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I
REGARDS
SUR l’ÉCONOMIE
DES COLLECTIVITÉS
AUTOCHTONES
DU QUÉBEC
Marc-Urbain Proulx
En collaboration avec
Josée Gauthier
Ibrahima Diallo
Marise Wapistan
Martha Remache
II
La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduc-
tion des œuvres sans autorisation des titulaires
de droits. Or, la photocopie non autorisée – le
« photocopillage » – s’est généralisée, provoquant
une baisse des ventes de livres et compromet-
tant la rédaction et la production de nouveaux
ouvrages par des professionnels. L’objet du logo
apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur
sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit le dévelop-
pement massif du « photocopillage ».
Presses de l’Université du Québec
Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2
Téléphone : 418 657-4399 − Télécopieur : 418 657-2096
Courriel : puq@puq.ca − Internet : www.puq.ca
Membrede
III
REGARDS
SUR l’ÉCONOMIE
DES COLLECTIVITÉS
AUTOCHTONES
DU QUÉBEC
Marc-Urbain Proulx
En collaboration avec
Josée Gauthier
Ibrahima Diallo
Marise Wapistan
Martha Remache
IV
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
© 2012, Presses de l’Université du Québec
Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada
par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition.
Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC)
pour son soutien financier.
Mise en pages : Mathieu Plasse
Conception de la couverture : Mathieu Plasse
V
PRÉFACE
	 Pierre Noreau
	 Directeur du projet Peuples autochtones et gouvernance
	 Centre de recherche en droit public, Université de Montréal
À sa façon, la réalité autochtone pose des questions universelles. Le type de questions que partagent les
membres de toutes les sociétés.Quelle que soit ses dimensions en effet,chaque collectivité est confron-
tée aux impératifs de sa propre existence et de sa relation avec les autres sociétés.La sociologie classique
définissait schématiquement les conditions de la vie collective : construire ou maintenir un système de
références partagé, définir des normes favorisant la pacification des rapports entres les individus et les
regroupements d’individus, établir et stabiliser une procédure d’encadrement des débats publics et les
conditions de définition d’orientations collectives légitimes et finalement développer et entretenir une
activité productive suffisante pour permettre à la collectivité d’acquérir les ressources nécessaires à son
action et à son équilibre relatif : c’est l’activité économique.
Mais cette activité n’est jamais totalement autarcique.Aussi loin qu’il remonte dans l’histoire des sociétés
humaines, l’observateur est toujours surpris de constater que c’est souvent dans l’activité économique
qu’on trouve la source la plus constante des interactions entre les sociétés.C’est que l’activité économique
est structurée autour d’un type particulier de relation : l’échange. Elle crée des attentes et des anticipa-
tions, elle offre l’exemple d’un mode particulier d’ajustement mutuel. Au-delà de l’image simplifiée de
l’offre et de la demande, il faut se rappeler que nous sommes toujours à la fois (ou tour à tour) deman-
deur et proposeur de quelque chose. Les sociétés sont le produit de cet échange. Pour chaque société,
l’économie constitue un puissant moyen d’action sur elle-même. Elle détermine ses relations avec les
autres sociétés et traduit toutes les formes possibles de cette relation : la dépendance ou la domination,
l’égalité ou la disproportion des moyens ou des ressources, la compétition ou la complémentarité des
intérêts. Mais quoi qu’il en soit, elle démontre le caractère interdépendant de nos collectivités.
Au sein de chaque société particulière, l’activité économique révèle en filigrane une certaine vision du
monde. On renvoie ici à la relation particulière qu’entretient chaque société avec l’univers qui l’entoure.
VI
On pense notamment à son rapport à la nature, quel que soit le statut qu’elle occupe dans le système
de référence de ces sociétés. Dans ce sens, l’activité économique est toujours traversée de références
culturelles. Mais la vie économique, parce qu’elle est basée sur l’échange, favorise inévitablement aussi
l’ajustement mutuel de ces références. Comme toute activité traversée par le poids des références
culturelles,l’activité économique n’est pas seulement un lieu de reproduction,mais également un espace
de création. C’est également un lieu d’altérité, c’est-à-dire un lieu de rencontre et de recomposition
continue des rapports entre les acteurs, chacun apportant et joignant ses priorités, ses vues et ses réfé-
rences à celles des autres. Ainsi, un monde mitoyen se crée-t-il toujours entre sociétés qui ont vocation
à cohabiter et à interagir sur le plan économique.
C’est le grand mérite de l’ouvrage, que nous offre aujourd’hui Marc-Urbain Proulx et son équipe, de
témoigner de cette interaction des références. L’analyse économique s’exprime à l’aide d’un langage
particulier. Elle a ses concepts, ses modèles et ses postulats particuliers. Elle force l’analyse de certaines
dimensions que les autres disciplines laissent trop souvent de côté pour offrir du monde autochtone
une image particulière.L’ étude menée par le professeur Proulx est bien davantage que la toute première
étude réalisée sur la réalité de l’économie autochtone. Elle offre, au-delà de la description d’une réalité
méconnue jusqu’ici, l’analyse originale et organisée de données tirées d’études spécifiques menées par
l’équipe Proulx. Ces données nouvelles sont elles-mêmes mises en lien avec celles d’autres études,
souvent menées dans un cadre plus large où la réalité économique autochtone se trouve noyée. Ce
faisant, le professeur Proulx démontre l’importance de bénéficier de données avérées. Les sociétés
autochtones sont complexes et restent encore méconnues, sous de très nombreuses dimensions. Au
plan des données économiques, c’est une lacune que vient combler l’ouvrage. Plus encore, il offre au
public informé (notamment aux décideurs, autochtones et non autochtones) comme au grand public
une méthode susceptible de fournir des outils pour analyser et mieux comprendre cette réalité écono-
mique. Il met en évidence et schématise la diversité des formes de l’activité économique; l’existence de
modèles très diversifiés de développement et la souplesse de ces approches de l’initiative économique.
