SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  4
Télécharger pour lire hors ligne
du Greffier de la Cour
CEDH 208 (2013)
09.07.2013
Les peines de perpétuité réelle doivent prévoir une possibilité
de réexamen mais il ne faut pas y voir une perspective
d'élargissement imminent
Dans son arrêt de Grande Chambre, définitif1, rendu ce jour dans l’affaire Vinter et
autres c. Royaume-Uni (requêtes nos 66069/09, 130/10 et 3896/10), la Cour
européenne des droits de l’homme dit, par seize voix contre une, qu’il y a eu :
Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants)
de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans cette affaire, les trois requérants voyaient dans leurs peines d'emprisonnement à
perpétuité un traitement inhumain et dégradant car, selon eux, ils n'avaient aucun
espoir d'élargissement.
La Cour a conclu en particulier que, pour qu'une peine perpétuelle demeure compatible
avec l'article 3, il doit exister aussi bien une possibilité d'élargissement qu'une possibilité
de réexamen. Elle a relevé une nette tendance dans le droit et la pratique européens et
internationaux en faveur de ces principes, une large majorité des Parties contractantes à
la Convention ne prononçant en fait jamais la réclusion à perpétuité ou, si elles le font,
prévoyant un réexamen de ce type de peine une fois passé un délai fixe (en général 25
années d'emprisonnement).
L'état du droit national régissant le pouvoir habilitant le ministre de la Justice à mettre
en liberté un condamné à la perpétuité réelle n'était pas clair. En outre, avant 2003, le
ministre réexaminait automatiquement la nécessité des peines de perpétuité réelle au
bout de 25 ans. Ce système avait été supprimé en 2003 et aucun autre mécanisme de
réexamen n'avait été mis en place. Dans ces conditions, la Cour n’a pas été convaincue
que les peines de perpétuité réelle infligées aux requérants étaient compatibles avec la
Convention européenne.
En constatant une violation dans cette affaire, cependant, la Cour n'entend pas offrir aux
requérants la moindre perspective d'élargissement imminent. L'opportunité de leur mise
en liberté dépendrait par exemple du point de savoir si leur maintien en détention se
justifie toujours par des motifs légitimes d'ordre pénologique ou pour des raisons de
dangerosité. Ces questions ne se posaient pas en l'espèce et n’ont pas donné matière à
débat devant la Cour.
La seule demande au titre de la satisfaction équitable avait été formée par M. Vinter et la
Cour ne lui a accordé aucune somme pour dommage.
Principaux faits
Les requérants, Douglas Gary Vinter, Jeremy Neville Bamber et Peter Howard Moore,
sont des ressortissants britanniques nés respectivement en 1969, 1961 et 1946. Tous les
trois purgent actuellement des peines d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre.
1 Les arrêts de Grande Chambre sont définitifs (article 44 de la Convention).
Tous les arrêts définitifs sont transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille
l’exécution. Pour plus d’informations sur la procédure d’exécution, consulter le site internet :
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution
2
M. Vinter fut reconnu coupable du meurtre de son épouse en février 2008, ayant déjà
été condamné pour le meurtre d'un collègue en 1996. M. Bamber fut convaincu des
meurtres de ses parents adoptifs, de sa sœur et des deux enfants en bas âge de celle-ci
en août 1995. M. Moore fut reconnu coupable de quatre meurtres commis entre
septembre et décembre 1995.
Les requérants se sont vu infliger la perpétuité réelle, ce qui veut dire qu'ils ne peuvent
être élargis qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice, lequel ne
l'exercera que pour des motifs humanitaires (par exemple en cas de maladie mortelle en
phase terminale ou de grave invalidité).
