Lorsque l’on s’intéresse à l'évolution du monde de l’énergie, il est bon de rappeler que l’énergie est le facteur fondamental du développement économique et social. Bien que cela puisse nous paraître évident au sein de nos sociétés développées, partout dans le monde, l’accès à l’énergie est au cœur des priorités. Environ 1,2 milliard d’habitants n’ont toujours pas accès à l’électricité et il devrait y avoir 2 milliards d’habitants de plus sur cette planète d’ici 2050. Pour assurer un développement économique à l ’ensemble de la population, l’accès à l’énergie doit se faire à un coût abordable. Le changement climatique est venu ajouter une contrainte supplémentaire au problème : l ’énergie doit désormais être propre. Le vrai challenge de l ’accès à une énergie propre est qu’il s’agit à la fois d’un problème global et de long terme. Alors que les discussions de court terme sur le système énergétique européen s’éternisent, l’Inde de son côté devrait installer, sur la période 2016 – 2040, l’équivalent de la capacité du parc actuel de génération d’électricité de l’Europe, et la Chine l’équivalent du parc actuel des Etats Unis.
Les décisions qui vont être prises en Europe ne peuvent désormais plus ignorer celles qui seront prises à Beijing et à New Delhi. Les choix technologiques de ces pays pour mener à bien leur politique énergétique, comme en Chine avec « Make the sky of China blue again », imposent les lois du marché à l’international : on l’a vu avec le marché des panneaux solaires, on le voit arriver avec le marché des batteries.
Le numéro que nous vous proposons donne un aperçu des enjeux auxquels l’Inde et la Chine sont confrontés, en regard de ceux qui occupent nos pays développés.
Florian ROUOT
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risation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
Lorsque l’on s’intéresse à l’évolution
du monde de l’énergie, il est bon de
rappeler que l’énergie est le facteur fon-
damental du développement économique
et social. Bien que cela puisse nous para-
itre évident au sein de nos sociétés dével-
oppées, partout dans le monde, l’accès
à l’énergie est au cœur des priorités.
Environ 1,2 milliard d’habitants n’ont
toujours pas accès à l’électricité et il devrait y avoir 2 milliards
d’habitants de plus sur cette planète d’ici 2050. Pour assurer un
développement économique à l’ensemble de la population, l’accès
à l’énergie doit se faire à un coût abordable. Le changement clima-
tique est venu ajouter une contrainte supplémentaire au problème :
l’énergie doit désormais être propre.
Le vrai challenge de l’accès à une énergie propre est qu’il s’agit à la
fois d’un problème global et de long terme. Alors que les discussions
de court terme sur le système énergétique européen s’éternisent,
l’Inde de son côté devrait installer, sur la période 2016 – 2040,
l’équivalent de la capacité du parc actuel de génération d’électricité
de l’Europe, et la Chine l’équivalent du parc actuel des Etats Unis.
Les décisions qui vont être prises en Europe ne peuvent désormais
plus ignorer celles qui seront prises à Beijing et à New Delhi.
Les choix technologiques de ces pays pour mener à bien leur poli-
tique énergétique, comme en Chine avec « Make the sky of China
blue again », imposent les lois du marché à l’international : on l’a
vu avec le marché des panneaux solaires, on le voit arriver avec le
marché des batteries.
Le numéro que nous vous proposons donne un aperçu des enjeux
auxquels l’Inde et la Chine sont confrontés, en regard de ceux qui
occupent nos pays développés.
Pour mieux se rendre compte de ce qu’il se prépare en Asie, la pro-
motion s’envole le 10 mars prochain pour Singapour. Vous ne raterez
rien de cette expérience que nous partagerons avec vous dans le
prochain numéro. En attendant, bonne lecture !
Florian ROUOT
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
2 ÉDITORIALCONTACTS
3. ACTUALITÉS
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04 - Objectif de taille pour la RATP :
deux tiers de bus électriques d’ici
2025 !
04 - Le Chili, un pays responsable et au
fort potentiel d’énergies vertes
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haut du monde
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06 - L’Australie prévoit la construction
de la plus grande centrale virtuelle
du monde
07 - Synthèse du World Energy Outlook
2017 sur la Chine
12 - La crise énergétique indienne
18 - Un mix de gaz 100% renouvelable
en 2050 pour la France ?
22 - L’ORECA publie ses chiffres sur
l’énergie et le climat en PACA
24 - Le Service Public de la Performance
Energétique de l’Habitat (SPPEH)
29 - Cyber sécurité dans les réseaux
électriques
Devenez partenaire de l’événement OSE 2018
L’Hydrogène, vecteur énergétique du futur ?
Jeudi 27 Septembre 2018 à Sophia Antipolis (06)
Le programme de ce colloque s’articulera autour des applications de l’hydrogène les plus prom-
etteuses. Seront détaillées entre autres les caractéristiques de production, stockage et transport,
ainsi que l’évaluation des performances économique et environnementale de ces applications.
Cette manifestation d’envergure ne peut se faire sans la participation d’entreprises comme la vôtre.
Celle-ci pourra prendre la forme d’un soutien financier ou d’interventions lors du colloque, pour
promouvoir vos activités en lien avec l’hydrogène et partager vos savoirs.
Pour plus d’informations, contactez : evenement@mastere-ose.fr
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
3SOMMAIRE
8. à l’étranger, principalement dans
les pays en développement, ses
politiques énergétiques ont des
implications bien au- delà de
leurs frontières et du secteur
énergétique. La Chine pèse pour
plus de 20% de la consomma-
tion énergétique mondiale, et
représente quasiment 30% des
émissions totales de CO2
.
Aujourd’hui son système énergé-
tique repose sur une très forte
dépendance au charbon qui con-
stitue les deux tiers de sa con-
sommation d’énergie primaire.
Les objectifs climatiques et les
dégâts causés par la pollution
de l’air ont contraint les poli-
tiques à vouloir diversifier le mix.
Ainsi, depuis 2000, d’importants
investissements dans les infra-
structures gazières ont permis
le doublement de la par t du
gaz dans le mix. Les technolo-
gies bas carbone, principale -
ment le solaire et l’hydraulique,
mais également la filière nuclé-
aire, ont connu une croissance
fulgurante. Le développement
massif des filières industrielles
renouvelables a beaucoup con-
tribué à la réduction des coûts
du solaire et de l’éolien dans le
monde, ainsi qu’à leur essor ces
dernières années.
La demande énergétique de la
Chine, comme son développe -
ment, a crû extrêmement rap-
idement mais moins vite que le
PIB, entraînant une diminution
de l’intensité énergétique, ce qui
témoigne de lourds investisse-
ments dans l’efficacité énergé-
tique et annonce une transition
de l’économie chinoise vers des
services à haute valeur ajoutée et
des industries plus légères.
Le mix élec trique
Avec 1600 GW de puissance
installée, le système électrique
chinois est le premier mondial.
