Dans ce numéro de mai, nous vous proposons d’aborder des sujets aussi variés que d’actualité dans notre course pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La plupart des articles synthétisent des projets auxquels nous nous sommes consacrés durant notre semestre d’étude et constituent des réflexions originales mêlant économie et énergie. S’il semble difficile de trouver une articulation au regard du sommaire, la prise de recul et le travail bibliographique font systématiquement émerger des limites à certaines solutions technologiques et politiques sur lesquelles nombre d’acteurs de la transition énergétique se reposent.
Selon un volet technique, un dossier pointe les limites environnementales et économiques des technologies de capture et valorisation du carbone. Un autre article nous emmène en Afrique de l’Ouest et se consacre aux opportunités de prise de leadership de ces pays dans le développement des réseaux de demain, leviers de leur développement économique. Sera aussi abordé le paradoxe entre l’ahurissante empreinte environnementale de l’IT ou de la Blockchain face à la meilleure gestion des énergies qu’elle permet. Un autre volet nous livrera une réflexion sur les faiblesses de la COP21 et les « évasions » qui s’ensuivent naturellement. Un bref état de l’art du cadre des rénovations thermiques fermera cette partie.
Paradoxalement, c’est à l’heure de l’explosion de l’influence des nouvelles technologies sur la modification de nos modes de vie que se pose urgemment la question de la soutenabilité de ces modes de vie…
Bonne lecture !
Raphaël CLUET
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tielle, quel qu’en soit le procèdé, le support ou
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risation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
Dans ce numéro de mai, nous vous pro-
posons d’aborder des sujets aussi variés
que d’actualité dans notre course pour la
réduction des émissions de gaz à effet de
serre. La plupart des articles synthétisent
des projets auxquels nous nous sommes
consacrés durant notre semestre d’étude
et constituent des réflexions originales
mêlant économie et énergie. S’il semble
difficile de trouver une articulation au regard du sommaire, la prise
de recul et le travail bibliographique font systématiquement émerger
des limites à certaines solutions technologiques et politiques sur
lesquelles nombre d’acteurs de la transition énergétique se reposent.
Selon un volet technique, un dossier pointe les limites environnemen-
tales et économiques des technologies de capture et valorisation du
carbone. Un autre article nous emmène en Afrique de l’Ouest et se
consacre aux opportunités de prise de leadership de ces pays dans
le développement des réseaux de demain, leviers de leur développe-
ment économique. Sera aussi abordé le paradoxe entre l’ahurissante
empreinte environnementale de l’IT ou de la Blockchain face à la
meilleure gestion des énergies qu’elle permet.
Un autre volet nous livrera une réflexion sur les faiblesses de la
COP21 et les « évasions » qui s’ensuivent naturellement. Un bref état
de l’art du cadre des rénovations thermiques fermera cette partie.
Paradoxalement, c’est à l’heure de l’explosion de l’influence des nou-
velles technologies sur la modification de nos modes de vie que se
pose urgemment la question de la soutenabilité de ces modes de
vie…
Bonne lecture !
Raphaël CLUET
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2 ÉDITORIALCONTACTS
3. ACTUALITÉS
ARTICLES
04 - Californie : L’installation de panneaux
solaires est rendue obligatoire pour
tous les nouveaux logements
04 - Total rachète Direct Energie
05 - Une première pour le transport mari-
time : un accord internationnal pour
réduire les émissions du secteur
05 - La France en déficit écologique dès le
5 mai
06 - La première centrale nucléaire flot-
tante au monde a été mise à l’eau
07 - CCS & CCU : quels enjeux pour les élec-
triciens et les industriels ?
14 - A l’aube d’une révolution des réseaux
électriques : l’Afrique peut se placer en
tête
19 - Les passagers clandestins de la COP21 :
Stratégie chinoise et avenir des COP
25 - Le numérique, atout ou obstacle à la
transition écologique ?
28 - Les plateformes Peer-to-Peer d’échange
d’énergie
32 - Rénovation énergétique des logements
existants
35 - “Oxygène” : le pneu végétal du futur
Devenez partenaire de l’événement OSE 2018
L’Hydrogène, vecteur énergétique du futur ?
Mardi 25 Septembre 2018 à Sophia Antipolis (06)
Le programme de ce colloque s’articulera autour des applications de l’hydrogène les plus prom-
etteuses. Seront détaillées entre autres les caractéristiques de production, stockage et transport,
ainsi que l’évaluation des performances économique et environnementale de ces applications.
Cette manifestation d’envergure ne peut se faire sans la participation d’entreprises comme la vôtre.
Celle-ci pourra prendre la forme d’un soutien financier ou d’interventions lors du colloque, pour
promouvoir vos activités en lien avec l’hydrogène et partager vos savoirs.
Pour plus d’informations, contactez : evenement@mastere-ose.fr
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
3SOMMAIRE
4. ACTUALITÉS MAI 2018
Dhekra BOUSNINA
CALIFORNIE : L’INSTALLATION DE PANNEAUX SOLAIRES EST RENDUE OBLIGATOIRE
POUR TOUS LES NOUVEAUX LOGEMENTS
Dans le but de réduire de 50%
la consommation énergé -
tique des nouveaux bâtiments
résidentiels et de faire baisser
leurs émissions de gaz à effet
de serre, la commission cali-
fornienne de l’énergie a voté, le
9 mai, de nouvelles normes de
construction qui entreront en
vigueur dès le 1er janvier 2020.
Ces nouvelles normes font de la
Californie le premier état améri-
cain à exiger l’installation de
panneaux solaires sur les toits
des nouveaux logements. Bien
q u’e l l e s s o i e n t s u s c e p t i b l e s
d’engendrer une augmentation
des prêts immobiliers résiden-
tiels de 40 dollars par mois en
moyenne, elles contribueront
cependant à baisser de 80 dollars
la facture énergétique liée au
chauffage, à la climatisation ou à
l’éclairage. Par ailleurs, la baisse
des émissions de gaz à effet de
serre qui en résultera sera équiv-
alente à celle qu’on réaliserait si
on retirait 115 000 voitures ther-
miques de la circulation.
Sources :
• Le Figaro, 10/05/2018, http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/05/10/97002-20180510FI LWWW00043-usa-la-californie-rend-
obligatoire-les-panneaux-solaires-sur-les-nouveaux-batiments.php
• G a b r i e l N e d e l e c , L e s E c h o s , 1 2 / 0 5 / 2 0 1 8 , h t t p s : / / w w w . l e s e c h o s . f r / i n d u s t r i e - s e r v i c e s / e n e r g i e -
environnement/0301668387172-californie-les-panneaux-solaires-rendus-obligatoires-sur-les-nouveaux-batiments-2175320.
php#formulaire_enrichi::bouton_google_inscription_article
TOTAL RACHÈTE DIRECT ENERGIE
Le géant français du pétrole a
annoncé, le 18 avril dernier,
avo i r s i gn é u n a cco rd p o u r
a cq u é r i r 7 4 , 3 3 % d u p re m i e r
fournisseur alternatif d’électricité
et de gaz en France Direct Energie.
