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OPINIONS
La stratégie des dominos
au XXIe
siècle
Officier (R) de la Marine, diplômé de HEC Paris et titulaire d’un Master en
science politique.
Jean-François Loddo
E
n 1989, l’élargissement des fonctions de l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord (Otan) commence à s’affirmer avec la chute du mur de
Berlin. La disparition du pacte de Varsovie n’a pas engendré la désintégra-
tion de l’Otan au début des années 90. Bien au contraire, le renforcement du lien
euro-atlantique s’exprime, d’une part, par la volonté d’intégrer rapidement et sans
trop de concessions une majorité des pays de l’Europe centrale et orientale (Peco)
au sein de l’Alliance atlantique, et d’autre part, par l’élargissement des responsabi-
lités de l’Otan aux espaces européens par des missions dites « non-article 5 ».
Hormis les pays de l’Europe centrale, ce lien tend à engager une vaste
coopération régionale englobant les Peco, dont l’Ukraine et le Caucase, avec la
Géorgie et l’Azerbaïdjan, mais aussi les pays de l’Asie, membres pour certains de la
Communauté des États indépendants (CEI). Cette coopération militaire à conno-
tation « états-unienne » permet à Washington de s’impliquer plus facilement dans
les affaires des zones de l’Eurasie qui recèlent des richesses premières à exploiter.
Cette volonté de coopération militaire prend vie au sein du CAN (Conseil de
l’Atlantique Nord) dans le cadre de la refondation des plans économiques et de la
défense de l’Alliance atlantique dont les intérêts vitaux tendent à converger, en ce
début de XXIe siècle, vers la zone géographique des cinq pays des « Stan »
(Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan), le Stansland.
Les visions stratégiques émanant du CAN semblent mettre en évidence les
théories néoréalistes offensives de John Mearsheimer. Ces théories sont en majorité
élaborées sur la nécessité de survie d’États-nations évoluant dans un système inter-
national anarchique dont la sécurité tend à s’affirmer par le biais de « manœuvres
économiques » émanant de grandes puissances. Dans le cadre de la défense de leurs
intérêts économiques, ces dernières — définies comme des acteurs rationnels —
accomplissent des projets stratégiques leur permettant d’avoir un temps d’avance
sur des États qui cherchent à survivre ou encore qui ne sont jamais certains des
intentions des challengers.
En 1989, cette ouverture de l’Alliance atlantique va se traduire par la décla-
ration de Londres concernant une « Alliance atlantique rénovée » qui vise à déve-
lopper la coopération avec les Peco. Cette coopération s’exprime par des liaisons
66
diplomatiques régulières mettant en jeu des plans de coopérations militaro-
économiques entre le « rouleau compresseur otanien » et les pays incités à intégrer
rapidement le Partenariat pour la Paix (PPP).
En 1991, outre la plateforme européenne, ces idées d’hégémonie de puis-
sance militaro-économique de l’Alliance atlantique évoluent avec la fondation du
Conseil de coopération Nord-Atlantique (Cocona) permettant une « ouverture »
otanienne à l’ensemble des membres de la CEI. Ces évolutions n’en restent pas là
car dès l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin en tant que Président, ils sont
interprétés comme le préambule à l’agression prédatrice des États-Unis sous couvert
de l’Otan. Du fait de manœuvres habiles, l’Otan imprime un nouveau rythme au
concept de stratégie sécuritaire eurasiatique en adoptant la politique extérieure
américaine basée sur des actions militaro-économiques de formes diverses afin de
conserver et d’élargir l’accès à un couloir économique et stratégique, de l’Asie cen-
trale aux abords de la Méditerranée.
Facteurs d’évolution multipolaire
Ainsi, le début du XXIe
siècle voit l’émergence d’une multipolarité dont les
premières évolutions n’ont pas attendu plus de deux décennies pour se faire ressen-
tir dans tout l’hémisphère Nord. Ces évolutions se caractérisent par de nombreux
facteurs aux influences certaines sur les mutations d’un monde socio-économique
soumis à des risques étendus dont les principaux ont comme dénominateurs
communs, le terrorisme de masse, la criminalité transcontinentale, le réveil des
peuples soumis, la misère, la prolifération nucléaire et des armes de destruction
massive ainsi que la montée en puissance de l’extrémisme religieux.
Le premier facteur actif concerne l’ère de la mondialisation définie par la
stratégie de survie ou d’autonomie des conditions d’existence des États-nations
dans le cadre du partage et de la captation des matières premières. Le second
marque le réchauffement climatique, lequel fait prendre conscience que de nou-
velles richesses, majoritairement localisées dans l’Arctique, sont désormais acces-
sibles sur les plans technique et financier. Le troisième facteur, à ne pas négliger,
n’est autre que le réveil d’États challengers comme les Brics (Brésil, Russie, Inde,
Chine, Afrique du Sud). Un autre facteur pouvant conduire à une modification de
notre « champ socio-économique » est la colère, toutefois contenue, des popula-
tions de pays sous-développés ou en voie de développement (Pev) qui compren-
nent que leur économie et leurs modes sociaux se dérèglent du fait d’une politique
régionale tyrannique et de l’émergence de phénomènes climatiques dans lesquels la
main de l’homme développé ne reste pas étrangère. D’autres facteurs permettent
de souligner les mutations majeures et critiques de nos sociétés. L’un se caractérise
par le flux quasi incontrôlable de population cherchant à rejoindre le monde occi-
dental, qui met en évidence la perméabilité des frontières mais aussi l’instabilité et
la pauvreté de certains pays proches, gouvernés par un pouvoir tyrannique ou
67
contrôlés indirectement par des organisations non étatiques de type terroriste,
mafieux ou criminel. L’autre tend à souligner la mise en avant de l’importance des
voies maritimes traduisant une globalisation du commerce maritime à hauteur de
90 % des importations et des exportations mondiales. On note aussi une recru-
descence de la piraterie de plus de 200 % depuis 2007, ce qui incite certaines puis-
sances navales à sécuriser les routes de commerce les plus exposées. Enfin, on peut
évoquer la crise économique qui bouleverse le monde des finances et permet à des
pays challengers d’être finalement actifs sur la scène politique internationale. De ce
fait, et sous l’impulsion indéniable de Paris et de Berlin, le G8 s’est prononcé pour
l’existence d’un G20 sans retour en arrière prévisible.
