1. Compte rendu
REGIME HYDRIQUE ET MINERAL DE LA VIGNE
ELEMENTS DE POTENTIALITE D’UN TERROIR
Auteur : Eric Serrano – ITV France Midi-Pyrénées
Contact : V’innopôle – BP 22 – 81310 Lisle sur Tarn
Date de publication : 2001
2. SOMMAIRE
1 – INTRODUCTION 3
2 – L’ALIMENTATION HYDRIQUE DE LA VIGNE 3
3 – L’ALIMENTATION MINERALE DE LA VIGNE 5
4 – BIBLIOGRAPHIE 6
3. Régime hydrique et minéral de la vigne
Eléments de potentialité d’un terroir
1 - INTRODUCTION
La qualité et la typicité d’un vin provient en grande partie de l’influence du terroir sur le cépage.
D’une manière très générale, on peut définir un terroir comme une aire naturelle caractérisée par des
aptitudes agricoles spécifiques, dues au climat local et à la nature du sol. Le sol est caractérisé par
l’altération de la roche mère appartenant à un étage géologique donné.
Dans le domaine viticole, l’importance et l’influence du terroir ont de tous temps été perçues. Jusqu’à
présent, pour évaluer les capacités viticoles d’un terroir, on s’appuyait sur les connaissances
empiriques accumulées au fil du temps par plusieurs générations de viticulteurs. Les avancées
scientifiques permettent depuis quelques années, de mieux comprendre les phénomènes qui lient la
vigne à son milieu, et ainsi de caractériser des zones viticoles.
Les éléments classiques retenus pour définir un terroir sont : le sous-sol, le sol, le relief et le climat.
Trois types de terroir viticole français
De ces éléments, on attribue au sol, notamment en France, une part prépondérante dans la définition
d’un milieu viticole de qualité. Traditionnellement, les sols à vocation viticole sont peu fertiles et bien
drainés, pour assurer une vendange à rendement modéré et riche en sucres. La vigne est une des
plantes les moins exigeantes en éléments fertilisants, et dont les disponibilités en eau doivent être
limitées. Ainsi, selon le type de sol sur lequel il est implanté, un cépage donnera un produit de qualité
gustative plus ou moins importante. La délimitation des appellations d’origine repose prioritairement
sur cette relation en France. L’expression qualitative d’un même cépage varie selon qu’il se trouve sur
un sol argileux, calcaire, limoneux ou sableux.
Très schématiquement, l’observation empirique montre que les vins issus de sols légers (graves,
arènes granitiques,....) possèdent des caractéristiques plus aromatiques et atteignent plus rapidement
leur optimum que ceux issus de sols plus lourds (argiles). L’exemple type est le cas de la Bourgogne
en France, où la meilleure expression des cépages est très fortement liée au type de sol : le gamay sur
les arènes granitiques du Beaujolais, le chardonnay sur des sols plutôt argileux, et le pinot noir sur des
sols évolués à tendance calcaire.
Ces connaissances ont été acquises au fil du temps, à force d’observations. Mais, existe-t-il un
marqueur simple qui permet d’identifier le potentiel viticole d’un sol ? Quelles variables naturelles
influent le plus la qualité du produit final ?
Des études scientifiques menées depuis quelques années, permettent de mieux appréhender ces
relations sol, cépage, climat.
2 - L’ALIMENTATION HYDRIQUE DE LA VIGNE
Parmi les facteurs influant sur la qualité d’un sol viticole, il ressort de plusieurs recherches, que
finalement, l’alimentation en eau de la vigne est dans de très nombreux cas le facteur de qualité
Régime hydrique et minéral de la vigne – page 3
4. gustative le plus important. Le régime hydrique d’une plante fait intervenir climat et sol au travers de
l’évapotranspiration : la vigne absorbe l’eau par les racines et en relâche par les feuilles.
A la sortie de l’hiver, il existe une certaine quantité d’eau disponible dans le sol : la réserve utile. Cette
réserve diminue au cours du développement végétatif de la vigne, en raison d’une part de
l’évaporation mais surtout de la transpiration des feuilles.
