En ce début d’été, l’actualité du monde de l’énergie aura été plus calme que celle du sport. Désormais championne du monde du ballon rond, la France renoue avec un sentiment de fierté tant jalousé à nos pays voisins. Comme un heureux épilogue à la volonté présidentielle de (re-)mettre la France sur le devant de la scène internationale, la deuxième étoile des bleus donne une publicité bienvenue à un pays qui se veut leader sur de nombreux combats. La question Climatique bénéficiera-t-elle de cette aura ?
Le capitaine à la barre, Nicolas Hulot, ne manque pas de soutien ni d’initiative avec les plans solaire, hydrogène et biodiversité, mais peut-il compter sur le même réalisme que Didier Deschamps avec des joueurs presque tous au sommet de leur carrière ? Ce nouveau numéro vous permettra de vous faire une idée assez complète grâce à une revue des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et un panorama des filières biogaz et photovoltaïque.
Enfin, vous retrouverez deux thèmes trop souvent laissés sur le banc de touche des politiques environnementales : l’eau et l’agriculture. Des enjeux majeurs qui montrent que la route est encore longue avant de crier victoire sur des champs dépollués.
L’ensemble du mastère OSE vous souhaite un excellent été et une agréable lecture.
Louis POLLEUX
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En ce début d’été, l’actualité du monde
de l’énergie aura été plus calme que
celle du sport. Désormais championne du
monde du ballon rond, la France renoue
avec un sentiment de fierté tant jalousé
à nos pays voisins. Comme un heureux
épilogue à la volonté présidentielle de
(re-)mettre la France sur le devant de la
scène internationale, la deuxième étoile
des bleus donne une publicité bienvenue à un pays qui se veut
leader sur de nombreux combats. La question Climatique bénéfic-
iera-t-elle de cette aura ?
Le capitaine à la barre, Nicolas Hulot, ne manque pas de soutien ni
d’initiative avec les plans solaire, hydrogène et biodiversité, mais
peut-il compter sur le même réalisme que Didier Deschamps avec
des joueurs presque tous au sommet de leur carrière ? Ce nouveau
numéro vous permettra de vous faire une idée assez complète grâce
à une revue des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables
et un panorama des filières biogaz et photovoltaïque.
Enfin, vous retrouverez deux thèmes trop souvent laissés sur le banc
de touche des politiques environnementales : l’eau et l’agriculture.
Des enjeux majeurs qui montrent que la route est encore longue
avant de crier victoire sur des champs dépollués.
L’ensemble du mastère OSE vous souhaite un excellent été et une
agréable lecture.
Louis POLLEUX
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
2 ÉDITORIALCONTACTS
3. INTERVIEW
ARTICLES
04 - Quelles stratégies pour les fournis-
seurs d’énergie depuis l’ouverture des
marchés ?
08 - Prise en compte de la production locale
dans la future réglementation envi-
ronnementale RE 2020
12 - Les mécanismes de soutien aux éner-
gies renouvelables : un investissement
conséquent pour des résultats contes-
tés
17 - La filière biométhane en France
20 - La nouvelle ère du solaire PV ?
26 - L’intérêt d’une agriculture raisonnée
sur le problème environnemental
28 - L’eau et l’énergie... dans un contexte
fragile
Devenez partenaire de l’événement OSE 2018
L’Hydrogène, vecteur énergétique du futur ?
Mardi 25 Septembre 2018 à Sophia Antipolis (06)
Le programme de ce colloque s’articulera autour des applications de l’hydrogène les plus prom-
etteuses. Seront détaillées entre autres les caractéristiques de production, stockage et transport,
ainsi que l’évaluation des performances économique et environnementale de ces applications.
Cette manifestation d’envergure ne peut se faire sans la participation d’entreprises comme la vôtre.
Celle-ci pourra prendre la forme d’un soutien financier ou d’interventions lors du colloque, pour
promouvoir vos activités en lien avec l’hydrogène et partager vos savoirs.
Pour plus d’informations, contactez : evenement@mastere-ose.fr
33 - Rencontre avec Bioxegy : quelles solu-
tions nous apporte la nature dans le
domaine énergétique ?
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
3SOMMAIRE
4. Quelles stratégies pour les fournisseurs
d’énergie depuis l’ouverture des marchés ?
CONTEXTE
Dans le but d’éviter les mono-
poles naturels, l’Europe a
ouvert le marché de l’énergie
à la concurrence en 2004 pour
les industriels et en 2007
pour les particuliers. Depuis,
25 fournisseurs nationaux1
d’énergie proposent différen-
tes offres adaptées aux pro-
fessionnels et par ticuliers.
Parmi ces fournisseurs encore
peu connus du grand public
on compte Cdiscount énergie,
B u t a g a z , A l t e r n a , D i r e c t
énergie, Ekwateur, électricité
de Provence, Enercoop, GEG,
Proxelia, Planet Oui, Sowee ou
encore Total Spring… Sur le
marché sont alors présents les
fournisseurs historiques tels
que EDF et Engie puis les nou-
veaux entrants arrivés lors de
l’ouverture à la concurrence.
E n 2 0 0 7 , l ’o u v e r t u r e d u
marché avait peu de con-
séquence car tous les clients
n’étaient pas encore informés
de la possibilité de changer
de fournisseur. De ce fait, les
fournisseurs historiques ont
conservé un avantage même
8 ans après l’ouver ture du
marché. En 2015 seuls 60 %
des clients se fournissant en
gaz étaient informés, et 52 %
pour l’électricité.
De plus, peu de français con-
naissent la marche à suivre
pour changer de fournisseur.
E n 2 0 1 5 s e u l s 3 5 % d e s
ménages déclaraient connaî-
tre la démarche pour changer
de fournisseur contre 20 % en
2007.
M a l g r é c e t t e m é c o n n a i s -
sance, en Europe, les fournis-
seurs historiques font face
à un départ de leurs clients
vers d’autres fournisseurs. En
France, EDF a perdu 17,9 % de
ses clients au profit de fournis-
seurs alternatifs entre 2007
et 20183
. En 2017, le géant
français a perdu par exemple
1 million de clients résidenti-
els abonnés au Tarif de Vente
Règlementé (TRV) alors même
que le total des sites résiden-
tiels a crû de 318 000 foyers.
Rapport Selectra “10 ans après
l’ouverture du marché de l’énergie
à la concurence”
Connaissance du droit de changer de fournisseur [2]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
4 STRATÉGIE
5. QUELLES STRATÉGIES ?
Face à l’émergence de nou-
veaux fournisseurs, les acteurs
historiques doivent adopter
de nouvelles stratégies pour
limiter leur « churn rate ».
C h a q u e a c t e u r d o i t d o n c
affirmer sa position straté -
gique en adoptant une stra-
tégie de:
• Différentiation par les prix
• D i v e r s i f i c a t i o n d e s
activités.
Le schéma ci-dessous indique
l e p o s i t i o n n e m e nt s t raté -
gique de quelques fournis-
seurs d’énergie en France.
Pour exemple, Enercoop se
positionne sur l’énergie verte
sans tenter de se différencier
du TRV (Tarif Régulé de Vente)
alors qu’ EkWateur propose
de l’électricité verte compa-
rable au prix du TRV. A noter,
direct énergie a été récem-
ment racheté à 74% par TOTAL
et vend aussi de l’électricité
verte.
Dans cet article nous nous con-
centrerons sur la partie con-
cernant la diversification des
activités. Pour attirer de nou-
veaux clients, les fournisseurs
se diversifient en proposant
des offres telles que :
• Des ser vices permettant
de réaliser des économies
d’énergies (exemple : ther-
mostats connectés) asso-
c i é e s à u n c o n t r a t d e
fourniture,
• Une offre visant à diminuer
l’impact environnemental
de l’électron et donc valo-
riser le processus de pro-
duction par des énergies
vertes.
Pour décrire les stratégies
d e s fo u r n i s s e u r s a s s o c i é s
a u x é c o n o m i e s d ’é n e r g i e
n ou s pren d ro ns l ’exem pl e
d u m a r c h é S m a r t E n e r g y
Home. La multitude d’acteurs
présents sur ce secteur le rend
très concurrentiel et difficile
à intégrer. Pour pénétrer ce
m a rc h é, l e s é n e rg é t i c i e n s
cherchent à créer de nou-
veaux partenariats dans le but
de proposer des objets comme
les thermostats connectés.
CRÉATION DE PARTENARIATS
A u j o u r d ’ h u i , l e s f o u r n i s -
s e u r s h i s t o r i q u e s b é n é f i -
cient d’une forte légitimité
dans le domaine de l’énergie,
les rendant ainsi capables
de commercialiser des offres
énergétiques. En revanche,
le manque de compétence
en matière d’objets connec-
tés constitue un frein pour
leur développement dans le
Smart Energy Home. La cré-
ation de partenariats appa-
raît donc comme la solution
Positionnement stratégique des fournisseurs en France en 2017 [4]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
5STRATÉGIE
7. Ce p a r t e n a r i a t , p e r m e t à
l’énergéticien d’externaliser
le développement du produit,
évitant ainsi une prise de
risque. Celui-ci se concentre
alors uniquement sur la partie
SAV et installation du produit.
D I M I N U T I O N D E L’ I M PA C T
E N V I R O N N E M E N T A L D E
L’ÉLECTRON
Les enjeux environnementaux
et climatiques liés à la pro-
duction d’énergie devenant
de plus en plus importants, les
fournisseurs d’énergie tentent
de verdir leur image grâce à
des contrats d’énergie verte
notamment. Pour garantir une
électricité verte, les fournis-
seurs utilisent des garanties
d’origine renouvelables. Pour
chaque kWh consommé, une
énergie équivalente en élec-
tricité verte est injectée sur le
réseau. C’est la société power-
next qui se charge du contrôle
du réalisé.
