1. UNE COMPARAISON EDIFIANTE !
Le jeu russe pour briser l'Ukraine
LE MONDE | 15.04.2014 à 10h34 • Mis à jour le 15.04.2014 à 11h35
Abonnez-vous
à partir de 1 € Réagir Classer
Partager facebook twitter google + linkedin pinterest
Editorial du Monde. Contrairement à ce qu'avancent les
diplomates européens, Vladimir Poutine n'est pas si
difficile à comprendre. Il fait ce qu'il dit. La règle vaut
souvent pour les autocrates. Elle s'applique
particulièrement bien au président russe.
M. Poutine ne veut pas d'une Ukraine indépendante, en tout cas d'une Ukraine qui disposerait
de suffisamment de souveraineté pour conclure un partenariat avec l'Union européenne. Plutôt
démanteler le pays, par la force s'il le faut. C'est ce que M. Poutine est en train de réaliser,
avec d'autant plus de succès que l'Europe ne réagit guère.
Depuis une semaine, des militants prorusses armés de pied en cap s'emparent des bâtiments
publics dans plusieurs villes de l'est de l'Ukraine. Ces militants bénéficient d'un large soutien
de la population. Ils ont vite été rejoints par des soldats professionnels sans insigne, encore
mieux équipés, le visage masqué. De l'autre côté de la frontière, en Russie, l'état-major a
massé 40 000 hommes, prêts à intervenir dans l'heure.
Cela ne vous rappelle rien ? Les bons diplomates européens s'étaient d'abord déclarés
convaincus que jamais Moscou ne s'en prendrait à la Crimée. Puis juraient, croix de bois croix
de fer, que M. Poutine n'irait pas plus loin, bien sûr.
La vérité est que le scénario est en train de se reproduire. Le maître du Kremlin n'a pas besoin
d'envoyer ses divisions blindées de l'autre côté de la frontière. Il suscite des rébellions locales,
d'autant plus facilement que l'est de l'Ukraine est volontiers tourné vers la Russie.
Les Russes ont exposé leur plan. Ils veulent une Ukraine pratiquant un fédéralisme poussé.
Une nouvelle architecture constitutionnelle doit permettre à tout l'est du pays de passer un
accord d'association étroit avec la Russie. Il s'agit pour le Kremlin de limiter la souveraineté
de Kiev et de conserver une manière de tutelle directe sur toute une partie de l'Ukraine.
Pour y arriver, la Russie affaiblit un peu plus encore le gouvernement de Kiev. En organisant
ou en soutenant ces soulèvements à l'est, qui, s'ils tournent au bain de sang, fourniront un bon
prétexte à Moscou pour dépêcher ses troupes.
Des mois de propagande intensive dans les médias russes ont préparé le terrain. Chaque jour,
les télévisions de M. Poutine diffusent du mensonge d'Etat à saturation : les juifs d'Ukraine
feraient l'objet de pogroms ; le gouvernement de Kiev n'est désigné que sous le terme de «
groupe fasciste » ou « nazi », qui martyriserait les prorusses du pays – bizarrement, c'est la
rhétorique même que reprennent les « rebelles » spontanés des villes de l'Est…
En refusant de dénoncer ouvertement la main du Kremlin dans les événements d'Ukraine,
l'Europe donne corps au mensonge du Kremlin. C'est plus que de la faiblesse, c'est de la bêtise
doublée d'un déni de réalité. Une posture de perdants.