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale, lorsque la perpétuité
était imposée par un tribunal, le ministre (à l'époque celui de l'Intérieur) statuait sur la
durée d'emprisonnement minimale du condamné (« période punitive »), à qui la
perpétuité réelle pouvait être infligée. Si une période punitive à perpétuité était
prononcée, le ministre de l'Intérieur réexaminait la peine au bout de 25 ans. La loi de
2003 dispose que c'est le juge déterminant la peine qui fixe la période punitive ou
ordonne la perpétuité réelle mais elle ne prévoit plus la possibilité d'un réexamen de la
perpétuité réelle au bout de 25 ans.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant en particulier l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou
dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme, tous les trois
requérants voient dans leur incarcération, selon eux sans espoir de libération, un
traitement inhumain et dégradant.
Les requêtes ont été respectivement introduites devant la Cour européenne des droits de
l’homme le 11 décembre 2009, le 17 décembre 2009 et le 6 janvier 2010. Dans son
arrêt de chambre du 17 janvier 2012, une chambre de la Cour a conclu, par quatre voix
contre trois, à l’absence de violation de l'article 3 de la Convention au motif que les
peines infligées aux requérants ne s'analysaient pas en un traitement inhumain ou
dégradant. La majorité de la chambre a notamment considéré que les requérants
n'avaient pas démontré que leur maintien en détention ne poursuivait plus aucun but
légitime d'ordre pénologique. Elle a également souligné que les peines de perpétuité
réelle infligées aux requérants avaient été soit récemment imposées par une juridiction
de jugement (dans le cas de M. Vinter), soit récemment réexaminées par la High Court
(dans le cas de MM. Bamber et Moore).
Le 9 juillet 2012, l'affaire, qui regroupe les trois requêtes jointes, a été renvoyée2 devant
la Grande Chambre à la demande des requérants. Une audience de Grande Chambre a
été tenue à Strasbourg le 28 novembre 2012.
L’arrêt a été rendu par une Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de :
Dean Spielmann (Luxembourg), président,
Josep Casadevall (Andorre),
Guido Raimondi (Italie),
Ineta Ziemele (Lettonie),
Mark Villiger (Liechtenstein),
2 En vertu de l'article 43 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans un délai de trois mois à
compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels,
demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Un collège de cinq juges examine alors si l’affaire
soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles,
ou une question grave de caractère général. Si aucune question de cette nature n’est soulevée, il rejette la
demande, à la suite de quoi l'arrêt en question devient définitif.
3
Isabelle Berro-Lefèvre (Monaco),
Dragoljub Popović (Serbie),
Luis López Guerra (Espagne),
Mirjana Lazarova Trajkovska (« L’Ex-République Yougoslave de Macédoine »),
Nona Tsotsoria (Géorgie),
Ann Power-Forde (Irlande),
Işıl Karakaş (Turquie),
Nebojša Vučinić (Monténégro),
Linos-Alexandre Sicilianos (Grèce),
Paul Lemmens (Belgique),
Paul Mahoney (Royaume-Uni),
Johannes Silvis (Pays-Bas),
ainsi que de Michael O’Boyle, greffier adjoint.
Décision de la Cour
Article 3 (traitement inhumain et dégradant)
La Cour estime que, pour qu'une peine de perpétuité demeure compatible avec
l'article 3, il doit exister tant une possibilité d'élargissement qu'une possibilité de
réexamen.
C'est aux autorités nationales de décider à quel moment ce réexamen doit avoir lieu.
Cela étant, il se dégage des éléments de droit comparé et de droit international produits
devant la Cour une nette tendance en faveur d’un mécanisme garantissant un réexamen
vingt-cinq ans au plus tard après l’imposition de la peine perpétuelle.
Une large majorité d’Etats parties à la Convention soit ne prononcent jamais de