Le projet du professeur Proulx a été mené dans le cadre d’une équipe plus vaste, réunie sous le thème
Peuples autochtones et gouvernance et financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du
Canada. Abordé dans sa définition la plus abstraite, le thème de la gouvernance favorise l’étude des
processus par lesquels les membres d’une société donnée sont amenés à définir les grandes orientations
de leur collectivité. On pense immédiatement au processus politique ou à la question des mécanismes
de la décision collective, mais c’est alors la question de la gouvernance dans la perspective de la science
politique.Abordée autrement,dans ses dimensions juridiques,le thème de la gouvernance est largement
affaire de juridiction ou de compétences constitutionnalisées. La question de l’étendue des pouvoirs
autochtones et l’étude de l’étendue des droits ancestraux se trouvent alors au centre du questionnement.
Dans une perspective plus anthropologique, la question de la référence culturelle se superpose à toutes
les autres et les englobe parfois. Le grand avantage de l’analyse économique est de mettre en évidence
la place de la recherche empirique et détaillée dans l’étude des sociétés. On y constate que le monde ne
se réduit pas à la construction de grands équilibres mais qu’elle est également faite de milliers d’inte-
ractions et d’initiatives microscopiques, parfois individuelles qui, «par le bas» construisent également
la société autochtone, comme toutes les sociétés humaines.
C’est une difficulté souvent rencontrée de la recherche autochtone d’aborder la question de l’avenir
des Premières Nations et des communauté à la lumière de grands principes qui, bien qu’ils doivent
être défendus, définis plus clairement et constamment réaffirmés, font oublier la réalité très concrète
des collectivités, leur réalité sociale et économique. L’ouvrage que le professeur Marc-Urbain Proulx
nous offre aujourd’hui, rappelle ces réalités concrètes et, je dirais, «mesurables». Elle donne du moins
VII
la mesure d’une situation jusque-là méconnue même si, comme toute étude fondatrice, elle permet
de sonder tout ce qui nous échappe encore et appelle d’autres travaux, d’autres études empiriques et
d’autres observations.
Je replace cette étude dans le contexte de l’université québécoise et de la recherche universitaire. Il
s’agit d’une étude issue d’une petite équipe œuvrant au sein de l’Université du Québec à Chicoutimi,
une composante importante du réseau de l’Université du Québec. Le pari constamment relevé par les
différentes universités rattachées au réseau de l’UQ, a toujours été celui de la pertinence sociale de la
recherche et de la nécessité de son encrage dans la réalité des collectivités. C’est cette aspiration que
l’ouvrage publié aujourd’hui par les Presses de l’Université du Québec matérialise et exemplifie. Elle
démontre la possibilité de rattacher certaines réalités très particulières à des processus plus globaux.
Le monde autochtone offre dans ce sens un extraordinaire exemple de l’expérience humaine en même
temps qu’il offre la possibilité d’une interaction continue entre le monde de la connaissance et celui de
l’action. Il faut espérer que cette interaction se poursuive et témoigne constamment de l’importance de
l’activité de recherche pour nos sociétés et particulièrement pour les sociétés autochtones.