Dans ce nouveau contexte politico-économique d’insécurité globale per-
manente, et, dont le 11 septembre 2001 n’aura peut-être été qu’un « avant-goût »
de l’avenir réservé à l’espèce humaine, les grandes puissances ont pris la mesure des
risques régionaux et internationaux se profilant à moyen terme. Ainsi, tendent-elles
à s’associer afin de sécuriser le nouveau système stratégique global basé sur les
échanges commerciaux et financiers nés de la mondialisation, sans toutefois négli-
ger la survie de leurs propres États-nations.
Configuration du système stratégique global au XXIe
siècle
Le monde se trouve partagé entre deux espaces géographiques dissemblables
occupant essentiellement l’hémisphère Nord, s’agissant de la « zone hégémonique
occidentale », et l’hémisphère Sud, pour la « zone hégémonique orientale ».
Existantes préalablement au début du XXe
siècle, elles ont à nouveau émergé à la
suite de la disparition du rideau de fer induisant une multipolarité épurée du colo-
nialisme. Ces deux zones d’intérêts transnationaux ont vu leurs frontières se dessi-
ner dès la première guerre d’Irak (1991) mais surtout à partir du « 11 septembre
2001 » qui a été le marquant du « renouveau de la FPA (Foreign Policy Analysis),
née aux États-Unis en 1960 », élaborée dans le cadre de la naissance d’un ordre
mondial multiforme et de l’émergence économique de pays en développement
comme le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Au début de XXIe
siècle, la configuration du système stratégique fondé sur
des politiques étrangères et des relations internationales montre un certain équi-
libre des forces — celles des grandes puissances — dont l’entretien conditionne la
défense des intérêts vitaux et la préservation du seuil de puissance d’hégémonie.
Depuis la dissolution du monde soviétique, le système stratégique global
actuel s’équilibre non plus d’Est en Ouest, mais s’articule dans un rapport straté-
gique et économique entre le Nord et le Sud. Un nouveau mode de stabilité s’éta-
blit entre puissances prédatrices. Ses limites géographiques — hormis en Afrique où
elles se situent au Sud du Maghreb — pourraient sensiblement se confondre avec la
ligne de l’équateur. Dans le cadre de ce rapport de stabilité, les « Zones charnières
principales » (ZCP), en l’occurrence l’échiquier balkanique, la « plateforme »
OPINIONS
68
turque et la péninsule Arabique, permettent aux Occidentaux de se positionner sur
la scène internationale en occupant la zone d’hégémonie occidentale.
La zone d’hégémonie orientale, pour sa part, est caractérisée par la présence
de la Chine qui tend à en être l’acteur principal du fait de sa maîtrise grandissante
de la mer de Chine jusqu’au Pacifique. Cette présence chinoise sur les mers est
caractérisée par une puissance navale qui inquiète, dont le tonnage (le deuxième
mondial) croit de manière exponentielle et la technicité s’affirme par la création et
la mise en œuvre de systèmes d’armes offrant la possibilité de conduire des opéra-
tions maritimes complexes. Cette maîtrise navale se confirme par une présence
hauturière, incluant la sécurisation des voies de transits commerciaux, et côtière,
avec la mise en œuvre d’un concept de sécurité de ses routes du commerce littoral
avec le « collier de perles ».
La zone d’hégémonie occidentale (Hégémon Nord)
La zone d’hégémonie occidentale comprend l’ensemble de l’hémisphère
Nord, dont l’Eurasie est le cœur des intérêts majeurs de l’Union européenne, des
États-Unis et de la Russie pour les vingt-cinq prochaines années. Cette vision est
fondée sur la logique d’exploitation pétrolière du peak oil adoptée à la Zone
d’intérêt de stratégie économique (« Zise ») créée par le Stansland. Formant le
centre des empires et anciennement sous le joug soviétique, le Kazakhstan, le
Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan sont conscients des
richesses que leur sous-sol recèle et qui les distinguent les uns des autres. Ces
richesses sont essentiellement, soit de l’eau pour les uns ou soit du pétrole et du
gaz, voire de l’uranium, pour les autres. Néanmoins, ces États sont incapables de
les extraire et de les exploiter étant donné leur faible capacité technologique indu-
bitablement due à leurs structures sociales ancestrales et à la période d’occupation
et de soumission soviétique pendant plus de soixante-dix ans.
Désormais, le centre de gravité stratégique et économique, situé aux fron-
tières de l’Europe du Sud-Est et de l’Europe orientale, se déplace irrémédiablement
vers les quatre « Zise » établies en Asie. Cette situation devient inéluctable étant
donné l’instinct de survie des puissances économiques établies et émergentes.
On peut nommer ces quatre « Zise » l’Arctland, le Siberland, le Stansland et le
Centerland. En cette première décennie du siècle, les deux zones préoccupantes et
d’un intérêt primordial sont l’Arctland et le Siberland. Le Centerland est, quant à
lui, représenté par les pays émergents de l’Asie du Sud-Est, considérée comme l’un
des centres d’intérêts majeurs de l’économie mondiale à venir.
La « Zise » Arctland englobe l’ensemble du Grand Nord jusqu’au cercle
polaire arctique et recèle d’inestimables ressources exploitables dans ses sous-sols.
Cette zone potentielle de richesses est sans doute l’un des « poumons économiques »
des cinquante prochaines années en considérant que le réchauffement de la planète
perdure, ce qui n’est pas prouvé. Les pays directement concernés par ce futur
69
« Éden » arctique sont la Russie, les États-Unis, le Canada, la Norvège (Spitzberg)
et le Danemark (Groenland). Cette « Zise » arctique, concentrant l’intérêt des
grandes puissances de l’hémisphère Nord, va capter l’attention de leurs dirigeants
jusqu’au siècle prochain puisque l’exploitation de ces richesses est conditionnée,
d’une part, par les inconditionnelles lois de la mécanique et de la physique, et,
d’autre part, par l’immanquable application du droit de la mer et par la résignation
à subir les méfaits météorologiques.
La « Zise » Siberland occupe, quant à elle, la Sibérie orientale. Elle est
convoitée par des États et de grands groupes industriels pouvant contribuer à la sur-
vie d’un État-nation en s’appropriant les atouts vitaux qui permettent d’atteindre
l’objectif précité. Ce futur Eldorado du Levant sibérien attise non seulement les
appétits de Pékin mais aussi ceux du monde occidental qui sait pertinemment que
la Russie se doit de se rapprocher de l’Union européenne du fait d’une démogra-
phie déficiente et d’une incapacité technique qui la rendent inapte à exploiter ou
à mettre en valeur son Orient extrême.