Les nouveaux entrants tels
que Enercoop proposent de
l’électricité d’origine 100 %
renouvelable. Pour proposer
ce ser vice, ils achètent de
l’électricité provenant de cen-
trales hydrauliques, de cen-
trales biomasse, de photo-
voltaïque ou d’éolien à des
produc teurs indépendants.
En 2017, 96% de l’électricité
f o u r n i e é t a i t d e s o u r c e
directe, ENRGOOP a fourni les
4 % d’énergie manquante par
le biais des marchés de gros
et les garanties d’origine pho-
tovoltaïque de la coopérative
belge Ecopower6
.
Malgré les nouveaux services
proposés, il reste impéra-
t i f p o u r l e s f o u r n i s s e u r s
d’énergie d’enrichir leurs rela-
tions client et de garder une
image de leader du marché. En
effet, les fabricants d’objets
connectés sont intéressés par
des partenariats avec les util-
ities pour leur image et leur
base clients. Sans ce besoin
d’information, il ne serait
plus nécessaire pour eux de
nouer des partenariats avec
les grands électriciens. C’est
ainsi que pourraient entrer
en scène les GAFA (Google-
Amazon-Facebook – Apple),
déjà fournisseurs d’objets con-
nectés. Alors que C discount
commence déjà à vendre de
l’élec tricité, les stratégies
adoptées par les utilities suf-
firont-elles à éviter l’entrée
des géants de l’internet sur
le marché de la fourniture
d’énergie ?
Thomas BAZIRE
Sources :
[1] Rapport CRE, surveillance 2015-2016, p.14
[2] 9ème édition du baromètre energie-info.fr, disponible sur : https://www.energie-mediateur.fr/wp-content/uploads/2017/10/
synthese_barometre_ouverture_marches_mne_2015.pdf
[3] Les échos, « concurrents d’EDF gagnent du terrain », disponible sur : https://www.lesechos.fr/08/03/2018/lesechos.
fr/0301392827901_electricite---les-concurrents-d-edf-gagnent-du-terrain.htm
[4] Aster Capital, disponible sur : https://medium.com/astercapital/the-future-of-energy-retail-in-france-19b2d82ca160
[5] Sia Partner, quels nouveaux modèles d’affaires pour les fournisseurs historiques d’énergie, disponible sur : http://www.
energie.sia-partners.com/20160919/smart-energy-home-quels-nouveaux-modeles-daffaires-pour-les-fournisseurs-historiques
[6] Enercoop, le mix énergétique Enercoop 2017, disponible sur : http://www.enercoop.fr/content/le-mix-energetique-enercoop-2017
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
7STRATÉGIE
8. Prise en compte de la production
locale dans la future réglementation
environnementale RE 2020
Le secteur français du bâti-
ment, principal consomma-
teur (45%) et émetteur de GES
(25%) du pays, est soumis à
des contraintes nationales et
européennes. Le marché de
la construction neuve con-
stitue un axe majeur de décar-
bonation à ne pas négliger
lorsque l’on sait que 30% des
bâtiments de 2050 ne sont pas
encore construits.
La loi Grenelle 1 (2009) a fixé
comme objectif à l’horizon
2020 que les bâtiments neufs
produisent sauf exception
p l u s d ’é n e r g i e r e n o u v e l -
able qu’ils ne consomment
d’énergie primaire. Pour ces
mêmes bâtiments et à même
échéance, la directive euro-
péenne Efficacité Energétique
(2010) introduit le terme NZEB
(Nearly Zero Energy Building),
signifiant une consommation
d’énergie quasi nulle couverte
dans une très large mesure par
de l’énergie de source renouv-
elable. Enfin, la loi TEPCV
(2015) introduit la double
notion de bâtiments neufs à
énergie positive et à haute per-
formance environnementale.
La Direc tion de l ’Habitat,
l’Urbanisme et des Paysages
(DHUP), en partie en charge
de l’élaboration de la future
réglementation, reconnait que
l’objectif initial d’intégrer le
volet carbone dans une nou-
velle réglementation envi-
ronnementale (RE) dès 2018
est hors de por tée [1]. On
devrait donc se diriger vers
une RE 2020, sous la condi-
tion de trouver un bon équili-
bre entre performance et coût
induit. C’est pourquoi l’état
a lancé en novembre 2016
l’expérimentation « Bâtiments
à énergie positive & réduc-
tion carbone » ainsi que le
référentiel associé nommé
« Energie-Carbone ».
Ce dernier s’appuie sur les
e x i g e n c e s d e l a R T 2 0 1 2
auquel il vient ajouter une
exigence « Energie » et une
e x i g e n c e « C a r b o n e » . I l
définit ainsi quatre niveaux
de performance énergétique
(« Energie 1 » à « Energie 4 »),
évaluée par le nouvel indi-
c a t e u r B i l a n B e p o s
, e t d e u x
niveaux de performance envi-
ronnementale (« Carbone 1 »
et « Carbone 2 »), évaluée par
les nouveaux indicateurs Eges
et EgesPCE
[2].
COMMENT LA PRODUC TION
LOCALE D’ÉNERGIE RENOUV-
E LA B LE E ST -E LLE P R ISE EN
COMPTE DANS CE RÉFÉREN-
TIEL ?
La production locale intervi-
ent essentiellement dans le
calcul du nouvel indicateur
BilanBepos
qui est défini comme
suit (page suivante).
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
8 RE 2020
9. Il s’agit d’un bilan annuel en
énergie primaire associant
la consommation de tous les
usages énergétiques dans le
bâtiment (5 usages RT2012 +
autres usages) et la produc-
tion locale (renouvelable).
Le c a l c u l d e l a c o n s o m -
mation d ’énergie primaire
non renouvelable (Cepnr
) se
décompose en deux étapes :
1. On détermine de manière
for faitaire la consomma-
tion annuelle d’énergie
finale de chaque usage i
(Cef,i) qu’on multiplie par
le facteur de conversion
en énergie primaire non
renouvelable (Fpnr
,i) du
vecteur énergétique choisi
pour satisfaire cet usage,
puis on fait la somme de
tous les usages (cf. tableau
ci-dessous).
Le facteur Fpnr
,i est à différen-
tier du simple facteur de con-
version en énergie primaire
Fp,i. En effet, le facteur Fpnr
,i
permet, en plus de passer
d’énergie finale à énergie pri-
maire, de ne conserver que
la part non renouvelable de
cette énergie primaire. On
remarque ainsi qu’une con-
sommation en énergie finale
potentiellement infinie de
biomasse n’aura pas d’impact
sur le calcul du BilanBepos
. Il
ne faut pas en conclure qu’un
bâtiment qui satisfait ses
besoins thermiques avec de
la biomasse n’est pas perfor-
mant énergétiquement. En
effet, le garde -fou pour ce
problème est que le bâtiment
en question doit également
répondre aux exigences de la
RT2012.
2. On détermine ensuite le
volume d’énergie auto -
consommée (Eac
) à partir
de la répartition forfaitaire
définie pour chacun des
u s a g e s. Ce vo l u m e e s t
ensuite converti en énergie
primaire en appliquant un
coefficient de conversion
de 2,58.
La production d’énergie pri-
maire renouvelable exportée
du bâtiment (Pepr
) résulte
du calcul de la production
d ’énergie finale renouvel -
able expor tée pour chacun
des moyens de production
locale à laquelle on applique
un coefficient de conversion
Facteur de conversion en énergie primaire non renouvelable [3]
méthodes de stockage de CO2
Calcul du nouvel indicateru BilanBepos
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
9RE 2020
10. en énergie primaire égal à 1.
Une des nombreuses subtil-
ités de ce référentiel est de
fixer ce coefficient à 2,58
pour les 10 premiers kWh/m²/
an d’électricité exporté dans
le cas où le projet souhaite
atteindre au moins le niveau
« Energie 3 ».
Le schéma ci-dessus définit le
périmètre de consommation
(en pointillé) et représente
les flux d’import (renouvel-
able en vert, non renouvelable
en rouge ou mixte) et les flux
d’export.
La présence d’une cogénéra-
tion est un cas qui est traité
à part dans le référentiel. En
effet, il s’agit d’une produc-
tion locale susceptible d’avoir
recours à un combustible
fossile. Le choix a été fait de
ne comptabiliser que la con-
sommation d’énergie primaire
non renouvelable nécessaire
pour produire l’énergie qui
sera ensuite autoconsommée
par le bâtiment (flèche vio-
lette sur le schéma). Il con-
vient alors d’ajouter cette
consommation au terme Cepnr
détaillé précédemment. Par
ailleurs, l’énergie expor tée
par la cogénération sera con-
sidérée comme renouvelable,
et donc ajoutée au terme Pepr
,
seulement si le combustible
utilisé est renouvelable.
LES LIMITES DU RÉFÉRENTIEL
« ENERGIE-CARBONE »
Ce qu’il ressort des premières
études réalisées est que les
niveaux d’exigence énergie et
carbone sont mal calibrés. Le
socle « Energie 1 ou Energie 2
+ Carbone 1 », présenté actu-
ellement comme la référence
pour la future RE2020, ne
propose qu’une amélioration
par tielle des per formances
p a r ra p p o r t à l a R T 2 0 1 2 .
L’ex i g e n ce « Ca r b o n e 1 »
semble facilement atteign-
able, peu importe les solutions
utilisées (gaz ou électricité).
Le photovoltaïque est large-
ment favorisé dans le référen-
tiel. Il devient même quasi
indispensable pour attein-
dre le niveau « Energie 3 ».
