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DU Mf:~IE AUTEUR
,. CrmS",OK ct n. SCRRCAT), Heyel. collection , Philosophes "
Presses Universitaires de France, l(NO ; 4' éd. (revue), 1963.
« QUE SAIS-JE ? »
LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES
N° 1029 - ­
HEGEL

ET
L'HÉGÉLIANISME

par
René SERREAU
Pro,'esseur 11Onoraire de Pl1üosophie
au Lycée .fansan-d,-SailLy
TROISIÈME ÉDITION
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS
~968) UATRlÈME ~l1LLE~ VfNGT-Q
DÉPOT LÉGAL
1re édition 4e trimestre 1962
3e 2° - 1968
TOUS DROITS

de traduction, dereproduction etd'adaptation

réservés pour tous pays

© 1962, Presses Universitaires de France
s-
INTRODUCTION
1. Avant-propos. - On a dit de Hegel qu'il est l'Aristote i2lr
des temps modernes. Sa doctrine est en effet le syst~me le
plus complet et sans doute le plus profond qu'un philosophe
ait jamais conçu. Elle embrasse tous les domaines du savoir
et reconstruit par sa dialectique les aspects les plus divers
de l'expérience humaine, ne voulant laisser subsister aucun
résidu mystérieux, aucune intériorité cachée, aucune trans­
cendance inintelligible.
L'hégélianisme est de ce fait une philosophie d'un abord
difficile. Il n'en a pas moins exercé une influence considérable
au xrxe siècle et, après une longue éclipse, est revenu aujour­
d'hui au premier plan cn s'associant à des courants parfois
fort opposés de la pensée contemporaine.
Nous ne pouvons prétcndre fairc connaître toute la doctrine
de Hegel, ni même résu::ner so=airement scs œuvres. Ce que
nous voulons, c'cst mcttre en lumière aussi nettement que
possible les thèmes les plus essentiels qui la caractérisent et
expliquent l'influence qu'elle a exercée et exeree encore
aujourd'hui. Considérant l'hégélianisme comme une philo­
sophie toujours vivante, nous laisserons de côté lc dévelop­
pement historique de la pensée de Hegel pour nous attacher à
présenter ses enseignements dans l'ordre même où leur in­
fluence s'est excrcée. Rcnversant ainsi la chronologie de ses
œuvres, nous commencerons par l'étude du système tel qu'il
est exposé dans la Logique et dans l'Encyclopédie par~e &le
c'est le seul aspcct de son œuvre qu'on ait connu au sièc e
àêi'i'iiCrct'qu'i~aemeure aujourd'hui encore - nous le
pensons - la base la plus sûrement établie. Nous parlerons
seulemcnt dans le dernier chapitre de la Phénoménologie, parcc
que cc livrc, la première grande œuvre de Hegel, est devenu
aujourd'hui l'œuvre hégélienne par excellence, celle qui
répond le mieux aux courants les plus suivis de la pensée
contemnoraine. Eutre ces deux narties extrêmes nous accor­
derons ;}ne place assez longue à l~ philosophie de la religion et
à la doctrine politique de Hegel: c'est en effet sur ces deux
•••
6	 HEGEL ET L'uF;cELlAN /S.H E
ordres de problèmes que s'est produite la scission de l'Ecole
hégélienne; de là sont issus des courants de pensée fort
divergents qui font qu'on voit dans l'hégélianisme tantôt
l'inter~tatio~.!ayl~~()i2nde d.U christlaDisme, tantôt le
pIUSsûr fonaement <le l'humanisme at1ée - tantôt la source
du pangermanisme, tantôt la racine du marxisme. Nous
commencerons par une étude des antécédents de l'hégélia­
nisme, non pas seulement pour situer Hegel dans l'histoire des
doctrines, mais aussi et surtout pour Inieux le faire coml'rendre
en le rattachant et en l'opposant à la fois à des philosophes
plus connus en raison de leur abord plus facile. C'est en effet
en montrant ce qu'il retient et rejette de la doctrine des
(	 grands penseurs anciens et modernes qu'on est le Inieux à
même de saisir les fondements de son système qui se dégagent
ainsi nettement, comme par des retouches successives, des
grandes philosophies qui l'ont précédé.
Notre travail repose avant tout sur une étude directe des
œuvres de Hegel dans le texte allemand et c'est d'après cc
texte que nous donnons nos références.
2. La biographie. - Fils d'un fonctionnaire des Finances,
Georg Wilhelm Friedrich Hegel naquit à Stuttgart, le
2'1"aoftt "T'7'71l':"""Tr ht ses preInJheS'études au lycée de sa ville
natale, puis entra en 1788 au séminaire protestant de Tübingen
où il eut pour condisciples et amis le poète H~dglin et
Schelling, dont il devait être d'abord le disciple. Bien qu admis
aü'X"gTades de magister en philosophie ct de « candidat» en
théologie, il renonça à se faire pasteur et occupa pendant
sept ans des emplois de précepteur à Berne, de 1793 à 1796,
puis à Francfort, de 1797 à 1800. Il consacra alors les loisirs
dont il disposait à parfaire sa culture dans tous les domaines
et à écrire divers opuscules, dont une Vie de Jésus, qui ne
furent	 publiés qu'après sa mort. ---- -- '-'­
L'héritage qu'il recueillit après la mort de son père en 1799,
lui permit de quitter son précer,torat et de se consacrer entière­
ment à ses travaux personnel~. Il se rendit à Iéna, où Sshlàli.ng
' enseignait depuis 1796,.y ~ub~ so~ pr~_~: ouvrage, Diffé­
-1 ­ rence des !.lstè,!!es de Flchte et aCSc1iellmf( en JUllletl"801 et
. soutint le mois 8mvant sa thèse d' « liabilitation », D!u!rJ!itis
1pl~tarum. conç~e ~ans r.è~!.rrdera«-plîy~ique ~cula!ive»
alorsàlâ II!oqe. TI put ainsi commencer son premler cours
eomme privat-docent en octobre 1801 et fut nommé en 1805
l.'V'f}WDUCTION '1
professeur « extraordinaire », c'est-à-dire non titulaire, avec
un traitement des pins modiques.
Dans ses cours, qu'il remanie d'une nnnée à j'autre, Hegel
met au point de mieux en mieux sa doctrine personnelle et
s'éloigne de plus en plus de SéeIling. La rupture de....ient
'Z _ }jdéfinitive quand paraît son_~~mi..!<Œan~.ouvra,<);c.la Phéno-
ménologie de l'esPIit qu'il achève en octobre 1806, au momllnt
de la bataille d'Iéna. Les troubles causés par la guerre lui
ôtant alors tout espoir d'être titularisé dans son Université où
il était d'ailleurs fort mal payé, Hegel, à bout de ressources,
renonce à sa chaire et accepte l'emploi de rédacteur en chef de
la Gazette de Bamberg qu'il OCCUpll de mars 1807 à novem-
bre 1808. C'est alors que son ami J'!,iJùhammer, devenu
inspectenr général de l'Enseigncment en Bavière, le fait
nommer directeur et professeur de propédeutique philosophique
du Lycée de Nuremberg. Il exerça ces fonctions de 1808 à 1816.
C'est durant son séjour à Nuremberg qu'il se maria (en 1811)
avec la fille d'un « patricien Il de la ville qui lui donna deux fils,
J - J'fet qu'il publia sou J!!1,ygge..k-pJ~Unp-g.rt~La scie'.!Ç!l.É.!!./a
1<!I5~ (1812-1816). La notoriété que lui valut ce livre devait
lui assurer une nomination en titre dans une Université. Il
l'obtint d'abord en 1816 à Heidelberg où il acheva la mise au
lt - '1 p~int de s~n syst~me en le_r~su~~_nt d~ns L'En~yclo~diedes
1s~':!J!Ce~p!!'llosophlqltes (1817). TI est---enrm nomme il 1 Umver-
(sité de Berlin où il occupe la chaire que la mort de ~e
1laissait vacante deplùs quatre ans. Il y commence ses cours en
octobre 1818 et y exerce jusqu'à sa mort, déployant ur.e
activité considérable, non seulement comme professeur (il
fait dix heures de cours par semaine), mais comme chargé de
multiples missiollô, présidant des jurys d'examens, pronon-
çant des discours, rédigeant des rapports officiels (il fut même
un an recteur). Il ne s'accorde de repos que pendant les vacall-
'J ces où il entreprend parfois de longs voyages, le dernier à P~is
~en 1827.
~l est maintenant à l'apogée de sa carrière. Il a plu.s
de cent auditeurs à ses cours et groupe de nombreux disciples,
dont certains sont des hommes d'âge mûr déjà célèbres.
Protégé par le ministre ~ns~in et le directeur de l'Ensei-
gnement supérieur s~ze, il i!eut pendant quelque temps
régenter les chaires de philosoplùe des facultés prussiennes.
Mais il est loin d'avoir joué le rôle de « plùlosophe d'Etat Il
qu'on lui a si souvent attribué. S'il était souteI@_parJ::J.~u­
c~<l...tie prurienne, issue des réformes de ~n, il était fort
"1.. suspect à a' Cour et les vieux conservateurs n'avaient pas été
5" - plus satisfaits que lèsliDeriîüXJ)ârsa Philosophie dit droit,
{,... It-'
/q,
c:,,_l::::-;..t cA....~ ~......~
~~~" ~ ""':' fr"<-(../ /<;J "T~ ~",-;:---...,
)"V" _1,...5,"'1:-5'..<- ../1 (.;v,,,,,,, r- ',~,'
8 HEGEL ET L'IItcf:LIANISME
, son dernier grand ouvrage qu'il publia en 1821. Il est j3é

ldangereux par l'~lilise luthérienne après 1827 et rAëïiilémie

deBerIin lui ferme ses portes.

Hegel fut un,'e des dernières vietimes de l'ép~émie de choléra)1
qui sévit _~ant l'été et l'automne de 1831.11 fut emporté
enquelqUes heures quatre jours après avoir repris ses cours,
le 14 novembre 1831. Le recteur Marheineke (qui était pasteur
et professeur de théologre) et son ami''liirster furent seuls
autorisés à prononce'r des discours sur sa iOiiihe.
Un passeport français, rédigé en 1800, nous décrit le physi­
que de Hegel en ces termes : Il Agé de 30 ans, taille 5 pieds,
2 pouces [= environ 1.67 ml, cheveux et sourcils bruns, yeux
gris, nez moyen. bouche moyenne, menton rond, front médio­
cre, visage ovale. )) Ses disciples eux-mêmes reconnaissent qu'il
n'avait rien de séduisant, ni d'imposant avec, comme le dit
Hotho, « sa face blême, aux traits mous, pendants et comme
engourdis », sa tenue négligée sur sa chaire, où il s'affalait
d'un air las, la tête baissée, sa parole toujours hésitante, sans
cesse interrompue par des toussotements, sa voix sourde,
son fort accent souabe. Il n'aimait pas qu'on le questionne
en dehors de son cours sur des points de sa doctrine : il ne
répond ait que par dcs gestes vagues ou rP.nvoyait à ses livres.
n préférait souvent à dcs entretiens savants la compagnie de
bourgeois sans culture avec qui il aimait jouer au whist.
'  En r()v~n('he,.l!..Q.~aitdes nuits.,~ntières à préparer ses c~urs
) ou à... éS!:Ï!"e ses liv;'e~T1a~a une 'Iïüiïj)eà hmle.
'De son vivant-negel n'avait publié que les quatre grands
ouvrages que nous avons cités et divers opuscules ou articles
de revues. Après sa mort ses amis et disciples préparèrent une
édition complète de ses œuvres, rassemblant non seulement les
textes qu'il avait publiés. mais tout ce qu'il laissait en manus­
crit, en particulier Il:!. notes dont jL~,~~~l!-pou-Lses«ours.
En dehors de la Phénomeno1Ogw, sorte d'introduction au
système, Hegel n'avait en effet développé à fond dans ses
livres que la Logique et la Philosophie du droit. L'ensemble
du système était résumé dans l'Encyclopédie, mais d'une
façon très inégale: si l'on y trouvait un abrégé substantiel de la
Logique et de la Philosophie de la Natllre, les autres branches
du système y étaient condensées d'une façon beaucoup trop
sommaire. Hegel avait-l~ement déveJQEpé jans ses cours
~ j!hilosopme de l'histqlre, i'estnétique, la philOsophk deJa)
Ire!igi~net !'~de la philoso"phie : à toutes ces disciplines
1'l!;ncyclopeiHe ne consacrait que quelques pages. On n1 tro_u­
vait p~s les ~entaires détaillés et lCls, exen!l!lesJ!!!!'~s_<I!!els
Hegel éë'rairCissaifâëVarifsèsé1èVëSlës furmules abstraites de
9INTRODUCTION
l'Enryclopédie. Les éditeurs des œuvres complètes entreprirent
donc de reconsti~uer..Jliê..si fidèlement que possible lësTèçons
de I!egel. Ils utilisèrent pourcm ses' propr~s manuscrits, qui 1
n'étaient d'ailleurs rédigés qu'en partie et encombrés de
nombreuses notes marginales. Ils utilisèrent leurs ~ ge Î.
CQurL.llL!;elles d~_étudiants les plus attentifs qu'ils purent
recueillir. "TOUS ces documents qui se complétaient et se
rectifiaient les uns les autres permirent, confrontés avec les
notes de Hegel, de recon§.!!!uer l'es~1illeL®_llQn enseiK;J.~!:Uent jl
Md ­
-·C'est ainsi que Gans édita la Philosophie de l'histoire (que
K.JW.l!.egel rééditaë'iisuite) et ajouta des compléments à la
Philosophie du droit. Hotbo publia l'Esthétique, Marheineke
la Philosophie de la reTigron, K. L. Michelet l'Histoire deÎa
philosophie. L'Enryclopédie fut ennchie d""additions (Zusiitze),
souvent fort longues, qui furent rédigées pour la Logique par
vQ.!1J~ing, pour la Philosophie de la nature par K. L. Mi­
chelet, pour la Philosophie de l'esprit par ~ann.RoseDkranz
Piiliiia la Propédeutique, c'est-à-dire le cours élémentaire fait ,
à Nüremberg. L'édition complète des Œuvres de Hegel, ainsi)
mise au point, corn rit en tout 18 volumes qUl~arurent
àBerrrnâë llr32rI845. C'est son texteque- reproduit l'édition
dite du Jubilé dë-"Glockner (Stuttgart, 1927 sq.).
Il restait à puii'ITërëTes lettres, ce dont se chargea Karl
~eI en 1887, d~vers écrits de je'E}esses qui furent publié;pir
~lat (en 1893) et par Nolil (en 1907), et enfin le Cours
d'Iéna, rattaché à l'édition criiiqüe de ~n et J. HôffiiïèiS­
ter(Leipzig), commencée en 1905. ,..-- ­
- On n'a pendant longtemps connu Hegel f~n FrancèJIue par
la traduction que Vera a donnée de l'EncyclOjiédiê(avec les
additions) de 1859TI869. La plupart des autres œuvres de
Hegel n'ont été traduites en français que depuis 1938 : nous
les signalons dans la bibliographie à la fin de ce volume.
Les livres de Hegel sont d'une lecture très difficile en raison
de la lourdeur de son style, d'une syntaxe souvent confuse et
de l'jlxtrêml: tensio!!..~e sa pensée qui adhère toujours très
étroitement à la langueallêmande dont elle exploite abon­
damment les ressources. Les œuvres les plus accessibles à un
débutant sont l'Esthétique, la Philosophie de l'histoire et
l'Histoire de la philosophie qui résument toutes trois dans leurs
premi~:resJl~gesles grandes-lfgnes du système. -----­
CHAPITRE PREMIER
LES ANTÉCÉDENTS DE L'HÉGÉLIANISME
ET LES PRINCIPES DIRECTEURS DU SYSTÈME
Les historiens de la philosophie ont souvent
présenté les doctrines qu'ils exposent comme une
simple succession d'opinions divergentes qu'ils se
plaisent à opposer radicalement les unes aux autres,
ce qui tend à justifier une conclusion sceptique.
Hegel combat vivement cette attitude dans ses
Leçons sur l'histoire de la philosophie. L'idée direc­
trice qui le guide q~n~JI parc~.!! <:.la .galerie des
MFos de la pensée », ~'est_~~}es_~y~!_èE!.~""Jili:il
e~ose doivent être considérés comme les étapes
8,uccessiyes d'un se~ême dével~ëïiî :
celui de la pen~~e_qui progresse dlalcc­
tip1em~nt au cours des âg!~:La -dernIère phifo­
sophie, la sienne propre, est le résultat de ce déve­
loppement : ell~Mt_~n contenir tous les~d~s)
~ans un_6.y'stèEle final, <fHiilltif, qui ~ absoJ; e
en quelque sorte dans une synthèse supérieure.
C'était reconnaître que sa propre doctrine était
conditionnée historiquement et qu'on ne peut vrai­
m~t ~i~nla <.;omR!"endt:.e_~'enlacorrIro:iïfiiïîtav~e
ses antécédents.-. .
12	 HEGEL ET l:I1ÉGÉLIANlS}1E
I. -	 Hegel et;~
Hegel est toujours rangé et se place lui-même à
côté de Fichte et de Schelling dans le groupe des
postkantienr C'est dir~ sa philosophie s'est
développée comme celles de Fichte et de Schelling
en partant des enseignements d;"kant : il faut donc
remonter d'abord au criticisme kaiiÏien si l'on veut
connaître les antécédents les plus immédiats du
système hégélien. Une opposition fondamentale
nous étonne cependant quand on compare ces
doctrines. Le criticisme kantien aboutit en effet à
. une solution-agnOSfique,-pü plutôt relativiste, d';;
·,.,	 pJ:Qblème de la connaissance : sur le terrain ~c
l'absolu on ne peut rien démontrer; on~'-'p'~ut
~~~dopter des croyances. Or les doctrines post­
kantiennes représentent au contraire un dogD!.a­
z.	 tism~lu~~~.ar encor~_<n!è ceux gue.I&,a.at avait
re~~s ; elles ?nt édifié les s~stèmes métaI?hysiques
les plus hard~e l~en~ee hum';lme aIt conçusIjusqu'alors. Et cependantelles sont loin de marquer
un retour en arrière. Elles supposent le ~tisme
tout en le dépassant : elles en conservent, en les
intégrant dans leur système, les acquisitions qu'elles
jôugent valables; elles évitent de ret()mber dans les
lerrements du « dogmatisme vermoulu )J.
J>our comprendre cette évolution ou, si l'on veut,
ce retournement, il faut se rappeler certains points
essentiels de la doctrine de K..!!1t. On sait qu'il
distingue dans l'esprit:
10 La sensibilité (Sinnlichkeit) qui reçoit à travers
les formes de l'espace et du temps les sensations
dues à l'action sur nous de réalités indépendantes
de notre esprit: les choses en soi (ou noumènes) que
Kant déclare inconnaissables;
20 L'entendement (Verstand) qui synthétise les
LES ANTl!;CEDENTS DE UHÉGl!;LIANISME 13
matériaux de l'intuition sensible par l'usage des
catégories (exemple : l'idée de cause) liées aux
principes de l'entendement pur (exemple: principe
de causalité) ;
30 La raison (Vernunft), faculté de synthèse
suprême qui, en s'appuyant sur les principes de
l'entendement, construit des idées transcendantales,
c'est-à-dire dépassant le cadre de l'expérience pour
atteindre l'absolu (exemple : Dieu, la cause pre­
mière).
Nous verrons que ~~ conserve cette distinc- Cl
tion entrljl l'entendeme!';9 et ~ mais en lui ~
donnant un sens-ffès différent. Pour ~~, en
. effet, si l'entendement se cantonne dans le monde -1
d~s Iiliénomè~es, il peut par son activité desyn­
thèse constituer une science valable; mais la raison
Il échoueri':_-1~!!j~urs dans son.effort pour constiiïire
1 u~i...~9ue. PotirHegiIau contrauele savoir
de l'entendement n'est qu'line forme inférieure de la
connaissance: celle du savant qui n'est pas philo- 1
sophe ou encore celle des anciennes métaphysiques.
nLa raison au contraire, comme il la comprend,

JIII n~Sdonne accès à la co_nnaissancc_È .e!us haute,

nQ!!.~L_per-!!!.~.1..d~.~u~vraiment l'absolu.

Si la raison échoue d'après ~t, c'est parce
qu'elle veut utiliser les catégories et les principes
Il au-delà de toute expérience possible, si bien qu'ici
la forme mentale fonctionne dans le "ide, tandis que
~ dan~mondedes p!J.énomènes elle s~tpligue ~e
"!:~re sensI:E>Ië!lu'eITerend inte~ib e. Et c~q~
prouve que les catégories et les pnncipes ne valent
qUe'p~urlêsj)lieÏioriièÏÏcs,c~est quê--;quandla raison
vellt s'appuyer SUl" eux p~ur s'élever à u~~s­
s~_....!llétaphysigue, elle se perd dans des para­
logismes (c'est-à-dire des sophismes inconscients) ou
aboutit à des antinomies, c'est-à-dire à des solutions
.-1
14 HEGEL ET VIlJf.GF:LlANIS,.Œ
contradictoires pouvant invoquer des arguments
d'égale force.
Mais ces al'guments prouvent-ils vraiment que
l'ahsolu est inconnaissable? Suffit·il d'un« analyse
critique de nos facultés de connaître pour~ha~à
la raison l!!....I.Q.!U:éde l'absolu? Ne faudrai~~
~nné!hr~e~ve!Q.~~~I..'esSenQ'~ intim.e d~s choses,
flç'est.à-dire aV7~ir ~ésolu le_prohlèl:r!..e~~taphy's~que,
lJOur pouvoir ~ta@ir_~ue;É_â!jcomm_e ill'est, l'esprit
humam ne peut s en faire aUClme conceptIOn
vala@e ? - Comme le dit Hegel, « un examen de la
'2.. . co~sance ne pe~~t se [airé autrement qu'en
1connaissant... Vouloir connaître avant de connaître
est aussi· absurde que ce sagëCofi~~n scolas­
tique : Apprendre à nager avant de s'aventurer
dans l'eau» (Encyclopédie, § 10).
Pour &g~ les paralogismes dont parle Kant ne
sont pas dus à l'impuissance de la raison: Ils
prouveJ?-t seulement que les IIlétaE?xsiciensslogma­
ti~s raisonnaient sur des notions maf fi.xées.
Par exemple, les paralogismes fondés sur l'idée de
l'âme conçue comme une suhstance simple résultent
du fait que l'on opère sur des idées inadéquates,
l'âme n'étant pas une identité simple, abstraite,
mais une identité active, concrète, qui se différencie
elle-même (Enc., § 48, AdJ,).
Quant aux antinomies, elles ne se trouvent pas
seulement dans les quatre « ohjets cosmologiques »
dont parle Kant; on les trouve dans toutes les idées
et dans toutës1es choses, et c'est là ce qui constitue
le moment dialectique de la pensée logique et permet
Je raccordement entre la logjque et l'ontologie.
pom. :Ilz;~ en effet la contradiction est dans l'être
même; « toutes les choses sont en elles-mêmes
} contradictoires ». La pensée suivant l'entendement
i.W,e les divers aspects des choses; sa formule est:
LES ANTÉCE:DENTS DR L'li ÉGÉLIANISME 15
l

c'est ou. ccci ou cela. La p~!1sée. swvant la raison '

sai~t_~~ contraire les choses d~ns leur totalitr J
c'est-à-dire d'un point de vue supérieur qui domine

les différences auxquelles s'arrête l'entendement. ,.

Elle comprend ainsi vraiment le réel "'n le concevaHt ,...-..(.......$-­

cQ..m..~~ouvantêtre à la'[O[SCëc7'et cela. Par exem- - lf"-..p4.­

pIe, « une chose se meut non pas pal'ce qu'elle est /,.. 1, , 'Ul­
à un moment ici ct à un Hutrc moment là, mais .. r-~ -'.

seulement parce qu'elle est à un seul et même fP'-t:-~.J?..­

!!1..9,ro~nt ici 1<t non ici, parce qu'elle est et n'est pas

à la fois à J.~ même place » (Scien.:c de la logique,
éd. Lasson, II, p. 58-60).
II. - La dialectique hégélienne
 Ainsi donc, ce que l'entendement sépare ct,
~	 oppose, la ral~son l'unit dans-u:n:ê totalité concrète.}

Elle résou""fles contraires cn une synthèse supé­

rieure; elle ramène les différences à l'identi té.