Cette action s’inscrit, selon le
PDG de Total Patrick Pouyanné,
« dans la stratégie du groupe
d’intégration sur l’ensemble de la
chaîne de valeur du gaz-électric-
ité ». Après avoir acquis en 2016
le fournisseur d’électricité Belge
Lampiris, et lancé en 2017 son
offre Total Spring sur le marché
des par ticuliers, le pétrolier
français poursuit aujourd’hui,
avec cette nouvelle opération,
sa stratégie pour se position-
ner comme acteur majeur sur la
chaine de valeur de l’électricité
« de la pompe à la prise ».
Sources :
• Nabil Wakim, Le Monde Energie, 18.04.2018, http://www.lemonde.fr/energies/article/ 2018/04/18/total-va-acheter-74-de-
direct-energie-pour-1-4-milliard-d-euros_5286891_1653054.html
• L e Po i n t , 1 8 . 0 4 . 2 0 1 8 , h t t p : / / w w w. l e p o i n t . f r / e c o n o m i e / t o t a l - r a c h e t e - d i r e c t - e n e r g i e - p o u r - 1 - 4 - m i l l i a r d - d -
euros-18-04-2018-2211548_28.php
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
4 NEWS
7. CCS & CCU : quels enjeux pour les électriciens
et les industriels ?
CONTEXTE
Les décisions en matière de
p o l i t i q u e e n v i r o n n e m e n -
tale ces der nières années
p e u ve n t l a i s s e r p e r p l e xe.
Tout d’abord avec des résul-
tats plutôt mitigés concernant
les accords de Paris établis
lors de la COP21. Puis avec
le retrait des Américains de
ces mêmes accords lors de la
COP23 en 2017, où les dirige-
ants de Washington ont mas-
sivement défendu les éner-
gies fossiles. Enfin, avec un
fort lobbying des entreprises
les plus polluantes au sein
même des négociations clima-
tiques internationales, comme
le rapporte l’ONG Corporate
Accountability [1].
Dans le monde, les émis-
sions de gaz à effet de serre
représentent 35 GtCO2
/an [2].
Plusieurs industries sortent
du lot en ce qui concerne
les émissions de CO2
directe-
ment liées à leur processus
de fabrication : on distingue
deux catégories d’industries
à for tes émissions carbon-
ées. D’une part, les centrales
de production d’électricité de
sources fossiles. D’autre part
les industries lourdes (métal-
lurgie, cimenterie et pétrochi-
mie). Ces sources représen-
tent respectivement 25% et
21% des émissions totales de
carbone dans le monde soit un
total de 16 GtCO2
/an [3].
D a n s c e c o n t e x t e , a b o r -
dons les différents moyens
existants de capture, de stock-
age et d’utilisation du CO2
.
Les technologies de capture
et de stockage du CO2
sont
appelées CCS (Carbon Capture
and Storage), les technologies
de capture et de valorisation
sont quant à elles appelées
CCU (Car bon Capture and
Utilisation).
E N J E U X T E C H N I Q U E S E T
TECHNOLOGIQUES
Quelles sont les méthodes de
capture du carbone ?
Le CO2
est formé lors de la
combustion de ressources
é n e r g é t i q u e s c o m m e l e
charbon, le pétrole, le gaz
naturel ou la biomasse. Ces
émissions de CO2
sont soit dif-
fuses (véhicules, chauffages
individuels…), soit concen-
trées (secteur industriel et
production d’énergie). Seules
les émissions concentrées
pourraient facilement être
captées. On distingue trois
grandes familles de procédés :
• La capture avant une com-
bustion : précombustion.
Cette technologie ne peut
s’appliquer que sur des
u n i té s n e u ve s c a r e l l e
nécessite de modifier le
processus de combustion.
• L a c a p t u r e a p r è s u n e
co m bu s tio n classi que :
p o s t c o m b u s t i o n . C e t t e
méthode est la plus facile
à mettre en place car elle
peut s’intégrer aux instal-
l at i o n s ex i s t a nte s s a n s
nécessiter de modifica-
tions trop importantes. La
capture se fait souvent à
l’aide d’un solvant, afin
de capturer le CO2
présent
dans les fumées de com-
bustion. Le solvant est
r é g é n é r é p a r a p p o r t
énergétique.
• L a c a p t u r e a p r è s u n e
combustion à l’ox ygène
p u r : o x y c o m b u s t i o n .
L’oxycombustion n’est pas
à proprement parler une
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
7CCU & CCS
8. méthode de captage du
CO2
: elle consiste à injecter
de l’oxygène pur (et non
pas de l’air) pour réaliser la
combustion. Cela permet
d’obtenir des fumées con-
te n a nt j u s q u’à 9 5 % d e
CO2
: des étapes de lavage
et de déshydratation des
fumées sont ensuite suf-
f i s a nte s p o u r i s o l e r l e
dioxyde de carbone à 99%.
Cette technologie néces-
site une reconfiguration
de l’installation existante,
et implique la produc -
tion de grandes quanti-
tés d’ox ygène très pur.
L’oxygène est obtenu par
séparation de l’oxygène
d e l ’ a i r, p r o c é d é t r è s
énergivore.
Quels sont les moyens de
stock age du CO2
et leurs
capacités ?
Il existe, depuis une ving-
t a i n e d ’a n n é e s d é j à , d i f -
férentes méthodes afin de
stocker le CO2
à long terme.
Ces méthodes sont pour la
majorité mises en œuvre par
le biais de projets pilotes qui
cherchent à tester ou démon-
trer l’efficacité de ces nou-
velles technologies. Les trois
principaux types de stock-
age existants sont résumés
dans le tableau ci-dessous.
Actuellement on recense 37
projets principaux selon le
Global CCS Institute [5]. Il y
en a 17 en exploitation, qui se
situent en majeure partie aux
États-Unis, 16 en développe-
ment, principalement locali-
sés en Chine, et 4 en construc-
tion. Au total, ces projets per-
mettraient de stocker au plus
70 MtCO2
/an, soit 0,20% des
émissions de CO2
mondiales.
Les deux principaux acteurs
dans l’utilisation des technol-
ogies CCS sont les États-Unis
et la Chine, qui produisent la
majeure partie de leur élec-
tricité par le biais du gaz de
schiste et du charbon, princi-
paux émetteurs de GES. « Dans
le scénario 2DS, près de 75%
du CCS déployé s’effectue en
dehors des pays de l’OCDE,
principalement en Chine, qui
accumule à elle seule 28%
(soit 26Gt) du CO2
capturé en
2050 » [6].
