, le cobalt et le manganèse pour les bat-
teries… Aujourd’hui, les deux tiers de la pro-
duction de cobalt proviennent de la République
Démocratique du Congo, et 70% de la produc-
tion du platine provient d’Afrique-du-Sud. Les
pays africains sont très bien positionnés pour
fournir davantage de minerais indispensables
si l’on veut accélérer la transition énergétique.
Mais seront-ils capables de répondre à cette
demande croissante ? Actuellement, les tech-
nologies existantes pour extraire et traiter tous
ces minerais sont souvent peu efficaces et pol-
luantes. Cela suscite donc de nombreuses ques-
tions, puisqu’on voit qu’une transition énergé-
tique accélérée va nécessiter la mise en place
de politiques adéquates pour la production de
ces minerais.
Interview réalisée par Younes BAGHDAD
SMensuel sur l’énergie et l’environnement
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33AFRICA ENERGY OUTLOOK 2019