Mais cette identité n'est pas une identité abst;;ite /4

qui serait vide de contenu : c'est un':.-identité '3

concrèJe qui contient, pose et développe enelle­

nrêÏiÏe ses différenciations intérieurcs. Telle est

l'essence de la dialectiqu.e telle que Hegel l'a

comprise. L'objet de pensée qu'on envisige y est

d'abord considéré sous s~.!Laspect Je plus immétiiut, 11
.	 puis par un brusque retournement (Umschlqgen),
<D il apparaît sous un autre aspect qui contredit le 1
premier; enfin il est saisi comme étant l'i~é
concrète de ces aspects opposés. Tout progresse
iitt dans les choses comme dans l'esprit par des
ContradictioDS .-9..ui se résolvent chaque fois en
lsyntIïeses, d.:Qù surgissen1__de Douvelles contra­
dictions. Ce mouvement dialectique est un déveJi

IOlJPelnent (Entwickclung) qui fait passer rl'tr »

d'un etat relatIVement pauvre et ahstrait à un état

1
16	 HEGEL ET L'HP;(;]~U.ANISME
""	 plus riche et plus concret." Chaque idée a en elle­
même sa propre négation qui la fait se convertir
en une autre idée qui se nie elle aussi; il se révèle
alors que ces dli.uX idé.e.s..-ne- &!lnt que l~s moments
d'une troisièm~ idée qui contient les deux premières
eE- les élevant à une u.:!li~ _supérieure. Ainsi se~réalise le progrèsaiaLeëtique dont fc véhicule est
!k'jS - ce que ~~ appelle le négatif. Le négatif c'est

l'antithèse d'où naît la contradiction qui Er

néggriD.ll.!1.e la négation est_ supprimée en s'absorb_ant

dans une tota1Tïe---p1Us haute. C'est ce mouvement
~ ~ialectigue qu'on exprimed'ordinaire par la fameuse
A	 1triade: thèse, antithèse, synthèse. En fait ces termes,
 util!Jés p~~Kant et par Fichte, soÏitfiès ~!Ement
1 emp oyés par1rcgeI : il use le plus volontiers de
vewescomme umschlagen (se retourner) et surtout'2
,auf~eben qui veut dire à la fois sUpp'rime~, Ç!!]Y<1!ver _
J et elever.
La doctrine hégélienne est donc par excellence
une philosophie du concret. Cela peut paraître para­
doxal,· car ses livres, ('l'une lecture très difficile,
se présentent, suivant le mot de Victor Cousin,
(
comme « une masse compacte et serrée d'abstrac­
tions ». Mais il ne s'agit pas pour Hegel du concret
4.	 ( au sens vulgaire, c'est-à-dire de la donnée -=é­
diate de la connaissance sensible. II faut prendre
'L~	 le -El0t concret ~ans son sens étymologique : èon­
{3 cretum, ilHoncrescere, désignant ce qui s~U37
p~deveIoppement deI'ensemble de ses J.larties,~ comme le végétar-qûi pousse. Autren:îëÏit ·d1i le
1~t c'~st po~ Hegcll~ t!!!;tlité ~onstryj.te ~c­
)
Il
1nquement a partIr de ses moments. Et ces ~!?eE:ts
doive!?-t <!:-aliôrd être ab~"l!.f!Lts·, c'eEt-à·direuétachés,
extraits des données immédiates ëOtifuses-: Cest
là1ë rôl~réalabkde~'~nMment qui. reste
es~, bien que subalterné: CJl~ ïilfait défaut
~("	 ~Jr--. J
-=­
LES ANTtCSDENTS DE L'HSGSLIANISME 17
tout reste indéterminé, c'est-A·dire confondu ®ne
la nébulosité de l'intuition ou du sentiment.
Le travail- de fa penséCI~ique comprend ainsi
d'après Hegel trois moments 10 e m2!Pent abstrait,
celui de l'entenckment qui iso e les déterminations;
2° Le moment ro rement dialecti ue celui de la
raison négatwe, ou s1!!"@~~diction . 30 Le
moment s~atif, celui de la raison positive où
l'on s'élève Ala synthèse (Enc., § 79). Ce~~e

l'umt,é est dit spéculatif parce que€cillicelfu.!'y ~.. -:1 t:1
rêCOiinaît d~_~bjets comme dans un !l!P'oir~-4

(en latin speculum) (1). ~~ 1
III. - Hegel et les postkantiens
(~hté et S~elling)

Mais ce term.,e d'unité et ses corrélatifs: identité
let WJlliJ.é, ont -un sens encore plus fondâine"ii'ftù.
Ils êâ'raêtérisent en effet les conceptions de l'absolu
par lesquelles les pos!kantiens s'opposent ~U8 J:
radicalement AKant. Ils peiinetîë:tiï également, une .
fois précisés, dCsituer Hegel par rapport aux
autres postkantiens et parra'pport aux doctrines t~.~
métaphysiques antérieures. ~ ~f.b-6~__
(Kint: a reconnu que nous ne comprenons vrai· ~

m~s choses qu'en les unifiant par l'activité ,,,yt..-"synthétique de notre entendement. Sa propre aoc- J'jJ.,u... .
trine est cependant loin de satisfaire pleinement A"
cette exigence d'unification: elle aboutit en effet
b--bsous plusieurs de ses aspects A poser un dualisme
irréductible. Sans doute elle semble apporter une
solution unitaire a!!...probl~me âé la connaissance -P~'HJ..en dOnnant raison à la fois à l'empirisme, puisqu'elle
(1) ~l1hllQ!9~esie Sl!éc.Hlal;~Le mot mélap.hl1-
sique lUieffs~-a;-car1 TIilt penser à la. ~yslqüë-aePenIen-
dement • de l' re cartésienne, systématisée par Wolf.
n. SI':KRF.AU 2
18	 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME
-f	 rec~aît que la matière du savoir~e~t des s~n8, et
au ratwnahsme, pUIsque l'e-;;tt (IOit-lmposer .!la
z.	 forme à cette matière pour a rendre -mtelligible.
Mais elle n'obtient cette conciliatIon qu'en affIrmant
ici la dualité de la matière et de la forme. A ce
dualisme se superpose celui du phénomène, objet
d'une science certaine, et de la chose en soi mconnais­
.	 sable. Sans doute Kant pense que nous pouvons
	 ~1 'att~~_<!!~_.~~!__ ~h~~l~.__~,!p_ri!.~~~s~_l~' dans l'action
morale: Mais il retombe alors dans un autre dua­
llsiiie: celui de la raison théorique, incapable d'arri­
ver à ses fins, et de la raison pratique qui se satisfait
pleinement dans~ l'accomplissement du devoir. 1­
Dualisme qu'aggravent encore les postulats de cette~
même raison pratique (existence de Dieu et immor­
"'f
pd(i:- talité de l'âme) .q.ui, e.njU~tifi~ntune m~ta~h~que1
( de l~ !ranscen~anc~,_opposent ~u mon e ~)é un~
au-=aelà surnaturel. .k<- ,t."'?,~ "';./."""'v~ .fo--',...~ ,-~
-~est contre ce dual1sme qu'ont réagi d'aDord les
.. deuxpremIers-grands postkantiens : F~te et
l'CA- - ..,~ (Sc1Llling : ils ont vo1!!~ établir une conception
6/.-.. t; vraunent unifiée du mondè:--mchte faIt de la chose
/ 1 en soi un abSolu suTiJiêtif, le moi pur, qui se pose
lui-même en s'opposant un non-moi, c'est-à-dire
en se donnant une limite qui rend possible les
consciences individuelles et ouvre un champ d'ac­
tion à l'existence morale. A cet idéalisme subjectif
Schelling oppose un idéalisme objectif: il ramène
tout r un absolu neutre dominant l'opposition du
rlmoi et du non-moi, l~té indifférenciée du
'Isu..hjectif et de l'objectif qu'il crOIt saisir immé­
diatement par l'intuition intellectuelle.
C'est à cette philosophie de l'identité que He~l
s'est d'abord rallié dans__so~_premier ouvrage :
Difft-rJm.çfL.tkLsxstèmt!...~ de. Fiz!ii~-et ,4è_~ng
(juillet 1801). Mais il s'en est dégagé peu à peu dans
LES ANTÉCÉDENTS DE L'HEGÉLIANISME 19
ses cours d'Iéna et a rompu définitivement avec la
pensée de S~eUjng en 1806, !I!!!lnd il eut.. mi~ .!U
point la ~hénoménologiede l~e~erit. Dans la préface
de cet ouvrage il r~~Ue cet abs@Lde S~elfuitg
qui surgi!J?~~qu~mel!..t.,~~m!!1e «. tiré d'un coup de{
pistolet ll; il n~ y'oit gue~ la n~t où t~-.!e8
_ vaches ~ont noires ll. Et il précise sa propre doctrine:
-l'absolu"doit être considéré moins comme substance
que comme s~t; il faut y voir non une entité
A (	 mystérieuse dont on ne sait comment déduire le
monde réel, mais une totalité vivante comprenant
toutes ses déterminations comme des moments de
~ s..@. aevëlOppement (Phénoménologie, Vorrede, 1-3
)' et II:l). .
IV. - Hegel et Spinoza
~~ appelait la philosophie de l'identité de
Schelling un « spinozisme kantien ll. En l'adoptant,
il S'ètait rallié en fait à la d7;étrine de l'immanence
de SPÏI}0-f' à ce ~v XlXt 7tiXv (un et tout) que
son aIDI ô!derlin lui présentait déjà à Tübingen
comme la vi'rité suprême. Si le refus de toute
transcendance apparente toujours H.m.l à ~pinoza
une opposition n'en apparaît pas moins dîBie
moment où il s'est séparé de Schelling. Il rejette
alors implicitement le spinozisme en t'ant que philo­
sophie de la substance; il le rejette en tant que
métaphysique de l'entendement et en tant que
doctrine (onAée. sur l~ m~thode mathém~t!~~ )'
nuonvieE!_qu'a~ ~~~aine de l~antité pure.
S'il reste fidèle au principe-del'Immanence, il ne
peut admettre que les attributs et les modes soient
simplement dans la substance; ils doivent en être
déduits comme ses différenciations nécessaires. Cjl
qui manque au~o~~e de ...êP~a c'est l~~e-
20 HEGEL ET L'HSGSLIANI8ME
loppement dialectiq~ qui domine'[~rs hég~e~)
§pin,..2!.a dit bien que toute détermmat~onest une
1?A"'7J" - _négation; mais il ignore la ;rsatîon dé la néggjion
qui ~~Ja so~rce du pro~s an81'être comme dans
la pensée. L'absolu de Sp.i~a est un réceptacle
~ infini qui contient simplement ses déterminations(
finies et a en fait les caractères d'une chose; l'absolu
de H~~, sujet plutôt que sUbstance, est un pro­
Ulrcessus, un progrès, un.devenir ; il se manifeste comme
uDëléve~oppemënt, tiIie"éi&I~.tion (le mot allemand
, EntuiièEelungales deux sens). Pour Sp'inoza l'absolu
esfSimuftanément étendue et pensée;pour Hegel il
est successivement matière et eSRrit. Ce que 'SPûa
explique par un paraUélisme, qui fait de l'âme
l'idée d'un corps, résulte pour &~ d'une évolution:
la Nature, extériorisation de l'Idée absolue, s'élève
par degrés du mécanisme à la vie, et le 'p!~ès de ~a
vie atteint son terme ultime dans la pensée de
l'homm~où-l'Esprit absoru finit par prendre
'coîi8ëieE:cë de lui-même. Pour Sp'moza tout S'en­
-1 chaine nécessairement dans l'univers suivant un[
déterminisme purement mééaniste et la finalité
n'est qu'une illusion. ~g~ associe au contraire
'2 la finalité au déterminisme; pour lui, la détermi­(
nation est en même temps destination (1) : la~e
/ évolue dialectiquement pour faire apparaître l'~rit.
V. - Les antécédents
de la dialectique hégélienne
Si la conception de rfirnmanence chez.~H"Ç,gel est
très différente de cell~ e!!!0za et plus encore
peut-être de celle qu'on trouve chez Plotin et dans
1'~.J0le d'Alexandrie, ~ dia~n-revanche
,,-,

.~
(1) C'est Je double ~(>ils du mol J~!la.
LES ANTEceDENTS DE L'HeGeLIANISME 21
revêt chez lui tous les aspects sous lesquels elle

s'était présentée jusqu'alors.

1. Platon. - C'est d'abord la dialectique comme

procéd%dé pensée. Dans ce sens, commun à Platon

et à Kant, c'est l'art de découvrir des contra­

di~J;lsdans un o*t de pensée et d'essâyer

de l~ ré~o!!.dre ou de montrer qu'elles sont inso­

lubles. Cette méthode avait déjà été utilisée par

Zé.E.0~,<J.'Elée et surtout par les sophistes grecs.

Ces sophistes, H,:~g~ les considère comme de très

grands philosophes, parce qu'avec eux apparaît

!l'âge de la. réflexion su!dt!_~!ive où l'absolu se pose

comme sUJet.

2. !Y.r.'!!!ilite. - Mais pour ~~g~l la dialectique
n'est pas seulement la loi de la pe~sée : elle est
aussi et d'abord la l.Qi de l'Etre. Son plus lointain
précurseur est ici Htr.~çJj.te qui a le premier enseigné
que l'être et le néant s'identifient dans l~r,
que tout es.~ èJÎ .!D-0uve~ent, tou~ha.n-g~ut
s'écouIel7t~v'r~-p&f.l.Le monde et la société humainej "
ne progressen~epar des oppositions, des conflits; /J,/>VtA-'
~a ,gger!..e est incessante; elle est vartout et en~re cL.. f
tout. La philosophie ~géJjenne est, elle aussi, une n~4- 'l
PJiflosophie du deve'lir qui fait de la contradiction
lasource de toùf mouvement et de toute vie. Mais
le devenir pour !!.e~l n'est pas seUlement une
évolution dans ~ temps; il est aussi et d'abord un
dévt{IQppe~eEt(intemporel) 5~ ~ ~~f ;
~P.3. ~oclUB et J. Bgl!!.-me. - La dialectique peut
enfin avoir un sens mystique. On en trouve déjà un
t1 rJ J9-l..-
' '-·L
exemple dans J'Antiquité chez P~s, le dernier "1.. ~ •
grand représentant de l'Ecole n~;DW9nicienne : -//~ /"'sI:; <.
partant de l'Unité absolue et ineffable, il développe
tout en triades dont chacune révèle une des faces
--:7
l
22 HEGEL ET L'IIEGP:LIANI5ME
de la cause première et surintelligible. Mais c'est
surtout le fameux théosophe Jakob Bœhme,~le
philosophus teutonicus," qui semble. avorr iiil'Juenëé
Heg~. On trouve déjà chez ~e des thèmes
hégéliens, par exemple, l'idée d'un h~_tre parfait
qui pose et s'oppose à l'intérieur de lui-~~me_~on
Tbl'ff­1propre contraire pour, en surmontant ses contra­
dictions, s'épanouir dans une claire consc~_ence_de
soi et absorber toutes les désharmonies dans une
synthèse har~~!!ieuse. ~g~ s'est mis à son ~cole
en s'appliquant à donner un sens dialectique à des
dogmes chrétiens"' com~~.JaITrinité. ~
VI. - !!eg~ et Aristote
De tous les grands penseurs anciens celui qlÙ
s'apparente le mieux à &~ c'est peut-être Aris­
tote. Sans doute !ri!n,ot,!; fait assez peu de cas de
ce qu'il appelle la dialectique où il ne "9it --p!':u.ne
écol~ 4~LYJ'Jü§e~!~pces, sinon de sophismes. Loin
de déduire comme Hegel les catégories les unes des
autres, il les présente comme des genres de l'être
incommunicables entre eux. Mais la logique d'~s­
We est de prime abord ontologique comme celle
de ~cl : les lois de la ensée sont. our lui.les lois
. ge l'etre. _Heg~l se rec ame vo ontlers d' IS!.2.te:Jc'est, par exemple, une longue citation de sa
( Métaphysique qui termine l'Encyclopédie. Il est
son égal par l'étendue de ses connaissances et
l'a~pleur__~e s~n systè~~ _gt.!i_~mbrSJ,sse tDusJes
dOl!!-llin~~d~.!'avoir~--Ils ont mérité tous deux, par
( la profondeur de leurs vues, d'être appelés « les

1)< 'Î J professeurs des professeurs ». On pourrait parler ~

.~ d'une ~etd'une gauche aristotélicie.n.nes comme 1

on par e, nous le veflOns, d'une droite et d'une •
ga.,!1che hégéliennes. Si en effet .Gt~e a pur?~cJ.,..
l 'Grf'jr­
1
 LES ANTP;CJ5;VENTS DE L'HEGELIANISME 23
prêt~~ l'armatur~ C!~_S~!!-.!lystème au th.2mi~e,)~
doctnne officielle de l'Eglise, il a pu aussi, dès J
l'Antiquité avec Straton, et maintes fois depuis la
Renaissance être inVOCiiié en faveur d'une conç,eption. II 1..
nat'~te du monde (ne serait-ce que parce qu'ilJ/
eim"ût1'idée d'une création du monde et l'immor­
talité personnelle de l'âme).
Ce qui rapproche le plus Hege] d'~We c'est
d'abord sa conception de l~iversel réalisé dans
l'individuel : le particulier (das Besondere) c'est
.>- l~essence qui se particularise en se déterminant t
(Enc., § 24). C'est surtout sa conception ëIUdéve·
loppement de l'être: au rapport aristotélicien de la
pu~ce et de .r-~te correspond chez Hssel le
rapport de l'en soi (An sich) et du pour SOL rFür
Il - sich). L'être en soi c'est la virtualité qui n'est pas
encore sortie de son unité intérieure (par exemple.
Z- le germe d'une plante) ; pour soi l~ê~e est réalisé
comme existence particulière distincte (exemple la
plante qui pousse). Mais comme le pour soi est,
à son achèvement, l'en soi développé, il est en fin de
compte en soi et pour soi, ce qui complète la triade
dialectique. Cette tmit' de l'eQ soi et du 0 r soi J
t"JI c'est le concret. Le eveloppement de l'être est ainsi A
une c(mç,r#!i.l.m,-.-!!~.E!9grès de l'abstrait. ~n~oi)
au concret (pour, soi). C'est en même temps une
médiation, c'est-à-dire un passage par des moments) L
slf&cessifs qui se contredisent, se nient, se réfutent
les uns les autres (cf. Leçons sur l'histoire de la philo­
sophie, éd. Hoff.II!~er, l, p. 101 sq., et p. 139 sq.).
Un autre point de contact important avec
ArisWe, ~'est l'a.çcord que H.~e) veut établir entre
~~et~r.ù~4 reconnait que la ~
p ~sop'e doit son déveloP-Eeme!l!. aU_~~~!!Q.ë8
e~erim:mtaJdes'a ~'~~eS~·,~oeunl'·_~_~J1de~e~kiTce
pour pomt e epart. on ro e est e donner ..jte
24 HEGEL ET L'HEGELIANISME
contenu emp-iri~e (d'abord_ subi passivementL la
~d~I!!.-1.!éces~ité(c'est-à-dire de l'enchaÎI1e­
ment logique), la forme de l'a priori qui représente
la liberté de la pensée (Enc., § 12) (1). La philo­
sophie spéculative peut donc accepter la fameuse
formule : nihil est in intellectu uod non rius rit 
,..-( i~ (ri~n n'e§Ldans l" ect qui n'ait~té J
<Z- auparavant dans les sens). MaIS e e peut la rectifier
et ïâ compléter m'feui que ne le faisait ~ibniz
avec son !!isi ips!J....in.!elleetus (si~_n~t ~llëët
lui-même) ; ellë peut fa retourner entIèrement en
disant : nihil est in sensu quod nonfuerit in intelk,etu
(il n'y a rïeïldans~s qui n'ait d'abord été dans
l'intellect). Ce quiSigmrlëque1e~a Raison, est
l~ première du monde et quet:"oute expérIence,
CQl!!;me tout sentiment, n'a de contenu valable
Ifq~'autant qU'lI émane de la pëÏJ.séë (Ene.,g 8).
VII. - Le panlogisme

Heg~ et les cartésiens

!!eg~ représente donc la pensée rationaliste; ill
l
l'incarne même sous sa forme la plus radicale, le

lHpanlogisme, en f' nt de la Raison la bst nce

.JIU mëïiië'"' e 1 DIvers. ans un c apltre essentiel de

son Introduction à la philosophie, ~t a montré

nettement le progrès que réalise la doctrine hégé­

lienne par rapport aux formes antérieures du ratio­

nalisme. La forme la plus ancienne est l'apriorisme

de Platon: la pensée n'y est pas vraiment créatrice

desid~~ car d'une p~rt,le ~~nd~inte~~le .n'y

est en faIt qu'une copIe epuree dU mon e sensible

(1) La p~e est libre quand elle n'est 1'81 asservie à une donnée
extérleure,mats se meut d'clle-même ell posant IlltérfeurelPent S~J
propres détennlnafions.
lES ANTEcEDENTS DE L'HEGELIANISME 25
et la théorie de la réminiscence suppose que l'âme,) 1

avant son incarnation, n'a connu les idées qu'en,

les voyant en quelque sorte, par une intuition ana­

logue à l'intuition sensible. U~ha5e plus élevée

du rationalis~~!!~ç~que~t appelle l'onto-  L

logi~me, rep.!é.~~!-l!.~§.!1!tout par D~.!SJ.rtes : la pensée

y atteint l'être en saisissant intuitivement des l

évidences premières : le Cogito, les fondements des 

mathématiques, !'idé~.dJL ])ieJl env~pant.. ~on

existen~Jar~en! ontologique). Cette métaphy- 1

sique de l'entendement, s'inspirant de la méthode

ma!.Mm~tique, est systématisée d'une façon plus .

panaite dans deux directions opposées par Spi!l0.!,ll 1

et par~z, mais il y manque toujours la média-

J{ tion entre l~oncept de l'absoWetIJJL!"éalitleii!Pi­

riqUe::;)Ne se contentant pas d'une ièléè « qui se ~

porte elle-même », c'est-à-dire implique d'elle-même 1.5

son objet, son fondement substantiel, le~ame

cherche une idée qui se meut d'elle-même, c est- - Ile

., qUI produise toutes les autres idées par la nécessité
; du développement diale~tiqu~.!l!YIuLes! iI!!manent. ~
~ Ce_t aut!!--'!!.t!!!v~_'!'!!.'.!.L ~e l'Idée permet d'éliminer ' ::::::::.
la transcendance de l'absolu~ qui avait dominé '>
toutes les formes antérieures du rati<!~~sme, y ,<~.
JcOïiij)i:lS1ecrîtlClsme ~~ien avec sa cho_se~i Y"~
inc~_aissable (1). Le monde des phénomènes n'est "..,..::-­[
rien d'autre chez ~~l que le développement de
l'Etre dans toute la plénitude de son contenu
(C concret. Le panlogisme aboutit ainsi à une doctrine
qüt,";i elle- &t apritriste par sa méthode, est~.
riste par son contenu effec,tif. Comme le dit _ re(
(1) Il en est de même de la doctrine de SpJDRp : la substance avec

lesJttrlbu1s Infipls elUlllmhœlnftnl (dont creux-seulement nous IOrit

connus) s'oppose 51 radicalement aux modes finis consUtuant le

monde réel que ~el a pu dire que son p8J1tbéjsQle était plutôt up

aco~mls~ qu'unatMlsme, .
26 HEGEL ET L'H~G~LIANISME
~
A Weber,rl'absolu hé élien « n'~~e_ ~I.L.!Ïe.n.J.u)
c1i08êsfily est tout entier. E~ ~eme, . n exc~de
1- en rien lacapacité intellectuelle de l'homme >l.
e.
VIII. - Spiritualisme et matérialisme
~f Si la philosophie hégélienne s~ ainsi ~o­
J!psition de l'em .. e et du rationalisme, elle sur­
monte également celle es octrrnes spiritualistes ~
1et matérialistes qui~rtageaient Ie~ esprits au
. )1XVIIIe siè~le. Dans les universités on enseignait le
spiritnalisme wolfien qui systématisait la doctrine
de L~z. c'ëSi en étudiant Wolf que ~gel
s'est initié très jeune à la philo.~9..PJ'ie et c'est sans
doute parce ::t'il commençait à le_dépasser qu~il
fut mal noté e phiJôsoplûê âu séminaire de Tühin­
~, ~lIeSt· certain qu'en paroles au moins &~.!­

d'tou'ours rendu hommage au spiritualisme uis u'il

JI parle sans cesse e leu et appe e s nt eist)

,l'Idée, principe suprême de sa doctrine. Mais....il

-- f n' st as du tout sûr l'il ait ar' del 'èc~

essentle es u SfIrltualisme j l'existence d'U!!.- ieu

personnel et l'Immortalité personnelle de l'âme

(dont Kant faisait des postulats de la raison pra­

tique). ~qui est certain c'est qu'à côté de ~t,

de SRin~a et des Aufkliirer plus ou moins w.2!.fiens,

~~l a connu de bonne heure les matérialistes

l)tc&Aa t" (~~s dont la doctrine a prévalu en fait au
- XVIIIe siècle, en dehors des Universités. Il rejette
bien entendu le système d'un d'HQlb~h qui n'est,
comme les doctrines spiritualistes qu'une méta­
physique de l'entendement. Cependant, comme
l'atteste Victor Cousin : « Il ne dissimulait pas sa
sympathie pour les philosophes du XVIIIe siècle,
même pour ceux qui avaient le plus co~a~a
cJ!.use du christianisme ~Lht~osophie
'"

LES ANTEcEDENTS DE VHÉCf;LIANISME 27
;; C=:=:=='. __
f~- ..~
sJ~iri~ualis~ Nous verrons comment, tout en T _
~1:téVe1OpJ5ant en fait une conception ~ux;alis~ _r>-~
du monde, il a su garder un sens aux notIOns res ~ -:-;
plus vénérées de la(~nsée spiritualist~ et a pu )~J­
soutenir que « l'esprit esf1a vérité existante de la ~
matière qui est que la matière même n'a pas de
vérité» (Enc., § 389) (1).
Il
-/ 1/ li A"
~ '-Si"" (1..' "'"...l.'I t;
... t 0 cJJ'-oJ..-,--A /~ (r fr)
.;,. 4.-"'" ~--...J>o /
~,----r~-v- f ~
CHAPITRE II
LES THÈMES ESSENTIELS
DU SYSTÈME HÉGÉLIEN
J. - L'idéalisme hégélien
..fug~ qualifie sa doctrine d'idéalisme et c'est
toujours sous cette étiquette qu'elle est cataloguée
par les historiens de la philosophie. Mais ce mo.t
d'idéalisme est vague et même très éq:uivoque. Il
faut bien saisir dans quel sens il est pris par Heg~.
Il faut tout d'abord écarter l'acception la plus~~(. ~">  courant&.Jlu...m.ot, celle qui revient à opposer sans
~"&5J cesseJ:Idéalbau réel~e qui doit être à ce qui est,
~g~ com at cette philosophie du devoir être
telle qu'on la trouve dans la doctrine de Fll:!!!e,
dans laquelle l'idéal n'est jamais atteint, plus encore
telle qu'elle s'exprime d'une façon confuse chez
~RoIjla!!!iq'!,es : par exemple la Sehnsucht (nos­
talgie) de N..oy..IDis, l'ironie de lù'édéric Sch1eg~.
- De telles doctrines impliquent Pinsatis1âëtion
_ devant la réalité et font aspirer à un dépasseD,lent,r~
] ~ vers des lointains brumeux. Certes l'homme
r8e sent d'a!?ord jeté dans un_ m.onde éttanger,
Jtr1ïo8t~, o[""ll se~entperduT!fai8'1le rôle de la philo­
Ilop..!lle n'est J)as de détourner l'homme du monae
A
---- ,
LES TH~MES DU SYST~ME HtGtLIEN 29
,/3
réel; elle doit l'amener à se réconcilier avec lui en
d-,'couvrant en.lui""'Cë<jUre;tJ~'~gène à 1~PJi.t.

iii Quand l'e!!.mit cOI!lprend le monde ep. se re_c~~s.