La zone d’hégémonie orientale (Hégémon Sud)
La zone d’hégémonie orientale comprend l’hémisphère Sud avec comme
centre d’intérêt le continent africain dont l’Afrique subsaharienne est devenue
— à l’inverse du « Grand Moyen-Orient » envahi par les entreprises pétrolières de
l’Occident — le « Far West » de la Chine. Ainsi, pour s’arroger les richesses des sols
africains, la Chine multiplie les accords diplomatiques, industriels, économiques et
commerciaux avec certains États de cette région. Ressemblant à une incontestable
forme de « pillage institutionnel », cette exploitation chinoise est réalisée par le
biais d’importants investissements contractés sous forme de partenariats avec des
sociétés de droit local que les industriels chinois ont reprises, assainies et enrichies.
Le rythme mal maîtrisé de la croissance économique de la Chine oblige les indus-
triels chinois à utiliser des quantités considérables de produits premiers, en l’occur-
rence fossiles, pour « nourrir » leurs activités d’entreprises.
Bien que l’Afrique ne soit plus colonisée, elle subit continuellement les
influences occidentales. Ainsi, les États-Unis cherchent à s’insérer militairement et
économiquement en Afrique. Sans conviction apparente, cette insertion se perçoit
clairement du fait de la création récente de l’US Africom (commandement des
États-Unis en Afrique) dont l’état-major se situe en Allemagne. Pour l’instant,
l’Union européenne est le partenaire politico-militaire et économique privilégié de
l’Afrique. Néanmoins, et hormis la Chine, elle est talonnée par la Russie qui désire
s’implanter en Afrique du Nord en l’occurrence en Lybie et en Algérie, mais aussi
en zone subsaharienne. Dans ce champ de manœuvre africain libéré du colonialis-
me, l’Afrique occidentale (majoritairement ex-française) est devenue la « Zise » de
toutes les convoitises occidentales comme orientales. Définie comme étant le
Sinoland, cette cinquième « Zise » est en passe de devenir le « grenier à blé » de la
OPINIONS
70
Chine. Tant et si bien que la France, sous l’égide de l’Union européenne, insiste
pour y conserver une certaine légitimité historique. Sentant qu’un soutien straté-
gique de l’UE est une facilité pour s’implanter en Afrique occidentale — et ainsi
contrebalancer l’hégémonie chinoise dans la zone — les États-Unis prêtent, sans
compter, leurs moyens tant militaires que diplomatiques afin d’occuper, en tant
qu’acteur principal, une place forte économique non négligeable. Pour cela, ils
n’hésitent pas à faire valoir le fait que certains pays sont la proie de l’AQMI (Al-
Qaïda au Maghreb islamique), d’autres recèlent des ADM, en l’occurrence chi-
miques, ou discutent les exigences concernant l’application des droits de l’homme,
que ce soit en Afrique ou en péninsule Arabique.
Partage des richesses du monde
Le 11 septembre 2001 a souligné les nouvelles caractéristiques d’un contexte
stratégique changeant du fait de la fin de l’affrontement bipolaire et du surgisse-
ment de nouveaux conflits à connotation nationaliste ayant marqué la période
« pré-11 septembre 2001 », tels les conflits dissymétriques ayant eu lieu dans les
Balkans, en Asie centrale et en péninsule Arabique durant les années 90. Les crises
« post-11 septembre » apportent leur contribution à ce nouveau contexte straté-
gique en révélant de récents dangers aux couleurs de la globalisation du terrorisme
(guerre d’Afghanistan débutant en fin 2001), de la guerre économique, de la guerre
préventive (guerre d’Irak de 2003), des guerres irrégulières ou encore des crises
potentielles survenant ou pouvant survenir dans le monde arabe. Depuis l’éclosion
de guerres non symétriques, ces guerres irrégulières ou ces crises potentielles, dites
de guérilla, sont définies comme des « conflits au sein de populations » d’un même
État-nation et des actions tactiques d’une période révolue. Cette « guérilla renais-
sante » englobe les guerres non régulières encore incapables d’être hiérarchisées
dans le cadre d’un système de classification occidental — pour l’heure indescrip-
tible — étant donné que l’ennemi commun de l’Occident n’est que diffus bien que
la provenance évidente du compétiteur générique économique et sécuritaire soit
située dans l’Empire du Milieu.
C’est dans ce contexte stratégique en perpétuelle modification que se des-
sine l’état contemporain du partage des richesses — majoritairement non renou-
velables — d’un monde économique dans lequel l’échiquier balkanique est une
ZCP inéluctable du concept stratégique américain de ce début de XXIe siècle. Ce
concept s’applique sans partage dans une partie de la zone d’hégémonie occiden-
tale et de surcroît sur le continent eurasiatique dont le Stansland attise la convoiti-
se des puissances occidentales jusqu’à ce jour. À l’opposé, la Chine est la principa-
le puissance émergente de la zone d’hégémonie orientale du fait de sa présence
massive sur les plans politique et économique, tant sur les mers que sur les terres.
Outre les importations pétrolières en provenance de la péninsule Arabique et
de l’Asie centrale, cette puissance chinoise s’octroie d’autres richesses en provenance
71
d’Afrique subsaharienne dont la « Zise » Sinoland où elle a su s’immiscer. Cette
zone est le cœur économique de l’Afrique noire et englobe, pour l’essentiel, le
Nigeria (la zone des Lacs), la République de Centre Afrique, la République démo-
cratique du Congo, le Tchad et le Soudan dont le Sud est convoité par de nom-
breux groupes industriels occidentaux.
La zone d’hégémonie orientale n’est que le reflet de la zone d’hégémonie
occidentale. Le monde se trouve ainsi dans une position d’équilibre. Cette stabilité
n’est due qu’aux grandes puissances qui, tant dans la participation indirecte à la mise
en œuvre d’un concept stratégique américain ou chinois, assurent la pérennité d’un
système stratégique international modulable en fonction des notions précitées. Ces
principes soulignent la volonté de contrôle des États-nations et des organisations
soucieuses de la protection de leurs intérêts vitaux globaux. Cet équilibre est favo-
risé et soutenu par des continents offshores : les Amériques pour le concept straté-
gique américain ; et l’Australie pour ce qui est du concept stratégique chinois.
C’est uniquement dans le cadre d’une stratégie offensive des États-Unis que
l’échiquier des Balkans est devenu la ZCP (de l’Europe du Sud-Est) d’un concept
stratégique visant désormais l’Eurasie. La naissance d’un nouvel ordre mondial a
favorisé la prédominance des principes du Heartland de Mackinder aux dépens de
l’atténuation des principes évoquant le Rimland de Spykman et ayant servi à l’éla-
boration du préambule de la Charte de l’Otan.
