1. Libre Entreprise Face et profil
16 La Libre Entreprise - samedi 28 novembre 2015
Portrait Marco Wolter
correspondant aux Etats-Unis
L
e quartier général de Nasty Gal
à Los Angeles est un temple du
“hype”. Dans un bâtiment his
torique en brownstone (grès rouge)
se mélangent bureaux et canapés
design, canalisations apparentes au
plafond et piliers en béton laissés à
l’état brut, le tout en “open space”,
évidemment. Les locaux ont tout
d’une startup de la Silicon Valley et
sont à l’image de la carrière fulgu
rante de Sophia Amoruso. Un par
cours atypique parti de San Diego et
tissé sur la toile des réseaux sociaux.
Un conte de fée où tout est possible.
Sophia Amoruso n’a pas de di
plôme. Elle n’a jamais été très stu
dieuse. En primaire, son instituteur
pense qu’elle souffre d’un trouble
du déficit de l’attention. Au lycée,
même diagnostic. Elle est alors en
voyée chez le psychiatre qui lui pres
crit des antidépresseurs. “Je prends
les pilules blanches, les pilules bleues, et
je me dis : “S’il faut ça pour aimer le
lycée, je laisse tomber et prends des
cours à domicile.””
Point par point, Sophia raconte les
moments charnière de sa vie dans
son livre “#GIRLBOSS”, ou comment
s’imposer en tant que femme entre
preneur dans un monde de brutes. Le
livre est resté pendant 18 mois en
tête du classement des ventes du
“New York Times”. Car la success
story de la jeune grécoaméricaine de
31 ans est une source d’inspiration.
A l’âge de 13 ans, Sophia Amoruso
tombe amoureuse de sa première
fripe vintage : un pantalon disco
rougekaki. “Je me suis changée en se
cret dans les toilettes de la patinoire à
roulettes”, se souvientelle. Les fripe
ries et les magasins de l’Armée du
Salut deviennent alors comme une
seconde maison. En même temps,
ses parents peinent à boucler les fins
de mois et l’adolescente enchaîne les
petits boulots, parfois dans un res
taurant, parfois dans une librairie.
Les études passent à la trappe et à 17
ans, quand ses parents divorcent,
Sophia Amoruso décide de quitter
San Diego pour remonter la côte ca
lifornienne et s’installer à Sacra
mento.
Le tournant arrive avec eBay. So
phia Amoruso décide de se lancer
sur le Web en vendant ses trou
vailles aux enchères. Pour mettre les
fripes en valeur, elle fait appel à ses
amies pour jouer les mannequins et
les ventes ne tardent pas à exploser.
Pour comprendre le phénomène,
Sophia Amoruso aime raconter l’his
toire d’une veste Channel dénichée
à 8 dollars. “Je l’ai mise aux enchères
avec un prix de départ à 9,99 dollars.
A la fin, je l’ai vendue pour plus de
1000 dollars.” eBay lui a permis
“d’apprendre la valeur des choses et de
savoir ce qui intéresse les filles, parce
qu’elles se battent pour remporter un
article”, expliquetelle au magazine
“Forbes”. A cette époque, Sophia
Amoruso n’a alors que 22 ans mais
sait déjà qu’elle peut voir grand.
En 2008, elle lance son propre e
shop de prêtàporter. NastyGal.com
est né. La formule magique reste la
même : promouvoir la marque via
les réseaux sociaux, sur Twitter, Ins
tagram, Facebook ou encore Tumblr.
Chaque “like” peut potentiellement
se transformer en acte d’achat.
D’abord consacrée au vintage, la pla
teforme travaille aujourd’hui avec
des petits créateurs tout comme de
grandes marques, toujours à des
prix qui se veulent accessibles. La
gestion du stock repose sur des arti
cles en éditions limitées. Seuls 10 %
des vêtements sont bradés à prix ré
duits pour éviter les invendus. Des
principes qui ont permis à l’entre
prise d’afficher jusqu’à 100 millions
de dollars de chiffre d’affaires en
2013.
Aujourd’hui, à 31 ans, Sophia
Amoruso a décidé de prendre du re
cul. Elle a rendu sa casquette de PDG
en début d’année même si elle conti
nue à siéger au conseil d’administra
tion de l’entreprise. Car audelà de
Nasty Gal, celle qui est une véritable
pop star de la mode veut faire con
naître les secrets de sa carrière. “Je
n’ai jamais cherché à être un modèle,
mais je voudrais partager un peu de
mon histoire et des leçons que j’ai ap
prises”, expliquetelle dans son li
vre.
La Californienne vient d’ailleurs
tout juste de lancer #GIRLBOSS Ra
dio, un podcast hebdomadaire dans
lequel elle reçoit des femmes qui ont
réussi à percer. L’émission est enre
gistrée depuis les locaux de Nasty
Gal à Los Angeles… Histoire quand
même, de toujours garder un œil sur
les affaires.
20 avril 1984 : naissance de Sophia
Amoruso à San Diego en Californie.
2006 : elle ouvre son eBay store et
crée Nasty Gal Vintage.
2008 : elle se fait bannir d’eBay et
lance son propre site nastygal.com
2014 : sortie du livre à succès
“#GIRLBOSS”.
Janvier 2015 : Sophia Amoruso
décide de passer la main et rend son
poste de PDG. Elle continue à siéger
au conseil d’administration de Nasty
Gal.
P Sophia Amoruso a créé
un empire de la mode
grâce aux réseaux sociaux.
P La fondatrice du site
de prêtàporter Nasty Gal
incarne la réussite
à l’américaine.
Le rêve américain 2.0
GSIMEDIA/REPORTERS
Épinglé
L’interactivité
Nasty Gal conseille ses clientes
en live via des chats vidéo et
actualise constamment ses
pages sur les réseaux sociaux en
fonction des humeurs. Seul, 1 %
des visites se transforme en
acte d’achat, mais le trafic est
permanent. Sur Facebook, Nasty
Gal affiche près de 1240000
mentions “like”.
Indice e-réputation
86%CHAMPIONNE
Le storytelling au service du
mythe fondateur. Un livre #Girl
Boss sur son parcours, un #Girl
Bus pour sillonner les USA, une
fondation pour aider les jeunes
femmes entrepreneurs : les
ingrédients du “Personal Bran
ding” à l’américaine sont là.
Sophia Amoruso construit son
image comme une marque pour
incarner son entreprise. Elle est
en prise directe avec 300000
fans sur les médias sociaux
adaptés à sa cible mais aussi sur
des médias traditionnels comme
chroniqueuse presse et radio.
Une vraie championne !
Indice eréputation calculé par l’agence
www.reputation365.eu.
D.R.