Son parc est principalement ther-
mique (65%) et hydraulique, ce
qui en fait un des principaux
leviers de décarbonisation de
l’économie chinoise. Entre 2000
et 2016, 40% des ajouts de capac-
ités mondiales sont chinoises :
le déploiement des énergies
renouvelables s’est accompagné
d’un rythme effréné de construc-
tion de centrales thermiques
au charbon. Par conséquent, la
moitié de ces centrales a moins
de dix ans, beaucoup ont permis
de remplacer les anciennes unités
moins performantes, permettant
d’élever le rendement moyen de
32% à 37% depuis 2000. D’autre
part, la surabondance des capac-
i té s i nte r m i t te nte s a p o i nté
les limites de la flexibilité du
système électrique chinois : en
2016, 17% de la production éoli-
enne a été écrêtée car elle ne
pouvait pas être absorbée.
Le système énergétique chinois
e s t u n i q u e c a r l ’é l e c t r i c i t é
occupe une très forte part de la
consommation d’énergie finale.
Pour un baril de pétrole, les
chinois consomment deux fois
plus d’électricité (en énergie
équivalente) comparé au reste
d u m o n d e. Le W E O p ro p o s e
d e u x t e n d a n c e s c o n c e r n a n t
l’électricité. La première est un
rapprochement des modèles de
consommation finale tradition-
nels dans les pays développés,
ce qui accroîtrait la demande de
produits pétroliers ; la seconde
est le maintien de l’électricité au
sommet des usages énergétiques
voire un net détachement, ce qui
n’est pas inenvisageable quand
on considère les ambitions de
Liu Zhenia, PDG de l’opérateur
du réseau de transport chinois,
de construire un réseau intercon-
necté mondial.
R e s s o u r c e s é n e r g é t i q u e s e t
investissements
Le gouvernement chinois, dans
l’optique de sécuriser l’apport
énergétique face à son économie
et sa démographie croissantes
a accordé en 2013, 40 milliards
d e d o l l a r s d ’i nve s t i s s e m e nt s
à l’étranger. Les compagnies
énergétiques chinoises sont en
amont de toutes les chaînes de
production, transport et trading
d’énergie. La taille du pays lui
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
8 CHINE
9. donne une force de négocia-
tion importante avec les Majors
p é t ro g a z i è re s d é s i re u s e s d e
s’ouvrir au marché chinois. En
outre, de nombreux investisse -
ments dans les pays en dével-
oppement, tels que le renouvel-
able en Afrique Subsaharienne
où les projets dans le charbon
et l’hydraulique en Asie du Sud
Est, renforcent ses relations et
sa présence à l’étranger. Par
ailleurs, la Chine appor te son
soutien diplomatique dans des
pays à haut risque non sans
intérêt puisque cela lui permet de
sécuriser de précieux actifs éner-
gétiques (stratégie d’emprise sur
les champs pétroliers au Soudan,
par exemple).
La Chine présente un por te -
feuille de partenaires très varié
pour ses importations. Elle com-
plète sa production nationale de
charbon par des impor tations
d’Indonésie et d’Australie prin-
cipalement. Pour le pétrole, elle
reste très dépendante du Moyen-
Or ient, mais s’approvisionne
aussi en Russie, au Kazakhstan et
au Myanmar. Ses apports de gaz
proviennent de ces mêmes pays ;
nous retiendrons le projet de con-
struction d’un pipeline depuis la
Russie, normalement opération-
nel en 2020. Sa filière nucléaire,
en plein essor, est portée par des
partenariats avec la France, les
Etats-Unis, la Russie et le Canada,
qui l’ont mené au développement
de ses propres réacteurs de 2ème
et 3ème génération. La Chine fait
de l’exportation des technologies
et projets nucléaires un axe de
développement majeur, qui vient
s’ajouter à ses exports en tech-
nologies renouvelables dont elle
maîtrise toute la chaîne.
S e l o n l e W E O, c i n q p r i n c i -
paux facteurs vont influencer
le développement énergétique
chinois : l’économie, la pression
démographique et l’urbanisation,
les problèmes environnementaux
(eau, gaz à effet de serre, qualité
de l’air), les investissements et
les politiques.
Le facteur politique est prépon-
dérant car l’expérience montre
que la Chine respecte ses engage-
ments. La qualité de l’air est le
principal moteur des politiques
climatiques et énergétiques chi-
noises. Rappelons que chaque
année en Chine, un million de
morts prématurés sont imputa-
bles à la pollution de l’air, causée
principalement par le secteur
énergétique et les modes de vie
(chauffage domestique et cuisine
à la biomasse).
P r o j e c t i o n s s u r l a d e m a n d e
énergé tique
D’ici 2040, et principalement sous
l’action politique, la demande de
charbon connaît un net déclin,
d’abord dans l’industrie puis
à partir de 2030 aussi dans le
secteur électrique. La demande
en pétrole connaît pour sa part
une hausse jusqu’en 2030, tirée
par l’accroissement des besoins
de mobilité et de modes de vie
plus ur banisés et modernes,
suivie d’un plateau. En revanche,
la demande de gaz aura presque
doublé sous l’action du dével-
oppement de vastes réseaux de
gaz urbains et industriels.
Malgré tout, la plus forte crois-
sance se fait sur les ressources
b a s - c a r b o n e e t l e s é n e rgi e s
renouvelables. En 2040 elles
représentent 60% de la capac-
ité installée sur le système élec-
trique chinois, et produisent plus
de 50% de l’électricité (cf. figure
ci-après). L’électricité devient la
source d’énergie la plus deman-
dée pour un usage final, ce qui
co n f i r m e l ’é l e c t r i f i c a t i o n d e
l’économie chinoise.
La par t de l’industrie dans la
demande énergétique décroît de
65% à 40% sur l’horizon des scé-
narios. Elle sera principalement
remplacée par la demande asso-
ciée aux usages finaux, la mobilité
(électrique en majeure partie) et
la consommation domestique qui
tireront le système énergétique
sur une pente décarbonée. Le fait
notable de ce WEO est la possi-
bilité que l’économie chinoise
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
9CHINE
12. La crise énergétique indienne
Avec sa croissance économique
e t s o n d é v e l o p p e m e n t
d é m o g r a p h i q u e e x p o n e n t i -
els, l’Inde fait face à une crise
énergétique sans précédent.
Comment ce pays de 1,32 mil-
liards d’habitants arrivera à sub-
venir à sa demande en énergie ?
Quels seront les conséquences de
la transformation de son paysage
énergétique sur le climat ?
L’ampleur des besoins est colos-
sale. Au moins 300 millions
d’indiens vivent aujourd’hui sans
électricité et, environ 250 mil-
lions y ont un accès que partiel,
seulement trois à quatre heures
par jour. Ce manque d’électricité
a p p a r a î t c o m m e u n v é r i t a -
ble frein au développement du
secteur manufacturier indien,
mais aussi à l’amélioration du
niveau de vie de la population.