C’est dans ce contexte que l’Union européenne essaie de maintenir une
position militaro-économique de niveau régional dans le cadre du « défi eurasia-
tique » lancé par les États-Unis dès le siècle dernier. À cet effet, l’UE s’immisce dans
la zone des Balkans tout en ayant des vues stratégiques sur le couloir économique
eurasiatique redéfini par les États-Unis et dont la Turquie est la ZCP de l’Europe
orientale et de l’Asie occidentale. C’est ainsi que l’Union européenne, tout comme
la Russie, découvrent que les capacités militaires des États-Unis sont largement sur-
évaluées et que ces derniers ne peuvent dominer, à eux seuls, l’Eurasie.
Esquisse d’un nouveau jeu de dominos
Aujourd’hui, le monde n’est plus unipolaire mais multipolaire, avec la pré-
dominance politico-économique des États-Unis, « acteur majeur » économique et
stratégique d’une planète en perpétuelle ébullition sociale. Néanmoins, il est néces-
saire que les États-Unis composent en Eurasie avec l’Union européenne et la
Russie, puis ultérieurement avec la Chine et l’Inde.
C’est en étudiant le niveau de puissance de ses adversaires légitimes ainsi que
l’état du système économique et sécuritaire international — tout comme les
contraintes géographiques pour atteindre le Stansland — que les États-Unis ont éla-
boré l’échiquier balkanique du XXIe siècle. Cette conceptualisation servit de base
aux actions de l’Alliance atlantique, au-delà des frontières européennes, avec des
OPINIONS
72
moyens C4I (Command, Control, Communication, Coordination and Intelligence)
permettant une stratégie militaro-économique offensive par le biais de projections
de puissances qui sont l’apanage unique des États-Unis.
Le concept du Stansland s’affirmant, l’Union européenne — avec la prési-
dence française — avait compris la nécessité de créer l’Union pour la Méditerranée
(UPM) pour faire jeu égal avec les États-Unis dans le centre des mers et en Afrique.
Dans un contexte de politique mondiale effervescente, ce nouveau monde
stratégique — défini comme un jeu de dominos — tend à s’organiser et à s’articu-
ler autour de deux traits de fractures occupant pour l’un l’hégémon Nord avec le
North Split et pour l’autre l’hégémon Sud avec le South Split, puis en trois axes
d’économies émergentes. Dans un prolongement quasi d’Ouest en Est, ces axes
économiques situés en Asie s’affirment à partir du Stansland bien qu’ils aient une
propension à prendre naissance en Turquie sous la forme du Main Split.
l Le North Split se dessine à partir de l’Europe orientale bien que ses racines
profondes proviennent des zones de non-droit du monde occidental qui drainent le
malaise et le mal-être d’une jeunesse en perte ou à la recherche d’identité sociale. En
outre, il bouscule les frontières de la zone Peco dont certains foyers de crises résis-
tants et prêts à exploser se font sentir dans les Balkans en l’occurrence au Kosovo,
au Sandjak et en Bosnie-Herzégovine où les accords de Dayton attisent une situa-
tion sociale alarmante. Enfin, il s’oriente vers la mer Noire pour emprunter la zone
turbulente du Caucase du Sud afin de pénétrer en Turquie, passerelle économique
inévitable entre les zones Europe, Asie et Arabie.
l Le South Split, pour sa part, naît en Amérique du Sud. Il s’étire à travers
l’océan Atlantique pour finalement éclore dans le golfe de Guinée devenu une zone
sensible du fait des intérêts pétroliers offshore et de la piraterie endémique, tout
comme en océan Indien et en mer de Chine. Puis, ce trait de fracture emprunte
l’Afrique de l’Ouest où la montée en puissance du terrorisme islamique (AQMI) fait
son œuvre et l’inclination criminelle se précise du fait du narcotrafic sud-
américain. Ce dernier profite de cet axe pour pénétrer de façon indirecte et diffuse
le marché européen des drogues. Enfin, le South Split s’oriente et longe l’Afrique
subsaharienne, puis la Corne de l’Afrique afin d’emprunter la péninsule Arabique
— région « infectée » par AQPA (Al-Qaïda en péninsule Arabique) — et atteindre
la zone turbulente Sud de la Turquie.
Somme toute, ces deux lignes de fractures se rejoignent en Turquie orien-
tale devenue la « clé de voûte » économique et stratégique entre l’Europe et l’Asie,
Eurasie, et l’Europe et l’Arabie, « l’Eurarabie ». Leur convergence forme ainsi un
segment de crise principal défini comme le Main Split. Ce dernier emprunte le
centre des empires par le « verrou » pétrolier azerbaïdjanais et s’engage dans la zone
« Afghanistan-Pakistan » pour atteindre le Stansland à partir duquel il se divise en
trois axes de crises et d’économies émergentes.
73
Le Major Economic Axis s’enfonce jusqu’au Siberland en empruntant la
Mongolie — zone d’intérêt stratégique de l’Asie orientale — désignée comme le
futur poste d’observation otanien concernant les crises asiatiques qui paraissent se
dessiner dans cette région orientale en ce XXIe siècle. Le North Axis, quant à lui,
passe par la Sibérie centrale, via le Xinjiang, pour achever sa course dans l’Arctland.
Tandis que la South East Axis, pour sa part, se dessine à travers le Cachemire et la
zone stratégique frontalière entre l’Inde et la Chine pour venir s’épanouir dans la
zone de l’Asie du Sud-Est et clore son « voyage » en mer de Chine.

Au début de ce XXIe
siècle, les États-nations ne sont pas les seuls acteurs
d’une mondialisation ponctuée par des tragédies sociales et économiques. C’est
ainsi que les organisations internationales, les alliances militaires régionales et
mondiales, tout comme les organisations non gouvernementales prennent part à
cette stratégie des dominos. Celle-ci repose notamment sur la survie d’identités
nationales, étatiques et culturelles divergentes n’ayant pas de liens indubitables avec
les États formant la sphère économique occidentale.
Enfin, la théorie des dominos tend à démontrer que le centre de gravité
économique et stratégique se déplace irrémédiablement vers l’Asie orientale. Ainsi,
l’acteur capable d’influencer la stratégie économique de l’Asie de l’Est sera le pilier
économique de l’Eurasie et aura une autorité agissant sur l’économie mondiale.