Globalement, la présence d’eau dans le sol est favorable au potentiel végétatif de la vigne. Si la vigne
en dispose suffisamment tout au long du cycle, elle privilégie sa croissance végétative. La
photosynthèse augmente et la vigne utilise alors son énergie à la production de feuilles et tiges, qui va
prédominer sur les baies de raisin. Un certain déficit hydrique est nécessaire pour faire un vin de
qualité. Lorsqu’il se produit, la croissance des rameaux et des baies s’arrête. Les sucres formés par la
photosynthèse sont alors disponibles pour alimenter les baies. Cependant, si ce déficit est trop
important, le manque d’eau provoque un stress hydrique relatif, qui oblige de façon excessive la vigne
à limiter naturellement ses pertes en eau. La plante ferme les stomates de ses feuilles, limitant ou
stoppant ainsi les échanges gazeux. La production de sucres est alors interrompue au détriment de la
maturation. L’idéal pour une production de qualité, est donc de pouvoir disposer d’un sol qui assure un
niveau de déficit hydrique relativement précoce, mais non excessif pour favoriser l’accumulation des
sucres.
Le sol agit donc comme un régulateur de l’apport en eau de la vigne. Sa structure physique,
granulométrique et sa composition en argiles conditionnent ses facultés de rétention de l’eau. On peut
ainsi distinguer les sols percolants qui filtrent les pluies et les sols hydromorphes que ne peuvent
évacuer l’eau que par leur inclinaison.
Le rôle du sol est donc essentiel en viticulture. Il oriente la production dont il fixe les possibilités à
travers sa capacité à réguler l’alimentation hydrique de la vigne. Les sols de plaine, riches, profonds et
frais, favorisent très largement l’alimentation hydrique de la vigne. Ils vont convenir à une production
abondante de raisins, peu précoces et peu riches en sucres. Ils permettent également l’obtention d’eau-
de-vie dont la qualité est souvent proportionnelle au rendement.
Si l’on aborde les sols de coteaux, où la réserve hydrique du sol est peu importante, la vigne aura une
croissance plus faible et plus brève. Elle est apte à produire des vins de grande qualité, fins et
équilibrés. Cette aptitude dépend de la perméabilité des sols, de leur aération et de l’enracinement du
végétal. Des mesures de potentiel hydrique de feuilles permettent de visualiser le niveau de stress que
peut enregistrer la plante sur différents types de sols. Le graphique ci-dessous schématise les
différences existantes entre un sol de plaine fertile, et un sol de coteaux sec. Si au printemps, peu de
différences sont enregistrées, en été, les disponibilités en eau des sols de coteaux deviennent faibles, et
n’alimentent plus que faiblement la plante. En revanche, les sols de plaine fournissent une eau trop
faiblement retenue.
Date
13/6 23/6 3/7 13/7 23/7 2/8 12/8 22/8 1/9 11/9 21/9
0.00
Potentiel hydrique foliaire de base (Mpa)
-0.10
-0.20
-0.30
-0.40
-0.50
-0.60
parcelle de plaine
-0.70
parcelle de coteaux
-0.80
-0.90
Evolution saisonnière du potentiel hydrique de base sur cépage Duras planté sur zone de plaine et de coteaux (2000)
Régime hydrique et minéral de la vigne – page 4
5. Des recherches très poussées dans le Bordelais ont ainsi montré que des sols très différents, comme
des alluvions gravelo-sableux et des sols très argileux, donnent des réponses similaires en terme
d’alimentation hydrique de la vigne.
Dans les graves, la présence de cailloux rend le sol très filtrant et donc peu riche en eau, mais les
racines vont chercher l’humidité en profondeur jusqu’à 3 ou 7 mètres. Sur les sols argileux, la quantité
d’eau est importante, mais les argiles très denses retiennent l’eau. Le système racinaire est peu
développé et est sur une faible profondeur. Il ne peut donc absorber en surabondance de l’eau.
Enfin, sur certains sols à roche mère calcaire (calcaires à astéries de St Emilion), l’alimentation de la
vigne se fait par capillarité. L’eau s’engouffre rapidement dans les blocs de calcaire tendres et épais.
Les racines absorbent peu de cette eau de passage. En revanche, en cas de sécheresse, elles tirent vers
le haut les réserves hydriques du calcaire par capillarité. La vigne dispose ainsi d’une alimentation
régulière et peu abondante.
3 - L’ALIMENTATION MINERALE DE LA VIGNE
L’alimentation minérale de la vigne est le deuxième facteur prépondérant dans la détermination des
potentialités viticoles d’un sol. La vigne, pour se développer, a besoin de quinze éléments nutritifs : les
macro-éléments (azote, calcium, potassium,...) et les oligo-éléments (fer, zinc, bore,....).
De nombreux résultats montrent que les besoins de la vigne en éléments minéraux sont très faibles,
quel que soit le système de culture adopté. Aussi, la viticulture se différencie-t-elle des autres cultures,
notamment des cultures annuelles. Les normes de fertilité son totalement différentes du fait des faibles
besoins de la vigne, mais également des capacités d’exploration du sol très importantes de ses racines.
