Un sujet intéressant abordé lors de l'un de mes cours MOOC en stratégie. Le concours consiste en la rédaction d'un billet de 500-800 mots. Voici une version légèrement étoffée de mon opinion sur le thème: "Faut-il craindre la Russie?"
An interesting topic from one of my MOO courses on strategy(ies). We were asked to write down a short essay (500-800 words) to answer the following question: " Should we fear Russia?". Find enclosed my opinion about it.
1. RUSSIE,
RETOUR
D’UNE
SUPERPUISSANCE
:
INFO
OU
INTOX
?
Suite
à
la
fin
de
la
Guerre
Froide
et
depuis
le
début
de
la
crise
en
Ukraine,
les
parallèles
avec
la
situation
d’avant
1989
ont
été
nombreux
:
annexion
de
la
Crimée,
tensions
frontalières,
joutes
politiques
entre
la
Russie
et
l’alliance
Union
Européenne/Etats-‐Unis.
Le
bras
de
fer
se
poursuivant
entre
ces
deux
«
blocks
»,
il
ne
semble
pas
aberrant
de
comparer
la
Russie
de
Poutine
avec
l’URSS
de
l’époque
soviétique.
Toutefois,
nous
verrons
que
la
Russie
telle
qu'elle
existe
aujourd’hui
rencontre
d’importantes
problématiques
qui
la
rendent
plus
fragile
que
son
aïeule,
et
réduisent
son
influence
internationale.
En
outre,
Hélène
Carrère
d’Encausse
inclut
un
facteur
socio-‐culturel
divergeant
radicalement
de
l’ancien
esprit
soviétique.
Dans
un
premier
temps,
il
est
intéressant
de
rappeler
les
éléments
qui
pourraient
engendrer
une
peur
de
la
Russie.
En
prenant
comme
premier
exemple
la
situation
contemporaine
de
l’Ukraine,
rappelons
tout
d’abord
que
celle-‐ci
a
été
souvent
dominée
par
ses
voisins
européens
et
russes
-‐
son
nom
signifiant
d’ailleurs
«
Frontière
».
Nous
devons
également
prendre
en
compte
le
fait
que
le
pays
est
longtemps
resté
un
réservoir
stratégique
de
ressources
(agricoles
et
industrielles)
pour
la
Russie.
Ensuite,
l’Ukraine
est
sujette
à
des
tensions
entre
les
populations
de
l’ouest
(vers
la
Pologne,
pro-‐
européennes
et
nationalistes),
et
les
populations
de
l’est
(Vers
la
Russie,
pro-‐russes).
Ce
contexte
chaotique
a
nourri
les
velléités
des
manifestants
de
novembre
2013,
qui
brandissaient
des
pancartes
scandant
«
Nous
ne
sommes
pas
l’URSS,
nous
sommes
l’UE
»
:
ils
rejetaient
à
la
fois
le
président
ukrainien
-‐
qu’ils
considèrent
encore
comme
corrompu
et
issu
d’un
vote
tronqué,
et
vendu
à
la
Russie
-‐
et
l’influence
russe.
Un
autre
argument
en
faveur
d’une
nouvelle
situation
de
Guerre
Froide
reste
la
position
maintenue
par
Moscou
dans
ce
conflit
:
le
président
Vladimir
Poutine
est
prêt
à
tous
types
d’actions
politiques
et
économiques
afin
de
garder
Kiev
de
son
côté.
On
se
souvient
par
exemple
des
rabais
de
30%
sur
le
gaz
ou
de
l’octroi
de
crédit,
éléments
de
taille
dans
l’économie
ukrainienne.
La
situation
s’envenime
du
côté
des
citoyens
pro-‐
européens,
et
le
président
ukrainien
Lanoukovitch
se
montre
volatile
dans
ses
décisions.
Comme
dernier
argument
favorisant
la
méfiance
vis-‐à-‐vis
de
la
Russie,
nous
pouvons
également
évoquer
la
rancœur
possiblement
ressentie
par
un
peuple
russe
qui
a
vécu
l’humiliation
de
son
ancien
système,
et
ainsi
payé
jusqu’aux
années
2000
le
prix
de
l’effondrement
de
l’URSS
(cf
Madame
Carrère
d’Encausse).
Toutefois,
la
Russie
de
Poutine
n’est
pas
(ou
plus)
si
puissante
et
inquiétante.
D’une
part,
l’esprit
de
gouvernance
n’est
plus
le
même
que
l’était
la
volonté
soviétique
de
conquête
de
territoire.
La
Russie
ne
se
veut
pas
nécessairement
reconquérante,
mais
plutôt
continuatrice
:
le
président
russe
Vladimir
Poutine
vise
à
présent
la
construction
d’une
grande
union
eurasienne,
en
y
incluant
naturellement
l’Ukraine.