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Juin 2011/ Septembre 2011

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La stratégie des dominos au XXI siècle / The dominoes' strategy in the 21st century

  • 1. 65 OPINIONS La stratégie des dominos au XXIe siècle Officier (R) de la Marine, diplômé de HEC Paris et titulaire d’un Master en science politique. Jean-François Loddo E n 1989, l’élargissement des fonctions de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan) commence à s’affirmer avec la chute du mur de Berlin. La disparition du pacte de Varsovie n’a pas engendré la désintégra- tion de l’Otan au début des années 90. Bien au contraire, le renforcement du lien euro-atlantique s’exprime, d’une part, par la volonté d’intégrer rapidement et sans trop de concessions une majorité des pays de l’Europe centrale et orientale (Peco) au sein de l’Alliance atlantique, et d’autre part, par l’élargissement des responsabi- lités de l’Otan aux espaces européens par des missions dites « non-article 5 ». Hormis les pays de l’Europe centrale, ce lien tend à engager une vaste coopération régionale englobant les Peco, dont l’Ukraine et le Caucase, avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan, mais aussi les pays de l’Asie, membres pour certains de la Communauté des États indépendants (CEI). Cette coopération militaire à conno- tation « états-unienne » permet à Washington de s’impliquer plus facilement dans les affaires des zones de l’Eurasie qui recèlent des richesses premières à exploiter. Cette volonté de coopération militaire prend vie au sein du CAN (Conseil de l’Atlantique Nord) dans le cadre de la refondation des plans économiques et de la défense de l’Alliance atlantique dont les intérêts vitaux tendent à converger, en ce début de XXIe siècle, vers la zone géographique des cinq pays des « Stan » (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan), le Stansland. Les visions stratégiques émanant du CAN semblent mettre en évidence les théories néoréalistes offensives de John Mearsheimer. Ces théories sont en majorité élaborées sur la nécessité de survie d’États-nations évoluant dans un système inter- national anarchique dont la sécurité tend à s’affirmer par le biais de « manœuvres économiques » émanant de grandes puissances. Dans le cadre de la défense de leurs intérêts économiques, ces dernières — définies comme des acteurs rationnels — accomplissent des projets stratégiques leur permettant d’avoir un temps d’avance sur des États qui cherchent à survivre ou encore qui ne sont jamais certains des intentions des challengers. En 1989, cette ouverture de l’Alliance atlantique va se traduire par la décla- ration de Londres concernant une « Alliance atlantique rénovée » qui vise à déve- lopper la coopération avec les Peco. Cette coopération s’exprime par des liaisons
  • 2. 66 diplomatiques régulières mettant en jeu des plans de coopérations militaro- économiques entre le « rouleau compresseur otanien » et les pays incités à intégrer rapidement le Partenariat pour la Paix (PPP). En 1991, outre la plateforme européenne, ces idées d’hégémonie de puis- sance militaro-économique de l’Alliance atlantique évoluent avec la fondation du Conseil de coopération Nord-Atlantique (Cocona) permettant une « ouverture » otanienne à l’ensemble des membres de la CEI. Ces évolutions n’en restent pas là car dès l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin en tant que Président, ils sont interprétés comme le préambule à l’agression prédatrice des États-Unis sous couvert de l’Otan. Du fait de manœuvres habiles, l’Otan imprime un nouveau rythme au concept de stratégie sécuritaire eurasiatique en adoptant la politique extérieure américaine basée sur des actions militaro-économiques de formes diverses afin de conserver et d’élargir l’accès à un couloir économique et stratégique, de l’Asie cen- trale aux abords de la Méditerranée. Facteurs d’évolution multipolaire Ainsi, le début du XXIe siècle voit l’émergence d’une multipolarité dont les premières évolutions n’ont pas attendu plus de deux décennies pour se faire ressen- tir dans tout l’hémisphère Nord. Ces évolutions se caractérisent par de nombreux facteurs aux influences certaines sur les mutations d’un monde socio-économique soumis à des risques étendus dont les principaux ont comme dénominateurs communs, le terrorisme de masse, la criminalité transcontinentale, le réveil des peuples soumis, la misère, la prolifération nucléaire et des armes de destruction massive ainsi que la montée en puissance de l’extrémisme religieux. Le premier facteur actif concerne l’ère de la mondialisation définie par la stratégie de survie ou d’autonomie des conditions d’existence des États-nations dans le cadre du partage et de la captation des matières premières. Le second marque le réchauffement climatique, lequel fait prendre conscience que de nou- velles richesses, majoritairement localisées dans l’Arctique, sont désormais acces- sibles sur les plans technique et financier. Le troisième facteur, à ne pas négliger, n’est autre que le réveil d’États challengers comme les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Un autre facteur pouvant conduire à une modification de notre « champ socio-économique » est la colère, toutefois contenue, des popula- tions de pays sous-développés ou en voie de développement (Pev) qui compren- nent que leur économie et leurs modes sociaux se dérèglent du fait d’une politique régionale tyrannique et de l’émergence de phénomènes climatiques dans lesquels la main de l’homme développé ne reste pas étrangère. D’autres facteurs permettent de souligner les mutations majeures et critiques de nos sociétés. L’un se caractérise par le flux quasi incontrôlable de population cherchant à rejoindre le monde occi- dental, qui met en évidence la perméabilité des frontières mais aussi l’instabilité et la pauvreté de certains pays proches, gouvernés par un pouvoir tyrannique ou