Tous les éléments minéraux indispensables à la vigne jouent un rôle important dans son
développement : une carence grave de l’un d’entre eux est en mesure de freiner ou stopper la
croissance de la plante. Cependant, parmi ces éléments, l’azote est certainement l’élément primordial
pour définir les potentialités viticoles d’un sol.
Son effet est considérable sur la vigueur et la capacité de production des souches. Une alimentation
excessive en azote provoque le plus souvent une augmentation de la sensibilité de la vigne aux
maladies cryptogamiques, et à la coulure, ainsi qu’une réduction de la qualité.
Associé à une alimentation hydrique non limitante, un niveau d’azote élevé dans le sol conduit à une
vigueur exubérante, notamment sous les climats chauds et ensoleillés. En l’absence de fertilisation
minérale, l’azote utilisée par la vigne à plusieurs origines, dont la principale est la minéralisation de la
matière organique du sol. Des teneurs de 1.5 à 2 % de matière organique suffisent généralement à
l’alimentation azotée de la vigne. Sur des sols bien pourvus en eau, une carence azotée peut être
facteur qualitatif en limitant la croissance.
Dans la détermination des potentialités viticoles d’un terroir, c’est donc le sol qui exerce la première
influence et qui oriente la production. En plus des conditions hydriques et minérales qu’il détermine,
on peut également citer son action sur le microclimat de la vigne, à travers son exposition, sa couleur
ou l’importance de ses cailloutis, qui vont jouer notamment sur la température au niveau du sol.
Certains terroirs sont donc naturellement plus favorables que d’autres à la culture de la vigne. Les
bases qui en définissent les caractéristiques, climat et sol en particulier, doivent absolument être
connues par le technicien avant l’établissement d’un vignoble. Faute de quoi, les objectifs de
production peuvent ne jamais être atteints. Toutefois, l’homme peut jouer un rôle de deux façons à
l’égard du terroir :
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6. • il peut essayer d’en améliorer certains aspects, en aménageant des terrasses sur les plus fortes
pentes, ou en réalisant le drainage des sols afin d’évacuer l’eau excédentaire, et favoriser une
alimentation régulière en eau
• dans la pratique, il peut surtout s’adapter au terroir à travers les choix des cépages, des porte-
greffes et de la conduite de la vigne
De nombreuses études de terroir ont ainsi été menées en France sur des vignobles déjà en place. Au-
delà de tenter de mieux comprendre les interactions existantes entre le terroir et la qualité du produit
fini, elles ont essentiellement pour but de permettre aux viticulteurs d’adapter son travail au terroir sur
lequel il se trouve. De nombreuses cartes ont pu être définies, permettant une meilleure gestion
technique du vignoble : plan de drainage, de fertilisation, choix du porte-greffe et des cépages, mode
optimum d’entretien du sol, etc... ; ou même une meilleure gestion des vinifications en les adaptant
aux particularités des terroirs.
Au travers de ces résultats, on voit que le terroir oriente à la base la production. Mais, il n’en reste pas
moins qu’ensuite se pose la question d’un « bon ou mauvais » terroir. Une question élémentaire est
alors à se poser : quel type de viticulture est recherché ? Est-ce une production maximale de tonnes de
vendange sans originalité marquée ? Ou est-ce une production originale et fine de quelques variétés
choisies en accord avec le milieu naturel ? Deux viticultures s’opposent. Ainsi, l’intérêt que l’on
portera à tel ou tel terroir sera-t-il totalement différent.
4 - BIBLIOGRAPHIE
F. Champagnol, 1984 – Eléments de physiologie de la vigne et de viticulture générale
P. Huglin, C. Schneider, 1998 – Biologie et écologie de la vigne – Editions Tec & Doc Lavoisier
J. Branas, 1946 – Eléments de viticulture générale – Montpellier
G. Seguin, 1983 – Influence des terroirs viticoles sur la constitution et la qualité de la vendange –
Bulletin OIV, 3-17
C. Van Leeuwen, 1991 – Le vignoble de St-Emilion : répartion des sols et fonctionnement hydrique ;
incidences sur le comportement de la vigne et la maturation du raisin – Thèse doctorat Université
Bordeaux II
R. Morlat, 1989 – Le terroir viticole : contribution à l’étude de sa caractérisation et de son influence
sur les vins. Applications aux vignobles rouges de la moyenne vallée de la Loire – Thèse d’état
Université Bordeaux II
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