1. LA VOIX DU NORD
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ARRAGEOIS
3215.
On a coutume de donner la parole
aux joueurs ou joueuses, aux en-
traîneurs, aux présidents… Plus
rarement aux supporters « de
base ». Ceux qui ont la passion de
leur sport chevillée au corps.
Exemple avec Daniel Lemahieu.
Une figure qu’on voit régulière-
ment dans les travées de la halle
Tételin pour supporter les basket-
teuses. Les petites et les grandes…
Parfois, il dérange ou agace avec
sa franchise. Mais on ne peut pas
lui reprocher de ne pas savoir de
quoi il cause… « Depuis ma jeu-
nesse, je suis fan de basket. C’est
simple. J’ai grandi dedans. Petit, je
faisais du solfège, mais il a fallu défi-
ler… J’ai lâché la musique pour le
basket ! »
Ses enfants aussi s’y sont mis.
« J’ai eu quatre enfants et Nicolas a
joué en Nationale 2. J’ai conduit
mes enfants s’entraîner à Gravelines
avec Jean Galle. Ma fille Catherine
est maman d’une fille qui a fait
l’école de basket de Bourges et d’un
fils qui vient de finir le CREPS… »
Tout ça pour décrire la passion
d’un Daniel Lemahieu qui est ar-
rivé à Arras il y a un peu plus de
huit ans et qui se désole de voir la
situation qui secoue aujourd’hui
le club. « J’ai connu l’équipe avec
(Bruno) Blier, avec ses qualités et
ses défauts… Pour moi, c’est le Mon-
sieur qui ne savait pas demander les
temps morts quand il le fallait. Et
quand il faisait entrer une joueuse, il
n’y avait pas de dialogue ! Et puis, on
n’avait pas le droit de perdre la finale
retour en coupe d’Europe. »
« Thibaut Petit, il a gagné
la Coupe de France »
Et Thibaut Petit ? « C’est un garçon
qui, pour moi, avait beaucoup de
qualités et qu’on a “squeezé”. C’est
quand même lui qui nous a fait ga-
gner la Coupe de France. On a eu
l’air de dire qu’il avait eu de la
chance. Eh bien non ! Il l’a gagnée.
Ensuite, on a cassé son image avec
les recrutements. Mais… C’est le
président qui a embauché les filles.
Thibaut ne m’a dit jamais dit un mot
contre ses dirigeants. »
Allons-y avec Marc Silvert, coach
« en réserve »… jusqu’à son dé-
part négocié. « Je l’ai connu à Or-
chies, à la grande époque. Il avait des
moyens avec la chicorée Leroux et il
a bénéficié de la qualité des joueuses.
À Arras, ça a été double zéro ! Pour
moi, il faisait du “cinéma”. J’ai fait
des courriers à (Jean-Louis) Mon-
neret pour dire mon mécontente-
ment, qu’il fallait changer d’entraî-
neur… Son seul commentaire c’était
de me répondre : “Je n’ai pas les
moyens de le virer !” »
« Rester à ce niveau-là ! »
Quant à Cécile Piccin… « Elle est
très bien pour son équipe de jeunes.
Mais est-elle assez mûre ? Avec ses
Espoirs, elle fait du bon boulot, mais
elle a encore besoin de s’affirmer
pour “driver” des filles de haut ni-
veau. »
Et le président Jean-Louis Monne-
ret ? « J’ai toujours eu une relation
de sympathie, mais sans véritable
lien… Que voulez-vous ! On lui laisse
la bride sur le cou. À partir de là, il
fait un peu ce qu’il veut. Au club, il
devrait y avoir un comité des sages,
en plus du comité sportif. Avec, pour-
quoi pas, des anciennes basketteuses.
Et pas que des gens qui acquiescent à
tout. Maintenant, il faut tout mettre
en œuvre pour le club reste à ce ni-
veau-là. » ■
MARCO VERRIEST
ARRAS
Daniel Lemahieu a observé l’évolution du basket féminin depuis
plusieurs années. Et ça le chagrine. PHOTO PASCAL BONNIERE
Daniel Lemahieu : « Il devrait
y avoir un comité des sages au club »
៑Ce que contient l’audit. Le club
souffre de difficultés de trésorerie.