  • 3. 67 contrôlés indirectement par des organisations non étatiques de type terroriste, mafieux ou criminel. L’autre tend à souligner la mise en avant de l’importance des voies maritimes traduisant une globalisation du commerce maritime à hauteur de 90 % des importations et des exportations mondiales. On note aussi une recru- descence de la piraterie de plus de 200 % depuis 2007, ce qui incite certaines puis- sances navales à sécuriser les routes de commerce les plus exposées. Enfin, on peut évoquer la crise économique qui bouleverse le monde des finances et permet à des pays challengers d’être finalement actifs sur la scène politique internationale. De ce fait, et sous l’impulsion indéniable de Paris et de Berlin, le G8 s’est prononcé pour l’existence d’un G20 sans retour en arrière prévisible. Dans ce nouveau contexte politico-économique d’insécurité globale per- manente, et, dont le 11 septembre 2001 n’aura peut-être été qu’un « avant-goût » de l’avenir réservé à l’espèce humaine, les grandes puissances ont pris la mesure des risques régionaux et internationaux se profilant à moyen terme. Ainsi, tendent-elles à s’associer afin de sécuriser le nouveau système stratégique global basé sur les échanges commerciaux et financiers nés de la mondialisation, sans toutefois négli- ger la survie de leurs propres États-nations. Configuration du système stratégique global au XXIe siècle Le monde se trouve partagé entre deux espaces géographiques dissemblables occupant essentiellement l’hémisphère Nord, s’agissant de la « zone hégémonique occidentale », et l’hémisphère Sud, pour la « zone hégémonique orientale ». Existantes préalablement au début du XXe siècle, elles ont à nouveau émergé à la suite de la disparition du rideau de fer induisant une multipolarité épurée du colo- nialisme. Ces deux zones d’intérêts transnationaux ont vu leurs frontières se dessi- ner dès la première guerre d’Irak (1991) mais surtout à partir du « 11 septembre 2001 » qui a été le marquant du « renouveau de la FPA (Foreign Policy Analysis), née aux États-Unis en 1960 », élaborée dans le cadre de la naissance d’un ordre mondial multiforme et de l’émergence économique de pays en développement comme le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud. Au début de XXIe siècle, la configuration du système stratégique fondé sur des politiques étrangères et des relations internationales montre un certain équi- libre des forces — celles des grandes puissances — dont l’entretien conditionne la défense des intérêts vitaux et la préservation du seuil de puissance d’hégémonie. Depuis la dissolution du monde soviétique, le système stratégique global actuel s’équilibre non plus d’Est en Ouest, mais s’articule dans un rapport straté- gique et économique entre le Nord et le Sud. Un nouveau mode de stabilité s’éta- blit entre puissances prédatrices. Ses limites géographiques — hormis en Afrique où elles se situent au Sud du Maghreb — pourraient sensiblement se confondre avec la ligne de l’équateur. Dans le cadre de ce rapport de stabilité, les « Zones charnières principales » (ZCP), en l’occurrence l’échiquier balkanique, la « plateforme » OPINIONS
  • 4. 68 turque et la péninsule Arabique, permettent aux Occidentaux de se positionner sur la scène internationale en occupant la zone d’hégémonie occidentale. La zone d’hégémonie orientale, pour sa part, est caractérisée par la présence de la Chine qui tend à en être l’acteur principal du fait de sa maîtrise grandissante de la mer de Chine jusqu’au Pacifique. Cette présence chinoise sur les mers est caractérisée par une puissance navale qui inquiète, dont le tonnage (le deuxième mondial) croit de manière exponentielle et la technicité s’affirme par la création et la mise en œuvre de systèmes d’armes offrant la possibilité de conduire des opéra- tions maritimes complexes. Cette maîtrise navale se confirme par une présence hauturière, incluant la sécurisation des voies de transits commerciaux, et côtière, avec la mise en œuvre d’un concept de sécurité de ses routes du commerce littoral avec le « collier de perles ». La zone d’hégémonie occidentale (Hégémon Nord) La zone d’hégémonie occidentale comprend l’ensemble de l’hémisphère Nord, dont l’Eurasie est le cœur des intérêts majeurs de l’Union européenne, des États-Unis et de la Russie pour les vingt-cinq prochaines années. Cette vision est fondée sur la logique d’exploitation pétrolière du peak oil adoptée à la Zone d’intérêt de stratégie économique (« Zise ») créée par le Stansland. Formant le centre des empires et anciennement sous le joug soviétique, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan sont conscients des richesses que leur sous-sol recèle et qui les distinguent les uns des autres. Ces richesses sont essentiellement, soit de l’eau pour les uns ou soit du pétrole et du gaz, voire de l’uranium, pour les autres. Néanmoins, ces États sont incapables de les extraire et de les exploiter étant donné leur faible capacité technologique indu- bitablement due à leurs structures sociales ancestrales et à la période d’occupation et de soumission soviétique pendant plus de soixante-dix ans. Désormais, le centre de gravité stratégique et économique, situé aux fron- tières de l’Europe du Sud-Est et de l’Europe orientale, se déplace irrémédiablement vers les quatre « Zise » établies en Asie. Cette situation devient inéluctable étant donné l’instinct de survie des puissances économiques établies et émergentes. On peut nommer ces quatre « Zise » l’Arctland, le Siberland, le Stansland et le Centerland. En cette première décennie du siècle, les deux zones préoccupantes et d’un intérêt primordial sont l’Arctland et le Siberland. Le Centerland est, quant à lui, représenté par les pays émergents de l’Asie du Sud-Est, considérée comme l’un des centres d’intérêts majeurs de l’économie mondiale à venir. La « Zise » Arctland englobe l’ensemble du Grand Nord jusqu’au cercle polaire arctique et recèle d’inestimables ressources exploitables dans ses sous-sols. Cette zone potentielle de richesses est sans doute l’un des « poumons économiques » des cinquante prochaines années en considérant que le réchauffement de la planète perdure, ce qui n’est pas prouvé. Les pays directement concernés par ce futur
  • 5. 69 « Éden » arctique sont la Russie, les États-Unis, le Canada, la Norvège (Spitzberg) et le Danemark (Groenland). Cette « Zise » arctique, concentrant l’intérêt des grandes puissances de l’hémisphère Nord, va capter l’attention de leurs dirigeants jusqu’au siècle prochain puisque l’exploitation de ces richesses est conditionnée, d’une part, par les inconditionnelles lois de la mécanique et de la physique, et, d’autre part, par l’immanquable application du droit de la mer et par la résignation à subir les méfaits météorologiques. La « Zise » Siberland occupe, quant à elle, la Sibérie orientale. Elle est convoitée par des États et de grands groupes industriels pouvant contribuer à la sur- vie d’un État-nation en s’appropriant les atouts vitaux qui permettent d’atteindre l’objectif précité. Ce futur Eldorado du Levant sibérien attise non seulement les appétits de Pékin mais aussi ceux du monde occidental qui sait pertinemment que la Russie se doit de se rapprocher de l’Union européenne du fait d’une