VIII
TABLE DES MATIÈRES
Préface				 VII
Introduction				 1
Chapitre 1		 La situation socioéconomique et la dynamique de développement	 4
	 1.1 			 La situation socioéconomique des communautés autochtones	 4
		1.1.1 	 La faiblesse des revenus 	 4
		1.1.2 	 Une expansion démographique aux effets contrastés	 8
		1.1.3 	 Les activités et les emplois, obstacles franchissables	 13
	 1.2			 Une sous-estimation des vertus de la formation	 16
	 1.3 			 Une offre de logement inadéquate	 18
	 1.4 			 L’analyse FFOM des communautés autochtones du Québec 	 19
				 Conclusion	 20
Chapitre 2		 La géoéconomie des communautés autochtones du Québec	21
	 2.1 			 Le secteur primaire, entre conservation et progrès 	 21
		2.1.1 	 Les ressources et les activités traditionnelles,
				 leviers du développement touristique	 22
		2.1.2 	 La forêt 	 23
		2.1.3 	 Les ressources naturelles et marines	 23
		2.1.4 	 Les ententes d’ordre général sur l’exploitation des ressources naturelles	 25
	 2.2 			 La prééminence des ressources naturelles dans le secteur secondaire 	 25
		2.2.1 	 L’hydroélectricité	 25
		2.2.2 	 L’industrie minière	 27
	 2.3 			 Les contraintes du secteur tertiaire 	 28
		2.3.1 	 L’emplacement des centres de services	 28
		2.3.2 	 Les interactions entre communautés	 30
				 Conclusion	32
IX
Chapitre 3	 L’entreprenariat autochtone et les modèles organisationnels	 33
	 3.1 			 L’entreprenariat autochtone	 33
	 3.2 			 Le modèle communautaire	 35
		3.2.1 	 Le modèle CREECO 	 37
		3.2.2 	 Le modèle du Grand Conseil de Prince Albert 	 38
		3.2.3 	 Le modèle communautaire d’Essipit	 38
	 3.3 			 Le modèle coopératif	 39
	 3.4			 Le modèle de l’entreprise privée 	 40
				 Conclusion	 43
Chapitre 4		 Le phénomène des partenariats autochtones	 44
	 4.1 			 Des conflits jusqu’aux partenariats 	 44
	 4.2 			 Les vertus des partenariats autochtones-allochtones	 45
		4.2.1	 Le partenariat et le développement économique 	 45
		4.2.2 	 Le partenariat et les capacités productives 	 45
	 4.3 			 Les partenariats autochtones au Québec	 46
		4.3.1 	 Les liens et les intégrations autochtones au Québec	 46
		4.3.2 	 La dynamique de partenariat au Québec 	 49
				 Conclusion 	 52
Chapitre 5		 L’analyse conceptuelle de la maturité économique
				 et les précautions empiriques	 53
	 5.1 			 Le concept de maturité économique 	 53
	 5.2 			 Les précisions empiriques	 58
				 Conclusion	 59
X
Chapitre 6		 Les facteurs de maturité économique	 60
	 6.1 			 La diversification et l’intégration	 60
	 6.2 			 Les niveaux de diversification des populations 	 61
		6.2.1 	 Les études et la formation	 61
		6.2.2 	 La répartition de la formation au sein des nations autochtones	 63
		6.2.3 	 La diversification industrielle et les domaines d’activités	 66
	 6.3 			 L’ouverture des peuples autochtones du Québec	 70
		6.3.1 	 L’ouverture sur l’extérieur	 70
		6.3.2	 La proximité avec les centres urbains (marchés) 	 74
				 Conclusion	 75
	
Chapitre 7		 La classification des communautés autochtones
				 selon leur maturité économique	 76
	 7.1 			 Les critères de maturité	 76
	 7.2 			 La classification	 78
				 Conclusion	 83
Conclusion générale	 84
Postface				 86
Références			 88
1
INTRODUCTION
Il y a quelques décennies,les peuples autochtones des Amériques étaient encore en plein dépérissement.
Plusieurs observateurs croyaient à leur éventuelle disparition ou au mieux à leur assimilation. Leur
population de jadis, que les experts estiment entre 70 et 90 millions lors de l’arrivée des Européens au
XVIe siècle, fut décimée par divers facteurs et conditions incluant évidemment les maladies contrac-
tées des nouveaux arrivants. Elle aurait alors diminuée jusqu’à près de 4 millions. C’est dire que le
parcours historique des Autochtones fut particulièrement difficile. Aujourd’hui, les statistiques nous
indiquent que la population des Premières Nations atteint plus de 40 millions d’individus répartis au
sein de centaines de groupes ethniques dispersés dans les Amériques, dont 227 au Brésil seulement.
Il existe bien sûr de grands peuples tels que les Mayas, les Quechuas, les Guaranis, les Cherokees,
les Navajos, mais aussi de très nombreuses nations plus modestes, mais bien vivantes. De nombreux
Métis choisissent désormais de se déclarer autochtones plutôt que blancs lors des recensements. Ce
rebondissement démographique spectaculaire représente une véritable revitalisation1
, si ce n’est une
véritable renaissance, puisqu’elle est accompagnée d’un renouveau culturel, social, économique et aussi
politique. Un leadership autochtone nouveau s’exprime vigoureusement un peu partout dans la Bolivie
de Evo Morales, bien sûr, mais aussi en Équateur, au Guatemala, au Chiapas et au Venezuela.
Le Québec compte 11 nations autochtones constituées de 54 communautés. À l’exception de la nation
inuite qui regroupe 14 communautés, les 10 autres nations représentent les Premières Nations avec
en leur sein 40 communautés. La principale caractéristique démographique de sa population est son
taux relativement élevé de croissance, comparé au reste du Québec. En effet, la population autochtone
recensée entre 2001 et 2006 est passée respectivement de 79 400 à 87 251 habitants. Ce qui fait un
taux de croissance de 10 % sur une période de cinq ans et un taux de croissance annuel moyen de 2 %.
Comparé au taux de croissance observé au niveau provincial, largement en deçà de 1 % sur la même
période2
, ce constat semble évident. Le calcul du taux de croissance à partir des taux observés dans les
différentes communautés prises individuellement nous donne une variation moyenne de 11 % sur la
période des deux recensements, pourcentage qui reste encore assez élevé.
À l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard qui compte 0,7 % d’Autochtones dans sa population, le
Québec constitue la province qui en abrite le pourcentage le plus faible au Canada. Cela constitue sans
doute un des facteurs qui expliquent une certaine léthargie,comparativement aux autres provinces,dans
les mouvements de partenariats et le développement de réflexions sur les problèmes des Autochtones,
de même que les actions nécessaires aux renforcements des capacités des communautés autochtones.