condamnation à perpétuité, soit, s’ils le font, prévoient un mécanisme qui garantit un
réexamen des peines perpétuelles après un délai fixe - en général au bout de vingt-cinq
années d’emprisonnement. Enfin, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
auquel sont parties 121 Etats, dont la grande majorité des Etats membres du Conseil de
l’Europe, prévoit le réexamen des peines perpétuelles après vingt-cinq ans
d’emprisonnement, puis périodiquement.
Le gouvernement du Royaume-Uni a plaidé devant la Cour que le but de la loi de 2003
était d’exclure l’exécutif du processus décisionnel en matière de peines perpétuelles et
que c'était la raison de l'abolition du réexamen au bout de 25 ans par le ministre de
l'Intérieur, mécanisme qui existait avant 2003. La Cour estime cependant qu’il eût été
plus conforme à l'intention du législateur de prévoir que ce réexamen serait désormais
conduit dans un cadre entièrement judiciaire, au lieu de le supprimer complètement.
La Cour constate par ailleurs que l'état du droit en vigueur en Angleterre et au pays de
Galles concernant les perspectives d'élargissement des détenus à perpétuité n'est pas
clair.
L'article 30 de la loi de 1997 donne au ministre de la Justice le pouvoir de libérer tout
détenu, y compris condamné à la perpétuité réelle. Pour la Cour, ce pouvoir peut être
exercé d'une manière compatible avec l'article 3 de la Convention. Cependant, il doit
être mis en contraste avec l'ordonnance des services pénitentiaires pertinente qui fixe
les conditions d'élargissement et prévoit que cette mesure ne peut être ordonnée que si
le détenu est atteint d'une maladie mortelle en phase terminale ou est invalide.
Compte tenu de ce manque de clarté et de cette absence de mécanisme de réexamen
spécial pour les peines de perpétuité réelle, la Cour n’est pas pas convaincue que, à
4
l'heure actuelle, la perpétuité infligée aux requérants soit compatible avec l'article 3. Elle
en conclut à la violation de cette disposition à l'égard de chacun des requérants.
La Cour souligne toutefois que le constat de violation dans le cas des requérants ne
saurait être compris comme leur offrant une perspective d’élargissement imminent.
L'opportunité de leur mise en liberté dépendrait par exemple du point de savoir si leur
maintien en détention se justifie toujours par des motifs légitimes d'ordre pénologique
ou pour des raisons de dangerosité. Ces questions ne se posaient pas en l'espèce et
n’ont pas donné matière à débat devant la Cour.
Satisfaction équitable (Article 41)
Seul M. Vinter a formulé une demande au titre de la satisfaction équitable et la Cour dit
que le constat de violation vaut en lui-même satisfaction équitable pour tout dommage
moral qu'il aurait subi. Elle accorde néanmoins 40 000 euros au titre des frais et dépens
de ses avocats, y compris ceux se rapportant à l'audience devant la Grande Chambre.
Opinions séparées
Les juges Ziemele, Power-Forde et Mahoney ont exprimé des opinions concordantes et le
juge Villiger a exprimé une opinion partiellement dissidente, dont le texte se trouve joint
à l’arrêt.
L’arrêt existe en anglais et français.
Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts
rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci,
peuvent être obtenus sur www.echr.coe.int. Pour s’abonner aux communiqués de presse
de la Cour, merci de s’inscrire ici : www.echr.coe.int/RSS/fr ou de nous suivre sur
Twitter @ECHR_Press.
Contacts pour la presse
echrpress@echr.coe.int | tel: +33 3 90 21 42 08
Tracey Turner-Tretz (tel: + 33 3 88 41 35 30)
Nina Salomon (tel: + 33 3 90 21 49 79)
Denis Lambert (tel: + 33 3 90 21 41 09)
Jean Conte (tel: + 33 3 90 21 58 77)
La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats
membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de
la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.