La simple augmentation de la
demande en électricité devrait
s’élever à 15 GW par an pour les
30 prochaines années. Les gou-
ve r nements se su ccè d e nt e t
peinent à suivre le rythme de ce
développement.
Un nouveau souffle avec le gou-
vernement Modi
Depuis son arrivée au pouvoir
en mai 2014, le Premier Ministre
indien Narendra Modi a mis au
centre de ses priorités l’accès
à l ’é l e c t r i c i t é p o u r t o u s .
Parallèlement, il a affiché ses
ambitions sur la scène internatio-
nale de limiter le réchauffement
climatique. Aujourd’hui, près de
50% de l’énergie indienne est
produite à par tir de charbon,
c’est pourquoi le gouvernement
Modi a promis d’augmenter la
capacité d’énergie renouvelable
de 175 GW dont 100 GW seront
produits par le solaire d’ici 2022
(soit environ la capacité élec-
trique totale de l’Allemagne).
Ces objectifs sont-ils cependant
atteignables ?
L’ I n d e e s t a u j o u r d ’ h u i l e
troisième plus gros émetteur de
gaz à effet de serre au monde,
et prétend construire une écono-
mie moderne industrialisée, sans
augmenter significativement ses
émissions. Un défi qu’aucun pays
n’a réussi à relever à ce jour…
Quels enjeux pour le climat ?
L’Inde ne peut se permettre de
suivre une croissance similaire
aux pays développés qui ont
amélioré leur niveau de vie au
détriment de l’environnement,
avec une for te augmentation
de leurs émissions. Une telle
croissance en Inde conduirait à
une catastrophe non seulement
pour les indiens mais aussi pour
l’ensemble de la planète. La Chine
en est un bon exemple. En effet,
de 1990 à 2014 le PIB du pays a
augmenté de 317 $ à 7 683$ par
habitant [1] et ses émissions de
gaz à effet de serre sont passées
de 4,15 tCO2eq
par an et par habi-
tant à plus de 8 tCO2eq
[2]. La Chine
est ainsi devenue aujourd’hui
le plus gros pollueur mondial.
L’Inde est encore bien loin de ces
chiffres. En effet, ses émissions
de GES par habitant s’élevaient
en 2014 à 2,38 tCO2eq
par an et
son PIB était de 1 573$ par habi-
tant pour cette même année. Sa
population devrait augmenter
de 400 millions de personnes
sur les trente prochaines années
et faire de l’Inde le pays le plus
peuplé au monde d’ici 2050, con-
centrant environ 20% de la popu-
lation mondiale. Si l’Inde suit le
chemin de la Chine, l’atmosphère
devra supporter huit milliards de
tonnes de carbone supplémen-
taires chaque année, soit plus
que l’ensemble des émissions des
États-Unis en 2013 [3][4].
Une telle croissance des émis-
sions mettrait évidemment une
croix sur les objec tifs inter-
n a t i o n a u x d e l i m i t a t i o n d u
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
12 INDE
14. du charbon passe en dessous de
la barre des 50%. L’hydraulique
implique de déplacer des popu-
lations et pourrait atteindre au
mieux 25%, le nucléaire attein-
drait 5-6% et le renouvelable
20%, ce qui laisse le charbon à au
moins 50%. C’est d’ailleurs pour-
quoi l’AIE montre dans ses World
Energy Outlook de 2017 que les
émissions de l’Inde vont doubler
à l’horizon 2040.
En réponse à ces observations,
l’administration Modi tente de
développer le plus possible le
renouvelable avec notamment,
la construction de 100 GW de
photovoltaïque d’ici 2022 (l’Inde
Tableau comparatif des données de l’énergie en Inde, France, Europe et mondiale en 2014 [5] [6] [7]
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
14 INDE
15. comptait 4GW en 2015). 57 GW
cor respondent à des projets
gigantesques, avec des capac-
i t é s i n s t a l l é e s d e 5 0 0 M W
jusqu’à 10 GW. Par ailleurs, 75
G W d e c a p a c i té s u p p l é m e n-
taire d’éolienne sont également
prévus. [3]
Le dernier levier de l’Inde pour
une énergie bas- carbone est
le gaz naturel. Encore faut-il
que le pays soit en mesure d’en
trouver assez à impor ter. Les
réserves nationales de l’Inde en
gaz naturel sont très faibles, et
les importations ont été limitées
par les coûts du transport du gaz
liquéfié. Cependant, une canali-
sation gazière entre l’Iran et la
côte ouest indienne est en dis-
cussion. [4]
Le f i n a n c e m e n t d e s i n f r a s t r u c -
tures d’énergie renouvelable
Nombreuses sont les entreprises
étrangères qui investissent dans
les énergies renouvelables en
Inde. Par exemple, l’entreprise
japonaise Softbank va investir
20 milliards de dollars dans les
projets photovoltaïques indiens.
Cependant, la construction de
ces nombreux projets a un coût
extrêmement élevé, au vu de leur
échelle. De tels travaux pour-
ront-ils être menés à bout par le
gouvernement indien ?
Le financement des 100 GW
d’énergie solaire supplémentaire
se chiffre à plusieurs milliards
de dollars, nécessitant à la fois
une augmentation du prix de
l’électricité et un investissement
colossal de la part du gouverne-
ment central. Une taxe charbon
de 200 roupies par tonne de
charbon produite a été instau-
rée mais n’a apporté au National
Clean Energy Fund que 2,6 mil-
liards de dollars à ce jour.
Modi a fait un appel aux pays
de l’Occident pour aider l’Inde
à f i n a n c e r l e s p r o g r a m m e s
d ’é n e r g i e r e n o u v e l a b l e . C e
message fait échos aux 100 mil-
liards de dollars promis lors de
la COP21 de la par t des pays
développés qui ont déjà connu
une forte croissance industrielle
accompagnée de for tes émis-
sions, vers les pays en développe-
ment, qui doivent aujourd’hui se
développer économiquement.
Un autre frein au développe -
ment du solaire en Inde est le
prix ultra compétitif des cel-
lules photovoltaïques chinoises.
La politique de Modi « Make in
India » encourage le développe-
ment d’une filière de produc-
tion de cellules photovoltaïques
interne à l’Inde mais celle - ci
peine à rivaliser avec les coûts
de production chinois.
En bref, Modi a du travail devant
lui entre la réforme du secteur
énergétique cor rompu et en
faillite, la construction de nou-
velles infrastructures d’énergie
renouvelable, la croissance du
secteur manufacturier du pays,
le maintien d’un déficit faible, et
par-dessus tout une croissance
économique maintenue autour
de 8% par an. Si les champs
solaires voient le jour, que les
barrages se construisent dans
le nord du pays, les centrales
nucléaires trouvent des finance-
ments, et les canalisations sous-
marines gazières se réalisent,
l’I nde pourra alors peut- être
réussir à subvenir aux besoins
de sa population. Mais un prob-
lème restera encore entier : celui
du transport et de la distribution
de l’électricité jusqu’au consom-
mateur. [4]
Un réseau élec trique fragile
Le réseau électrique indien est
chaotique et dangereux comme
l’a montré son blackout en 2012
laissant 600 millions de per-
sonnes dans le noir, avec en plus
un arrêt des industries entrain-
ant une dette estimée à 70 mil-
liards de dollars. Le Power Grid
Corporation of India opère plus
de 100 000 km de réseau sur
l’ensemble du sous-continent.