démogra- phie déficiente et d’une incapacité technique qui la rendent inapte à exploiter ou à mettre en valeur son Orient extrême. La zone d’hégémonie orientale (Hégémon Sud) La zone d’hégémonie orientale comprend l’hémisphère Sud avec comme centre d’intérêt le continent africain dont l’Afrique subsaharienne est devenue — à l’inverse du « Grand Moyen-Orient » envahi par les entreprises pétrolières de l’Occident — le « Far West » de la Chine. Ainsi, pour s’arroger les richesses des sols africains, la Chine multiplie les accords diplomatiques, industriels, économiques et commerciaux avec certains États de cette région. Ressemblant à une incontestable forme de « pillage institutionnel », cette exploitation chinoise est réalisée par le biais d’importants investissements contractés sous forme de partenariats avec des sociétés de droit local que les industriels chinois ont reprises, assainies et enrichies. Le rythme mal maîtrisé de la croissance économique de la Chine oblige les indus- triels chinois à utiliser des quantités considérables de produits premiers, en l’occur- rence fossiles, pour « nourrir » leurs activités d’entreprises. Bien que l’Afrique ne soit plus colonisée, elle subit continuellement les influences occidentales. Ainsi, les États-Unis cherchent à s’insérer militairement et économiquement en Afrique. Sans conviction apparente, cette insertion se perçoit clairement du fait de la création récente de l’US Africom (commandement des États-Unis en Afrique) dont l’état-major se situe en Allemagne. Pour l’instant, l’Union européenne est le partenaire politico-militaire et économique privilégié de l’Afrique. Néanmoins, et hormis la Chine, elle est talonnée par la Russie qui désire s’implanter en Afrique du Nord en l’occurrence en Lybie et en Algérie, mais aussi en zone subsaharienne. Dans ce champ de manœuvre africain libéré du colonialis- me, l’Afrique occidentale (majoritairement ex-française) est devenue la « Zise » de toutes les convoitises occidentales comme orientales. Définie comme étant le Sinoland, cette cinquième « Zise » est en passe de devenir le « grenier à blé » de la OPINIONS
  • 6. 70 Chine. Tant et si bien que la France, sous l’égide de l’Union européenne, insiste pour y conserver une certaine légitimité historique. Sentant qu’un soutien straté- gique de l’UE est une facilité pour s’implanter en Afrique occidentale — et ainsi contrebalancer l’hégémonie chinoise dans la zone — les États-Unis prêtent, sans compter, leurs moyens tant militaires que diplomatiques afin d’occuper, en tant qu’acteur principal, une place forte économique non négligeable. Pour cela, ils n’hésitent pas à faire valoir le fait que certains pays sont la proie de l’AQMI (Al- Qaïda au Maghreb islamique), d’autres recèlent des ADM, en l’occurrence chi- miques, ou discutent les exigences concernant l’application des droits de l’homme, que ce soit en Afrique ou en péninsule Arabique. Partage des richesses du monde Le 11 septembre 2001 a souligné les nouvelles caractéristiques d’un contexte stratégique changeant du fait de la fin de l’affrontement bipolaire et du surgisse- ment de nouveaux conflits à connotation nationaliste ayant marqué la période « pré-11 septembre 2001 », tels les conflits dissymétriques ayant eu lieu dans les Balkans, en Asie centrale et en péninsule Arabique durant les années 90. Les crises « post-11 septembre » apportent leur contribution à ce nouveau contexte straté- gique en révélant de récents dangers aux couleurs de la globalisation du terrorisme (guerre d’Afghanistan débutant en fin 2001), de la guerre économique, de la guerre préventive (guerre d’Irak de 2003), des guerres irrégulières ou encore des crises potentielles survenant ou pouvant survenir dans le monde arabe. Depuis l’éclosion de guerres non symétriques, ces guerres irrégulières ou ces crises potentielles, dites de guérilla, sont définies comme des « conflits au sein de populations » d’un même État-nation et des actions tactiques d’une période révolue. Cette « guérilla renais- sante » englobe les guerres non régulières encore incapables d’être hiérarchisées dans le cadre d’un système de classification occidental — pour l’heure indescrip- tible — étant donné que l’ennemi commun de l’Occident n’est que diffus bien que la provenance évidente du compétiteur générique économique et sécuritaire soit située dans l’Empire du Milieu. C’est dans ce contexte stratégique en perpétuelle modification que se des- sine l’état contemporain du partage des richesses — majoritairement non renou- velables — d’un monde économique dans lequel l’échiquier balkanique est une ZCP inéluctable du concept stratégique américain de ce début de XXIe siècle. Ce concept s’applique sans partage dans une partie de la zone d’hégémonie occiden- tale et de surcroît sur le continent eurasiatique dont le Stansland attise la convoiti- se des puissances occidentales jusqu’à ce jour. À l’opposé, la Chine est la principa- le puissance émergente de la zone d’hégémonie orientale du fait de sa présence massive sur les plans politique et économique, tant sur les mers que sur les terres. Outre les importations pétrolières en provenance de la péninsule Arabique et de l’Asie centrale, cette puissance chinoise s’octroie d’autres richesses en provenance
  • 7. 71 d’Afrique subsaharienne dont la « Zise » Sinoland où elle a su s’immiscer. Cette zone est le cœur économique de l’Afrique noire et englobe, pour l’essentiel, le Nigeria (la zone des Lacs), la République de Centre Afrique, la République démo- cratique du Congo, le Tchad et le Soudan dont le Sud est convoité par de nom- breux groupes industriels occidentaux. La zone d’hégémonie orientale n’est que le reflet de la zone d’hégémonie occidentale. Le monde se trouve ainsi dans une position d’équilibre. Cette stabilité n’est due qu’aux grandes puissances qui, tant dans la participation indirecte à la mise en œuvre d’un concept stratégique américain ou chinois, assurent la pérennité d’un système stratégique international modulable en fonction des notions précitées. Ces principes soulignent la volonté de contrôle des États-nations et des organisations soucieuses de la protection de leurs intérêts vitaux globaux. Cet équilibre est favo- risé et soutenu par des continents offshores : les Amériques pour le concept straté- gique américain ; et l’Australie pour ce qui est du concept stratégique chinois. C’est uniquement dans le cadre d’une stratégie offensive des États-Unis que l’échiquier des Balkans est devenu la ZCP (de l’Europe du Sud-Est) d’un concept stratégique visant désormais l’Eurasie. La naissance d’un nouvel ordre