Contenu connexe

Tendances

11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001
11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 200111 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001
11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001OBFG
 
La grenouille et les pingouins
La grenouille et les pingouinsLa grenouille et les pingouins
La grenouille et les pingouinsJLMB
 
Communiqué de presse du barreau d'Itsanbuk
Communiqué de presse du barreau d'ItsanbukCommuniqué de presse du barreau d'Itsanbuk
Communiqué de presse du barreau d'ItsanbukJLMB
 
Conseil constitutionnel déchéance (1)
Conseil constitutionnel déchéance (1)Conseil constitutionnel déchéance (1)
Conseil constitutionnel déchéance (1)FactaMedia
 
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIACPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIAJLMB
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzJLMB
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzJLMB
 
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principaleL'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principaleFATDavocat
 
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?JLMB
 
Arret CEDH Dayanan C Turquie
Arret CEDH Dayanan C  TurquieArret CEDH Dayanan C  Turquie
Arret CEDH Dayanan C TurquieJLMB
 
Projet modif législation sur les armes
Projet modif législation sur les armesProjet modif législation sur les armes
Projet modif législation sur les armesRabolliot
 
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...JLMB
 
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerde
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerdeCassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerde
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerdeThierry Debels
 
Loi 13.08.2011 salduz
Loi 13.08.2011   salduzLoi 13.08.2011   salduz
Loi 13.08.2011 salduzJLMB
 
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feiten
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feitenBende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feiten
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feitenThierry Debels
 
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012FactaMedia
 
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoire
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoireProjet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoire
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoireJLMB
 

Tendances (18)

11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001
11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 200111 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001
11 10 2011 avis obfg prop loi interpré du 2 mai 2001
 
La grenouille et les pingouins
La grenouille et les pingouinsLa grenouille et les pingouins
La grenouille et les pingouins
 
Communiqué de presse du barreau d'Itsanbuk
Communiqué de presse du barreau d'ItsanbukCommuniqué de presse du barreau d'Itsanbuk
Communiqué de presse du barreau d'Itsanbuk
 
Conseil constitutionnel déchéance (1)
Conseil constitutionnel déchéance (1)Conseil constitutionnel déchéance (1)
Conseil constitutionnel déchéance (1)
 
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIACPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA
CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
 
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principaleL'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale
L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale
 
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?
Le monde 14.4.20 Comment comprendre les propos du bâtonnier de Valence ?
 
Arret CEDH Dayanan C Turquie
Arret CEDH Dayanan C  TurquieArret CEDH Dayanan C  Turquie
Arret CEDH Dayanan C Turquie
 
Projet modif législation sur les armes
Projet modif législation sur les armesProjet modif législation sur les armes
Projet modif législation sur les armes
 
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...
Discour du bâtonnier de Mauritanie : situation des droits de la défense dans ...
 
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerde
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerdeCassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerde
Cassatie verwerpt 'corona-argument' gedetineerde
 
Newsletter juin2016
Newsletter juin2016Newsletter juin2016
Newsletter juin2016
 
Loi 13.08.2011 salduz
Loi 13.08.2011   salduzLoi 13.08.2011   salduz
Loi 13.08.2011 salduz
 
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feiten
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feitenBende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feiten
Bende-onderzoek vandaag gebaseerd op materiële feiten
 
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012
Arrêt de la CEDH : Affaire Gas et Dubois contre la France - 15/03/2012
 
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoire
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoireProjet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoire
Projet de loi sur la présence de l'avocat dès le premier interrogatoire
 

En vedette

Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2
Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2
Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2Sunaina Rawat
 
Arrêté anti-prostitution ville de Toulouse
Arrêté anti-prostitution ville de ToulouseArrêté anti-prostitution ville de Toulouse
Arrêté anti-prostitution ville de ToulouseFabrice Valéry
 
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014Chambre de commerce de Lévis
 
Paris je t’aime 2
Paris je t’aime 2Paris je t’aime 2
Paris je t’aime 2adecraene
 
French - AEM/Yamana Offre pour Osisko
French - AEM/Yamana Offre pour OsiskoFrench - AEM/Yamana Offre pour Osisko
French - AEM/Yamana Offre pour OsiskoAgnico Eagle Mines
 
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...Industrie_Vitre
 
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean Dancause
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean DancausePérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean Dancause
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean DancauseChambre de commerce de Lévis
 
Court extract
Court extractCourt extract
Court extractsegun43
 
Souvenirs de-1968(gt-03.14)a
Souvenirs de-1968(gt-03.14)aSouvenirs de-1968(gt-03.14)a
Souvenirs de-1968(gt-03.14)aMircea Tivadar
 
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...Gérard Marquié
 
Parcours Paris je t’aime 2
Parcours Paris je t’aime 2Parcours Paris je t’aime 2
Parcours Paris je t’aime 2adecraene
 