Les pertes électriques dues aux
réseaux de transport et de dis-
tribution électrique s’évaluent à
environ 25%, et atteignent même
50% dans certains endroits. A titre
comparatif en France, RTE estime
les pertes du réseau de transport
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
15INDE
16. à environ 2% et ENEDIS à environ
6% pour le réseau de distribu-
tion. Les pertes en ligne constit-
uent un enjeu majeur en Inde.
Pour autant l’organisation du
réseau électrique du Maharastra
ressemble à s’y méprendre au
réseau français comme le montre
le schéma de principe ci-dessous.
Dans les deux réseaux nous avons
un schéma similaire, une autorité
Comparaison des systèmes de réseaux électriques indien et français [8]
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
16 INDE
17. de régulation de l’énergie, une
entité de production (EDF vs
MSEGCL), une entité de trans-
m i s s i o n ( R T E vs M S E TC L ) e t
enfin la distribution assurée par
un dernier acteur (ENEDIS vs
MSEDCL). Des compteurs intelli-
gents sont également déployés
de manière similaire. L’équivalent
du Linky, payant, est installé chez
des industriels afin de pouvoir
suivre leurs consommations. Un
centre de dispatching (RTE vs
MSLDC) est également présent
afin d’équilibrer en temps réel le
réseau électrique. Il ne faut pas
oublier que plus de 65% de la
population indienne est encore
aujourd’hui rurale. Ainsi, de nom-
breux habitants ne sont pas rac-
cordés au réseau. Le gouverne-
ment Modi a prévu de moderniser
le réseau électrique en investis-
sant notamment 50 milliards de
dollars.
Dans cer tains Etats de l’Inde,
des subventions sont mises en
place pour diminuer le coût de
l’électricité pour les agriculteurs,
voire le rendre gratuit. Ce type de
subvention, ne fait qu’augmenter
le déficit pour le réseau national
indien.
La solution serait peut être de
privatiser le réseau électrique
national, mais le gouvernement
n’en est pas à ces considérations
pour le moment.
De plus, l’étendue du pays (cinq
fois la superficie de la France)
rend inespéré l’accès au réseau
d a n s d e n o m b r e u x v i l l a g e s
en Inde. Des solutions beau-
coup plus réalistes pour ali-
menter ces derniers seraient les
microgrids solaires ou d’autres
sources d’électricité locales qui
permettraient de contourner le
problème du raccordement au
réseau. Plusieurs entreprises
comme Visionar y Lighting ou
Greenlight Planet se sont spécial-
isées dans le développement et
l’installation de tels microgrids.
Cependant, ces petites tailles
d’installation solaire constitu-
ent un business à faible marge.
La solution pour répondre à
l a d e m a n d e é l e c t r i q u e i n d i-
e n n e v i e n d r a c e r t a i n e m e n t
d ’une gestion décentralisée.
Cette transformation commence
déjà à s’opérer. Par exemple, à
Bangalore, de nombreux rés-
ervoirs d’eau sont chauffés par
énergie solaire.
Un modèle de croissance difficile
à gérer
Pour conclure, la croissance
économique et démographique
de l’Inde a été beaucoup trop
rapide pour que son gouverne-
ment suive le rythme au niveau
du développement des infra-
structures énergétiques. L’Inde
pourra profiter de son retard
de développement sur le plan
énergétique en capitalisant sur
les innovations technologiques
apportées par les pays dévelop-
pés. Cependant, sa transforma-
tion énergétique reste extrême-
ment difficile puisque l ’état
actuel de la planète l’empêchera
de suivre les modèles de crois-
s a n ce A m é r i c a i n o u C h i n o i s
« Grow now, pay later ».
Nalini GASCON
& Axel FELIZOT
Sources :
[1] Banque mondiale, PIB par habitant 1990-2014.
[2] CAIT Climate Data Explorer, Total GHG Emissions Excluding Land-Use Change and Forestry - 2014.
[3] US Energy Information Administration, « Country Analysis Brief: India », 14/06/2016.
[4] Richard Martin, MIT Technology Review, « India’s Energy Crisis », 07/10/2015, https://www.technologyreview.com/s/542091/
indias-energy-crisis/
[5] Maharashtra State Load Despatch Centre, http://mahasldc.in/
[6] Tata Power - Largest Power Company in India, https://www.tatapower.com/
[7] B.H KHAN, « Non-conventional energy resources », Tata McGraw-Hill Education Pvt. Ltd., 2009.
[8] Vidyut Urja Equipments Pvt. Ltd., http://vuel.net/#/home?scrollTo=welcome#welcome
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
17INDE
18. Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050 pour
la France ?
L’ADEME a publié le 30 janvier
dernier, en collaboration avec
GRDF et GRTgaz, une étude de
faisabilité technico-économique
d’un mix de gaz 100% renouvel-
able en 2050 en se basant sur
quatre scénarii dont trois cor-
respondent à 100% et un à 75%
d’énergie renouvelable et de
récupération. L’étude a pour
objectif d’explorer les moteurs
et les freins liés à la faisabil-
ité technico-économique d’un
système gazier d’origine 100%
renouvelable en 2050. Elle s’est
articulée autour de trois étapes
pr incipales : l ’évaluation du
potentiel de ressources renouv-
elables, le calcul du mix de pro-
duction permettant de répondre
à la demande estimée, et la déf-
inition de quatre scénarii pour
évaluer les hypothèses retenues
sur les ressources. La première
étape a considéré trois filières de
production (la méthanisation, la
pyro-gazéification et le power-
to-gaz) et a intégré des critères
de durabilité en exigeant, par
exemple, que les ressources utili-
sées pour un usage énergétique
n’entrent pas en concurrence
avec leur usage en matière pre-
mière, et la seconde étape s’est
appuyée sur l’ajustement de la
demande estimée à par tir du
scénario de l’ADEME 2035-2050.
Mé thode
E n p a r t a n t d u s c e n a r i o d e
l’ADEME 2035-2050, on procède
à des ajustements pour prendre
en compte les différents effets
que peuvent engendrer la hausse
ou la baisse de la demande et on
aboutit aux 4 scénarios consi-
dérés. Ainsi, la substitution par le
gaz des usages qui étaient assurés
par d’autres vecteurs et la pro-
duction de pointe d’électricité,
va contribuer à augmenter la
demande de gaz. En revanche
générer de la chaleur par la pyro-
gazéification, le power-to-gas et
le power-to-heat en substitution
de la chaleur « gaz », engendre-
rait une baisse de la demande.
