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DOSSIER CENTRAL :
Une taxe carbone écologique et solidaire,
comment résoudre l’équation ?
>>> page 22
Mensuel sur l’énergie et l’environnement
N° 143Mai 2019
L’ajustement de l’offre et la demande électriques
>>> page 08
Véhicules électriques :
Les nouveaux Véhicules électriques individuels
>>> page 13
Les Options : un meilleur substitut à l’ARENH ?
>>> page 15
Rénovation énergétique :
Du nouveau dans nos logements en 2020 ?
>>> page 19
Glencore : un pas vers l’environnement
>>> page 30
infose@mastere-ose.fr
TELEPHONE
04 97 15 70 73
ADRESSE
Centre de
Mathématiques
Appliquées
Mines Paristech
Rue Claude Daunesse
CS 10 207
06904 Sophia Antipolis
Toute reproduction, représentation, traduc-
tionouadaptation,qu’ellesoitintégraleoupar-
tielle, quel qu’en soit le procédé, le support ou
le média, est strictement interdite sans l’auto-
risation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
Articles
Actualités
04 - Le rapport de l’Ademe sur les bus bas carbone
06 - La politique européenne sur les émissions de CO2
07 - Validation d’une liaison électrique entre l’Irlande
et la France par la CRE et la CRU
08 - L’ajustement de l’offre et la demande électriques
13 - Les Nouveaux Véhicules Electriques Individuels
15 - Les options : un meilleur substitut à l’ARENH ?
19 - Le carnet numérique du logement
22 - Une taxe carbone écologique et solidaire, comment
résoudre l’équation ?
30 - Glencore : un pas vers l’environnement
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
2
Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj
Maquettiste - Lucas Desport
Photos - Etudiants MS OSE
SOMMAIRECONTACTS
Voici le joli mois de mai, accompagné de ses arbres en fleurs et
de son lot de jours fériés. Mais, dans le monde de l’énergie, pas
question de flâner. En effet, le défi de la transition énergétique
n’attend pas et ce mois-ci c’est l’Agence Internationale pour les
Energies Renouvelables (IRENA) qui dévoile sa feuille de route pour
une transition énergétique mondiale, intitulée « Global Energy
Transformation : A Roadmap to 2050 ». Au sein de ce rapport
l’IRENA insiste sur l’importance d’une production d’électricité
renouvelable et estime que cette dernière pourra couvrir 86 % de
la demande mondiale d’électricité à l’horizon 2050. Des retombées
bénéfiques en termes d’émissions de GES et en termes économiques
sont annoncées au sein de ce rapport. Enfin, il est rappelé que cette
transition énergétique mondiale ne pourra se faire que si nous
adaptons nos modes de vie et de consommation et, à cet effet, l’IRENA encourage les Etats à
s’engager sur des trajectoires de neutralité carbone à long terme.
L’Inf ’Ose de ce mois-ci se laisse donc porter par le vent de la transition et vous propose de
faire le point sur le futur de la rénovation énergétique des bâtiments avec l’arrivée du carnet
numérique du logement. Ensuite, nous irons faire un tour du côté de la mobilité urbaine, qui
connaît une révolution avec l’arrivée des Nouveaux Véhicules Electriques Individuels. Mais, si
l’idée d’une transition vers une société plus durable et neutre en carbone a de quoi séduire,
dans les faits la conduite du changement s’avère plus compliquée que prévu. Pour traiter cette
thématique, nous nous intéresserons aux perspectives d’un instrument d’incitation au change-
ment qui a suscité la polémique dernièrement, la Contribution Climat-Energie, plus connue
sous le nom de taxe carbone. Enfin, nous ferons un point sur les marchés de l’électricité en
traitant du devenir de l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) en com-
mençant par une présentation des différents mécanismes de stabilité du réseau. L’inf ’OSE se
terminera par l’actualité de l’entreprise minière Glencore au sujet de son engagement pour
l’environnement.
Nous vous souhaitons une bonne lecture !
Lyes AIT MEKOURTA
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
3Edito
Fin avril, l’ADEME a remis
s o n r a p p o r t i n t i t u l é
« Panorama et évaluation des
différentes filières d’autobus
u r b a i n s » a u g o u v e r n e -
ment  [1]. Dans ce rappor t,
l’agence rappelle la néces-
sité de diminuer les émis-
sions de CO2
d’un mode de
transport qui représente 6,2 %
des déplacements en France,
ce qui en fait le troisième
m o d e l e p l u s u t i l i s é   [ 2 ] .
Pour cela, une étude des dif-
férents vecteurs énergétiques
pouvant remplacer le gazole
(qui représente 72  % de la
flotte de bus capacitaires en
2018) a été effectuée pour
identifier leurs avancements
et les contraintes auxquelles
i l s fo n t f a c e. Le r a p p o r t
présente quatre filières alter-
natives au gazole : les carbu-
rants de transition (bioétha-
nol et hydrotreated vegetable
oil), le gaz naturel (gaz naturel
comprimé, gaz naturel liqué-
fié et biogaz), l’élec trique
(hybride, hybride recharge -
able et tout électrique) et
l’hydrogène. Le vecteur qui se
démarque pour l’instant est le
GNV, qui représente 16 % des
bus, suivi par l’hybride gazole
(7  %). Le reste des énergies
alternatives représente de
0,3 % à 2 % de la flotte [3]. Les
principales catégories pour
différencier ces modes sont :
•	 la réduction des émissions
locales et de gaz à effet de
serre
•	 le coût du remplacement
de la flotte, de la mainte-
nance et de la formation
du personnel
•	 la facilité et le temps de
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
4 Actualités
ACTUALITéS Mai 2019
            Z Juliette THOMAS Z     
Le rapport de l’ademe sur les bus bas carbone
Sources :
[1]	 D. Fayolle, D. Bénita, et ADEME, « PANORAMA ET EVALUATION DES DIFFERENTES FILIERES D’AUTOBUS URBAINS », p. 100.
[2]	 « Bus bas carbone : l’ADEME préfère l’hydrogène », L’EnerGeek, 10-mai-2019.
[3]	 ADEME, « Quelles filières énergétiques pour le transport par autobus ? », ADEME Presse, 26-avr-2019. Disponible sur: https://
presse.ademe.fr/2019/04/etude-quelles-filieres-energetiques-pour-le-transport-par-autobus-mobilite.html
recharge
Ainsi les carburants alterna-
tifs qui ne nécessitent pas
de modifications au niveau
des moteurs diesel représen-
tent la solution la plus rapide
pour diminuer les émissions
locales à courte échelle. De
son côté, le GNV représente un
coût supplémentaire à l’achat
du matériel, mais réduit les
émissions de carbone. Par
ailleurs, le gaz naturel est
déjà un vecteur utilisé par de
nombreux réseaux de trans-
por t et les investissements
d’infrastruc tures consentis
aujourd ’hui faciliteront le
déploiement du bioGNV, bien
moins émetteur de CO2
. La
filière électrique est critiquée
par l’ADEME, car bien qu’elle
limite totalement (pour les
véhicules tout élec tr ique)
ou par tiellement (pour les
hybrides et hybrides recharge-
ables) les émissions de CO2
et les nuisances sonores au
niveau des véhicules, elle
nécessite une maintenance
(optimisation des batteries)
et elle ne pourra se dévelop-
per que grâce à de nombreux
investissements dans des sta-
tions de recharge et une dim-
inution du prix des batteries.
L’agence note cependant que
les bus tout électrique sont
favorisés par l’enthousiasme
d e s p o l i t i q u e s p u b l i q u e s.
E n f i n , l ’ h y d r o g è n e e s t
plébiscité pour son absence
de pollution à la fois sonore
et de gaz à effet de serre (à la
condition que la production
d’hydrogène soit « verte  »)
mais également pointée du
doigt pour le coût élevé des
véhicules et des infrastruc-
tures de recharge.
Trolleys
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
5Actualités
La bonne nouvelle envi-
ro n n e m e n t a l e d u m o i s
concerne les émissions de
CO2
en Europe en 2018 [1].
Selon Eurostat, après avoir
augmenté entre 2016 et 2017
de 1,8  %, elles ont diminué
en Europe de 2,5% l’année
dernière. Cette évolution est
portée par la baisse des émis-
sions de CO2
dans 20 pays
membres. Le Portugal (-9,0 %),
la Bulgarie (-8,1  %), l’Irlande
(-6,8 %), l’Allemagne (-5,4 %),
et les Pays-Bas (-4,6 %) sont les
bons élèves européens tandis
que la Lettonie (+8,5 %), Malte
(+6,7 %), et l’Estonie (+4,5 %)
enregistrent une augmenta-
tion, qui pèse cependant peu
sur les émissions globales,
ces pays étant responsables
de 0,2 à 0,5  % des émissions
de l’Union Européenne. La
France (-3,5  %) qui se situe
légèrement au-dessus de la
moyenne est responsable de
10  % des émissions de CO2
en Europe. Elle est devancée
par l’Allemagne (22,5  %) et
le Royaume-Uni (11,4 %). Ces
efforts ont permis à l’Europe
d e r é p o n d r e a u x o b j e c -
tifs fixés pour 2020, à savoir
réduire de 20 % les émissions
de CO2
par rappor t à 1990
(chiffres atteints dès 2016),
mais restent insuffisants pour
limiter le réchauffement cli-
matique à 2°C comme le préco-
nise l’Accord de Paris (réduc-
tion de 40 % des émissions par
rapport à 1990) [2].
Cette insuffisance est liée à
l’absence de mesures con-
traignantes et aux désac-
cords entre les pays membres,
chacun défendant ses inté -
rê t s n at i o n a u x : l e s p ays
dont l’industrie repose sur
l’exploitation du charbon se
positionnent contre la créa-
tion d’un accord « neutralité
carbone ». La dernière étude
qui propose la taxation du
kérosène des avions rendue
par la Commission europée-
nne montre bien les avantages
et inconvénients de la struc-
ture européenne. D’un côté,
la Commission Européenne
est souvent à l’initiative de
nombreuses politiques envi-
ronnementales : elle recom-
mande un prélèvement de 33
centimes d’euros par litre, soit
une hausse d’environ 10 % du
prix des billets, ce qui entrain-
erait selon elle, une diminu-
tion de 10 % de la demande et
donc des émissions de CO2
[3].
D’un autre côté, cette étude,
commandée en avril 2017 et
qui vient d’être rendue pub-
lique accuse un an de retard
(les conclusions étaient atten-
dues pour mai 2018). Ceci
d é m o n t r e a i n s i c e r t a i n e s
limites de la prise d’initiative
européenne qui peut parfois
tarder à mettre en place des
réformes pourtant populaires
dans de nombreux pays de
l’Union suite aux mouvements
sociaux et environnementaux
des derniers mois.
L a m u l t i p l i c a t i o n d e c e s
m o u ve m e nt s d e p ro te s t a -
tion citoyens n’est pas sans
conséquences : le 1er
mai, leVariation des émissions de CO2 2018/2017 © Eurostat
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
6 actualités
La politique européenne sur les émissions de CO2
parlement du Royaume -Uni
déclare être le premier à décré-
ter l’urgence climatique et
environnementale, probable-
ment poussé par les actions du
groupe Extinction Rebellion
et les grèves scolaires pour le
climat. Le Royaume -Uni, un
des pionniers de l’utilisation
du charbon dès le X VIIIème
s i è c l e, p e u t d o n c d o n n e r
l’exemple aux autres pays :
la première semaine de mai
a été la première semaine
depuis 1882 où le pays a
produit l’intégralité de son
électricité sans exploiter de
centrale à charbon [4]. Suivie
par le parlement irlandais,
cette décision, qui n’impose
pas pour l’instant de mesures
c o n c r è t e s a u x g o u v e r n e -
ments pourrait se répandre en
Europe et dans le monde. En
France, ce sont les députés de
La France Insoumise qui ont
récemment proposé ce type
de résolution [5].
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
7Actualités
Sources :
[1]	 Le Monde, « Pour la première fois en quatre ans, nette baisse des émissions de CO2 en Europe », 10-mai-2019.
[2]	 « L’UE a réduit ses émissions de CO2 en 2018, mais en ordre dispersé (Eurostat) », Le Monde de l’Energie, 08-mai-2019. .
[3]	 « Climat : une étude de la Commission européenne propose de taxer le kérosène des avions ». [En ligne]. Disponible sur:
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/13/climat-une-etude-de-la-commission-europeenne-propose-de-taxer-
le-kerosene-des-avions_5461201_3244.html. [Consulté le: 17-mai-2019].
[4]	 Le Monde, « Au Royaume-Uni, une semaine d’électricité sans charbon pour la première fois depuis 1882 », 09-mai-2019.
[5]	 Le Figaro, « Les députés LFI réclament «l’état d’urgence climatique et écologique» », 14-mai-2019.
valiDatioN d’une liaison électrique entre l’irlande et La france
par la cre et la cru
Le 25 avril dernier, la CRE et son équivalent irlandais, la CRU, ont annoncé un accord pour le
financement du projet « Celtic Interconnector » devant relier Knockraha (Irlande) à La Martyre
(France) [1]. Ce projet permettra pour la première fois de connecter, via une liaison élec-
trique à courant continu, l’Europe continentale et l’Irlande et sera d’une capacité de 700 MW.
Les deux Commissions se sont accordées pour soutenir la demande de subvention des ges-
tionnaires de réseaux responsables de l’investissement : RTE et Eirgrid [2]. Ce projet, qui fait
partie des Projets d’Intérêt Commun depuis 2013, pourrait être financé à hauteur de 60  %
par l’Union Européenne et permettra de sécuriser l’approvisionnement pour les deux pays et
de faciliter le développement des énergies renouvelables, notamment l’éolien en Irlande. La
mise en service est attendue pour 2026.
Sources :
[1]	 CRE, « Délibération de la CRE du 25 avril 2019 adoptant la décision conjointe de répartition transfrontalière des
coûts du projet Celtic », 06-mai-2019. Disponible sur: https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Decision/
Repartition-transfrontaliere-des-couts-du-projet-Celtic.
[2]	 [2]	 RTE, « Celtic Interconnector : Projet d’interconnexion entre la France et l’Irlande | RTE France ». Disponible sur: https://
www.rte-france.com/fr/projet/celtic-interconnector-projet-d-interconnexion-entre-la-france-et-l-irlande.
L’électricité est une com-
modité qui ne se stocke
pas à grande échelle. Ainsi,
l ’é q u i l i b r e o f f r e - d e m a n d e
est à satisfaire à tout instant.
C’est RTE, le gestionnaire du
réseau de transport, qui est
en charge de cette mission au
titre de l’article L. 321-10  [1]
du code de l’énergie avec
toutes les échelles de temps
qu’elle implique. En effet, la
maîtrise de l’équilibre offre-
demande, pour un jour J,
c o m m e n c e p a r l ’e x e r c i c e
prévisionnel que RTE réalise
pour anticiper longtemps à
l’avance les investissements à
réaliser (capacités, intercon-
nections, etc.) pour satisfaire
la demande au jour même. Cet
exercice prévisionnel est actu-
alisé régulièrement jusqu’à la
veille du jour de livraison.
En parallèle à l’activité de
RTE, les acteurs de marché
sont incités, par un système
d e p é n a l i t é s d e r è g l e -
ment d’écar ts, à équilibrer
à l’avance leurs périmètres
c o n t r a c t u a l i s é s ( r e s p o n -
sabilités d’injection ou de
s o u t i r a g e ) . D a n s c e c o n -
texte, ils sont nommés dans
l’article L. 321-15 [1] du code
de l’énergie «responsables
d’équilibre».
Pour remplir leur mission,
les responsables d’équilibre
s’approvisionnent à différen-
tes échéances sur les marchés
de l’électricité. Trois ans avant
le jour de livraison, ils peuvent
déjà échanger sur des marchés
à terme (marchés de dérivés)
différents produits physiques
et financiers (futurs, forwards,
swaps, etc.), et équilibrer de
proche en proche leur por-
tefeuille. Le jour même de
la livraison, les responsables
d’équilibre sont en mesure
de s’équilibrer sur le marché
infra-journalier jusqu’à cinq
minutes avant la livraison.
Au-delà, le gestionnaire de
réseau a complètement la
m a i n s u r l ’é q u i l i b ra g e d e
l’offre et de la demande. Sur
cette plage il fait appel en cas
de déséquilibres entre l’offre
et la demande à trois types de
réserves : primaire, secondaire
et tertiaire ; pour rétablir la
fréquence à sa valeur nomi-
nale de 50 Hz.
L’ajustement de l’offre et la demande
électriques
Les différentes échéances impliquées dans l’équilibre offre-demande
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
8 ajustement offre-demande d’electricité
un exercice à plusieurs échéances
Le réseau de transport élec-
trique est maillé au niveau
européen. Pour son bon fonc-
tionnement, il existe une obli-
gation commune à tous les
groupes de production dans
la plaque européenne, de faire
tourner leurs alternateurs à la
même vitesse. C’est ce qu’on
appelle le synchronisme des
alternateurs.
La fréquence n’est rien d’autre
que le nombre de cycles que
fait l’onde électrique. Pour
un alternateur, elle corre -
spond au nombre de tours par
seconde du rotor multiplié par
le nombre d’électro-aimants
dans le stator, qu’on notera p.
Ainsi, la fréquence s’exprime
en fonction de la vitesse de
rotation de l’arbre Ω (rad/S)
comme suit :
I l ré s u l te d e ce t te é q u a -
tion (1) et de l’hypothèse de
synchronisme que l’onde élec-
trique a la même fréquence
d a n s t o u t e l a p l a q u e
européenne.
Dans son fonc tionnement,
l’alternateur reçoit une puis-
sance mécanique Pm
[ W ] qui
crée un couple moteur sur
l ’ar bre Cm
= Pm
/Ω [N. m ]. Le
mouvement relatif du rotor
par rapport au stator induit
un courant alternatif dans le
bobinage du stator et donc
une force électrique (force de
Laplace) qui à son tour appli-
que un couple électrique Ce
s’opposant au couple moteur.
Dans l’hypothèse d’absence
de pertes (hypothèse simpli-
ficatrice) le principe de con-
ser vation du moment ciné -
tique appliqué au rotor, en
plus de la relation (1) donnent
l’équation suivante (2) :
Où J [kg.m2
.s−1
] est le moment
d’inertie du rotor et Pe
[ W ]
l a p u i s s a n c e é l e c t r i q u e .
D ’a p r è s   ( 2 ) , à l ’é q u i l i b r e
quand la puissance méca -
nique injectée (production)
égalise la puissance élec-
t r i q u e s o u t i r é e ( c o n s o m -
m atio n), l ’accélérat i on d e
l’arbre moteur est nulle et
la fréquence est stable. En
r e v a n c h e , q u a n d l a c o n -
sommation est supér ieure
à la production, l’arbre de
l’alternateur se met à ralentir
et la fréquence de l’onde élec-
trique à baisser et inversement
si la production est supérieure
à la consommation.
Notons que d’après (1) et (2)
et l’hypothèse de synchro-
nisme des alternateurs, le
gestionnaire de réseau peut
se contenter de sur veiller
l a f ré q u e n c e p o u r s u i v re
e n t e m p s ré e l l ’é q u i l i b re
offre-demande.
Nous avons vu dans la section
précédente que la maîtrise de
la fréquence est intimement
liée à la l’équilibre entre la
produc tion et la consom-
mation. Or, cette dernière
fluctue en permanence ; la
production ne peut la suivre
instantanément, pour éviter
les variations de la fréquence.
Ainsi il existe une plage dans
laquelle ces variations sont
admissibles. En France mét-
ropolitaine, cette plage est
de 50 Hz ± 0,5 Hz. A partir de
49 Hz, des délestages automa-
tiques de la consommation
surviennent ; et au-delà de
quelques Hertz les groupes
de production se séparent
du réseau pour éviter d’être
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
9ajustement offre-demande d’électricité
Réglage de la fréquence et équilibre offre-demande, quelle relation ?
Réglage de la fréquence et équilibre offre-demande, quelle relation ?
Pour maintenir l ’équilibre
entre l’offre et la demande, le
gestionnaire de réseau utilise
une autre réser ve de puis-
sance qui n’est pas qualifiée
de « service système », il s’agit
de la réserve tertiaire (Manual
F r e q u e n c y R e s t o r a t i o n
Reserve). Contrairement aux
endommagés [2]. C’est un phé-
nomène en cascade qui mène
rapidement à l’écroulement
de la fréquence.
Heureusement, ce phénomène
reste très rare, car le ges-
tionnaire de réseau réagit en
temps réel à la déviation de la
fréquence grâce aux services
système. Ces derniers sont
composés de deux réserves, à
savoir la réserve primaire et
secondaire, qui interviennent
à des échelles de temps et de
puissance différentes.