Arte Ciencia
Arte CienciaArte Ciencia
Arte Ciencialindared
 
L'autriche
L'autricheL'autriche
L'autricheherve13
 
Pyrenees (Eleonora e Francesca)
Pyrenees (Eleonora e Francesca)Pyrenees (Eleonora e Francesca)
Pyrenees (Eleonora e Francesca)classe20genova
 
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)Audrey Leblanc
 
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011PROMOTECH CEI
 

En vedette (20)

Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2
Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2
Class 10 Cbse Social Science Question Paper Term 2
 
Arrêté anti-prostitution ville de Toulouse
Arrêté anti-prostitution ville de ToulouseArrêté anti-prostitution ville de Toulouse
Arrêté anti-prostitution ville de Toulouse
 
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014
Transition economieverte chambrecommercelevis_20141014
 
Paris je t’aime 2
Paris je t’aime 2Paris je t’aime 2
Paris je t’aime 2
 
French - AEM/Yamana Offre pour Osisko
French - AEM/Yamana Offre pour OsiskoFrench - AEM/Yamana Offre pour Osisko
French - AEM/Yamana Offre pour Osisko
 
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...
2ème édition des Distinctions de l'Académie des Métiers de l'Industrie du Pay...
 
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean Dancause
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean DancausePérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean Dancause
Pérennité d'entreprise 7 mai 2014 - Réjean Dancause
 
Court extract
Court extractCourt extract
Court extract
 
Souvenirs de-1968(gt-03.14)a
Souvenirs de-1968(gt-03.14)aSouvenirs de-1968(gt-03.14)a
Souvenirs de-1968(gt-03.14)a
 
Manual de estilos de aprendizaje
Manual de estilos de aprendizajeManual de estilos de aprendizaje
Manual de estilos de aprendizaje
 
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...
Pratiques numériques des jeunes européens - information et internet : observe...
 
Cendoc fs
Cendoc fsCendoc fs
Cendoc fs
 
Parcours Paris je t’aime 2
Parcours Paris je t’aime 2Parcours Paris je t’aime 2
Parcours Paris je t’aime 2
 
Arte Ciencia
Arte CienciaArte Ciencia
Arte Ciencia
 
L'autriche
L'autricheL'autriche
L'autriche
 
Religiile lumii
Religiile lumiiReligiile lumii
Religiile lumii
 
Pyrenees (Eleonora e Francesca)
Pyrenees (Eleonora e Francesca)Pyrenees (Eleonora e Francesca)
Pyrenees (Eleonora e Francesca)
 
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)
C. Oury_Archivage du web à la BNF (2012)
 
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011
Tutorial de connexion au visio lab de wizvet 30 Novembre 2011
 
020 02 num04_08
020 02 num04_08020 02 num04_08
020 02 num04_08
 

Similaire à Rret de grande chambre vinter et autres c. royaume uni les peines de perpetuite reelle doivent prevo

2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)
2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)
2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)OBFG
 
Pierre Defourny rend hommage à Jacques Henry
Pierre Defourny rend hommage à Jacques HenryPierre Defourny rend hommage à Jacques Henry
Pierre Defourny rend hommage à Jacques HenryJLMB
 
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011FactaMedia
 
Frank Nuñez Morillas
Frank Nuñez MorillasFrank Nuñez Morillas
Frank Nuñez Morillasfranknm7
 
Articulo jurídico 3
Articulo jurídico 3Articulo jurídico 3
Articulo jurídico 3franknm7
 
FRANK NUÑEZ MORILLAS
FRANK NUÑEZ MORILLASFRANK NUÑEZ MORILLAS
FRANK NUÑEZ MORILLASfranknm7
 
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...Institut pour la Justice
 
Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011JLMB
 
Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011JLMB
 
Projet de thèse - Le droit transitoire
Projet de thèse - Le droit transitoireProjet de thèse - Le droit transitoire
Projet de thèse - Le droit transitoirePierre Bon
 

Similaire à Rret de grande chambre vinter et autres c. royaume uni les peines de perpetuite reelle doivent prevo (12)