La ville préconise de « recréer un
fonds de roulement équivalent au
minimum à trois mois de fonction-
nement » et de rechercher des
sources de financement privées
autres que l’aide des collectivités
publiques.
Sur la gestion comptable, « il se-
rait préférable, afin d’assurer une
gestion rigoureuse et profession-
nelle, de faire appel à un cabinet
d’expert-comptable ».
៑Ce que répondent les dirigeants.
« Le maire a surtout insisté sur le re-
cours à un expert-comptable pour
nous sécuriser, rapporte Jean-
Louis Monneret. On y a déjà réflé-
chi. Mais ça a un coût, plus de
10 000 €, qu’il faudra absorber. On
pèse le pour et le contre. »
Concernant les trois mois de tré-
sorerie d’avance, « c’est facile à
dire, on aimerait bien. Il faudrait
nous trouver des partenaires supplé-
mentaires. 50 % de subventions pu-
bliques, il y a beaucoup de clubs qui
n’y sont pas. » Jean-Luc Blier sou-
ligne que des clubs de Ligue fémi-
nine ont un budget avec 80 % de
subventions publiques.
Le président Monneret se veut
rassurant : « Après cet audit, les
institutionnels ont confiance en
nous à 100 %. » ■
ARRAS
Finances : « Les institutionnels
ont confiance », selon le club
La moitié du budget nourri
par des subventions publiques
52 %
L’audit reprend les recettes du club sur les quatre derniers exercices. En
moyenne, 1,6 million d’euros, dont 844 000 € de subventions publiques
(52 %). Les partenariats privés représentent 657 000 € ; la billetterie et les
abonnements, 70 000 € ; les « autres produits », 67 000 € ; les buvettes,
29 000 €. Les postes « billetterie » et « buvettes » ont été dopés lors des sai-
sons 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013 lors des participations à l’Euro-
coupe puis à l’Euroligue. Ils sont redescendus respectivement à 25 810 et
16 240 € cette saison.
436 000 €
C’est le montant des aides de la ville d’Arras pour la saison 2013-2014 :
309 000 € sous forme de subvention et 127 000 € sous forme de soutien
logistique (mise à disposition de la halle des sports), selon la convention d’ob-
jectifs et de moyens signée avec le club et renouvelable chaque saison.
240 000 €
La subvention allouée par le conseil régional. « C’est une grille en fonction
du sport et du niveau », précise Jean-Louis Monneret. Villenveuve-d’Ascq
perçoit la même somme qu’Arras : 220 000 € plus 20 000 € pour participer
au financement du centre de formation agréé.
123 750 €
La somme versée par la communauté urbaine d’Arras (CUA) au titre du sou-
tien des clubs au plus haut niveau (Arras pays d’Artois en basket féminin,
l’ASL en canoë-kayak et Arras Football féminin).
62 500 €
L’aide apportée par le conseil général du Pas-de-Calais « en accompagne-
ment des clubs formateurs ». ■
➤ EN CHIFFRES
៑Ce que contient l’audit. Il pointe
« le niveau important de masse sala-
riale de l’équipe professionnelle », avec
ce commentaire : « La ville n’a pas à
se prononcer sur ce niveau important,
mais prend note du faible volume de la
masse salariale consacré au centre de
formation et son écart avec celle de
l’équipe pro. »
Puis de préconiser « une baisse pro-
gressive mais significative de la masse
salariale en privilégiant le recours aux
joueuses du centre de formation et de
l’équipe Espoir, ce qui réduira de fait le
poste budgétaire lié à la rémunération
des agents de joueuses. » La ville vou-
drait aussi que le club cesse de fi-
nancer les locations d’appartements
des joueuses pros.
៑Ce que répondent les dirigeants.
« Les avantages en nature sont déclarés,
précise le président. C’est intégré à la
masse salariale. Sil n’y a plus de loge-
ments, plus aucune joueuse ne viendra.