La réserve primaire (Frequency
Co nt a i n m e nt R e s e r ve ) e s t
activée automatiquement (à
la baisse ou à la hausse) en 15
à 30 secondes, pour mainte-
nir la fréquence dans sa plage
admissible. Elle est dimensi-
onnée au niveau européen
à 3000 MW, pour pouvoir com-
penser la per te simultanée
des deux plus gros groupes
de production présents sur
la plaque européenne. La
France y contribue à hauteur
de 540 MW [3]. Depuis le 1er
janvier 2017, la réserve pri-
maire est contractualisée par
des appels d’offres hebdom-
adaires, organisés conjoint-
ement par RTE et ses homo-
logues allemands, autrichiens,
belges, néerlandais et suisses.
L’activation de la réserve pri-
maire rétablit la stabilité de la
fréquence, mais n’est pas en
général suffisante pour attein-
dre les 50 Hz ciblés. Ainsi, la
réserve secondaire (Automatic
Frequency Resortion Reserve)
d u p a y s e n d é s é q u i l i b r e
s’active automatiquement (à
la hausse ou à la baisse) en
moins de 15 minutes, afin de
rétablir la fréquence à sa valeur
nominale. Contrairement à la
réserve primaire, la réserve
secondaire est donc natio-
nale et elle est dimension-
née en France entre 500 MW
et 1180  MW, selon la plage
h o r a i re e t l a p é r i o d e d e
l’année. Tous les producteurs
opérant des groupes de pro-
duction de plus de 120 MW
ont l’obligation de lui affecter
une partie de leur puissance.
Pilone électrique
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
10 ajustement offre-demande d’électricité
La réserve tertiaire et le mécanisme d’ajustement
services système, cette réserve
est activée manuellement par
un dispatcher pour compléter
la réserve secondaire si celle-
ci est insuffisante.
La réserve tertiaire est consti-
tuée à travers le mécanisme
d’ajustement. Mis en place
depuis 2003 [4], ce mécanisme
oblige tous les producteurs
raccordés au réseau de trans-
port à mettre à disposition de
RTE leur puissance non utili-
s é e te c h n i q u e m e nt ( p u i s -
sance non utilisée mais qui est
mobilisable techniquement)
sur le marché d’ajustement  :
un marché à acheteur unique
(R TE) qui a lieu 2 heures
avant la livraison et auquel
les consommateurs, les pro-
ducteurs raccordés au réseau
de distribution et les acteurs
étrangers peuvent par tici-
per volontairement. Dans les
deux cas précédents, on parle
de réserve tertiaire non con-
tractualisée. Sous-entendu, il
existe une partie de la réserve
tertiaire dite contractualisée.
En effet, pour s’assurer de
la disponibilité de réserves
s u f f i s a nte s s u r l e m a rc h é
d’ajustement, RTE contrac-
t u a l i s e a n n u e l l e m e n t v i a
d e s a p p e l s d ’o f f r e s a v e c
des produc teurs (ou effa-
ceurs), pour mettre à sa dis-
position des capacités sur le
marché d’ajustement [5], [6].
Selon le temps de réponse de
ces capacités, on distingue
deux types de réserves : les
réserves rapides, mobilisables
en moins de 13 minutes, et
l e s r é s e r v e s c o m p l é m e n -
taires mobilisables en moins
de 30 minutes. Les lauré -
ats de l’appel d’offres voient
leurs capacités rémunérées
sur toute la durée de contrat
(prime fixe).
Lo r sq u’il ac tive u ne offre
d’ajustement (contractuali-
sée ou non), le gestionnaire
de réseau est tenu au titre de
l’article L.321-10 du code de
l’énergie [1] de prendre en
compte « l’ordre de préséance
économique entre les propo-
sitions d’ajustement qui lui
sont soumises ». L’énergie des
offres d’ajustement activées
est réglée sur la base du prix
de l’offre formulée par l’acteur
d’ajustement.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
11
Synthèse des réserves © CRE [3]
ajustement offre-demande d’électricité
Sources :
[1]	 « Code de l’énergie | Legifrance ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGI
TEXT000023983208. [Consulté le: 15-mai-2019].
[2]	 RTE, « Modalités de délestage entre RTE et les Distributeurs », 2008.
[3]	 « Services système et mécanisme d’ajustement ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.cre.fr/Electricite/Reseaux-d-
electricite/Services-systeme-et-mecanisme-d-ajustement. [Consulté le: 15-mai-2019].
[4]	 « Marché d’ajustement », RTE France, 15-sept-2014. [En ligne]. Disponible sur: https://www.rte-france.com/fr/article/marche-
d-ajustement. [Consulté le: 15-mai-2019].
[5]	 RTE, « Cahier de Charges ». 2019.
[6]	 CRE, Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 21 juin 2018 portant approbation des modalités de l’appel
d’offres 2019 de réserves rapide et complémentaire. 2018.
[7]	 M. Drouineau, « Modélisation prospective et analyse spatio-temporelle: intégration de la dynamique du réseau électrique
», 2011.
[8]	 « Mettre en œuvre tous les leviers pour assurer l’équilibre », RTE France, 15-sept-2014. [En ligne]. Disponible sur: https://
www.rte-france.com/fr/article/mettre-en-oeuvre-tous-les-leviers-pour-assurer-l-equilibre. [Consulté le: 15-mai-2019]
la réserve cinétique et le rôle de l’inertie
L’électricité est majoritaire -
ment produite par des tech-
nologies qui impliquent des
alternateurs à la fin de la
chaîne de production. Ces-
d e r n i e r s c o n s t i t u e n t d e s
masses tournantes, de plu-
sieurs dizaines de tonnes
parfois, et donc un gisement
d’inertie très important pour
le système électrique.
N o t o n s q u e d ’ a p r è s
l ’équation  (2) la variation
temporelle de la fréquence
est d’autant plus lente que
l ’iner tie J est grande. On
parle d ’un effet stabilisa-
teur de l’inertie, qui s’oppose
naturellement au ralentisse-
ment ou à l’accélération des
arbres des moyens de produc-
tion et donc aux déviations
de la fréquence, ce qui limite
les besoins en équilibrage.
Par ailleurs, les masses tour-
nantes des moyens de produc-
tion agissent physiquement
comme des volants d’inertie.
E l l e s s t o c k e n t l ’é n e r g i e
cinétique de rotation (propor-
tionnelle à l’inertie et au carré
de la vitesse de rotation) et la
restituent immédiatement au
réseau, par couplage électro-
magnétique, en cas de chute
t r a n s i t o i r e d e f r é q u e n c e .
On parle ainsi d’une réserve
cinétique.
La réserve cinétique est indis-
pensable à la stabilité instan-
tanée du réseau, si elle n’est
pas suffisante, le système élec-
trique risque de s’effondrer
avant que les autres réserves
puissent être ac tivées [7].
Un basculement impor tant
vers des moyens de produc-
tion sans masses tournantes,
comme le solaire photovolta-
ïque, doit être accompagnée
par des dispositifs techniques,
réglementaires et commer-
ciaux pour préserver la sta-
bilité du système électrique.
Evolution de la fréquence suite à un incident de 2,8 kW © [8]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
12 Ajustement offre-demande d’électricité
Les Nouveaux Véhicules Electriques
Individuels
C e s d e r n i è r e s a n n é e s ,
l e s N o u v e a u x V é h i c u l e s
Électriques Individuels (NVEI)
aussi appelés les nouveaux
« engins de déplacement per-
sonnels » (EDP)– vélo à assis-
tance électrique, trottinette
électrique, mono-roue, hov-
e r b o a rd ( d e u x- ro u e s s a n s
guidon), gyroroues, gyropo-
des (deux-roues avec guidon)
– ont connu une croissance
rapide dans les villes fran-
çaises auprès des jeunes et
des actifs sans que leur usage
ne soit réglementé [1].
A Paris, par exemple, en à
peine un an, les habitudes de
déplacements de plusieurs
voyageurs ont changé : les
Bluecar d’Autolib’ ont presque
disparu au profit des trotti-
nettes électriques [2].
L’essor des EDP peut s’expliquer
par plusieurs facteurs. La sim-
p l i c i té d ’ u t i l i s at i o n grâ ce
au concept dit Free float-
ing – sans station ni borne
d’attache, les trottinettes, par
exemple, sont laissées sur le
trottoir une fois arrivées à des-
tination [3]. Il suffit d’installer
une application mobile sur
son smartphone qui permet
d’afficher les trottinettes dis-
ponibles à proximité ainsi
que leur niveau de batte -
rie. Ce modèle, rendu possi-
ble par les nouvelles technol-
ogies, permet de pallier les
contraintes de stationnement
en ville qui s’appliquent aux
voitures élec triques, entre
autres. L’intérêt de ces NVEI
réside aussi dans le fait de
faciliter l’intermodalité en
milieu urbain. Par exemple,
les monoroues et gyroroues
sont compacts et faciles à
embarquer en tramway ou en
bus lors des interconnexions
entre modes de transports en
commun.
La capitale française attire
plusieurs opérateurs de trot-
tinettes électriques en libre-
service. La startup Américaine
Lime fut la première entreprise
à s’installer sur Paris en juin
2018, suivie de Bird quelques
semaines plus tard, puis de
Bolt et de Wind en septembre.
Fin 2018, c’est l’opérateur Tier
qui intègre le marché Parisien.
L’année 2019 a vu l’apparition
de plusieurs autres opéra-
teurs de trottinettes tels que
Flash, Hive, Voi, Ufo, Dott et
Jump [4]. Ce foisonnement
d’opérateurs s’explique par
la demande croissante de ce
moyen de déplacement par les
Parisiens et par les touristes.
Les nouveaux EDP motori-
sés apportent des solutions
attractives qui facilitent lesHoverboard
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
13Les nouveaux véhicules électriques individuels
déplacements au quotidien.
Ce p e n d a n t , c e s n o u v e a u x
moyens de transport ne béné-
ficient pas de cadre régle -
mentaire précis et constitu-
ent un risque croissant dans
les rues et espaces publics.
Le M inistère de l’intérieur
( D é l é g a t i o n d e l a s é c u -
rité routière) vient toutefois
d ’a n n o n ce r l a f i n a l i s a t i o n
d’un projet de décret modi-
fiant les règles d’utilisation
des EDP [5], le 4 mai 2019.
Ce projet de décret a été
notifié à la Commission euro-
péenne et sera présenté au
Conseil National d’Evaluation
des Normes (CNEN) puis au
Conseil d’État [6].
Ce nouveau cadre réglemen-
taire distingue les EDP non
motorisés (trottinettes, skate-
board, rollers, etc.) des EDP
motorisés (trottinettes élec-
triques, monoroues, gyropo-
des, hoverboards, etc.). Les
EDP non-motorisés sont con-
sidérés comme des piétons et
peuvent circuler sur les trot-
toirs et autres espaces autori-
sés aux piétons.
A partir de la rentrée 2019,
les EDP motorisés ne pour-
ront plus circuler sur les trot-
toirs (sauf si le maire décide
de les y autoriser) et ceux qui
ne sont pas bridés à la vitesse
de 25 km/h seront interdits à
la circulation. En aggloméra-
tion, ils auront l’obligation de
circuler sur les pistes cycla-
bles lorsqu’il y en a. Sinon,
ils pourront circuler sur les
routes dont la vitesse maxi-
male autorisée est inférieure à
50 km/h. Hors agglomération,
leur circulation sera interdite
sur la chaussée, et strictement
limitée aux voies vertes et aux
pistes cyclables [5].
Parmi tous ces EDP, c’est la
trottinette qui est amenée à
connaître la plus grande crois-
sance car elle est moins chère
qu’un vélo électrique, plus
facile à prendre en main qu’un
g y ro ro u e e t p l u s d i s c rè te
qu’un gyropode plutôt utilisé
à des fins touristiques [7].
Le nouveau cadre réglemen-
taire permettra de limiter les
compor tements dangereux
sur les trottoirs notamment,
et de faire évoluer l’utilisation
de ces NVEI vers un usage
responsable et plus sûr.
Yacine Lahma
Sources :
[1]	 A. AVEM, « La trottinette électrique s’impose dans une mobilité qui change à Paris », avr-2019.
[2]	 LA DEPECHE, « Trottinettes, gyroroues, gyropodes : les nouveaux modes de transport », ladepeche.fr, sept-2018.
[3]	 L’Usine Nouvelle, « Pourquoi l’invasion des trottinettes électriques en libre-service n’aura pas forcément lieu - Transport
», juin 2018.
[4]	 CNews, « Paris : qui sont les 12 opérateurs de trottinettes électriques en libre-service de la capitale ? », www.cnews.fr,
15-mai-2019. [En ligne]. Disponible sur: https://www.cnews.fr/france/2019-05-15/paris-qui-sont-les-12-operateurs-de-trot-
tinettes-electriques-en-libre-service-de. [Consulté le: 16-mai-2019].
[5]	 Ministère de l’Intérieur, « Les trottinettes électriques entrent dans le code de la route », http://www.interieur.gouv.fr/Espace-
presse/Dossiers-de-presse/Les-trottinettes-electriques-entrent-dans-le-code-de-la-route, mai 2019.
[6]	 Argus de l’Assurance, « Hoverboards, trottinettes électriques, gyroroues … vers une modification du code de la route »,
mai 2019.
[7]	 P. Doucet, « La trottinette électrique ne peut rouler nulle part », FIGARO, 21-janv-2019. .
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
14 Les nouveaux véhicules électriques individuels
L’A R E N H e s t l ’ a c r o n y m e
d’Accès Régulé à l’Electricité
Nucléaire Historique. Il s’agit
du principal appor t de la
loi NOME pour la nouvelle
organisation du marché de
l’électricité de 2010.
L’idée est de permettre aux
concurrents d’EDF d’accéder
à l’électricité d’origine nuclé-
aire à un prix régulé reflé -
tant les coûts de production.
L’objectif est d’encourager la
concurrence en permettant
aux fournisseurs alternatifs
de s’approvisionner en élec-
tricité de base dans des condi-
tions économiques équivalen-
tes à celles d’EDF. Ainsi, tous
les fournisseurs d’électricité
p e u v e n t f a i r e p r o f i t e r à
leurs clients des bénéfices
économiques du parc nuclé-
aire français en leur proposant
des prix compétitifs et donc
raisonnables.
La loi fixe la liste des coûts
a p p l i c a b l e s p a r l a f i l i è re
nucléaire qui doivent entrer
e n co n s i d é r a t i o n d a n s l e
calcul du prix de l’ARENH. Un
long débat a eu lieu sur le prix
auquel EDF allait devoir céder
l’électricité à ses concurrents.
La loi laisse au gouvernement
la responsabilité de fixer le
prix final par arrêté. Depuis
le 1er
janvier 2012, le prix de
l’ARENH est de 42 €/MWh.
Les volumes d’ARENH souscrits
par les fournisseurs alternatifs
ne peuvent excéder 100 TWh
au total sur une année (hors
fourniture des pertes aux ges-
tionnaires de réseau), soit
environ le quart de la produc-
tion du parc nucléaire histo-
rique. Ce mécanisme con-
stitue une assurance pour
les four nisseurs, puisqu’il
leur permet de se protéger
contre la hausse des prix de
l’électricité sur le marché de
gros.
Un système critiqué
Certains critiquent le système
de l’ARENH et notamment la
Cour des Comptes [1]. Elle met
en relief le caractère asymé-
trique de ce mécanisme qui
permet aux concurrents d’EDF
de s’y approvisionner quand
cela les arrange et d’y renon-
cer dans le cas contraire, et
ceci sans compensation pour
EDF. Ainsi l’ARENH représente
un système qui s’accorde mal
avec le principe de la concur-
rence et la logique du marché.
L’ARENH est un système rigide
qui impacte négativement la
liquidité du marché. En effet,
acheter de l’ARENH ne peut
Les options : un meilleur subsitut
à l’ARENH ?
Trading
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
15Les options sur le marché de l’électricité
s’effectuer qu’à des dates bien
précises de l’année et selon
une démarche assez longue.
Un fournisseur d’électricité
s o u h a i t a n t b é n é f i c i e r d e
l’ARENH transmet son dossier
de déclaration à la CRE. La
CRE lui délivre ensuite un
récépissé dans un délai de
30 jours à partir de la récep-
tion du dossier. Le titulaire
du récépissé signe un accord-
cadre avec EDF dans un délai
de 15 jours à compter de la
demande qui lui est faite par
un fournisseur titulaire du
récépissé. Après signature de
l’accord-cadre, le fournisseur
transmet à la CRE un dossier
d e d e m a n d e d ’A R E N H , a u
moins 40 jours avant le début
de chaque période de livrai-
son (1er
janvier et 1er
juillet de
chaque année) [2].
Le mécanisme des options
L’option est un mécanisme plus
flexible et qui s’accorde mieux
avec les principes de concur-
rence et la logique du marché.
Une option est un contrat qui
donne à son titulaire le droit,
et non l’obligation d’acheter
ou de vendre un actif sous-
jacent (ici l’électricité) à un
cours fixé à l’avance (le strike).
Dans le cas des options améri-
caines, ce droit est exerçable
une fois et au moment de son
choix pendant une période
fixe. Dans le cas d’une option
européenne, le droit est exer-
çable seulement à une date
fixe (la maturité ou l’échéance)
qui est souvent le dernier
jour de la durée de vie de
l’option. À maturité, l’option
perd toute valeur si elle n’est
pas exercée. Le vendeur est
quant à lui tenu de suivre la
décision de l’acheteur tout
en bénéficiant en contre -
partie d’une prime - acquise
que l’option soit exercée ou
non par l’acheteur - qui est
loin d’être symbolique et qui
représente en fait le prix de
l’option. « Il est (donc) légi-
time que l’opérateur histo -
rique perçoive une prime pour
son engagement à garantir
cet accès à l’électricité nuclé-
aire » [1] puisque EDF subit
un manque à gagner quand
le prix spot est supérieur à
42 €/MWh. Il serait opportun
de remplacer l’ARENH par des
options dont la prime garan-
tirait une juste rémunération
de cet engagement.
Précisons qu’il est possible
de recourir au mécanisme
des options sur le marché des
produits dérivés sans impli-
quer EDF mais rien ne garan-
tit alors que le prix négocié
sera proche de 42 €/MWh. Le
«  prix d’exercice » pourrait
être négocié par enchères au
sein d’une plage de valeurs
déterminée par la CRE, une
sorte de « tunnel », ou être fixé
de façon régulée à un niveau
revu périodiquement [1].
quels avantages ?
Ce mécanisme peut adopter
tout un nombre de variantes
du marché de gros. Prenons
l’exemple des options swing.
L’option swing est un contrat
q u i p e r m e t a u d é t e n t e u r
d’acheter (ou de vendre) des
quantités d’électricité pré -
définies, à des prix prédéfi-
nis un certain nombre de fois
(temps discret) inclus dans
une période donnée. Plusieurs
f l e x i b i l i té s s o n t p e r m i s e s
notamment sur les quantités
(quantité minimale ou/et max-
imale), et plusieurs contraintes
pourraient être contractual-
isées. Quand une contrainte
est violée, le possesseur de
l’option paye une pénalité. On
distingue des contrats jour-
naliers (DCQ : Daily Contract
Quantities), annuels (ACQ :
Annual Contract Quantities),
et totaux (TCQ : Total Contract
Quantities).
Dans le contrat, le prix de la
commodité peut être soit fixé
soit indexé. Un prix indexé
est un prix lié aux prix du
marché ce qui le rend plus
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
16 Les options sur le marché de l’électricité
volatile. Le prix fixé réduit
les opportunités d’arbitrages
dans le marché et par con-
séquent réduit aussi la valeur
de l’option. Dans notre cas,
le prix serait indexé sur le
n i ve a u p é r i o d i q u e d é te r -
miné par la CRE. On concili-
erait ainsi logique de marché
et régulation du prix de base
de l’électricité.
Différent des options améri-
caines et européennes, le
contrat d’option swing offre
p l u s i e u r s d ate s p o s s i b l e s
pour exercer l’option, ce qui
le rend plus compliqué à
évaluer.
En raison de leur nature non
standard, ces options sont
cer tes “exotiques” mais ce
qui les rend particulièrement
intéressantes est qu’elles ont
une raison d’être naturelle sur
le marché : elles répondent au
besoin de se couvrir sur un
marché soumis à des risques
fréquents de hausse des prix
et de la demande générale-
ment suivi d’un retour à des
niveaux normaux, c’est le cas
en hiver, par exemple. Les
swings présentent un avan-
tage par rapport aux options
standards (options plain-
vanilla), prenons l’exemple
suivant :
Au mois de février (28 jours),
un fournisseur risque d’avoir
un besoin exceptionnel en
électricité à couvrir (for te
demande, accompagnée de
spike de prix sur le marché).