D’ailleurs, dans la mesure où
il est calculé annuellement,
Schéma de principe pour le calcul du BilanBepos
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
10 RE 2020
11. le BilanBepos
rend possible la
compensation du manque de
production PV l’hiver par une
production massive en surplus
l’été. De plus, on a vu qu’à
partir du niveau « Energie 3 »,
le facteur de conversion pri-
m a i r e p o u r l ’é l e c t r i c i t é
renouvelable expor tée est
égal à celui de l’électricité
autoconsommée (2,58) pour
les 10 premiers kWh/m
/an d’élec tricité expor tée.
Dans la majorité des cas, ce
seuil n’est pas atteint, par
conséquent, il n’y a aucune
i n c i t a t i o n à p r i v i l é g i e r
l ’a u t o c o n s o m m a t i o n p o u r
les bâtiments neufs les plus
performants.
E n f i n , l ’é n e r g i e a u t o c o n -
sommée qui est déduite du
Cepnr
est répartie par usage
de manière forfaitaire par un
jeu de coefficient. Dans le
cas du secteur résidentiel et
ter tiaire d’hébergement, la
quasi-totalité de l’électricité
autoconsommée est répartie
sur l’électricité spécifique.
La méthode annuelle for-
faitaire ne prend donc pas
en compte la possibilité de
piloter l’autoconsommation
sur d’autres usages, comme
l’ECS. La méthode horaire
prévue à terme devrait per-
mettre de résoudre une partie
de ces problèmes.
Florian ROUOT
Sources :
[1] Interview de M. Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)
[avril 2018], https://www.batiactu.com/edito/re2020-un-socle-unique-minimal-energie-carbone-sera-52796.php
[2] République Française, Référentiel « Energie – Carbone », Niveaux de performance « Energie – Carbone » pour les bâtiments
neufs [octobre 2016].
[3] République Française, Référentiel « Energie – Carbone », Méthode d’évaluation de la performance énergétique et envi-
ronnementale des bâtiments neufs [octobre 2016].
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
11RE 2020
12. Le 18 avril dernier, la Cour des
Comptes a publié un rapport
d ’ u n e c e n t a i n e d e p a g e s
pointant l’inefficacité actu-
elle des politiques de soutien
aux énergies renouvelables
malgré des sommes consi-
dérables engagées à cette
fin. Pour ce numéro estival
de l’Inf ’OSE, nous revenons
sur ces mécanismes et sur ce
qu’ils apportent réellement à
notre mix énergétique.
L ’ E T A T S O U T I E N T L E
D E V E L O P P E M E N T D E S
ENERGIES RENOUVELABLES…
En 2015, la Loi de Transition
Energétique pour la Croissance
Verte a fixé des objectifs très
ambitieux pour la modifica-
tion du mix énergétique fran-
çais (trop ambitieux ? voir le
Bilan prévisionnel Rte 2017),
poussant plus loin les objectifs
posés par l’Europe. Les éner-
gies renouvelables, « vertes »,
devaient alors monter en puis-
sance au détriment des éner-
gies fossiles et du nuclé -
aire. Malgré l’institution d’un
marché carbone, des dysfonc-
t i o n n e m e n t s l ’e m p ê c h e n t
d’envoyer un signal prix des
émissions CO2
suffisamment
impor tant pour influer sur
les choix d’investissement des
industriels.
D e p l u s, d e p u i s l a p r i va -
tisation d’EDF en 2004 et
l’avènement de la loi NOME en
2010, l’Etat a affirmé que, bien
que la politique énergétique
relève de ses prérogatives, la
production et la fourniture
de celle-ci seraient déléguées
à des acteurs privés. Or, ces
derniers ont besoin de visi-
bilité et de rentabilité avec le
moins de risque possible, ce
qui est peu compatible avec
des sujets aussi complexes
et volatils que l’énergie. De
fait, pour inciter ces acteurs
à faire les « bons » choix, l’Etat
a investi dans des mécanismes
de soutien.
… AV E C D E S M E C A N I S M E S
NOMBREUX ET DIVERS
1. Le C r é d i t d ’ I m p ô t : i l
p e r m e t d e d é d u i re d e
son revenu imposable ou
du résultat brut de son
entreprise les investisse -
ments liés à des travaux
d’amélioration ou de pro-
duction énergétique.
2. La taxation à taux réduit :
il s’agit de réduire le taux
d’imposition prélevé sur
Les mécanismes de soutien aux énergies
renouvelables : un investissement conséquent
pour des résultats contestés
Principe des tarifs d’achats (obligation d’achat et
complément de rémunération)
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
12 SOUTIEN ENR
13. un produit ou un service
afin d’en faciliter l’achat
(ex : T VA réduite sur les
t r a v a u x d e r é n o v a t i o n
énergétique).
3. L’e x o n é r a t i o n d e l a
Contribution au Ser vice
P u b l i c d e l ’ E l e c t r i c i t é
(CSPE), en totalité pour
les petits autoproducteurs,
ou partiellement pour les
entreprises électro-inten-
sives [1].
4. Les tarifs de rachat de
l’électricité produite :
• L’obligation d’achat (OA) :
l’Etat fixe un tarif ferme
auquel les produc teurs
d’électricité renouvelable
sont rémunérés sur 12 à
20 ans par EDF OA (rem-
boursé par la CSPE).
• L e C o m p l é m e n t d e
Rémunération : mis en place
dans un second temps, il
concerne les installations
de plus grande puissance
: le producteur a obliga-
tion de mettre en vente sa
produc tion direc tement
sur le marché et EDF OA
d’apporter le Complément
de Rémunération jusqu’à
h a u t e u r d ’ u n t a r i f d e
référence fixé par l’Etat.
Ce mécanisme réduit le coût
pour l’Etat et permet d’éviter
des échanges hors marché.
L’ E T A T I N V E S T I T T O U S
A Z I M U T S S U R L E S E C T E U R
ENERGETIQUE
Les énergies soutenues par
les mécanismes de soutien se
regroupent en deux grandes
familles : les énergies renouv-
elables électriques d’une part,
dans l’objectif de remplacer la
production électrique fossile
et nucléaire, et d’autre part les
systèmes de récupération de
chaleur fatale et de produc-
tion de chaleur renouvelable
pour remplacer les énergies
fossiles (figure ci-dessous).
Au-delà de ces deux familles,
l’Etat accompagne le dével-
oppement des biocarburants
au travers de taxations très
fo r tem ent allégées sur le
bioéthanol et le biodiesel,
cela ayant un effet significa-
tif sur le prix d’achat quand
on sait que le prix des carbu-
rants à la pompe est majori-
tairement composé de taxes.
D’un autre côté, les énergies
fossiles bénéficient égale -
ment de subventions impor-
tantes dans certaines zones
du monde, par exemple au
Moyen-Orient, afin de facili-
ter leur consommation et le
développement économique
du pays. Ces pratiques n’ont
pas lieu en France, mais le
montant mondial des subven-
tions et niches fiscales accor-
dées aux énergies fossiles
représentaient près de 260
milliards d’euros en 2016 [2].
Energies soutenues par les mécanismes de soutien
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
13SOUTIEN ENR
14. BEAUCOUP D’ARGENT DANS
D E S S U B V E N T I O N S , M A I S
DES EFFETS POSITIFS ASSEZ
INSIGNIFIANTS
Comme le souligne la Cour
des Comptes dans son rapport
d’avril dernier [3], la politique
énergétique menée jusqu’alors
p a r d e s m é c a n i s m e s d e
soutien financier (au travers
d’exonérations, de tarifs pré-
férentiels et de subventions
directes ou indirectes) a occa-
sionné des frais très impor-
tants (encadré ci-dessus).
M ais au- delà de cela, ces
d é p e n s e s p u b l i q u e s s o n t
engagées sur de nombreuses
années pour des montants
t o u t a u s s i c o n s é q u e n t s
(encadré ci-contre).
Par ailleurs, selon la « Base
Carbone », base de données
p u b l i q u e s d e s f a c t e u r s
d’émissions de l’ADEME [4,
pages 91 à 93] les énergies
re n o u ve l a b l e s é l e c t r i q u e s
re p ré s e nte nt d e s f a c te u r s
d ’é m i s s i o n s d e 7 ( é o l i e n )
à 41 ( bio m as se) gram m es
de CO2
-équivalent par kWh
d’électricité produite, contre
tout juste 66 gCO2
éq/kWh
pour le nucléaire. Par com-
paraison, les énergies fos-
siles émettent entre 443 et
1 0 5 0 g CO 2
é q / k Wh . O r, e n
France, l’électricité présente
un facteur d’émission de 60
gCO2
éq/kWh [4, page 86].
Ainsi, le remplacement de
l ’é l e c t r i c i té n u c l é a i re b a s
car bone par des énergies
renouvelables aurait un effet
très limité sur les émissions de
CO2
-équivalent, d’autant plus
si l’on considère les besoins
de back-up pour les énergies
intermittentes comme l’éolien
et le photovoltaïque.
E t d ’o ù p r o v i e n n e n t c e s
financements ? Comme le
précise la CRE, les disposi-
tifs de soutien sont financés
d e p u i s l e d é b u t p a r l a
Contribution au Service Public
de l’Elec tricité ou du Gaz
(CSPE et CSPG), et depuis 2016
par un compte d’affectation
spécial du budget général de
l’Etat, lequel est alimenté par
la taxation sur le carbone et
le charbon (TICPE et TICC) [5].
Globalement, sur l’ensemble des
EnR hors biocarburants, la somme
de ces soutiens, accordés par l’État
[…] atteint 5,3 Md€ [de charge annu-
elle, ndlr] en 2016.