1	 Voir Rostkowski, J. (2001) Le renouveau indien aux États-Unis, Paris, Albin Michel.
2	 Il se situe à 0,7 % sur la même période selon les données de Statistiques Canada.
2
Cependant, la croissance démographique observée durant les dernières années révèle combien les
problèmes des communautés autochtones sont désormais importants. Ils portent principalement sur
les difficultés d’attirer et de développer les possibilités d’investissements, le manque de ressources
financières, l’instabilité du milieu des affaires, leur faible présence dans les sphères de haut niveau, etc.
En outre, une pléthore de partenariats dans tous les domaines de l’activité économique se déroule
à travers toute l’étendue du territoire fédéral dans des domaines aussi diversifiés que les ressources
humaines, les infrastructures matérielles, la maximisation du potentiel économique, le financement,
l’intermédiation entre les acteurs économiques autochtones et non autochtones, le tourisme, etc.
La croissance démographique de la population autochtone constitue l’un des indicateurs de développe-
ment qui ne manque pas d’interpeler sur la propension des nations autochtones, et des communautés
qui les composent, à prendre en charge leur développement ainsi qu’à profiter de leurs opportunités,
autant au niveau démographique qu’au niveau des dispositions du système3
, et ce, afin d’améliorer leur
maturité économique.
Il importe, pour répondre à ces préoccupations, de trouver des cadres susceptibles de mettre en lumière
les caractéristiques économiques des communautés, et ce, autant dans l’optique de leur évolution que
dans celle d’une approche d’ensemble pour expliquer cette évolution.
Dans sa première phase, la trajectoire économique des communautés autochtones était ponctuée de
conflits à l’endroit du système allochtone (non autochotone) et dans une seconde phase par une volonté
de plus en plus affirmée de partenariat économique. Dans une visée holistique de son niveau de matu-
rité économique, elle est aussi caractérisée par une singularité relative des principales dimensions de
son développement. Certaines d’entre elles exposent des caractéristiques propres aux communautés,
alors que d’autres mettent l’emphase sur la résultante de leurs interactions avec l’environnement et les
ressources naturelles.
Dans le premier motif, deux sous-groupes peuvent être identifiés. D’abord, il s’agit des spécificités des
peuples autochtones qui se distinguent sur : leurs visions communautaristes, le processus décisionnel,
le partage, la place des personnes âgées, etc. Ces attributs distinctifs pourraient influer sur des choix de
modèles d’organisation adaptés à leurs réalités, notamment les coopératives et les partenariats. Ensuite,
il y a les considérations d’ordre général de la maturité économique d’une communauté auxquelles
s’inspirent les champs de la littérature qui s’intéressent à ces questions. La capacité d’adaptation au
changement, l’ouverture, la formation, la diversification, etc., entrent dans ce groupe.
Dans le second motif, le développement peut être tributaire de l’étroitesse des rapports avec les terres
et les ressources. Cette considération autorise une présentation de la géoéconomie des communautés
qui explique, dans quelques situations, les partenariats en lien avec l’utilisation des ressources naturelles
et le développement communautaire.
Ce livre est donc un prétexte pour poser un regard sur l’économie des collectivités autochtones
du Québec, notamment sous l’angle du processus de maturité économique. Dans cette perspec-
tive, les analyses faites dans ce champ permettent de brasser un ensemble de facteurs explicatifs de
leur propension au progrès économique, autant dans leur évolution naturelle que dans les relations
qu’elles entretiennent avec l’environnement et la nature ou avec les populations non autochtones.
3	 Les fonds, ententes, alliances, cadres de rencontres mis en place, dans une perspective de maximisation des gains
économiques potentiels des communautés autochtones.
3
Ainsi, la première partie de ce livre porte essentiellement, au-delà de l’examen des caractéristiques
sociodémographiques (chapitre 1), sur l’analyse des caractéristiques imputables aux relations qu’elles
entretiennent avec leur environnement naturel (chapitre 2) et économique. Ce dernier environne-
ment est étudié à travers les choix organisationnels des communautés en matière d’entreprenariat
(chapitre 3) et de partenariat (chapitre 4).
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, les communautés autochtones seront évaluées sur la base de
facteurs génériques de maturité économique, dans le but de voir qu’elle a été, sur les deux périodes de
recensement, leur dynamique de développement économique. Pour ce faire, il sera, dans un premier
temps, nécessaire de revenir sur la recherche du cadre conceptuel susceptible de justifier le choix de
tels facteurs (chapitre 5), avant de procéder aux applications empiriques autant aux niveaux statique
(chapitre 6) que dynamique (chapitre 7).
REGARDS SUR l’ÉCONOMIE DES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES DU QUÉBEC
À sa façon, la réalité autochtone pose des questions universelles, le type de questions que partagent 
les membres de toutes les sociétés. Quelles que soient ses dimensions, en effet, chaque collectivité 
est confrontée aux impératifs de sa propre existence et de sa relation avec les autres sociétés.
Ce livre pose un regard sur l’économie des collectivités autochtones du Québec, entre autres sous l’angle
du processus de maturité économique. En plus d’être la première étude réalisée sur la réalité de l’économie
autochtone, cet ouvrage offre, au-delà de la description d’une réalité méconnue jusqu’ici, l’analyse originale 
et organisée de données tirées d’études spécifiques menées par l’équipe de Marc-Urbain Proulx.
Les sociétés autochtones sont complexes et restent encore méconnues sous de très nombreuses dimensions.