Privilégier les joueuses du centre de for-
mation et de l’équipe Espoir (aux côtés
des pros), c’est ce qu’on fait, mais il
faut être au niveau. »
Maispourleclub,direenpréambule
qu’il faut baisser la masse salariale
n’est pas une solution. « Ça veut dire,
“il faut descendre” », traduit Jean-
Louis Monneret, qui a cru entendre
le maire réclamer des résultats spor-
tifs. « On aura une des trois masses sa-
lariales les plus faibles » de la Ligue fé-
minine, avec un budget en baisse de
10 à 15 %. « Pendant trois ans, on
avait huit joueuses pro, cette année on
en a cinq, plus des conventions de for-
mation.On ne peut pas faire moins. » ■
Masse salariale : la ville
payeur… et conseilleur
Faire confiance aux jeunes :
« Oui, mais... » PHOTO P
. BONNIERE
Silvert : c’est réglé
Le contrat de Marc Silvert, mis à
l’écart en février, a été rompu en
mai, un an avant son terme. Le
montant de l’indemnité de rup-
ture n’a pas été dévoilé. Cécile Pic-
cin, confirmée à la tête de l’équipe,
possède un contrat de deux ans. ■
➤ RUPTURE
2. LA VOIX DU NORD
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Relégation sportive deux
années de suite et situation
conflictuelle entre la direction
du club et d’anciens membres
de l’association, créant un
préjudice d’image pour la ville :
c’en était trop pour le maire,
qui a ordonné un audit.
L’enquête bouclée, les finances
décortiquées, Frédéric Leturque
a renouvelé sa confiance au
président et aux dirigeants.
Pourtant, le document, que
nous nous sommes procurés,
énumère des « préconisations »
et pointe des manquements.
PAR LAURENT BOUCHER
lboucher@lavoixdunord.fr
PHOTO PASCAL BONNIERE
Au terme de l’audit réalisé ce
printemps par un agent munici-
pal, le maire a reçu le président et
son conseil d’administration le
2 juillet, puis fait un bref com-
mentaire public en marge du
conseil municipal du 7 juillet.
« La gestion de l’association est plu-
tôt rigoureuse », a indiqué ce soir-
là Frédéric Leturque, précisant
juste que le club devrait travailler
à la « mise en place d’un fonds de
roulement pour avoir quelques mois
de trésorerie d’avance ».
Le président Jean-Louis Monneret
retient que l’élu « a pris beaucoup
de hauteur » avec les résultats de
l’audit, et « renouvelle sa confiance
pleine et entière au conseil d’admi-
nistration et au président. Le club est
géré correctement, sans aucune dé-
rive, avec des choix qu’on peut discu-
ter. Ça nous a apaisés. »
La lecture du document de quinze
pages laisse toutefois perplexe sur
certains points. Sur le plan des
statuts et de la gouvernance, de la
gestion comptable, de l’image
renvoyée par les conflits, et même
des choix sportifs en lien avec les
moyens budgétaires, la ville
donne ses conseils et réclame
quelques changements. On les
passe en revue. ■
ARRAS
Après l’audit d’Arras pays d’Artois :
la « confiance » du maire, mais...
Le président Jean-Louis Monneret a connu une deuxième saison de suite semée d’embûches.
៑Une équipe en Ligue féminine re-
légable (13e
sur 14) deux années de
suite, et sauvée administrativement
de la descente, alors qu’elle évoluait
en Euroligue (l’élite des clubs euro-
péens)en2012-2013,aprèsavoirat-
teintlafinaled’Eurocoupeen2011et
gagné la Coupe de France en 2012.
៑Un budget de 1,6 million avec
844 000 € de subventions publiques.
៑Sept nouvelles joueuses recrutées
pour la saison 2014-2015, dont une
Américaine, une Canadienne, une
Néo-Zélandaise, une Croate et une
Malienne au passeport français.
៑Un centre de formation labélisé,
avec deux joueuses (sur dix) qui en
sont issues pour évoluer cette année
en Ligue féminine.
➤ REPÈRES
៑Ce que contient l’audit. L’asso-
ciation régie par la loi de 1901 a
vu ses statuts modifiés le 10 jan-
vier 2014. Les membres du
conseil d’administration (au
nombre de neuf) et le président
sont élus pour une durée de six
ans, avec un renouvellement par
tiers tous les deux ans lors de l’as-
semblée générale ordinaire. Si le
club compte 170 adhérents,
beaucoup sont des joueuses qui
n’ont pas le droit de vote (accordé
à partir de 16 ans). Dans les faits,
toutes les décisions importantes
se prendraient en AG ordinaire
entre les membres du conseil
d’administration. Pour l’auditeur,
« l’assemblée générale ordinaire ne
joue pas son rôle d’instance de démo-
cratie participative » et « la gouver-
nance de l’association favorise le
maintien de l’équipe en place ».