Rapport de la Cour des comptes
Les engagements pris jusque fin 2017
représenteront 121 Md€ – en euros
courants – entre 2018 et l’échéance
des contrats (la plus tardive interv-
enant en 2046).
La charge annuelle des engagements
passés ne diminuera donc signifi-
cativement que postérieurement à
2030, lorsque le poids des engage-
ments antérieurs à 2011 s’estompera
Rapport de la Cour des comptes
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
14 SOUTIEN ENR
15. La CSPE s’applique sur tous
les consommateurs finaux, à
l’exception des entreprises
f o r t e m e n t é l e c t r o - i n t e n -
sives, qui bénéficient d’un
t a u x ré d u i t, e t d e s a u to -
p r o d u c t e u r s q u i e n s o n t
exonérés. Cela pose désor-
mais des problèmes d’équité
et creuse les inégalités soci-
ales : les personnes (phy-
siques ou morales) pouvant
investir dans des installa -
tions d’autoproduction voient
alors leur facture baisser à la
fois par la quantité d’énergie
soutirée réduite mais aussi
par l’exonération de CSPE. En
un sens, cette exonération est
donc régressive pour l’égalité
s o c i a l e c a r e l l e p e r m e t
d’accentuer les inégalités.
Pour le consommateur, la CSPE
est proportionnelle à sa con-
sommation à hauteur de 2,7 c€
TTC/kWh (22,5 € HTVA/MWh),
soit environ 18% du tarif régle-
menté en base (14,83c€T TC/
kWh pour un compteur de
9kVA ou plus pour un partic-
ulier [6]). On saisit ainsi la
lourdeur du financement de
la politique énergétique sur
le consommateur, et donc
l ’exigence d ’efficacité des
sommes collectées par cette
contribution.
Enfin, l’ultime argument pour
cette dépense considérable
est qu’elle internalise égale-
ment le coût du développe-
ment de filières professi -
onnelles et industrielles en
France, avec des retombées
en termes d’emploi et de PIB.
Néanmoins, comme le sou-
ligne la Cour des Comptes [3,
pages 24 et 25], si les enjeux
de structuration d’une filière
i n d u s t r i e l l e d e s r e n o u v -
elables était à l ’ordre du
Grenelle de l’Environnement
e n 2 0 0 8 , e n 2 0 1 0 l a
Programmation Pluriannuelle
des Investissement ne la con-
sidère plus que comme un
espoir, une tendance intuitive
(encadré ci-dessus).
A l’heure actuelle, la tendance
est plutôt à l’apparition d’un
leadership chinois sur les
Charges de service public de l’énergie au titre de 2018 [7]
Leur diffusion [les EnR] sur le terri-
toire national dynamisera les fabri-
cants d’équipements français (éoli-
ennes, panneaux solaires thermiques
et photovoltaïques, chaudières, tur-
bines hydrauliques...), et renforcera
les positions des fabricants nation-
aux de composants.
PPI 2009
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
15SOUTIEN ENR
16. Sources :
[1] Article 266 quinquies C titre X, chapitre 1er, Code des Douanes, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidT
exte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000028447811
[2] « Les subventions aux énergies fossiles en 5 questions », Connaissance des Energies, 24/01/2018, https://www.connaissan-
cedesenergies.org/les-subventions-aux-energies-fossiles-en-5-questions-180123
[3] « Le soutien aux énergies renouvelables », Cour des Comptes, 18 avril 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-
04/20180418-rapport-soutien-energies-renouvelables.pdf
[4] « Documentation des facteurs d’émissions de la Base Carbone ® », ADEME, 18/11/2014, http://www.bilans-ges.ademe.fr/
static/documents/[Base%20Carbone]%20Documentation%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20v11.0.pdf
[5] « F i n a n c e m e n t d u s o u t i e n a u x E n R » , s i t e w e b d e l a C R E , 2 0 / 0 6 / 2 0 1 8 , h t t p s : / / w w w . c r e . f r /
Transition-energetique-et-innovation-technologique/Soutien-a-la-production/Financement-du-soutien-aux-EnR
[6] « Grille de prix de l’offre de fourniture d’électricité Tarif Bleu », EDF, 01/02/2018, https://particulier.edf.fr/content/dam/2-
Actifs/Documents/Offres/Grille_prix_Tarif_Bleu.pdf
[7] « Annexe 1 - Charges de service public de l’énergie prévisionnelles au titre de l’année 2018 (CP’18) », CRE, 13/07/2017,
https://www.cre.fr/content/download/16223/201247
[8] « Programmation Pluriannuelle des Investissements, période 2009-2020 », Rapport au Parlement, 07/05/2010, http://www.
ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/20140407_ppi-elec-2009-2020.pdf
[9] « Le budget de l’État voté pour 2018 en quelques chiffres », Ministère de l’action et des comptes publics, janvier 2018,
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_docu-
mentaires/documentation_budgetaire/chiffres_cles/Chiffres_cles_budget_Etat_2018.pdf
panneaux photovoltaïques
( s u b ve n t i o n n é s p a r l ’ E t a t
chinois), le secteur éolien se
partageant entre les géants
GE (USA), Goldwind (Chine) et
Vestas (Danemark). La France
prend seulement la tête sur le
secteur des hydroliennes avec
Naval Group, mais à part ce
marché encore assez marginal,
aucun champion industriel
français ne semble émerger
sur le secteur des EnR.
EN CONCLUSION
L’ E t at e n g a g e d e p u i s d e s
années, et pour de longues
années à venir, des sommes
très importantes (7,9 milliards
d’euros en 2018, plus de 2,5
fois le budget de la Culture
[9]), pour des politiques éner-
gétiques qui s’épar pillent
avec des effets positifs assez
limités. Le mix énergétique,
dont la composante princi-
pale est le nucléraire, n’a qua-
siment pas été modifié, et
les émissions de gaz à effet
de serre n’ont que très peu
été réduites. Bien que moins
v i s i b l e s q u e d e s c h a m p s
d’éoliennes et de panneaux
photovoltaïques, les soutiens
financiers devraient surtout
être por tés sur l’efficacité
énergétique (des bâtiments,
des industries et des trans-
ports) et la production/récu-
pération de chaleur. C’est le
sens des recommandations
que fait la Cour des Comptes
en conclusion de son rapport.
Romain SAINT-LÉGER
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
16 SOUTIEN ENR
19. BIOGAZ ET MOBILITÉ
A ce j o u r, l e b i o m é t h a n e
en France est utilisé à 80%
comme bio’GNV. Les princi-
paux consommateurs de bio-
méthane carburant sont les
transpor teurs de la grande
di str ibution ainsi que les
transporteurs publics qui ont
des trajets fixes. Le bio’GNV
permet de bénéficier d’une
autonomie semblable à celle
du diesel (1500km) tout en
réduisant les émissions GES.
Ici encore, la filière fait face
à un marché avec de for ts
concurrents comme le véhi-
cule électrique ou hydrogène
qui visent les mêmes utilis-
ateurs. Pour créer sa place
dans le marché de la mobil-
ité durable, la filière bio’GNV
a u r a b e s o i n d e m o b i l i s a -
t i o n d ’i n v e s t i s s e u r s p o u r
développer un parc de sta-
tions bio’GNV qui absorbe
l e n o m b r e d e v é h i c u l e s .
Total a annoncé sa volonté
d’accompagner et accélérer
le développement d’offres
bio’GN.
DES BELLES OPPORTUNITÉS
On observe aujourd’hui des
entreprises françaises spé -
cialisées dans des secteurs
variés liés au biométhane
comme le déconditionnement
de biodéchets, le traitement
d e s d i g e s t at s, l ’é p u rat i o n
du biogaz en biométhane,
la liquéfaction et l’injection
portée de biométhane, etc…
Cette exper tise offre à la
France l’opportunité de dével-
opper plus son savoir-faire
pour se positionner en tant
que leader international dans
le domaine du biométhane. Au
niveau national, la libéralisa-
tion d’une telle filière donnera
naissance à de nouvelles inno-
vations ainsi qu’à des emplois
industriels. Cela contribuera
également à l’indépendance
énergétique de la France qui
à ce jour impor te la quasi-
totalité du gaz de Russie,
Norvège ou Algérie. Les ges-
tionnaires du réseau pour-
ront proposer des ser vices
de garantie d’injec tion de
gaz vert pour les clients ou
valoriser des infrastructures
existantes de transport et dis-
tribution de gaz.
Chaimaa ELMKADMI
Sources :
[1] L’observatoire 2018 de la filière biométhane, Sia Partners [En ligne] sur : http://www.energie.sia-partners.com/20180413/
biomethane-lobservatoire-2018-de-la-filiere-repris-par-plusieurs-medias
[2] Etats des lieux du biométhane en France, ENEA consultion, 2018 [En ligne] sur : http://www.enea-consulting.com/wp-con-
tent/uploads/2017/11/ENEA-biomethane-france-2017-synthese-publique.pdf
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
19BIOMÉTHANE
22. UN PETIT ZOOM SUR LES PRIX
A u j o u r d ’ h u i , l a C h i n e
représente la moitié de la
demande mondiale d’énergie
P V, t a n d i s q u e l e s e nt re -
prises chinoises représen-
tent environ 60% de la capac-
ité totale annuelle de produc-
tion de cellules solaires dans
le monde.
À ce titre, l’évolution des
marchés et des politiques en
Chine aura des répercussions
mondiales sur la demande,
l’offre et les prix de l’énergie
PV. Selon les prévisions de
l’AIE, la capacité solaire totale
dans le monde atteindra 740
GW d’ici 2022.