Sur le plan des données économiques, c’est une lacune que vient combler l’ouvrage. Plus encore, ce dernier
offre au public informé (notamment aux décideurs autochtones et non autochtones) comme au grand public
une méthode susceptible de fournir des outils pour analyser et mieux comprendre cette réalité économique.
Marc-Urbain Proulx est professeur en économie
régionale à l’Université du Québec à Chicoutimi,
directeur scientifique du Centre de recherche
sur le développement territorial et sous-ministre
associé aux Régions au ministère des Affaires
municipales, des Régions et de l’Occupation
des territoires.
En collaboration avec Josée Gauthier,
Ibrahima Diallo, Marise Wapistan 
et Martha Remache.
Presses
de l’Université
du Québec

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  • 1. I REGARDS SUR l’ÉCONOMIE DES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES DU QUÉBEC Marc-Urbain Proulx En collaboration avec Josée Gauthier Ibrahima Diallo Marise Wapistan Martha Remache
  • 2.
  • 3.
  • 4. II La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduc- tion des œuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, la photocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des ventes de livres et compromet- tant la rédaction et la production de nouveaux ouvrages par des professionnels. L’objet du logo apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit le dévelop- pement massif du « photocopillage ». Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 − Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : puq@puq.ca − Internet : www.puq.ca Membrede
  • 5. III REGARDS SUR l’ÉCONOMIE DES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES DU QUÉBEC Marc-Urbain Proulx En collaboration avec Josée Gauthier Ibrahima Diallo Marise Wapistan Martha Remache
  • 6. IV Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 2012, Presses de l’Université du Québec Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition. Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier. Mise en pages : Mathieu Plasse Conception de la couverture : Mathieu Plasse
  • 7. V PRÉFACE Pierre Noreau Directeur du projet Peuples autochtones et gouvernance Centre de recherche en droit public, Université de Montréal À sa façon, la réalité autochtone pose des questions universelles. Le type de questions que partagent les membres de toutes les sociétés.Quelle que soit ses dimensions en effet,chaque collectivité est confron- tée aux impératifs de sa propre existence et de sa relation avec les autres sociétés.La sociologie classique définissait schématiquement les conditions de la vie collective : construire ou maintenir un système de références partagé, définir des normes favorisant la pacification des rapports entres les individus et les regroupements d’individus, établir et stabiliser une procédure d’encadrement des débats publics et les conditions de définition d’orientations collectives légitimes et finalement développer et entretenir une activité productive suffisante pour permettre à la collectivité d’acquérir les ressources nécessaires à son action et à son équilibre relatif : c’est l’activité économique. Mais cette activité n’est jamais totalement autarcique.Aussi loin qu’il remonte dans l’histoire des sociétés humaines, l’observateur est toujours surpris de constater que c’est souvent dans l’activité économique qu’on trouve la source la plus constante des interactions entre les sociétés.C’est que l’activité économique est structurée autour d’un type particulier de relation : l’échange. Elle crée des attentes et des anticipa- tions, elle offre l’exemple d’un mode particulier d’ajustement mutuel. Au-delà de l’image simplifiée de l’offre et de la demande, il faut se rappeler que nous sommes toujours à la fois (ou tour à tour) deman- deur et proposeur de quelque chose. Les sociétés sont le produit de cet échange. Pour chaque société, l’économie constitue un puissant moyen d’action sur elle-même. Elle détermine ses relations avec les autres sociétés et traduit toutes les formes possibles de cette relation : la dépendance ou la domination, l’égalité ou la disproportion des moyens ou des ressources, la compétition ou la complémentarité des intérêts. Mais quoi qu’il en soit, elle démontre le caractère interdépendant de nos collectivités. Au sein de chaque société particulière, l’activité économique révèle en filigrane une certaine vision du monde. On renvoie ici à la relation particulière qu’entretient chaque société avec l’univers qui l’entoure.