2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)
2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)
2011 11 30 réponse obfg consultation détention (2)
 
Pierre Defourny rend hommage à Jacques Henry
Pierre Defourny rend hommage à Jacques HenryPierre Defourny rend hommage à Jacques Henry
Pierre Defourny rend hommage à Jacques Henry
 
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011
Arrêt de la CEDH : S.H et autres contre l'Autriche - 03/11/2011
 
Frank Nuñez Morillas
Frank Nuñez MorillasFrank Nuñez Morillas
Frank Nuñez Morillas
 
Articulo jurídico 3
Articulo jurídico 3Articulo jurídico 3
Articulo jurídico 3
 
FRANK NUÑEZ MORILLAS
FRANK NUÑEZ MORILLASFRANK NUÑEZ MORILLAS
FRANK NUÑEZ MORILLAS
 
STEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDFSTEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDF
 
STEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDFSTEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDF
 
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...
L'article 3 de la CEDH: de l'interdiction des traitements inhumains et dégrad...
 
Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011
 
Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011Proposition de directive du 8 juin 2011
Proposition de directive du 8 juin 2011
 
Projet de thèse - Le droit transitoire
Projet de thèse - Le droit transitoireProjet de thèse - Le droit transitoire
Projet de thèse - Le droit transitoire
 

Rret de grande chambre vinter et autres c. royaume uni les peines de perpetuite reelle doivent prevo