Les différentes méthodes de stockage de CO2
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
8 CCU & CCS
10. Cependant, la plupart de ces
voies de valorisation ne reti-
ennent pas le CO2
de façon
permanente. En effet, s’il est
piégé de façon permanente
dans le cas du CCS, le CO2
utilisé pour la production de
produits à valeur énergétique
ou pour la synthèse organique
est libéré dans l’atmosphère
lorsque le produit en question
est consommé.
L E S I M P A C T S
SOCIO-ECONOMIQUES
Quels seront les surcoûts et les
plus-values liés à l’intégration
du CCS et du CCU dans les
procédés de fabrication ?
Il va de soi que l’intégration
d’un tel système engendre un
surcoût de par l’infrastructure
à mettre en place, aussi bien
pour la capture, le transport
et le stockage du CO2
. Selon
l ’ U S E n e r g y I n f o r m a t i o n
Administration, ce surcoût
est de l’ordre de 30% dans
le cas d’une centrale de pro-
duction d’électricité [8]. Selon
une étude de l ’ADEME en
2013 [4], le coût total moyen
d’opération d’une installation
CCS s’élève à 60€/tCO2
, valeur
de référence également utili-
sée par le GIEC [9]. Mais en
réalité les coûts de capture
Ensemble des voies de valorisation du CO2
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
10 CCU & CCS
11. v a r i e n t f o r t e m e n t d ’ u n
procédé à l’autre. Ainsi, la
technologie CCS peut s’avérer
rentable ou non en fonction
du contexte du projet.
Une augmentation du prix du
CO2
sur le marché du carbone
pour pousser les industriels à
minimiser leurs émissions ?
Dans tous les cas, quelle que
soit la valeur du coût marginal
de produc tion, l’industriel
sera confronté à un choix :
investir dans des technolo-
gies CCS ou payer l’émission
de CO2
. La comparaison entre
le surplus du coût de produc-
tion lié à l’utilisation du CCS
et le prix de la taxe carbone
permettra de prendre la déci-
sion la plus intéressante sur
le plan économique. Tant que
le prix de la taxe sera inféri-
eur à celui du CCS, il sera alors
toujours plus rentable pour un
industriel de ne pas investir
dans une installation de CCS.
A c t u e l l e m e n t l e p r i x d u
carbone est de 7 €/tCO2
sur le
marché des quotas européens.
Même si l’on considère un prix
à 30 €/tCO2
, régulièrement
é v o q u é c o m m e r é fé r e n c e
selon les modèles prévision-
nels de la France pour valo-
riser le « fuel-switching », on
est encore assez loin du seuil
d’incitation à l’intégration du
CCS. Un tel prix pourrait per-
mettre de motiver les projets
les moins coûteux, comme
dans le cas des centrales à
charbon. Mais le développe-
ment massif de la filière ne
s e r a s a n s d o u t e p o s s i b l e
que dans un contexte poli-
tique taxant le CO2
à plus de
80€ la tonne, afin de couvrir
les frais de construction et
d’opération.
Le développement des tech-
nologies CCU pourrait- elle
permettre de transformer la
capture du carbone en un
procédé viable, voire rent-
able ?
En effet, la récupération assis-
tée des hydrocarbures (EOR)
est de plus en plus répandue,
car elle permet justement de
valoriser le CO2
extrait. Le CO2
injec té permet de pomper
d e p l u s gra n d e s q u a nt i té
d’hydrocarbures et ainsi de
maximiser le volume vendu.
Aujourd’hui, le CO2
de qualité
« industrielle » est facturé
entre 100 et 200€ par tonne
selon les volumes achetés et
la région. Le CO2
de qualité
« alimentaire » coûte quant
à lui de 150€ à 1000€ selon
les volumes achetés [10]. Ces
valeurs très élevées laissent
penser que la valorisation du
CO2
pourrait permettre de
rendre la capture de celui-
ci rentable, même s’il fau-
drait ajouter des frais pour
obtenir un CO2
d’une qualité
suffisante.
Quel avenir pour ces technol-
ogies ?
Nous pouvons espérer que
les conclusions de l’AIE sur
le scénario 2DS fassent pres-
sion sur la classe politique des
pays afin de bénéficier d’un
environnement favorable au
CCS. La nécessité d’investir
dans ces infrastructures est
d’autant plus importante car
les projets actuels sont peu
nombreux. Selon l’AIE « si tous
les projets de CCS actifs à large
échelle étaient considérés et
en fonctionnement, la capture
maximum de CO2
serait de
moins de 70 MtCO2 chaque
année en 2025, soit 15% des
chiffres annoncés dans le scé-
nario 2DS cette année pour
atteindre les objectifs fixés »
[11]. En effet, la prospection
pour augmenter les capaci-
tés de capture souffre d’un
manque de développement
de projets à large échelle
depuis 2014 et peu de projets
de grande envergure sont à
prévoir pour le moment.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
11CCU & CCS
13. de garantir un stockage du
CO2
infini. Si une fuite survi-
ent dans le cas d’un stockage
sous-terrain, le CO2
pourrait
affecter la flore et l’acidité des
eaux potables. Dans le cas d’un
stockage sous-marin, la fuite
influerait sur le pH de l’eau et
sur la faune et la flore proche.
De même, le développement
massif de la culture des micro-
algues pourrait voir appara-
itre des conflits d’usage des
surfaces par exemple.
CONCLUSION
La capture du CO2
ainsi que
le stockage ou l’utilisation
de cette molécule est indis-
pensable pour diminuer les
émissions à effet de serre.
Ce p e n d a n t , c e s d e r n i è re s
années ces technologies ont
eu du mal à affirmer leur via-
bilité technico-commerciale.
D’une part, une réflexion sur
l’organisation générale de la
filière au niveau international
est nécessaire. Des mesures
incitatives, comme un con-
tex te réglementaire favor-
able, une augmentation con-
sidérable de la taxe carbone
ou un subventionnement des
projets, sont requises pour
améliorer la rentabilité des
projets de stockage du CO2
.
Il est d’autre part nécessaire
d’accentuer les effor ts de
recherche dans les domaines
du stockage et de la valori-
sation du CO2
. De même, il
devient impératif de valider
les bilans environnementaux
de ces voies. Un levier d’action
serait d’augmenter le nombre
de programme de recherche et
de financement de thèses sur
ces sujets ou encore de créer
des formations académiques
propres à ce domaine. En
France, d’après l’ADEME, les
axes de recherche prioritaires
sont la catalyse, la produc-
tion d’hydrogène de manière
décarbonée et l’optimisation
des cultures d’algues.