Globalement, on obser verait
en 2050 une augmentation des
besoins en gaz pour la produc-
tion d’électricité, une baisse de la
consommation en hiver en raison
de la réduction des besoins de
chauffage par gaz, et une baisse
de la consommation également
en été mais qui serait compen-
sée par l’augmentation d’usages
dans le transport.
L’offre de gaz renouvelable en
2050 a ensuite été évaluée à
par tir de scénarii de potenti-
els déjà existants, tout comme
l’équilibrage de l’offre et de la
demande, suivi de l’évaluation
d e s c o û t s d e s t o c k a g e e t
d’adaptations nécessaires sur le
réseau. Finalement, les scéna-
rii étudiés sur la base de vari-
antes de l’offre diffèrent selon
si l’on garde ou pas une part de
gaz naturel dans le mix gazier et
si l’on attribue une part plus ou
moins importante de ressources
biomasse.
Résultats
L’étude a montré que le poten-
tiel de ressources renouvel-
ables primaires mobilisables en
2050 s’élève à 620 T Wh, ce qui
correspond à un potentiel de
gaz renouvelable injectable de
l’ordre de 460 T Wh traduisant
ainsi une hausse significative par
rapport aux ressources actuelles
qui ne dépassent pas 140 T Wh.
Ceci suppose, entre autres, le
développement et la général-
isation de pratiques agricoles
(méthanisation, cultures inter-
médiaires) et forestières (sylvi-
culture). Le président Macron a
d’ailleurs annoncé, le 22 février
en amont de l’ouverture du salon
de l’agriculture, la création d’un
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
18 FRANCE
24. Le Service Public de la Performance Energétique
de l’Habitat (SPPEH)
Cet ar ticle analyse le rappor t
« Le service public de la perfor-
mance énergétique de l’habitat :
analyse et propositions », publié
en décembre dernier par MM
Piron et Faucheux pour le compte
de l’association « Régions de
France » et du Conseil Supérieur
d e l a C o n s t r u c t i o n e t d e
l’Efficacité Energétique (CSCEE)
[1].
Fi n janv ier 201 8, le J ou r na l
Officiel de la République [2] dans
sa rubrique « réponses des minis-
tres aux questions écrites » attire
l’attention sur la publication
récente d’un rapport d’étude de
l’association Régions de France
et du Conseil Supérieur de la
Construction et de l’Efficacité
Energétique (CSCEE). Ce rapport
est le résultat d’une réflexion
de plus d’un an sur la structur-
ation que pourra prendre dans
les territoires la mise en œuvre
d’un véritable service public de
la performance énergétique de
l’habitat.
Qu ’e s t -c e q u e le Se r v i c e Pu b l i c
d e l a Pe r f o r m a n c e En e r g é t i q u e
de l’Habitat ?
L’article 232 du Code de l’Energie
introduit la notion de Service
P u b l i c d e l a P e r f o r m a n c e
Energétique de l’Habitat (SPPEH)
à t rave r s l a l o i d u 1 5 av r i l
2013 [3] :
« Le service public de la perfor-
mance énergétique de l’habitat
a s s u r e l ’ a c c o m p a g n e m e n t
d e s co n s o m m ate u r s s o u h a i -
tant diminuer leur consomma-
tion énergétique. Il assiste les
propriétaires et les locataires
dans la réalisation des travaux
d’amélioration de la performance
énergétique de leur logement et
leur fournit des informations et
des conseils personnalisés. »
Cette première notion est com-
plétée par l’article 22 de la Loi
de Transition Energétique pour
la Croissance Verte (LTECV) du 17
août 2015, qui y rajoute un deux-
ième alinéa décrivant plus préci-
sément les missions de ce service
public : à l’échelle des EPCI
(établissements publics de coo-
pération intercommunale) sont
mises en place des plateformes
d’accueil et d’information pour le
consommateur. Ce dernier peut
également être conseillé par
ces plateformes pour son projet
de rénovation énergétique. Ces
prestations (accueil, informa-
tion et conseil) sont gratuites
et indépendantes, et le plus
adaptées possible à la situation
propre de chaque interlocuteur.
Néanmoins, ces missions sont
noyées dans un amoncellement
d’agences, associations, bureaux,
chacun en charge de prestations
diverses, par fois redondantes,
dotés de financements très dispa-
rates et pouvant attribuer au par-
ticulier des aides très différentes.
Le consommateur ne s’y retrouve
pas, et hésite donc souvent à
déclencher des travaux, comme
nous l’évoquions dans le numéro
de décembre [4].
De ce désordre est née la néces-
sité d’un guichet unique pour la
rénovation énergétique, et c’est
à cela que doit répondre la réor-
ganisation du SSPEH.
L’é tat a c t u el d u SPPEH e t s o n
organisation
A l ’ h e u re a c t u e l l e, l e s m i s -
s i o n s d ’a c c u e i l / i n fo r m a t i o n /
conseil du Service Public de la
Pe r fo r m a n ce E n e rg é t i q u e d e
l’Habitat sont assurées par dif-
férentes plateformes territoria-
les de la rénovation énergétique
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
24 FRANCE
26. Ainsi, même si certains départe-
ments sont déjà bien structurés
sur ce point, la majorité reste
encore loin du « guichet unique ».
Les préconisations de ce rappor t
pour la refonte de l’organisation
du SPPEH
Après un diagnostic de la situa-
tion existante, le rapport Piron-
Faucheux préconise plusieurs
points fondamentaux pour la
réorganisation des structures
du service public de la perfor-
mance énergétique de l’habitat
(SPPEH) :
• Rassembler les PRIS, a forti-
ori ceux fournissant des mis-
sions différentes (techniques,
juridiques, financières), au
sein d’une seule et même
plateforme territoriale pour
la rénovation énergétique
(PTRE) ;
• Associer l’ensemble des inter-
venants concernés : DREAL et
DDT, ADEME, ADIL, Espaces
Info-Energie, CAUE, les dif-
férents niveaux de collectiv-
ités territoriales (communes,
communautés de communes,
dépar tements, régions), et
également les professionnels
du bâtiment ;
• Mettre les PTRE en réseau,
e n t r e e l l e s e t a v e c l e s
entreprises, pour mutualiser
certains moyens et s’adapter
aux zones de chalandise des
professionnels avec lesquels
elles seraient en relation ;
• Animer, via les PTRE, des
m i s s i o n s d e p r o s p e c t i o n
et de démarchage (par le
secteur public !) des poten-
tiels clients : les bâtiments
les plus consommateurs sur
le territoire d’action de la
PTRE peuvent être ciblés
et démarchés pour inciter
fortement les propriétaires à
rénover leur bien ;
• Communiquer sur l’action des
PTRE au travers d’événements
publics pour faire connaitre
la plateforme et les missions
qu’elle peut entreprendre
pour les particuliers ;
• Donner aux PTRE le rôle de
« tiers de confiance » auprès
des particuliers par rapport
aux entreprises impliquées
dans le processus de rénova-
tion, et revaloriser la labelli-
sation RGE ;
• Développer, par l’action des
PTRE, la filière économique
de la rénovation énergé -
tique du bâtiment sur les
t e r r i t o i re s, e n f a vo r i s a n t
l’ac tivité d’entreprises de
ce sec teur pour répondre
de manière adaptée à un
besoin client de rénovation
et d’accompagnement tech-
nique de qualité.