La ville demande au club « d’ou-
vrir davantage la gouvernance de
l’association aux adhérents » par
une refonte des statuts et de « re-
voir les modalités de renouvellement
des membres du conseil d’adminis-
tration et la fixation de la durée du
mandat du président à trois exer-
cices ».
៑Le contexte. Autant de re-
marques apportant de l’eau au
moulin des opposants aux diri-
geants en place, Pierre Pradel et
Bruno Blier, qui ont tenté, sans
grand écho, de proposer « un
autre projet » pour le club.
៑Ce que répondent les dirigeants.
Jean-Louis Monneret, président,
Jean-Luc Blier, vice-président, et
Christian Tavet, directeur du
centre de formation et adminis-
trateur, soulignent d’une même
voix que les statuts ont été modi-
fiés en début d’année à la de-
mande de la ville. « Nous avons
mis textuellement ces modifications
en œuvre pour faciliter la gestion du
club. Il y a eu deux assemblées géné-
rales extraordinaires où l’adjointe
aux sports était présente. Tout a été
remis en ordre. »
Le conseil d’administration fonc-
tionne avec une confiance renou-
velée « tous les ans » au président.
Jean-Louis Monneret : « Les oppo-
sants ne sont pas deux cents. On a le
soutien de la quasi-totalité des par-
tenaires qui souhaitent que ça conti-
nue comme ça. » ■
La gouvernance à revoir ?
«Le club est géré
sans aucune dérive.»
Mais le document énumère
des «préconisations».
៑Ce que contient l’audit. Il sou-
ligne que les associations au bud-
get supérieur à 150 000 € et sub-
ventionnées à plus du tiers par les
collectivités sont tenues de « pu-
blier chaque année dans le compte fi-
nancier les rémunérations des trois
plus hauts cadres dirigeants béné-
voles et salariés, ainsi que leurs
avantages en nature », ce qui n’est
pas respecté. Conclusion : « L’ab-
sence et/ou la mauvaise communi-
cation du club altère son image et
celle de la ville, principal soutien fi-
nancier. » Autre point : « Une mau-
vaise gestion des conflits suite au dé-
part de l’entraîneur (Marc Silvert,
mis à l’écart en février dernier),
jetant le discrédit sur la bonne ges-
tion du club. »
L’audit pointe encore « l’absence
totale de mise en concurrence des
prestataires pour les contrats de ré-
ception et d’animation » qui
« contribue à semer le doute sur une
gestion saine ».
៑Ce que répondent les dirigeants.
Concernant les trois plus gros sa-
laires, Jean-Louis Monneret ré-
pond que les montants seront di-
vulgués, mais pas les noms. « Pu-
blier les noms n’aurait que des effets
négatifs au sein de l’effectif. Les gens
n’ont pas toutes les données pour ju-
ger pourquoi telle joueuse est payée
plus qu’une autre. » Il précise que
les trois plus gros salaires (en in-
cluant les avantages en nature)
sont « toujours des joueuses ».
Concernant les conflits, le pré-
sident rejette les responsabilités
ailleurs : « Ce n’est pas nous qui les
avons voulus. Un conflit avec un
coach, ça arrive dans tous les clubs.
Nous n’avons pas eu les résultats es-
pérés ; (sa mise à l’écart), c’est un
choix. »
Sur les prestations commerciales,
Jean-Louis Monneret s’énerve :
« Dire que la société du président
(Alentours Organisation) s’enri-
chit sur le compte du club, c’est de la
diffamation ! Je fais 4 % de mon
chiffre d’affaires sur l’ensemble du
Pas-de-Calais, y compris Arras. Les
prestations le soir (hôtesses d’ac-
cueil) sont parfaitement entérinées
par le conseil d’administration et le
commissaire aux comptes. On a fait
appel à trois agences et appliqué le
moins cher, avec 25 % de remise. »
Et au sujet des repas servis par le
restaurant Le Carnot, dont l’an-
cien gérant est administrateur du
club : « On prend prioritairement
des partenaires, bien sûr, mais à des
prix défiant toute concurrence. » Et
de préciser : « Daniel Basdevant
était partenaire, il est devenu
membre du CA. » ■
Les hôtesses d’Alentours Orga-
nisation. PHOTO PASCAL BONNIERE
Image et transparence en question