Le fournisseur estime que
l’occurrence de ce risque est
de 10 jours sur tout le mois.
Son premier choix pour se
c o u v r i r e s t d ’a c h e t e r 2 8
options européennes (une
option pour chaque jour du
mois de février), alors qu’il
n’exercera que 10 options.
S o n d e u x i è m e c h o i x e s t
d’acheter 10 options améric-
aines pour le mois de février,
l’inconvénient ici est que
toutes ces options ont le
même jour optimal d’exercice
(temps d’arrêt optimal) alors
que le fournisseur n’a pas
intérêt à se procurer toute
l’électricité des 10 jours en un
seul jour. Son meilleur choix
est d’acheter un swing avec
10 droits. Le lecteur inté -
ressé par la théorie mathéma-
tique de pricing des swings
pourra se référer au docu-
ment suivant : Valuation of
C o m m o d i t y - B a s e d S w i n g
Options [3]. Il est clair que
ce type de contrat présente
beaucoup plus de flexibilité
par rapport à l’ARENH qu’EDF
souhaite supprimer.
Centrale nucléaire
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
17Les options sur le marché de l’électricité
Sources :
[1]	 B.François & J.Percebois. Remplacer l’ARENH par des options négociables ? Parue le 11 décembre 2018. Connaissance des
Energies. https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/remplacer-larenh-par-des-options-nego-
ciables . Consulté le 15.05.2019.
[2]	 Site de la CRE : https://www.cre.fr/Electricite/Marche-de-gros-de-l-electricite/Acces-regule-a-l-electricite-nucleaire-
historique . Consulté le 15.05.2019.
[3]	 P.Jallet , E.I.Ronn & S.Tompaidis. Valuation of Commodity-Based Swing Options. Decembre 2003. http://web.mit.edu/jaillet/
www/general/swing-last.pdf . Consulté le 15.05.2019.
[4]	 J.Percebois. Faut-il arrêter l’ARENH ? Le débat est reparti… Parue le 17 mai 2018. Connaissance des Energies. https://www.
connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/faut-il-arreter-larenh-le-debat-est-reparti . Consulté le 15.05.2019.
[5]	 https://selectra.info/energie/guides/comprendre/arenh . Consulté le 15.05.2019.
D ’ a i l l e u r s , e n 2 0 1 6 , l a
demande d’ARENH a chuté
et même disparu poussant
ainsi les pouvoirs publics à
introduire un « marché de
capacité » pour permettre
aux opérateurs de financer
les coûts fixes de leurs cen-
trales et assurer ainsi que la
puissance appelée serait suf-
fisante pour passer la pointe
hivernale et éviter le black-
out… [4]
Contrairement à 2016, un total
de demandes de 132,93 TWh
dans le cadre du mécanisme de
l’ARENH a été reçu par la CRE
en 2019. Le volume d’ARENH
étant capé à 100 TWh au prix
fixe de 42 € le MWh, toutes
les demandes ne seront pas
suivies d’effet. Face à cette
augmentation de la demande,
la logique du marché incite
la CRE à augmenter le prix
de l’ARENH. En conséquence,
la CRE proposera une évolu-
tion des tarifs réglementés
en février prochain, vraisem-
b l a b l e m e n t e n h a u s s e. «
Cer tains médias annoncent
une hausse comprise entre
3  et 4  %, elle -même suivie
d ’ u n e n o u ve l l e é vo l u t i o n
défavorable aux consomma-
teurs en 2020. La CRE pose par
ailleurs la question de la via-
bilité du dispositif de l’ARENH
: u n e ré fo r m e d e s t a r i f s
d’accès est donc non seule-
ment annoncée politique -
ment, mais aussi soutenue par
la Commission de Régulation
des Énergies » [5].
Aboubakr Machrafi
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
18 Les options sur le marché de l’électricité
L e c a r n e t n u m é r i q u e d u
logement
La massification de la réno-
v a t i o n e s t u n e c o n d i t i o n
sine qua non pour attein-
dre les objectifs de réduc-
tion des émissions de gaz
à effet de serre fixés par les
Pouvoirs Publics (Stratégie
N a t i o n a l e B a s C a r b o n e
( S N B C ) , P r o g r a m m a t i o n
Plur iannuelle de l ’Energie
(PPE), Plan Bâtiment Durable).
Disposer d’un parc de loge -
ments bâti plus performant à
l’horizon 2050 est un objectif
commun inscrit dans le Code
de l’Energie depuis la LTECV
d’août 2015 [1].
Dans ce cadre, le gouverne-
ment a inscrit dans la LTECV
de 2015 l ’obligation pour
les particuliers propriétaires
d’un bien immobilier, de pos-
séder un « carnet numéri-
que de suivi et d’entretien du
logement » pour chacun de
leurs logements [2]. Très con-
crètement le carnet numéri-
que se présente comme un
site web accessible par les
propriétaires de logements
sur lequel ils vont pouvoir
stocker de manière sécurisée
les documents essentiels au
suivi et à l’entretien de leurs
logements. Ils pourront égale-
ment partager ces documents
avec des entreprises lorsqu’ils
auront à faire réaliser des
travaux d’entretien et de réno-
vation, ou alors ils pourront
les partager avec d’éventuels
locataires ce qui facilitera leur
gestion administrative.
L a c a p i t a l i s a t i o n
d’informations fiables n’est
que l’ambition minimale du
carnet numérique, puisqu’à
t e r m e i l d o i t d e ve n i r u n
véritable vec teur d’aide à
la rénovation énergétique.
En effet, grâce à une diffu-
sion d’informations précises
et pertinentes sur les aides
de l’Etat et des collectivi-
tés couplée à un réel accom-
pagnement administratif et
technique dans les projets de
rénovation des particuliers,
le carnet numérique compte
bien devenir un des leviers
les plus importants de la mas-
sification des rénovations
énergétiques.
Protoype du CNL
Afin d’initier la création des
premiers outils de ce type,
le ministère du logement a
lancé en juin 2016 un appel
à projets qui a permis de
sélectionner 12 entreprises
R é n o v a t i o n é n e r g é t i q u e : d u
nouveau dans nos logements en
2020 ?
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
19Le carnet numérique du logement
représentatives du secteur
d’ac tivité du logement en
France. Le rôle de chacune
de ces entreprises était de
proposer un premier proto-
t ypage de car net numér i-
que. Un montant d’un million
d’euros a été mobilisé pour
soutenir le développement
de ces 12 projets. A l’issue
de cet appel à projets les
entreprises ont proposé des
modifications qui pourraient
être apportées au texte de la
LTECV. Ainsi ces modifications
ont été intégrées grâce à la loi
ELAN de novembre 2018  [3].
Aujourd’hui c’est ce texte qui
pose le cadre législatif du
carnet numérique de suivi et
d’entretien du logement. Ce
texte précise notamment les
éléments suivants [4] :
•	 I l e s t o b l i g ato i re p o u r
toute construction neuve
dont le permis de constru-
ire est déposé à compter
du 1er
janvier 2020 et pour
tous les logements faisant
l ’o b j e t d ’ u n e m u t a t i o n
à compter du 1er
janvier
2025.
•	 Il doit fournir un espace
de stockage sécurisé pour
recueillir les documents
obligatoires à la vente ou
à la location d’un loge -
ment (DPE et diagnos-
tics) ainsi que tous les
d o c u m e n t s p e r m e t t a n t
de faciliter l’utilisation et
l’amélioration progressive
du logement.
•	 Il devra être opérationnel
durant toute la durée de
vie du logement. Le maître
de l’ouvrage (le proprié-
taire) est responsable de
sa création, de sa mise à
jour et de sa transmission.
•	 Le fournisseur de carnet
numérique doit fournir un
ser vice gratuit de récu-
p é r a t i o n d e s i n f o r m a -
tions contenues dans le
carnet afin d’en assurer la
portabilité vers un autre
fournisseur.
Cependant, ce texte n’est pas
à la hauteur des ambitions
futures du carnet numéri-
que. C’est pourquoi un décret
est ac tuellement en cours
d’élaboration avec le soutien
d e s f u t u r s a c t e u r s d e ce
marché naissant. Ce décret
vise à préciser dans le détail
les modalités d’application
de la loi ELAN afin que le
carnet numérique puisse être
directement opérationnel et
déployable au 1er
janvier 2020.
Le futur décret détaillera pré-
cisément le rôle et la respon-
sabilité de chacun des inter-
venants (propriétaires, loca-
taires, opérateurs de carnets
numériques) mais aussi les
documents qu’il sera obliga-
toire d’y déposer et quels
seront les services minimaux
requis pour qu’un fournis-
seu r pu isse pro po ser une
offre de carnet numérique du
logement.
La mise en concurrence de
plusieurs entreprises sur ce
marché va sans nul doute per-
mettre une large diffusion de
© www.qualité-logement.org
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
20 le carnet numérique du logement
l’outil via des canaux divers
et variés. En effet, la diffusion
du carnet numérique pourra
s’effectuer de diverses façons
et chacun des fournisseurs de
carnets numériques en privilé-
giera certaines en fonction de
son cœur de métier. Ainsi les
carnets numériques pourront
être fournis lors de la vente
d’un logement ou lors de la
remise des clefs d’un loge -
ment neuf ou encore avant le
début d’un projet de rénova-
tion, par exemple.
La question du coût pour le
particulier qui est obligé de se
doter d’un carnet numérique
est délicate. Mais les fournis-
s e u r s ré f l é c h i s s e n t à d e s
modèles d’affaires permettant
de rendre le coût du carnet
numérique nul ou presque
pour le particulier. En effet, la
fourniture d’un carnet numéri-
que est un point d’entrée stra-
tégique pour les fournisseurs,
car cela leur permettrait par
la suite de proposer d’autres
ser vices payants (préconi-
sations de matériels, propo-
sitions de travaux, contrats
d’entretien des équipements,
audits énergétiques, diagnos-
tics…). Certaines entreprises
étudient même l’opportunité
d e f i n a n c e r l a fo u r n i t u re
d’un carnet numérique par
l’obtention et la rétrocession
de Cer tificats d’Economies
d’Energie.
Conclusion
En résumé, l’arrivée prochaine
d’offres de carnets numéri-
ques va engendrer une petite
révolution dans le monde du
logement. En effet, la digitali-
sation de ce secteur est encore
lente et le carnet numérique
va permettre d’accélérer cette
tendance tout en proposant
une grande valeur ajoutée
pour les entreprises inter-
venant dans les logements
(faciliter l’accès aux informa-
tions du logement avec un très
faible degré d’incer titude).
Son déploiement sera égale-
ment positif pour les particuli-
ers, puisque le carnet numéri-
que permettra notamment de
faciliter les démarches admin-
istratives, l’entretien de son
logement, la réalisation de
rénovations énergétiques et
de petits travaux. Si toutes
ces promesses sont tenues,
le carnet numérique pourrait
bel et bien devenir l’un des
vecteurs phares de la massifi-
cation des rénovations énergé-
tiques en France. Les fournis-
seurs travaillent donc actu-
ellement à établir des offres
commerciales économique -
ment viables et à forte valeur
ajoutée. Elles devraient être
disponibles pour le mois de
septembre 2019 et commencer
à être visibles dès le mois de
janvier 2020.
Tristan Delizy
Sources :
[1]	 LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte - Article 11. 2015.
[2]	 Code de la construction et de l’habitation - Article L111-10-5 du 19 août 2015, vol. L111-10‑5. 2015.
[3]	 LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique. 2018.
[4]	 Code de la construction et de l’habitation - Article L111-10-5 du 23 novembre 2018, vol. L111-10‑5. 2018.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
21le carnet numérique du logement
U n e t a xe c a r b o n e é co l o gi q u e
et solidaire, comment résoudre
l’équation ?
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
22 L’équation de la taxe carbone
Au lendemain des élec-
tions européennes en ce
mois de mai 2019, la question
du réchauffement climatique
semble prendre une part de
plus en plus importante dans
les mentalités françaises. En
effet, selon un sondage Ipsos
MORI réalisé en avril 2019,
79  % des français interrogés
indiquent que la question
du réchauffement climatique
sera un facteur déterminant
pour leur vote lors des pro-
chaines élections [1]. Un autre
sondage d’octobre 2018 prov-
enant de l’IFOP semble aller en
ce sens puisque 85 % des fran-
çais s’estiment « inquiets » de
l’évolution de notre climat [2].
Les citoyens français semblent
donc prendre conscience de
l’urgence climatique qui plane
au-dessus de notre planète, et
un raisonnement simple en
conclurait qu’ils sont prêts à
accepter les sacrifices néces-
saires à la bonne réussite
d’une transition écologique.
Le problème majeur de ce rai-
sonnement est qu’il ne tient
pas compte du fait qu’un
esprit de sacrifice, même pour
un objectif vital comme celui
de la lutte contre le réchauf-
fement climatique, ne peut
prévaloir que si la population
qui doit s’y soumettre a un sen-
timent d’égalité de traitement
devant les effor ts deman-
dés. L’exemple le plus parlant
pour illustrer ce propos reste
celui de l’impopularité de la
taxe carbone et de sa con-
testation par de nombreux
mouvements dont le désor-
mais célèbre mouvement des
« gilets jaunes ». En effet,
bien que celle-ci soit un des
moyens les plus directs et effi-
caces pour changer les com-
portements selon le principe
du « pollueur-payeur », elle
a été perçue comme injuste
ou encore comme un moyen
de gonfler la pression fiscale
sur les ménages les plus défa-
vorisés, résultant au gel de
sa hausse au moins jusqu’à
la fin de l’année 2019 [3].
Alors que le gouvernement
actuel n’ose pas se pronon-
cer sur son avenir post 2019,
beaucoup estiment qu’elle
est primordiale à la transi-
tion écologique mais qu’elle
doit impérativement intégrer
un aspect solidaire et redis-
tributif dans un pays prônant
l ’é g a l i té d e s d ro i t s. N o u s
allons voir dans cet ar ticle
quels sont les différents scé-
narios et modifications propo-
sés par de nombreux acteurs
pour tenter de résoudre cette
difficile équation : comment
rendre une taxe à la fois
écologique et solidaire ?
Résumé de la taxe carbone
La taxe carbone, connue offi-
ciellement sous le nom de
Contribution Climat-Energie
(CCE), a été introduite pour
la première fois dans le Projet
de Loi Finances (PLF) pour
2014 [4]. La CCE n’est pas une
taxe à proprement parler con-
trairement à son nom d’usage.
En effet, elle représente la
modalité de calcul de la com-
posante carbone inclue dans
les trois Taxes I ntérieures
de Consommation ( TIC) sui-
vantes  : la TICPE pour les
p ro d u i t s é n e rg é t i q u e s, l a
TICGN pour le gaz naturel et
la TICC pour le charbon. Le
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
23L’équation de la taxe carbone
montant de chacune de ces
taxes est alors impacté par
u n e c o m p o s a n t e c a r b o n e
qui est propor tionnelle au
contenu de CO2
équivalent
d u p ro d u i t co n s i d é ré. U n
montant à la tonne de CO2
est
ainsi défini pour calculer la
composante carbone dans les
différentes TIC. Comme prévu
initialement, ce montant a
atteint 22  €/tCO2
en 2016
et a ensuite été prolongé
et réhaussé plusieurs fois.
D’une part par la LTECV qui
l’a programmé pour atteindre
100  €/tCO2
en 2030 suivant
l’objectif de la SNBC1 et le
fac teur 4 puis par le PLF
pour 2018 visant un prix de
4 4 , 6   € / t C O 2
e n 2 0 1 8 e t
86,2  €/tCO2
en 2022 (voir
f i g u r e 1 ) . C ’e s t d o n c l e
montant pour 2018 qui est
actuellement en vigueur suite
au gel de l’augmentation.
En 2018, les recettes engen-
drées par cette « taxe carbone
» devraient s’élever à environ
9 Mds € [5]. Les recettes totales
des différentes TIC avoisinent
quant à elles les 37 Mds € en
2018. Ainsi, environ 24  %
des recettes liées aux TIC
sont dues à la composante
c a r b o n e. A t i t re d e co m -
paraison, la TVA s’élèverait à
environ 186  Mds  € et l’impôt
sur le revenu à 86 Mds €. Mais
alors qui contribue le plus à
ces 9 Mds € et où vont-ils ?
Trajectoires des différentes révisions de la CCE © I4CE
Financement e t réinvestisse-
ment de la taxe carbone
Ce sont les ménages qui
co n t r i b u e n t l e p l u s à
cette taxe avec approxima-
tivement 5,2 Mds € en 2019 [5]
suivis par les entreprises du
tertiaire avec 1,8 Mds €, les
entreprises de transport de
marchandises et de voya-
geurs avec 1,65 Mds € et enfin
les entreprises de l’industrie
avec 262 M€. Les ménages
semblent ainsi payer beau-
coup plus que les industries
ce qui peut paraître illogique
à la vue des émissions de GES
importantes de ces dernières.
Plusieurs facteurs expliquent
ces disparités : d’une par t
les entreprises de l’industrie
sont majoritairement sou-
mises au marché européen des
quotas de CO2
(environ 88  %
des émissions de l’industrie
sont concernées) et sont donc
directement exemptées de la
taxe carbone. Ensuite, cer-
taines entreprises de trans-
por t de marchandises sont
exonérées de la taxe (trans-
port maritime, aérien interna-
tional et intérieur) alors que
d’autres bénéficient de réduc-
tions (taxis, transport routier
de marchandises, professi-
onnels agricoles, transpor t
public routier en commun
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
24 L’équation de la taxe carbone
de voyageur). Ces exonéra-
tions ont été jugées « obliga-
toires » dans une logique de
non-nuisance à la compé -
titivité de filières très cap-
tives des ressources fossiles
et surtout pétrolières et con-
frontées à la compétitivité
internationale. Nous voyons
ainsi un premier point blo-
quant dans l’acceptation de
cette taxe par la population.
En effet, d’une part des dis-
parités existent du fait que
les entreprises les plus pol-
luantes (hors industries sou-
mises aux quotas d’émissions)
s o nt exo n é ré e s a l o r s q u e
l’effor t fiscal demandé aux
ménages est lui maintenu.
D ’autre par t, au sein des
ménages, des disparités de
traitement existent aussi. En
effet, cette taxe représentait
en 2018 environ 1 % du revenu
chez les 10 % de personnes les
plus modestes en France alors
qu’elle ne représente que
0,2 % du revenu des 10 % les
plus riches du pays, traduisant
une hétérogénéité verticale
entre les différents déciles
de niveaux de vie [6]. Enfin,
cette hétérogénéité verticale
s’accompagne d’une seconde
dite horizontale : en effet,
au sein d’un même décile,
l’impact de la taxe carbone
sur le pouvoir d’achat d’un
ménage peut varier en fonc-
tion de la localisation (rural
ou urbain), de la performance
énergétique de leur loge -
ment ou encore du mode de
chauffage. La taxe carbone se
doit ainsi d’intégrer une exi-
gence de justice pour corri-
ger les disparités de traite-
ment qu’elle implique afin de
favoriser son acceptabilité.
R é i n j e c t i o n d e l a t a x e
carbone
La taxe carbone, du fait de
sa définition, représente une
modalité de calcul de la com-
posante carbone des différ-
entes TIC. Il est ainsi diffi-
cile de répondre directement
à la question de la traçabilité
des revenus dus à cette com-
posante. On peut dire qu’une
partie de cette « taxe carbone »
se retrouve dans la TICPE qui
est en partie reversée à un
compte d’affectation spéci-
ale « transition énergétique »
destiné à financer les énergies
renouvelables et à rembourser
la dette de l’Etat envers EDF.
Une autre partie, elle, n’est pas
dirigée explicitement vers un
compte pour la transition mais
est affectée de manière plus
générale au budget de l’Etat.
C’est là un second problème
auquel la taxe carbone est
confrontée pour son accept-
abilité par le grand public. En
effet, ce manque de transpar-
ence dû à sa nature ne permet
pas de renforcer sa crédibil-
ité pour les citoyens qui sou-
haiteraient savoir si elle con-
tribue réellement à répon-
dre aux objectifs de la tran-
sition écologique. Une plus
grande transparence est ainsi
nécessaire.