  • 1. du Greffier de la Cour CEDH 208 (2013) 09.07.2013 Les peines de perpétuité réelle doivent prévoir une possibilité de réexamen mais il ne faut pas y voir une perspective d'élargissement imminent Dans son arrêt de Grande Chambre, définitif1, rendu ce jour dans l’affaire Vinter et autres c. Royaume-Uni (requêtes nos 66069/09, 130/10 et 3896/10), la Cour européenne des droits de l’homme dit, par seize voix contre une, qu’il y a eu : Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans cette affaire, les trois requérants voyaient dans leurs peines d'emprisonnement à perpétuité un traitement inhumain et dégradant car, selon eux, ils n'avaient aucun espoir d'élargissement. La Cour a conclu en particulier que, pour qu'une peine perpétuelle demeure compatible avec l'article 3, il doit exister aussi bien une possibilité d'élargissement qu'une possibilité de réexamen. Elle a relevé une nette tendance dans le droit et la pratique européens et internationaux en faveur de ces principes, une large majorité des Parties contractantes à la Convention ne prononçant en fait jamais la réclusion à perpétuité ou, si elles le font, prévoyant un réexamen de ce type de peine une fois passé un délai fixe (en général 25 années d'emprisonnement). L'état du droit national régissant le pouvoir habilitant le ministre de la Justice à mettre en liberté un condamné à la perpétuité réelle n'était pas clair. En outre, avant 2003, le ministre réexaminait automatiquement la nécessité des peines de perpétuité réelle au bout de 25 ans. Ce système avait été supprimé en 2003 et aucun autre mécanisme de réexamen n'avait été mis en place. Dans ces conditions, la Cour n’a pas été convaincue que les peines de perpétuité réelle infligées aux requérants étaient compatibles avec la Convention européenne. En constatant une violation dans cette affaire, cependant, la Cour n'entend pas offrir aux requérants la moindre perspective d'élargissement imminent. L'opportunité de leur mise en liberté dépendrait par exemple du point de savoir si leur maintien en détention se justifie toujours par des motifs légitimes d'ordre pénologique ou pour des raisons de dangerosité. Ces questions ne se posaient pas en l'espèce et n’ont pas donné matière à débat devant la Cour. La seule demande au titre de la satisfaction équitable avait été formée par M. Vinter et la Cour ne lui a accordé aucune somme pour dommage. Principaux faits Les requérants, Douglas Gary Vinter, Jeremy Neville Bamber et Peter Howard Moore, sont des ressortissants britanniques nés respectivement en 1969, 1961 et 1946. Tous les trois purgent actuellement des peines d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre. 1 Les arrêts de Grande Chambre sont définitifs (article 44 de la Convention). Tous les arrêts définitifs sont transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution. Pour plus d’informations sur la procédure d’exécution, consulter le site internet : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution
  • 2. 2 M. Vinter fut reconnu coupable du meurtre de son épouse en février 2008, ayant déjà été condamné pour le meurtre d'un collègue en 1996. M. Bamber fut convaincu des meurtres de ses parents adoptifs, de sa sœur et des deux enfants en bas âge de celle-ci en août 1995. M. Moore fut reconnu coupable de quatre meurtres commis entre septembre et décembre 1995. Les requérants se sont vu infliger la perpétuité réelle, ce qui veut dire qu'ils ne peuvent être élargis qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice, lequel ne l'exercera que pour des motifs humanitaires (par exemple en cas de maladie mortelle en phase terminale ou de grave invalidité). Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale, lorsque la perpétuité était imposée par un tribunal, le ministre (à l'époque celui de l'Intérieur) statuait sur la durée d'emprisonnement minimale du condamné (« période punitive »), à qui la perpétuité réelle pouvait être infligée. Si une période punitive à perpétuité était prononcée, le ministre de l'Intérieur réexaminait la peine au bout de 25 ans. La loi de 2003 dispose que c'est le juge déterminant la peine qui fixe la période punitive ou ordonne la perpétuité réelle mais elle ne prévoit plus la possibilité d'un réexamen de la perpétuité réelle au bout de 25 ans. Griefs, procédure et composition de la Cour Invoquant en particulier l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme, tous les trois requérants voient dans leur incarcération, selon eux sans espoir de libération, un traitement inhumain et dégradant. Les requêtes ont été respectivement introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme le 11 décembre 2009, le 17 décembre 2009 et le 6 janvier 2010. Dans son arrêt de chambre du 17 janvier 2012, une chambre de la Cour a conclu, par quatre voix contre trois, à l’absence de violation de l'article 3 de la Convention au motif que les peines infligées aux requérants ne s'analysaient pas en un traitement inhumain ou dégradant. La majorité de la chambre a notamment considéré que les requérants n'avaient pas démontré que leur maintien en détention ne poursuivait plus aucun but légitime d'ordre pénologique. Elle a également souligné que les peines de perpétuité réelle infligées aux requérants avaient été soit récemment imposées par une juridiction de jugement (dans le cas de M. Vinter), soit récemment réexaminées par la High Court (dans le cas de MM. Bamber et Moore). Le 9 juillet 2012, l'affaire, qui regroupe les trois requêtes jointes, a été renvoyée2 devant la Grande Chambre à la demande des requérants. Une audience de Grande Chambre a été tenue à Strasbourg le 28 novembre 2012. L’arrêt a été rendu par une Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de : Dean Spielmann (Luxembourg), président, Josep Casadevall (Andorre), Guido Raimondi (Italie), Ineta Ziemele (Lettonie), Mark Villiger (Liechtenstein), 2 En vertu de l'article 43 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Un collège de cinq juges examine alors si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles, ou une question grave de caractère général. Si aucune question de cette nature n’est soulevée, il rejette la demande, à la suite de quoi l'arrêt en question devient définitif.