lit ~ant en lUi, ~ent chez SOl. Au lieu de se sentir
per~~~<!~~~~nde.l'esprit en le comprenant et
en lui donnant un sens revient à soi, enrichi de tout
cë qu'il s'est ainsi asslïïïIIé.Comprendie le~l~

de la p . osophie : il faut que tout soit reconnu
rationrJel, « idéel », c'est-à-dire adéTlatement
~nnaissable par la raison, de même nature que
ses idées (cf. Science de la logique, éd. ~n, l,
p. 145).
:::=s Il faut donc aussi éliminer le sens qu'on donne
k,C"o""'''''au mot idéalisme quand on l'applique au criticisme
r~tien, qualifié d'icYJJ,lisme transcendantal. Cela ~~.~
I{~eut . dire que p~ur .K8J}t nous n~ connaissons
li
JamaIS que des ldées et plus géneralement des ~"""ër-
phénomènes conditionnés par notre stru.cture m.en-
tale qui transcende les matériaux de l'intuition
sensible; la réalit~ofonde...·des choses'" nous
iïhas:e, la cMseerï soi eStmconn:aissable.--.=-Pour
n~, au contraire, il n'y a pas de chose en soi,i!s
®=réalité kdépendante<îe la"'-p~.!~e.Tais cela
ne veut pas dire qu'il n'existe que des êtres pensants
co.mme l'enSeigne. Berkeley qu'on qualifie le ~lusll

souvent d~i.d.~~listeE~rs lJl:l.4:l._ sa doctrine n est 1
~~~itualis~~ im~a!érialis~e). !!.ë~~ll.e

comme superficielle (ofiêrJlàClîlwh) cette forme
d'idéalisme pour laquelle les choses sensibles ne
seraient qu'un monde subjectif, un monde de la
conscience. Qu'on lise pour s'en convaincre ce
passage de ses Leçons d'esthétiques:
cc Le plumage multicolore des oiseaux brille, même s'il n'est
vu par personne; leur chant retentit, même si personne ne
l'entend; cctte caetée qui ne fleurit qu'nne nuit et ces forêts
30 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME
tropicales où s'entrelacent les végétations les plus belles et les
plus luxuriantes, dégageant les parfums les plus suaves, tout
cela dépérit et tombe en pourriture sans que personne en ait
joui. » 1-<.",. f'"J.
T':::--n
- II. - VIdée etQe concept ... .Yl ':-' •
1
- ~;; Clr-f- !l
Le sens que Hegel donne au mot idéalisme c'est'
celui qui fait de l'Idée l'absolu, le principe suprême.
~ue faut-il enten~~_pifïà? On sait que pour('1'3:
aton'l'wee-est l'essence suprasensible, le type
général auquel participent les êtres particuliers
dans le monde sensible. Mais l'idée de Platon est
transcendante et sa doctrine e~!:..!!ualiste pü'is""qu'elle
1oppose radicalement le monde inteIIigible a!!..!!!onde
1. s~J:!.sible. ~g!!ianisme est au contraire une .1'hi­
VV(J - IJ l~sophie de l'~mmanence : l'~u c'est le sujet
ft universel i corn rend tout, dont toutes les ch ses
J' ne sont que e éve oppement dialectique. Ce sujet
universel c'est ce qu'il appelle Idée ou ~pt
( 1j!.egrJ:ff). Le mot concept est le plus expressif par
son etymologie même. Concept, de concipere,
(comme Begriff, de begreifen) veut dire c~
comprend, c'est-à-dire prend ensemble (1). Le
concept c'est la co.mE.réhe~sjo1Jbl)mitlersel qui
comprend ses détermmatlons dans un aéveloppe­
ment dialectique; c'est en ce sens ce qui est llh§o­
l~~et (Enc., § 164). Quant à l'idée, au sens
precis, c'est pour He~l la réalisation adéquate
1] du concept, « l'unité absolue du co~t et de
~ l'obiillivité » et ainsi « le vrai en soi et pour soi»
(Enc., § 213). L'idée c'est d'abord la vie, l'âme,
puis l'idée du vrai et du bien dans la connaissance
et l'action, enf~'elleatteinl'dans
"tc/.L-L" .-; (1) Il est fAcheux pour cette raison que, suivant l'exemple des
(l~ anglais, on ait longtemps traduit Begrift par notion.
îW-­
é.J,-If )/J;"':"(;.- ~ t~ ~.~
#, piA-. .5e.- of'.,,~ ~ J-'''' ~ ,
~c;tJ4- S:'...-- û,-' .r.-.~,,!_ )
z ~
ç:...u~ ,(J' (21-e~itJ(.~_d, .
~"'" (;AÂ..;t s tfj ....~ fJ)tt't;....-t!ô'­
-::;
N.A-- V, ~
LES THÈMES DU SYSTÈME HÉC"P;LIEN 31
la--Eensée ~u p_hilosophe où e~~e pense elle-même, ~

est 1!i"VérIté qui se connaît » (Enc., §§ 574-577).

Du point de vue de l'Idée, ~1.2- con~apparaît

comme un moment subordonné; il reste néanmoins

le principe de l'idée (Enc., § 213, fin).

III. - La pensée et l'universel
Il
Plus généralement, ce qui est premier l'our He~l

c'~t la pensée, non pas la pensée subJectwe, c'est·à·

dire la simple opinion, mais la pensée objective

Ws'identifie à l'universel. C'est d'abord l'universel

te qu'il est conçu par l'entendement, c'est-à-dire

considéré abstraitement comme une forme vide

séparée de son contenu. L'universel vrai, celui de ~

la ra~son, ?'est le concept.. c'est-à·dire la pensée qui

se determme, se lOFrêrét~se. se donne un contenu,

c'est l'universel ui se articularise (par exemple,

l'animal en tant que ma ère). L'idée c'est le

~ c~ept en tant qu'il se ~se, le concept ~i se .rl rëïiîplit de lui-même. Parexemple;-S:I'~Ue j~'u.-,f;I"...

concept, e.!!.e se donne sa réalité dans Je corps :) J J~

d'oilla vie.~Si le~ept et la réalité se séparent, ~1J !><

~st lamort (lHSi.de la phil., éd. lùt~r, Ufe--9-­
:-9-1 à 99)~ ( (j.;r!

~ Ua pensée)est pour Hegel à la fQis : Id:- (; ~
11'~ '. 10-,La substance des choses extérieures : dans la
nature, «""intelligence péffifié'ê»;"'disllÏt Sch~g,
elle se manifeste par les lois des phénomènes, les
genres et les espèces des vivants;
2~ La substance universelle des choses de l'esprit:
I
. u Ifans toute intuition humame il y a iIe la pensée;

de même I~Rensée~t--!,~én.?-ent universel dans

toute re résentation, dans tout souvenir et d'une

maïïière ~énérale dans toute activité mentale, dans'
32 HEGEL E1' L'HEGI!:LIANISME
~ JI
toute volition, tout désir, etc. » La p~e ~tJI
donc êtreconsidérée «oomme le véritableprincipe
...-1 universel de toute existence naturelle aussi bien
'2- q!!e spirituell~; elle domine e~mbrasse toutes
~es chosëSet est à la base de tout» (Enc., § 24,
Addition).
IV. - Divisions du sy&tème
~ Le système hégélien est le développement d'une
"~.j~ '" vaste triade dialectique : idée, nature, esprit. Plus
'/:--..J'L exactement il étudie l'Idée, autrement dit l'absolu,
t1~tca. f...-.... aux trois moments de la méthode d.iaJ~cti~e :
~.~.,.. position (thèse), ne.'gation (antithèse), unification
"-'<.2< • {!!ynthèse). L'Idé.e. est d'abord l'Idée-llW'e..{2!!4e­
'Ul-~ {;:; ment de toute existence naturelle et spirituelle,
-/c(::.,..t~ l'équivalent de €le qu'est dans une philos~hie
~~ spiritualiste t!L:eensée divine avant la c_réation du
----:--- (mOnde. Elle est ênsuite l'Id' ext rioriséë""8ortant
~ d'elle-même pour se manifester comme Nature ans
l'esFace èt dans le temps. Elle est enfin l'Idée
rentrant en elle-même après c~te aliénation-et
d~enue ainsi eSErit réel,pensée conscie~te d'elle­C2J m~e. - D'où es trois grandes divisions du sys­~t
tème : LOJ{1/!:;Philo~~hie de la nature;-Philosl!l!!!i:~
de l'esprit} egel identifiant Idée et Raison, on peut
-1 dire que la ~.1 étudi,§"e in ab~t,racto dans_la
Lo~e, est étudi~ dans la PhilosofJie de la
"2. nature en tant qu'elle s~ réalise dans 1 nivers et
dans la Philosophie de l'esprit en tant qu'elle se
-.J .!!aIise ~la pensée et l'activité de l'homme.
1. La logique. - La logique commande toute la
philosophie hégélienne. Elle doit être considérée
comme un système de détermination de la pensée où
d~~p~raît l'opposition du subjectif et de l'objectif.
LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 33
Autrement dit elle se confond avec l'ontologie :
les catégories de la pensée sont en même temps les
categories de l'être. Si la pensée logique est dialec­
~q:u.-il, c'est parce que l'être lUi-même est dialectique.
La dialectique idéelle n'est que le reflet de la
dialectique réelle : le logicien doit se laisser guider
par elle, penser à sa suite (nach-iJiInken). Sans doute
la logi~eapparaît comm~un «J:Qy~med'oIl!Pres » ;
mais ces ombres sont les essences pures, dégagées
de toute matière sensible, dans le réseau desqueJles
est construit tout l'univers. -­
-La logique hégélienne comprend trois grandes
parties : la théorie de l'Etre, la théorie de l'Essence
et la théorie du Concept.
a) Théorie de l'Etre. - La théorie de l'Etre étudie
les catégories les plus simples et les moins déter­
minées; celles de l'immédiateté. Elle commence
par l~?!ion d'Etre : c'est l'idée la plus abstrll:ite,
( la plus universene,-mais par litiiiêmlLliLclus vide1
I
de contenll.L'être qui n'est ni ceci, ni cela n'est
rïeïi ; il équivaut donc au néant. Cette contradiction
se résout dansJe devenir.!-passage de l'être au néant et
d~~j.ant à l'être. « Le devenir est la première
pensee concrète et ar là le remier conce t,
tandis que l'être et e néant sont es a stractlOns
vides» (Enc., § 88, Addition). Notion capitale par
laquelle ~~ rejoint le vieil Héraclite: rien n'e~tl
stable dans l'univers ; tout y est ~ mouvement
cOiifiîïuel et, J'absolu n'est rien d'autr~~ ce
process~ ininterrom u du - nir (4as Ah$ow.te
iJJ~ss. y a en toute c 0 e de l'être etdu
non-êtrè. Si une fleur n'était que fleur, elle resterait
( fleur éternellement; elle se nie, elle se réfute en se
fanant our donner un fruit et des raines.
Toutes les catégories de l'être se evelo..ppent_ à
Parîiraud"evenir. Pour simplifierla dialectique
- - - ' n"". rt:nw:'
R. SERREAU ·3
Il

!1.I"'7J
rw / ­
} 1 (cf­
~
~c~...s
..,--..r
J"-e.
34. HEGEL ET L'H~GELIANISME
hégélienne, on peut dire que le .deyeJlir ~le
~sag~ d'une qJ,l.alité. à une aut~e.' chaquê h~i!é
determmant une enstence em Ln ue, un aseLn
(etre- à . Un être dé~en:r:Yn~ eu ~ant ~'i1; s'op..e0se
a~autre est etre our so F sLch sem).
- Le mouvement i ectique conâUlt aInSI e la
qualité à la quantité: quantité extensive (nombre),
giiiûl.eux-i~i!~...oJl ~~. On aboutit a~si à la
mesure, quantlte -dont <lepend la qualite. Par
exemple suivant son de~é de tempér1mire l'eau
restera liquide ou' d~iendra glace ou vapeur.
b) Dialectique de l'infinitude. - C'est à propos
de ces catégories que Hegel développe sa célèbre
dialectique de l'infinitude, sa conception de l'infini
vrai. Il ne faut pas concevoir l'infini comme étant
(la progression d~ fini qui, en avançant, recule s~~s
cesse ses bornes, mais ne rai[ainsi Ç[!l~_.~~~_«!c:l.!!!1er
de nouvelles : ~ès indéfini c'est le__inauvais
tYu Jaux) infini. Il faut conceVOir FJ.J.Ï1mi'dIâTec­
tlquement comme se réalisant dans le fini et par
le fini, où il se manifeste en s'imposant des limites
qu'il nie ensuite, cette négation de la négation étant
son affirmation. Autrement dit l'infini vrai c'est
pour Hegel la totalité des moments de l'être qui
se détermine elle-même dans chacune des bornes
posées par le devenir universel (1).
c) Théorie de l'essence. - La notion de mesure
fait passer de l'être à l'essence. Ce qui se cache sous
les aspects changeants de l'existence empirique que
sont la glace, l'eau liquide, la vapeur d'eau, c'est
l'essence de l'eau conçue comme toujours identique
à elle-même. Ce qui tombe sous les sens n'est plus
(1} Le faux infini ~eut être symbolisé par une droite qu'on pro­
longe indéfiniment. L infini vrai est symbolisé par un cercle. Autre­
ment dit l'absolu circule : l'Infini se manifeste, se donne l'existence,
en sc détenninant, en devenant fini.
LES THÈMES DU SYSTÈME IlitGitLIEN 35
alors qu'apparence (Schein) (1). L'être apparait
ainsi comme dédoublé : il se présente sous deux
faces qui se réfléchissent l'une dans l'autre. Les
termes s'opposent ici par couple: identité et diffé­
rence, fondement et conséquence, chose et proprié­
tés, force et manifestation, intérieur et extérieur.
Tout en s'excluant ces catégories n'en sont pas moins
inséparables: elles s'appellent l'une l'autre. Ainsi
la chose n'est rien si l'on fait abstraction de ses
propriétés qui ont en elle « leur réflexion en soi )l
(Enc., § 125) (2). La force n'est qu'une entité vide
si on la sépare de ses manifestations: c'est pourquoi
l'explication d'un phénomène par une force est une
pure tautologie (Enc., § 136; Logique, éd. Lasson, A
II, p. 79-80). L'oppositionOa plus illusoire est cell-v
~	 de l'intérieur et de l'extérieur. La réflexion considère J.~lF~ }
d'ordiIlaire l'essence coinme n'étant que l'intérieur r;.... ~
des choses. En réalité l'intérieur et l'~eur ont ~S?t-f---­
le.!!!-ême contenu. « Tel est rliOmme ext@eUJ'$Plent, ( ~ t-~
c'est-à-dire dans ses actes, tel il est intérieurement; J
(1,~	 et si ce n'est qu'in.!~rieur,gnent,c'est:a:ëIiie seule­
ment en intentions, en sentiments qu'il est vertueux,
moral, etc., et que son eJCtérieur n'y soit pas iden­
tique, c'est_~e l'un estaüSSi~~ux et vid~e
l'autre.))JJ. ~donc dire que l'homme n'est nen A*'3d'autre que la série de ses actes. C'est pourquoi ce
qui est' purement ~tèneut est par là aussi tout .. "Lt. J-s
extérieur. Ainsi la raison de l'enfant n'est d'abord <Le ~
~ virtualité int~ri_§Jtre; elle ne se réalise )~.~
vraiment que par l'éaüëition en prenant la forme ­
(1) Jouant sur les mots H~el dit que l'essence (Wesen) c'est
l'être passé (ge-wesen), mal!M! ûn passé Intemporel; l'être s'y est

~(Intériorisé (er-inner/) , comme le souvenir (Er-Innerung).

(2) Il Y a lei passage de l'fue à l'avoir. Les qualités ne sont plus

pour elles-mêmes, mals seÜfement êoiiime propriétés de la chpse

qui le! a. Ce qui jusmle l'emp}21 du verbe avoir pour marquer le

~lLn'l!"Sl plus. mîîIS1.ëSprlLeD....8.arde le souveiili, l'a Vu";"en­
ten u, ete.	 .
36	 HEGEL ET L'H1tG1tLIANISME
d'une autorité extérieure (volonté de ses parents,

enseignement de ses maîtres). Ce que l'enfant n'était

d'abord(~'~n~yet par là pour les autres (les

adultes), e evient alors aussi(pour soj) (Enc.,

§ 140 et Addition). il faut donc Se-nîefler de la

fausse profondeur des intuitions « géniales» qui ne

feXPlicitent pas nett~ment, comme de l'hypocrisie

. des bonnes intentions-q!!Î ne se traduisent pas Pilr
(
des actes.
-~ les termes s'opposant par couples dans la
sphère de l'essence t~~lementleur synthèse
"tJ~	 4ans la catégorie de la réalité e ective Wirklichkeit):
{g Pû-e	 le phénomène y est conçu comme a ma estation
totale et adéquate de l'essence. La réalité vraie par
opposition à la simple possibilité ou à la pure contin­
gence c'est l'être nécessaire, la nécessité rationnelle.
C'est pourquoi ~~ a pu écrire que ce qui est
rationnel est effective!!"ent réel (wirklich) et qt:i'e'"ce
2_" qUt est e ectivementréeresrratî;onn-et (Préface de 18
P. ilos. du droit, p. 14 et nc., 6). Le nécessaire
c'est d'abord la substance, puis en un sens plus
« vrai» la cause (Ursache) qui se manifeste par ses
effets. Mais il y a réciprocité d'action entre les
causes et les effets. Cette causalité circulaire qui se
manifeste le plus nettement dans les organismes,
c'est l'action réciproque (Wechselwirkung).
Avec cette catégorie on quitte la sphère de
l'essence où l'être se scindait sous deux aspects pour
entrer dans celle du concept, c'est-à-dire de la
totalité intelligible qui pose, en les comprenant
comme ses moments, ses propres différenciations
et manifeste ainsi sa liberté (par opposition à la
nécessité qui régnait dans la sphère de l'essence).
]rI d) Théorie du c(]!!:Eept. - Hegel étudie le concept
If sous trois aspects :
a) Le concept subjectif qui comprend trois
LES TH~MES DU SYST~ME HEGELIEN 37
moments : l'universel, le particulier et l'individuel.
Le concept c'est l'universel conçu non comme une
identité abstraite, une forme pure, mais comme une
eensée 1<Jl!:! se concrétise~ se donne .. un contenu en
seaétermÎnant en se ariicû1arisa:irt:-l1esi-amsi
àIaliase du jugement (Urte~ qUI est non pas la
simple liaison d'un sujet et d'un attribut, mais,
comme l'indique l'é~gie du mot Ur-teil, le
partage primordial (iUiliiSprüngliche Teilung) du
concept qui en sépare le particulier (das Besondere
= das Besonderte) (cf. Enc., § 166; Hist. de la
philos., p. 98). Le jugement rattache ainsi l'existence
des choses à leur essence universelle (exemple
Socrate est mortel). Le raisonnement unit ces deux
extrêmes par un moyen terme; il établit une
médiation entre l'universel et l'individuel au moyen
du particulier. Il représente donc l'Universel tel
qu'il se RciliMLda~~J~Î!9ivid_'::lel en se particularisant
ou l'individuel tel qu'il est compris dans l'universel
par la mlfation dU.-Ea~culie~ raisonnement
est le fon ement essentiel de toute vérité : pour
Hegel tout est raisonnement, de même que tout est
concept (Enc., § 181).
Le concept n'est donc pas quelque chose de pure-
ment subjectif: il se réalise dans la totalité concrète
qu'il embrasse et est ainsi concept objectif
b) Le concept s'objective sous trois formes :
le mécanisme dans lequel les objets sont simplement
juxtaposés; le chimisme dans lequel ils s'attirent
et se pénètrent mutuellement; la téléologie, c'est-à-
dire la finalité organique dans laquelle la fin domine
et dirige l'activité des parties.
c) La téléologie prépare l'avènement de l'Idée
dans laquelle le concept revient à lui-même P.!!l' fi
l'union de la subjectivité et"de l'obJectl~cr.L'Idée)1
est la PIus haute définition de l'absolu. Elle peut
é~~
Pl~(,J:""
38 HEGEL F:T L'H~G~LIANISME
être conçue « comme la raison..., comme le sujet­
objet, l'unité de l'idéel et du réel, du fini et de
l'infini, de l'âme et du corps, comme la possibilité
qui a en elle sa réalisation effective, comme ce dont
la nature ne peut être comprise que commE: exis­
tant, etc. ». « L'Idée c'est la .d,isl1ecti.@e m~me qui
éternellement separe et dirférencie l'identique du
différent, le subjectif de l'objectif, le fini de l'infini,
l'âme du corps et ~ seulement ~t~!_~~le
création éternelle, ~.Qurce ét~rnelle de vie et e~~rit
t~ernel » (Enc., § 214). Si l'Idée paraît contra ic­
toire à l'entendement c'est parce qu'elle est essen­
tiellement processus et n'existe que par cette dialec­
tique immanente qui ramène tous les moments du
développement de l'être au sujet absolu qui les
« surembrasse_» (übe..rgreift) (Enc., § 215).
« Il y a trois idées, dit &gel dans sa Propédeu­
tique (III, § 67) Q.~L'idée de Ta vie ~ 25)L'idée de
la connaissance èt du bien ; e~L'idéedé la science
et de la vérité même. » L'idée sous sa forme immé­
diate c'est la vie où l'âme réalise le concept dans
l'organisme. Dans J'idée de la connaissance on
cherche le concept qui doit être adéquat à son
objet; dans l'idée du bien c'est au contraire le
concept qui vient en premier et qui doit être réalisé
comme but de l'action. Le _C,2llcept suprême C'~jit
l'I~e absolu~, [unité de la vie et de la connaissance,
l'~iversel qu~ se pense et en pensant se ré~.!i~e~ui­
D.!tm~. effe~tivem~nt (cf. Propédeutique, §§ 66 à 87 ;
Enc., §§ 216 à 244).
2. Philosophie de la Nature. - La Nature est
pour &w J'Idée sous la forme de l'altérité (Anders­
sein), l'idée qui sort d'elle-même, s'extériorise pour
arriver en produisant la vie consciente à rentrer
en elle, à s'intérioriser dans la pensée de l'homme.
LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGELIEN 39
Le devenir de la Natu.re est donc ~ aS,cension vers
l'Esprit. L'idée se manifeste sans dôutédans ia
Naturé, ne serait-ce que par les lois qui la régissent;
mais elle n'y est jamais réalisée que d'une façon
inadéquate. Cette impuissance de la Nature à rester
fidèle au concept impose des bornes à la pensée
philosophique qui ne peut ici tout déduire, car elle
se heurte aux faits accidentels, à la pure contin·
gence. La Nature.doit êt.f~_considérée co~ ~ lP-'jJ
sys.~me de deS!..és sortan~ nécessairement les uns) ~",&
dç~ _âutr~s; mais la diatêctique du conceptqui -d-'
dirige ce développement reste intérieure à l'Idée'
qui réside au fond de la Nature; il ne faut pas
y voir une production extérieure réelle comme le
veulent les théories transformistes (cf'.:E1!c.., §§ 247
~ 251). -~ .

Hew;,l s'applique à dégager la dialectique de

l'Idée immanente à la Nature en substituant

partout aux catégories de l'entendement les rela­

tions idéelles de la pensée spéculative (Enc., § 305).

Il y distingue trois niveaux d'existence marquant

un progrès dans le sens d'une concrétion et d'une

individuation tl,lus en plus grande ~e monde

Jiu mécanisme ;.~ Le monde de la P~yslCo-chimie;

(~Le m<:mde_~rg~nique.

@- Le monde du mécanisme est celui de la matière et
du mouvement où les éléments, extérieurs les uns
aux autres, n'agissent que par attraction et répul.
sion. La forme abstraite de l'extériorité est l'esEace, ,...-1
« entité sensible non perçue par mssens» (unsinnliche
Sinnlichkeit) ; celle du d~v~Wr est le temps, « l'être L
qui, en tant qu'il est, ~esf pas et ën tant qu'il
n'est pas, est )J, « le négatif en soi-même JJ. Ces de~x
abstractions trouvent leur synt!tèse (leur « 1aentité
posée )J) dans le lieu et le mouvement dont la matière .J
es~Ja~~isatio~.La grliVifiifiOn'èst.~eîenaallce
;;;0­
40 HEGEL ET I:IIJ1G1J:[,IANISME
[
(f) ­
III
1
jlll
J.I
de la matière à s'intérioriser, une as~ira~o.!!.Jla sub­
j~ctlvitê~emouvement des corps celestes manifeste
le plus nûttement cette mathématique de la Nature
qui est l'aspect le plus élémentaire de la ratio­
nalité (Enc., §§ 254 à 271 ; Log., L, p. 253).
La physique, comme la conçoit Hegel, a pour
objet tous les aspects proprement qualitatifs du
monde matériel (lumière, son, chaleur, électricité),
où tout s'individualise dans des corps. Il dégage
tous les moments d'opposition et de conciliation
par lesquels se manifeste ici la dialectique naturelle.
La polarité en est la forme la plus typique. - Le
dernier terme des processus physiques est le chi­
misme qui permet l'avènement de la vie.
L'idée, qui était enchaînée dans le mécanisme
et s'affranchissait de plus en plus dans les processus
physico-chimiques, se libère dans le monde organique
où le concept se concrétise de plus en plus en pas­
sant par les étapes du règne minéral, du règne
végétal et du règne animal. L'organisme trouve dans
les processus chimiques les conditions de son
existence : il doit cependant leur résister sans cesse
pour vivre. « Une chose n'est vivante qu'en tant
qu'elle renferme en elle la contradiêtion êï est au
vrai l!..façul~è comprendre et~supportèr-en:;oi
la. contradictiJn » (Logique;ea:-J:as~n, rr;p:-59).
:r;e"ëonfIit êontinuel avec des forces extérieures
hostiles que l'être vivant doit combattre et sur­
monter fait qu'un sentiment d'insécurité, d'angoi~e )1'
est toujo!!!.~Jié à la vie (g;nc'.2-§.§...l62~_~98).
"Mais ce n'est pas seulement la puissance de ees
forces extérieures, cette « universalité abstraite »
qui voue le vivant à la mort: c'est aussi et surtout
l'inadéql1ation. .de . 80~ .exis~nce individuelle_à
« l'universalité çoncr~e » que constitue le concept
de fespèce à laquelle il appartient. C'est là « sa
LES TH~MES DU SYST~ME Hf:CÉLIEN 41
maladie originaire et le germe inné de la mort »
(Enc., § 375) (1).
La philosophie de la Nature de ~g~l (restée pro­
che de celle de Schelli!!g) est la partie la plus discutée
du système. ~g~j avait des connaissances scienti­
fiques étendues. Il était loin de mépriser l'expé­
rience; mais il n'en retenait que les aspects quali­
tatifs et en négligeait l'aspect quantitatif, cette
armature mathématique qui depuis Galilée et
D~~s a dominé de plus en plus 1i" science.
Dans sa thèse d' « habilitation JJ, De orbitis plane­
tarum, qu'il soutint en 1801, il avait « démontré JJ
qu'entre Jupiter et Mars il ne pouvait y avoir
d'autres planètes, l'année même où la découverte
de Cérès réfutait sa malencontreuse déduction.
Cette mésaventure le rendit plus prudent dans la
suite: il atténua de plus en plus ses attaques contre
Newton dans les différentes éditions de l'Encyclo­
pédie et il conseillait à ses étudiants de ne pas faire
de thèses sur des sujets proprement scientifiques.
La Nature n'a de valeur pour .!k~l que dans la
mesure où, conditionnant la vie, elle rend possible
l'avènement de la conscience et de la pensée.
Contrairement à ~t, il n'admirait pas la « mau­
vaise infinité JJ du ciel étoilé; il aimait à dire que les
étoiles ne sont qu' « une éruption de boutons lumi­
neux dans le ciel )J. Bie~~J!J;_erre.!!..e~soit qu'une 1pla®te.JXdp.~~u~_~d.Q!pé~.~~_ soleir,el~e n'en ~J~J-
es!~asmoins le « centre m~hysiT.:!e»du mona~,Iéir~êIreestle séjouièlèTIiommê," porteur ~e l'ESPrit. J
Et les produits même les plus lOsigmfiants etœs
plus aberrants de la pensée sont pour !!.e~l « d'une
(1) Pour ~, • le fini est en lul-même contradictoire et par

là même se supprime. (Enc•• § 81, Addition). Il exclut en e1Yet

l'Infini tout en l'impliquant dans la mesure où il ne se suffit pas à

lui-même et n'est qu'un moment du développement de l'être.
42 HEGEL ET L'H~G~LIANISME
valeur infiniment plus haute que le cours régulier
des astres ou l'innocence inconsciente de la plante »
(Enc., § 248).
3. Philosophie de l'Esprit. - La philosophie de
l'esprit est comme le couronnement du système
hégélien, car c'est dans l'esprit que l'Idée achève
son développement, se co~cf:!ise au maximum et
atteint vraiment sa réalite e ective. L'idée logique
et la Nature sont lesw'";o~tionsde la réalisation de
l'esprit qui est ainsi leur vérité. Hegd s'est appliqué
à dégager le sens le plus profoi'd et la portée la
plus générale de toutes les manifestations de la
pensée. Il a créé ainsi toute une philosophie de la
culture humaine et posé les bases philosophiques
des sciences morales. Il ne s'est pas contenté en
effet d'une étude purement psychologique de la
vie intérieure (l'esprit subjectif) ; il a voulu étudier
l'esprit dans ses productions extérieures, œuvres
des sociétés humaines : 1'histoire, le droit, les
mœurs (l'esprit objectif) et dans ses manifestations
les plus hautes où l'esprit se retrouve vraiment
chez lui: l'art, la religion et la philosophie (l'esprit
absolu). On réalise ainsi le (c Connais-toi toi-même »
des anciens Grecs dans son sens vrai en dégageant
l'essence universelle immanente à notre être, ce qui
est substantiel en nous (Enc., § 377).
a) L'esprit subjectif. - L'esprit subjectif se
présente à différents niveaux qui sont autant de
moments nécessaires du développement dialec­
tique du concept de l'eElprit. ~ distingue ainsi
l'âme (objet de l'anthropologie), la conscience (objet
de la phénoménologie) et l'esprit (objet de la psycho­
logie proprement dite). L'âme c'est l'esprit en tant
qu'il dépend de conditions naturelles physiologiques
(race, tempérament, etc.), et même purement physi­
....

LES THi!:MES DU SYSTi!:ME HEGELIEN 43
ques (climat, par exemple). Hew combat la
conception empiriste qui fait de la vie consciente un
ensemble de représentations n'ayant entre elles
qu'un lien extérieur suivant « les soi·disant lois
de la soi·disant association des idées ». La conscience
psychologique est une « totalité concrète » de déter­
minations dans laquelle chaque partie a sa place
en fonction de toutes les autres (Enc., § 398).
TI reconnaît que tout ce qui se passe dans l'esprit a
son origine dans la sensation et l'état affectif
élémentaire (Empfindung), mais rejette l'appel
au cœur et au sentiment comme critères du bien
moral et de la vérité religieuse. « C'est en effet la
pensée qui distingue l'homme de la bête avec la­
quelle il a en commun la sensation et l'affectivité
élémentaire » (Enc., § 400). La vie psychologique
se dégage peu à peu de son asservissement à la
nature en s'élevant du sentir (Fühlen) à la cons­
cience de soi. Un facteur important du progrès
mental est l'habitude qui embrasse tous les degrés
de l'activité de l'esprit.
« Elle est l'élément le plus essentiel pour assurer l'existence
de toute spiritualité dans le sujet individuel... pour que le
contenu religieux, moral, etc., lui appartienne en tant qu'il
est ce moi, cette âme, qu'il ne soit pas en lui seulement en soi
(en tant que disposition naturelle), ni en tant que sensation
ou représentation passagère, ni en tant qu'intériorité abstraite
séparée de l'activité et de la réalisation effective, mais que ce
contenu soit dans son être. » (Enc., § 410) (1).
La psychologie doit étudier le développement
dialectique immanent de l'activité mentale. TI
faut que l'esprit révèle sa liberté en arrivant à
reconstruire rationnellement par son activité propre
(1) Autrement dit c'est par l'habitude que l'on passe de l'aptitude
à une science à sa possession elJective, de la lecture d'un livre au
savoir qu'il contient, des bonnes Intentions aux vertus véritables•
.......~----------
44 HEGEL ET L'HEGELIANISME
ce qui lui a d'abord été imposé comme donnée
immédiate. L'esprit théorique se manifeste en effet
d'abord comme connaissance intuitive confuse liée
au sentiment. L'intermédiaire entre l'intuition et
la pensée conceptuelle est la représentation (Vorstel·
lung) qui se présente sous la forme de la mémoire­
souvenir (Erinnerung), de l'imagination et de la
mémoire verbale (Gediichtnis). Cette forme de la
mémoire est la plus importante, car elle est J'instru­
ment de la pensée, rend possible toutes les opéra­
tions mentales supérieures.
Hew insiste beaucoup sur le rôle capital du
langage. Il Pe!.m.et à la pensée irJ.diyidu~lleJ!.e
~joindre immédiatement l'universel. « Les formes
de la pensée sont d'abord extériorisées et mises
en dépôt dans le langage de l'homme..., ce qu'il
fait passer et exprime dans le langage contient
d'une façon plus ou moins voilée et confuse ou
d'une façon explicite une catégorie Il (Logique,
~d. Lasson, J, p. 9-10 ; cf. Enc., § 459 et Phénom.,
~~~on, p. 330). C'est pourquoi ~el invoque
souvent des étymologies pour just' 1er sa dialec­
tique (1). Et il affirme son mépris pour ce qui est
ineffable : le sentiment, l'impression du moment
(Enc., § 20).
Passant à l'étude de l'esprit pratique, I!.e~l
montre comment la pensée se détermine en volonté
et comment la volonté doit s'élever au-dessus du
sentiment pour se baser sur la pensée. Et il s'élève
une fois de plus contre la mode de l'appel au cœur
qui régnait à l'époque romantique. « La vérité et
la rationalité du cœur et de la volonté peuvent se
trouver seulement dans l'universalité de l'intclli·
(1) Il Invoque parfois de fausses étymologies: par exemple quand
Il rattache meinen (avoir une opinion) à meln (mien) ou wahrnehmen
(percevoir) à wahr (vrai).
LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 4S
gence et non dans la singularité du sentiment en
tant que tel. Il (Enc., §471.) Il fait cependant l'éloge
de la passion.
Ce qui en fait la force et la valeur c'est« le fait d'être limitée
à une détermination particulière de la volonté dans laquelle
se plonge toute la subjectivité de l'individu.•. Mais la passion
ne saurait être ni bonne, ni mauvaise en raison de cet aspect
formel : cette forme exprime simplement le fait qu'un sujet
a placé dans un contenu tout l'intérêt vivant de son esprit, de
son talent, de son caractère, de ses goûts. Rien de grand n'a
été accompli et ne peut être accompli sans passion. Ce n'est qu'une
moralité morte et même trop souvent hypocrite qui entre en
guerre contre la forme de la passion en tant que telle.» (Enc.,
§ 474 ; cf. Philos. de l'histoire, éd. Lasson, l, p. 63).
!kg!,! rattache la dialectique des tendances et des
besoins à la Philosophie de la Nature (Enc., §§ 359­
360) et à la Logique (Science de la Logique, II,
p. 59 et Enc., § 204). La tendance (Trieb) n'est
rien d'autre que le fait que, d'un seul et même point
de vue, une chose est en soi-même et est le manque,
le négatif de soi-même. Ce qui veut dire que par la
tendance l'être vivant s'affirme en niant son état
présent où quelque chose lui manque; d'où son
effort pour sortir de cette contradiction pénible
(sentie sous forme de besoin) en cherchant à se
procurer ce qui lui manque (des aliments, par
exemple). Le besoin est ainsi la présence d'une
absence.
La dialectique de l'amour est esquissée dans la
Philosophie du Droit (addition au § 158) :
« Amour, cela veut dire d'une manière générale la conscience
de mon unité avec un autre, si bien que je ne suis pas isolé
pour moi, mais que je n'acquiers ma conscience de soi qu'en
renonçant à mon être pour soi et en me counaissant comme
unité de moi avec l'autre et de l'autre avec moi... Le premier
moment dans l'amour c'est que je ne veux plus être pour moi
une personne se suffisant à elle-même et que, si je l'étais, je
me sentirais défectueux et incomplet. Le second moment
46 HEGEL ET L'HJ!;GJ!;LIANISME
c'est que je conquiers mon être dans une autre personne, que
je gagne en elle la valeur qu'elle de son côté gagne en moi.
L'amour est donc la plus énorme de ces contradictions que
l'entendement est impuissant à résoudre... li est à la fois la
production et la solution de cette contradiction; en tant que
solution il est l'union morale des êtres.»
b) L'l1!P1 obi!Clif et l'esprit absolu. - Hegel a consacré à
l'étude de l' sprit objectif en dehors des résumés de l'Encyclo­
pédie ses Leçon" sur la philosophie de l'histoire et ses Principes
de la philosophie du droit. Quant à l'Esprit absolu, il lui a
consacré, en dehors des dernières pages de l'Encyclopédie, et
des deux derniers chapitres de la Phénoménologie de l'esprit,
ses Leçon" sur l'esthétique et sur la Philosophie de la religion.
Nous parlerons seulement ici de ses conceptions en morale et
de sa Philosophie de l'histoire, renvoyant aux deux chapitres
suivants l'étude de la Philosophie de la religion et celle de la
Philosophie du droit. Ces deux pièces essentielles du système
hégélien méritent en effet une place à part, car elles sont liées
à la scission entre la droite et la gauche hégélienne qui s'est
manifestée essentiellement sur le plan religieux et sur le plan
politique.
c) La morale de Hegel. - La morale proprement
dite n'occupe qu'une place assez réduite et en fait
fragmentaire dans la philosophie de Hegel. Elle est
étroitement liée à ses conceptions juridiques et
politiques ainsi qu'à sa psychologie de l'esprit
pratique et à sa philosophie de la religion.
La position fondamentale de l'idéalisme hégélien
est, nous j'avons déjà vu, opposée à l'idée d'un
devoir étre (Sollen). La philosophie, comme il la
conçoit, a pour but non pas de définir un idéal de
perfection inaccessible, mais de comprendre le
réel en le reconstruisant dialectiquement et d'en
reconnaître ainsi )a rationalité. Envisagée sous cette
perspective, la morale constate plutôt qu'elle ne
juge. Comme le dit Eric Weil,« elle est vécue;
elle peut et doit être décrite, mais eUe n'est ni à
critiquer, ni à construire, ni à refaire ».
Une opposition fondamentale domine la morale
LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 47
hégélienne : celle de la moralité subjective (Mora­
litiit) et de la moralité objective (SitùichkeitJ. La
première est la moralité au sens kantien, définie
par un critère formel : la validité universelle de
. la maxime d'action, autrement dit l'intention
conforme à la loi morale. Mais ce n'est là qu'un
fondement abstrait du devoir qui aboutit à un
formalisme vide. On n'apprend pas ainsi quels sont
effectivement les devoirs et les droits (Philos. du
droit, § 135).
r
La vraie moralité c'est, pour Hegel, la moralité
objective, celle que l'homme acquiert dans les
sociétés qui l'éduquent: la famille, la société civile
et surtout l'Etat (Enc., § 513-517). C'est en s'inté·
grant consciemment à ce tout co~et_~'estl'orga­
nisDle_.l?.2ne~tü de l'Etat lJl!e l'hoII1Il:!-~ attein.!-la
~aie liberté : quand en effet il vit la loi au lieu de
la subir, elle cesse d'être pour lui une contrainte
pour deveilir ,une forme de libération en l'amenant
à dominer son individualité empirique, ses passions
aveugles, ses intérêts égoïstes. C'est ainsi que Hegel
rejoint à sa façon la notion kantienne de l'autonomie
et donne une forme concrète au criterium de l'uni­
versalité : la participation à l'esprit collectif.
Sans doute cette doctrine suppose un bon Etat
et de bonnes mœurs. Un progrès est ici possible
par l'action d'hommes d'élite; mais ils ne réussis­
sent que-SI leurs idées'; leurs sentiments et leurs
~té~êts. s'acc_or.dent mieux ave~~on.)<J1:1~s
mstltutlOns eXistantes et re resentent amsl une
JI. fo~~--vra{ede l'um.Y~rsel. lui q~ ~~,. ci
dei"VaIeurs nouvelles n'agit plus sur e pre­
mént moral, malS sur e pan Jstonque: ce qui nous
amène à parler de la PJûlosopliie de l'histoire.
d) La philosophie de l'histoire. - La philosophie
de l'histoire est certainement la partie la plus
~
48 HEGEL ET L'HÉGÉLIANiSME
connue et, si l'on peut dire, la plus populaire de
l'œuvre de Hegel. L'histoire IDive~lle, comme il
la conçoit, n'est pas I%,stoire Qrigmale, celle des
premiers narrateurs des événements, ni l'histoire
réfléchissante qui veut expliquer les faits et tirer
du passé des leçons pratiques: c'est l'histoireJJhilo­
. . sophique qui domine les événements d'un pomt de
r~ vue Uliiversel et(intemporel)Pour H~g~ en effet la
RaiSOn est la substance même de l'histoiJ;e. Il.pens.'ë.
J
aVêc Anaxagore, que_la raison gouverne le monde
et que!Ians-Phistoire comme ailleuis_!.t?jit-s'"'ést
passé rail0~eI!e~ent. L'mSïoireest le dévelop­
pement d'une It!~ immanente dont les w::ands
 pmonnages histori~~~ne~~e.1e~i!!§..truments -1
"1inconscients; ils sont animés par leurs passions et 1
1réaIi6elltleul's intérêts; (e mais en même t.emps se
(1) tl'ouve reâtlsée une fin :e,lus lointaine, mais dont
ils n'avaient pas conSCIenCe et qui n'était pas dans
leur intention» (1). Ce qui fait leur puissance c'est
.1 que « leurs propres fms particulières renfel'ment le
'(.. contenu subst~ntiel(2) qui est la volonté de J'Esprit
universel li. Ce contenu « est dans l'instinct uni­
? &,~ versel, inconscient des hommes. Ils--Y..§ont-p~sés
J""~par une fo<aeiuterne ,. A =tai.., époque' la l'
structure de « l'esprit d'un peuple ) se brise parce
qu~ëlle s'est ùsée,Vidèe de sa substance. Mais
l'lùstoire universelle poursuit sa marche en avant.
~C'est alors que se produisent les grandes cQUisjpns
J1 entre les institutions établies jusqu'alors et des
posSibilités qui sont opposées à ce système, qui
l'ébranlent, mais ont un contenu qui paraît bon
et même nécessaire. Ces .'-possilJi.lités deviennent
alors historigues. Elles impliquent un fond universel
LES THÈMES DU SYST~ME HP:GP:LIEN 49
différent de celui qui servait de base jusqu'alors Ala
st'iiiêture existante d'un peuple ou d'un Etat. Cet Iluniversel, 1~lL....grands hQmmes de l'histoire 8'eïl
e!!!p'arent,""en font leur fin ~ro'pre~et, en réalisant (1,
reurs amblbons, réalIsent en même temps la fin .
1
ql!f~nd au conce t le lus élevé d ' .·t. ~
C'est ainsi que se man este a dialectique de fhistoire.
Les progrès de l'humanité sont réalisés par des 1contradictions, des collisions (guerres, coups d'Etat J
ou révolutions) aboutissant un état d~ choses
pl~rai. Les périodes de bonh!<ur, c'est-A-dire
d'harmQnie, d'absence de contradictions, ne sont
pasUëS périodes historiques (Philos. de l'hist., éd.
Lasson, Introd., pp. 4-5, 13 à 17, 59-60 et 63
à 68, 74 à 76).
Nous ne pouvons analyser tout le contenu,
extrêmement riche, de la Philosophie de l'histoire.
L'idée directrice qui la domine est que l'histoire
universelle est le progrès dans la conscience de la
liberté. Ce progrès est marqué d'abord par le passage
de l'ancien despotisme oriental, où un seul homme) /1
es_t-.!!È.re, aux Républiques aristocratiques de la
~rèce et de Rome o~ _S~~! quelques individus ,sont ) "2
~s. « Ce sont seulement les nat1on~ermamques
«I!!i, dans le christianisme, se sont élevées les pre- J. 3
mières à la consClence-aecctte vérité que l'homme
en tant qu'homme est libre, que la liherté_cleXesprit
constitue sa nature la plus propre. ,>Maisle81nsti­
ions temporellts ne se son~ modelées que peu à
peu A l'image de ce principe d'abord purement
religieux. Les périodes les plus décisives en ce sens
ont été la Réforme (qui fut comme la ~on
a~de) et en dernier la Révolution française. 't.
On a vu alors l'homme « prendre pour base sa tête,
c'est-à-dire la p.e et construire la réiliJ:é à
l'image de celle-Cl ». C~-fu! « un magnifiquëTever
R. SEJUillAU 4
so HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME
e) L'esthétique. - Il faudrait pour être complet parler de
l'e&thétique de Hegel. Il est impossible de résumer en quelques
lignes cette œuvre maîtresse, d'une lecture d'ailleurs rela­
tivement facile, qui vaut peut-être plus encore par la richesse
de sa documentation que par son élaboration en système.
Nous en indiquerons seulement les idées directrices. Lt' beau
c'est l'absolu dGlJ& son uÏ8tence sensible, l'Idée transparaissant
dans les limites de l'apparence sensible. Le rôle de l'art c'est
d'être « le médiateur, le conciliateur entre la réalité extérieure
sensible et périssable et la pensée pure, entre la Nature et la
réalité finie d'une part et la liberté infinie de la pensée concep­
tuelle d'autre part». Dans l'art le sensible apparaît spiritualisé
et le spirituel revêt une apparence sensible. L'élément propre
de l'art c'est donc l'apparence (Schein), mais cette apparence
esthétique n'est pas une illusion, quelque chose qui serait
inférieur au monde des phénomènes (Erscheinungen). L'art
fait apparaître le substantiel, l'universel; il dégage la valeur
vraie des apparences sensibles, leur donne 0: une réalité plus
haute engendrée par l'esprit ».
L'œuvre pédagogique. - Un aspect beaucoup moins connu
de la pensée hégélienne est son œuvre pédagogique. Elle consiste
en discours et en rapports qu'il a prononcés ou rédigés quand
il dirigeait le lycée de Nüremberg. Ils vont li contre-courant
des méthodes pédagogiques ct nouvelles» déjà en vogue de son
temps (et redevenues ct nouvelles» aujourd'hui). Son principe
fondamental est que la pensée doit, comme la volonté, commencer
par l'obéissance. Il combat 0: la désastreuse démangeaison de
vouloir amener l'élève li nne pensée personnelle ». Si on laisse
l'enfant raisonner li sa guise (( il n'entre jamais de discipline
et d'ordre dans la pensée, jamais d'enchainement logique dans
la connaissance ». Il faut (( extirper ces vues fantaisistes, ces
idées, ces réOexions que le jeune âge peut avoir ou fabriquen).
Pensant li la propédeutique philosophique, il estime qu'il
faut d'abord faire apprendre ce· qui a été élaboré par les plus
grands esprits, exercer les jeunes gens li le repenser. Ainsi(( on
remplit de pensée, de substance une tête d'abord vide et on
Qimine cette originalité naturelle de la pensée, c'est-à-dire la
LES THÈMES DU SYSTÈME H1tG1!:LIEN 51
contingence, l'arbitraire, la bizarrerie de l'opinion person-
nelle H. Il combat de même les méthodes qui veulent qu'on
commence par le concret sensible pour s'acheminer vers la
pensée. Il faut « commencer tout de suite par l'abstrait lni·
même et prendre celui-ci en soi et pour soi ». - Fervent de la
culture gréco-latine, il loue l'étude de la grammaire, où il
voit l'école du raisonnement.« Elle a en effet pour matière les
catégories, c'est-à·dire les propres produits, les propres déter-
minations de l'entendement; c'est donc dans la grammaire que
l'entendement commence son apprentissage en s'étudiant
lui-même. »« L'étude austère de la grammaire se révèle donc
comme un des instruments les plus universels et les plu.; nobles
de la formation de l'esprit» (Gymnasialreden du 29 septem-
bre 1809 et du 14 septembre 1810. Lettre à Ni~!!!"..!!ler
du 23 octobre 1812). Le thème de l'aliénation, dont nous par·
lerons plus loin (p. 114), fournit à Hegel un argument original
en faveur de la culture classique : en éloignant la pensée
de ses moyens d'expression hahituels, l'étude d'une langue
ancienne exige de l'esprit un effort d'analyse et de raisonne-
ment qui le forme cc à l'image de l'essence universelle de
l'esprit ». (Gymn.asialrede du 29 septembre 1809.)
Ç"L
CHAPITRE III
LE PROBLÈME RELIGIEUX
ET LA SCISSION DE L'ÉCOLE HÉGÉLIENNE
Le problème religieux occupe une place de pre­
mier plan dans la pensée hégélienne. Il semble
même avoir dominé ses premières méditations
personnelles, Hegel en effet se destinait d'abord
à la carrière ecclésiastique. Il fut pendant cinq ans
pensionnaire au séminaire protestant de Tübingen
'et ses eriers titres universitaires fure~~s
Jl~pJô~ e théologie. S'il renonça à être pasteur,
ses premiers travaux écrits (1) n'en furent pas
moins consacrés au problème religieux.
A la fin du XVIIIe siècle l'orthodoxie luthérienne
était attaquée sur deux fronts opposés dans les
milieux protestants d'Allemagne : d'un côté par
les piétistes qui, voyant dans la religion un élan
mystique du cœur, opposaient la flamme vivifiante
du sentiment à la lettre desséchante de la théologie;
de l'autre par les rationalistes de l'ère des lumières
( Aufldiirung), qui s'efforçaient d'éliminer du chris­
tianisme tout ce qui est surnaturel, voyant dans le
Christ non pas un Dieu incarné, mais un homme
(1) Les deux plus Importants sont La vit de Jésus et L'tHldL4u
christianisme dJm:L ~(l. NONT. les pmm&enJ9U7 sousTetltre:
ECrltSl1iêolOgïqUes de jeunesse,
LA SCISSION DE L'ECOLE IlËGl1'LIENNE 53
supérieur, prêchant une moralité plus haute. Des
courants plus hardis encore se faisaient jour dans
l'esprit des pensionnaires de Tübingen. On passait
volontiers du déisme au panthéisme; on admirait
Spinoza. Hegel s'accordait au mieux avec son
condisciple Holderlin qui exaltait le naturalisme de
la Grèce païenne et invoquait sans cesse le ~v XiX~
7tiiv des philosophies de l'immanence.
1. - Les écrits théologiques de jeunesse
Son émancipation religieuse s'accentua encore
apr~s sa sortie du séminaire. Ses premiers écrits
sont conçus dans l'esprit du rationalisme kantien.
II pense que le but et l'essence de toute religion
est de développer la moralité de l'homme et que
c'est dans ce sens que s'est orientée la prédication
de Jésus. II reconnaît cependant que la religion
populaire doit laisser une place au cœur, à l'ima­
gination et même aux sens. Des tendances pan­
théistiques émergent dans certaines pages où, sous
l'influence de Holderlin, il s'enthousiasme pour
1'4~me. Mais un élément"ïllystique s'y associe
toujours plus ou moins. Il voit dans le sentiment
religieux une forme supérieure de l'amour qu'il
interprète déjà dialectiquement. Dans l'amour en
effet la thèse et l'antithèse sont à la fois supprimées
et conservées sous une forme plus haute. L'UniOn
de Dieu et du monde doit être comprise comme
un lien vivant. « T.mt vit dans. la di~té ; tous les
vivants sont ses enfants. »
Le panthéisme de ces premiers essais s'affirme
de nouveau dans son Système de la moralité (System
der Sittlichkeit), contemporain du Cours d'Iéna.
On y lit, par exemple, que « la conception philo­
"sophique du monde et de la nécessité, d'après la­