Ces points tracent ainsi une
feuille de route des chantiers de
refonte de ce service public, qu’il
conviendra de surveiller lorsque
l’Etat prendra sa décision à l’été
2018 (cf. la réponse de Nicolas
Hulot à la question du député
Matthieu Orphelin [2]).
Financement des PRIS en millions d’euros annuels
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
26 FRANCE
27. Un e x e m p le d e s e r v i c e p u b l i c d e
la rénovation énergé tique : Onex,
en Suisse
Pour se figurer les effets d’une
réorganisation du service public
de la performance énergétique
de l’habitat (SPPEH), il peut
être intéressant de se pencher
sur des struc tures similaires
développées par nos voisins
à l’étranger. Le modèle suisse
re g o rg e d ’e xe m p l e s d a n s l e
secteur de la transition énergé-
tique, nous allons évoquer ici
le projet « Onex-Rénove » [5], à
Onex, dans le canton de Genève.
Depuis mai 2014, la municipalité
d’Onex s’attache à rénover son
parc immobilier locatif con-
s t r u i t m a j o r i t a i r e m e n t d a n s
les années 1960. Pour ce faire,
celle-ci s’appuie sur une struc-
ture multi-échelons favorable à
la rénovation énergétique : dans
le cadre du Programme Bâtiments
administré par le Département
de l’Aménagement, du Logement,
et de l’Energie (DALE) au niveau
de la Confédération, relayé dans
le canton de Genève par l’Office
Cantonal de l’Energie (OCEN), la
commune d’Onex a mis en place
un système similaire à celui pré-
conisé par le rappor t Piron-
Faucheux pour l’activité future
des PTRE.
En effet, la municipalité met à
disposition des propriétaires :
• Un pré -audit de leur bâti-
ment, par adaptation d’une
des sept typologies retenues
par les services de la ville ;
• Des séances d ’entretiens-
conseil à propos des solu-
tions techniques à adopter ;
• Des conseils pour le finance-
ment au travers des plans
d ’a i d e s e t s u bve n t i o n n e -
ments (ville et canton) ;
• Un suivi et une assistance
pour le processus adminis-
tratif avec des démarches
accompagnées et facilitées.
Par ailleurs, cette démarche de
la municipalité s’inscrit égale -
ment dans une politique éner-
gétique plus vaste concertée à
l’échelle cantonale : la planifi-
cation énergétique territoriale,
basée sur le concept énergé -
tique territorial. Ce dernier con-
siste à préconiser en premier lieu
des solutions techniques adap-
tées à la ressource la plus locale
possible selon les gisements dis-
ponibles. Quelques-unes de ces
préconisations sont, par exemple,
de favoriser la géothermie à
un endroit où la nappe chaude
affleure, limiter le chauffage au
bois dans les zones à haute con-
centration de particules fines,
encourager le photovoltaïque
dans les zones les plus ensoleil-
lées, etc…
Les résultats sont les suivants :
depuis la mise en place auprès
du public de ce projet en mars
2016, 50 allées d’immeubles ont
été rénovées sur les 273 dans le
cadre du projet, soit plus de 830
logements, faisant ainsi bondir
le taux de rénovation annuel à
13%/an contre moins de 1% en
moyenne sur le canton de Genève.
A c t u e l l e m e n t , l a c o m m u n e
d’Onex n’est pas majoritairement
raccordée au réseau CADIOM
(chaleur à distance par incinéra-
tion des ordures ménagères). En
effet, ces vieilles cités sont trop
consommatrices et gaspilleraient
alors une énergie « de qualité ».
Avec leur assainissement ther-
mique, c’est également l’usage
d ’ u n e m e i l l e u re é n e rgi e q u i
devient possible.
Qu elle s c o n s é q u e n c e s p o u r le s
entreprises du sec teur de la réno-
vation ?
A i n s i , l a ré o rg a n i s a t i o n d e s
SPPEH va mener à une modifica-
tion du tissu économique de ce
secteur. A priori, la restructura-
tion du réseau des PTRE va amé-
liorer son dynamisme et booster
son activité, c’est en tout cas le
but principal de cette réforme.
Dans ce cas, comme cet article l’a
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
27FRANCE
28. Sources :
[1] MM. Piron et Faucheux, Régions de France et CSCEE, « Le service public de la performance énergétique de l’habitat : analyse
et propositions », décembre 2017.
[2] Journal Officiel de la République Française, débats parlementaires, année 2018. No 4 A.N. (Q), ISSN 0242-6757, mardi 23
janvier 2018, page 663, question n°2004.
[3] Code de l’énergie, livre II, titre II, Chapitre II « Service public de la performance énergétique de l’habitat », article 232-1.
[4] Inf ’OSE, n°128, Mastère OSE Ecole des Mines ParisTech, décembre 2017.
[5] « Onex-Rénove », site web de la ville d’Onex, onex.ch.
expliqué, le marché de la réno-
vation énergétique devrait être
amené à croître plus ou moins
fortement grâce aux opérations
de démarchage et d’incitation
menées par le SPPEH. L’existence
d’un guichet unique permettrait
d’orienter au mieux le client vers
les entreprises de rénovation et
donc augmenter leur marché.
En revanche, l’apparition d’un
tiers de confiance pour la com-
paraison technique des offres
concurrentielles des entreprises
va certainement avoir tendance
à amplifier les distorsions de
concurrence entre les petites
entreprises et les spécialistes.
Ces derniers seront vraisem-
blablement favorisés par leur
image de marque et de fiabilité
auprès du SPPEH, au détriment
de petits et/ou nouveaux acteurs
sur le marché. Cette distorsion de
concurrence irait certainement
dans le sens du particulier, mais
peut tendre à réduire l’activité
des petits entrepreneurs ou des
entreprises non spécialisées.
Pa r a i l l e u r s, l a c o n c u r re n c e
entre le public et le privé devra
bien être délimitée : les mis-
sions d’accueil et d’information
relèvent légitimement du service
public, mais les missions de
conseil forment la frontière entre
les secteurs public et privé. Les
m i s s i o n s d ’a c c o m p a g n e m e n t
technique et de maîtrise d’œuvre
devraient rester à la charge des
entreprises privées. Néanmoins,
l’ingénierie financière des projets
de rénovation peut être un sujet
ambigu : la minimisation du coût
pour le client relève de la mission
du SPPEH, mais peut également
être une différenciation straté-
gique des entreprises. Peut-être
que ce type de missions ne serait
plus directement profitable aux
entreprises, mais la conception
de solutions techniques adaptées
à une optimisation financière
permettrait toujours de con-
server un certain avantage con-
currentiel des entreprises com-
pétentes sur l’ingénierie finan-
cière de projets.