Afin de pallier le manque
d ’ a c c e p t a b i l i t é , d û à
l’augmentation programmée
de la taxe ainsi qu’aà l’absence
5,2
1,8
1,65
0,262
Ménages
Tertiaire
Transports
Industrie
Part des contribuables (en Mds €) de la taxe carbone © [5]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
25L’équation de la taxe carbone
d’information concernant sa
traçabilité, des mesures ont
été engagées par l’Etat pour
redistribuer en partie cette
taxe. La France a choisi de
passer par des moyens de
redistribution indirects : le
chèque énergie pour les fac-
tures des ménages les plus
modestes, la prime à la con-
version pour inciter à l’achat
de véhicules plus propres, le
système de bonus-malus ou
encore d’autres subventions
(pour l’isolation des loge -
ments, par exemple). Pour
accompagner la hausse due
au PLF pour 2018, l’Etat fran-
çais avait d’ailleurs annoncé
une revalorisation du chèque
énergie à hauteur de 200  €
avec un élargissement des
conditions d’accès permettant
de toucher 2,2  M de bénéfi-
ciaires supplémentaires ainsi
que le doublement de la prime
à la conversion pour les 20 %
des ménages aux revenus
les plus bas et les actifs non
imposables parcourant plus
de 60 km par jour pour aller
travailler. Les dépenses de
ces deux nouvelles mesures
censées compenser la hausse
de 2018 s’élevaient à 180 M€
sachant que le rehaussement
de la part carbone impliquait
une hausse de 3,7 Mds€ pour
l’ensemble des contribuables.
L’écart important de 3,5 Mds€
n’ a a i n s i p a s p e r m i s d e
préserver le pouvoir d’achat
des ménages. Ces derniers
n’ont pas non plus pu jouir
d’une élasticité confortable
pour se reporter sur des solu-
tions alternatives aux produits
é n e r g é t i q u e s f o s s i l e s . L à
encore, un problème majeur
apparait dans le sens où la
taxe carbone a échoué dans
sa mission de permettre aux
ménages de réduire à court
te r m e l e u r co n s o m m at i o n
grâce à une redistribution effi-
cace, préservant d’une part le
pouvoir d’achat des ménages
les plus modestes et leur per-
mettant d’autre part d’investir
pour la transition écologique.
Quelles alternatives ?
La taxe carbone ne constitue
évidemment pas le seul et
unique levier à ac tionner
pour faciliter la transition
écologique. D’autres moyens
existent : les normes et règle-
mentations, les subventions
aux systèmes énergétiques
bas carbone ou encore le
soutien aux investissements
privés. Mais ces subventions
ont aussi un coût pour le
contribuable. De plus, cer-
taines aides alternatives sont
plus difficiles à compenser
p o u r l ’ E t a t . Pa r e xe m p l e,
l’effet d’une règlementation
plus stricte aura tendance à
se répercuter sur le prix de
vente d’une technologie ayant
nécessité de forts investisse-
ments en R&D, ce qui ne facili-
tera pas l’accès à ces technol-
ogies pour les ménages aux
revenus les plus modestes.
La taxe carbone permet, elle,
d’envoyer un signal-prix-car-
bone incitant directement à
engager des efforts de réduc-
tion des consommations en
privilégiant les moyens les
moins coûteux. C’est un moyen
incitatif direct et décentralisé
qui permet à un Etat de mini-
miser ses coûts liés à la tran-
sition énergétique d’autant
plus s’il connait de for tes
contraintes dans le déploi-
ement d’actions de réduc-
tion de ses émissions de gaz
à effet de serre (acceptabil-
ité de cer taines technolo -
gies, coûts pour subvention-
ner de nouveaux systèmes).
Bien sûr la pertinence de tous
ces propos ne tient que si les
fonds dégagés par cette taxe
permettent une protection
du pouvoir d’achat de tous
les ménages via des remises
d’impôts ou encore des redis-
tributions forfaitaires, faute
de quoi les plus démunis se
retrouveraient directement en
état de précarité énergétique.
C’est ce qui n’a pas fonctionné
lors de la mise en place de
cette « taxe carbone » et qu’on
propose de rediscuter dans la
partie suivante.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
26 L’équation de la taxe carbone
V e r s u n e m e i ll e u r e
redistribution
To u s l e s p o i n t s e x p o s é s
précédemment ont permis de
mettre en lumière les princi-
pales critiques formulées à
l’encontre de la taxe carbone
et notamment quant à son
manque de prise en compte
d ’ u n e p o l i t i q u e s o l i d a i r e
accompagnant suffisamment
la totalité des ménages dans
l’effort demandé. Néanmoins,
de nombreux organismes ont
repensé une évolution de
cette taxe afin de dégager
des solutions plus accept-
ables pour les ménages les
plus démunis. Nous traiterons
point par point les réponses
imaginées par les experts afin
de répondre à ces objectifs.
L’exercice d’une redistribution
plus juste est très compliqué.
En effet, cette redistribution
doit corriger les inégalités
constatées entre les différents
déciles de niveau de vie (iné-
galités verticales) mais aussi
les disparités horizontales
constatées au sein d’un même
décile. Une redistr ibution
peut s’opérer de deux façons :
s o i t d i r e c t e m e n t v i a d e s
crédits d’impôts ou encore des
baisses de charges, soit indi-
rectement avec des mesures
financières accompagnant les
ménages dans la transition
énergétique. C’est la deux-
ième option qui a été choisie
par l’état via l’introduction du
chèque énergie et de la prime
à la conversion avec le succès
que l’on connaît. C’est pour-
quoi la redistribution a été
repensée sous plusieurs axes
par des experts économiques.
G l o b a l e m e n t t ro i s g r a n d s
modes apparaissent : redis-
tribuer proportionnellement
par unité de consommation,
répartir indépendamment de
la consommation par transfert
forfaitaire dégressif en fonc-
tion des déciles de niveau de
vie (par exemple, un forfait
de 500  € dégressif alloué
au premier décile jusqu’au
cinquième) ou encore con-
tinuer avec les aides existan-
tes (chèque énergie, prime
à la conversion) en augmen-
tant les allocations. Quelle
solution est alors la plus per-
tinente ?
Différentes répar titions
La répartition proportionnelle
permet, en effet, de faire béné-
ficier de gains aux ménages
les plus modestes étant donné
qu’en moyenne, ils consom-
m e nt m o i n s q u e l e s p l u s
riches. Le Conseil d’Analyse
Économique (CAE), à travers
une simulation de ce scénario,
estime que les ménages du 1er
décile gagneraient environ
60  € grâce à la réforme alors
que ceux du 10eme
perdraient
environ 80  €, tout en étant
neutre pour ceux du milieu.
Le problème majeur réside en
le fait que les hétérogénéités
horizontales subsistent : 10 %
du premier décile perdant en
moyenne 80 € [6].
En ce qui concerne le maintien
des solutions de redistribu-
tions indirectes et leur simple
augmentation, leur condition
d’accessibilité très stricte ne
permettrait pas de compenser
la perte de pouvoir d’achat de
nombreux ménages des pre-
miers déciles.
Enfin, la dernière solution con-
sistant à redistribuer directe-
ment par transfert forfaitaire
dégressif est celle qui rencon-
tre le plus de succès auprès
des exper ts. Par exemple,
TerraNova et I4CE dans un
rappor t de février 2019 [7]
ont fourni une description
très détaillée des mesures
à p re n d re. L a re d i s t r i b u -
tion se ferait, selon eux de
façon dégressive en fonc -
tion du revenu des ménages,
g é n é r a l e m e n t d u p re m i e r
décile jusqu’au cinquième.
Elle serait reversée automa-
tiquement via des baisses de
p ré l è ve m e nt s o b l i g ato i re s
(crédits d’impôts, baisse de la
CSG pour les ménages, etc.).
À cet égard, elle n’intégrerait
pas les dépenses énergétiques
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
27L’équation de la taxe carbone
contrairement à la première
solution exposée précédem-
ment. La justification tient
au fait que lier proportion-
n e l l e m e nt l e m o nt a nt d e
cette prime aux dépenses
é n e rg é t i q u e s re p ré s e nte r-
ait plus une subvention à la
consommation des produits
fossiles et serait assez diffi-
cile à évaluer. Les institutions
d ’aides sociales (CAF, par
exemple) seraient en charge
de l ’accompagnement des
ménages vers l’investissement
dans des solutions de réduc-
tion de leurs consommations,
en les informant, par exemple,
des autres dispositifs indi-
rects existants. À ce titre, deux
catégories d’aides seraient
distinguées : d’un côté les
aides visant à maintenir la
qualité de vie des ménages
dont la prime ferait partie, et
de l’autre les aides visant à
accompagner l’investissement
(par exemple, la prime à la
conversion ac tuelle serait
maintenue après une révi-
sion à la hausse). L’Ademe
rejoint cet avis en indiquant
dans un rappor t que pour
renforcer l’acceptabilité de
la taxe carbone, l’objec tif
à cour t-terme est de ren-
forcer le pouvoir d’achat des
ménages les plus modestes
face à l’augmentation de la
taxe via une redistribution
directe dégressive [5], chose
que ne permet pas une redis-
tribution indirecte. A moyen
et long-terme, l’objectif est
d’utiliser cette redistribution
en complémentarité avec des
dispositifs indirects pour per-
mettre aux ménages d’avoir
la possibilité d’investir pour
s’engager à réduire leurs con-
sommations énergétiques.
Cependant, le CAE n’oublie
pas de noter qu’un tel système
ne suffit pas à supprimer les
disparités horizontales, et
qu’il faudra passer sans doute
par des aides indirectes égale-
ment dans le but de les corri-
ger, en veillant à bien cibler
quels ménages doivent en
profiter pour éviter les effets
d’aubaine.
P o u r f a i r e p r o g r e s s e r
l’acceptabilité de cette taxe,
il faudra aussi regagner con-
fiance et légitimité auprès
du peuple. Pour ce faire, les
experts s’accordent à dével-
opper deux points : d’une part
élargir le champ d’application
d e l a t a xe c a r b o n e p o u r
s u p p r i m e r l e s n i c h e s f i s -
cales et d’autre par t par t-
ager l’effor t de décarbon-
ation entre les ménages et
le privé. Selon l’étude I4CE
et Terranova, quatre princi-
pales niches fiscales existent :
l’aviation pour 3,6 Mds €, les
transporteurs routiers pour
1,5 Mds  €, les exploitants
Distribution des transferts nets, par décile de niveau de vie, en euros © TerraNova [7]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
28 L’équation de la taxe carbone
agricoles pour 1 Md € et le
gazole non routier hors usage
agricole pour 1 Md € [7]. Pour
ne pas pénaliser la compé -
titivité des entreprises tou-
chées, les exper ts propo -
sent d’utiliser les nouvelles
recettes que dégageraient
les taxes pour accompag-
ner les secteurs touchés par
l ’é l a r g i s s e m e n t . L’o b j e c t i f
étant de suivre un principe
selon lequel les entreprises
seraient taxées sur leurs émis-
sions tout en se voyant réduire
d’autres taxes sur des produits
non énergétiques afin de con-
tinuer à stimuler leur activité
tout en les incitant à investir
dans l’efficacité énergétique.
Il faudra bien sûr veiller à gérer
les mécanismes de compen-
sation au cas par cas, chaque
secteur n’étant pas soumis aux
mêmes contraintes de com-
pétitivité. Selon un rapport
d’information à l’Assemblée
N a t i o n a l e d u 3 0 j a n v i e r
2019, l’horizon attendu pour
la suppression progressive
des niches fiscales serait de
10 ans [8].
D’autre part il faudra renforcer
le sentiment de transparence
vis-à-vis de la population en
veillant à expliquer claire -
ment les enjeux de la reprise
de la hausse de la taxe, à com-
muniquer avec la plus grande
transparence sur le suivi des
extinctions de niches fiscales
c i t é e s p r é c é d e m m e n t o u
encore, à permettre le gel de
la hausse des taxes en cas de
dépassement des objectifs de
réduction des émissions (prin-
cipe de la taxe flottante  [6].
Enfin, pour améliorer le sen-
timent de transparence, de
nombreux experts s’accordent
à dire qu’un fléchage bud-
gétaire doit avoir lieu soit
via la création d’un compte
d’affectation spéciale à la taxe
carbone soit en passant par un
document budgétaire spéci-
fique. L’importance de regag-
ner la confiance d’un peuple
ayant en partie perdu le lien
qui l’unit avec ses instances
reste primordiale, sans elles
les théories évoquées aupara-
vant ne pourraient être mises
en place.
Conclusion
À travers leurs analyses, les
experts convergent globale-
ment vers les mêmes conclu-
sions : opter pour une redis-
tribution directe dégressive
tenant compte du revenu des
ménages et l’accompagner par
des aides indirectes ciblant
les ménages les plus défa-
vorisés pour les accompag-
ner dans les investissements
nécessaires à la transition
écologique et pour corriger
les disparités horizontales.
Ensuite, l’élargissement de
l’assiette fiscale de cette taxe
permettra, en plus de dégager
d e s r e c e t t e s s u p p l é m e n -
taires, de regagner la confi-
ance et la légitimité auprès de
la population en partageant
l’effort entre tous et ainsi faire
valoir un sentiment de justice
fiscale. Enfin, il ne faudra pas
oublier d’améliorer la trans-
parence et le dialogue quant
à la traçabilité de la taxe pour
faciliter la reprise de sa trajec-
toire haussière.
A l’heure où le blizzard per-
s i s t e q u a n t à l ’é v o l u t i o n
future du gel de cette taxe,
nous avons donc pu voir que
des solutions apportées par
des organismes experts exis-
tent pour que la taxe carbone
puisse être un levier qui fera
converger la justice sociale et
écologique, pour que la fin du
mois ne pèse plus face à la fin
du monde.
Maxence Toulot
Sources :
[1]	 Ipsos MORI, « 2019 European Parliament Elections Study of Potential Voters », avr-2019.
[2]	 E. Pratviel, « « Balises d’opinion », Les Français et le réchauffement climatique », 2018.
[3]	 « Comment restaurer une taxe carbone en France », Les Echos, 05-févr-2019. [En ligne]. Disponible sur: https://www.lesechos.
fr/economie-france/budget-fiscalite/comment-restaurer-une-taxe-carbone-en-france-961650. [Consulté le: 11-mai-2019].
[4]	 L. Rogissart, S. Postic, et J. Grimault, « La Contribution Climat Energie en France : fonctionnement, revenus et exonération
», I4CE, oct. 2018.
[5]	 Ademe, « La Contribution climat solidarité », avr. 2019.
[6]	 D. Bureau et F. Henriet, « Pour le climat : une taxe juste, pas juste une taxe », Conseil d’analyse économique (CAE), 2019.
[7]	 A. Guillou et Q. Perrier, « Climat et fiscalité : trois scénarios pour sortir de l’impasse », I4CE, TerraNova, févr. 2019.
[8]	 B. Peyrol et C. Bouillon, « N° 1626 - Rapport d’information de M. Christophe Bouillon et Mme Bénédicte Peyrol déposé en
application de l’article 145 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle sur les outils publics encourageant l’investissement
privé dans la transition écologique », Assemblée Nationale, janv. 2019.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
29
G l e n c o r e : u n p a s v e r s
l’environnement
Extraction de charbon
Glencore, société anglo-suisse spécialisée dans l’extraction et le négoce de matières pre-
mières, est le premier exportateur mondial de charbon thermique et l’un des plus gros
émetteurs de gaz à effet de serre du secteur industriel. La multinationale minière a annoncé
le 20 février dernier qu’elle limiterait à partir de 2020 sa production de charbon en la plafon-
nant à son niveau actuel (environ 145 millions de tonnes attendues pour 2019) puis amor-
cerait deux à trois ans plus tard une baisse de sa production en fonction l’épuisement de ses
gisements. Cette décision est prise dans le cadre d’une stratégie plus large visant à prendre
part aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.
En 2018, la production de
charbon de Glencore a
augmenté de 7 %, atteignant
un volume de 129,4 millions
de tonnes. Cela s’explique par
le fait que la société a fait
deux gros investissements
dans des mines en Australie.
Glencore a, en effet, racheté
les parts du groupe minier
concurrent Rio Tinto (qui lui
s’est désengagé du charbon)
dans des mines australiennes
du Queensland ainsi qu’une
partie de la mine Hunter Valley
en Nouvelle Galles du Sud.
Po u r c o m p e n s e r l e p l a -
fonnement de sa production
de charbon, la société prévoit
d’augmenter sa production
de cuivre de près de 40 %,
celle de cobalt d ’environ
60 %, ainsi que celle d’autres
produits qui sont utilisés
dans les batteries des véhi-
cules électriques. [1]
Ce changement de straté -
gie est lié au fait que les
grands investisseurs exercent
de plus en plus de pression
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
30 le géant des matières premières
notamment sur les entreprises
for tement polluantes pour
qu’elles soient plus vertueuses
en matière d’environnement.
La décision de Glencore fait
s u i t e à s o n e n g a g e m e n t
a u p r è s d e s i n v e s t i s s e u r s
s i g n a t a i re s d e l ’i n i t i a t i ve
Climate Action 100+, d’”aligner
ses activités et ses investisse-
ments avec les objectifs de
l’Accord de Paris” ; le groupe
indiquant qu’ “il souhaitait
présenter à ses actionnaires
u n p l a n d ’i nv e s t i s s e m e n t
solide et résilient au regard
de la réglementation” [2] [3].
Pour renforcer son nouveau
positionnement, la société
e n v i s a g e d ’ a s s o c i e r l a
rémunération de ses dirige-
ants à la réalisation d’objectifs
en matière de lutte contre le
changement climatique et
d’examiner si ses adhésions
à certaines associations pro-
fessionnelles sont conformes
à ses nouveaux engagements.
Po u r Yv a n G l a s e n b e rg, l e
directeur général de Glencore,
le charbon est une affaire per-
sonnelle. Le milliardaire sud-
africain, australien et suisse
âgé de 62 ans, a débuté sa
carrière dans le transpor t
de charbon à Johannesburg
au début des années 1980
a u s e i n d e l ’e n t r e p r i s e
Marc Rich Co AG, qui devien-
dra ensuite Glencore. Il a gravi
tous les échelons pour finale-
ment prendre la direction de
l’entreprise.
I l j u s t i f i e s e s n o u v e a u x
choix en déclarant que “c’est
une solution logique allant
d a n s l ’i n té rê t g é n é r a l d u
groupe” [1].
L’annonce de Glencore de
limiter sa capacité de produc-
tion de charbon en la plafon-
nant à son niveau actuel ne
signifie pas que l’entreprise
tourne le dos au charbon.
Certains experts notamment
de British  Petroleum et du
d é p a r te m e n t d e l ’ E n e rgi e
américain estiment que la
demande de charbon restera
stable au cours des deux pro-
chaines décennies. En effet,
si la consommation diminue
dans les pays développés,
elle ne cesse de progresser
Résultats d’exploitation de Glencore en 2018 © Les Echos
We have found a resolution where
both parties are happy, it makes
sense, we think we’re doing the
right thing.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
31le géant des matières premières
Sources :
[1]	 https://www.geo.fr/environnement/le-geant-des-matieres-premieres-glencore-met-un-frein-au-charbon-194609 [Consulté
le: 28-Mai-2019].
[2]	 https://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/le-geant-des-matieres-premieres-glencore-met-un-frein-
au-charbon_2063290.html [Consulté le: 28-Mai-2019].
[3]	 https://www.minterellison.com/articles/glencore-to-align-its-business-and-investments-with-paris-agreement [Consulté
le: 28-Mai-2019].
[4]	 https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/charbon-eolien-solaire-44352/ [Consulté le: 28-Mai-2019].
dans cer taines par ties du
monde en développement,
comme l’Inde, la Chine, etc.
Ainsi, la décision de Glencore
de limiter sa production de
charbon ne l’empêchera pas
de continuer à tirer profit de
l’utilisation du combustible
fossile sur les marchés émer-
gents. Grâce à ses récents
investissements l’entreprise
restera vraisemblablement un
acteur majeur sur ce marché
pendant des décennies.
L’annonce donne néanmoins
une indication sur la dimi-
nution attendue à terme de
l’utilisation du charbon.
La filière est, en effet, surtout
menacée par le désinves-
tissement de certains action-
naires et groupes d’assurance
qui pour raient refuser de
couvrir les projets miniers.
Ainsi , Axa  SA et SwissRe  AG
n’i n v e s t i r o n t p l u s e t n e
fourniront aucune assurance
aux entreprises qui tirent plus
de 30  % de leurs revenus du
charbon et le fonds souver-
ain Norges Bank Investment
Management, qui reste néan-
moins l’un des principaux
investisseurs de Glencore,
utilise en théorie la même
barre de 30 % pour contrôler
ses participations.