j
54 HEGEL ET L'HEGELIANISME
'i~elle toutes les choses sont en Dieu et... aucune
llÏ!!dividualité n'existe isolément, est réalisée par~
faitement pour la conscience empirique, en tant que
toute manifestation particulière de l'activité_ou
'de la pensée ou de J'être n'a son essence et sa si~­
JWkation que dans le Tout Il.
II. - Le cours sur la philosophie
de la religion
Mais c'est dans les cours de Berlin sur la philo­
sophie de la religion qu'il faut chercher l'exposé
définitif des conceptions religieuses de He~.
L'idée qui domine ces leçons c'est que l'ôtjet de
la religion est au fond le même que celui de la
philosophie; l'Absolu ou Dieu. Le contenu spécula­
tif est le même; mais la religion saisit sous une forme
sensible et imagée, celle de la représentation ce que
la philosophie comprend sous la forme adéquate
du concept. L'unité du fini et de l'infini que la philo­
sophie pense conceptuellement est sentie, imaginée
par la religion. Cependant lhgel combat ici aussi
bien le point de vue d'une philosophie du sentiment
(par exemple, Jacolli et Schleiermacher) que celui
d'une métaphys'Iqüe de l'entendement (les wolfiens
et Kant lui-même). Ces deux orientations fuiit de
l'infini quelque chose d'abstrait, tandis que la
philosophie religieuse de H-rel veut faire voir l'infini
dans le fini comme le fini ans l'infini et réconcilier
ainsi le sentiment religieux et l'entendement du
point de vue de la raison. Sans doute un contenu
valable peut résider dans le sentiment, mais d'une
façon confuse; rien n'en garantit la vérité. La forme
du sentiment n'est que le côté subjectif. Du côté
objectif le contenu religieux a d'abord la forme
de la représentation. Mais celle-ci n'est pas encore
LA SCISSION DE L'ECOLE HEGELIENNE 55
vraiment libérée des images sensibles. Seule )a
pensée spéculative dégage ce contenu dans toute
sa pureté.
Le véritahle rapport du fini et de l'infini est
l'unité indissoluble dans laquelle le fini apparait
comme un moment essentiel de l'infini. Dieu est
« le mouvement vers le fini et par là en tant que
suppression du fini le mouvement en lui-même ».
Dieu pour être Dieu ne peut se passer du fini;
sans le monde il n'est pas Dieu. Il est l'Universel
absolu, la pensée suprême qui se développe en
posant scs déterminations qu'elle ramène à soi.
- H~g~ se défend néanmoins d'être pan~te.