Enfin, les objectifs de restruc-
turation des PTRE dans le cadre
du SPPEH visent à homogé -
n é i s e r l ’o f f re d e ré n ov a t i o n
s u r l ’e n s e m b l e d u te r r i to i re
et, parallèlement, à doper la
demande. Cette augmentation de
l’offre permettrait l’installation
de nouvelles entreprises dans
les milieux les moins fournis,
et leur ouvrirait un nouveau
marché. Toutefois, l’activité des
PTRE dans ces zones peu cou-
vertes par le secteur privé reste
à définir : si une offre publique
se met en place en remplacement
du manque d’offre privée, quelle
serait l’opportunité d’installation
d’entreprises spécialisées ? De
plus, il est certain que l’Etat ne
laisserait pas s’instaurer une sit-
uation de monopole privé, la
notion de concurrence public-
privé est donc toujours à envis-
ager. Le développement d’une
offre privée dans ces zones n’est
p a s e n co re p a r t i c u l i è re m e nt
fiable.
Nous attendons désormais l’été
pour connaitre les décisions du
gouvernement à ce sujet, et la
forme que prendra ce ser vice
public quant à sa mise en pra-
tique dans les territoires.
Romain SAINT-LÉGER
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
28 FRANCE
29. Cyber sécurité dans les réseaux électriques
D e p u i s l e d é b u t d u XXè m e
siècle, les réseaux électriques
ont été conçus pour assurer un
maximum de fiabilité et de sécu-
rité physique et résister à des
problèmes aléatoires, telles les
défaillances d’équipement et les
chutes d’arbres sur des lignes
électriques, ainsi que des événe-
ments naturels extrêmes, notam-
ment les tempêtes et ouragans.
La première priorité pour les ser-
vices publics et les fournisseurs a
toujours été d’assurer une four-
niture continue, efficace et fiable
de l’électricité et de répondre à
l’augmentation exponentielle
des besoins en énergie, tant pour
le secteur tertiaire et résidentiel
que pour le secteur industriel.
P a r a i l l e u r s , l e s s e r v i c e s
publics arrivent très souvent,
aujourd’hui, à bien anticiper et
prévoir des pannes électriques
(ayant pour cause des condi-
tions météorologiques défavor-
ables par exemple) et disposent
de plus en plus de capacités et
moyens techniques leur per-
mettant de réagir rapidement et
restaurer le service en quelques
heures, au plus tard en quelques
jours.
To u t e fo i s, l e s ré s e a u x é l e c -
triques n’ont cessé de se mod-
erniser avec l’adoption continue
de nouvelles technologies. Avec
les grands progrès qu’ont connu
les moyens de communication
et de transmission de données
grâce à Internet, les réseaux élec-
triques sont devenus de plus en
plus interconnectés et numérisés
et plus concrètement gérés par
des ordinateurs constamment
connectés au réseau Internet.
« On passe de systèmes énergé-
tiques fermés où il y a très peu de
données rendues disponibles et
très peu d’organes manœuvrables
à distance à des systèmes plus
ouverts où il y a de plus en plus
d’équipements télé - opérés »,
a expliqué la Commission de
Régulation de l’Energie (CRE).
Cette numérisation a énormé -
ment facilité la gestion du réseau
et lui a permis d’être plus réactif
à l’évolution de la demande et
de mieux intégrer de nouvelles
sources d’énergie. Néanmoins,
elle a ouvert la porte à de nom-
breux risques d’abus et de péné-
trations malveillantes au cœur
du système informatisé avec
l’intention de nuire, notamment
à cause de la multiplication des
points d’entrée au réseau (compt-
eurs intelligents/communicants,
réseaux intelligents – smar t-
gr ids, produc teurs d ’énergie
renouvelable…).
En effet, la sécurité et la fiabil-
ité des réseaux électriques n’ont
pas été envisagées du point de
vue de la cyber-sécurité. Les ser-
vices publics et les experts en
sécurité se focalisaient jusqu’à il
y a quelques années sur les vul-
nérabilités physiques pouvant
impacter les réseaux. On com-
mence aujourd’hui à réaliser et
comprendre la menace croissante
que peuvent faire subir les cyber-
at t a q u e s a u x i n f ra s t r u c t u re s
électriques aussi bien à l’échelle
nationale qu’internationale.
Exemples de cyber-at taques
Jusqu’en 2015, la menace était
hypothétique. Mais mainten-
ant, tous les experts en sécurité
savent per tinemment que les
cyber-attaquants peuvent péné-
trer les structures de contrôle du
réseau électrique, en coupant
l’alimentation à un grand nombre
de personnes.
Le 23 décembre 2015, une cyber-
attaque a touché les centres
d e c o n t rô l e d e l a d i s t r i b u -
tion d’électricité en Ukraine en
s’appuyant sur des vulnérabili-
tés logicielles, des informations
d’identification volées et des
logiciels malveillants sophisti-
qués introduits dans les systèmes
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
29CYBER SÉCURITÉ
30. informatiques de ces centres.
Les attaquants ont pu ouvrir des
douzaines de disjonc teurs et
couper l’alimentation de plus de
200 000 clients dans l’est du pays
pendant plusieurs heures.
Cette attaque est considérée
comme la première cyber-attaque
réussie sur un réseau électrique.
Un an plus tard, les installations
de transport d’électricité du pays
ont été attaquées. Pendant une
heure, un cinquième de la capi-
tale Kiev a été privé d’électricité.
Comment prévenir les vulnérabili-
tés e t empêcher ces at taques ?
La numérisation des réseaux
élec tr iques accompagnée de
faibles investissements dans
la cyber-sécurité ainsi qu’une
règlementation obsolète dans
la plupart des pays du monde
peuvent laisser penser qu’aucun
(ou presque) réseau électrique ne
peut être épargné. Ce qui s’est
passé en Ukraine en 2015 pour-
rait se reproduire dans n’importe
quel autre pays surtout si l’on
considère que les pirates infor-
matiques (hackers) sont de mieux
en mieux outillés.
P r é v e n i r u n e c y b e r - a t t a q u e
nécessite une amélioration con-
tinue de la sécurité du réseau
électrique afin de le doter de
c a p a c i té s d ’a u to - d é fe n s e l u i
permettant principalement de
détecter et contrer les tentatives
malveillantes de pénétration
afin de minimiser tout impact
potentiel.