Le coût élevé de production
d’électricité à partir du PV a
historiquement été une bar-
rière au développement de
la filière. Aujourd’hui, il est
considéré comme une des
énergies les moins chères avec
un coût proche de $60/MWh.
L’ I N T E R M I T T E N C E : U N
VERROU À FAIRE SAUTER
Alors que le coût est un prob-
lème qui disparaît, la gestion
de l’intermittence demeure le
défi à relever pour le PV.
L a r e s s o u r c e s o l a i r e e s t
modulée par les nuages, la
météo, les saisons et les cycles
journaliers. Du fait de sa vari-
abilité, elle n’est toujours pas
prévisible avec précision et
est souvent considérée par
les gestionnaires du réseau
comme étant peu fiable pour
répondre aux exigences de la
demande en électricité.
Toutefois, l’intermittence du
PV ne représente pas un défi
majeur en cas faible péné -
tration. Le PV peut gagner
des capacités de pénétration
modérée dans les régions où
la demande de pointe est
liée à un besoin intensif en
air conditionné, lui-même
entraîné par un fort ensoleil-
lement. L’intermittence à forte
pénétration, par contre, pose
de sérieux problèmes liés à
la convergence de l’offre et
de la demande. Une pénétra-
tion modérée serait efficace
pour réduire la demande de
pointe en été, et éviter ou
déplacer la mobilisation de
centrales à coûts marginaux
les plus élevés. Ceci ne serait
plus le cas à très forte péné-
tration, où le déséquilibre
offre-demande nécessiterait
la mise en place de moyens
de pointe considérables afin
de pallier les différentes per-
turbations qui surgiraient au
niveau du réseau.
Variabilité de la ressource solaire à différentes échelles temporelles pour un emplacement donné [5]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
22 SOLAIRE
23. S O L U T I O N D E
L’INTERMIT TENCE
Heureusement, il existe des
solutions pour transformer le
vaste potentiel de la ressource
solaire en un système de pro-
duction d’électricité capable
de répondre à la demande
électrique tout en respectant
l e s c o n t r a i n t e s o p é r a -
tionnelles et en éliminant
donc le recours aux moyens de
couverture de pointe. L’étude
« Very High PV penetration »
menée par un consor tium
de chercheurs américains en
dresse une liste :
Le stockage
La production excédentaire
d’énergie solaire peut être
stockée pour une utilisation
ultérieure. Deux problèmes
disparaissent avec le stock-
age : l’élimination de la pro-
duction excédentaire et la
fourniture d’énergie renouv-
elable lorsque celle-ci n’est
pas disponible. Les technol-
ogies de stockage électrique
couvrent un large éventail de
capacités, entre autres, les
moyens de stockage à réponse
très rapide comprenant des
fly‐wheels (batterie iner ti-
elle) et des condensateurs, le
stockage à réponse plus lente
incluant des technologies de
réser ve d ’énergie m assive
telles que l’hydro pompée,
et enfin le stockage avec des
batteries électriques.
Toutes les technologies de
stockage évoluent rapidement
avec une tendance à la baisse
des coûts et une tendance à
la hausse des performances
(efficacité, durée de vie).
L e d é l e s t a g e i n t e l l i g e n t
(Smart curtailment)
Une production solaire excé-
dentaire au-delà de ce qui
p e u t ê t r e c o n s o m m é o u
stocké peut être déversée
(par exemple, en réduisant
partiellement la puissance de
sortie de l’onduleur). Ce type
de réduction est distinct de
la pratique de réduction réac-
tive basée sur les contraintes
de t ype profils de rampe
pour assurer la stabilité de la
transmission et qui est déjà
imposée par certains opéra-
teurs de réseau. Il se distingue
également de la réduction
en fonction des besoins du
système de distribution, tels
que le contrôle de la tension
locale. Il consiste plutôt en
une réduction de la produc-
tion à un niveau approprié à
la situation.
Le load shaping
Il s’agit d’une forme proac-
tive d’équilibrage de l’offre
et la demande, encourageant
la consommation électrique
lorsque la ressource solaire
est abondante localement et
la décourageant lorsqu’elle
ne l’est pas, par exemple, par
des tarifs de consommation
d’électricité appropriés et/
ou des charges contrôlables.
Il peut également tirer parti
des capacités de stock age
thermique qui permettent le
déplacement de la consom-
mation à différentes périodes
avec un impact minimal sur
les utilisateurs finaux.
La dispersion géographique
L a p r o d u c t i o n d ’é n e r g i e
solaire peut être mise en
co m m u n a u n i ve a u l o c a l,
régional ou au-delà, afin de
réduire les effets de la vari-
abilité induite par les con-
d i t i o n s m é t é o r o l o g i q u e s .
Tirer par ti de la dispersion
géographique peut nécess-
iter des ressources de trans-
mission supplémentaires.
As s o c i a t i o n d u P V ave c
l’éolien et/ou la biomasse
Le vent est une autre ressource
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
23SOLAIRE
24. renouvelable abondante et
intermittente. Bien que son
potentiel soit moins impor-
tant que le solaire, il présente
s o u ve n t l ’av a n t a g e d ’ê t re
non corrélé et dans de nom-
breux cas, complémentaire au
solaire à l’échelle infra jour-
nalière et saisonnière. La bio-
masse, bien qu’elle soit limitée
en ressource, peut fournir une
énergie dispatchable ou de
base similaire à la puissance
fossile et nucléaire.
L’étude citée plus haut illus-
tre qualitativement quatre de
ces solutions basées sur la res-
source solaire uniquement :
stockage, réduction, mise en
charge et dispersion.
Les deux premiers graphiques
en haut illustrent l’appor t
solaire variable (A) et un profil
de demande typique qui doit
être servi fermement (B). Le
stock age (C) redistribue la
ressource aux périodes où
elle n’est pas disponible. La
réduction (D) et la dispersion
géographique (E) atténuent la
variabilité infra journalière et
journalière. La mise en forme
de la charge (F) modifie le
profil de la demande pour
améliorer sa coïncidence avec
l’alimentation solaire.
La seule solution qui pour-
rait éliminer le recours aux
moyens conventionnels de
substitution à tous les niveaux
de pénétration est le stockage
électrique, car il s’agit du seul
moyen capable de compenser
à tout moment le manque de
ressources (par exemple, la
nuit).
Alors que le stockage seul ren-
drait la pénétration élevée
ex trêmement coûteuse, la
fourniture d’énergie à base de
forte intégration PV pourrait
être rendue fiable et abord-
able en combinant de manière
optimale le stockage avec les
autres solutions. L’AIE PVPS
Variabilité de la ressource solaire à différentes échelles
temporelles pour un emplacement donné [2]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
24 SOLAIRE
25. Prix du kWh en fonction de la stratégie déployée
(Photovoltaic Power Systems)
a récemment analysé le coût
de production de base avec
le solaire dans le centre des
États-Unis en combinant de
façon optimale la disper-
sion régionale (dans un rayon
de 1000 km), le stockage, le
délestage intelligent et la
demand-response.
L’étude intitulée ‘“Geographic
Dispersion and Curtailment of
VLS-PV Electricity” a montré
qu’un objectif de satisfaction
r i g o u re u x d ’ u n e d e m a n d e
classique définie comme une
livraison constante de puis-
sance jour et nuit, tout au
long de l’année équivalente
à celle délivrée par une cen-
trale nucléaire sans interrup-
tion, a été atteint pour moins
de 10 cents par kWh même
sans inclure la produc tion
d’énergie éolienne.
Emna BERKAOUI
Sources :
[1] Renewables 2017 http://www.iea.org/renewables/
[2] Achieving Very High PV Penetration http://digitalcommons.pace.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1006&context=environ
mental
[3] https://www.eurobserv-er.org/photovoltaic-barometer-2016)/
[4] Lazard, “LAZARD’S LEVELIZED COST OF ENERGY ANALYSIS — VERSION 8.0,” September 2014. [Online]. Available: https://www.
lazard.com/media/1777/levelized_cost_of_energy_‐ _version_80.pdf.
[5] R. Perez, M. David, T. Hoff, M. Jamaly, S. Kivalov, J. Kleissl, P. Lauret and M. Perez, “Spatial and Temporal Variability of Solar
Energy .”.Foundations and Trends in Renewable Energy, (invited & forthcoming).
[6] PowerWall Tesla Home battery,” [Online]. Available: http://www.teslamotors.com/powerwall. [ “MGH deep Sea Energy Storage,”
[Online]. Available: http://www.mgh‐energy.com/.
[7] Geographic Dispersion and Curtailment of VLS‐PV Electricity, IEA PVPS Task 8 report, Ch.4 Future Technical Options for the
Entire Energy System., 2015.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
25SOLAIRE
26. L’intérêt d’une agriculture raisonnée sur le
problème environnemental
A u j o u r d ’ h u i , l ’a g r i c u l t u r e
compte pour environ 2% de
l a co n s o m m a t i o n é n e rg é -
tique mondiale, dont 80% est
d’origine fossile [1]. Cette part
est estimée à 4 % si l’on prend
en compte les consommations
d’énergie indirectes (fabri-
cation des engrais, produits
phytosanitaires, fabrication
du matériel et des bâtiments,
transport des aliments pour le
bétail).
Les problèmes de l’énergie
et de l’agriculture sont ainsi
étroitement liés. Ils entreti-
e n n e n t m ê m e u n e r e l a -
tion durable. Si la transi -
tion énergétique a pour but
d’opérer un virage à 90° dans
nos manières de consom-
mer et produire l’énergie en
faveur de l’environnement,
énergie et agriculture part-
agent un but commun : que
notre évolution se fasse dans
un environnement viable et
respectueux de la nature. Ce
n’est pas vraiment l’objectif
atteint avec la mondialisa-
tion. Cette ouverture vers des
horizons nouveaux est aussi
l ’a v è n e m e n t d ’ u n c e r t a i n
luxe : consommer des produits
fabriqués à l’autre bout du
monde. Si cela est attractif
sur le papier, nul doute que
certains méfaits sont d’ores et
déjà observés sur la planète.