Un panthéisme, au sens littéral, consisterait, d'après
lui, à soutenir que tout est Dieu, y compris les réali-
tés empiriques dans leur extériorité : conceI!!!~

absurde qui n'est représentée dans aucune rel!~n

nr~üne=-F.hllosop]ile.-
Les preuves de l'existence de Dieu sont pour
H~W moins des démonstrations véritables, qu'une
description de l'élévation du moi à Dieu. Il redonne
une valeur à l'argument ontologique en opposant ici
la représentation qui n'implique pas la réalité de
son objet et le concept, notamment le concept absolu
qui renferme l'être comme une de ses détermina-
tions. Le fini est ce qui ne correspond pas à son
concept, là où le concept et l'être sont différents.
Mais quand il s'agit du concept en soi et pour soi,
du concept de Dieu, le concept et l'être sont abso-
lument inséparahles.
, He~ oppose à la le reli~on absolue Il, qy~urJ) l' t.:t 57
l.ul~e christianisme, les autres religions, dites· '
déterminées ou particulières, qui ne sont que les
moments particuliers du développement de la
J c~ence religfeuse. Il distmgue ici : 10 Les
religions de la Nature en entendant sous ce nom
56	 HEGEL ET L'HEGELIANISME
J

les religions de l'Orient où la divinité est conçue

comme la puissance infinie de la Nature en face

de laquelle l'être fini, l'individu se perd dans son

néant; 20 Les religions de l'individualité spirituelle

dans lesquelles la réalité naturelle n'est qu'une

manifestation de l'Esprit-Tels sont : a) Le mono­
'lthéism~ucelui de tIslamlqui écra.§.~re

devant le « sublime Il divi~Le polythéisme grec,

religion de la bcauté ; c) La religion romaine, culte
de l'intérêt national.
III. - Le christianisme chez Hegel
C'est, bien entendu, au christianisme que Hegel
consacre le plus long développement. Sa haute
valeur vient de l'idée de l'incarnation, l'union du
divin et de la nature humaine réalisée dalls'Ta
personne du Christ. Alors queKant séparait la foi 
/(	 et la science, Hegel veut au contraire les concilier
'2	 en élevant la foi au niveau de la science. II le fait
en donnant une interprétation .spe<:ulative des
dogmes chrétiens. Ainsi dans la Trinité il retrouve
les trois moments que la Logique distingue dans le
concept: universel, particulier, singulier. D~e
..,.- ~e c'est l'universel, la pensée pure dont l'activité
est le savoir. Tout savoir supposant un objet à
connaître, l'universel divin se particularise, se
différencie, devient, d'Idée une, pluralité d'idées:
2._ c'est Dieu le .BIs, engendré perpétuellement par
le Père. Enfin Dieu revient à lui-même, reconnaît
son objet comme identique à lui et. supprIDïë la
différenciation dans l'amour: il est· aror8··Esp~t ou
3 . personnalité absolue. Ou bien encore, suiV3Qt la
division ternaire du système hégélien, pieu ,est
"1 ~ d'abord danS!!9n Idée éternelle « comme il
.- ~st en <rte1que sorte avant la c~éation du ~ond,e )1
,
:
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Rene Serreau-HEGEL-et-L'HEGELIANISME-qsj-1029-puf-Paris-1968