mondial a favorisé la prédominance des principes du Heartland de Mackinder aux dépens de l’atténuation des principes évoquant le Rimland de Spykman et ayant servi à l’éla- boration du préambule de la Charte de l’Otan. C’est dans ce contexte que l’Union européenne essaie de maintenir une position militaro-économique de niveau régional dans le cadre du « défi eurasia- tique » lancé par les États-Unis dès le siècle dernier. À cet effet, l’UE s’immisce dans la zone des Balkans tout en ayant des vues stratégiques sur le couloir économique eurasiatique redéfini par les États-Unis et dont la Turquie est la ZCP de l’Europe orientale et de l’Asie occidentale. C’est ainsi que l’Union européenne, tout comme la Russie, découvrent que les capacités militaires des États-Unis sont largement sur- évaluées et que ces derniers ne peuvent dominer, à eux seuls, l’Eurasie. Esquisse d’un nouveau jeu de dominos Aujourd’hui, le monde n’est plus unipolaire mais multipolaire, avec la pré- dominance politico-économique des États-Unis, « acteur majeur » économique et stratégique d’une planète en perpétuelle ébullition sociale. Néanmoins, il est néces- saire que les États-Unis composent en Eurasie avec l’Union européenne et la Russie, puis ultérieurement avec la Chine et l’Inde. C’est en étudiant le niveau de puissance de ses adversaires légitimes ainsi que l’état du système économique et sécuritaire international — tout comme les contraintes géographiques pour atteindre le Stansland — que les États-Unis ont éla- boré l’échiquier balkanique du XXIe siècle. Cette conceptualisation servit de base aux actions de l’Alliance atlantique, au-delà des frontières européennes, avec des OPINIONS
  • 8. 72 moyens C4I (Command, Control, Communication, Coordination and Intelligence) permettant une stratégie militaro-économique offensive par le biais de projections de puissances qui sont l’apanage unique des États-Unis. Le concept du Stansland s’affirmant, l’Union européenne — avec la prési- dence française — avait compris la nécessité de créer l’Union pour la Méditerranée (UPM) pour faire jeu égal avec les États-Unis dans le centre des mers et en Afrique. Dans un contexte de politique mondiale effervescente, ce nouveau monde stratégique — défini comme un jeu de dominos — tend à s’organiser et à s’articu- ler autour de deux traits de fractures occupant pour l’un l’hégémon Nord avec le North Split et pour l’autre l’hégémon Sud avec le South Split, puis en trois axes d’économies émergentes. Dans un prolongement quasi d’Ouest en Est, ces axes économiques situés en Asie s’affirment à partir du Stansland bien qu’ils aient une propension à prendre naissance en Turquie sous la forme du Main Split. l Le North Split se dessine à partir de l’Europe orientale bien que ses racines profondes proviennent des zones de non-droit du monde occidental qui drainent le malaise et le mal-être d’une jeunesse en perte ou à la recherche d’identité sociale. En outre, il bouscule les frontières de la zone Peco dont certains foyers de crises résis- tants et prêts à exploser se font sentir dans les Balkans en l’occurrence au Kosovo, au Sandjak et en Bosnie-Herzégovine où les accords de Dayton attisent une situa- tion sociale alarmante. Enfin, il s’oriente vers la mer Noire pour emprunter la zone turbulente du Caucase du Sud afin de pénétrer en Turquie, passerelle économique inévitable entre les zones Europe, Asie et Arabie. l Le South Split, pour sa part, naît en Amérique du Sud. Il s’étire à travers l’océan Atlantique pour finalement éclore dans le golfe de Guinée devenu une zone sensible du fait des intérêts pétroliers offshore et de la piraterie endémique, tout comme en océan Indien et en mer de Chine. Puis, ce trait de fracture emprunte l’Afrique de l’Ouest où la montée en puissance du terrorisme islamique (AQMI) fait son œuvre et l’inclination criminelle se précise du fait du narcotrafic sud- américain. Ce dernier profite de cet axe pour pénétrer de façon indirecte et diffuse le marché européen des drogues. Enfin, le South Split s’oriente et longe l’Afrique subsaharienne, puis la Corne de l’Afrique afin d’emprunter la péninsule Arabique — région « infectée » par AQPA (Al-Qaïda en péninsule Arabique) — et atteindre la zone turbulente Sud de la Turquie. Somme toute, ces deux lignes de fractures se rejoignent en Turquie orien- tale devenue la « clé de voûte » économique et stratégique entre l’Europe et l’Asie, Eurasie, et l’Europe et l’Arabie, « l’Eurarabie ». Leur convergence forme ainsi un segment de crise principal défini comme le Main Split. Ce dernier emprunte le centre des empires par le « verrou » pétrolier azerbaïdjanais et s’engage dans la zone « Afghanistan-Pakistan » pour atteindre le Stansland à partir duquel il se divise en trois axes de crises et d’économies émergentes.
  • 9. 73 Le Major Economic Axis s’enfonce jusqu’au Siberland en empruntant la Mongolie — zone d’intérêt stratégique de l’Asie orientale — désignée comme le futur poste d’observation otanien concernant les crises asiatiques qui paraissent se dessiner dans cette région orientale en ce XXIe siècle. Le North Axis, quant à lui, passe par la Sibérie centrale, via le Xinjiang, pour achever sa course dans l’Arctland. Tandis que la South East Axis, pour sa part, se dessine à travers le Cachemire et la zone stratégique frontalière entre l’Inde et la Chine pour venir s’épanouir dans la zone de l’Asie du Sud-Est et clore son « voyage » en mer de Chine.  Au début de ce XXIe siècle, les États-nations ne sont pas les seuls acteurs d’une mondialisation ponctuée par des tragédies sociales et économiques. C’est ainsi que les organisations internationales, les alliances militaires régionales et mondiales, tout comme les organisations non gouvernementales prennent part à cette stratégie des dominos. Celle-ci repose notamment sur la survie d’identités nationales, étatiques et culturelles divergentes n’ayant pas de liens indubitables avec les États formant la sphère économique occidentale. Enfin, la théorie des dominos tend à démontrer que le centre de gravité économique et stratégique se déplace irrémédiablement vers l’Asie orientale. Ainsi, l’acteur capable d’influencer la stratégie économique de l’Asie de l’Est sera le pilier économique de l’Eurasie et aura une autorité agissant sur l’économie mondiale. OPINIONS
  • 10. #& %! ! ) # $ # * ( !&## ! % % $ # ''' $ # !! 8 % $ 0 ! 1 3 9 ) !& ) & ) !( 0 ' 0 % 7 ' / ( 1 ) 0 % ' @ , 6 , !, ; : 1 " " 6 % * 5 !, 4 , & ! + 2 " $ ) 7 / ? ! : ( ; ' 2 % $ 3 " # ! , 7 1 "# ! & " ! #! ( ! ( 6 & %.5.6 & =< A ! ( 0 0 % ! => ! 2 - 7 ( >= ! 1 1 Juin 2011/ Septembre 2011