C e s p o s i t i o n s p o u r r a i e n t
mettre en difficulté certaines
e n t r e p r i s e s é n e r g é t i q u e s
telles que Whitehaven Coal Ltd
et MACH EnergyAustraliaPty,
et générer une diminution
de l’offre, ce qui aurait pour
conséquence de maintenir le
cours du charbon à un niveau
relativement élevé. De ce fait
le charbon serait susceptible
d’être moins compétitif que
les autres énergies dont les
énergies renouvelables. C’est
déjà le cas selon le rapport de
référence New Energy Outlook
2017 de BNEF, Bloomberg New
Energy Finance, « Le solaire
est déjà aussi peu cher que
le charbon en Allemagne, en
Australie, aux Etats-Unis, en
Espagne et en Italie. D’ici 2021,
il sera aussi moins cher que le
charbon en Chine, en Inde, au
Mexique, au Royaume-Uni et
au Brésil ».
A p r e s u n e c r i s e d é l i c a t e
en 2015, le groupe minier
Glencore qui constitue l’un
des plus gros émetteurs de
gaz à effet de serre du secteur
industriel a su faire un geste
en faveur de l’environnement
qui n’en doutons pas devrait à
terme servir ses intérêts.
Ahmed Chaabane
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
32 le géant des matières premières
EN bref 	 Concours cigré 2019
Résultats du 23 mai de la 5ème
édition
Le Comité National Français du Conseil International des Grands Réseaux Electriques,
situé dans les locaux de Rte, organise chaque année depuis 2015 le Concours national
étudiant sur les réseaux électriques intelligents. Il consiste en la rédaction d’un article
portant sur les réseaux électriques.
Cette année le prix du meilleur article au concours CNF CIGRE sur les réseaux élec-
triques intelligents revient à Aboubakr Machrafi et Hamza Mraihi, tous deux étudiants
au mastère  OSE. Leurs travaux sur la prévision des pertes sur le réseau électrique ont
été récompensés avec cette première place sur le podium. Pour la quatrième année con-
sécutive les étudiants du mastère OSE arrivent en tête de ce concours. N’ayant pas été
retenus, nous saluons néanmoins le travail de Mahmoud Mobir et Valentin Mathieu sur
la stabilité du réseau.
Félicitations à eux !
I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9
33résultats du concours cigré
Alors responsable de 25% des émissions mondiales de CO2
, le secteur de la mobi-
lité et des transports est en pleine mutation. L’objectif de ce colloque est de mettre
en lumière les avancées et idées concrètes d’acteurs importants de la mobilité.
Tables rondes, conférences, et rencontres entre industriels et personalités permet-
tront d’éclairer les problématiques aussi diverses que complexes de la mobilité.
La Mobilité décarbonée
Congrès OSE
19e
edition - 26 Septembre 2019
Auditorium Mozart - CMA MINES ParisTech
1 rue Claude Daunesse - 06560 Sophia Antipolis
Quels vecteurs énergétiques pour une mobilité décarbonée ?
Crédit images : https://www.flaticon.com/

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  • 1. DOSSIER CENTRAL : Une taxe carbone écologique et solidaire, comment résoudre l’équation ? >>> page 22 Mensuel sur l’énergie et l’environnement N° 143Mai 2019 L’ajustement de l’offre et la demande électriques >>> page 08 Véhicules électriques : Les nouveaux Véhicules électriques individuels >>> page 13 Les Options : un meilleur substitut à l’ARENH ? >>> page 15 Rénovation énergétique : Du nouveau dans nos logements en 2020 ? >>> page 19 Glencore : un pas vers l’environnement >>> page 30
  • 2. infose@mastere-ose.fr TELEPHONE 04 97 15 70 73 ADRESSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines Paristech Rue Claude Daunesse CS 10 207 06904 Sophia Antipolis Toute reproduction, représentation, traduc- tionouadaptation,qu’ellesoitintégraleoupar- tielle, quel qu’en soit le procédé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’auto- risation des auteurs sauf cas prévus par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Articles Actualités 04 - Le rapport de l’Ademe sur les bus bas carbone 06 - La politique européenne sur les émissions de CO2 07 - Validation d’une liaison électrique entre l’Irlande et la France par la CRE et la CRU 08 - L’ajustement de l’offre et la demande électriques 13 - Les Nouveaux Véhicules Electriques Individuels 15 - Les options : un meilleur substitut à l’ARENH ? 19 - Le carnet numérique du logement 22 - Une taxe carbone écologique et solidaire, comment résoudre l’équation ? 30 - Glencore : un pas vers l’environnement I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 2 Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj Maquettiste - Lucas Desport Photos - Etudiants MS OSE SOMMAIRECONTACTS
  • 3. Voici le joli mois de mai, accompagné de ses arbres en fleurs et de son lot de jours fériés. Mais, dans le monde de l’énergie, pas question de flâner. En effet, le défi de la transition énergétique n’attend pas et ce mois-ci c’est l’Agence Internationale pour les Energies Renouvelables (IRENA) qui dévoile sa feuille de route pour une transition énergétique mondiale, intitulée « Global Energy Transformation : A Roadmap to 2050 ». Au sein de ce rapport l’IRENA insiste sur l’importance d’une production d’électricité renouvelable et estime que cette dernière pourra couvrir 86 % de la demande mondiale d’électricité à l’horizon 2050. Des retombées bénéfiques en termes d’émissions de GES et en termes économiques sont annoncées au sein de ce rapport. Enfin, il est rappelé que cette transition énergétique mondiale ne pourra se faire que si nous adaptons nos modes de vie et de consommation et, à cet effet, l’IRENA encourage les Etats à s’engager sur des trajectoires de neutralité carbone à long terme. L’Inf ’Ose de ce mois-ci se laisse donc porter par le vent de la transition et vous propose de faire le point sur le futur de la rénovation énergétique des bâtiments avec l’arrivée du carnet numérique du logement. Ensuite, nous irons faire un tour du côté de la mobilité urbaine, qui connaît une révolution avec l’arrivée des Nouveaux Véhicules Electriques Individuels. Mais, si l’idée d’une transition vers une société plus durable et neutre en carbone a de quoi séduire, dans les faits la conduite du changement s’avère plus compliquée que prévu. Pour traiter cette thématique, nous nous intéresserons aux perspectives d’un instrument d’incitation au change- ment qui a suscité la polémique dernièrement, la Contribution Climat-Energie, plus connue sous le nom de taxe carbone. Enfin, nous ferons un point sur les marchés de l’électricité en traitant du devenir de l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) en com- mençant par une présentation des différents mécanismes de stabilité du réseau. L’inf ’OSE se terminera par l’actualité de l’entreprise minière Glencore au sujet de son engagement pour l’environnement. Nous vous souhaitons une bonne lecture ! Lyes AIT MEKOURTA I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 3Edito
  • 4. Fin avril, l’ADEME a remis s o n r a p p o r t i n t i t u l é « Panorama et évaluation des différentes filières d’autobus u r b a i n s » a u g o u v e r n e - ment  [1]. Dans ce rappor t, l’agence rappelle la néces- sité de diminuer les émis- sions de CO2 d’un mode de transport qui représente 6,2 % des déplacements en France, ce qui en fait le troisième m o d e l e p l u s u t i l i s é   [ 2 ] . Pour cela, une étude des dif- férents vecteurs énergétiques pouvant remplacer le gazole (qui représente 72  % de la flotte de bus capacitaires en 2018) a été effectuée pour identifier leurs avancements et les contraintes auxquelles i l s fo n t f a c e. Le r a p p o r t présente quatre filières alter- natives au gazole : les carbu- rants de transition (bioétha- nol et hydrotreated vegetable oil), le gaz naturel (gaz naturel comprimé, gaz naturel liqué- fié et biogaz), l’élec trique (hybride, hybride recharge - able et tout électrique) et l’hydrogène. Le vecteur qui se démarque pour l’instant est le GNV, qui représente 16 % des bus, suivi par l’hybride gazole (7  %). Le reste des énergies alternatives représente de 0,3 % à 2 % de la flotte [3]. Les principales catégories pour différencier ces modes sont : • la réduction des émissions locales et de gaz à effet de serre • le coût du remplacement de la flotte, de la mainte- nance et de la formation du personnel • la facilité et le temps de I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 4 Actualités ACTUALITéS Mai 2019             Z Juliette THOMAS Z      Le rapport de l’ademe sur les bus bas carbone Sources : [1] D. Fayolle, D. Bénita, et ADEME, « PANORAMA ET EVALUATION DES DIFFERENTES FILIERES D’AUTOBUS URBAINS », p. 100. [2] « Bus bas carbone : l’ADEME préfère l’hydrogène », L’EnerGeek, 10-mai-2019. [3] ADEME, « Quelles filières énergétiques pour le transport par autobus ? », ADEME Presse, 26-avr-2019. Disponible sur: https:// presse.ademe.fr/2019/04/etude-quelles-filieres-energetiques-pour-le-transport-par-autobus-mobilite.html
  • 5. recharge Ainsi les carburants alterna- tifs qui ne nécessitent pas de modifications au niveau des moteurs diesel représen- tent la solution la plus rapide pour diminuer les émissions locales à courte échelle. De son côté, le GNV représente un coût supplémentaire à l’achat du matériel, mais réduit les émissions de carbone. Par ailleurs, le gaz naturel est déjà un vecteur utilisé par de nombreux réseaux de trans- por t et les investissements d’infrastruc tures consentis aujourd ’hui faciliteront le déploiement du bioGNV, bien moins émetteur de CO2 . La filière électrique est critiquée par l’ADEME, car bien qu’elle limite totalement (pour les véhicules tout élec tr ique) ou par tiellement (pour les hybrides et hybrides recharge- ables) les émissions de CO2 et les nuisances sonores au niveau des véhicules, elle nécessite une maintenance (optimisation des batteries) et elle ne pourra se dévelop- per que grâce à de nombreux investissements dans des sta- tions de recharge et une dim- inution du prix des batteries. L’agence note cependant que les bus tout électrique sont favorisés par l’enthousiasme d e s p o l i t i q u e s p u b l i q u e s. E n f i n , l ’ h y d r o g è n e e s t plébiscité pour son absence de pollution à la fois sonore et de gaz à effet de serre (à la condition que la production d’hydrogène soit « verte  ») mais également pointée du doigt pour le coût élevé des véhicules et des infrastruc- tures de recharge. Trolleys I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 5Actualités
  • 6. La bonne nouvelle envi- ro n n e m e n t a l e d u m o i s concerne les émissions de CO2 en Europe en 2018 [1]. Selon Eurostat, après avoir augmenté entre 2016 et 2017 de 1,8  %, elles ont diminué en Europe de 2,5% l’année dernière. Cette évolution est portée par la baisse des émis- sions de CO2 dans 20 pays membres. Le Portugal (-9,0 %), la Bulgarie (-8,1  %), l’Irlande (-6,8 %), l’Allemagne (-5,4 %), et les Pays-Bas (-4,6 %) sont les bons élèves européens tandis que la Lettonie (+8,5 %), Malte (+6,7 %), et l’Estonie (+4,5 %) enregistrent une augmenta- tion, qui pèse cependant peu sur les émissions globales, ces pays étant responsables de 0,2 à 0,5  % des émissions de l’Union Européenne. La France (-3,5  %) qui se situe légèrement au-dessus de la moyenne est responsable de 10  % des émissions de CO2 en Europe. Elle est devancée par l’Allemagne (22,5  %) et le Royaume-Uni (11,4 %). Ces efforts ont permis à l’Europe d e r é p o n d r e a u x o b j e c - tifs fixés pour 2020, à savoir réduire de 20 % les émissions de CO2 par rappor t à 1990 (chiffres atteints dès 2016), mais restent insuffisants pour limiter le réchauffement cli- matique à 2°C comme le préco- nise l’Accord de Paris (réduc- tion de 40 % des émissions par rapport à 1990) [2]. Cette insuffisance est liée à l’absence de mesures con- traignantes et aux désac- cords entre les pays membres, chacun défendant ses inté - rê t s n at i o n a u x : l e s p ays dont l’industrie repose sur l’exploitation du charbon se positionnent contre la créa- tion d’un accord « neutralité carbone ». La dernière étude qui propose la taxation du kérosène des avions rendue par la Commission europée- nne montre bien les avantages et inconvénients de la struc- ture européenne. D’un côté, la Commission Européenne est souvent à l’initiative de nombreuses politiques envi- ronnementales : elle recom- mande un prélèvement de 33 centimes d’euros par litre, soit une hausse d’environ 10 % du prix des billets, ce qui entrain- erait selon elle, une diminu- tion de 10 % de la demande et donc des émissions de CO2 [3]. D’un autre côté, cette étude, commandée en avril 2017 et qui vient d’être rendue pub- lique accuse un an de retard (les conclusions étaient atten- dues pour mai 2018). Ceci d é m o n t r e a i n s i c e r t a i n e s limites de la prise d’initiative européenne qui peut parfois tarder à mettre en place des réformes pourtant populaires dans de nombreux pays de l’Union suite aux mouvements sociaux et environnementaux des derniers mois. L a m u l t i p l i c a t i o n d e c e s m o u ve m e nt s d e p ro te s t a - tion citoyens n’est pas sans conséquences : le 1er mai, leVariation des émissions de CO2 2018/2017 © Eurostat I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 6 actualités La politique européenne sur les émissions de CO2
  • 7. parlement du Royaume -Uni déclare être le premier à décré- ter l’urgence climatique et environnementale, probable- ment poussé par les actions du groupe Extinction Rebellion et les grèves scolaires pour le climat. Le Royaume -Uni, un des pionniers de l’utilisation du charbon dès le X VIIIème s i è c l e, p e u t d o n c d o n n e r l’exemple aux autres pays : la première semaine de mai a été la première semaine depuis 1882 où le pays a produit l’intégralité de son électricité sans exploiter de centrale à charbon [4]. Suivie par le parlement irlandais, cette décision, qui n’impose pas pour l’instant de mesures c o n c r è t e s a u x g o u v e r n e - ments pourrait se répandre en Europe et dans le monde. En France, ce sont les députés de La France Insoumise qui ont récemment proposé ce type de résolution [5]. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 7Actualités Sources : [1] Le Monde, « Pour la première fois en quatre ans, nette baisse des émissions de CO2 en Europe », 10-mai-2019. [2] « L’UE a réduit ses émissions de CO2 en 2018, mais en ordre dispersé (Eurostat) », Le Monde de l’Energie, 08-mai-2019. . [3] « Climat : une étude de la Commission européenne propose de taxer le kérosène des avions ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/13/climat-une-etude-de-la-commission-europeenne-propose-de-taxer- le-kerosene-des-avions_5461201_3244.html. [Consulté le: 17-mai-2019]. [4] Le Monde, « Au Royaume-Uni, une semaine d’électricité sans charbon pour la première fois depuis 1882 », 09-mai-2019. [5] Le Figaro, « Les députés LFI réclament «l’état d’urgence climatique et écologique» », 14-mai-2019. valiDatioN d’une liaison électrique entre l’irlande et La france par la cre et la cru Le 25 avril dernier, la CRE et son équivalent irlandais, la CRU, ont annoncé un accord pour le financement du projet « Celtic Interconnector » devant relier Knockraha (Irlande) à La Martyre (France) [1]. Ce projet permettra pour la première fois de connecter, via une liaison élec- trique à courant continu, l’Europe continentale et l’Irlande et sera d’une capacité de 700 MW. Les deux Commissions se sont accordées pour soutenir la demande de subvention des ges- tionnaires de réseaux responsables de l’investissement : RTE et Eirgrid [2]. Ce projet, qui fait partie des Projets d’Intérêt Commun depuis 2013, pourrait être financé à hauteur de 60  % par l’Union Européenne et permettra de sécuriser l’approvisionnement pour les deux pays et de faciliter le développement des énergies renouvelables, notamment l’éolien en Irlande. La mise en service est attendue pour 2026. Sources : [1] CRE, « Délibération de la CRE du 25 avril 2019 adoptant la décision conjointe de répartition transfrontalière des coûts du projet Celtic », 06-mai-2019. Disponible sur: https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Decision/ Repartition-transfrontaliere-des-couts-du-projet-Celtic. [2] [2] RTE, « Celtic Interconnector : Projet d’interconnexion entre la France et l’Irlande | RTE France ». Disponible sur: https:// www.rte-france.com/fr/projet/celtic-interconnector-projet-d-interconnexion-entre-la-france-et-l-irlande.
  • 8. L’électricité est une com- modité qui ne se stocke pas à grande échelle. Ainsi, l ’é q u i l i b r e o f f r e - d e m a n d e est à satisfaire à tout instant. C’est RTE, le gestionnaire du réseau de transport, qui est en charge de cette mission au titre de l’article L. 321-10  [1] du code de l’énergie avec toutes les échelles de temps qu’elle implique. En effet, la maîtrise de l’équilibre offre- demande, pour un jour J, c o m m e n c e p a r l ’e x e r c i c e prévisionnel que RTE réalise pour anticiper longtemps à l’avance les investissements à réaliser (capacités, intercon- nections, etc.) pour satisfaire la demande au jour même. Cet exercice prévisionnel est actu- alisé régulièrement jusqu’à la veille du jour de livraison. En parallèle à l’activité de RTE, les acteurs de marché sont incités, par un système d e p é n a l i t é s d e r è g l e - ment d’écar ts, à équilibrer à l’avance leurs périmètres c o n t r a c t u a l i s é s ( r e s p o n - sabilités d’injection ou de s o u t i r a g e ) . D a n s c e c o n - texte, ils sont nommés dans l’article L. 321-15 [1] du code de l’énergie «responsables d’équilibre». Pour remplir leur mission, les responsables d’équilibre s’approvisionnent à différen- tes échéances sur les marchés de l’électricité. Trois ans avant le jour de livraison, ils peuvent déjà échanger sur des marchés à terme (marchés de dérivés) différents produits physiques et financiers (futurs, forwards, swaps, etc.), et équilibrer de proche en proche leur por- tefeuille. Le jour même de la livraison, les responsables d’équilibre sont en mesure de s’équilibrer sur le marché infra-journalier jusqu’à cinq minutes avant la livraison. Au-delà, le gestionnaire de réseau a complètement la m a i n s u r l ’é q u i l i b ra g e d e l’offre et de la demande. Sur cette plage il fait appel en cas de déséquilibres entre l’offre et la demande à trois types de réserves : primaire, secondaire et tertiaire ; pour rétablir la fréquence à sa valeur nomi- nale de 50 Hz. L’ajustement de l’offre et la demande électriques Les différentes échéances impliquées dans l’équilibre offre-demande I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 8 ajustement offre-demande d’electricité un exercice à plusieurs échéances
  • 9. Le réseau de transport élec- trique est maillé au niveau européen. Pour son bon fonc- tionnement, il existe une obli- gation commune à tous les groupes de production dans la plaque européenne, de faire tourner leurs alternateurs à la même vitesse. C’est ce qu’on appelle le synchronisme des alternateurs. La fréquence n’est rien d’autre que le nombre de cycles que fait l’onde électrique. Pour un alternateur, elle corre - spond au nombre de tours par seconde du rotor multiplié par le nombre d’électro-aimants dans le stator, qu’on notera p. Ainsi, la fréquence s’exprime en fonction de la vitesse de rotation de l’arbre Ω (rad/S) comme suit : I l ré s u l te d e ce t te é q u a - tion (1) et de l’hypothèse de synchronisme que l’onde élec- trique a la même fréquence d a n s t o u t e l a p l a q u e européenne. Dans son fonc tionnement, l’alternateur reçoit une puis- sance mécanique Pm [ W ] qui crée un couple moteur sur l ’ar bre Cm = Pm /Ω [N. m ]. Le mouvement relatif du rotor par rapport au stator induit un courant alternatif dans le bobinage du stator et donc une force électrique (force de Laplace) qui à son tour appli- que un couple électrique Ce s’opposant au couple moteur. Dans l’hypothèse d’absence de pertes (hypothèse simpli- ficatrice) le principe de con- ser vation du moment ciné - tique appliqué au rotor, en plus de la relation (1) donnent l’équation suivante (2) : Où J [kg.m2 .s−1 ] est le moment d’inertie du rotor et Pe [ W ] l a p u i s s a n c e é l e c t r i q u e . D ’a p r è s   ( 2 ) , à l ’é q u i l i b r e quand la puissance méca - nique injectée (production) égalise la puissance élec- t r i q u e s o u t i r é e ( c o n s o m - m atio n), l ’accélérat i on d e l’arbre moteur est nulle et la fréquence est stable. En r e v a n c h e , q u a n d l a c o n - sommation est supér ieure à la production, l’arbre de l’alternateur se met à ralentir et la fréquence de l’onde élec- trique à baisser et inversement si la production est supérieure à la consommation. Notons que d’après (1) et (2) et l’hypothèse de synchro- nisme des alternateurs, le gestionnaire de réseau peut se contenter de sur veiller l a f ré q u e n c e p o u r s u i v re e n t e m p s ré e l l ’é q u i l i b re offre-demande. Nous avons vu dans la section précédente que la maîtrise de la fréquence est intimement liée à la l’équilibre entre la produc tion et la consom- mation. Or, cette dernière fluctue en permanence ; la production ne peut la suivre instantanément, pour éviter les variations de la fréquence. Ainsi il existe une plage dans laquelle ces variations sont admissibles. En France mét- ropolitaine, cette plage est de 50 Hz ± 0,5 Hz. A partir de 49 Hz, des délestages automa- tiques de la consommation surviennent ; et au-delà de quelques Hertz les groupes de production se séparent du réseau pour éviter d’être I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 9ajustement offre-demande d’électricité Réglage de la fréquence et équilibre offre-demande, quelle relation ? Réglage de la fréquence et équilibre offre-demande, quelle relation ?