  • 1.
  • 2.
  • 5. 'tt 1...,,(~j-- J .Jf L",- ;7'L­ l'I~41J? ~ ç, _C'L­ l ''':::-)~ #" J"" t!-<­ tôt., -, rç DU Mf:~IE AUTEUR ,. CrmS",OK ct n. SCRRCAT), Heyel. collection , Philosophes " Presses Universitaires de France, l(NO ; 4' éd. (revue), 1963.
  • 6. « QUE SAIS-JE ? » LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES N° 1029 - ­ HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME par René SERREAU Pro,'esseur 11Onoraire de Pl1üosophie au Lycée .fansan-d,-SailLy TROISIÈME ÉDITION PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS ~968) UATRlÈME ~l1LLE~ VfNGT-Q
  • 7. DÉPOT LÉGAL 1re édition 4e trimestre 1962 3e 2° - 1968 TOUS DROITS de traduction, dereproduction etd'adaptation réservés pour tous pays © 1962, Presses Universitaires de France
  • 8. s- INTRODUCTION 1. Avant-propos. - On a dit de Hegel qu'il est l'Aristote i2lr des temps modernes. Sa doctrine est en effet le syst~me le plus complet et sans doute le plus profond qu'un philosophe ait jamais conçu. Elle embrasse tous les domaines du savoir et reconstruit par sa dialectique les aspects les plus divers de l'expérience humaine, ne voulant laisser subsister aucun résidu mystérieux, aucune intériorité cachée, aucune trans­ cendance inintelligible. L'hégélianisme est de ce fait une philosophie d'un abord difficile. Il n'en a pas moins exercé une influence considérable au xrxe siècle et, après une longue éclipse, est revenu aujour­ d'hui au premier plan cn s'associant à des courants parfois fort opposés de la pensée contemporaine. Nous ne pouvons prétcndre fairc connaître toute la doctrine de Hegel, ni même résu::ner so=airement scs œuvres. Ce que nous voulons, c'cst mcttre en lumière aussi nettement que possible les thèmes les plus essentiels qui la caractérisent et expliquent l'influence qu'elle a exercée et exeree encore aujourd'hui. Considérant l'hégélianisme comme une philo­ sophie toujours vivante, nous laisserons de côté lc dévelop­ pement historique de la pensée de Hegel pour nous attacher à présenter ses enseignements dans l'ordre même où leur in­ fluence s'est excrcée. Rcnversant ainsi la chronologie de ses œuvres, nous commencerons par l'étude du système tel qu'il est exposé dans la Logique et dans l'Encyclopédie par~e &le c'est le seul aspcct de son œuvre qu'on ait connu au sièc e àêi'i'iiCrct'qu'i~aemeure aujourd'hui encore - nous le pensons - la base la plus sûrement établie. Nous parlerons seulemcnt dans le dernier chapitre de la Phénoménologie, parcc que cc livrc, la première grande œuvre de Hegel, est devenu aujourd'hui l'œuvre hégélienne par excellence, celle qui répond le mieux aux courants les plus suivis de la pensée contemnoraine. Eutre ces deux narties extrêmes nous accor­ derons ;}ne place assez longue à l~ philosophie de la religion et à la doctrine politique de Hegel: c'est en effet sur ces deux
  • 9. ••• 6 HEGEL ET L'uF;cELlAN /S.H E ordres de problèmes que s'est produite la scission de l'Ecole hégélienne; de là sont issus des courants de pensée fort divergents qui font qu'on voit dans l'hégélianisme tantôt l'inter~tatio~.!ayl~~()i2nde d.U christlaDisme, tantôt le pIUSsûr fonaement <le l'humanisme at1ée - tantôt la source du pangermanisme, tantôt la racine du marxisme. Nous commencerons par une étude des antécédents de l'hégélia­ nisme, non pas seulement pour situer Hegel dans l'histoire des doctrines, mais aussi et surtout pour Inieux le faire coml'rendre en le rattachant et en l'opposant à la fois à des philosophes plus connus en raison de leur abord plus facile. C'est en effet en montrant ce qu'il retient et rejette de la doctrine des ( grands penseurs anciens et modernes qu'on est le Inieux à même de saisir les fondements de son système qui se dégagent ainsi nettement, comme par des retouches successives, des grandes philosophies qui l'ont précédé. Notre travail repose avant tout sur une étude directe des œuvres de Hegel dans le texte allemand et c'est d'après cc texte que nous donnons nos références. 2. La biographie. - Fils d'un fonctionnaire des Finances, Georg Wilhelm Friedrich Hegel naquit à Stuttgart, le 2'1"aoftt "T'7'71l':"""Tr ht ses preInJheS'études au lycée de sa ville natale, puis entra en 1788 au séminaire protestant de Tübingen où il eut pour condisciples et amis le poète H~dglin et Schelling, dont il devait être d'abord le disciple. Bien qu admis aü'X"gTades de magister en philosophie ct de « candidat» en théologie, il renonça à se faire pasteur et occupa pendant sept ans des emplois de précepteur à Berne, de 1793 à 1796, puis à Francfort, de 1797 à 1800. Il consacra alors les loisirs dont il disposait à parfaire sa culture dans tous les domaines et à écrire divers opuscules, dont une Vie de Jésus, qui ne furent publiés qu'après sa mort. ---- -- '-'­ L'héritage qu'il recueillit après la mort de son père en 1799, lui permit de quitter son précer,torat et de se consacrer entière­ ment à ses travaux personnel~. Il se rendit à Iéna, où Sshlàli.ng ' enseignait depuis 1796,.y ~ub~ so~ pr~_~: ouvrage, Diffé­ -1 ­ rence des !.lstè,!!es de Flchte et aCSc1iellmf( en JUllletl"801 et . soutint le mois 8mvant sa thèse d' « liabilitation », D!u!rJ!itis 1pl~tarum. conç~e ~ans r.è~!.rrdera«-plîy~ique ~cula!ive» alorsàlâ II!oqe. TI put ainsi commencer son premler cours eomme privat-docent en octobre 1801 et fut nommé en 1805
  • 10. l.'V'f}WDUCTION '1 professeur « extraordinaire », c'est-à-dire non titulaire, avec un traitement des pins modiques. Dans ses cours, qu'il remanie d'une nnnée à j'autre, Hegel met au point de mieux en mieux sa doctrine personnelle et s'éloigne de plus en plus de SéeIling. La rupture de....ient 'Z _ }jdéfinitive quand paraît son_~~mi..!<Œan~.ouvra,<);c.la Phéno- ménologie de l'esPIit qu'il achève en octobre 1806, au momllnt de la bataille d'Iéna. Les troubles causés par la guerre lui ôtant alors tout espoir d'être titularisé dans son Université où il était d'ailleurs fort mal payé, Hegel, à bout de ressources, renonce à sa chaire et accepte l'emploi de rédacteur en chef de la Gazette de Bamberg qu'il OCCUpll de mars 1807 à novem- bre 1808. C'est alors que son ami J'!,iJùhammer, devenu inspectenr général de l'Enseigncment en Bavière, le fait nommer directeur et professeur de propédeutique philosophique du Lycée de Nuremberg. Il exerça ces fonctions de 1808 à 1816. C'est durant son séjour à Nuremberg qu'il se maria (en 1811) avec la fille d'un « patricien Il de la ville qui lui donna deux fils, J - J'fet qu'il publia sou J!!1,ygge..k-pJ~Unp-g.rt~La scie'.!Ç!l.É.!!./a 1<!I5~ (1812-1816). La notoriété que lui valut ce livre devait lui assurer une nomination en titre dans une Université. Il l'obtint d'abord en 1816 à Heidelberg où il acheva la mise au lt - '1 p~int de s~n syst~me en le_r~su~~_nt d~ns L'En~yclo~diedes 1s~':!J!Ce~p!!'llosophlqltes (1817). TI est---enrm nomme il 1 Umver- (sité de Berlin où il occupe la chaire que la mort de ~e 1laissait vacante deplùs quatre ans. Il y commence ses cours en octobre 1818 et y exerce jusqu'à sa mort, déployant ur.e activité considérable, non seulement comme professeur (il fait dix heures de cours par semaine), mais comme chargé de multiples missiollô, présidant des jurys d'examens, pronon- çant des discours, rédigeant des rapports officiels (il fut même un an recteur). Il ne s'accorde de repos que pendant les vacall- 'J ces où il entreprend parfois de longs voyages, le dernier à P~is ~en 1827. ~l est maintenant à l'apogée de sa carrière. Il a plu.s de cent auditeurs à ses cours et groupe de nombreux disciples, dont certains sont des hommes d'âge mûr déjà célèbres. Protégé par le ministre ~ns~in et le directeur de l'Ensei- gnement supérieur s~ze, il i!eut pendant quelque temps régenter les chaires de philosoplùe des facultés prussiennes. Mais il est loin d'avoir joué le rôle de « plùlosophe d'Etat Il qu'on lui a si souvent attribué. S'il était souteI@_parJ::J.~u­ c~<l...tie prurienne, issue des réformes de ~n, il était fort "1.. suspect à a' Cour et les vieux conservateurs n'avaient pas été 5" - plus satisfaits que lèsliDeriîüXJ)ârsa Philosophie dit droit,
  • 11. {,... It-' /q, c:,,_l::::-;..t cA....~ ~......~ ~~~" ~ ""':' fr"<-(../ /<;J "T~ ~",-;:---..., )"V" _1,...5,"'1:-5'..<- ../1 (.;v,,,,,,, r- ',~,' 8 HEGEL ET L'IItcf:LIANISME , son dernier grand ouvrage qu'il publia en 1821. Il est j3é ldangereux par l'~lilise luthérienne après 1827 et rAëïiilémie deBerIin lui ferme ses portes. Hegel fut un,'e des dernières vietimes de l'ép~émie de choléra)1 qui sévit _~ant l'été et l'automne de 1831.11 fut emporté enquelqUes heures quatre jours après avoir repris ses cours, le 14 novembre 1831. Le recteur Marheineke (qui était pasteur et professeur de théologre) et son ami''liirster furent seuls autorisés à prononce'r des discours sur sa iOiiihe. Un passeport français, rédigé en 1800, nous décrit le physi­ que de Hegel en ces termes : Il Agé de 30 ans, taille 5 pieds, 2 pouces [= environ 1.67 ml, cheveux et sourcils bruns, yeux gris, nez moyen. bouche moyenne, menton rond, front médio­ cre, visage ovale. )) Ses disciples eux-mêmes reconnaissent qu'il n'avait rien de séduisant, ni d'imposant avec, comme le dit Hotho, « sa face blême, aux traits mous, pendants et comme engourdis », sa tenue négligée sur sa chaire, où il s'affalait d'un air las, la tête baissée, sa parole toujours hésitante, sans cesse interrompue par des toussotements, sa voix sourde, son fort accent souabe. Il n'aimait pas qu'on le questionne en dehors de son cours sur des points de sa doctrine : il ne répond ait que par dcs gestes vagues ou rP.nvoyait à ses livres. n préférait souvent à dcs entretiens savants la compagnie de bourgeois sans culture avec qui il aimait jouer au whist. ' En r()v~n('he,.l!..Q.~aitdes nuits.,~ntières à préparer ses c~urs ) ou à... éS!:Ï!"e ses liv;'e~T1a~a une 'Iïüiïj)eà hmle. 'De son vivant-negel n'avait publié que les quatre grands ouvrages que nous avons cités et divers opuscules ou articles de revues. Après sa mort ses amis et disciples préparèrent une édition complète de ses œuvres, rassemblant non seulement les textes qu'il avait publiés. mais tout ce qu'il laissait en manus­ crit, en particulier Il:!. notes dont jL~,~~~l!-pou-Lses«ours. En dehors de la Phénomeno1Ogw, sorte d'introduction au système, Hegel n'avait en effet développé à fond dans ses livres que la Logique et la Philosophie du droit. L'ensemble du système était résumé dans l'Encyclopédie, mais d'une façon très inégale: si l'on y trouvait un abrégé substantiel de la Logique et de la Philosophie de la Natllre, les autres branches du système y étaient condensées d'une façon beaucoup trop sommaire. Hegel avait-l~ement déveJQEpé jans ses cours ~ j!hilosopme de l'histqlre, i'estnétique, la philOsophk deJa) Ire!igi~net !'~de la philoso"phie : à toutes ces disciplines 1'l!;ncyclopeiHe ne consacrait que quelques pages. On n1 tro_u­ vait p~s les ~entaires détaillés et lCls, exen!l!lesJ!!!!'~s_<I!!els Hegel éë'rairCissaifâëVarifsèsé1èVëSlës furmules abstraites de
  • 12. 9INTRODUCTION l'Enryclopédie. Les éditeurs des œuvres complètes entreprirent donc de reconsti~uer..Jliê..si fidèlement que possible lësTèçons de I!egel. Ils utilisèrent pourcm ses' propr~s manuscrits, qui 1 n'étaient d'ailleurs rédigés qu'en partie et encombrés de nombreuses notes marginales. Ils utilisèrent leurs ~ ge Î. CQurL.llL!;elles d~_étudiants les plus attentifs qu'ils purent recueillir. "TOUS ces documents qui se complétaient et se rectifiaient les uns les autres permirent, confrontés avec les notes de Hegel, de recon§.!!!uer l'es~1illeL®_llQn enseiK;J.~!:Uent jl Md ­ -·C'est ainsi que Gans édita la Philosophie de l'histoire (que K.JW.l!.egel rééditaë'iisuite) et ajouta des compléments à la Philosophie du droit. Hotbo publia l'Esthétique, Marheineke la Philosophie de la reTigron, K. L. Michelet l'Histoire deÎa philosophie. L'Enryclopédie fut ennchie d""additions (Zusiitze), souvent fort longues, qui furent rédigées pour la Logique par vQ.!1J~ing, pour la Philosophie de la nature par K. L. Mi­ chelet, pour la Philosophie de l'esprit par ~ann.RoseDkranz Piiliiia la Propédeutique, c'est-à-dire le cours élémentaire fait , à Nüremberg. L'édition complète des Œuvres de Hegel, ainsi) mise au point, corn rit en tout 18 volumes qUl~arurent àBerrrnâë llr32rI845. C'est son texteque- reproduit l'édition dite du Jubilé dë-"Glockner (Stuttgart, 1927 sq.). Il restait à puii'ITërëTes lettres, ce dont se chargea Karl ~eI en 1887, d~vers écrits de je'E}esses qui furent publié;pir ~lat (en 1893) et par Nolil (en 1907), et enfin le Cours d'Iéna, rattaché à l'édition criiiqüe de ~n et J. HôffiiïèiS­ ter(Leipzig), commencée en 1905. ,..-- ­ - On n'a pendant longtemps connu Hegel f~n FrancèJIue par la traduction que Vera a donnée de l'EncyclOjiédiê(avec les additions) de 1859TI869. La plupart des autres œuvres de Hegel n'ont été traduites en français que depuis 1938 : nous les signalons dans la bibliographie à la fin de ce volume. Les livres de Hegel sont d'une lecture très difficile en raison de la lourdeur de son style, d'une syntaxe souvent confuse et de l'jlxtrêml: tensio!!..~e sa pensée qui adhère toujours très étroitement à la langueallêmande dont elle exploite abon­ damment les ressources. Les œuvres les plus accessibles à un débutant sont l'Esthétique, la Philosophie de l'histoire et l'Histoire de la philosophie qui résument toutes trois dans leurs premi~:resJl~gesles grandes-lfgnes du système. -----­
  • 13.
  • 14. CHAPITRE PREMIER LES ANTÉCÉDENTS DE L'HÉGÉLIANISME ET LES PRINCIPES DIRECTEURS DU SYSTÈME Les historiens de la philosophie ont souvent présenté les doctrines qu'ils exposent comme une simple succession d'opinions divergentes qu'ils se plaisent à opposer radicalement les unes aux autres, ce qui tend à justifier une conclusion sceptique. Hegel combat vivement cette attitude dans ses Leçons sur l'histoire de la philosophie. L'idée direc­ trice qui le guide q~n~JI parc~.!! <:.la .galerie des MFos de la pensée », ~'est_~~}es_~y~!_èE!.~""Jili:il e~ose doivent être considérés comme les étapes 8,uccessiyes d'un se~ême dével~ëïiî : celui de la pen~~e_qui progresse dlalcc­ tip1em~nt au cours des âg!~:La -dernIère phifo­ sophie, la sienne propre, est le résultat de ce déve­ loppement : ell~Mt_~n contenir tous les~d~s) ~ans un_6.y'stèEle final, <fHiilltif, qui ~ absoJ; e en quelque sorte dans une synthèse supérieure. C'était reconnaître que sa propre doctrine était conditionnée historiquement et qu'on ne peut vrai­ m~t ~i~nla <.;omR!"endt:.e_~'enlacorrIro:iïfiiïîtav~e ses antécédents.-. .
  • 15. 12 HEGEL ET l:I1ÉGÉLIANlS}1E I. - Hegel et;~ Hegel est toujours rangé et se place lui-même à côté de Fichte et de Schelling dans le groupe des postkantienr C'est dir~ sa philosophie s'est développée comme celles de Fichte et de Schelling en partant des enseignements d;"kant : il faut donc remonter d'abord au criticisme kaiiÏien si l'on veut connaître les antécédents les plus immédiats du système hégélien. Une opposition fondamentale nous étonne cependant quand on compare ces doctrines. Le criticisme kantien aboutit en effet à . une solution-agnOSfique,-pü plutôt relativiste, d';; ·,., pJ:Qblème de la connaissance : sur le terrain ~c l'absolu on ne peut rien démontrer; on~'-'p'~ut ~~~dopter des croyances. Or les doctrines post­ kantiennes représentent au contraire un dogD!.a­ z. tism~lu~~~.ar encor~_<n!è ceux gue.I&,a.at avait re~~s ; elles ?nt édifié les s~stèmes métaI?hysiques les plus hard~e l~en~ee hum';lme aIt conçusIjusqu'alors. Et cependantelles sont loin de marquer un retour en arrière. Elles supposent le ~tisme tout en le dépassant : elles en conservent, en les intégrant dans leur système, les acquisitions qu'elles jôugent valables; elles évitent de ret()mber dans les lerrements du « dogmatisme vermoulu )J. J>our comprendre cette évolution ou, si l'on veut, ce retournement, il faut se rappeler certains points essentiels de la doctrine de K..!!1t. On sait qu'il distingue dans l'esprit: 10 La sensibilité (Sinnlichkeit) qui reçoit à travers les formes de l'espace et du temps les sensations dues à l'action sur nous de réalités indépendantes de notre esprit: les choses en soi (ou noumènes) que Kant déclare inconnaissables; 20 L'entendement (Verstand) qui synthétise les
  • 16. LES ANTl!;CEDENTS DE UHÉGl!;LIANISME 13 matériaux de l'intuition sensible par l'usage des catégories (exemple : l'idée de cause) liées aux principes de l'entendement pur (exemple: principe de causalité) ; 30 La raison (Vernunft), faculté de synthèse suprême qui, en s'appuyant sur les principes de l'entendement, construit des idées transcendantales, c'est-à-dire dépassant le cadre de l'expérience pour atteindre l'absolu (exemple : Dieu, la cause pre­ mière). Nous verrons que ~~ conserve cette distinc- Cl tion entrljl l'entendeme!';9 et ~ mais en lui ~ donnant un sens-ffès différent. Pour ~~, en . effet, si l'entendement se cantonne dans le monde -1 d~s Iiliénomè~es, il peut par son activité desyn­ thèse constituer une science valable; mais la raison Il échoueri':_-1~!!j~urs dans son.effort pour constiiïire 1 u~i...~9ue. PotirHegiIau contrauele savoir de l'entendement n'est qu'line forme inférieure de la connaissance: celle du savant qui n'est pas philo- 1 sophe ou encore celle des anciennes métaphysiques. nLa raison au contraire, comme il la comprend, JIII n~Sdonne accès à la co_nnaissancc_È .e!us haute, nQ!!.~L_per-!!!.~.1..d~.~u~vraiment l'absolu. Si la raison échoue d'après ~t, c'est parce qu'elle veut utiliser les catégories et les principes Il au-delà de toute expérience possible, si bien qu'ici la forme mentale fonctionne dans le "ide, tandis que ~ dan~mondedes p!J.énomènes elle s~tpligue ~e "!:~re sensI:E>Ië!lu'eITerend inte~ib e. Et c~q~ prouve que les catégories et les pnncipes ne valent qUe'p~urlêsj)lieÏioriièÏÏcs,c~est quê--;quandla raison vellt s'appuyer SUl" eux p~ur s'élever à u~~s­ s~_....!llétaphysigue, elle se perd dans des para­ logismes (c'est-à-dire des sophismes inconscients) ou aboutit à des antinomies, c'est-à-dire à des solutions
  • 17. .-1 14 HEGEL ET VIlJf.GF:LlANIS,.Œ contradictoires pouvant invoquer des arguments d'égale force. Mais ces al'guments prouvent-ils vraiment que l'ahsolu est inconnaissable? Suffit·il d'un« analyse critique de nos facultés de connaître pour~ha~à la raison l!!....I.Q.!U:éde l'absolu? Ne faudrai~~ ~nné!hr~e~ve!Q.~~~I..'esSenQ'~ intim.e d~s choses, flç'est.à-dire aV7~ir ~ésolu le_prohlèl:r!..e~~taphy's~que, lJOur pouvoir ~ta@ir_~ue;É_â!jcomm_e ill'est, l'esprit humam ne peut s en faire aUClme conceptIOn vala@e ? - Comme le dit Hegel, « un examen de la '2.. . co~sance ne pe~~t se [airé autrement qu'en 1connaissant... Vouloir connaître avant de connaître est aussi· absurde que ce sagëCofi~~n scolas­ tique : Apprendre à nager avant de s'aventurer dans l'eau» (Encyclopédie, § 10). Pour &g~ les paralogismes dont parle Kant ne sont pas dus à l'impuissance de la raison: Ils prouveJ?-t seulement que les IIlétaE?xsiciensslogma­ ti~s raisonnaient sur des notions maf fi.xées. Par exemple, les paralogismes fondés sur l'idée de l'âme conçue comme une suhstance simple résultent du fait que l'on opère sur des idées inadéquates, l'âme n'étant pas une identité simple, abstraite, mais une identité active, concrète, qui se différencie elle-même (Enc., § 48, AdJ,). Quant aux antinomies, elles ne se trouvent pas seulement dans les quatre « ohjets cosmologiques » dont parle Kant; on les trouve dans toutes les idées et dans toutës1es choses, et c'est là ce qui constitue le moment dialectique de la pensée logique et permet Je raccordement entre la logjque et l'ontologie. pom. :Ilz;~ en effet la contradiction est dans l'être même; « toutes les choses sont en elles-mêmes } contradictoires ». La pensée suivant l'entendement i.W,e les divers aspects des choses; sa formule est:
  • 18. LES ANTÉCE:DENTS DR L'li ÉGÉLIANISME 15 l c'est ou. ccci ou cela. La p~!1sée. swvant la raison ' sai~t_~~ contraire les choses d~ns leur totalitr J c'est-à-dire d'un point de vue supérieur qui domine les différences auxquelles s'arrête l'entendement. ,. Elle comprend ainsi vraiment le réel "'n le concevaHt ,...-..(.......$-­ cQ..m..~~ouvantêtre à la'[O[SCëc7'et cela. Par exem- - lf"-..p4.­ pIe, « une chose se meut non pas pal'ce qu'elle est /,.. 1, , 'Ul­ à un moment ici ct à un Hutrc moment là, mais .. r-~ -'. seulement parce qu'elle est à un seul et même fP'-t:-~.J?..­ !!1..9,ro~nt ici 1<t non ici, parce qu'elle est et n'est pas à la fois à J.~ même place » (Scien.:c de la logique, éd. Lasson, II, p. 58-60). II. - La dialectique hégélienne Ainsi donc, ce que l'entendement sépare ct, ~ oppose, la ral~son l'unit dans-u:n:ê totalité concrète.} Elle résou""fles contraires cn une synthèse supé­ rieure; elle ramène les différences à l'identi té. Mais cette identité n'est pas une identité abst;;ite /4 qui serait vide de contenu : c'est un':.-identité '3 concrèJe qui contient, pose et développe enelle­ nrêÏiÏe ses différenciations intérieurcs. Telle est l'essence de la dialectiqu.e telle que Hegel l'a comprise. L'objet de pensée qu'on envisige y est d'abord considéré sous s~.!Laspect Je plus immétiiut, 11 . puis par un brusque retournement (Umschlqgen), <D il apparaît sous un autre aspect qui contredit le 1 premier; enfin il est saisi comme étant l'i~é concrète de ces aspects opposés. Tout progresse iitt dans les choses comme dans l'esprit par des ContradictioDS .-9..ui se résolvent chaque fois en lsyntIïeses, d.:Qù surgissen1__de Douvelles contra­ dictions. Ce mouvement dialectique est un déveJi IOlJPelnent (Entwickclung) qui fait passer rl'tr » d'un etat relatIVement pauvre et ahstrait à un état 1
  • 19. 16 HEGEL ET L'HP;(;]~U.ANISME "" plus riche et plus concret." Chaque idée a en elle­ même sa propre négation qui la fait se convertir en une autre idée qui se nie elle aussi; il se révèle alors que ces dli.uX idé.e.s..-ne- &!lnt que l~s moments d'une troisièm~ idée qui contient les deux premières eE- les élevant à une u.:!li~ _supérieure. Ainsi se~réalise le progrèsaiaLeëtique dont fc véhicule est !k'jS - ce que ~~ appelle le négatif. Le négatif c'est l'antithèse d'où naît la contradiction qui Er néggriD.ll.!1.e la négation est_ supprimée en s'absorb_ant dans une tota1Tïe---p1Us haute. C'est ce mouvement ~ ~ialectigue qu'on exprimed'ordinaire par la fameuse A 1triade: thèse, antithèse, synthèse. En fait ces termes, util!Jés p~~Kant et par Fichte, soÏitfiès ~!Ement 1 emp oyés par1rcgeI : il use le plus volontiers de vewescomme umschlagen (se retourner) et surtout'2 ,auf~eben qui veut dire à la fois sUpp'rime~, Ç!!]Y<1!ver _ J et elever. La doctrine hégélienne est donc par excellence une philosophie du concret. Cela peut paraître para­ doxal,· car ses livres, ('l'une lecture très difficile, se présentent, suivant le mot de Victor Cousin, ( comme « une masse compacte et serrée d'abstrac­ tions ». Mais il ne s'agit pas pour Hegel du concret 4. ( au sens vulgaire, c'est-à-dire de la donnée -=é­ diate de la connaissance sensible. II faut prendre 'L~ le -El0t concret ~ans son sens étymologique : èon­ {3 cretum, ilHoncrescere, désignant ce qui s~U37 p~deveIoppement deI'ensemble de ses J.larties,~ comme le végétar-qûi pousse. Autren:îëÏit ·d1i le 1~t c'~st po~ Hegcll~ t!!!;tlité ~onstryj.te ~c­ ) Il 1nquement a partIr de ses moments. Et ces ~!?eE:ts doive!?-t <!:-aliôrd être ab~"l!.f!Lts·, c'eEt-à·direuétachés, extraits des données immédiates ëOtifuses-: Cest là1ë rôl~réalabkde~'~nMment qui. reste es~, bien que subalterné: CJl~ ïilfait défaut ~(" ~Jr--. J -=­
  • 20. LES ANTtCSDENTS DE L'HSGSLIANISME 17 tout reste indéterminé, c'est-A·dire confondu ®ne la nébulosité de l'intuition ou du sentiment. Le travail- de fa penséCI~ique comprend ainsi d'après Hegel trois moments 10 e m2!Pent abstrait, celui de l'entenckment qui iso e les déterminations; 2° Le moment ro rement dialecti ue celui de la raison négatwe, ou s1!!"@~~diction . 30 Le moment s~atif, celui de la raison positive où l'on s'élève Ala synthèse (Enc., § 79). Ce~~e l'umt,é est dit spéculatif parce que€cillicelfu.!'y ~.. -:1 t:1 rêCOiinaît d~_~bjets comme dans un !l!P'oir~-4 (en latin speculum) (1). ~~ 1 III. - Hegel et les postkantiens (~hté et S~elling) Mais ce term.,e d'unité et ses corrélatifs: identité let WJlliJ.é, ont -un sens encore plus fondâine"ii'ftù. Ils êâ'raêtérisent en effet les conceptions de l'absolu par lesquelles les pos!kantiens s'opposent ~U8 J: radicalement AKant. Ils peiinetîë:tiï également, une . fois précisés, dCsituer Hegel par rapport aux autres postkantiens et parra'pport aux doctrines t~.~ métaphysiques antérieures. ~ ~f.b-6~__ (Kint: a reconnu que nous ne comprenons vrai· ~ m~s choses qu'en les unifiant par l'activité ,,,yt..-"synthétique de notre entendement. Sa propre aoc- J'jJ.,u... . trine est cependant loin de satisfaire pleinement A" cette exigence d'unification: elle aboutit en effet b--bsous plusieurs de ses aspects A poser un dualisme irréductible. Sans doute elle semble apporter une solution unitaire a!!...probl~me âé la connaissance -P~'HJ..en dOnnant raison à la fois à l'empirisme, puisqu'elle (1) ~l1hllQ!9~esie Sl!éc.Hlal;~Le mot mélap.hl1- sique lUieffs~-a;-car1 TIilt penser à la. ~yslqüë-aePenIen- dement • de l' re cartésienne, systématisée par Wolf. n. SI':KRF.AU 2
  • 21. 18 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME -f rec~aît que la matière du savoir~e~t des s~n8, et au ratwnahsme, pUIsque l'e-;;tt (IOit-lmposer .!la z. forme à cette matière pour a rendre -mtelligible. Mais elle n'obtient cette conciliatIon qu'en affIrmant ici la dualité de la matière et de la forme. A ce dualisme se superpose celui du phénomène, objet d'une science certaine, et de la chose en soi mconnais­ . sable. Sans doute Kant pense que nous pouvons ~1 'att~~_<!!~_.~~!__ ~h~~l~.__~,!p_ri!.~~~s~_l~' dans l'action morale: Mais il retombe alors dans un autre dua­ llsiiie: celui de la raison théorique, incapable d'arri­ ver à ses fins, et de la raison pratique qui se satisfait pleinement dans~ l'accomplissement du devoir. 1­ Dualisme qu'aggravent encore les postulats de cette~ même raison pratique (existence de Dieu et immor­ "'f pd(i:- talité de l'âme) .q.ui, e.njU~tifi~ntune m~ta~h~que1 ( de l~ !ranscen~anc~,_opposent ~u mon e ~)é un~ au-=aelà surnaturel. .k<- ,t."'?,~ "';./."""'v~ .fo--',...~ ,-~ -~est contre ce dual1sme qu'ont réagi d'aDord les .. deuxpremIers-grands postkantiens : F~te et l'CA- - ..,~ (Sc1Llling : ils ont vo1!!~ établir une conception 6/.-.. t; vraunent unifiée du mondè:--mchte faIt de la chose / 1 en soi un abSolu suTiJiêtif, le moi pur, qui se pose lui-même en s'opposant un non-moi, c'est-à-dire en se donnant une limite qui rend possible les consciences individuelles et ouvre un champ d'ac­ tion à l'existence morale. A cet idéalisme subjectif Schelling oppose un idéalisme objectif: il ramène tout r un absolu neutre dominant l'opposition du rlmoi et du non-moi, l~té indifférenciée du 'Isu..hjectif et de l'objectif qu'il crOIt saisir immé­ diatement par l'intuition intellectuelle. C'est à cette philosophie de l'identité que He~l s'est d'abord rallié dans__so~_premier ouvrage : Difft-rJm.çfL.tkLsxstèmt!...~ de. Fiz!ii~-et ,4è_~ng (juillet 1801). Mais il s'en est dégagé peu à peu dans
  • 22. LES ANTÉCÉDENTS DE L'HEGÉLIANISME 19 ses cours d'Iéna et a rompu définitivement avec la pensée de S~eUjng en 1806, !I!!!lnd il eut.. mi~ .!U point la ~hénoménologiede l~e~erit. Dans la préface de cet ouvrage il r~~Ue cet abs@Lde S~elfuitg qui surgi!J?~~qu~mel!..t.,~~m!!1e «. tiré d'un coup de{ pistolet ll; il n~ y'oit gue~ la n~t où t~-.!e8 _ vaches ~ont noires ll. Et il précise sa propre doctrine: -l'absolu"doit être considéré moins comme substance que comme s~t; il faut y voir non une entité A ( mystérieuse dont on ne sait comment déduire le monde réel, mais une totalité vivante comprenant toutes ses déterminations comme des moments de ~ s..@. aevëlOppement (Phénoménologie, Vorrede, 1-3 )' et II:l). . IV. - Hegel et Spinoza ~~ appelait la philosophie de l'identité de Schelling un « spinozisme kantien ll. En l'adoptant, il S'ètait rallié en fait à la d7;étrine de l'immanence de SPÏI}0-f' à ce ~v XlXt 7tiXv (un et tout) que son aIDI ô!derlin lui présentait déjà à Tübingen comme la vi'rité suprême. Si le refus de toute transcendance apparente toujours H.m.l à ~pinoza une opposition n'en apparaît pas moins dîBie moment où il s'est séparé de Schelling. Il rejette alors implicitement le spinozisme en t'ant que philo­ sophie de la substance; il le rejette en tant que métaphysique de l'entendement et en tant que doctrine (onAée. sur l~ m~thode mathém~t!~~ )' nuonvieE!_qu'a~ ~~~aine de l~antité pure. S'il reste fidèle au principe-del'Immanence, il ne peut admettre que les attributs et les modes soient simplement dans la substance; ils doivent en être déduits comme ses différenciations nécessaires. Cjl qui manque au~o~~e de ...êP~a c'est l~~e-
  • 23. 20 HEGEL ET L'HSGSLIANI8ME loppement dialectiq~ qui domine'[~rs hég~e~) §pin,..2!.a dit bien que toute détermmat~onest une 1?A"'7J" - _négation; mais il ignore la ;rsatîon dé la néggjion qui ~~Ja so~rce du pro~s an81'être comme dans la pensée. L'absolu de Sp.i~a est un réceptacle ~ infini qui contient simplement ses déterminations( finies et a en fait les caractères d'une chose; l'absolu de H~~, sujet plutôt que sUbstance, est un pro­ Ulrcessus, un progrès, un.devenir ; il se manifeste comme uDëléve~oppemënt, tiIie"éi&I~.tion (le mot allemand , EntuiièEelungales deux sens). Pour Sp'inoza l'absolu esfSimuftanément étendue et pensée;pour Hegel il est successivement matière et eSRrit. Ce que 'SPûa explique par un paraUélisme, qui fait de l'âme l'idée d'un corps, résulte pour &~ d'une évolution: la Nature, extériorisation de l'Idée absolue, s'élève par degrés du mécanisme à la vie, et le 'p!~ès de ~a vie atteint son terme ultime dans la pensée de l'homm~où-l'Esprit absoru finit par prendre 'coîi8ëieE:cë de lui-même. Pour Sp'moza tout S'en­ -1 chaine nécessairement dans l'univers suivant un[ déterminisme purement mééaniste et la finalité n'est qu'une illusion. ~g~ associe au contraire '2 la finalité au déterminisme; pour lui, la détermi­( nation est en même temps destination (1) : la~e / évolue dialectiquement pour faire apparaître l'~rit. V. - Les antécédents de la dialectique hégélienne Si la conception de rfirnmanence chez.~H"Ç,gel est très différente de cell~ e!!!0za et plus encore peut-être de celle qu'on trouve chez Plotin et dans 1'~.J0le d'Alexandrie, ~ dia~n-revanche ,,-, .~ (1) C'est Je double ~(>ils du mol J~!la.