  • 8. VI On pense notamment à son rapport à la nature, quel que soit le statut qu’elle occupe dans le système de référence de ces sociétés. Dans ce sens, l’activité économique est toujours traversée de références culturelles. Mais la vie économique, parce qu’elle est basée sur l’échange, favorise inévitablement aussi l’ajustement mutuel de ces références. Comme toute activité traversée par le poids des références culturelles,l’activité économique n’est pas seulement un lieu de reproduction,mais également un espace de création. C’est également un lieu d’altérité, c’est-à-dire un lieu de rencontre et de recomposition continue des rapports entre les acteurs, chacun apportant et joignant ses priorités, ses vues et ses réfé- rences à celles des autres. Ainsi, un monde mitoyen se crée-t-il toujours entre sociétés qui ont vocation à cohabiter et à interagir sur le plan économique. C’est le grand mérite de l’ouvrage, que nous offre aujourd’hui Marc-Urbain Proulx et son équipe, de témoigner de cette interaction des références. L’analyse économique s’exprime à l’aide d’un langage particulier. Elle a ses concepts, ses modèles et ses postulats particuliers. Elle force l’analyse de certaines dimensions que les autres disciplines laissent trop souvent de côté pour offrir du monde autochtone une image particulière.L’ étude menée par le professeur Proulx est bien davantage que la toute première étude réalisée sur la réalité de l’économie autochtone. Elle offre, au-delà de la description d’une réalité méconnue jusqu’ici, l’analyse originale et organisée de données tirées d’études spécifiques menées par l’équipe Proulx. Ces données nouvelles sont elles-mêmes mises en lien avec celles d’autres études, souvent menées dans un cadre plus large où la réalité économique autochtone se trouve noyée. Ce faisant, le professeur Proulx démontre l’importance de bénéficier de données avérées. Les sociétés autochtones sont complexes et restent encore méconnues, sous de très nombreuses dimensions. Au plan des données économiques, c’est une lacune que vient combler l’ouvrage. Plus encore, il offre au public informé (notamment aux décideurs, autochtones et non autochtones) comme au grand public une méthode susceptible de fournir des outils pour analyser et mieux comprendre cette réalité écono- mique. Il met en évidence et schématise la diversité des formes de l’activité économique; l’existence de modèles très diversifiés de développement et la souplesse de ces approches de l’initiative économique. Le projet du professeur Proulx a été mené dans le cadre d’une équipe plus vaste, réunie sous le thème Peuples autochtones et gouvernance et financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Abordé dans sa définition la plus abstraite, le thème de la gouvernance favorise l’étude des processus par lesquels les membres d’une société donnée sont amenés à définir les grandes orientations de leur collectivité. On pense immédiatement au processus politique ou à la question des mécanismes de la décision collective, mais c’est alors la question de la gouvernance dans la perspective de la science politique.Abordée autrement,dans ses dimensions juridiques,le thème de la gouvernance est largement affaire de juridiction ou de compétences constitutionnalisées. La question de l’étendue des pouvoirs autochtones et l’étude de l’étendue des droits ancestraux se trouvent alors au centre du questionnement. Dans une perspective plus anthropologique, la question de la référence culturelle se superpose à toutes les autres et les englobe parfois. Le grand avantage de l’analyse économique est de mettre en évidence la place de la recherche empirique et détaillée dans l’étude des sociétés. On y constate que le monde ne se réduit pas à la construction de grands équilibres mais qu’elle est également faite de milliers d’inte- ractions et d’initiatives microscopiques, parfois individuelles qui, «par le bas» construisent également la société autochtone, comme toutes les sociétés humaines. C’est une difficulté souvent rencontrée de la recherche autochtone d’aborder la question de l’avenir des Premières Nations et des communauté à la lumière de grands principes qui, bien qu’ils doivent être défendus, définis plus clairement et constamment réaffirmés, font oublier la réalité très concrète des collectivités, leur réalité sociale et économique. L’ouvrage que le professeur Marc-Urbain Proulx nous offre aujourd’hui, rappelle ces réalités concrètes et, je dirais, «mesurables». Elle donne du moins
  • 9. VII la mesure d’une situation jusque-là méconnue même si, comme toute étude fondatrice, elle permet de sonder tout ce qui nous échappe encore et appelle d’autres travaux, d’autres études empiriques et d’autres observations. Je replace cette étude dans le contexte de l’université québécoise et de la recherche universitaire. Il s’agit d’une étude issue d’une petite équipe œuvrant au sein de l’Université du Québec à Chicoutimi, une composante importante du réseau de l’Université du Québec. Le pari constamment relevé par les différentes universités rattachées au réseau de l’UQ, a toujours été celui de la pertinence sociale de la recherche et de la nécessité de son encrage dans la réalité des collectivités. C’est cette aspiration que l’ouvrage publié aujourd’hui par les Presses de l’Université du Québec matérialise et exemplifie. Elle démontre la possibilité de rattacher certaines réalités très particulières à des processus plus globaux. Le monde autochtone offre dans ce sens un extraordinaire exemple de l’expérience humaine en même temps qu’il offre la possibilité d’une interaction continue entre le monde de la connaissance et celui de l’action. Il faut espérer que cette interaction se poursuive et témoigne constamment de l’importance de l’activité de recherche pour nos sociétés et particulièrement pour les sociétés autochtones.