  • 10. Pour maintenir l ’équilibre entre l’offre et la demande, le gestionnaire de réseau utilise une autre réser ve de puis- sance qui n’est pas qualifiée de « service système », il s’agit de la réserve tertiaire (Manual F r e q u e n c y R e s t o r a t i o n Reserve). Contrairement aux endommagés [2]. C’est un phé- nomène en cascade qui mène rapidement à l’écroulement de la fréquence. Heureusement, ce phénomène reste très rare, car le ges- tionnaire de réseau réagit en temps réel à la déviation de la fréquence grâce aux services système. Ces derniers sont composés de deux réserves, à savoir la réserve primaire et secondaire, qui interviennent à des échelles de temps et de puissance différentes. La réserve primaire (Frequency Co nt a i n m e nt R e s e r ve ) e s t activée automatiquement (à la baisse ou à la hausse) en 15 à 30 secondes, pour mainte- nir la fréquence dans sa plage admissible. Elle est dimensi- onnée au niveau européen à 3000 MW, pour pouvoir com- penser la per te simultanée des deux plus gros groupes de production présents sur la plaque européenne. La France y contribue à hauteur de 540 MW [3]. Depuis le 1er janvier 2017, la réserve pri- maire est contractualisée par des appels d’offres hebdom- adaires, organisés conjoint- ement par RTE et ses homo- logues allemands, autrichiens, belges, néerlandais et suisses. L’activation de la réserve pri- maire rétablit la stabilité de la fréquence, mais n’est pas en général suffisante pour attein- dre les 50 Hz ciblés. Ainsi, la réserve secondaire (Automatic Frequency Resortion Reserve) d u p a y s e n d é s é q u i l i b r e s’active automatiquement (à la hausse ou à la baisse) en moins de 15 minutes, afin de rétablir la fréquence à sa valeur nominale. Contrairement à la réserve primaire, la réserve secondaire est donc natio- nale et elle est dimension- née en France entre 500 MW et 1180  MW, selon la plage h o r a i re e t l a p é r i o d e d e l’année. Tous les producteurs opérant des groupes de pro- duction de plus de 120 MW ont l’obligation de lui affecter une partie de leur puissance. Pilone électrique I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 10 ajustement offre-demande d’électricité La réserve tertiaire et le mécanisme d’ajustement
  • 11. services système, cette réserve est activée manuellement par un dispatcher pour compléter la réserve secondaire si celle- ci est insuffisante. La réserve tertiaire est consti- tuée à travers le mécanisme d’ajustement. Mis en place depuis 2003 [4], ce mécanisme oblige tous les producteurs raccordés au réseau de trans- port à mettre à disposition de RTE leur puissance non utili- s é e te c h n i q u e m e nt ( p u i s - sance non utilisée mais qui est mobilisable techniquement) sur le marché d’ajustement  : un marché à acheteur unique (R TE) qui a lieu 2 heures avant la livraison et auquel les consommateurs, les pro- ducteurs raccordés au réseau de distribution et les acteurs étrangers peuvent par tici- per volontairement. Dans les deux cas précédents, on parle de réserve tertiaire non con- tractualisée. Sous-entendu, il existe une partie de la réserve tertiaire dite contractualisée. En effet, pour s’assurer de la disponibilité de réserves s u f f i s a nte s s u r l e m a rc h é d’ajustement, RTE contrac- t u a l i s e a n n u e l l e m e n t v i a d e s a p p e l s d ’o f f r e s a v e c des produc teurs (ou effa- ceurs), pour mettre à sa dis- position des capacités sur le marché d’ajustement [5], [6]. Selon le temps de réponse de ces capacités, on distingue deux types de réserves : les réserves rapides, mobilisables en moins de 13 minutes, et l e s r é s e r v e s c o m p l é m e n - taires mobilisables en moins de 30 minutes. Les lauré - ats de l’appel d’offres voient leurs capacités rémunérées sur toute la durée de contrat (prime fixe). Lo r sq u’il ac tive u ne offre d’ajustement (contractuali- sée ou non), le gestionnaire de réseau est tenu au titre de l’article L.321-10 du code de l’énergie [1] de prendre en compte « l’ordre de préséance économique entre les propo- sitions d’ajustement qui lui sont soumises ». L’énergie des offres d’ajustement activées est réglée sur la base du prix de l’offre formulée par l’acteur d’ajustement. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 11 Synthèse des réserves © CRE [3] ajustement offre-demande d’électricité
  • 12. Sources : [1] « Code de l’énergie | Legifrance ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGI TEXT000023983208. [Consulté le: 15-mai-2019]. [2] RTE, « Modalités de délestage entre RTE et les Distributeurs », 2008. [3] « Services système et mécanisme d’ajustement ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.cre.fr/Electricite/Reseaux-d- electricite/Services-systeme-et-mecanisme-d-ajustement. [Consulté le: 15-mai-2019]. [4] « Marché d’ajustement », RTE France, 15-sept-2014. [En ligne]. Disponible sur: https://www.rte-france.com/fr/article/marche- d-ajustement. [Consulté le: 15-mai-2019]. [5] RTE, « Cahier de Charges ». 2019. [6] CRE, Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 21 juin 2018 portant approbation des modalités de l’appel d’offres 2019 de réserves rapide et complémentaire. 2018. [7] M. Drouineau, « Modélisation prospective et analyse spatio-temporelle: intégration de la dynamique du réseau électrique », 2011. [8] « Mettre en œuvre tous les leviers pour assurer l’équilibre », RTE France, 15-sept-2014. [En ligne]. Disponible sur: https:// www.rte-france.com/fr/article/mettre-en-oeuvre-tous-les-leviers-pour-assurer-l-equilibre. [Consulté le: 15-mai-2019] la réserve cinétique et le rôle de l’inertie L’électricité est majoritaire - ment produite par des tech- nologies qui impliquent des alternateurs à la fin de la chaîne de production. Ces- d e r n i e r s c o n s t i t u e n t d e s masses tournantes, de plu- sieurs dizaines de tonnes parfois, et donc un gisement d’inertie très important pour le système électrique. N o t o n s q u e d ’ a p r è s l ’équation  (2) la variation temporelle de la fréquence est d’autant plus lente que l ’iner tie J est grande. On parle d ’un effet stabilisa- teur de l’inertie, qui s’oppose naturellement au ralentisse- ment ou à l’accélération des arbres des moyens de produc- tion et donc aux déviations de la fréquence, ce qui limite les besoins en équilibrage. Par ailleurs, les masses tour- nantes des moyens de produc- tion agissent physiquement comme des volants d’inertie. E l l e s s t o c k e n t l ’é n e r g i e cinétique de rotation (propor- tionnelle à l’inertie et au carré de la vitesse de rotation) et la restituent immédiatement au réseau, par couplage électro- magnétique, en cas de chute t r a n s i t o i r e d e f r é q u e n c e . On parle ainsi d’une réserve cinétique. La réserve cinétique est indis- pensable à la stabilité instan- tanée du réseau, si elle n’est pas suffisante, le système élec- trique risque de s’effondrer avant que les autres réserves puissent être ac tivées [7]. Un basculement impor tant vers des moyens de produc- tion sans masses tournantes, comme le solaire photovolta- ïque, doit être accompagnée par des dispositifs techniques, réglementaires et commer- ciaux pour préserver la sta- bilité du système électrique. Evolution de la fréquence suite à un incident de 2,8 kW © [8] I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 12 Ajustement offre-demande d’électricité
  • 13. Les Nouveaux Véhicules Electriques Individuels C e s d e r n i è r e s a n n é e s , l e s N o u v e a u x V é h i c u l e s Électriques Individuels (NVEI) aussi appelés les nouveaux « engins de déplacement per- sonnels » (EDP)– vélo à assis- tance électrique, trottinette électrique, mono-roue, hov- e r b o a rd ( d e u x- ro u e s s a n s guidon), gyroroues, gyropo- des (deux-roues avec guidon) – ont connu une croissance rapide dans les villes fran- çaises auprès des jeunes et des actifs sans que leur usage ne soit réglementé [1]. A Paris, par exemple, en à peine un an, les habitudes de déplacements de plusieurs voyageurs ont changé : les Bluecar d’Autolib’ ont presque disparu au profit des trotti- nettes électriques [2]. L’essor des EDP peut s’expliquer par plusieurs facteurs. La sim- p l i c i té d ’ u t i l i s at i o n grâ ce au concept dit Free float- ing – sans station ni borne d’attache, les trottinettes, par exemple, sont laissées sur le trottoir une fois arrivées à des- tination [3]. Il suffit d’installer une application mobile sur son smartphone qui permet d’afficher les trottinettes dis- ponibles à proximité ainsi que leur niveau de batte - rie. Ce modèle, rendu possi- ble par les nouvelles technol- ogies, permet de pallier les contraintes de stationnement en ville qui s’appliquent aux voitures élec triques, entre autres. L’intérêt de ces NVEI réside aussi dans le fait de faciliter l’intermodalité en milieu urbain. Par exemple, les monoroues et gyroroues sont compacts et faciles à embarquer en tramway ou en bus lors des interconnexions entre modes de transports en commun. La capitale française attire plusieurs opérateurs de trot- tinettes électriques en libre- service. La startup Américaine Lime fut la première entreprise à s’installer sur Paris en juin 2018, suivie de Bird quelques semaines plus tard, puis de Bolt et de Wind en septembre. Fin 2018, c’est l’opérateur Tier qui intègre le marché Parisien. L’année 2019 a vu l’apparition de plusieurs autres opéra- teurs de trottinettes tels que Flash, Hive, Voi, Ufo, Dott et Jump [4]. Ce foisonnement d’opérateurs s’explique par la demande croissante de ce moyen de déplacement par les Parisiens et par les touristes. Les nouveaux EDP motori- sés apportent des solutions attractives qui facilitent lesHoverboard I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 13Les nouveaux véhicules électriques individuels
  • 14. déplacements au quotidien. Ce p e n d a n t , c e s n o u v e a u x moyens de transport ne béné- ficient pas de cadre régle - mentaire précis et constitu- ent un risque croissant dans les rues et espaces publics. Le M inistère de l’intérieur ( D é l é g a t i o n d e l a s é c u - rité routière) vient toutefois d ’a n n o n ce r l a f i n a l i s a t i o n d’un projet de décret modi- fiant les règles d’utilisation des EDP [5], le 4 mai 2019. Ce projet de décret a été notifié à la Commission euro- péenne et sera présenté au Conseil National d’Evaluation des Normes (CNEN) puis au Conseil d’État [6]. Ce nouveau cadre réglemen- taire distingue les EDP non motorisés (trottinettes, skate- board, rollers, etc.) des EDP motorisés (trottinettes élec- triques, monoroues, gyropo- des, hoverboards, etc.). Les EDP non-motorisés sont con- sidérés comme des piétons et peuvent circuler sur les trot- toirs et autres espaces autori- sés aux piétons. A partir de la rentrée 2019, les EDP motorisés ne pour- ront plus circuler sur les trot- toirs (sauf si le maire décide de les y autoriser) et ceux qui ne sont pas bridés à la vitesse de 25 km/h seront interdits à la circulation. En aggloméra- tion, ils auront l’obligation de circuler sur les pistes cycla- bles lorsqu’il y en a. Sinon, ils pourront circuler sur les routes dont la vitesse maxi- male autorisée est inférieure à 50 km/h. Hors agglomération, leur circulation sera interdite sur la chaussée, et strictement limitée aux voies vertes et aux pistes cyclables [5]. Parmi tous ces EDP, c’est la trottinette qui est amenée à connaître la plus grande crois- sance car elle est moins chère qu’un vélo électrique, plus facile à prendre en main qu’un g y ro ro u e e t p l u s d i s c rè te qu’un gyropode plutôt utilisé à des fins touristiques [7]. Le nouveau cadre réglemen- taire permettra de limiter les compor tements dangereux sur les trottoirs notamment, et de faire évoluer l’utilisation de ces NVEI vers un usage responsable et plus sûr. Yacine Lahma Sources : [1] A. AVEM, « La trottinette électrique s’impose dans une mobilité qui change à Paris », avr-2019. [2] LA DEPECHE, « Trottinettes, gyroroues, gyropodes : les nouveaux modes de transport », ladepeche.fr, sept-2018. [3] L’Usine Nouvelle, « Pourquoi l’invasion des trottinettes électriques en libre-service n’aura pas forcément lieu - Transport », juin 2018. [4] CNews, « Paris : qui sont les 12 opérateurs de trottinettes électriques en libre-service de la capitale ? », www.cnews.fr, 15-mai-2019. [En ligne]. Disponible sur: https://www.cnews.fr/france/2019-05-15/paris-qui-sont-les-12-operateurs-de-trot- tinettes-electriques-en-libre-service-de. [Consulté le: 16-mai-2019]. [5] Ministère de l’Intérieur, « Les trottinettes électriques entrent dans le code de la route », http://www.interieur.gouv.fr/Espace- presse/Dossiers-de-presse/Les-trottinettes-electriques-entrent-dans-le-code-de-la-route, mai 2019. [6] Argus de l’Assurance, « Hoverboards, trottinettes électriques, gyroroues … vers une modification du code de la route », mai 2019. [7] P. Doucet, « La trottinette électrique ne peut rouler nulle part », FIGARO, 21-janv-2019. . I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 14 Les nouveaux véhicules électriques individuels
  • 15. L’A R E N H e s t l ’ a c r o n y m e d’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique. Il s’agit du principal appor t de la loi NOME pour la nouvelle organisation du marché de l’électricité de 2010. L’idée est de permettre aux concurrents d’EDF d’accéder à l’électricité d’origine nuclé- aire à un prix régulé reflé - tant les coûts de production. L’objectif est d’encourager la concurrence en permettant aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en élec- tricité de base dans des condi- tions économiques équivalen- tes à celles d’EDF. Ainsi, tous les fournisseurs d’électricité p e u v e n t f a i r e p r o f i t e r à leurs clients des bénéfices économiques du parc nuclé- aire français en leur proposant des prix compétitifs et donc raisonnables. La loi fixe la liste des coûts a p p l i c a b l e s p a r l a f i l i è re nucléaire qui doivent entrer e n co n s i d é r a t i o n d a n s l e calcul du prix de l’ARENH. Un long débat a eu lieu sur le prix auquel EDF allait devoir céder l’électricité à ses concurrents. La loi laisse au gouvernement la responsabilité de fixer le prix final par arrêté. Depuis le 1er janvier 2012, le prix de l’ARENH est de 42 €/MWh. Les volumes d’ARENH souscrits par les fournisseurs alternatifs ne peuvent excéder 100 TWh au total sur une année (hors fourniture des pertes aux ges- tionnaires de réseau), soit environ le quart de la produc- tion du parc nucléaire histo- rique. Ce mécanisme con- stitue une assurance pour les four nisseurs, puisqu’il leur permet de se protéger contre la hausse des prix de l’électricité sur le marché de gros. Un système critiqué Certains critiquent le système de l’ARENH et notamment la Cour des Comptes [1]. Elle met en relief le caractère asymé- trique de ce mécanisme qui permet aux concurrents d’EDF de s’y approvisionner quand cela les arrange et d’y renon- cer dans le cas contraire, et ceci sans compensation pour EDF. Ainsi l’ARENH représente un système qui s’accorde mal avec le principe de la concur- rence et la logique du marché. L’ARENH est un système rigide qui impacte négativement la liquidité du marché. En effet, acheter de l’ARENH ne peut Les options : un meilleur subsitut à l’ARENH ? Trading I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 15Les options sur le marché de l’électricité
  • 16. s’effectuer qu’à des dates bien précises de l’année et selon une démarche assez longue. Un fournisseur d’électricité s o u h a i t a n t b é n é f i c i e r d e l’ARENH transmet son dossier de déclaration à la CRE. La CRE lui délivre ensuite un récépissé dans un délai de 30 jours à partir de la récep- tion du dossier. Le titulaire du récépissé signe un accord- cadre avec EDF dans un délai de 15 jours à compter de la demande qui lui est faite par un fournisseur titulaire du récépissé. Après signature de l’accord-cadre, le fournisseur transmet à la CRE un dossier d e d e m a n d e d ’A R E N H , a u moins 40 jours avant le début de chaque période de livrai- son (1er janvier et 1er juillet de chaque année) [2]. Le mécanisme des options L’option est un mécanisme plus flexible et qui s’accorde mieux avec les principes de concur- rence et la logique du marché. Une option est un contrat qui donne à son titulaire le droit, et non l’obligation d’acheter ou de vendre un actif sous- jacent (ici l’électricité) à un cours fixé à l’avance (le strike). Dans le cas des options améri- caines, ce droit est exerçable une fois et au moment de son choix pendant une période fixe. Dans le cas d’une option européenne, le droit est exer- çable seulement à une date fixe (la maturité ou l’échéance) qui est souvent le dernier jour de la durée de vie de l’option. À maturité, l’option perd toute valeur si elle n’est pas exercée. Le vendeur est quant à lui tenu de suivre la décision de l’acheteur tout en bénéficiant en contre - partie d’une prime - acquise que l’option soit exercée ou non par l’acheteur - qui est loin d’être symbolique et qui représente en fait le prix de l’option. « Il est (donc) légi- time que l’opérateur histo - rique perçoive une prime pour son engagement à garantir cet accès à l’électricité nuclé- aire » [1] puisque EDF subit un manque à gagner quand le prix spot est supérieur à 42 €/MWh. Il serait opportun de remplacer l’ARENH par des options dont la prime garan- tirait une juste rémunération de cet engagement. Précisons qu’il est possible de recourir au mécanisme des options sur le marché des produits dérivés sans impli- quer EDF mais rien ne garan- tit alors que le prix négocié sera proche de 42 €/MWh. Le «  prix d’exercice » pourrait être négocié par enchères au sein d’une plage de valeurs déterminée par la CRE, une sorte de « tunnel », ou être fixé de façon régulée à un niveau revu périodiquement [1]. quels avantages ? Ce mécanisme peut adopter tout un nombre de variantes du marché de gros. Prenons l’exemple des options swing. L’option swing est un contrat q u i p e r m e t a u d é t e n t e u r d’acheter (ou de vendre) des quantités d’électricité pré - définies, à des prix prédéfi- nis un certain nombre de fois (temps discret) inclus dans une période donnée. Plusieurs f l e x i b i l i té s s o n t p e r m i s e s notamment sur les quantités (quantité minimale ou/et max- imale), et plusieurs contraintes pourraient être contractual- isées. Quand une contrainte est violée, le possesseur de l’option paye une pénalité. On distingue des contrats jour- naliers (DCQ : Daily Contract Quantities), annuels (ACQ : Annual Contract Quantities), et totaux (TCQ : Total Contract Quantities). Dans le contrat, le prix de la commodité peut être soit fixé soit indexé. Un prix indexé est un prix lié aux prix du marché ce qui le rend plus I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 16 Les options sur le marché de l’électricité
  • 17. volatile. Le prix fixé réduit les opportunités d’arbitrages dans le marché et par con- séquent réduit aussi la valeur de l’option. Dans notre cas, le prix serait indexé sur le n i ve a u p é r i o d i q u e d é te r - miné par la CRE. On concili- erait ainsi logique de marché et régulation du prix de base de l’électricité. Différent des options améri- caines et européennes, le contrat d’option swing offre p l u s i e u r s d ate s p o s s i b l e s pour exercer l’option, ce qui le rend plus compliqué à évaluer. En raison de leur nature non standard, ces options sont cer tes “exotiques” mais ce qui les rend particulièrement intéressantes est qu’elles ont une raison d’être naturelle sur le marché : elles répondent au besoin de se couvrir sur un marché soumis à des risques fréquents de hausse des prix et de la demande générale- ment suivi d’un retour à des niveaux normaux, c’est le cas en hiver, par exemple. Les swings présentent un avan- tage par rapport aux options standards (options plain- vanilla), prenons l’exemple suivant : Au mois de février (28 jours), un fournisseur risque d’avoir un besoin exceptionnel en électricité à couvrir (for te demande, accompagnée de spike de prix sur le marché). Le fournisseur estime que l’occurrence de ce risque est de 10 jours sur tout le mois. Son premier choix pour se c o u v r i r e s t d ’a c h e t e r 2 8 options européennes (une option pour chaque jour du mois de février), alors qu’il n’exercera que 10 options. S o n d e u x i è m e c h o i x e s t d’acheter 10 options améric- aines pour le mois de février, l’inconvénient ici est que toutes ces options ont le même jour optimal d’exercice (temps d’arrêt optimal) alors que le fournisseur n’a pas intérêt à se procurer toute l’électricité des 10 jours en un seul jour. Son meilleur choix est d’acheter un swing avec 10 droits. Le lecteur inté - ressé par la théorie mathéma- tique de pricing des swings pourra se référer au docu- ment suivant : Valuation of C o m m o d i t y - B a s e d S w i n g Options [3]. Il est clair que ce type de contrat présente beaucoup plus de flexibilité par rapport à l’ARENH qu’EDF souhaite supprimer. Centrale nucléaire I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 17Les options sur le marché de l’électricité