  • 24. LES ANTEceDENTS DE L'HeGeLIANISME 21 revêt chez lui tous les aspects sous lesquels elle s'était présentée jusqu'alors. 1. Platon. - C'est d'abord la dialectique comme procéd%dé pensée. Dans ce sens, commun à Platon et à Kant, c'est l'art de découvrir des contra­ di~J;lsdans un o*t de pensée et d'essâyer de l~ ré~o!!.dre ou de montrer qu'elles sont inso­ lubles. Cette méthode avait déjà été utilisée par Zé.E.0~,<J.'Elée et surtout par les sophistes grecs. Ces sophistes, H,:~g~ les considère comme de très grands philosophes, parce qu'avec eux apparaît !l'âge de la. réflexion su!dt!_~!ive où l'absolu se pose comme sUJet. 2. !Y.r.'!!!ilite. - Mais pour ~~g~l la dialectique n'est pas seulement la loi de la pe~sée : elle est aussi et d'abord la l.Qi de l'Etre. Son plus lointain précurseur est ici Htr.~çJj.te qui a le premier enseigné que l'être et le néant s'identifient dans l~r, que tout es.~ èJÎ .!D-0uve~ent, tou~ha.n-g~ut s'écouIel7t~v'r~-p&f.l.Le monde et la société humainej " ne progressen~epar des oppositions, des conflits; /J,/>VtA-' ~a ,gger!..e est incessante; elle est vartout et en~re cL.. f tout. La philosophie ~géJjenne est, elle aussi, une n~4- 'l PJiflosophie du deve'lir qui fait de la contradiction lasource de toùf mouvement et de toute vie. Mais le devenir pour !!.e~l n'est pas seUlement une évolution dans ~ temps; il est aussi et d'abord un dévt{IQppe~eEt(intemporel) 5~ ~ ~~f ; ~P.3. ~oclUB et J. Bgl!!.-me. - La dialectique peut enfin avoir un sens mystique. On en trouve déjà un t1 rJ J9-l..- ' '-·L exemple dans J'Antiquité chez P~s, le dernier "1.. ~ • grand représentant de l'Ecole n~;DW9nicienne : -//~ /"'sI:; <. partant de l'Unité absolue et ineffable, il développe tout en triades dont chacune révèle une des faces --:7
  • 25. l 22 HEGEL ET L'IIEGP:LIANI5ME de la cause première et surintelligible. Mais c'est surtout le fameux théosophe Jakob Bœhme,~le philosophus teutonicus," qui semble. avorr iiil'Juenëé Heg~. On trouve déjà chez ~e des thèmes hégéliens, par exemple, l'idée d'un h~_tre parfait qui pose et s'oppose à l'intérieur de lui-~~me_~on Tbl'ff­1propre contraire pour, en surmontant ses contra­ dictions, s'épanouir dans une claire consc~_ence_de soi et absorber toutes les désharmonies dans une synthèse har~~!!ieuse. ~g~ s'est mis à son ~cole en s'appliquant à donner un sens dialectique à des dogmes chrétiens"' com~~.JaITrinité. ~ VI. - !!eg~ et Aristote De tous les grands penseurs anciens celui qlÙ s'apparente le mieux à &~ c'est peut-être Aris­ tote. Sans doute !ri!n,ot,!; fait assez peu de cas de ce qu'il appelle la dialectique où il ne "9it --p!':u.ne écol~ 4~LYJ'Jü§e~!~pces, sinon de sophismes. Loin de déduire comme Hegel les catégories les unes des autres, il les présente comme des genres de l'être incommunicables entre eux. Mais la logique d'~s­ We est de prime abord ontologique comme celle de ~cl : les lois de la ensée sont. our lui.les lois . ge l'etre. _Heg~l se rec ame vo ontlers d' IS!.2.te:Jc'est, par exemple, une longue citation de sa ( Métaphysique qui termine l'Encyclopédie. Il est son égal par l'étendue de ses connaissances et l'a~pleur__~e s~n systè~~ _gt.!i_~mbrSJ,sse tDusJes dOl!!-llin~~d~.!'avoir~--Ils ont mérité tous deux, par ( la profondeur de leurs vues, d'être appelés « les 1)< 'Î J professeurs des professeurs ». On pourrait parler ~ .~ d'une ~etd'une gauche aristotélicie.n.nes comme 1 on par e, nous le veflOns, d'une droite et d'une • ga.,!1che hégéliennes. Si en effet .Gt~e a pur?~cJ.,.. l 'Grf'jr­
  • 26. 1 LES ANTP;CJ5;VENTS DE L'HEGELIANISME 23 prêt~~ l'armatur~ C!~_S~!!-.!lystème au th.2mi~e,)~ doctnne officielle de l'Eglise, il a pu aussi, dès J l'Antiquité avec Straton, et maintes fois depuis la Renaissance être inVOCiiié en faveur d'une conç,eption. II 1.. nat'~te du monde (ne serait-ce que parce qu'ilJ/ eim"ût1'idée d'une création du monde et l'immor­ talité personnelle de l'âme). Ce qui rapproche le plus Hege] d'~We c'est d'abord sa conception de l~iversel réalisé dans l'individuel : le particulier (das Besondere) c'est .>- l~essence qui se particularise en se déterminant t (Enc., § 24). C'est surtout sa conception ëIUdéve· loppement de l'être: au rapport aristotélicien de la pu~ce et de .r-~te correspond chez Hssel le rapport de l'en soi (An sich) et du pour SOL rFür Il - sich). L'être en soi c'est la virtualité qui n'est pas encore sortie de son unité intérieure (par exemple. Z- le germe d'une plante) ; pour soi l~ê~e est réalisé comme existence particulière distincte (exemple la plante qui pousse). Mais comme le pour soi est, à son achèvement, l'en soi développé, il est en fin de compte en soi et pour soi, ce qui complète la triade dialectique. Cette tmit' de l'eQ soi et du 0 r soi J t"JI c'est le concret. Le eveloppement de l'être est ainsi A une c(mç,r#!i.l.m,-.-!!~.E!9grès de l'abstrait. ~n~oi) au concret (pour, soi). C'est en même temps une médiation, c'est-à-dire un passage par des moments) L slf&cessifs qui se contredisent, se nient, se réfutent les uns les autres (cf. Leçons sur l'histoire de la philo­ sophie, éd. Hoff.II!~er, l, p. 101 sq., et p. 139 sq.). Un autre point de contact important avec ArisWe, ~'est l'a.çcord que H.~e) veut établir entre ~~et~r.ù~4 reconnait que la ~ p ~sop'e doit son déveloP-Eeme!l!. aU_~~~!!Q.ë8 e~erim:mtaJdes'a ~'~~eS~·,~oeunl'·_~_~J1de~e~kiTce pour pomt e epart. on ro e est e donner ..jte
  • 27. 24 HEGEL ET L'HEGELIANISME contenu emp-iri~e (d'abord_ subi passivementL la ~d~I!!.-1.!éces~ité(c'est-à-dire de l'enchaÎI1e­ ment logique), la forme de l'a priori qui représente la liberté de la pensée (Enc., § 12) (1). La philo­ sophie spéculative peut donc accepter la fameuse formule : nihil est in intellectu uod non rius rit ,..-( i~ (ri~n n'e§Ldans l" ect qui n'ait~té J <Z- auparavant dans les sens). MaIS e e peut la rectifier et ïâ compléter m'feui que ne le faisait ~ibniz avec son !!isi ips!J....in.!elleetus (si~_n~t ~llëët lui-même) ; ellë peut fa retourner entIèrement en disant : nihil est in sensu quod nonfuerit in intelk,etu (il n'y a rïeïldans~s qui n'ait d'abord été dans l'intellect). Ce quiSigmrlëque1e~a Raison, est l~ première du monde et quet:"oute expérIence, CQl!!;me tout sentiment, n'a de contenu valable Ifq~'autant qU'lI émane de la pëÏJ.séë (Ene.,g 8). VII. - Le panlogisme Heg~ et les cartésiens !!eg~ représente donc la pensée rationaliste; ill l l'incarne même sous sa forme la plus radicale, le lHpanlogisme, en f' nt de la Raison la bst nce .JIU mëïiië'"' e 1 DIvers. ans un c apltre essentiel de son Introduction à la philosophie, ~t a montré nettement le progrès que réalise la doctrine hégé­ lienne par rapport aux formes antérieures du ratio­ nalisme. La forme la plus ancienne est l'apriorisme de Platon: la pensée n'y est pas vraiment créatrice desid~~ car d'une p~rt,le ~~nd~inte~~le .n'y est en faIt qu'une copIe epuree dU mon e sensible (1) La p~e est libre quand elle n'est 1'81 asservie à une donnée extérleure,mats se meut d'clle-même ell posant IlltérfeurelPent S~J propres détennlnafions.
  • 28. lES ANTEcEDENTS DE L'HEGELIANISME 25 et la théorie de la réminiscence suppose que l'âme,) 1 avant son incarnation, n'a connu les idées qu'en, les voyant en quelque sorte, par une intuition ana­ logue à l'intuition sensible. U~ha5e plus élevée du rationalis~~!!~ç~que~t appelle l'onto- L logi~me, rep.!é.~~!-l!.~§.!1!tout par D~.!SJ.rtes : la pensée y atteint l'être en saisissant intuitivement des l évidences premières : le Cogito, les fondements des mathématiques, !'idé~.dJL ])ieJl env~pant.. ~on existen~Jar~en! ontologique). Cette métaphy- 1 sique de l'entendement, s'inspirant de la méthode ma!.Mm~tique, est systématisée d'une façon plus . panaite dans deux directions opposées par Spi!l0.!,ll 1 et par~z, mais il y manque toujours la média- J{ tion entre l~oncept de l'absoWetIJJL!"éalitleii!Pi­ riqUe::;)Ne se contentant pas d'une ièléè « qui se ~ porte elle-même », c'est-à-dire implique d'elle-même 1.5 son objet, son fondement substantiel, le~ame cherche une idée qui se meut d'elle-même, c est- - Ile ., qUI produise toutes les autres idées par la nécessité ; du développement diale~tiqu~.!l!YIuLes! iI!!manent. ~ ~ Ce_t aut!!--'!!.t!!!v~_'!'!!.'.!.L ~e l'Idée permet d'éliminer ' ::::::::. la transcendance de l'absolu~ qui avait dominé '> toutes les formes antérieures du rati<!~~sme, y ,<~. JcOïiij)i:lS1ecrîtlClsme ~~ien avec sa cho_se~i Y"~ inc~_aissable (1). Le monde des phénomènes n'est "..,..::-­[ rien d'autre chez ~~l que le développement de l'Etre dans toute la plénitude de son contenu (C concret. Le panlogisme aboutit ainsi à une doctrine qüt,";i elle- &t apritriste par sa méthode, est~. riste par son contenu effec,tif. Comme le dit _ re( (1) Il en est de même de la doctrine de SpJDRp : la substance avec lesJttrlbu1s Infipls elUlllmhœlnftnl (dont creux-seulement nous IOrit connus) s'oppose 51 radicalement aux modes finis consUtuant le monde réel que ~el a pu dire que son p8J1tbéjsQle était plutôt up aco~mls~ qu'unatMlsme, .
  • 29. 26 HEGEL ET L'H~G~LIANISME ~ A Weber,rl'absolu hé élien « n'~~e_ ~I.L.!Ïe.n.J.u) c1i08êsfily est tout entier. E~ ~eme, . n exc~de 1- en rien lacapacité intellectuelle de l'homme >l. e. VIII. - Spiritualisme et matérialisme ~f Si la philosophie hégélienne s~ ainsi ~o­ J!psition de l'em .. e et du rationalisme, elle sur­ monte également celle es octrrnes spiritualistes ~ 1et matérialistes qui~rtageaient Ie~ esprits au . )1XVIIIe siè~le. Dans les universités on enseignait le spiritnalisme wolfien qui systématisait la doctrine de L~z. c'ëSi en étudiant Wolf que ~gel s'est initié très jeune à la philo.~9..PJ'ie et c'est sans doute parce ::t'il commençait à le_dépasser qu~il fut mal noté e phiJôsoplûê âu séminaire de Tühin­ ~, ~lIeSt· certain qu'en paroles au moins &~.!­ d'tou'ours rendu hommage au spiritualisme uis u'il JI parle sans cesse e leu et appe e s nt eist) ,l'Idée, principe suprême de sa doctrine. Mais....il -- f n' st as du tout sûr l'il ait ar' del 'èc~ essentle es u SfIrltualisme j l'existence d'U!!.- ieu personnel et l'Immortalité personnelle de l'âme (dont Kant faisait des postulats de la raison pra­ tique). ~qui est certain c'est qu'à côté de ~t, de SRin~a et des Aufkliirer plus ou moins w.2!.fiens, ~~l a connu de bonne heure les matérialistes l)tc&Aa t" (~~s dont la doctrine a prévalu en fait au - XVIIIe siècle, en dehors des Universités. Il rejette bien entendu le système d'un d'HQlb~h qui n'est, comme les doctrines spiritualistes qu'une méta­ physique de l'entendement. Cependant, comme l'atteste Victor Cousin : « Il ne dissimulait pas sa sympathie pour les philosophes du XVIIIe siècle, même pour ceux qui avaient le plus co~a~a cJ!.use du christianisme ~Lht~osophie
  • 30. '" LES ANTEcEDENTS DE VHÉCf;LIANISME 27 ;; C=:=:=='. __ f~- ..~ sJ~iri~ualis~ Nous verrons comment, tout en T _ ~1:téVe1OpJ5ant en fait une conception ~ux;alis~ _r>-~ du monde, il a su garder un sens aux notIOns res ~ -:-; plus vénérées de la(~nsée spiritualist~ et a pu )~J­ soutenir que « l'esprit esf1a vérité existante de la ~ matière qui est que la matière même n'a pas de vérité» (Enc., § 389) (1). Il -/ 1/ li A" ~ '-Si"" (1..' "'"...l.'I t; ... t 0 cJJ'-oJ..-,--A /~ (r fr) .;,. 4.-"'" ~--...J>o / ~,----r~-v- f ~
  • 31. CHAPITRE II LES THÈMES ESSENTIELS DU SYSTÈME HÉGÉLIEN J. - L'idéalisme hégélien ..fug~ qualifie sa doctrine d'idéalisme et c'est toujours sous cette étiquette qu'elle est cataloguée par les historiens de la philosophie. Mais ce mo.t d'idéalisme est vague et même très éq:uivoque. Il faut bien saisir dans quel sens il est pris par Heg~. Il faut tout d'abord écarter l'acception la plus~~(. ~"> courant&.Jlu...m.ot, celle qui revient à opposer sans ~"&5J cesseJ:Idéalbau réel~e qui doit être à ce qui est, ~g~ com at cette philosophie du devoir être telle qu'on la trouve dans la doctrine de Fll:!!!e, dans laquelle l'idéal n'est jamais atteint, plus encore telle qu'elle s'exprime d'une façon confuse chez ~RoIjla!!!iq'!,es : par exemple la Sehnsucht (nos­ talgie) de N..oy..IDis, l'ironie de lù'édéric Sch1eg~. - De telles doctrines impliquent Pinsatis1âëtion _ devant la réalité et font aspirer à un dépasseD,lent,r~ ] ~ vers des lointains brumeux. Certes l'homme r8e sent d'a!?ord jeté dans un_ m.onde éttanger, Jtr1ïo8t~, o[""ll se~entperduT!fai8'1le rôle de la philo­ Ilop..!lle n'est J)as de détourner l'homme du monae A
  • 32. ---- , LES TH~MES DU SYST~ME HtGtLIEN 29 ,/3 réel; elle doit l'amener à se réconcilier avec lui en d-,'couvrant en.lui""'Cë<jUre;tJ~'~gène à 1~PJi.t. iii Quand l'e!!.mit cOI!lprend le monde ep. se re_c~~s. lit ~ant en lUi, ~ent chez SOl. Au lieu de se sentir per~~~<!~~~~nde.l'esprit en le comprenant et en lui donnant un sens revient à soi, enrichi de tout cë qu'il s'est ainsi asslïïïIIé.Comprendie le~l~ de la p . osophie : il faut que tout soit reconnu rationrJel, « idéel », c'est-à-dire adéTlatement ~nnaissable par la raison, de même nature que ses idées (cf. Science de la logique, éd. ~n, l, p. 145). :::=s Il faut donc aussi éliminer le sens qu'on donne k,C"o""'''''au mot idéalisme quand on l'applique au criticisme r~tien, qualifié d'icYJJ,lisme transcendantal. Cela ~~.~ I{~eut . dire que p~ur .K8J}t nous n~ connaissons li JamaIS que des ldées et plus géneralement des ~"""ër- phénomènes conditionnés par notre stru.cture m.en- tale qui transcende les matériaux de l'intuition sensible; la réalit~ofonde...·des choses'" nous iïhas:e, la cMseerï soi eStmconn:aissable.--.=-Pour n~, au contraire, il n'y a pas de chose en soi,i!s ®=réalité kdépendante<îe la"'-p~.!~e.Tais cela ne veut pas dire qu'il n'existe que des êtres pensants co.mme l'enSeigne. Berkeley qu'on qualifie le ~lusll souvent d~i.d.~~listeE~rs lJl:l.4:l._ sa doctrine n est 1 ~~~itualis~~ im~a!érialis~e). !!.ë~~ll.e comme superficielle (ofiêrJlàClîlwh) cette forme d'idéalisme pour laquelle les choses sensibles ne seraient qu'un monde subjectif, un monde de la conscience. Qu'on lise pour s'en convaincre ce passage de ses Leçons d'esthétiques: cc Le plumage multicolore des oiseaux brille, même s'il n'est vu par personne; leur chant retentit, même si personne ne l'entend; cctte caetée qui ne fleurit qu'nne nuit et ces forêts
  • 33. 30 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME tropicales où s'entrelacent les végétations les plus belles et les plus luxuriantes, dégageant les parfums les plus suaves, tout cela dépérit et tombe en pourriture sans que personne en ait joui. » 1-<.",. f'"J. T':::--n - II. - VIdée etQe concept ... .Yl ':-' • 1 - ~;; Clr-f- !l Le sens que Hegel donne au mot idéalisme c'est' celui qui fait de l'Idée l'absolu, le principe suprême. ~ue faut-il enten~~_pifïà? On sait que pour('1'3: aton'l'wee-est l'essence suprasensible, le type général auquel participent les êtres particuliers dans le monde sensible. Mais l'idée de Platon est transcendante et sa doctrine e~!:..!!ualiste pü'is""qu'elle 1oppose radicalement le monde inteIIigible a!!..!!!onde 1. s~J:!.sible. ~g!!ianisme est au contraire une .1'hi­ VV(J - IJ l~sophie de l'~mmanence : l'~u c'est le sujet ft universel i corn rend tout, dont toutes les ch ses J' ne sont que e éve oppement dialectique. Ce sujet universel c'est ce qu'il appelle Idée ou ~pt ( 1j!.egrJ:ff). Le mot concept est le plus expressif par son etymologie même. Concept, de concipere, (comme Begriff, de begreifen) veut dire c~ comprend, c'est-à-dire prend ensemble (1). Le concept c'est la co.mE.réhe~sjo1Jbl)mitlersel qui comprend ses détermmatlons dans un aéveloppe­ ment dialectique; c'est en ce sens ce qui est llh§o­ l~~et (Enc., § 164). Quant à l'idée, au sens precis, c'est pour He~l la réalisation adéquate 1] du concept, « l'unité absolue du co~t et de ~ l'obiillivité » et ainsi « le vrai en soi et pour soi» (Enc., § 213). L'idée c'est d'abord la vie, l'âme, puis l'idée du vrai et du bien dans la connaissance et l'action, enf~'elleatteinl'dans "tc/.L-L" .-; (1) Il est fAcheux pour cette raison que, suivant l'exemple des (l~ anglais, on ait longtemps traduit Begrift par notion. îW-­ é.J,-If )/J;"':"(;.- ~ t~ ~.~ #, piA-. .5e.- of'.,,~ ~ J-'''' ~ , ~c;tJ4- S:'...-- û,-' .r.-.~,,!_ )
  • 34. z ~ ç:...u~ ,(J' (21-e~itJ(.~_d, . ~"'" (;AÂ..;t s tfj ....~ fJ)tt't;....-t!ô'­ -::; N.A-- V, ~ LES THÈMES DU SYSTÈME HÉC"P;LIEN 31 la--Eensée ~u p_hilosophe où e~~e pense elle-même, ~ est 1!i"VérIté qui se connaît » (Enc., §§ 574-577). Du point de vue de l'Idée, ~1.2- con~apparaît comme un moment subordonné; il reste néanmoins le principe de l'idée (Enc., § 213, fin). III. - La pensée et l'universel Il Plus généralement, ce qui est premier l'our He~l c'~t la pensée, non pas la pensée subJectwe, c'est·à· dire la simple opinion, mais la pensée objective Ws'identifie à l'universel. C'est d'abord l'universel te qu'il est conçu par l'entendement, c'est-à-dire considéré abstraitement comme une forme vide séparée de son contenu. L'universel vrai, celui de ~ la ra~son, ?'est le concept.. c'est-à·dire la pensée qui se determme, se lOFrêrét~se. se donne un contenu, c'est l'universel ui se articularise (par exemple, l'animal en tant que ma ère). L'idée c'est le ~ c~ept en tant qu'il se ~se, le concept ~i se .rl rëïiîplit de lui-même. Parexemple;-S:I'~Ue j~'u.-,f;I"... concept, e.!!.e se donne sa réalité dans Je corps :) J J~ d'oilla vie.~Si le~ept et la réalité se séparent, ~1J !>< ~st lamort (lHSi.de la phil., éd. lùt~r, Ufe--9-­ :-9-1 à 99)~ ( (j.;r! ~ Ua pensée)est pour Hegel à la fQis : Id:- (; ~ 11'~ '. 10-,La substance des choses extérieures : dans la nature, «""intelligence péffifié'ê»;"'disllÏt Sch~g, elle se manifeste par les lois des phénomènes, les genres et les espèces des vivants; 2~ La substance universelle des choses de l'esprit: I . u Ifans toute intuition humame il y a iIe la pensée; de même I~Rensée~t--!,~én.?-ent universel dans toute re résentation, dans tout souvenir et d'une maïïière ~énérale dans toute activité mentale, dans'
  • 35. 32 HEGEL E1' L'HEGI!:LIANISME ~ JI toute volition, tout désir, etc. » La p~e ~tJI donc êtreconsidérée «oomme le véritableprincipe ...-1 universel de toute existence naturelle aussi bien '2- q!!e spirituell~; elle domine e~mbrasse toutes ~es chosëSet est à la base de tout» (Enc., § 24, Addition). IV. - Divisions du sy&tème ~ Le système hégélien est le développement d'une "~.j~ '" vaste triade dialectique : idée, nature, esprit. Plus '/:--..J'L exactement il étudie l'Idée, autrement dit l'absolu, t1~tca. f...-.... aux trois moments de la méthode d.iaJ~cti~e : ~.~.,.. position (thèse), ne.'gation (antithèse), unification "-'<.2< • {!!ynthèse). L'Idé.e. est d'abord l'Idée-llW'e..{2!!4e­ 'Ul-~ {;:; ment de toute existence naturelle et spirituelle, -/c(::.,..t~ l'équivalent de €le qu'est dans une philos~hie ~~ spiritualiste t!L:eensée divine avant la c_réation du ----:--- (mOnde. Elle est ênsuite l'Id' ext rioriséë""8ortant ~ d'elle-même pour se manifester comme Nature ans l'esFace èt dans le temps. Elle est enfin l'Idée rentrant en elle-même après c~te aliénation-et d~enue ainsi eSErit réel,pensée conscie~te d'elle­C2J m~e. - D'où es trois grandes divisions du sys­~t tème : LOJ{1/!:;Philo~~hie de la nature;-Philosl!l!!!i:~ de l'esprit} egel identifiant Idée et Raison, on peut -1 dire que la ~.1 étudi,§"e in ab~t,racto dans_la Lo~e, est étudi~ dans la PhilosofJie de la "2. nature en tant qu'elle s~ réalise dans 1 nivers et dans la Philosophie de l'esprit en tant qu'elle se -.J .!!aIise ~la pensée et l'activité de l'homme. 1. La logique. - La logique commande toute la philosophie hégélienne. Elle doit être considérée comme un système de détermination de la pensée où d~~p~raît l'opposition du subjectif et de l'objectif.
  • 36. LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 33 Autrement dit elle se confond avec l'ontologie : les catégories de la pensée sont en même temps les categories de l'être. Si la pensée logique est dialec­ ~q:u.-il, c'est parce que l'être lUi-même est dialectique. La dialectique idéelle n'est que le reflet de la dialectique réelle : le logicien doit se laisser guider par elle, penser à sa suite (nach-iJiInken). Sans doute la logi~eapparaît comm~un «J:Qy~med'oIl!Pres » ; mais ces ombres sont les essences pures, dégagées de toute matière sensible, dans le réseau desqueJles est construit tout l'univers. -­ -La logique hégélienne comprend trois grandes parties : la théorie de l'Etre, la théorie de l'Essence et la théorie du Concept. a) Théorie de l'Etre. - La théorie de l'Etre étudie les catégories les plus simples et les moins déter­ minées; celles de l'immédiateté. Elle commence par l~?!ion d'Etre : c'est l'idée la plus abstrll:ite, ( la plus universene,-mais par litiiiêmlLliLclus vide1 I de contenll.L'être qui n'est ni ceci, ni cela n'est rïeïi ; il équivaut donc au néant. Cette contradiction se résout dansJe devenir.!-passage de l'être au néant et d~~j.ant à l'être. « Le devenir est la première pensee concrète et ar là le remier conce t, tandis que l'être et e néant sont es a stractlOns vides» (Enc., § 88, Addition). Notion capitale par laquelle ~~ rejoint le vieil Héraclite: rien n'e~tl stable dans l'univers ; tout y est ~ mouvement cOiifiîïuel et, J'absolu n'est rien d'autr~~ ce process~ ininterrom u du - nir (4as Ah$ow.te iJJ~ss. y a en toute c 0 e de l'être etdu non-êtrè. Si une fleur n'était que fleur, elle resterait ( fleur éternellement; elle se nie, elle se réfute en se fanant our donner un fruit et des raines. Toutes les catégories de l'être se evelo..ppent_ à Parîiraud"evenir. Pour simplifierla dialectique - - - ' n"". rt:nw:' R. SERREAU ·3
  • 37. Il !1.I"'7J rw / ­ } 1 (cf­ ~ ~c~...s ..,--..r J"-e. 34. HEGEL ET L'H~GELIANISME hégélienne, on peut dire que le .deyeJlir ~le ~sag~ d'une qJ,l.alité. à une aut~e.' chaquê h~i!é determmant une enstence em Ln ue, un aseLn (etre- à . Un être dé~en:r:Yn~ eu ~ant ~'i1; s'op..e0se a~autre est etre our so F sLch sem). - Le mouvement i ectique conâUlt aInSI e la qualité à la quantité: quantité extensive (nombre), giiiûl.eux-i~i!~...oJl ~~. On aboutit a~si à la mesure, quantlte -dont <lepend la qualite. Par exemple suivant son de~é de tempér1mire l'eau restera liquide ou' d~iendra glace ou vapeur. b) Dialectique de l'infinitude. - C'est à propos de ces catégories que Hegel développe sa célèbre dialectique de l'infinitude, sa conception de l'infini vrai. Il ne faut pas concevoir l'infini comme étant (la progression d~ fini qui, en avançant, recule s~~s cesse ses bornes, mais ne rai[ainsi Ç[!l~_.~~~_«!c:l.!!!1er de nouvelles : ~ès indéfini c'est le__inauvais tYu Jaux) infini. Il faut conceVOir FJ.J.Ï1mi'dIâTec­ tlquement comme se réalisant dans le fini et par le fini, où il se manifeste en s'imposant des limites qu'il nie ensuite, cette négation de la négation étant son affirmation. Autrement dit l'infini vrai c'est pour Hegel la totalité des moments de l'être qui se détermine elle-même dans chacune des bornes posées par le devenir universel (1). c) Théorie de l'essence. - La notion de mesure fait passer de l'être à l'essence. Ce qui se cache sous les aspects changeants de l'existence empirique que sont la glace, l'eau liquide, la vapeur d'eau, c'est l'essence de l'eau conçue comme toujours identique à elle-même. Ce qui tombe sous les sens n'est plus (1} Le faux infini ~eut être symbolisé par une droite qu'on pro­ longe indéfiniment. L infini vrai est symbolisé par un cercle. Autre­ ment dit l'absolu circule : l'Infini se manifeste, se donne l'existence, en sc détenninant, en devenant fini.
  • 38. LES THÈMES DU SYSTÈME IlitGitLIEN 35 alors qu'apparence (Schein) (1). L'être apparait ainsi comme dédoublé : il se présente sous deux faces qui se réfléchissent l'une dans l'autre. Les termes s'opposent ici par couple: identité et diffé­ rence, fondement et conséquence, chose et proprié­ tés, force et manifestation, intérieur et extérieur. Tout en s'excluant ces catégories n'en sont pas moins inséparables: elles s'appellent l'une l'autre. Ainsi la chose n'est rien si l'on fait abstraction de ses propriétés qui ont en elle « leur réflexion en soi )l (Enc., § 125) (2). La force n'est qu'une entité vide si on la sépare de ses manifestations: c'est pourquoi l'explication d'un phénomène par une force est une pure tautologie (Enc., § 136; Logique, éd. Lasson, A II, p. 79-80). L'oppositionOa plus illusoire est cell-v ~ de l'intérieur et de l'extérieur. La réflexion considère J.~lF~ } d'ordiIlaire l'essence coinme n'étant que l'intérieur r;.... ~ des choses. En réalité l'intérieur et l'~eur ont ~S?t-f---­ le.!!!-ême contenu. « Tel est rliOmme ext@eUJ'$Plent, ( ~ t-~ c'est-à-dire dans ses actes, tel il est intérieurement; J (1,~ et si ce n'est qu'in.!~rieur,gnent,c'est:a:ëIiie seule­ ment en intentions, en sentiments qu'il est vertueux, moral, etc., et que son eJCtérieur n'y soit pas iden­ tique, c'est_~e l'un estaüSSi~~ux et vid~e l'autre.))JJ. ~donc dire que l'homme n'est nen A*'3d'autre que la série de ses actes. C'est pourquoi ce qui est' purement ~tèneut est par là aussi tout .. "Lt. J-s extérieur. Ainsi la raison de l'enfant n'est d'abord <Le ~ ~ virtualité int~ri_§Jtre; elle ne se réalise )~.~ vraiment que par l'éaüëition en prenant la forme ­ (1) Jouant sur les mots H~el dit que l'essence (Wesen) c'est l'être passé (ge-wesen), mal!M! ûn passé Intemporel; l'être s'y est ~(Intériorisé (er-inner/) , comme le souvenir (Er-Innerung). (2) Il Y a lei passage de l'fue à l'avoir. Les qualités ne sont plus pour elles-mêmes, mals seÜfement êoiiime propriétés de la chpse qui le! a. Ce qui jusmle l'emp}21 du verbe avoir pour marquer le ~lLn'l!"Sl plus. mîîIS1.ëSprlLeD....8.arde le souveiili, l'a Vu";"en­ ten u, ete. .
  • 39. 36 HEGEL ET L'H1tG1tLIANISME d'une autorité extérieure (volonté de ses parents, enseignement de ses maîtres). Ce que l'enfant n'était d'abord(~'~n~yet par là pour les autres (les adultes), e evient alors aussi(pour soj) (Enc., § 140 et Addition). il faut donc Se-nîefler de la fausse profondeur des intuitions « géniales» qui ne feXPlicitent pas nett~ment, comme de l'hypocrisie . des bonnes intentions-q!!Î ne se traduisent pas Pilr ( des actes. -~ les termes s'opposant par couples dans la sphère de l'essence t~~lementleur synthèse "tJ~ 4ans la catégorie de la réalité e ective Wirklichkeit): {g Pû-e le phénomène y est conçu comme a ma estation totale et adéquate de l'essence. La réalité vraie par opposition à la simple possibilité ou à la pure contin­ gence c'est l'être nécessaire, la nécessité rationnelle. C'est pourquoi ~~ a pu écrire que ce qui est rationnel est effective!!"ent réel (wirklich) et qt:i'e'"ce 2_" qUt est e ectivementréeresrratî;onn-et (Préface de 18 P. ilos. du droit, p. 14 et nc., 6). Le nécessaire c'est d'abord la substance, puis en un sens plus « vrai» la cause (Ursache) qui se manifeste par ses effets. Mais il y a réciprocité d'action entre les causes et les effets. Cette causalité circulaire qui se manifeste le plus nettement dans les organismes, c'est l'action réciproque (Wechselwirkung). Avec cette catégorie on quitte la sphère de l'essence où l'être se scindait sous deux aspects pour entrer dans celle du concept, c'est-à-dire de la totalité intelligible qui pose, en les comprenant comme ses moments, ses propres différenciations et manifeste ainsi sa liberté (par opposition à la nécessité qui régnait dans la sphère de l'essence). ]rI d) Théorie du c(]!!:Eept. - Hegel étudie le concept If sous trois aspects : a) Le concept subjectif qui comprend trois
  • 40. LES TH~MES DU SYST~ME HEGELIEN 37 moments : l'universel, le particulier et l'individuel. Le concept c'est l'universel conçu non comme une identité abstraite, une forme pure, mais comme une eensée 1<Jl!:! se concrétise~ se donne .. un contenu en seaétermÎnant en se ariicû1arisa:irt:-l1esi-amsi àIaliase du jugement (Urte~ qUI est non pas la simple liaison d'un sujet et d'un attribut, mais, comme l'indique l'é~gie du mot Ur-teil, le partage primordial (iUiliiSprüngliche Teilung) du concept qui en sépare le particulier (das Besondere = das Besonderte) (cf. Enc., § 166; Hist. de la philos., p. 98). Le jugement rattache ainsi l'existence des choses à leur essence universelle (exemple Socrate est mortel). Le raisonnement unit ces deux extrêmes par un moyen terme; il établit une médiation entre l'universel et l'individuel au moyen du particulier. Il représente donc l'Universel tel qu'il se RciliMLda~~J~Î!9ivid_'::lel en se particularisant ou l'individuel tel qu'il est compris dans l'universel par la mlfation dU.-Ea~culie~ raisonnement est le fon ement essentiel de toute vérité : pour Hegel tout est raisonnement, de même que tout est concept (Enc., § 181). Le concept n'est donc pas quelque chose de pure- ment subjectif: il se réalise dans la totalité concrète qu'il embrasse et est ainsi concept objectif b) Le concept s'objective sous trois formes : le mécanisme dans lequel les objets sont simplement juxtaposés; le chimisme dans lequel ils s'attirent et se pénètrent mutuellement; la téléologie, c'est-à- dire la finalité organique dans laquelle la fin domine et dirige l'activité des parties. c) La téléologie prépare l'avènement de l'Idée dans laquelle le concept revient à lui-même P.!!l' fi l'union de la subjectivité et"de l'obJectl~cr.L'Idée)1 est la PIus haute définition de l'absolu. Elle peut é~~ Pl~(,J:""
  • 41. 38 HEGEL F:T L'H~G~LIANISME être conçue « comme la raison..., comme le sujet­ objet, l'unité de l'idéel et du réel, du fini et de l'infini, de l'âme et du corps, comme la possibilité qui a en elle sa réalisation effective, comme ce dont la nature ne peut être comprise que commE: exis­ tant, etc. ». « L'Idée c'est la .d,isl1ecti.@e m~me qui éternellement separe et dirférencie l'identique du différent, le subjectif de l'objectif, le fini de l'infini, l'âme du corps et ~ seulement ~t~!_~~le création éternelle, ~.Qurce ét~rnelle de vie et e~~rit t~ernel » (Enc., § 214). Si l'Idée paraît contra ic­ toire à l'entendement c'est parce qu'elle est essen­ tiellement processus et n'existe que par cette dialec­ tique immanente qui ramène tous les moments du développement de l'être au sujet absolu qui les « surembrasse_» (übe..rgreift) (Enc., § 215). « Il y a trois idées, dit &gel dans sa Propédeu­ tique (III, § 67) Q.~L'idée de Ta vie ~ 25)L'idée de la connaissance èt du bien ; e~L'idéedé la science et de la vérité même. » L'idée sous sa forme immé­ diate c'est la vie où l'âme réalise le concept dans l'organisme. Dans J'idée de la connaissance on cherche le concept qui doit être adéquat à son objet; dans l'idée du bien c'est au contraire le concept qui vient en premier et qui doit être réalisé comme but de l'action. Le _C,2llcept suprême C'~jit l'I~e absolu~, [unité de la vie et de la connaissance, l'~iversel qu~ se pense et en pensant se ré~.!i~e~ui­ D.!tm~. effe~tivem~nt (cf. Propédeutique, §§ 66 à 87 ; Enc., §§ 216 à 244). 2. Philosophie de la Nature. - La Nature est pour &w J'Idée sous la forme de l'altérité (Anders­ sein), l'idée qui sort d'elle-même, s'extériorise pour arriver en produisant la vie consciente à rentrer en elle, à s'intérioriser dans la pensée de l'homme.