Certains pays comme la Chine
ou les Etats-Unis se sont posi-
tionnés comme leader des
technologies de capture et de
stockage du CO2
. La France, et
plus généralement l’Europe,
restent en retrait par rapport
à ces pays. Pourtant la France
dispose d’atouts majeurs pour
s’implanter sur ce marché. En
effet, la France dispose d’une
électricité très peu carbonée.
Elle dispose également de
compétences humaines et
techniques (industrie de haut
niveau) qui pourraient lui per-
mettre de jouer un rôle dans
le développement des voies
de valorisation du CO2
. Dans
ce but, des efforts sont néces-
saires pour bâtir une écono-
mie du CO2
: entre autres,
structurer la filière et stim-
uler les projets de recherche.
Baptiste METZ
& Axel FELIZOT
Sources :
[1] Corporate accountability, « Polluting Paris: how big polluters are undermining global climate policy », 2017.
[2] PBL Netherlands Environmental Assessment Agency, « Trends in global CO2 and total greenhouse gas emissions », Décembre
2017.
[3] Intergovernmental Panel on Climate Change, « Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change », 2014.
[4] AFHYPAC, « Captage et stockage géologique du CO2 », Novembre 2014.
[5] Global Carbon Capture and Storage Institute, « Large-scale CCS facilities », https://www.globalccsinstitute.com/projects/
large-scale-ccs-projects.
[6] AIE, « 20 Years of Carbon Capture and Storage », 2016.
[7] APESA, Projet GESTINN - Guide sur l’Eco-Innovation, 2008.
[8] US Energy Information Administration, « Capital Cost Estimates for Utility Scale Electricity Generating Plants », Novembre 2016.
[9] Connaissance des énergies, « Capture et stockage du CO2 », 18/08/2014.
[10] Decid&Risk – Gestion des risques en agriculture, « Etude de marché de la vente du CO2 en France », Août 2015.
[11] AIE, « Energy Technology Perspectives 2016 », 2016.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
13CCU & CCS
15. éradiquer la pauvreté5
. Mais
l’amélioration de l’accès à
l’électricité est un problème
à plusieurs variables qu’il faut
résoudre dans des territoires
qui avancent souvent à deux
vitesses.
RÉDUIRE LA PAUVRETÉ DANS
LES CAMPAGNES, FAVORISER
L E S I N D U S T R I E S DA N S L E S
VILLES
Si l’on se contente de regarder
la situation à l’échelle mac-
roscopique, le développe -
m e n t d ’ a c t i v i t é s i m p o r -
t a n t e s d a n s l e s v i l l e s e t
l’urbanisation massive qui
en découle viennent gommer
les situations d’extrême pré-
carité qui règnent dans les
campagnes. Avec des ter-
ritoires à deux vitesses, les
pays en développement se
trouvent confrontés à deux
enjeux majeurs : la réduc-
tion de la pauvreté dans les
zones rurales et le développe-
ment industriel dans les villes.
On peut alors trouver des
réponses dans l’énergie : par
l‘électrification rurale pour le
premier et l’amélioration de
la fourniture pour le second.
S anjit Bunker R oy, fonda -
teur du Barefoot College et
instigateur du mouvement
« solar mamas » explique
s i m p l e m e n t c o m m e n t s e
traduit l’électrification rurale :
« Dès lors que l’électricité
pénètre dans l’habitat, elle
rend l’individu indépendant
de la nuit ». Et c’est bien de
cela qu’il s’agit d’après la
Banque Mondiale6
: éclairer
les villages pour augmenter
le temps d’étude des enfants,
améliorer leurs conditions
de lecture, étendre les horai-
res des petits commerces et
enfin contribuer à une meil-
leure sécurité des habitants.
L’éclairage individuel con-
cours ainsi à réduire consi-
dérablement la pauvreté dans
les zones rurales.
D’autre part, dans une étude
conduite en 2015, Mc Kinsey
qualifiait de « critique » le
rôle de la continuité et de la
qualité de la fourniture élec-
t r i q u e d a n s l a c ro i s s a n ce
économique7
. Si les villes
d’Afrique sub-saharienne sont
bien mieux électrifiées que
les campagnes (75% contre
25% environ8
), le problème
de qualité de fourniture per-
siste et l’impact sur l’industrie
est flagrant : Au Burkina Faso
par exemple, près de 90%
des entreprises connaissent
des délestages réguliers (voir
carte ci-dessus9
).
Pourtant, si l’Afrique entend
c o n n a î t r e l e m ê m e e s s o r
i n d u s t r i e l q u e l ’As i e, s o n
développement passera par
la montée en puissance de
secteurs for tement concur-
rentiels : l’industrie manu-
facturière, la chimie de base
ou encore la métallurgie. Ce
Proportion d’entreprises subissant des délestages en Afrique de l’Ouest (%)
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
15AFRIQUE
16. sont autant de filières élec-
tro-intensives dont les inves-
tissements massifs requis ne
pourront être justifiés sans
des garanties sur la qualité
du courant. L’industrie n’est
pas la seule opportunité de
développement pour le con-
tinent Africain. Comme au
Ghana, les s er vices po u r-
ront être un des vecteurs de
la croissance avec en tête
l e s té l é co m s, s u i v i s d e s
banques et des assurances10
.
Ces industries fortement dig-
italisées devront s’appuyer
sur une fourniture fiable de
l’électricité pour garantir des
prestations compétitives.
LE MODÈLE EUROPÉEN DIFFI-
CILEMENT IMITABLE
En Europe, une réponse simple
au problème a été trouvée : un
réseau électrique descendant,
composé de lignes à haute
tension et de nombreuses
interconnexions, s’appuyant
sur des moyens de produc-
tions centralisés. Celle -ci a
été reproduite en Afrique de
l‘Ouest avec le développe -
ment de grandes infrastruc-
tures de transport et le dével-
oppement d’interconnexions.
La création d’un organisme de
coopération des opérateurs
( West-African Power pool) a
pour but de converger vers un
marché unique de l’électricité,
mais la volonté des décideurs
manque cruellement à l’appel
pour guider une transition
efficace.
Si la coopération des états
panafricains dans le secteur
énergétique est une vérita-
ble réussite politique qui se
doit d’être soulignée, elle se
trouve confrontée à de nom-
b re u s e s l i m i te s. Pl u s i e u r s
dizaines de milliards d’euros
s e ra i e n t n é ce s s a i re s p o u r
couvrir l’intégralité du ter-
ritoire et construire de nou-
velles capacités de produc-
tion. Même avec le support
d’organisations internation-
ales, la capacité de finance-
ment des états fait grande -
ment défaut. L’accumulation
des dettes publiques et la
multiplication des conflits
armés fait peser un risque
trop important sur les inves-
tisseurs pour envisager la
mise en place d’un tel plan
d’investissement.