  • 18. Sources : [1] B.François & J.Percebois. Remplacer l’ARENH par des options négociables ? Parue le 11 décembre 2018. Connaissance des Energies. https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/remplacer-larenh-par-des-options-nego- ciables . Consulté le 15.05.2019. [2] Site de la CRE : https://www.cre.fr/Electricite/Marche-de-gros-de-l-electricite/Acces-regule-a-l-electricite-nucleaire- historique . Consulté le 15.05.2019. [3] P.Jallet , E.I.Ronn & S.Tompaidis. Valuation of Commodity-Based Swing Options. Decembre 2003. http://web.mit.edu/jaillet/ www/general/swing-last.pdf . Consulté le 15.05.2019. [4] J.Percebois. Faut-il arrêter l’ARENH ? Le débat est reparti… Parue le 17 mai 2018. Connaissance des Energies. https://www. connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/faut-il-arreter-larenh-le-debat-est-reparti . Consulté le 15.05.2019. [5] https://selectra.info/energie/guides/comprendre/arenh . Consulté le 15.05.2019. D ’ a i l l e u r s , e n 2 0 1 6 , l a demande d’ARENH a chuté et même disparu poussant ainsi les pouvoirs publics à introduire un « marché de capacité » pour permettre aux opérateurs de financer les coûts fixes de leurs cen- trales et assurer ainsi que la puissance appelée serait suf- fisante pour passer la pointe hivernale et éviter le black- out… [4] Contrairement à 2016, un total de demandes de 132,93 TWh dans le cadre du mécanisme de l’ARENH a été reçu par la CRE en 2019. Le volume d’ARENH étant capé à 100 TWh au prix fixe de 42 € le MWh, toutes les demandes ne seront pas suivies d’effet. Face à cette augmentation de la demande, la logique du marché incite la CRE à augmenter le prix de l’ARENH. En conséquence, la CRE proposera une évolu- tion des tarifs réglementés en février prochain, vraisem- b l a b l e m e n t e n h a u s s e. « Cer tains médias annoncent une hausse comprise entre 3  et 4  %, elle -même suivie d ’ u n e n o u ve l l e é vo l u t i o n défavorable aux consomma- teurs en 2020. La CRE pose par ailleurs la question de la via- bilité du dispositif de l’ARENH : u n e ré fo r m e d e s t a r i f s d’accès est donc non seule- ment annoncée politique - ment, mais aussi soutenue par la Commission de Régulation des Énergies » [5]. Aboubakr Machrafi I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 18 Les options sur le marché de l’électricité
  • 19. L e c a r n e t n u m é r i q u e d u logement La massification de la réno- v a t i o n e s t u n e c o n d i t i o n sine qua non pour attein- dre les objectifs de réduc- tion des émissions de gaz à effet de serre fixés par les Pouvoirs Publics (Stratégie N a t i o n a l e B a s C a r b o n e ( S N B C ) , P r o g r a m m a t i o n Plur iannuelle de l ’Energie (PPE), Plan Bâtiment Durable). Disposer d’un parc de loge - ments bâti plus performant à l’horizon 2050 est un objectif commun inscrit dans le Code de l’Energie depuis la LTECV d’août 2015 [1]. Dans ce cadre, le gouverne- ment a inscrit dans la LTECV de 2015 l ’obligation pour les particuliers propriétaires d’un bien immobilier, de pos- séder un « carnet numéri- que de suivi et d’entretien du logement » pour chacun de leurs logements [2]. Très con- crètement le carnet numéri- que se présente comme un site web accessible par les propriétaires de logements sur lequel ils vont pouvoir stocker de manière sécurisée les documents essentiels au suivi et à l’entretien de leurs logements. Ils pourront égale- ment partager ces documents avec des entreprises lorsqu’ils auront à faire réaliser des travaux d’entretien et de réno- vation, ou alors ils pourront les partager avec d’éventuels locataires ce qui facilitera leur gestion administrative. L a c a p i t a l i s a t i o n d’informations fiables n’est que l’ambition minimale du carnet numérique, puisqu’à t e r m e i l d o i t d e ve n i r u n véritable vec teur d’aide à la rénovation énergétique. En effet, grâce à une diffu- sion d’informations précises et pertinentes sur les aides de l’Etat et des collectivi- tés couplée à un réel accom- pagnement administratif et technique dans les projets de rénovation des particuliers, le carnet numérique compte bien devenir un des leviers les plus importants de la mas- sification des rénovations énergétiques. Protoype du CNL Afin d’initier la création des premiers outils de ce type, le ministère du logement a lancé en juin 2016 un appel à projets qui a permis de sélectionner 12 entreprises R é n o v a t i o n é n e r g é t i q u e : d u nouveau dans nos logements en 2020 ? I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 19Le carnet numérique du logement
  • 20. représentatives du secteur d’ac tivité du logement en France. Le rôle de chacune de ces entreprises était de proposer un premier proto- t ypage de car net numér i- que. Un montant d’un million d’euros a été mobilisé pour soutenir le développement de ces 12 projets. A l’issue de cet appel à projets les entreprises ont proposé des modifications qui pourraient être apportées au texte de la LTECV. Ainsi ces modifications ont été intégrées grâce à la loi ELAN de novembre 2018  [3]. Aujourd’hui c’est ce texte qui pose le cadre législatif du carnet numérique de suivi et d’entretien du logement. Ce texte précise notamment les éléments suivants [4] : • I l e s t o b l i g ato i re p o u r toute construction neuve dont le permis de constru- ire est déposé à compter du 1er janvier 2020 et pour tous les logements faisant l ’o b j e t d ’ u n e m u t a t i o n à compter du 1er janvier 2025. • Il doit fournir un espace de stockage sécurisé pour recueillir les documents obligatoires à la vente ou à la location d’un loge - ment (DPE et diagnos- tics) ainsi que tous les d o c u m e n t s p e r m e t t a n t de faciliter l’utilisation et l’amélioration progressive du logement. • Il devra être opérationnel durant toute la durée de vie du logement. Le maître de l’ouvrage (le proprié- taire) est responsable de sa création, de sa mise à jour et de sa transmission. • Le fournisseur de carnet numérique doit fournir un ser vice gratuit de récu- p é r a t i o n d e s i n f o r m a - tions contenues dans le carnet afin d’en assurer la portabilité vers un autre fournisseur. Cependant, ce texte n’est pas à la hauteur des ambitions futures du carnet numéri- que. C’est pourquoi un décret est ac tuellement en cours d’élaboration avec le soutien d e s f u t u r s a c t e u r s d e ce marché naissant. Ce décret vise à préciser dans le détail les modalités d’application de la loi ELAN afin que le carnet numérique puisse être directement opérationnel et déployable au 1er janvier 2020. Le futur décret détaillera pré- cisément le rôle et la respon- sabilité de chacun des inter- venants (propriétaires, loca- taires, opérateurs de carnets numériques) mais aussi les documents qu’il sera obliga- toire d’y déposer et quels seront les services minimaux requis pour qu’un fournis- seu r pu isse pro po ser une offre de carnet numérique du logement. La mise en concurrence de plusieurs entreprises sur ce marché va sans nul doute per- mettre une large diffusion de © www.qualité-logement.org I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 20 le carnet numérique du logement
  • 21. l’outil via des canaux divers et variés. En effet, la diffusion du carnet numérique pourra s’effectuer de diverses façons et chacun des fournisseurs de carnets numériques en privilé- giera certaines en fonction de son cœur de métier. Ainsi les carnets numériques pourront être fournis lors de la vente d’un logement ou lors de la remise des clefs d’un loge - ment neuf ou encore avant le début d’un projet de rénova- tion, par exemple. La question du coût pour le particulier qui est obligé de se doter d’un carnet numérique est délicate. Mais les fournis- s e u r s ré f l é c h i s s e n t à d e s modèles d’affaires permettant de rendre le coût du carnet numérique nul ou presque pour le particulier. En effet, la fourniture d’un carnet numéri- que est un point d’entrée stra- tégique pour les fournisseurs, car cela leur permettrait par la suite de proposer d’autres ser vices payants (préconi- sations de matériels, propo- sitions de travaux, contrats d’entretien des équipements, audits énergétiques, diagnos- tics…). Certaines entreprises étudient même l’opportunité d e f i n a n c e r l a fo u r n i t u re d’un carnet numérique par l’obtention et la rétrocession de Cer tificats d’Economies d’Energie. Conclusion En résumé, l’arrivée prochaine d’offres de carnets numéri- ques va engendrer une petite révolution dans le monde du logement. En effet, la digitali- sation de ce secteur est encore lente et le carnet numérique va permettre d’accélérer cette tendance tout en proposant une grande valeur ajoutée pour les entreprises inter- venant dans les logements (faciliter l’accès aux informa- tions du logement avec un très faible degré d’incer titude). Son déploiement sera égale- ment positif pour les particuli- ers, puisque le carnet numéri- que permettra notamment de faciliter les démarches admin- istratives, l’entretien de son logement, la réalisation de rénovations énergétiques et de petits travaux. Si toutes ces promesses sont tenues, le carnet numérique pourrait bel et bien devenir l’un des vecteurs phares de la massifi- cation des rénovations énergé- tiques en France. Les fournis- seurs travaillent donc actu- ellement à établir des offres commerciales économique - ment viables et à forte valeur ajoutée. Elles devraient être disponibles pour le mois de septembre 2019 et commencer à être visibles dès le mois de janvier 2020. Tristan Delizy Sources : [1] LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte - Article 11. 2015. [2] Code de la construction et de l’habitation - Article L111-10-5 du 19 août 2015, vol. L111-10‑5. 2015. [3] LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique. 2018. [4] Code de la construction et de l’habitation - Article L111-10-5 du 23 novembre 2018, vol. L111-10‑5. 2018. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 21le carnet numérique du logement
  • 22. U n e t a xe c a r b o n e é co l o gi q u e et solidaire, comment résoudre l’équation ? I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 22 L’équation de la taxe carbone Au lendemain des élec- tions européennes en ce mois de mai 2019, la question du réchauffement climatique semble prendre une part de plus en plus importante dans les mentalités françaises. En effet, selon un sondage Ipsos MORI réalisé en avril 2019, 79  % des français interrogés indiquent que la question du réchauffement climatique sera un facteur déterminant pour leur vote lors des pro- chaines élections [1]. Un autre sondage d’octobre 2018 prov- enant de l’IFOP semble aller en ce sens puisque 85 % des fran- çais s’estiment « inquiets » de l’évolution de notre climat [2]. Les citoyens français semblent donc prendre conscience de l’urgence climatique qui plane au-dessus de notre planète, et un raisonnement simple en conclurait qu’ils sont prêts à accepter les sacrifices néces- saires à la bonne réussite d’une transition écologique. Le problème majeur de ce rai- sonnement est qu’il ne tient pas compte du fait qu’un esprit de sacrifice, même pour un objectif vital comme celui de la lutte contre le réchauf- fement climatique, ne peut prévaloir que si la population qui doit s’y soumettre a un sen- timent d’égalité de traitement devant les effor ts deman- dés. L’exemple le plus parlant pour illustrer ce propos reste celui de l’impopularité de la taxe carbone et de sa con- testation par de nombreux mouvements dont le désor- mais célèbre mouvement des « gilets jaunes ». En effet, bien que celle-ci soit un des moyens les plus directs et effi- caces pour changer les com- portements selon le principe du « pollueur-payeur », elle a été perçue comme injuste ou encore comme un moyen de gonfler la pression fiscale sur les ménages les plus défa- vorisés, résultant au gel de sa hausse au moins jusqu’à la fin de l’année 2019 [3]. Alors que le gouvernement actuel n’ose pas se pronon- cer sur son avenir post 2019, beaucoup estiment qu’elle est primordiale à la transi- tion écologique mais qu’elle doit impérativement intégrer un aspect solidaire et redis- tributif dans un pays prônant l ’é g a l i té d e s d ro i t s. N o u s allons voir dans cet ar ticle quels sont les différents scé- narios et modifications propo- sés par de nombreux acteurs pour tenter de résoudre cette difficile équation : comment rendre une taxe à la fois écologique et solidaire ? Résumé de la taxe carbone La taxe carbone, connue offi- ciellement sous le nom de Contribution Climat-Energie (CCE), a été introduite pour la première fois dans le Projet de Loi Finances (PLF) pour 2014 [4]. La CCE n’est pas une taxe à proprement parler con- trairement à son nom d’usage. En effet, elle représente la modalité de calcul de la com- posante carbone inclue dans les trois Taxes I ntérieures de Consommation ( TIC) sui- vantes  : la TICPE pour les p ro d u i t s é n e rg é t i q u e s, l a TICGN pour le gaz naturel et la TICC pour le charbon. Le
  • 23. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 23L’équation de la taxe carbone montant de chacune de ces taxes est alors impacté par u n e c o m p o s a n t e c a r b o n e qui est propor tionnelle au contenu de CO2 équivalent d u p ro d u i t co n s i d é ré. U n montant à la tonne de CO2 est ainsi défini pour calculer la composante carbone dans les différentes TIC. Comme prévu initialement, ce montant a atteint 22  €/tCO2 en 2016 et a ensuite été prolongé et réhaussé plusieurs fois. D’une part par la LTECV qui l’a programmé pour atteindre 100  €/tCO2 en 2030 suivant l’objectif de la SNBC1 et le fac teur 4 puis par le PLF pour 2018 visant un prix de 4 4 , 6   € / t C O 2 e n 2 0 1 8 e t 86,2  €/tCO2 en 2022 (voir f i g u r e 1 ) . C ’e s t d o n c l e montant pour 2018 qui est actuellement en vigueur suite au gel de l’augmentation. En 2018, les recettes engen- drées par cette « taxe carbone » devraient s’élever à environ 9 Mds € [5]. Les recettes totales des différentes TIC avoisinent quant à elles les 37 Mds € en 2018. Ainsi, environ 24  % des recettes liées aux TIC sont dues à la composante c a r b o n e. A t i t re d e co m - paraison, la TVA s’élèverait à environ 186  Mds  € et l’impôt sur le revenu à 86 Mds €. Mais alors qui contribue le plus à ces 9 Mds € et où vont-ils ? Trajectoires des différentes révisions de la CCE © I4CE Financement e t réinvestisse- ment de la taxe carbone Ce sont les ménages qui co n t r i b u e n t l e p l u s à cette taxe avec approxima- tivement 5,2 Mds € en 2019 [5] suivis par les entreprises du tertiaire avec 1,8 Mds €, les entreprises de transport de marchandises et de voya- geurs avec 1,65 Mds € et enfin les entreprises de l’industrie avec 262 M€. Les ménages semblent ainsi payer beau- coup plus que les industries ce qui peut paraître illogique à la vue des émissions de GES importantes de ces dernières. Plusieurs facteurs expliquent ces disparités : d’une par t les entreprises de l’industrie sont majoritairement sou- mises au marché européen des quotas de CO2 (environ 88  % des émissions de l’industrie sont concernées) et sont donc directement exemptées de la taxe carbone. Ensuite, cer- taines entreprises de trans- por t de marchandises sont exonérées de la taxe (trans- port maritime, aérien interna- tional et intérieur) alors que d’autres bénéficient de réduc- tions (taxis, transport routier de marchandises, professi- onnels agricoles, transpor t public routier en commun
  • 24. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 24 L’équation de la taxe carbone de voyageur). Ces exonéra- tions ont été jugées « obliga- toires » dans une logique de non-nuisance à la compé - titivité de filières très cap- tives des ressources fossiles et surtout pétrolières et con- frontées à la compétitivité internationale. Nous voyons ainsi un premier point blo- quant dans l’acceptation de cette taxe par la population. En effet, d’une part des dis- parités existent du fait que les entreprises les plus pol- luantes (hors industries sou- mises aux quotas d’émissions) s o nt exo n é ré e s a l o r s q u e l’effor t fiscal demandé aux ménages est lui maintenu. D ’autre par t, au sein des ménages, des disparités de traitement existent aussi. En effet, cette taxe représentait en 2018 environ 1 % du revenu chez les 10 % de personnes les plus modestes en France alors qu’elle ne représente que 0,2 % du revenu des 10 % les plus riches du pays, traduisant une hétérogénéité verticale entre les différents déciles de niveaux de vie [6]. Enfin, cette hétérogénéité verticale s’accompagne d’une seconde dite horizontale : en effet, au sein d’un même décile, l’impact de la taxe carbone sur le pouvoir d’achat d’un ménage peut varier en fonc- tion de la localisation (rural ou urbain), de la performance énergétique de leur loge - ment ou encore du mode de chauffage. La taxe carbone se doit ainsi d’intégrer une exi- gence de justice pour corri- ger les disparités de traite- ment qu’elle implique afin de favoriser son acceptabilité. R é i n j e c t i o n d e l a t a x e carbone La taxe carbone, du fait de sa définition, représente une modalité de calcul de la com- posante carbone des différ- entes TIC. Il est ainsi diffi- cile de répondre directement à la question de la traçabilité des revenus dus à cette com- posante. On peut dire qu’une partie de cette « taxe carbone » se retrouve dans la TICPE qui est en partie reversée à un compte d’affectation spéci- ale « transition énergétique » destiné à financer les énergies renouvelables et à rembourser la dette de l’Etat envers EDF. Une autre partie, elle, n’est pas dirigée explicitement vers un compte pour la transition mais est affectée de manière plus générale au budget de l’Etat. C’est là un second problème auquel la taxe carbone est confrontée pour son accept- abilité par le grand public. En effet, ce manque de transpar- ence dû à sa nature ne permet pas de renforcer sa crédibil- ité pour les citoyens qui sou- haiteraient savoir si elle con- tribue réellement à répon- dre aux objectifs de la tran- sition écologique. Une plus grande transparence est ainsi nécessaire. Afin de pallier le manque d ’ a c c e p t a b i l i t é , d û à l’augmentation programmée de la taxe ainsi qu’aà l’absence 5,2 1,8 1,65 0,262 Ménages Tertiaire Transports Industrie Part des contribuables (en Mds €) de la taxe carbone © [5]
  • 25. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 25L’équation de la taxe carbone d’information concernant sa traçabilité, des mesures ont été engagées par l’Etat pour redistribuer en partie cette taxe. La France a choisi de passer par des moyens de redistribution indirects : le chèque énergie pour les fac- tures des ménages les plus modestes, la prime à la con- version pour inciter à l’achat de véhicules plus propres, le système de bonus-malus ou encore d’autres subventions (pour l’isolation des loge - ments, par exemple). Pour accompagner la hausse due au PLF pour 2018, l’Etat fran- çais avait d’ailleurs annoncé une revalorisation du chèque énergie à hauteur de 200  € avec un élargissement des conditions d’accès permettant de toucher 2,2  M de bénéfi- ciaires supplémentaires ainsi que le doublement de la prime à la conversion pour les 20 % des ménages aux revenus les plus bas et les actifs non imposables parcourant plus de 60 km par jour pour aller travailler. Les dépenses de ces deux nouvelles mesures censées compenser la hausse de 2018 s’élevaient à 180 M€ sachant que le rehaussement de la part carbone impliquait une hausse de 3,7 Mds€ pour l’ensemble des contribuables. L’écart important de 3,5 Mds€ n’ a a i n s i p a s p e r m i s d e préserver le pouvoir d’achat des ménages. Ces derniers n’ont pas non plus pu jouir d’une élasticité confortable pour se reporter sur des solu- tions alternatives aux produits é n e r g é t i q u e s f o s s i l e s . L à encore, un problème majeur apparait dans le sens où la taxe carbone a échoué dans sa mission de permettre aux ménages de réduire à court te r m e l e u r co n s o m m at i o n grâce à une redistribution effi- cace, préservant d’une part le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et leur per- mettant d’autre part d’investir pour la transition écologique. Quelles alternatives ? La taxe carbone ne constitue évidemment pas le seul et unique levier à ac tionner pour faciliter la transition écologique. D’autres moyens existent : les normes et règle- mentations, les subventions aux systèmes énergétiques bas carbone ou encore le soutien aux investissements privés. Mais ces subventions ont aussi un coût pour le contribuable. De plus, cer- taines aides alternatives sont plus difficiles à compenser p o u r l ’ E t a t . Pa r e xe m p l e, l’effet d’une règlementation plus stricte aura tendance à se répercuter sur le prix de vente d’une technologie ayant nécessité de forts investisse- ments en R&D, ce qui ne facili- tera pas l’accès à ces technol- ogies pour les ménages aux revenus les plus modestes. La taxe carbone permet, elle, d’envoyer un signal-prix-car- bone incitant directement à engager des efforts de réduc- tion des consommations en privilégiant les moyens les moins coûteux. C’est un moyen incitatif direct et décentralisé qui permet à un Etat de mini- miser ses coûts liés à la tran- sition énergétique d’autant plus s’il connait de for tes contraintes dans le déploi- ement d’actions de réduc- tion de ses émissions de gaz à effet de serre (acceptabil- ité de cer taines technolo - gies, coûts pour subvention- ner de nouveaux systèmes). Bien sûr la pertinence de tous ces propos ne tient que si les fonds dégagés par cette taxe permettent une protection du pouvoir d’achat de tous les ménages via des remises d’impôts ou encore des redis- tributions forfaitaires, faute de quoi les plus démunis se retrouveraient directement en état de précarité énergétique. C’est ce qui n’a pas fonctionné lors de la mise en place de cette « taxe carbone » et qu’on propose de rediscuter dans la partie suivante.