Contrairement à la technologie
de l’information d’une entre -
prise, les systèmes industriels
qui contrôlent le réseau élec-
trique exécutent généralement
des fonctions uniques et com-
muniquent uniquement avec un
nombre restreint d’autres péri-
phériques selon des configura-
tions usuelles ou « routine pat-
terns ». Ainsi, la sécurisation
de ces systèmes et la détec-
tion des activités malveillantes
devraient, en théorie, être rela-
tivement simples. En pratique,
de nombreux systèmes de con-
trôle industriel sont construits
sur des systèmes informatiques
généraux datant d’une généra-
tion passée. Ils n’ont pas été
conçus en pensant à la sécurité et
ne peuvent pas être mis à jour. Ce
problème n’a pas été corrigé avec
la dernière génération de tech-
nologies de réseau intelligent ;
il a été constaté entre autres que
ces dispositifs n’ont souvent pas
la capacité d’authentifier les
administrateurs et ne peuvent
pas maintenir les historiques
d’activité nécessaires pour des
analyses ultérieures. Ces appa-
reils sont souvent accessibles
depuis Internet et utilisent des
mécanismes d’authentification
de faible niveau de sécurité.
L’amélioration de la protection du
réseau nécessite donc d’investir
dans de nouvelles technologies
plus sûres, susceptibles d’être
protégées et de mettre en place
des règles d’hygiène de base en
matière de cyber-sécurité. Le défi
n’est donc pas de développer des
spécifications techniques pour
sécuriser le réseau mais plutôt de
stimuler l’implémentation d’un
plan d’investissement en matière
de cyber-sécurité.
Egalement la formation de nou-
velles compétences en sécu-
rité informatique au sein de
l’ensemble des intervenants du
système de production d’énergie,
notamment les exploitants et
les gestionnaires des réseaux,
s’avère être une mesure indis-
pensable à la prévention des
risques de piratage.
Que faire si une cyber-at taque ne
peut ê tre empêchée ?
L’élaboration d’un plan d’action
c l a i r c o m p r e n a n t u n e s é r i e
de mesures à implémenter en
cas d’urgence pourrait consi-
dérablement atténuer les effets
d ’ u n e p a n n e d ’é l e c t r i c i t é à
grande échelle causée par une
cyber-attaque.
I N F ’ O S E | F é v r i e r 2 0 1 8
30 CYBER SÉCURITÉ
31. Il est nécessaire que le person-
nel chargé d’assurer la gestion
et l’exploitation du réseau soit
régulièrement formé et entrainé
à des exercices sur des opérations
manuelles (dont la plupart ont
été automatisées avec la numéri-
sation des réseaux) indispens-
ables au bon fonctionnement du
réseau si le système informatique
subit une panne.
Des exercices por tant sur des
o p é r a t i o n s d e r é c u p é r a t i o n
d’une partie ou de tout le réseau
doivent également être régu-
lièrement planifiés et exécutés.
Ce c i p o u r ra i t ré d u i re co n s i -
dérablement la durée des pannes
électriques et réduire ainsi les
d o m m a g e s é c o n o m i q u e s e t
sociaux.
Un rappor t de l’Institut SANS
( S y s A d m i n , A u d i t , N e t w o r k ,
Security) a conclu que les effets
de l ’attaque de 2015 sur le
réseau électrique ukrainien ont
été largement atténués dans la
mesure où les commandes des
opérations du réseau ont pu
être reprises manuellement. La
plupar t des exper ts estiment
cependant que la complexité
actuelle des opérations de cer-
tains réseaux (notamment celui
des États-Unis) rendrait difficile
le passage aux opérations manu-
elles. Encore plus inquiétant : les
nouveaux systèmes pourraient
ne pas permettre l’utilisation de
commandes manuelles (réseaux
entièrement automatisés). Exiger
la possibilité de revenir à un con-
trôle commande manuel sur un
réseau et procéder à des exer-
cices annuels pourrait être une
réponse face à la menace de
cyber attaques.
À l a s u i t e d ’ u n e a t t a q u e ,
l’élimination des logiciels malveil-
lants et la reprise du contrôle du
réseau électrique est la priorité
absolue pour les gestionnaires
et exploitants du réseau touché.
Les états doivent ensuite être en
mesure d’attribuer l’attaque et
en identifier la source à l’aide de
moyens d’investigation sophis-
tiqués mis en œuvre par des
agences spécialisées en sécurité
informatique.
Emna BERKAOUI
Sources :
[1] Manimaran Govindarasu and Adam Hahn, « Cybersecurity of the Power Grid: A Growing Challenge », 25/05/2017, http://sci-
techconnect.elsevier.com/cybersecurity-power-grid-growing-challenge/
[2] Edison Electric Institute, « Cyber & Physical Security », http://www.eei.org/issuesandpolicy/cybersecurity/Pages/default.aspx
[3] Edison Electric Institute, « Electric Power Industry Initiatives To Protect The Nation’s Grid From Cyber Threats », Octobre
2014, http://www.eei.org/issuesandpolicy/cybersecurity/Documents/EEI%20Cybersecurity%20Backgrounder.pdf
[4] Edison Electric Institute, « EEI Principles for Cybersecurity and Critical Infrastructure Protection », http://www.eei.org/issue-
sandpolicy/cybersecurity/Documents/Cybersecurity%20Principles.pdf
[5] Edison Electric Institute, « Protecting the energy grid from threats that could impact national security is a responsibility
shared by both the government and the electric power sector », mars 2017, http://www.eei.org/issuesandpolicy/cyberse-
curity/Documents/ESCC%20Brochure.pdf
[6] Council on Foreign Relations, « A Cyberattack on the U.S. Power Grid », 03/04/2017, https://www.cfr.org/report/
cyberattack-us-power-grid
[7] Schneider Electric - Frederic Abbal, «Focus on Your Risk Strategy: Cyber Security for the Smart Grid », 28/07/2017, https://
blog.schneider-electric.com/cyber-security/2017/07/28/focus-risk-strategy-cyber-security-smart-grid/
[8] Martin Untersinger, Le Monde, « Le réseau électrique français peut-il être piraté ? », 08/12/2017, http://www.lemonde.fr/
pixels/article/2017/12/08/le-reseau-electrique-francais-peut-il-etre-pirate_5226462_4408996.html
[9] Martin Untersinger, Le Monde, « Le réseau électrique français peut-il être piraté ? », 08/12/2017, http://www.lemonde.fr/
pixels/article/2017/12/08/le-reseau-electrique-francais-peut-il-etre-pirate_5226462_4408996.html
[10] Sentryo, « L’ANALYSE COMPLÈTE ET DÉTAILLÉE DES CYBERATTAQUES DU RÉSEAU ÉLECTRIQUE UKRAINIEN EN UN EBOOK »,
05/10/2017, https://www.sentryo.net/fr/ebook-analyse-cyberattaque-reseau-electrique-ukraine/
[11] OODRIVE, « Protéger les réseaux électriques des cyberattaques, une problématique mondiale », https://www.oodrive.fr/
blog/securite/proteger-les-reseaux-electriques-des-cyberattaques-une-problematique-mondiale/
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31CYBER SÉCURITÉ
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32 ÉVÈNEMENT OSE
Photographie de la promotion 2017