A cela s’ajoute la contrainte
c l i m a t i q u e à l a q u e l l e l e s
états africains sont particu-
lièrement vulnérables alors
que les moyens de produc-
tion centralisés et fossiles
y s o nt m a j o r i t a i re s. D a n s
l ’architec ture ac tuelle, ils
restent la solution la moins
coûteuse sur le court-terme.
Plus qu’une perspective de
développement durable, la
décarbonation de l’énergie est
le passage obligatoire pour la
survie de nombreuses popu-
lations. Elle entre en conflit
avec une vision à court-terme
des enjeux d’électrification
qui privilégie un développe-
ment déraisonné des réseaux
de transport et de distribu-
tion conduisant à la combus-
tion de toujours plus de res-
sources fossiles.
D É C E N T R A L I S E R P O U R
RATIONALISER
Avec la baisse fulgurante du
coût des énergies renouvel-
ables, la production décen-
tralisée connait un regain
d’intérêt. Ces solutions se
sont largement démocrati-
sées à travers le déploiement
de groupes électrogène qui
fonctionnent au diesel mais
leur carburant coûteux et pol-
luant est incompatible avec
QUELLE RÉPONSE DE LA PART DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES ?
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
16 AFRIQUE
17. les enjeux de développement.
Lorsqu’elle est pensée dans un
périmètre défini et pour des
usages locaux, la génération
renouvelable ou hybride (cou-
plage d’une ressource fossile
et renouvelable) sous forme
de micro-réseaux prend alors
tout son sens. Fort d’une res-
source solaire importante sur
la quasi-totalité de son ter-
ritoire, l’Afrique possède un
potentiel considérable.
Dans les zones d’habitation
reculées, le déploiement de
p e t i te s i n s t a l l at i o n s p r i v-
ilégiant l ’autonomie jour-
n a l i è r e c o m m e l e s k i t s -
solaires permet une électri-
fication massive, rapide et à
coût réduit. Il peut être facile-
ment supporté par des organ-
ismes de micro-finance et des
subventions individuelles et
facilite le bourgeonnement de
petites activités économiques.
To u j o u r s d a n s d e s z o n e s
à l ’é c a r t d u r é s e a u , d e s
microgrids de plus grande
p u i s s a n c e p r i v i l é g i a n t l a
fiabilité peuvent se dével-
opper pour alimenter des
complexes miniers et touris-
tiques. Ils participent à la cré-
ation d’importantes activités
économiques dans les zones
rurales et rendent les inves-
tissements moins vulnérables
car indépendants des évène-
ments affectant les lignes.
Financés par des entreprises
privées, ils allègent les plans
de développement énergé -
tique des gouvernements.
DANS L E S ZONE S É LE C T RI -
FIÉES, DES COMPLÉMENTARI-
TÉS ÉVIDENTES
E n E u r o p e , l e s c o n -
cepts de « smar t-grid » et
« demand-response » sont la
nouvelle mode chez les opéra-
teurs de réseau. Nul ne pourra
contester que l’Afrique est
pionnière dans le domaine ! En
organisant des coupures tour-
nantes dans les aggloméra-
tions, les gestionnaires savent
mieux que personne comment
une gestion intelligente et
digitalisée de l’énergie peut
améliorer la qualité de four-
niture. Là encore, la décen-
tralisation de l’énergie peut
jouer un rôle majeur. Couplée
à un pilotage des moyens con-
ventionnels et des moyens de
stockage si nécessaire, elle
vient améliorer la résilience
et soulager les lignes d’export
entre les moyens de produc-
tion et les villes distantes de
plusieurs centaines de kilo-
mètres. Une gestion intelli-
gente d’un parc renouvelable
dans une ville moyenne ou
Caractéristique d’un micro-réseau selon les usages
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
17AFRIQUE
18. un quartier permet de priv-
ilégier un moyen de produc-
tion décarboné, économise
momentanément les per tes
liées au transport et soulage
la zone où l’électricité était
initialement produite.
Des zones d’autoconsomm-
ation à l’échelle des villes
grâce à des micro -réseaux
h y b r i d e s s o n t d é s o r m a i s
largement envisageables tant
le développement des infra-
structures est coûteux et dif-
ficile. Dans ces situations, une
gestion favorisant le maximum
de renouvelables s’envisage
puisque les moyens de pro-
duction fossiles restent con-
stamment à disposition pour
effectuer les réglages de de
tension et de fréquence. Reste
toutefois à élaborer des stra-
tégies de gestion robustes
qui tiennent compte des pro-
blèmes techniques liées aux
p ro d u c t i o n s hy b r i d e s q u i
doivent fournir sous des con-
traintes fortes de disponibil-
ité et de qualité.
L a d é c e n t r a l i s a t i o n d e
l’énergie n’est toutefois pas
exempte de problèmes. Le
financement et la gestion
d’actifs dans des pays aux
conditions politiques et cli-
matiques difficile compli-
que for tement le montage
de projet de grande ampleur.
Pour cela, les sociétés natio-
nales intégrées devront jouer
un rôle majeur tant ils ont à
gagner des synergies avec
leur cœur de métier. Mais c’est
la formation de techniciens
compétents sur l’ensemble
de la chaîne de valeur qui
demeure probablement l’un
des plus grands challenges. Le
développement et la gestion
d’un réseau encore jamais vu
dans le monde font appel à
de nombreuses compétences,
n o u ve l l e s p o u r to u s. U n e
occasion pour l’Afrique de
mobiliser sa jeunesse pour se
placer aux premières lignes
de l’innovation bas carbone,
se battre pour son avenir, et
celui de la planète.
Louis POLLEUX
Sources :
[1] Christine Heuraux (2011), « L’électricité en Afrique ou le continent des paradoxes », IFRI
[2] AIE, WEO 2004
[3] Jannuzzi, G. D. and Goldemberg, J. (2012), « Has the situation of the ‘have‐nots’ improved? ». WENE, 1: 41-50. doi:10.1002/
wene.20
[4] The world Bank Data, « Access to electricity (% of population) « , disponible sur : https://data.worldbank.org/indicator/
EG.ELC.ACCS.ZS?locations=CI-BF-TG-GH&type=shaded
[5] Programme des nations unies pour le développement, « objectifs de développement durable », disponible sur : http://www.
undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html
[6] The world bank, « The welfare impact of rural electrification, IEG Impact evaluation », 2008
[7] Brighter Africa, The growth potential of the sub-Saharan electricity secto Mc Kinsey February 2015
[8] The world Bank Data, « Firms experiencing electrical outages (% of firms) » , disponible sur : https://data.worldbank.org/
indicator/EG.ELC.ACCS.ZS?locations=CI-BF-TG-GH&type=shaded
[9] The world Bank Data, « Access to electricity, rural (% of rural population) » , disponible sur : https://data.worldbank.org/
indicator/IC.ELC.OUTG.ZS
[10] Bloomberg, 13 novembre 2017, « African Economic Growth Rides on Wireless Rails » consultable sur : “https://www.bloom-
berg.com/view/articles/2017-11-13/african-economic-growth-rides-on-wireless-rails
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
18 AFRIQUE
19. Les passagers clandestins de la COP21 :
Stratégie chinoise et avenir des COP
Dans le contexte de sévères
changements climatiques, la
21ème Conférence des Nations
Unies sur les changements cli-
matiques (COP21) a eu lieu
entre novembre et décembre
2015 à Paris. La Conférence
a abouti à un accord signé
par 195 pays, après un long
agenda de conférences et évé-
nements, et est considérée,
pour de nombreux observa-
teurs, comme historique.