  • 26. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 26 L’équation de la taxe carbone V e r s u n e m e i ll e u r e redistribution To u s l e s p o i n t s e x p o s é s précédemment ont permis de mettre en lumière les princi- pales critiques formulées à l’encontre de la taxe carbone et notamment quant à son manque de prise en compte d ’ u n e p o l i t i q u e s o l i d a i r e accompagnant suffisamment la totalité des ménages dans l’effort demandé. Néanmoins, de nombreux organismes ont repensé une évolution de cette taxe afin de dégager des solutions plus accept- ables pour les ménages les plus démunis. Nous traiterons point par point les réponses imaginées par les experts afin de répondre à ces objectifs. L’exercice d’une redistribution plus juste est très compliqué. En effet, cette redistribution doit corriger les inégalités constatées entre les différents déciles de niveau de vie (iné- galités verticales) mais aussi les disparités horizontales constatées au sein d’un même décile. Une redistr ibution peut s’opérer de deux façons : s o i t d i r e c t e m e n t v i a d e s crédits d’impôts ou encore des baisses de charges, soit indi- rectement avec des mesures financières accompagnant les ménages dans la transition énergétique. C’est la deux- ième option qui a été choisie par l’état via l’introduction du chèque énergie et de la prime à la conversion avec le succès que l’on connaît. C’est pour- quoi la redistribution a été repensée sous plusieurs axes par des experts économiques. G l o b a l e m e n t t ro i s g r a n d s modes apparaissent : redis- tribuer proportionnellement par unité de consommation, répartir indépendamment de la consommation par transfert forfaitaire dégressif en fonc- tion des déciles de niveau de vie (par exemple, un forfait de 500  € dégressif alloué au premier décile jusqu’au cinquième) ou encore con- tinuer avec les aides existan- tes (chèque énergie, prime à la conversion) en augmen- tant les allocations. Quelle solution est alors la plus per- tinente ? Différentes répar titions La répartition proportionnelle permet, en effet, de faire béné- ficier de gains aux ménages les plus modestes étant donné qu’en moyenne, ils consom- m e nt m o i n s q u e l e s p l u s riches. Le Conseil d’Analyse Économique (CAE), à travers une simulation de ce scénario, estime que les ménages du 1er décile gagneraient environ 60  € grâce à la réforme alors que ceux du 10eme perdraient environ 80  €, tout en étant neutre pour ceux du milieu. Le problème majeur réside en le fait que les hétérogénéités horizontales subsistent : 10 % du premier décile perdant en moyenne 80 € [6]. En ce qui concerne le maintien des solutions de redistribu- tions indirectes et leur simple augmentation, leur condition d’accessibilité très stricte ne permettrait pas de compenser la perte de pouvoir d’achat de nombreux ménages des pre- miers déciles. Enfin, la dernière solution con- sistant à redistribuer directe- ment par transfert forfaitaire dégressif est celle qui rencon- tre le plus de succès auprès des exper ts. Par exemple, TerraNova et I4CE dans un rappor t de février 2019 [7] ont fourni une description très détaillée des mesures à p re n d re. L a re d i s t r i b u - tion se ferait, selon eux de façon dégressive en fonc - tion du revenu des ménages, g é n é r a l e m e n t d u p re m i e r décile jusqu’au cinquième. Elle serait reversée automa- tiquement via des baisses de p ré l è ve m e nt s o b l i g ato i re s (crédits d’impôts, baisse de la CSG pour les ménages, etc.). À cet égard, elle n’intégrerait pas les dépenses énergétiques
  • 27. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 27L’équation de la taxe carbone contrairement à la première solution exposée précédem- ment. La justification tient au fait que lier proportion- n e l l e m e nt l e m o nt a nt d e cette prime aux dépenses é n e rg é t i q u e s re p ré s e nte r- ait plus une subvention à la consommation des produits fossiles et serait assez diffi- cile à évaluer. Les institutions d ’aides sociales (CAF, par exemple) seraient en charge de l ’accompagnement des ménages vers l’investissement dans des solutions de réduc- tion de leurs consommations, en les informant, par exemple, des autres dispositifs indi- rects existants. À ce titre, deux catégories d’aides seraient distinguées : d’un côté les aides visant à maintenir la qualité de vie des ménages dont la prime ferait partie, et de l’autre les aides visant à accompagner l’investissement (par exemple, la prime à la conversion ac tuelle serait maintenue après une révi- sion à la hausse). L’Ademe rejoint cet avis en indiquant dans un rappor t que pour renforcer l’acceptabilité de la taxe carbone, l’objec tif à cour t-terme est de ren- forcer le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes face à l’augmentation de la taxe via une redistribution directe dégressive [5], chose que ne permet pas une redis- tribution indirecte. A moyen et long-terme, l’objectif est d’utiliser cette redistribution en complémentarité avec des dispositifs indirects pour per- mettre aux ménages d’avoir la possibilité d’investir pour s’engager à réduire leurs con- sommations énergétiques. Cependant, le CAE n’oublie pas de noter qu’un tel système ne suffit pas à supprimer les disparités horizontales, et qu’il faudra passer sans doute par des aides indirectes égale- ment dans le but de les corri- ger, en veillant à bien cibler quels ménages doivent en profiter pour éviter les effets d’aubaine. P o u r f a i r e p r o g r e s s e r l’acceptabilité de cette taxe, il faudra aussi regagner con- fiance et légitimité auprès du peuple. Pour ce faire, les experts s’accordent à dével- opper deux points : d’une part élargir le champ d’application d e l a t a xe c a r b o n e p o u r s u p p r i m e r l e s n i c h e s f i s - cales et d’autre par t par t- ager l’effor t de décarbon- ation entre les ménages et le privé. Selon l’étude I4CE et Terranova, quatre princi- pales niches fiscales existent : l’aviation pour 3,6 Mds €, les transporteurs routiers pour 1,5 Mds  €, les exploitants Distribution des transferts nets, par décile de niveau de vie, en euros © TerraNova [7]
  • 28. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 28 L’équation de la taxe carbone agricoles pour 1 Md € et le gazole non routier hors usage agricole pour 1 Md € [7]. Pour ne pas pénaliser la compé - titivité des entreprises tou- chées, les exper ts propo - sent d’utiliser les nouvelles recettes que dégageraient les taxes pour accompag- ner les secteurs touchés par l ’é l a r g i s s e m e n t . L’o b j e c t i f étant de suivre un principe selon lequel les entreprises seraient taxées sur leurs émis- sions tout en se voyant réduire d’autres taxes sur des produits non énergétiques afin de con- tinuer à stimuler leur activité tout en les incitant à investir dans l’efficacité énergétique. Il faudra bien sûr veiller à gérer les mécanismes de compen- sation au cas par cas, chaque secteur n’étant pas soumis aux mêmes contraintes de com- pétitivité. Selon un rapport d’information à l’Assemblée N a t i o n a l e d u 3 0 j a n v i e r 2019, l’horizon attendu pour la suppression progressive des niches fiscales serait de 10 ans [8]. D’autre part il faudra renforcer le sentiment de transparence vis-à-vis de la population en veillant à expliquer claire - ment les enjeux de la reprise de la hausse de la taxe, à com- muniquer avec la plus grande transparence sur le suivi des extinctions de niches fiscales c i t é e s p r é c é d e m m e n t o u encore, à permettre le gel de la hausse des taxes en cas de dépassement des objectifs de réduction des émissions (prin- cipe de la taxe flottante  [6]. Enfin, pour améliorer le sen- timent de transparence, de nombreux experts s’accordent à dire qu’un fléchage bud- gétaire doit avoir lieu soit via la création d’un compte d’affectation spéciale à la taxe carbone soit en passant par un document budgétaire spéci- fique. L’importance de regag- ner la confiance d’un peuple ayant en partie perdu le lien qui l’unit avec ses instances reste primordiale, sans elles les théories évoquées aupara- vant ne pourraient être mises en place. Conclusion À travers leurs analyses, les experts convergent globale- ment vers les mêmes conclu- sions : opter pour une redis- tribution directe dégressive tenant compte du revenu des ménages et l’accompagner par des aides indirectes ciblant les ménages les plus défa- vorisés pour les accompag- ner dans les investissements nécessaires à la transition écologique et pour corriger les disparités horizontales. Ensuite, l’élargissement de l’assiette fiscale de cette taxe permettra, en plus de dégager d e s r e c e t t e s s u p p l é m e n - taires, de regagner la confi- ance et la légitimité auprès de la population en partageant l’effort entre tous et ainsi faire valoir un sentiment de justice fiscale. Enfin, il ne faudra pas oublier d’améliorer la trans- parence et le dialogue quant à la traçabilité de la taxe pour faciliter la reprise de sa trajec- toire haussière. A l’heure où le blizzard per- s i s t e q u a n t à l ’é v o l u t i o n future du gel de cette taxe, nous avons donc pu voir que des solutions apportées par des organismes experts exis- tent pour que la taxe carbone puisse être un levier qui fera converger la justice sociale et écologique, pour que la fin du mois ne pèse plus face à la fin du monde. Maxence Toulot
  • 29. Sources : [1] Ipsos MORI, « 2019 European Parliament Elections Study of Potential Voters », avr-2019. [2] E. Pratviel, « « Balises d’opinion », Les Français et le réchauffement climatique », 2018. [3] « Comment restaurer une taxe carbone en France », Les Echos, 05-févr-2019. [En ligne]. Disponible sur: https://www.lesechos. fr/economie-france/budget-fiscalite/comment-restaurer-une-taxe-carbone-en-france-961650. [Consulté le: 11-mai-2019]. [4] L. Rogissart, S. Postic, et J. Grimault, « La Contribution Climat Energie en France : fonctionnement, revenus et exonération », I4CE, oct. 2018. [5] Ademe, « La Contribution climat solidarité », avr. 2019. [6] D. Bureau et F. Henriet, « Pour le climat : une taxe juste, pas juste une taxe », Conseil d’analyse économique (CAE), 2019. [7] A. Guillou et Q. Perrier, « Climat et fiscalité : trois scénarios pour sortir de l’impasse », I4CE, TerraNova, févr. 2019. [8] B. Peyrol et C. Bouillon, « N° 1626 - Rapport d’information de M. Christophe Bouillon et Mme Bénédicte Peyrol déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle sur les outils publics encourageant l’investissement privé dans la transition écologique », Assemblée Nationale, janv. 2019. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 29
  • 30. G l e n c o r e : u n p a s v e r s l’environnement Extraction de charbon Glencore, société anglo-suisse spécialisée dans l’extraction et le négoce de matières pre- mières, est le premier exportateur mondial de charbon thermique et l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre du secteur industriel. La multinationale minière a annoncé le 20 février dernier qu’elle limiterait à partir de 2020 sa production de charbon en la plafon- nant à son niveau actuel (environ 145 millions de tonnes attendues pour 2019) puis amor- cerait deux à trois ans plus tard une baisse de sa production en fonction l’épuisement de ses gisements. Cette décision est prise dans le cadre d’une stratégie plus large visant à prendre part aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. En 2018, la production de charbon de Glencore a augmenté de 7 %, atteignant un volume de 129,4 millions de tonnes. Cela s’explique par le fait que la société a fait deux gros investissements dans des mines en Australie. Glencore a, en effet, racheté les parts du groupe minier concurrent Rio Tinto (qui lui s’est désengagé du charbon) dans des mines australiennes du Queensland ainsi qu’une partie de la mine Hunter Valley en Nouvelle Galles du Sud. Po u r c o m p e n s e r l e p l a - fonnement de sa production de charbon, la société prévoit d’augmenter sa production de cuivre de près de 40 %, celle de cobalt d ’environ 60 %, ainsi que celle d’autres produits qui sont utilisés dans les batteries des véhi- cules électriques. [1] Ce changement de straté - gie est lié au fait que les grands investisseurs exercent de plus en plus de pression I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 30 le géant des matières premières
  • 31. notamment sur les entreprises for tement polluantes pour qu’elles soient plus vertueuses en matière d’environnement. La décision de Glencore fait s u i t e à s o n e n g a g e m e n t a u p r è s d e s i n v e s t i s s e u r s s i g n a t a i re s d e l ’i n i t i a t i ve Climate Action 100+, d’”aligner ses activités et ses investisse- ments avec les objectifs de l’Accord de Paris” ; le groupe indiquant qu’ “il souhaitait présenter à ses actionnaires u n p l a n d ’i nv e s t i s s e m e n t solide et résilient au regard de la réglementation” [2] [3]. Pour renforcer son nouveau positionnement, la société e n v i s a g e d ’ a s s o c i e r l a rémunération de ses dirige- ants à la réalisation d’objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et d’examiner si ses adhésions à certaines associations pro- fessionnelles sont conformes à ses nouveaux engagements. Po u r Yv a n G l a s e n b e rg, l e directeur général de Glencore, le charbon est une affaire per- sonnelle. Le milliardaire sud- africain, australien et suisse âgé de 62 ans, a débuté sa carrière dans le transpor t de charbon à Johannesburg au début des années 1980 a u s e i n d e l ’e n t r e p r i s e Marc Rich Co AG, qui devien- dra ensuite Glencore. Il a gravi tous les échelons pour finale- ment prendre la direction de l’entreprise. I l j u s t i f i e s e s n o u v e a u x choix en déclarant que “c’est une solution logique allant d a n s l ’i n té rê t g é n é r a l d u groupe” [1]. L’annonce de Glencore de limiter sa capacité de produc- tion de charbon en la plafon- nant à son niveau actuel ne signifie pas que l’entreprise tourne le dos au charbon. Certains experts notamment de British  Petroleum et du d é p a r te m e n t d e l ’ E n e rgi e américain estiment que la demande de charbon restera stable au cours des deux pro- chaines décennies. En effet, si la consommation diminue dans les pays développés, elle ne cesse de progresser Résultats d’exploitation de Glencore en 2018 © Les Echos We have found a resolution where both parties are happy, it makes sense, we think we’re doing the right thing. I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 31le géant des matières premières
  • 32. Sources : [1] https://www.geo.fr/environnement/le-geant-des-matieres-premieres-glencore-met-un-frein-au-charbon-194609 [Consulté le: 28-Mai-2019]. [2] https://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/le-geant-des-matieres-premieres-glencore-met-un-frein- au-charbon_2063290.html [Consulté le: 28-Mai-2019]. [3] https://www.minterellison.com/articles/glencore-to-align-its-business-and-investments-with-paris-agreement [Consulté le: 28-Mai-2019]. [4] https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/charbon-eolien-solaire-44352/ [Consulté le: 28-Mai-2019]. dans cer taines par ties du monde en développement, comme l’Inde, la Chine, etc. Ainsi, la décision de Glencore de limiter sa production de charbon ne l’empêchera pas de continuer à tirer profit de l’utilisation du combustible fossile sur les marchés émer- gents. Grâce à ses récents investissements l’entreprise restera vraisemblablement un acteur majeur sur ce marché pendant des décennies. L’annonce donne néanmoins une indication sur la dimi- nution attendue à terme de l’utilisation du charbon. La filière est, en effet, surtout menacée par le désinves- tissement de certains action- naires et groupes d’assurance qui pour raient refuser de couvrir les projets miniers. Ainsi , Axa  SA et SwissRe  AG n’i n v e s t i r o n t p l u s e t n e fourniront aucune assurance aux entreprises qui tirent plus de 30  % de leurs revenus du charbon et le fonds souver- ain Norges Bank Investment Management, qui reste néan- moins l’un des principaux investisseurs de Glencore, utilise en théorie la même barre de 30 % pour contrôler ses participations. C e s p o s i t i o n s p o u r r a i e n t mettre en difficulté certaines e n t r e p r i s e s é n e r g é t i q u e s telles que Whitehaven Coal Ltd et MACH EnergyAustraliaPty, et générer une diminution de l’offre, ce qui aurait pour conséquence de maintenir le cours du charbon à un niveau relativement élevé. De ce fait le charbon serait susceptible d’être moins compétitif que les autres énergies dont les énergies renouvelables. C’est déjà le cas selon le rapport de référence New Energy Outlook 2017 de BNEF, Bloomberg New Energy Finance, « Le solaire est déjà aussi peu cher que le charbon en Allemagne, en Australie, aux Etats-Unis, en Espagne et en Italie. D’ici 2021, il sera aussi moins cher que le charbon en Chine, en Inde, au Mexique, au Royaume-Uni et au Brésil ». A p r e s u n e c r i s e d é l i c a t e en 2015, le groupe minier Glencore qui constitue l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre du secteur industriel a su faire un geste en faveur de l’environnement qui n’en doutons pas devrait à terme servir ses intérêts. Ahmed Chaabane I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 32 le géant des matières premières
  • 33. EN bref Concours cigré 2019 Résultats du 23 mai de la 5ème édition Le Comité National Français du Conseil International des Grands Réseaux Electriques, situé dans les locaux de Rte, organise chaque année depuis 2015 le Concours national étudiant sur les réseaux électriques intelligents. Il consiste en la rédaction d’un article portant sur les réseaux électriques. Cette année le prix du meilleur article au concours CNF CIGRE sur les réseaux élec- triques intelligents revient à Aboubakr Machrafi et Hamza Mraihi, tous deux étudiants au mastère  OSE. Leurs travaux sur la prévision des pertes sur le réseau électrique ont été récompensés avec cette première place sur le podium. Pour la quatrième année con- sécutive les étudiants du mastère OSE arrivent en tête de ce concours. N’ayant pas été retenus, nous saluons néanmoins le travail de Mahmoud Mobir et Valentin Mathieu sur la stabilité du réseau. Félicitations à eux ! I N F ’ O S E | M a i 2 0 1 9 33résultats du concours cigré
  • 34. Alors responsable de 25% des émissions mondiales de CO2 , le secteur de la mobi- lité et des transports est en pleine mutation. L’objectif de ce colloque est de mettre en lumière les avancées et idées concrètes d’acteurs importants de la mobilité. Tables rondes, conférences, et rencontres entre industriels et personalités permet- tront d’éclairer les problématiques aussi diverses que complexes de la mobilité. La Mobilité décarbonée Congrès OSE 19e edition - 26 Septembre 2019 Auditorium Mozart - CMA MINES ParisTech 1 rue Claude Daunesse - 06560 Sophia Antipolis Quels vecteurs énergétiques pour une mobilité décarbonée ? Crédit images : https://www.flaticon.com/