Ainsi,
d’un
enjeu
économique
et
stratégique
ancien,
cette
dernière
revêt
aujourd’hui
une
dimension
symbolique
pour
son
grand
et
puissant
voisin.
De
ce
point
de
vue,
la
Russie
chercherait
à
exister
comme
un
Etat
normal
et
post-‐impérial
en
maintenant
des
liens
forts
avec
ses
voisins.
C’est
ce
qu’explique
Madame
Carrère
d’Encausse,
qui
cite
les
exemples
de
la
Grande
Bretagne
et
des
Etats
du
Commonwealth,
ou
de
la
France
et
de
l’Afrique.
Selon
Isabelle
Facon
d’autre
part,
maître
de
recherches
à
la
Fondation
pour
la
Recherche
Stratégique,
la
Russie
n’aurait
pas
les
moyens
de
rivaliser
avec
les
forces
de
l’Otan.
En
2008,
le
pays
modernise
ses
forces
armées,
avec
une
augmentation
du
budget
militaire
2. fixée
à
44%
d’ici
2017.
Mais
la
distribution
de
ces
fonds
n’est
pas
uniforme,
et
les
forces
navales
et
aéronautiques
demeurent
vieillissantes,
en
retard
technologiquement
face
aux
équipements
occidentaux.
Résultat
d’un
héritage
soviétique
devenu
pesant
?
La
Russie
fonctionne
encore
sur
la
politique
de
suprématie
par
le
nombre,
plutôt
que
sur
la
modernisation
totale
de
ses
techniques
de
combat.
De
plus,
malgré
quelques
bons
indicateurs
macroéconomiques
(exemple
:
dette
publique
limitée),
les
finances
russes
sont
vulnérables,
manquent
d’investissements,
et
présentent
des
failles
structurelles
qui
nécessiteraient
de
véritables
réformes.
En
lien
avec
ce
dernier
élément,
une
économie
trop
peu
diversifiée
en
partie
responsable
de
la
phase
économique
difficile
depuis
l’été
2012
;
amplifiée
depuis
2014
par
la
baisse
du
prix
du
pétrole
et
accélérée
par
les
sanctions
internationales.
Enfin,
à
ces
problématiques
militaires
et
économiques
s’ajoutent
des
problèmes
sociétaux
et
politiques
:
la
Russie
présente
encore
un
fort
indicateur
de
corruption
(corruption
perceptions
index
:
119/168,
score
:
29/100),
et
des
retards
sociaux
majeurs
dans
une
société
russe
fragile
et
inégalitaire
(auxquels
s’ajoutent
une
faible
espérance
de
vie
et
un
taux
de
fécondité
médiocre).
Moscou
devra
donc
compter
sur
des
flux
migratoires
entrants
importants
pour
l’avenir
de
son
économie.
En
conclusion,
nous
pourrions
penser
qu’un
climat
de
guerre
froide
semblait
avoir
ressurgi
vingt-‐trois
ans
après
la
chute
de
l’URSS.
Le
conflit
est
encore
d’actualité
entre
Moscou
et
Washington,
avec
l’ajout
d’un
troisième
acteur
qu’est
l’Union
Européenne.
La
Russie
se
targue
de
vouloir
étendre
son
influence
politique
à
renforts
d’annonces
et
de
coups
diplomatiques
(rattachement
de
la
Crimée,
crise
ukrainienne),
rappelant
ainsi
son
histoire
et
son
ancienne
puissance.
Il
apparaît
légitime
de
craindre
un
retour
de
ce
pays
au
premier
plan
de
la
scène
militaire
internationale.
La
Russie
est
un
vaste
territoire,
au
gouvernement
fort,
et
au
potentiel
certain.
Cependant,
elle
n’a
aujourd’hui
plus
l’étoffe
de
son
aïeule,
et
traverse
de
plus
d’importantes
crises
fragilisant
sa
stature.
REFERENCES
:
ü Monsieur
J.-‐C
ROMER,
«
The
weight
of
history
in
building
strategies
»,
cours
dispensé
en
ligne,
site
webFUN-‐MOOC.fr
[mai
2016]
ü Madame
H.
CARRERE
d’ENCAUSSE,
«
Should
we
fear
a
new
Cold
War
?
»,
intervention
prononcée
à
l’occasion
des
dernières
assises
du
Conseil
Supérieur
de
la
Formation
et
de
la
Recherche
Stratégiques
(Visionner)
ü World
Bank
Data,
Russie
[2012]
ü Corruption
Perceptions
Index
by
country,
site
web
Transparency
International
[2015]
ü «
Perspectives
économiques
et
financières
de
la
Russie
»,
site
web
tresor.economie.gouv.fr
[18
mars
2016]