2. Puis vint le smartphone, qui, tel un raz-de-marée, se répandit dans nos sociétés vouées à la
consommation et avides de mobilité. Et avec lui, des millions, puis des milliards d’émojis
voyagent à travers le monde par voie de textos. En 2015, six milliards auraient ainsi été échangés
chaque jour.
«Il existe une version de "Moby Dick" en émojis.»
Pour le docteur en sciences du langage Pierre Halté, l’emploi de ces signes n’est pas un
phénomène éphémère, car ils permettent non seulement de montrer ses émotions comme
à l’oral, mais ils satisfont aussi à notre mode de communication instantané combinant télé-
phonie mobile, envoi de messages et chat.
Si les émoticônes se contentaient, au départ, de ponctuer les messages, aujourd’hui,
elles se substituent parfois au langage écrit. Il existe même une version de «Moby Dick»,
le célèbre roman d’Herman Melville, entièrement en émojis, intitulée «Emoji Dick»
(http://www.emojidick.com).
Il est donc justifié de se demander si les images sont en passe de remplacer les mots.
«Hiéroglyphes égyptiens et pictogrammes sumériens»
Les pictogrammes, illustrations ultrastylisées et graphiques sont de plus en plus utilisés pour
transmettre l’information. C’est probablement parce que notre cerveau, débordé par tous ces
messages qui nous arrivent de toutes parts est sans cesse au bord de l’overdose. Des études ont
montré que, sur une page Internet, nous ne lisons même pas 30% des mots. Tandis que nous
avançons péniblement dans la jungle des communications écrites, le décryptage d’un symbole
par notre cerveau s’effectue en millisecondes.
Les émojis nous ramènent il y a quelque 6000 ans en arrière, au temps des hiéroglyphes
égyptiens et des pictogrammes sumériens. Avant cela, nous vivions dans un monde sans écriture.
Grâce à Internet, nous allons peut-être y retourner.
Ø Sur le même sujet:
- Interview de Pierre Halté: www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2017/07/17/37002-
20170717ARTFIG00037-pierre-halte-l-emoji-n-est-pas-un-appauvrissement-du-langage.php
- Article du Nouvel Obs: https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-
connectees/20130801.RUE8040/overdose-de-mots-sur-internet-notre-cerveau-prefere-les-
images.html
Sylvie Castagné est mère d’une adolescente qui, comme la plupart de ses pairs, lâche difficilement son smartphone.
La jeune fille trouve toutefois que sa mère passe un peu trop de temps sur Facebook, Twitter et Instagram. La rédactrice
free-lance basée à Zurich prend plaisir à explorer l’univers numérique et à analyser l’impact des réseaux sociaux sur nos vies.
@belluslocus