Pre n o n s l e c a s d e l ’ h u i l e
de palme : véritable désas-
tre écologique, sa culture
est accrue par le besoin créé
par l’industrie agroalimen-
taire. Déforestation en faveur
de la monoculture intensive,
destruction d’écosystèmes,
qui mènent sans surprise à une
augmentation non-néglige -
able des émissions de gaz à
effet de serre : ces arguments
n’en sont pas moins valables
pour ceux qui voient derri-
ère ces produits une filière
extrêmement rentable. Le lien
avec le problème énergétique
s’établit de plus tout naturel-
lement lorsqu’un géant pétro-
lier comme Total voit en l’huile
de palme la matière première
de son prochain biocarburant
[2].
D e même pour la viande,
q u i n é c e s s i t e d ’i m p o r t e r
du soja brésilien qui nour-
rira les volailles et porcs de
l’agrobusiness. La déforesta-
tion est à nouveau une con-
s é q u e n c e d e c e t é l e v a g e
de masse et contribue indi-
rec tement mais for tement
à l’augmentation des émis-
sions de gaz à effet de serre
e t a u c h a n g e m e n t c l i m a -
t i q u e. L’a c c è s à l ’e a u , l a
terre et l’énergie dans notre
système agricole s’avèrent
être des problèmes qui seront
de plus en plus d’actualité.
Agroécologie, protection de la
biodiversité et santé des sols
doivent alors être maîtrisés
afin de contribuer au dével-
oppement durable.
Qu’en est-il justement de la
santé des sols ? Revenons sur
une polémique publique très
récente : le glyphosate. Cet
herbicide chimique (autrefois
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
26 AGRICULTURE
27. exclusivement produit par
Monsanto), dont l’interdiction
à partir de 2021 était au cœur
du débat européen, n’a pas
réussi son entrée dans la
loi agriculture et alimenta-
tion. Si certains le classent
comme potentiellement can-
cérogène, cet agent toxique
qui n’attaque que les plantes,
peut affecter négativement
des plantes non ciblées. Ses
conséquences indirectes sont
plurielles : sur la faune, la
flore et potentiellement les
sols. Si leur dégradation varie
en fonction du type de sol, il
existe aussi un risque de pol-
lution des eaux lors de pluies.
L’exposition des populations
à cet herbicide, aujourd’hui
le plus utilisé en agricul -
ture, est vivement discutée à
Bruxelles, mais aussi par les
agences réglementaires et
le Circ (Centre international
de recherche sur le cancer).
D e nombreux agr iculteurs
a f f i r m e n t n e p a s p o u vo i r
se passer de ce désherbant
pour leur production, mais
d’autres ont opté pour une
agriculture plus modeste, qui
entraîne une baisse de la pro-
duction mais aussi une baisse
des coûts. « S’il n’y a pas de
solution unique, des alter-
natives économiques viables
existent. » d’après Carmen
E t c h e v e r r y , c h a r g é e d e
mission Agriculture à France
Nature Environnement[3].
U n e c o n c l u s i o n q u i f a i t
écho au problème énergé -
tique auquel on fait face : la
solution au problème envi-
ronnemental sera sûrement
plurielle. Les exemples de dés-
astres écologiques agricoles
sont aujourd’hui nombreux
et s’accompagnent dans la
majorité des cas par une sur-
consommation énergétique si
l’on s’intéresse à l’ensemble de
la chaîne de valeur du produit,
comme le transport maritime.
Ce dernier, qui devrait tripler
d’ici 2020 par rapport à 1985,
est un désastre en termes
d’émissions de CO2
[4]. Ces
émissions, par ailleurs souvent
non prises en compte, du fait
de la complexité de leur éval-
uation et de leur attribution à
un pays en particulier (comme
toute question liée au trans-
port), sont à relativiser avec
le considérable impact sani-
taire du transport maritime.
Le moment est peut-être venu
de prendre part à une réelle
transition énergétique plutôt
qu’assister au spectacle alar-
mant de la continuité de nos
habitudes consuméristes en
perpétuelle croissance. En
effet, il semble qu’aujourd’hui,
nous nous complaisions à
tester l’existence de ce que le
club de Rome définissait en
1970 comme les limites de la
croissance.
Lise ADEGNON
Sources :
[1] Connaissance des énergies, Energie et agriculture en France, 2014. Disponible sur : https://www.connaissancedesenergies.
org/fiche-pedagogique/energie-et-agriculture-en-france
[2] Libération, « Biocarburant : Total jette de l’huile de palme sur le feu », juin 2018. Disponible sur : http://www.liberation.fr/
france/2018/06/08/biocarburant-total-jette-de-l-huile-de-palme-sur-le-feu_1657762
[3] https://www.opinion-internationale.com/2013/05/17/17668_17668.html
[4] FranceTVinfo, « L’article à lire pour comprendre le débat sur le glyphosate, la star des herbicides », 2017. Disponible sur :
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/si-vous-ne-comprenez-rien-au-debat-sur-le-glyphosate-la-
star-des-herbicides-lisez-cet-article_2412665.html
[5] Planetoscope.com, « Emissions de CO2 par le trafic maritime mondial », Disponible sur : https://www.planetoscope.com/
co2/680-emissions-de-co2-par-le-trafic-maritime-mondial.html
[6] images : shutterstock
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
27AGRICULTURE
28. Depuis la nuit des temps, l’eau
a été considérée par l’homme
comme une ressource naturelle
vitale, rare et sacrée. Son
symbolisme a alimenté plu-
sieurs croyances religieuses,
et sa nécessité pour la vie de
toutes les espèces a engendré
beaucoup de conflits surtout
dans les régions bioclima-
tiques délicates. De nos jours
la crise de l’eau se situe au
premier rang des risques de
premier ordre à venir dans les
10 prochaines années, selon
le rapport « World Economic
Forum, Global Risks Repor t
2016», au même rang que
le risque d’un échec poten-
tiel de la mobilisation pour
le changement climatique.
Cette position de la crise de
l’eau se justifie du fait que 40
% de la population mondiale
vit dans des régions pauvres
en ressources hydriques (UN
Water 2014). Cette crise se
manifeste par des chiffres
préoccupants : 780 millions
de personnes n’ont pas accès
à l’eau potable, et plus du
tiers de la population mon-
diale (2,5 milliards) n’ont pas
accès à des installations sani-
taires de base. Une corrélation
claire s’établie avec l’énergie,
en effet, plus de 1,3 milliard
de personnes n’ont pas accès
à l’électricité et 1,2 milliard
ont accès à une électricité peu
fiable. Partant de cette situ-
ation incertaine, cet article
aborde la problématique de
l’eau sous une vision éner-
gétique, visant à souligner
le rapport de proximité et la
nécessité inéluctable d’une
planification conjointe entre
les deux composantes pour
apporter des solutions dura-
bles. Avant de rentrer dans
les détails de cette liaison qui
a fait le sujet principal d’un
rapport complet de l’agence
international de l’énergie en
2016. La base de cette con-
nectivité est simple : pour
produire de l’énergie primaire
et de l’électricité, nous avons
besoin d’eau ; pour extraire,
traiter et transpor ter l’eau,
nous avons besoin d’énergie.
L’eau et l’énergie... dans un contexte fragile
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
28 EAU & ÉNERGIE
29. P O U R Q U O I A - T - O N B E S O I N
D’EAU POUR LA PRODUCTION
D’ÉNERGIE ET VICE-VERSA
Parmi tous les secteurs consom-
mateurs d’eau, l’agriculture
reste la première source de la
demande globale. Le secteur
de l’énergie qui inclut la pro-
duction de l’énergie primaire
et la génération d’électricité
partage une part non néglige-
able qui varie entre 10% et
15% en prélèvement d’eau et
3% en consommation. Selon le
scénario « New Policies » cette
situation va connaitre une
forte augmentation à l’horizon
2035 avec une augmentation
de 20% pour le prélèvement
et 85% pour la consomma-
tion d’eau dans le secteur de
l’énergie. A la maille d’un seul
pays ces chiffres deviennent
plus importants, et dépen-
dent majoritairement du mix
énergétique national. A titre
d’exemple aux Etats-Unis, le
prélèvement de l’eau douce
pour la production thermique
d ’é l e c t r i c i té co m p te p o u r
40%, au même niveau que
l’agriculture et atteint 64% en
Allemagne. Dans les pays en
développement ou émergents
la quantité d’eau utilisée dans
le secteur de l’électricité peut
augmenter si les unités con-
ventionnelles de production
d’électricité (hydraulique et
turbines à gaz) sont installées
à large échelle.
L’eau utilisée au niveau des
systèmes de refroidissement
pour le maintien opérationnel
des unités thermiques, néces-
site la plus grande quantité
d’eau, dont la consommation
dépend for tement du type
de technologie de la centrale
thermique. En 2014, sur les
398 milliards de mètre cubes
[3]
[4]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
29EAU & ÉNERGIE
30. prélevés pour le secteur de
l’énergie, 58% étaient utilisés
pour les centrales thermiques
fossiles, 28% pour les cen-
trales nucléaires, 12% pour la
production d’énergie primaire
(pétrole, gaz, charbon) et 2%
pour les renouvelables.