A la suite de la COP 21, une
nouvelle architecture mon-
diale de gouvernance envi-
ronnementale a émergé. A
l’inverse du Protocole de Kyoto
qui imposait des engagements
juridiquement contraignants
à chaque pays, ce nouvel
accord s’en tient à des inci-
tations auprès des gouverne-
ments nationaux à s’adapter
au changement climatique en
réduisant de manière signifi-
cative l’utilisation des éner-
gies fossiles et en encourag-
eant le développement des
énergies renouvelables. Cet
accord peut paraître certes
plus laxiste, car non con-
traignant, mais le Protocole
de Kyoto a montré par son
échec, que des engagements
contraignants n’étaient pas
forcément la bonne solution
pour impliquer tous les pays,
notamment les gros pollueurs.
R é a f f i r m a n t l ’o b j e c t i f d e
l i m i te r l ’a u gm e nt at i o n d e
la température mondiale de
2°C, l’Accord de Paris propose
un engagement moral pour
chaque pays à réduire les
émissions de CO2
et recon-
naît que les pays industrial-
isés devraient contribuer à
l’adaptation des pays en dével-
oppement, sur le plan finan-
cier mais aussi technologique.
En outre, il reconnaît qu’un
processus fort de décarboni-
sation de l’économie mondiale
peut favoriser un développe-
ment véritablement durable.
La mise en place d’objectifs
c h i f f r é s , s p é c i f i q u e s à
chaque pays pour limiter
l’augmentation de la tempéra-
ture moyenne planétaire, rend
le suivi de l’atteinte de ces
objectifs accessible aux citoy-
ens. Cependant, ces objectifs
moraux, juridiquement non
contraignants, laisse place à
un fort risque d’interprétation
et d’opérationnalisation de
l’Accord de Paris variable et
subjectif pour chaque pays.
En outre, l’Accord de Paris
est basé sur le principe de
laisser tous les pays et tous
l e s s e c te u r s é co n o m i q u e s
décider des efforts qu’ils sou-
haitent réaliser dans la réduc-
tion des émissions, ce qui
peut sembler être une straté-
gie effrayante, et constituera
le sujet du présent article.
L E S P A S S A G E R S
CALANDESTINS
L’Accord de Paris sur le climat
peut être conceptualisé par un
jeu d’échec, joué sur un échi-
quier à 150 pièces, nombre
d e c h e fs d ’é t at s p ré s e nt s
à l’ouver ture de la COP21.
Les pièces ne peuvent être
bougées isolément puisque
leur mouvement doit être
réfléchi en tenant compte de
l’ensemble des positions des
autres pièces de l’échiquier.
Dans ce contexte, la Théorie
des Jeux peut donner des outils
pour mieux comprendre les
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
19COP21
20. actions qui se sont déroulées
à la suite de la COP21.
Il s’agit de l’étude des déci-
sions stratégiques dans une
interaction de type jeu, c’est-
à-dire des situations où la
décision et le résultat d’un
joueur sont influencés par la
décision de l’autre joueur, et
inversement. Avec certaines
techniques, il est possible de
cartographier les actions de
prises de décision de chaque
acteur afin de trouver le point
d’équilibre optimal et prendre
la meilleure décision. Le but
ici est de prévoir les mou-
vements de «l’adversaire»,
en considérant qu’il joue, de
façon rationnelle, les options
qui lui conviennent le mieux.
Ainsi en application de la
Théorie des Jeux et en consi-
dérant l’atmosphère comme
un bien public partagé entre
tous les pays, chacun veut
payer aussi peu que possible
pour préserver la qualité de
ce bien [1], et engendre, de ce
fait, un terrain de jeu propice à
l’existence de passagers clan-
destins. L’hypothèse du pas-
sager clandestin en économie
surgit quand un ou plusieurs
agents économiques bénéfi-
cient d’un bien commun, sans
avoir (ou en ayant très peu)
contribué pour disposer de
cet avantage.
Face au défi indéniable du
changement climatique et
de ses conséquences, il peut
être dans l’intérêt individuel
de chaque pays de ne prendre
aucune mesure onéreuse, telle
que des investissements sig-
nificatifs pour le déploie -
ment des énergies renouvel-
ables, en espérant que tous
les autres pays supportent les
coûts nécessaires pour attein-
dre l’objectif commun. Dans
un tel cas, le passager clan-
destin profite des avantages
de la réduction des risques
liés à des événements cli-
matiques extrêmes, sans en
assumer les coûts. Cette posi-
tion peut apparaître comme la
plus rationnelle. Qu’un pays
participe ou non aux efforts
pour la limitation du réchauf-
fement climatique, il prof-
itera de ceux produits par
les autres, ce réchauffement
étant à une échelle globale.
Un gouvernement qui arrive à
persuader les pays voisins de
réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre sans fournir
lui-même aucun effort, pour-
rait donc apparaître gagnant
: il évite toutes les dépenses
impliquées et échappe au
scénario de la catastrophe
climatique.
D’après Christian de Perthuis
qui écrit dans son livre Le
climat, à quel prix ? : « Les
p a y s é m e r g e n t s s e r a i e n t
d’accord pour s’engager, s’ils
ne suspectaient pas les pays
industrialisés de vouloir en
profiter pour échapper à leur
responsabilité. […] La stabil-
ité du climat constitue un bien
commun, dont la protection
exige une action partagée. »
[2].
A la suite de cet article, nous
proposons l’analyse de la situ-
ation économique et politique
de la Chine, grande puissance
mondiale, face aux défis de la
transition énergétique et aux
décisions issues de la COP21.
LA STRATÉGIE CHINOISE
Entre 1978 et 2012, le produit
intérieur brut (PIB) de la Chine
a augmenté de 9 à 10 % par
an. Au début de la décennie
2010, le pays est devenu la
deuxième plus grande écon-
omie du monde, derrière les
Ét at s - U n i s. Ce d y n a m i s m e
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
20 COP21
24. Cette demande de prise de
responsabilité des pays dével-
oppés a occupé une grande
partie des négociations de la
COP23.