  • 10. VIII TABLE DES MATIÈRES Préface VII Introduction 1 Chapitre 1 La situation socioéconomique et la dynamique de développement 4 1.1 La situation socioéconomique des communautés autochtones 4 1.1.1 La faiblesse des revenus 4 1.1.2 Une expansion démographique aux effets contrastés 8 1.1.3 Les activités et les emplois, obstacles franchissables 13 1.2 Une sous-estimation des vertus de la formation 16 1.3 Une offre de logement inadéquate 18 1.4 L’analyse FFOM des communautés autochtones du Québec 19 Conclusion 20 Chapitre 2 La géoéconomie des communautés autochtones du Québec 21 2.1 Le secteur primaire, entre conservation et progrès 21 2.1.1 Les ressources et les activités traditionnelles, leviers du développement touristique 22 2.1.2 La forêt 23 2.1.3 Les ressources naturelles et marines 23 2.1.4 Les ententes d’ordre général sur l’exploitation des ressources naturelles 25 2.2 La prééminence des ressources naturelles dans le secteur secondaire 25 2.2.1 L’hydroélectricité 25 2.2.2 L’industrie minière 27 2.3 Les contraintes du secteur tertiaire 28 2.3.1 L’emplacement des centres de services 28 2.3.2 Les interactions entre communautés 30 Conclusion 32
  • 11. IX Chapitre 3 L’entreprenariat autochtone et les modèles organisationnels 33 3.1 L’entreprenariat autochtone 33 3.2 Le modèle communautaire 35 3.2.1 Le modèle CREECO 37 3.2.2 Le modèle du Grand Conseil de Prince Albert 38 3.2.3 Le modèle communautaire d’Essipit 38 3.3 Le modèle coopératif 39 3.4 Le modèle de l’entreprise privée 40 Conclusion 43 Chapitre 4 Le phénomène des partenariats autochtones 44 4.1 Des conflits jusqu’aux partenariats 44 4.2 Les vertus des partenariats autochtones-allochtones 45 4.2.1 Le partenariat et le développement économique 45 4.2.2 Le partenariat et les capacités productives 45 4.3 Les partenariats autochtones au Québec 46 4.3.1 Les liens et les intégrations autochtones au Québec 46 4.3.2 La dynamique de partenariat au Québec 49 Conclusion 52 Chapitre 5 L’analyse conceptuelle de la maturité économique et les précautions empiriques 53 5.1 Le concept de maturité économique 53 5.2 Les précisions empiriques 58 Conclusion 59
  • 12. X Chapitre 6 Les facteurs de maturité économique 60 6.1 La diversification et l’intégration 60 6.2 Les niveaux de diversification des populations 61 6.2.1 Les études et la formation 61 6.2.2 La répartition de la formation au sein des nations autochtones 63 6.2.3 La diversification industrielle et les domaines d’activités 66 6.3 L’ouverture des peuples autochtones du Québec 70 6.3.1 L’ouverture sur l’extérieur 70 6.3.2 La proximité avec les centres urbains (marchés) 74 Conclusion 75 Chapitre 7 La classification des communautés autochtones selon leur maturité économique 76 7.1 Les critères de maturité 76 7.2 La classification 78 Conclusion 83 Conclusion générale 84 Postface 86 Références 88
  • 13. 1 INTRODUCTION Il y a quelques décennies,les peuples autochtones des Amériques étaient encore en plein dépérissement. Plusieurs observateurs croyaient à leur éventuelle disparition ou au mieux à leur assimilation. Leur population de jadis, que les experts estiment entre 70 et 90 millions lors de l’arrivée des Européens au XVIe siècle, fut décimée par divers facteurs et conditions incluant évidemment les maladies contrac- tées des nouveaux arrivants. Elle aurait alors diminuée jusqu’à près de 4 millions. C’est dire que le parcours historique des Autochtones fut particulièrement difficile. Aujourd’hui, les statistiques nous indiquent que la population des Premières Nations atteint plus de 40 millions d’individus répartis au sein de centaines de groupes ethniques dispersés dans les Amériques, dont 227 au Brésil seulement. Il existe bien sûr de grands peuples tels que les Mayas, les Quechuas, les Guaranis, les Cherokees, les Navajos, mais aussi de très nombreuses nations plus modestes, mais bien vivantes. De nombreux Métis choisissent désormais de se déclarer autochtones plutôt que blancs lors des recensements. Ce rebondissement démographique spectaculaire représente une véritable revitalisation1 , si ce n’est une véritable renaissance, puisqu’elle est accompagnée d’un renouveau culturel, social, économique et aussi politique. Un leadership autochtone nouveau s’exprime vigoureusement un peu partout dans la Bolivie de Evo Morales, bien sûr, mais aussi en Équateur, au Guatemala, au Chiapas et au Venezuela. Le Québec compte 11 nations autochtones constituées de 54 communautés. À l’exception de la nation inuite qui regroupe 14 communautés, les 10 autres nations représentent les Premières Nations avec en leur sein 40 communautés. La principale caractéristique démographique de sa population est son taux relativement élevé de croissance, comparé au reste du Québec. En effet, la population autochtone recensée entre 2001 et 2006 est passée respectivement de 79 400 à 87 251 habitants. Ce qui fait un taux de croissance de 10 % sur une période de cinq ans et un taux de croissance annuel moyen de 2 %. Comparé au taux de croissance observé au niveau provincial, largement en deçà de 1 % sur la même période2 , ce constat semble évident. Le calcul du taux de croissance à partir des taux observés dans les différentes communautés prises individuellement nous donne une variation moyenne de 11 % sur la période des deux recensements, pourcentage qui reste encore assez élevé. À l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard qui compte 0,7 % d’Autochtones dans sa population, le Québec constitue la province qui en abrite le pourcentage le plus faible au Canada. Cela constitue sans doute un des facteurs qui expliquent une certaine léthargie,comparativement aux autres provinces,dans les mouvements de partenariats et le développement de réflexions sur les problèmes des Autochtones, de même que les actions nécessaires aux renforcements des capacités des communautés autochtones. 1 Voir Rostkowski, J. (2001) Le renouveau indien aux États-Unis, Paris, Albin Michel. 2 Il se situe à 0,7 % sur la même période selon les données de Statistiques Canada.