Un compromis entre utilisa-
tion de l’eau et production
d’énergie est à souligner à
ce niveau, étant donné que
l’efficacité thermique dépend
fortement du fluide utilisé et
de la technologie de refroid-
issement. En d’autres mots
une centrale thermique avec
un système de refroidissement
sec va bel et bien conduire à
une diminution de la consom-
mation d’eau, mais demande
plus d’investissement et reste
moins efficace, elle engendre
par ailleurs une surconsomma-
tion d’énergie primaire fossile
et donc plus d’émissions de
GES.
La consommation de l’énergie
dans le secteur de l’eau est
importante et les projections
du scénario « New Policies »
estiment une croissance de
2 , 3 % a n n u e l l e m e n t p o u r
atteindre 1470 TWh en 2040,
équivalent à deux fois la con-
sommation d’électricité du
Moyen Orient aujourd’hui. La
plus grande consommation
proviendra de l’augmentation
des capacités de désalini-
sation de l’eau de mer (et
qui atteindra 20% en 2040)
majoritairement concentré au
Moyen-Orient et en Afrique du
Nord. La seconde porte sur
les projets de transfert d’eau,
notamment le grand projet
chinois nommé « South-North
Water Transfer Project » et qui
consommera environ 2% de la
production d’électricité chi-
noise en 2040 (180 TWh).
LE PROJET THIRSTY ENERGY :
VERS UNE APPROCHE INTÉ-
G RÉ E P OUR LA P LA NIFIC A-
TION LONG-TERME
L’impact de la crise de l’eau
sur le secteur énergétique a
bien été ressenti dernière -
ment par les grands énergé-
ticiens. En effet 82% des entre-
prises du domaine du pétrole
et du gaz et 73% des opéra-
teurs d’électricité ont indiqué
dans un sondage effec tué
[4]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
30 EAU & ÉNERGIE
31. dans le cadre du CDP Global
Water Report en 2013, leur
vulnérabilité face à l’impact
de cette crise sur leurs inves-
tissements. Néanmoins, les
deux secteurs sont régulés
indépendamment, et les exer-
cices de planification sont con-
duits de manière uni-sectori-
elle. L’objectif de l’initiative
dénommée « Thirsty Energy »
vise d’une part à compren-
dre les interac tions mutu-
elles entre l’eau et l’énergie
et d’autre part à combler le
gap de la modélisation d’une
planification conjointe entre
les deux secteurs. L’Afrique du
sud, la Chine et le Maroc ont
constitué la base des études
de cas fondamentaux réali-
sées pour dresser les enjeux
du sujet.
UN FOCUS SUR L’AFRIQUE DU
SUD
« Jusque-là, c’était un secret
bien gardé. Il y avait une
ou deux personnes par jour
qui remplissaient quelques
bouteilles. Maintenant c’est la
zizanie ! » Telle est le commen-
taire d’un citoyen sud-afric-
ain le 25 janvier dernier con-
fronté à une sécheresse histo-
rique qui dévaste le pays de
Mandela. Dans ce pays pauvre
en ressources hydriques, qui
possède un mix énergétique
dépendant du charbon à 90%,
le gouvernement a donné
son feu vert à l’autorisation
de la frac turation hydrau-
lique (Fraking) pour le dével-
oppement du gaz de schiste
dans la région de Karoo. La
compétition entre les dif-
férents secteurs pour accéder
à l’eau va ainsi s’aggraver
dans les années à venir :
énergie vs agriculture. Dans
ce contexte délicat, « Thirsty
Energy » a pris l’initiative de
procéder à une étude détail-
lée du couplage eau/énergie
en se basant sur la famille des
modèles MarKal/TIMES (South
Africa TIMES SATIM). La ques-
tion principale de l’étude était
de savoir comment des con-
traintes additionnelles sur
l’eau affecteront la planifi-
cation énergétique du pays.
Parmi les résultats phares de
cette étude (figure ci- des-
sous), l’approche dévelop-
pée montre la grande sensi-
bilité du mix énergétique aux
contraintes d’utilisation de
l’eau. En effet, pour un scé -
nario sans coûts d’utilisation
de l’eau le modèle recours à
des technologies moins cou-
teuses et très consommatrices
d’eau. A contrario dès que le
système énergétique incor-
pore les coûts réels de l’eau,
le modèle choisit des tech-
nologies à refroidissement
sec malgré la diminution de
leur efficacité opérationnelle.
Cette étude constitue ainsi
une preuve de la nécessité
d ’intégrer des contraintes
d’eau dans les outils d’aide à
la décision pour la planifica-
tion énergétique.
En 2012, la consommation
électrique de l’IT représen-
tait 7% de la consommation
mondiale, soit 1 817 TWh. En
d’autres termes, si le secteur
de l’IT était un pays, il serait
le troisième plus gros con-
sommateur d’électricité du
monde, derrière la Chine et
les Etats-Unis [3].
C e r t a i n s c r a i g n e n t d o n c
q u e l e s o p p o r t u n i t é s
d’amélioration offertes par le
numérique ne soient annulées
par l’explosion de l’empreinte
environnementale propre du
secteur. Les bénéfices envi-
ronnementaux permis par les
technologies de l’information
ne seront profitables que si
leurs impacts directs restent
acceptables.
CONCLUSION
En guise de conclusion, et
loin de toute technicité sur
le sujet, nous pouvons livrer
ici une réflexion du PDG du
plus grand fournisseur d’eau
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
31EAU & ÉNERGIE
32. minérale au monde, Nestlé :
« L’eau est bien sûr la matière
première la plus importante
sur terre. La question est de
savoir s’il faut privatiser ou non
l’alimentation en eau. Deux
points de vue s’affrontent à
ce sujet. Le premier que je
quantifierai d’extrême est
représenté par les O.N.G pour
qui l’accès à l’eau devrait être
nationalisé. Autrement dit,
tout être humain doit avoir
accès à l’eau… et l’autre qui
dit que l’eau est une denrée
alimentaire, et que comme
toute denrée, elle a une valeur
marchande. Il est préférable
selon moi de donner une
valeur à une denrée afin que
nous soyons tous conscients
qu’elle a un coût et que l’on
prenne des mesures adaptées
pour les franges de la popula-
tion qui n’ont pas accès à cette
eau ». A vous d’en juger…
Yacine ALIMOU
Sources :
[1] World Economic Forum, Global Risks Report 2016, 11th Edition. www3.weforum.org/docs/GRR/WEF_GRR16.pdf
[2] UN-Water Annual Report 2013, www.unwater.org/publications/un-water-annual-report-2014/
[3] IEA, Water-Energy Nexus Excerpt from the World Energy Outlook 2016.
[4] Institute for Advanced Sustainability Studies (IASS), Secure and Sustainable Power Generation in a Water-Constrained World.
[5] CDP Global Water Report 2013 : Moving beyond business as usual.
[6] Le journal Le Monde, Crise de l’eau en Afrique du Sud : Le Cap se prépare au « jour zéro ».
[7] The World Bank, Modeling the Water-Energy Nexus How Do Water Constraints Affect Energy Planning in South Africa?
[7]
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
32 EAU & ÉNERGIE
33. Rencontre avec Bioxegy : quelles solutions nous
apporte la nature dans le domain énergétique ?
Tout d’abord, une petite présentation de toi
et de Bioxegy ?
Je suis ingénieur en biotechnologies, diplômé
de l’école Sup’Biotech de Paris, avec une
majeure R&D et une mineure environnement.
J’ai réalisé plusieurs stages au cours de ma
formation, dans différentes start-ups, puis à la
NASA, en astrobiologie pendant 6 mois pour
mon stage de fin d’études. Lors de mon retour
en France, je me suis mis à la recherche d’un
emploi lié à l’environnement. Je me suis dès
lors heurté à la prépondérance du domaine de
la pharmacologie, de la santé et du biomédical
dans les biotechnologies, qui ne m’attiraient
pas : mon souhait était de trouver un domaine
où pouvoir faire émerger des idées innovantes
et monter des projets. Après 6 mois de recher-
ches infructueuses, j’ai décidé de monter ma
propre structure avec Alexandra, l’actuelle
designer de Bioxegy. Alexandra et moi avions
eu l’idée d’allier design et biologie. Nous
avons ensuite rencontré Sidney qui montait
Bioxegy avec Anne. Le courant est très bien
passé, et nous avons rapidement décidé de
rejoindre le projet pour participer à son essor,
ce qui a donné lieu à l’entreprise Bioxegy telle
qu’elle existe aujourd’hui !
Notre équipe réunit des profils variés : nous
sommes six au total, avec trois scientifiques,
deux commerciaux et une designer. Ensemble,
nous assurons les deux activités principales
de Bioxegy :
La première dite de « management de
l’innovation » est une activité de conseil
consistant à rencontrer des industriels de
milieux variés et les sensibiliser au biomimé-
tisme et à la bio-inspiration afin d’étendre le
champ des possibilités en faisant du biomimé-
tisme une méthode d’innovation.
Notre but est de mettre à profit notre expertise
en biomimétisme et bio-inspiration aux entre-
prises souhaitant le faire. Nous travaillons
avec des entreprises déjà engagées dans cette
démarche, et leur proposons une méthodolo-
gie structurée en trois étapes indépendantes :
une première phase de décryptage, menant à
la rédaction d’une étude de faisabilité détail-
lée, avec enfin un accompagnement et une
co-conception du projet. Nous voulons créer
une relation de confiance avec le client, qui
lui permet de s’engager dans un projet con-
struit en en comprenant les avantages.
Ces projets sont réalisés à l’aide de notre
expertise interne, mais également avec un
réseau d’experts, scientifiques et chercheurs
que nous faisons intervenir lorsque la situ-
ation l’exige. Ceux-ci sont issus de tous les
domaines car le biomimétisme touche aussi
bien aux sciences dures – mathématiques,
chimie, physique – qu’au design et à la bioin-
génierie. Nous souhaitons créer des synergies
entre ces acteurs afin de monter des projets
qui n’auraient pas vu le jour sans notre rôle
d’interfaçage.