  • 3. 3 Isabelle Berro-Lefèvre (Monaco), Dragoljub Popović (Serbie), Luis López Guerra (Espagne), Mirjana Lazarova Trajkovska (« L’Ex-République Yougoslave de Macédoine »), Nona Tsotsoria (Géorgie), Ann Power-Forde (Irlande), Işıl Karakaş (Turquie), Nebojša Vučinić (Monténégro), Linos-Alexandre Sicilianos (Grèce), Paul Lemmens (Belgique), Paul Mahoney (Royaume-Uni), Johannes Silvis (Pays-Bas), ainsi que de Michael O’Boyle, greffier adjoint. Décision de la Cour Article 3 (traitement inhumain et dégradant) La Cour estime que, pour qu'une peine de perpétuité demeure compatible avec l'article 3, il doit exister tant une possibilité d'élargissement qu'une possibilité de réexamen. C'est aux autorités nationales de décider à quel moment ce réexamen doit avoir lieu. Cela étant, il se dégage des éléments de droit comparé et de droit international produits devant la Cour une nette tendance en faveur d’un mécanisme garantissant un réexamen vingt-cinq ans au plus tard après l’imposition de la peine perpétuelle. Une large majorité d’Etats parties à la Convention soit ne prononcent jamais de condamnation à perpétuité, soit, s’ils le font, prévoient un mécanisme qui garantit un réexamen des peines perpétuelles après un délai fixe - en général au bout de vingt-cinq années d’emprisonnement. Enfin, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel sont parties 121 Etats, dont la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, prévoit le réexamen des peines perpétuelles après vingt-cinq ans d’emprisonnement, puis périodiquement. Le gouvernement du Royaume-Uni a plaidé devant la Cour que le but de la loi de 2003 était d’exclure l’exécutif du processus décisionnel en matière de peines perpétuelles et que c'était la raison de l'abolition du réexamen au bout de 25 ans par le ministre de l'Intérieur, mécanisme qui existait avant 2003. La Cour estime cependant qu’il eût été plus conforme à l'intention du législateur de prévoir que ce réexamen serait désormais conduit dans un cadre entièrement judiciaire, au lieu de le supprimer complètement. La Cour constate par ailleurs que l'état du droit en vigueur en Angleterre et au pays de Galles concernant les perspectives d'élargissement des détenus à perpétuité n'est pas clair. L'article 30 de la loi de 1997 donne au ministre de la Justice le pouvoir de libérer tout détenu, y compris condamné à la perpétuité réelle. Pour la Cour, ce pouvoir peut être exercé d'une manière compatible avec l'article 3 de la Convention. Cependant, il doit être mis en contraste avec l'ordonnance des services pénitentiaires pertinente qui fixe les conditions d'élargissement et prévoit que cette mesure ne peut être ordonnée que si le détenu est atteint d'une maladie mortelle en phase terminale ou est invalide. Compte tenu de ce manque de clarté et de cette absence de mécanisme de réexamen spécial pour les peines de perpétuité réelle, la Cour n’est pas pas convaincue que, à
  • 4. 4 l'heure actuelle, la perpétuité infligée aux requérants soit compatible avec l'article 3. Elle en conclut à la violation de cette disposition à l'égard de chacun des requérants. La Cour souligne toutefois que le constat de violation dans le cas des requérants ne saurait être compris comme leur offrant une perspective d’élargissement imminent. L'opportunité de leur mise en liberté dépendrait par exemple du point de savoir si leur maintien en détention se justifie toujours par des motifs légitimes d'ordre pénologique ou pour des raisons de dangerosité. Ces questions ne se posaient pas en l'espèce et n’ont pas donné matière à débat devant la Cour. Satisfaction équitable (Article 41) Seul M. Vinter a formulé une demande au titre de la satisfaction équitable et la Cour dit que le constat de violation vaut en lui-même satisfaction équitable pour tout dommage moral qu'il aurait subi. Elle accorde néanmoins 40 000 euros au titre des frais et dépens de ses avocats, y compris ceux se rapportant à l'audience devant la Grande Chambre. Opinions séparées Les juges Ziemele, Power-Forde et Mahoney ont exprimé des opinions concordantes et le juge Villiger a exprimé une opinion partiellement dissidente, dont le texte se trouve joint à l’arrêt. L’arrêt existe en anglais et français. Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être obtenus sur www.echr.coe.int. Pour s’abonner aux communiqués de presse de la Cour, merci de s’inscrire ici : www.echr.coe.int/RSS/fr ou de nous suivre sur Twitter @ECHR_Press. Contacts pour la presse echrpress@echr.coe.int | tel: +33 3 90 21 42 08 Tracey Turner-Tretz (tel: + 33 3 88 41 35 30) Nina Salomon (tel: + 33 3 90 21 49 79) Denis Lambert (tel: + 33 3 90 21 41 09) Jean Conte (tel: + 33 3 90 21 58 77) La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.