  • 14. 2 Cependant, la croissance démographique observée durant les dernières années révèle combien les problèmes des communautés autochtones sont désormais importants. Ils portent principalement sur les difficultés d’attirer et de développer les possibilités d’investissements, le manque de ressources financières, l’instabilité du milieu des affaires, leur faible présence dans les sphères de haut niveau, etc. En outre, une pléthore de partenariats dans tous les domaines de l’activité économique se déroule à travers toute l’étendue du territoire fédéral dans des domaines aussi diversifiés que les ressources humaines, les infrastructures matérielles, la maximisation du potentiel économique, le financement, l’intermédiation entre les acteurs économiques autochtones et non autochtones, le tourisme, etc. La croissance démographique de la population autochtone constitue l’un des indicateurs de développe- ment qui ne manque pas d’interpeler sur la propension des nations autochtones, et des communautés qui les composent, à prendre en charge leur développement ainsi qu’à profiter de leurs opportunités, autant au niveau démographique qu’au niveau des dispositions du système3 , et ce, afin d’améliorer leur maturité économique. Il importe, pour répondre à ces préoccupations, de trouver des cadres susceptibles de mettre en lumière les caractéristiques économiques des communautés, et ce, autant dans l’optique de leur évolution que dans celle d’une approche d’ensemble pour expliquer cette évolution. Dans sa première phase, la trajectoire économique des communautés autochtones était ponctuée de conflits à l’endroit du système allochtone (non autochotone) et dans une seconde phase par une volonté de plus en plus affirmée de partenariat économique. Dans une visée holistique de son niveau de matu- rité économique, elle est aussi caractérisée par une singularité relative des principales dimensions de son développement. Certaines d’entre elles exposent des caractéristiques propres aux communautés, alors que d’autres mettent l’emphase sur la résultante de leurs interactions avec l’environnement et les ressources naturelles. Dans le premier motif, deux sous-groupes peuvent être identifiés. D’abord, il s’agit des spécificités des peuples autochtones qui se distinguent sur : leurs visions communautaristes, le processus décisionnel, le partage, la place des personnes âgées, etc. Ces attributs distinctifs pourraient influer sur des choix de modèles d’organisation adaptés à leurs réalités, notamment les coopératives et les partenariats. Ensuite, il y a les considérations d’ordre général de la maturité économique d’une communauté auxquelles s’inspirent les champs de la littérature qui s’intéressent à ces questions. La capacité d’adaptation au changement, l’ouverture, la formation, la diversification, etc., entrent dans ce groupe. Dans le second motif, le développement peut être tributaire de l’étroitesse des rapports avec les terres et les ressources. Cette considération autorise une présentation de la géoéconomie des communautés qui explique, dans quelques situations, les partenariats en lien avec l’utilisation des ressources naturelles et le développement communautaire. Ce livre est donc un prétexte pour poser un regard sur l’économie des collectivités autochtones du Québec, notamment sous l’angle du processus de maturité économique. Dans cette perspec- tive, les analyses faites dans ce champ permettent de brasser un ensemble de facteurs explicatifs de leur propension au progrès économique, autant dans leur évolution naturelle que dans les relations qu’elles entretiennent avec l’environnement et la nature ou avec les populations non autochtones. 3 Les fonds, ententes, alliances, cadres de rencontres mis en place, dans une perspective de maximisation des gains économiques potentiels des communautés autochtones.
  • 15. 3 Ainsi, la première partie de ce livre porte essentiellement, au-delà de l’examen des caractéristiques sociodémographiques (chapitre 1), sur l’analyse des caractéristiques imputables aux relations qu’elles entretiennent avec leur environnement naturel (chapitre 2) et économique. Ce dernier environne- ment est étudié à travers les choix organisationnels des communautés en matière d’entreprenariat (chapitre 3) et de partenariat (chapitre 4). Dans la deuxième partie de l’ouvrage, les communautés autochtones seront évaluées sur la base de facteurs génériques de maturité économique, dans le but de voir qu’elle a été, sur les deux périodes de recensement, leur dynamique de développement économique. Pour ce faire, il sera, dans un premier temps, nécessaire de revenir sur la recherche du cadre conceptuel susceptible de justifier le choix de tels facteurs (chapitre 5), avant de procéder aux applications empiriques autant aux niveaux statique (chapitre 6) que dynamique (chapitre 7).
  • 16. REGARDS SUR l’ÉCONOMIE DES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES DU QUÉBEC À sa façon, la réalité autochtone pose des questions universelles, le type de questions que partagent les membres de toutes les sociétés. Quelles que soient ses dimensions, en effet, chaque collectivité est confrontée aux impératifs de sa propre existence et de sa relation avec les autres sociétés. Ce livre pose un regard sur l’économie des collectivités autochtones du Québec, entre autres sous l’angle du processus de maturité économique. En plus d’être la première étude réalisée sur la réalité de l’économie autochtone, cet ouvrage offre, au-delà de la description d’une réalité méconnue jusqu’ici, l’analyse originale et organisée de données tirées d’études spécifiques menées par l’équipe de Marc-Urbain Proulx. Les sociétés autochtones sont complexes et restent encore méconnues sous de très nombreuses dimensions. Sur le plan des données économiques, c’est une lacune que vient combler l’ouvrage. Plus encore, ce dernier offre au public informé (notamment aux décideurs autochtones et non autochtones) comme au grand public une méthode susceptible de fournir des outils pour analyser et mieux comprendre cette réalité économique. Marc-Urbain Proulx est professeur en économie régionale à l’Université du Québec à Chicoutimi, directeur scientifique du Centre de recherche sur le développement territorial et sous-ministre associé aux Régions au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation des territoires. En collaboration avec Josée Gauthier, Ibrahima Diallo, Marise Wapistan et Martha Remache. Presses de l’Université du Québec