P l u s r é c e m m e n t , s u i t e à
l’annonce de Donald Trump
en juin 2017 de se retirer de
l’Accord de Paris, le président
français Emmanuel Macron a
décidé d’organiser un nouveau
sommet international sur le
climat, le One Planet Summit
qui s’est tenu à Paris le 12
décembre 2017, un mois après
la COP23. Ce sommet organisé
conjointement par la France,
l’ONU et la Banque Mondiale
a eu lieu exactement deux ans
après la signature de l’Accord
de Paris. Son objectif était
de « verdir la finance » et
« d’accélérer la mobilisation
des moyens financiers publics
et privés », en regroupant des
acteurs de ces deux secteurs,
r e p r é s e n t a n t u n e g r a n d e
majorité des pays au niveau
mondial.
Malgré l’enthousiasme général
provoqué par ces différents
sommets, force est de con-
stater que les mécanismes
réglementaires contraignants
manquent au bilan. Cette con-
statation peut conduire à une
remise en cause de l’efficacité
des instances internationales
dans la régulation du change-
ment climatique. En effet,
nombreux sont ceux qui con-
sidèrent que ces Sommets
n’amènent pas de mesures
concrètes puisque, in fine, les
pays peuvent agir selon leurs
propres intérêts.
Cependant, il faut admettre
q u e l ’a u gm e nt at i o n d e l a
fréquence de ces événements
internationaux ne peut être
que bénéfiques pour la con-
duite de la lutte du change-
ment climatique. La réunion
de quasiment l’ensemble des
pays mais aussi d ’ac teurs
privés, apparaît comme une
étape essentielle à une entente
globale pour lutter efficace-
ment contre le réchauffe -
ment climatique en fixant des
objectifs ambitieux (bien que
moraux seulement) acceptés
par tous d’un commun accord.
Daniel ERBESFELD
Sources :
[1] J. E. Stiglitz, « Sharing the Burden of Saving the Planet: Global Social Justice for Sustainable Development: Lessons from
the Theory of Public Finance ». 2009.
[2] Christian de Perthuis, Le climat, à quel prix ?, Odile Jacob. 2015.
[3] B. J. Barry J., The Chinese Economy: Transitions and Growth. MIT Press.
[4] C. Wang, A. Engels, et Z. Wang, « Overview of research on China’s transition to low-carbon development: The role of cities,
technologies, industries and the energy system », Renew. Sustain. Energy Rev., vol. 81, p. 1350-1364, janv. 2018.
[5] « CO2 Emissions | Global Carbon Atlas ». [En ligne]. Disponible sur: http://www.globalcarbonatlas.org/en/CO2-emissions.
[Consulté le: 27-avril-2018].
[6] R. A. Rhode et R. A. Muller, « Air Pollution in China: Mapping of Concentrations and Sources ». Berkeley Earth and Dept of
Physics, 2015.
[7] A. Ghezloun, A. Saidane, et H. Merabet, « The COP22: New commitments in support of the Paris Agreement », Energy Procedia,
2017.
[8] GIEC, « Changements Climatiques 2014: Rapport de synthèse ».
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
24 COP21
27. augmenterait considérable -
ment la consommation élec-
trique des réseaux.
De plus, le Big Data, le Cloud
computing, l’IoT (Internet des
Objets) et le nombre croissant
d’utilisateurs tireront vers le
haut les besoins en serveurs
de stockage et de traitement
des données, augmentant la
demande électrique des data
centers [6].
Cependant, d’autres dével-
oppements pourraient aider à
contrebalancer la croissance
de la demande électrique du
secteur de l’IT. Par exemple,
l’amélioration du PUE (Power
Usage Effectiveness), corre-
spondant à l’efficacité des
data centers, ou encore la
virtualisation croissante des
serveurs, moins énergivores,
pourrait contribuer à com-
penser l’augmentation de la
consommation d’énergie des
data centers [2].
D e p l u s, l e s é q u i p e m e nt s
i n f o r m a t i q u e s d e v r a i e n t
devenir de plus en plus effi-
caces, avec l’utilisation crois-
sante d’appareils fonction-
nant sur batterie (portables,
tablettes, smartphones) par
nature moins énergivores, et
avec l’adoption de normes de
plus en plus strictes pour les
labels énergétiques des équi-
pements informatiques |6].
DÉVELOPPEMENT DURABLE ?
Saurons-nous combiner digi-
talisation et développement
durable ?
On l’a vu, plusieurs tendances
s e d é g a g e n t c o n c e r n a n t
l’évolution de la demande
énergétique du numérique.
Des progrès techniques per-
mettant une amélioration de
l’efficacité des équipements
informatiques pourraient en
partie contrebalancer la crois-
sance des usages attendue.
Il est toutefois très difficile
de prédire si la révolution
n u m é r i q u e m è n e r a à u n e
explosion de la consommation
d’électricité. Nous sommes
aujourd ’hui à un moment
décisif : le numérique pourrait
tout aussi bien nous aider à
réduire nos émissions de gaz à
effet de serre que les dégrader.
Pour faire converger écologie
et numérique, il sera essen-
tiel de prendre en compte
les enjeux environnementaux
et sociaux lors de la concep-
tion et de l’opération de nos
systèmes d’information, par
exemple, en développant des
démarches de Green IT.
Chloé POTIER
Sources :
[1] GeSI et BCG, “SMARTer2020: The role of ICT in driving a sustainable future”, 2012.
[2] W. V. Heddeghem, S. Lambert, B. Lannoo, D. Colle, M. Pickavet, et P. Demeester, “Trends in worldwide ICT electricity con-
sumption from 2007 to 2012”, Computer Communications, vol. 50, pp. 64–76, 2014.
[3] GreenPeace, Clicking clean : Who is winning the race to build a green Internet?, 2017.
[4] World Economic Forum and INSEAD, The Global Information Technology Report 2010–2011, Transformations 2.0, S. Dutta
and I. Mia, Eds. World Economic Forum, 2011.
[5] International Energy Agency, More Data, Less Energy, Making Network Standby More Efficient in Billions of Connected
Devices. 2014
[6] “La révolution numérique fera-t-elle exploser nos consommations d’énergie ?”, Décrypter l’énergie, 7 Dec. 2017. [En
ligne]. http://decrypterlenergie.org/larevolution-numerique-fera-t-elle-exploser-nos-consommations-denergie (visité le
12/05/2018).
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
27GREEN IT
31. en tant qu’acheteurs ou ven-
deurs d’électricité, selon leur
propre libre arbitre.
N é a n m o i n s , l a t e c h n o l o -
gie Blockchain présente des
inconvénients, notamment
techniques, et soulève des
questions juridiques, socié -
tales et réglementaires.