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
33BIOXEGY
34. Notre seconde activité est le développement
de concepts en interne ou par le biais de con-
trats d’innovation. Nous cherchons à travailler
avec des acteurs de tous horizons (startups,
chercheurs, étudiants…) afin de mettre à leur
service notre expertise commerciale, notre
temps et nos ressources, dans le but de dével-
opper avec eux leur innovation et de créer de
nouveaux produits issus de la bio-inspiration.
Notre objectif à long terme est la promotion et
la valorisation des innovations sur le marché,
dans les domaines que sont la bio-inspiration
et les technologies environnementales.
En résumé, nous nous plaçons comme une
interface entre les acteurs de la recherche
et de la science, et ceux des industries et
entreprises.
***
Comment définis-tu le biomimétisme ? Tu as
qualifié votre démarche de « bio-inspiration ».
Qu’est-ce qui différencie ce domaine du bio-
mimétisme ?
Le biomimétisme est formalisé en tant que
concept la première fois par Janine Benyus
vers le milieu des années 90. Dans les faits, ce
concept est beaucoup plus vieux. Nous pensons
tout de suite à Léonard de Vinci qui réalisait au
XVème siècle des prototypes d’avion calqués
sur des ailes de chauve-souris. La démarche
est d’innover en observant la nature, puis en
la reproduisant. La logique sous-jacente est de
se fier aux 3,8 milliards d’années de R&D du
vivant, qui a su affronter de nombreux obsta-
cles – comment voler, résister à la chaleur, au
froid, au manque d’eau, … Ainsi, il est prob-
able que la nature ait déjà rencontré notre
problème, et y ait déjà répondu. Cette logique
vise à s’inspirer de cette solution et l’adapter
à notre problème.
Il s’est avéré au cours de nos rencontres que le
terme bio-inspiration était plus adapté.
Dans le biomimétisme il y a une notion de
« calquer ». C’est une démarche qui peut parfois
être pertinente, mais qui est trop souvent
restreinte à quelques applications spéci-
fiques : par exemple l’avant du Shinkansen,
le TGV japonais, est calqué sur le bec d’un
martin pêcheur, qui répond précisément au
problème rencontré par ce train. La bio-inspi-
ration est une approche plus large qui vise non
seulement à observer la nature et comprendre
la solution employée, mais ensuite à adapter
cette solution au problème posé et l’optimiser
dans l’optique de résoudre ce problème. On
ne se limite pas aux savoirs de la nature, les
stratégies sont également très importantes
: croissance, allocation des ressources, de
Projet de biopile “Bloom Garden”
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
34 BIOXEGY
35. l’énergie,… En bio-inspiration, une économie
d’énergie dans la nature, chimique ou mus-
culaire par exemple, se traduit par une écon-
omie de carburant, une réduction de la fric-
tion, et autant de pistes améliorant une per-
formance globale.
***
Passons maintenant au domaine de l’énergie.
Peux-tu nous donner quelques exemples de
bio-inspiration appliquée au domaine éner-
gétique ?
Le premier exemple auquel nous pensons est
arrivé par hasard : un chercheur a observé que
les nageoires d’une baleine étaient pourvues
de « tubercules », des sortes de picots. Après
modélisation du phénomène, il a montré qu’en
incluant ces picots sur une éolienne, la friction
en était limitée et l’aérodynamisme amélioré.
Cela a infirmé l’idée de l’aérodynamisme uni-
versellement associé au « lisse ». Nombre de
structures observées dans la nature peuvent
contribuer à la création de micro vortex amé-
liorant l’aérodynamisme. Ce qui cause chez
la baleine une économie d’effort via un mei-
lleur hydrodynamisme et une réduction de
la traînée, se traduit dans l’industrie par une
réduction des déperditions énergétiques
grâce aux mêmes principes de dynamiques des
fluides, dans l’air cette fois. Cela a donné lieu
à WhalePower, une entreprise développant des
pales d’éoliennes équipées de tubercules.
Un autre exemple grandissant nous vient de
EEL Energy qui développe une hydrolienne
« trainant » dans le courant à la manière d’une
nageoire de poisson.
En énergie, la nature nous donne les clés
pour une meilleure gestion des ressources.
Nous cherchons à comprendre comment font
les animaux pour conserver et rentabiliser
au maximum l’énergie qu’ils produisent en
s’alimentant. A cet effet, le « winglet » que
nous observons au bout des ailes d’avion est
inspiré des plumes périphériques de nom-
breux rapaces lorsqu’ils désirent stabiliser leur
vol. Ceci entraîne une réduction de 3,5% de
carburant sur les avions de ligne.
Un dernier exemple concerne les termites.
Des scientifiques ont observé que la struc-
ture des termitières permet une circulation
d’air frais, et un maintien d’une température
fraîche même dans les environnements les
plus arides. Ce constat pourrait entraîner la
création de systèmes de ventilation passive
gardant le bâtiment au frais.
D’autres projets souhaitent reproduire les cel-
lules électriques des anguilles pour faire des
micro-batteries fixées sur des Pacemakers, par
exemple. Il y a du potentiel d’innovation à
tous les niveaux, même si les innovations bio-
mimétiques touchant la production d’énergie
sont plus rares. A ce sujet, nous nous tourn-
erons davantage vers la bio-inspiration, ou
encore vers les technologies environnementa-
les : nous y découvrons le monde des micro-
algues, cyanobactéries et micro-organismes
en général capables de produire énormément
d’énergie sous forme de biocarburant ou indi-
rectement de l’électricité à travers un procédé
de génération.
***
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
35BIOXEGY
36. Les microorganismes constituent donc une
source d’inspiration majeure dans ce domaine ?
Pas vraiment. Quand on parle de micro-organ-
ismes, nous parlons plus d’observation de
leurs propriétés que d’inspiration. Nous cher-
chons à réemployer leurs propriétés. Prenons
l’exemple d’une cyanobactérie. Nous pouvons
employer son procédé de photosynthèse –
conversion du CO2
en oxygène par la lumière
naturelle – pour purifier l’air en créant de
la biomasse, réutilisée comme combustible.
L’intérêt de la photosynthèse est donc double.
Il existe de nombreuses technologies utilisant
ces propriétés, comme par exemple celle du
puits de carbone.
***
La nature peut-elle inspirer des usages en
stockage d’énergie ?
Il existe des prototypes de petites batteries
bio-inspirées, mais nous rencontrons là le
phénomène de « biomimwashing ». A l’image
du greenwashing, il ne faut faire de la bio-
inspiration une méthode absolue: une bat-
terie Lithium-Ion est aujourd’hui beaucoup
plus efficace qu’une batterie bio inspirée, sur
tous les niveaux. La Nature n’a pas vraiment de
réponse à la question des batteries, car elle ne
possède pas cette problématique de stocker
de l’électricité en grande quantité comme le
fait le monde moderne.
De mon humble avis personnel, les prochaines
découvertes dans le monde du stockage de
l’énergie seront davantage des découvertes
d’ingénierie que des découvertes de biomimé-
tisme. Néanmoins, tout dans la Nature est une
piste pour améliorer l’économie de ressources,
et optimiser une rentabilité énergétique. Dans
la Nature, les mouvements naturels peuvent
être transformés en sources d’énergie (EEL par
exemple), tandis que le vivant présente une
formidable optimisation dans la consomma-
tion de ressources. La bio-inspiration inter-
vient donc plus dans la production et la con-
sommation responsable de cette énergie que
dans son stockage à proprement parler.
Il existe par ailleurs des dispositifs appelés
biopiles, qui permettent d’utiliser le vivant,
notamment des micro-organismes, afin de
produire de l’électricité.
***
Sur quels projets travaillez-vous en ce
moment ?
Nous travaillons actuellement au développe-
ment du premier projet de notre pôle de
conception. Il s’agit d’un projet de biopile
dans lequel j’étais investi avant de rejoin-
dre l’équipe. L’idée est d’utiliser la croissance
d’une plante pour générer de l’électricité. Le
produit prend la forme d’un bac à plantes sur
lequel nous branchons un chargeur de télé-
phone. Ce projet révèle l’essence et tous les
avantages de la bio-inspiration puisqu’on peut
l’intégrer dans la vie de tous les jours pour
ajouter une rentabilité aux actions du quoti-
dien, sans pour autant modifier les habitudes
de chacun. Tout le monde a déjà fait pousser
une plante ou bien n’est pas étranger à la pra-
tique, et de l’agrégation de ces sources de
production pourrait survenir un changement
important.
***
I N F ’ O S E | J u i n - J u i l l e t 2 0 1 8
36 BIOXEGY
37. Clément LAPIERRE
Partner-in-Charge Innovation & Bioengineering
clement.lapierre@bioxegy.com
+33 (0)6 09 25 80 39
Sidney ROSTAN
Founder & CEO
sidney.rostan@bioxegy.com
+33 (0)6 15 11 86 61
CONTACTS
Une dernière question, quels concepts pen-
sez-vous développer ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Cependant,
nous gardons un regard large sur la bio-inspi-
ration, afin d’innover dans le plus de domaines
possibles. Nous sommes actuellement en train
de travailler à la création de notre struc-
ture visant à travailler avec les acteurs de la
bio-inspiration pour développer de nombreux
projets, et espérons en faire un centre majeur
de l’innovation bio-inspirée à l’avenir.
propos : Clément LAPIERRE
interview & rédaction : Raphaël CLUET
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37BIOXEGY