A u n i v e a u t e c h n i q u e , l a
fréquence de traitement est
limitée. En effet, au sein d’un
microgr id, les utilisateurs
doivent pouvoir vendre et
acheter de l’énergie dans un
cour t laps de temps. Ainsi,
u n e f ré q u e n c e d e t r a i t e -
ment de données élevée est
nécessaire. Cela signifie que
chaque nouveau block doit
être traité, ajouté puis trans-
mis rapidement. Ce délai est
déterminé, d’une part, par la
capacité de transaction et,
d’autre part, par le temps de
latence. Pour des raisons de
sécurité, la capacité de trans-
ac tion est volontairement
limitée, le temps de latence
étant quant à lui limité par la
technologie. Outre l’aspect
fréquentiel, la Blockchain est
confrontée au problème de
taille, et donc de stockage et
de traitement. À chaque trans-
action, un bloc est ajouté à
la chaîne. La taille de celle-
ci est donc continuellement
croissante. À titre indicatif,
une transaction bitcoin con-
sommerait aujourd’hui autant
d ’é n e r g i e q u ’ u n m é n a g e
a m é r i c a i n m o y e n e n u n e
semaine, soit 215 kWh. Afin
de limiter cette consomma-
tion impressionnante, la récu-
pération d’énergie au sein des
data-center est une solution
déjà utilisée. L’efficacité des
centres est améliorée à travers
la récupération de la chaleur
émise par les ordinateurs.
Concernant les aspects socié-
taux, juridiques et réglemen-
taires, des questions subsis-
tent. En effet, en l’absence
d ’ u n e a u t o r i t é c e n t r a l e ,
l’utilisateur est seul face aux
problèmes tels que la perte
de mot de passe ou l’oubli
de transaction. Par ailleurs,
par son fonctionnement, il
e s t e x t rê m e m e n t d i f f i c i l e
d ’e f f a ce r u n e i n fo r m at i o n
inscrite dans la blockchain.
Le droit à l’oubli n’est donc
pas respecté avec cette tech-
nologie. Enfin, les utilisa -
teurs fixent eux-mêmes les
prix d’achat et de vente et
les transactions ne sont pas
réper toriées en dehors du
microgrid. Il est donc impos-
sible pour l’État de contrôler
les transactions et d’y appli-
quer des taxes.
Afin de combler ces défauts,
plusieurs solutions sont d’ores
et déjà envisageables. Une
réglementation plus stricte
des structures et de la tech-
nologie Blockchain semble
ê t r e l a p r e m i è r e é t a p e .
Cependant, comme le montre
l e q u e s t i o n n e m e nt a c t u e l
autour du Bitcoin, de nom-
breux aspects restent pour le
moment incertains. Cette évo-
lution témoigne néanmoins de
la volonté croissante des par-
ticuliers de s’impliquer dans
la gestion de l’énergie.
Haris DJOUBRI
Sources :
[1] Mattila, J. : « The Blockchain Phenomenon – The disruptive potential of Distributed Consensus Architecture », ETLA Working
Papers N°38, Mai 2016.
[2] http://www.energie.sia-partners.com/20170323/que-proposent-les-fournisseurs-delectricite-pour-repenser-la-relation-
avec-leurs-clients.
[3] https ://motherboard.vice.com/fr/article/qv3z83/une-unique-transaction-bitcoin-utiliseautant-denergie-quune-maison-
en-une-semaine.
[4] Pavel, I. : « La blockchain – Les défis de son implémentation », Annales des Mines - Réalités industrielles 2017/3, Août 2017,
p. 20-24.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 8
31PEER-TO-PEER
34. Sources :
[1] ADEME, « Climat, air et énergie ». 2015.
[2] Ministère de l’Environnement, « Bilan de l’énergie 2015 ». 2015.
[3] Ministre de la Transition écologique et solidaire, « Aides financières à la rénovation énergétique ». 2018.
[4] Sia Partners, « La rénovation énergétique, un atout clé pour la transition énergétique et la société, mais qui peine encore
à décoller ». 2017.
[5] M. DOMERGUE, « LOGEMENTS : PRIORITÉÀ LA RÉNOVATION THERMIQUE », 2012.
Le tableau ci-après montre
une synthèse des aides et
leurs conditions d’attribution
respectives [3].
Malgré les mécanismes de
f i n a n c e m e n t e x i s t a n t s, l e
rythme des rénovations ther-
miques des logements reste
très insuffisant pour atteindre
les objectifs de la LTECV, avec
seulement 145 000 logements
rénovés en 2012 et 160 000
en 2013 au lieu des 500 000
envisagés pour 2017 dont la
moitié doit être effec tuée
sur des ménages aux revenus
modestes [4].
En effet, les principaux freins
pour encourager les inves-
tissements d’efficacité éner-
g é t i q u e s o n t l e s c r i t è re s
d’éligibilité contraignants.
Pa r e x e m p l e , l ’o b t e n t i o n
d’une subvention de l’Agence
Nationale de l’Habitat se fait
uniquement pour une rési-
dence principale achevée de
plus de 15 ans et sous des
conditions de ressources. En
plus, selon une étude menée
par Sia Par tners, le temps
d’amor tissement moyen de
ces travaux avec une subven-
tion de l’Anah varie entre 3
et 16 ans selon la nature des
travaux réalisés [5].
On observe également, une
diminution de l’utilisation
d e l ’é co - p rê t à t a u x zé ro
(éco-PTZ), ce mécanisme est
réservé uniquement à l’issue
des travaux pour une rési-
d e n ce p r i n c i p a l e a c h e vé e
avant le 1er janvier 1990 et
après 1948, s’ajoute à cela
la complexité des dossiers
de prêts, la pusillanimité des
banques qui ont été chargées
de monter les dossiers pour
les particuliers. Et ça ne les
intéresse pas. Il semble donc
nécessaire de mettre en place
des dispositifs facilitant les
investissements de long terme
propres aux rénovations ther-
miques lourdes.
Par exemple, la mise en place
d ’ u n m o d è l e é c o n o m i q u e
innovant « tiers-financement »
consistant à faire financer
u n e r é n o v a t i o n d u b â t i -
ment par un tiers. Les écon-
omies d’énergies réalisées à
la suite des travaux sont cal-
culées et ser vent au rem-
boursement progressif de cet
investissement.
Enfin, le succès de la rénova-
tion thermique des logements
en France devra passer par une
mobilisation des différents
acteurs socio- économiques
( p a r t i c u l i e r s , s o c i é t é s d e
service énergétique, état, …).
N é a n m o i n s, l ’a m é l i o rat i o n
de la per formance énergé -
tique doit être prioritaire sur
la question des moyens si on
veut espérer s’approcher des
niveaux d’efficacité énergé -
tique fixés par la LTECV.
Adnane HATIM
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