  • 42. LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGELIEN 39 Le devenir de la Natu.re est donc ~ aS,cension vers l'Esprit. L'idée se manifeste sans dôutédans ia Naturé, ne serait-ce que par les lois qui la régissent; mais elle n'y est jamais réalisée que d'une façon inadéquate. Cette impuissance de la Nature à rester fidèle au concept impose des bornes à la pensée philosophique qui ne peut ici tout déduire, car elle se heurte aux faits accidentels, à la pure contin· gence. La Nature.doit êt.f~_considérée co~ ~ lP-'jJ sys.~me de deS!..és sortan~ nécessairement les uns) ~",& dç~ _âutr~s; mais la diatêctique du conceptqui -d-' dirige ce développement reste intérieure à l'Idée' qui réside au fond de la Nature; il ne faut pas y voir une production extérieure réelle comme le veulent les théories transformistes (cf'.:E1!c.., §§ 247 ~ 251). -~ . Hew;,l s'applique à dégager la dialectique de l'Idée immanente à la Nature en substituant partout aux catégories de l'entendement les rela­ tions idéelles de la pensée spéculative (Enc., § 305). Il y distingue trois niveaux d'existence marquant un progrès dans le sens d'une concrétion et d'une individuation tl,lus en plus grande ~e monde Jiu mécanisme ;.~ Le monde de la P~yslCo-chimie; (~Le m<:mde_~rg~nique. @- Le monde du mécanisme est celui de la matière et du mouvement où les éléments, extérieurs les uns aux autres, n'agissent que par attraction et répul. sion. La forme abstraite de l'extériorité est l'esEace, ,...-1 « entité sensible non perçue par mssens» (unsinnliche Sinnlichkeit) ; celle du d~v~Wr est le temps, « l'être L qui, en tant qu'il est, ~esf pas et ën tant qu'il n'est pas, est )J, « le négatif en soi-même JJ. Ces de~x abstractions trouvent leur synt!tèse (leur « 1aentité posée )J) dans le lieu et le mouvement dont la matière .J es~Ja~~isatio~.La grliVifiifiOn'èst.~eîenaallce ;;;0­
  • 43. 40 HEGEL ET I:IIJ1G1J:[,IANISME [ (f) ­ III 1 jlll J.I de la matière à s'intérioriser, une as~ira~o.!!.Jla sub­ j~ctlvitê~emouvement des corps celestes manifeste le plus nûttement cette mathématique de la Nature qui est l'aspect le plus élémentaire de la ratio­ nalité (Enc., §§ 254 à 271 ; Log., L, p. 253). La physique, comme la conçoit Hegel, a pour objet tous les aspects proprement qualitatifs du monde matériel (lumière, son, chaleur, électricité), où tout s'individualise dans des corps. Il dégage tous les moments d'opposition et de conciliation par lesquels se manifeste ici la dialectique naturelle. La polarité en est la forme la plus typique. - Le dernier terme des processus physiques est le chi­ misme qui permet l'avènement de la vie. L'idée, qui était enchaînée dans le mécanisme et s'affranchissait de plus en plus dans les processus physico-chimiques, se libère dans le monde organique où le concept se concrétise de plus en plus en pas­ sant par les étapes du règne minéral, du règne végétal et du règne animal. L'organisme trouve dans les processus chimiques les conditions de son existence : il doit cependant leur résister sans cesse pour vivre. « Une chose n'est vivante qu'en tant qu'elle renferme en elle la contradiêtion êï est au vrai l!..façul~è comprendre et~supportèr-en:;oi la. contradictiJn » (Logique;ea:-J:as~n, rr;p:-59). :r;e"ëonfIit êontinuel avec des forces extérieures hostiles que l'être vivant doit combattre et sur­ monter fait qu'un sentiment d'insécurité, d'angoi~e )1' est toujo!!!.~Jié à la vie (g;nc'.2-§.§...l62~_~98). "Mais ce n'est pas seulement la puissance de ees forces extérieures, cette « universalité abstraite » qui voue le vivant à la mort: c'est aussi et surtout l'inadéql1ation. .de . 80~ .exis~nce individuelle_à « l'universalité çoncr~e » que constitue le concept de fespèce à laquelle il appartient. C'est là « sa
  • 44. LES TH~MES DU SYST~ME Hf:CÉLIEN 41 maladie originaire et le germe inné de la mort » (Enc., § 375) (1). La philosophie de la Nature de ~g~l (restée pro­ che de celle de Schelli!!g) est la partie la plus discutée du système. ~g~j avait des connaissances scienti­ fiques étendues. Il était loin de mépriser l'expé­ rience; mais il n'en retenait que les aspects quali­ tatifs et en négligeait l'aspect quantitatif, cette armature mathématique qui depuis Galilée et D~~s a dominé de plus en plus 1i" science. Dans sa thèse d' « habilitation JJ, De orbitis plane­ tarum, qu'il soutint en 1801, il avait « démontré JJ qu'entre Jupiter et Mars il ne pouvait y avoir d'autres planètes, l'année même où la découverte de Cérès réfutait sa malencontreuse déduction. Cette mésaventure le rendit plus prudent dans la suite: il atténua de plus en plus ses attaques contre Newton dans les différentes éditions de l'Encyclo­ pédie et il conseillait à ses étudiants de ne pas faire de thèses sur des sujets proprement scientifiques. La Nature n'a de valeur pour .!k~l que dans la mesure où, conditionnant la vie, elle rend possible l'avènement de la conscience et de la pensée. Contrairement à ~t, il n'admirait pas la « mau­ vaise infinité JJ du ciel étoilé; il aimait à dire que les étoiles ne sont qu' « une éruption de boutons lumi­ neux dans le ciel )J. Bie~~J!J;_erre.!!..e~soit qu'une 1pla®te.JXdp.~~u~_~d.Q!pé~.~~_ soleir,el~e n'en ~J~J- es!~asmoins le « centre m~hysiT.:!e»du mona~,Iéir~êIreestle séjouièlèTIiommê," porteur ~e l'ESPrit. J Et les produits même les plus lOsigmfiants etœs plus aberrants de la pensée sont pour !!.e~l « d'une (1) Pour ~, • le fini est en lul-même contradictoire et par là même se supprime. (Enc•• § 81, Addition). Il exclut en e1Yet l'Infini tout en l'impliquant dans la mesure où il ne se suffit pas à lui-même et n'est qu'un moment du développement de l'être.
  • 45. 42 HEGEL ET L'H~G~LIANISME valeur infiniment plus haute que le cours régulier des astres ou l'innocence inconsciente de la plante » (Enc., § 248). 3. Philosophie de l'Esprit. - La philosophie de l'esprit est comme le couronnement du système hégélien, car c'est dans l'esprit que l'Idée achève son développement, se co~cf:!ise au maximum et atteint vraiment sa réalite e ective. L'idée logique et la Nature sont lesw'";o~tionsde la réalisation de l'esprit qui est ainsi leur vérité. Hegd s'est appliqué à dégager le sens le plus profoi'd et la portée la plus générale de toutes les manifestations de la pensée. Il a créé ainsi toute une philosophie de la culture humaine et posé les bases philosophiques des sciences morales. Il ne s'est pas contenté en effet d'une étude purement psychologique de la vie intérieure (l'esprit subjectif) ; il a voulu étudier l'esprit dans ses productions extérieures, œuvres des sociétés humaines : 1'histoire, le droit, les mœurs (l'esprit objectif) et dans ses manifestations les plus hautes où l'esprit se retrouve vraiment chez lui: l'art, la religion et la philosophie (l'esprit absolu). On réalise ainsi le (c Connais-toi toi-même » des anciens Grecs dans son sens vrai en dégageant l'essence universelle immanente à notre être, ce qui est substantiel en nous (Enc., § 377). a) L'esprit subjectif. - L'esprit subjectif se présente à différents niveaux qui sont autant de moments nécessaires du développement dialec­ tique du concept de l'eElprit. ~ distingue ainsi l'âme (objet de l'anthropologie), la conscience (objet de la phénoménologie) et l'esprit (objet de la psycho­ logie proprement dite). L'âme c'est l'esprit en tant qu'il dépend de conditions naturelles physiologiques (race, tempérament, etc.), et même purement physi­
  • 46. .... LES THi!:MES DU SYSTi!:ME HEGELIEN 43 ques (climat, par exemple). Hew combat la conception empiriste qui fait de la vie consciente un ensemble de représentations n'ayant entre elles qu'un lien extérieur suivant « les soi·disant lois de la soi·disant association des idées ». La conscience psychologique est une « totalité concrète » de déter­ minations dans laquelle chaque partie a sa place en fonction de toutes les autres (Enc., § 398). TI reconnaît que tout ce qui se passe dans l'esprit a son origine dans la sensation et l'état affectif élémentaire (Empfindung), mais rejette l'appel au cœur et au sentiment comme critères du bien moral et de la vérité religieuse. « C'est en effet la pensée qui distingue l'homme de la bête avec la­ quelle il a en commun la sensation et l'affectivité élémentaire » (Enc., § 400). La vie psychologique se dégage peu à peu de son asservissement à la nature en s'élevant du sentir (Fühlen) à la cons­ cience de soi. Un facteur important du progrès mental est l'habitude qui embrasse tous les degrés de l'activité de l'esprit. « Elle est l'élément le plus essentiel pour assurer l'existence de toute spiritualité dans le sujet individuel... pour que le contenu religieux, moral, etc., lui appartienne en tant qu'il est ce moi, cette âme, qu'il ne soit pas en lui seulement en soi (en tant que disposition naturelle), ni en tant que sensation ou représentation passagère, ni en tant qu'intériorité abstraite séparée de l'activité et de la réalisation effective, mais que ce contenu soit dans son être. » (Enc., § 410) (1). La psychologie doit étudier le développement dialectique immanent de l'activité mentale. TI faut que l'esprit révèle sa liberté en arrivant à reconstruire rationnellement par son activité propre (1) Autrement dit c'est par l'habitude que l'on passe de l'aptitude à une science à sa possession elJective, de la lecture d'un livre au savoir qu'il contient, des bonnes Intentions aux vertus véritables• .......~----------
  • 47. 44 HEGEL ET L'HEGELIANISME ce qui lui a d'abord été imposé comme donnée immédiate. L'esprit théorique se manifeste en effet d'abord comme connaissance intuitive confuse liée au sentiment. L'intermédiaire entre l'intuition et la pensée conceptuelle est la représentation (Vorstel· lung) qui se présente sous la forme de la mémoire­ souvenir (Erinnerung), de l'imagination et de la mémoire verbale (Gediichtnis). Cette forme de la mémoire est la plus importante, car elle est J'instru­ ment de la pensée, rend possible toutes les opéra­ tions mentales supérieures. Hew insiste beaucoup sur le rôle capital du langage. Il Pe!.m.et à la pensée irJ.diyidu~lleJ!.e ~joindre immédiatement l'universel. « Les formes de la pensée sont d'abord extériorisées et mises en dépôt dans le langage de l'homme..., ce qu'il fait passer et exprime dans le langage contient d'une façon plus ou moins voilée et confuse ou d'une façon explicite une catégorie Il (Logique, ~d. Lasson, J, p. 9-10 ; cf. Enc., § 459 et Phénom., ~~~on, p. 330). C'est pourquoi ~el invoque souvent des étymologies pour just' 1er sa dialec­ tique (1). Et il affirme son mépris pour ce qui est ineffable : le sentiment, l'impression du moment (Enc., § 20). Passant à l'étude de l'esprit pratique, I!.e~l montre comment la pensée se détermine en volonté et comment la volonté doit s'élever au-dessus du sentiment pour se baser sur la pensée. Et il s'élève une fois de plus contre la mode de l'appel au cœur qui régnait à l'époque romantique. « La vérité et la rationalité du cœur et de la volonté peuvent se trouver seulement dans l'universalité de l'intclli· (1) Il Invoque parfois de fausses étymologies: par exemple quand Il rattache meinen (avoir une opinion) à meln (mien) ou wahrnehmen (percevoir) à wahr (vrai).
  • 48. LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 4S gence et non dans la singularité du sentiment en tant que tel. Il (Enc., §471.) Il fait cependant l'éloge de la passion. Ce qui en fait la force et la valeur c'est« le fait d'être limitée à une détermination particulière de la volonté dans laquelle se plonge toute la subjectivité de l'individu.•. Mais la passion ne saurait être ni bonne, ni mauvaise en raison de cet aspect formel : cette forme exprime simplement le fait qu'un sujet a placé dans un contenu tout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de ses goûts. Rien de grand n'a été accompli et ne peut être accompli sans passion. Ce n'est qu'une moralité morte et même trop souvent hypocrite qui entre en guerre contre la forme de la passion en tant que telle.» (Enc., § 474 ; cf. Philos. de l'histoire, éd. Lasson, l, p. 63). !kg!,! rattache la dialectique des tendances et des besoins à la Philosophie de la Nature (Enc., §§ 359­ 360) et à la Logique (Science de la Logique, II, p. 59 et Enc., § 204). La tendance (Trieb) n'est rien d'autre que le fait que, d'un seul et même point de vue, une chose est en soi-même et est le manque, le négatif de soi-même. Ce qui veut dire que par la tendance l'être vivant s'affirme en niant son état présent où quelque chose lui manque; d'où son effort pour sortir de cette contradiction pénible (sentie sous forme de besoin) en cherchant à se procurer ce qui lui manque (des aliments, par exemple). Le besoin est ainsi la présence d'une absence. La dialectique de l'amour est esquissée dans la Philosophie du Droit (addition au § 158) : « Amour, cela veut dire d'une manière générale la conscience de mon unité avec un autre, si bien que je ne suis pas isolé pour moi, mais que je n'acquiers ma conscience de soi qu'en renonçant à mon être pour soi et en me counaissant comme unité de moi avec l'autre et de l'autre avec moi... Le premier moment dans l'amour c'est que je ne veux plus être pour moi une personne se suffisant à elle-même et que, si je l'étais, je me sentirais défectueux et incomplet. Le second moment
  • 49. 46 HEGEL ET L'HJ!;GJ!;LIANISME c'est que je conquiers mon être dans une autre personne, que je gagne en elle la valeur qu'elle de son côté gagne en moi. L'amour est donc la plus énorme de ces contradictions que l'entendement est impuissant à résoudre... li est à la fois la production et la solution de cette contradiction; en tant que solution il est l'union morale des êtres.» b) L'l1!P1 obi!Clif et l'esprit absolu. - Hegel a consacré à l'étude de l' sprit objectif en dehors des résumés de l'Encyclo­ pédie ses Leçon" sur la philosophie de l'histoire et ses Principes de la philosophie du droit. Quant à l'Esprit absolu, il lui a consacré, en dehors des dernières pages de l'Encyclopédie, et des deux derniers chapitres de la Phénoménologie de l'esprit, ses Leçon" sur l'esthétique et sur la Philosophie de la religion. Nous parlerons seulement ici de ses conceptions en morale et de sa Philosophie de l'histoire, renvoyant aux deux chapitres suivants l'étude de la Philosophie de la religion et celle de la Philosophie du droit. Ces deux pièces essentielles du système hégélien méritent en effet une place à part, car elles sont liées à la scission entre la droite et la gauche hégélienne qui s'est manifestée essentiellement sur le plan religieux et sur le plan politique. c) La morale de Hegel. - La morale proprement dite n'occupe qu'une place assez réduite et en fait fragmentaire dans la philosophie de Hegel. Elle est étroitement liée à ses conceptions juridiques et politiques ainsi qu'à sa psychologie de l'esprit pratique et à sa philosophie de la religion. La position fondamentale de l'idéalisme hégélien est, nous j'avons déjà vu, opposée à l'idée d'un devoir étre (Sollen). La philosophie, comme il la conçoit, a pour but non pas de définir un idéal de perfection inaccessible, mais de comprendre le réel en le reconstruisant dialectiquement et d'en reconnaître ainsi )a rationalité. Envisagée sous cette perspective, la morale constate plutôt qu'elle ne juge. Comme le dit Eric Weil,« elle est vécue; elle peut et doit être décrite, mais eUe n'est ni à critiquer, ni à construire, ni à refaire ». Une opposition fondamentale domine la morale
  • 50. LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 47 hégélienne : celle de la moralité subjective (Mora­ litiit) et de la moralité objective (SitùichkeitJ. La première est la moralité au sens kantien, définie par un critère formel : la validité universelle de . la maxime d'action, autrement dit l'intention conforme à la loi morale. Mais ce n'est là qu'un fondement abstrait du devoir qui aboutit à un formalisme vide. On n'apprend pas ainsi quels sont effectivement les devoirs et les droits (Philos. du droit, § 135). r La vraie moralité c'est, pour Hegel, la moralité objective, celle que l'homme acquiert dans les sociétés qui l'éduquent: la famille, la société civile et surtout l'Etat (Enc., § 513-517). C'est en s'inté· grant consciemment à ce tout co~et_~'estl'orga­ nisDle_.l?.2ne~tü de l'Etat lJl!e l'hoII1Il:!-~ attein.!-la ~aie liberté : quand en effet il vit la loi au lieu de la subir, elle cesse d'être pour lui une contrainte pour deveilir ,une forme de libération en l'amenant à dominer son individualité empirique, ses passions aveugles, ses intérêts égoïstes. C'est ainsi que Hegel rejoint à sa façon la notion kantienne de l'autonomie et donne une forme concrète au criterium de l'uni­ versalité : la participation à l'esprit collectif. Sans doute cette doctrine suppose un bon Etat et de bonnes mœurs. Un progrès est ici possible par l'action d'hommes d'élite; mais ils ne réussis­ sent que-SI leurs idées'; leurs sentiments et leurs ~té~êts. s'acc_or.dent mieux ave~~on.)<J1:1~s mstltutlOns eXistantes et re resentent amsl une JI. fo~~--vra{ede l'um.Y~rsel. lui q~ ~~,. ci dei"VaIeurs nouvelles n'agit plus sur e pre­ mént moral, malS sur e pan Jstonque: ce qui nous amène à parler de la PJûlosopliie de l'histoire. d) La philosophie de l'histoire. - La philosophie de l'histoire est certainement la partie la plus ~
  • 51. 48 HEGEL ET L'HÉGÉLIANiSME connue et, si l'on peut dire, la plus populaire de l'œuvre de Hegel. L'histoire IDive~lle, comme il la conçoit, n'est pas I%,stoire Qrigmale, celle des premiers narrateurs des événements, ni l'histoire réfléchissante qui veut expliquer les faits et tirer du passé des leçons pratiques: c'est l'histoireJJhilo­ . . sophique qui domine les événements d'un pomt de r~ vue Uliiversel et(intemporel)Pour H~g~ en effet la RaiSOn est la substance même de l'histoiJ;e. Il.pens.'ë. J aVêc Anaxagore, que_la raison gouverne le monde et que!Ians-Phistoire comme ailleuis_!.t?jit-s'"'ést passé rail0~eI!e~ent. L'mSïoireest le dévelop­ pement d'une It!~ immanente dont les w::ands pmonnages histori~~~ne~~e.1e~i!!§..truments -1 "1inconscients; ils sont animés par leurs passions et 1 1réaIi6elltleul's intérêts; (e mais en même t.emps se (1) tl'ouve reâtlsée une fin :e,lus lointaine, mais dont ils n'avaient pas conSCIenCe et qui n'était pas dans leur intention» (1). Ce qui fait leur puissance c'est .1 que « leurs propres fms particulières renfel'ment le '(.. contenu subst~ntiel(2) qui est la volonté de J'Esprit universel li. Ce contenu « est dans l'instinct uni­ ? &,~ versel, inconscient des hommes. Ils--Y..§ont-p~sés J""~par une fo<aeiuterne ,. A =tai.., époque' la l' structure de « l'esprit d'un peuple ) se brise parce qu~ëlle s'est ùsée,Vidèe de sa substance. Mais l'lùstoire universelle poursuit sa marche en avant. ~C'est alors que se produisent les grandes cQUisjpns J1 entre les institutions établies jusqu'alors et des posSibilités qui sont opposées à ce système, qui l'ébranlent, mais ont un contenu qui paraît bon et même nécessaire. Ces .'-possilJi.lités deviennent alors historigues. Elles impliquent un fond universel
  • 52. LES THÈMES DU SYST~ME HP:GP:LIEN 49 différent de celui qui servait de base jusqu'alors Ala st'iiiêture existante d'un peuple ou d'un Etat. Cet Iluniversel, 1~lL....grands hQmmes de l'histoire 8'eïl e!!!p'arent,""en font leur fin ~ro'pre~et, en réalisant (1, reurs amblbons, réalIsent en même temps la fin . 1 ql!f~nd au conce t le lus élevé d ' .·t. ~ C'est ainsi que se man este a dialectique de fhistoire. Les progrès de l'humanité sont réalisés par des 1contradictions, des collisions (guerres, coups d'Etat J ou révolutions) aboutissant un état d~ choses pl~rai. Les périodes de bonh!<ur, c'est-A-dire d'harmQnie, d'absence de contradictions, ne sont pasUëS périodes historiques (Philos. de l'hist., éd. Lasson, Introd., pp. 4-5, 13 à 17, 59-60 et 63 à 68, 74 à 76). Nous ne pouvons analyser tout le contenu, extrêmement riche, de la Philosophie de l'histoire. L'idée directrice qui la domine est que l'histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté. Ce progrès est marqué d'abord par le passage de l'ancien despotisme oriental, où un seul homme) /1 es_t-.!!È.re, aux Républiques aristocratiques de la ~rèce et de Rome o~ _S~~! quelques individus ,sont ) "2 ~s. « Ce sont seulement les nat1on~ermamques «I!!i, dans le christianisme, se sont élevées les pre- J. 3 mières à la consClence-aecctte vérité que l'homme en tant qu'homme est libre, que la liherté_cleXesprit constitue sa nature la plus propre. ,>Maisle81nsti­ ions temporellts ne se son~ modelées que peu à peu A l'image de ce principe d'abord purement religieux. Les périodes les plus décisives en ce sens ont été la Réforme (qui fut comme la ~on a~de) et en dernier la Révolution française. 't. On a vu alors l'homme « prendre pour base sa tête, c'est-à-dire la p.e et construire la réiliJ:é à l'image de celle-Cl ». C~-fu! « un magnifiquëTever R. SEJUillAU 4
  • 53. so HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME e) L'esthétique. - Il faudrait pour être complet parler de l'e&thétique de Hegel. Il est impossible de résumer en quelques lignes cette œuvre maîtresse, d'une lecture d'ailleurs rela­ tivement facile, qui vaut peut-être plus encore par la richesse de sa documentation que par son élaboration en système. Nous en indiquerons seulement les idées directrices. Lt' beau c'est l'absolu dGlJ& son uÏ8tence sensible, l'Idée transparaissant dans les limites de l'apparence sensible. Le rôle de l'art c'est d'être « le médiateur, le conciliateur entre la réalité extérieure sensible et périssable et la pensée pure, entre la Nature et la réalité finie d'une part et la liberté infinie de la pensée concep­ tuelle d'autre part». Dans l'art le sensible apparaît spiritualisé et le spirituel revêt une apparence sensible. L'élément propre de l'art c'est donc l'apparence (Schein), mais cette apparence esthétique n'est pas une illusion, quelque chose qui serait inférieur au monde des phénomènes (Erscheinungen). L'art fait apparaître le substantiel, l'universel; il dégage la valeur vraie des apparences sensibles, leur donne 0: une réalité plus haute engendrée par l'esprit ». L'œuvre pédagogique. - Un aspect beaucoup moins connu de la pensée hégélienne est son œuvre pédagogique. Elle consiste en discours et en rapports qu'il a prononcés ou rédigés quand il dirigeait le lycée de Nüremberg. Ils vont li contre-courant des méthodes pédagogiques ct nouvelles» déjà en vogue de son temps (et redevenues ct nouvelles» aujourd'hui). Son principe fondamental est que la pensée doit, comme la volonté, commencer par l'obéissance. Il combat 0: la désastreuse démangeaison de vouloir amener l'élève li nne pensée personnelle ». Si on laisse l'enfant raisonner li sa guise (( il n'entre jamais de discipline et d'ordre dans la pensée, jamais d'enchainement logique dans la connaissance ». Il faut (( extirper ces vues fantaisistes, ces idées, ces réOexions que le jeune âge peut avoir ou fabriquen). Pensant li la propédeutique philosophique, il estime qu'il faut d'abord faire apprendre ce· qui a été élaboré par les plus grands esprits, exercer les jeunes gens li le repenser. Ainsi(( on remplit de pensée, de substance une tête d'abord vide et on Qimine cette originalité naturelle de la pensée, c'est-à-dire la
  • 54. LES THÈMES DU SYSTÈME H1tG1!:LIEN 51 contingence, l'arbitraire, la bizarrerie de l'opinion person- nelle H. Il combat de même les méthodes qui veulent qu'on commence par le concret sensible pour s'acheminer vers la pensée. Il faut « commencer tout de suite par l'abstrait lni· même et prendre celui-ci en soi et pour soi ». - Fervent de la culture gréco-latine, il loue l'étude de la grammaire, où il voit l'école du raisonnement.« Elle a en effet pour matière les catégories, c'est-à·dire les propres produits, les propres déter- minations de l'entendement; c'est donc dans la grammaire que l'entendement commence son apprentissage en s'étudiant lui-même. »« L'étude austère de la grammaire se révèle donc comme un des instruments les plus universels et les plu.; nobles de la formation de l'esprit» (Gymnasialreden du 29 septem- bre 1809 et du 14 septembre 1810. Lettre à Ni~!!!"..!!ler du 23 octobre 1812). Le thème de l'aliénation, dont nous par· lerons plus loin (p. 114), fournit à Hegel un argument original en faveur de la culture classique : en éloignant la pensée de ses moyens d'expression hahituels, l'étude d'une langue ancienne exige de l'esprit un effort d'analyse et de raisonne- ment qui le forme cc à l'image de l'essence universelle de l'esprit ». (Gymn.asialrede du 29 septembre 1809.)
  • 55. Ç"L CHAPITRE III LE PROBLÈME RELIGIEUX ET LA SCISSION DE L'ÉCOLE HÉGÉLIENNE Le problème religieux occupe une place de pre­ mier plan dans la pensée hégélienne. Il semble même avoir dominé ses premières méditations personnelles, Hegel en effet se destinait d'abord à la carrière ecclésiastique. Il fut pendant cinq ans pensionnaire au séminaire protestant de Tübingen 'et ses eriers titres universitaires fure~~s Jl~pJô~ e théologie. S'il renonça à être pasteur, ses premiers travaux écrits (1) n'en furent pas moins consacrés au problème religieux. A la fin du XVIIIe siècle l'orthodoxie luthérienne était attaquée sur deux fronts opposés dans les milieux protestants d'Allemagne : d'un côté par les piétistes qui, voyant dans la religion un élan mystique du cœur, opposaient la flamme vivifiante du sentiment à la lettre desséchante de la théologie; de l'autre par les rationalistes de l'ère des lumières ( Aufldiirung), qui s'efforçaient d'éliminer du chris­ tianisme tout ce qui est surnaturel, voyant dans le Christ non pas un Dieu incarné, mais un homme (1) Les deux plus Importants sont La vit de Jésus et L'tHldL4u christianisme dJm:L ~(l. NONT. les pmm&enJ9U7 sousTetltre: ECrltSl1iêolOgïqUes de jeunesse,
  • 56. LA SCISSION DE L'ECOLE IlËGl1'LIENNE 53 supérieur, prêchant une moralité plus haute. Des courants plus hardis encore se faisaient jour dans l'esprit des pensionnaires de Tübingen. On passait volontiers du déisme au panthéisme; on admirait Spinoza. Hegel s'accordait au mieux avec son condisciple Holderlin qui exaltait le naturalisme de la Grèce païenne et invoquait sans cesse le ~v XiX~ 7tiiv des philosophies de l'immanence. 1. - Les écrits théologiques de jeunesse Son émancipation religieuse s'accentua encore apr~s sa sortie du séminaire. Ses premiers écrits sont conçus dans l'esprit du rationalisme kantien. II pense que le but et l'essence de toute religion est de développer la moralité de l'homme et que c'est dans ce sens que s'est orientée la prédication de Jésus. II reconnaît cependant que la religion populaire doit laisser une place au cœur, à l'ima­ gination et même aux sens. Des tendances pan­ théistiques émergent dans certaines pages où, sous l'influence de Holderlin, il s'enthousiasme pour 1'4~me. Mais un élément"ïllystique s'y associe toujours plus ou moins. Il voit dans le sentiment religieux une forme supérieure de l'amour qu'il interprète déjà dialectiquement. Dans l'amour en effet la thèse et l'antithèse sont à la fois supprimées et conservées sous une forme plus haute. L'UniOn de Dieu et du monde doit être comprise comme un lien vivant. « T.mt vit dans. la di~té ; tous les vivants sont ses enfants. » Le panthéisme de ces premiers essais s'affirme de nouveau dans son Système de la moralité (System der Sittlichkeit), contemporain du Cours d'Iéna. On y lit, par exemple, que « la conception philo­ "sophique du monde et de la nécessité, d'après la­ j
  • 57. 54 HEGEL ET L'HEGELIANISME 'i~elle toutes les choses sont en Dieu et... aucune llÏ!!dividualité n'existe isolément, est réalisée par~ faitement pour la conscience empirique, en tant que toute manifestation particulière de l'activité_ou 'de la pensée ou de J'être n'a son essence et sa si~­ JWkation que dans le Tout Il. II. - Le cours sur la philosophie de la religion Mais c'est dans les cours de Berlin sur la philo­ sophie de la religion qu'il faut chercher l'exposé définitif des conceptions religieuses de He~. L'idée qui domine ces leçons c'est que l'ôtjet de la religion est au fond le même que celui de la philosophie; l'Absolu ou Dieu. Le contenu spécula­ tif est le même; mais la religion saisit sous une forme sensible et imagée, celle de la représentation ce que la philosophie comprend sous la forme adéquate du concept. L'unité du fini et de l'infini que la philo­ sophie pense conceptuellement est sentie, imaginée par la religion. Cependant lhgel combat ici aussi bien le point de vue d'une philosophie du sentiment (par exemple, Jacolli et Schleiermacher) que celui d'une métaphys'Iqüe de l'entendement (les wolfiens et Kant lui-même). Ces deux orientations fuiit de l'infini quelque chose d'abstrait, tandis que la philosophie religieuse de H-rel veut faire voir l'infini dans le fini comme le fini ans l'infini et réconcilier ainsi le sentiment religieux et l'entendement du point de vue de la raison. Sans doute un contenu valable peut résider dans le sentiment, mais d'une façon confuse; rien n'en garantit la vérité. La forme du sentiment n'est que le côté subjectif. Du côté objectif le contenu religieux a d'abord la forme de la représentation. Mais celle-ci n'est pas encore
  • 58. LA SCISSION DE L'ECOLE HEGELIENNE 55 vraiment libérée des images sensibles. Seule )a pensée spéculative dégage ce contenu dans toute sa pureté. Le véritahle rapport du fini et de l'infini est l'unité indissoluble dans laquelle le fini apparait comme un moment essentiel de l'infini. Dieu est « le mouvement vers le fini et par là en tant que suppression du fini le mouvement en lui-même ». Dieu pour être Dieu ne peut se passer du fini; sans le monde il n'est pas Dieu. Il est l'Universel absolu, la pensée suprême qui se développe en posant scs déterminations qu'elle ramène à soi. - H~g~ se défend néanmoins d'être pan~te. Un panthéisme, au sens littéral, consisterait, d'après lui, à soutenir que tout est Dieu, y compris les réali- tés empiriques dans leur extériorité : conceI!!!~ absurde qui n'est représentée dans aucune rel!~n nr~üne=-F.hllosop]ile.- Les preuves de l'existence de Dieu sont pour H~W moins des démonstrations véritables, qu'une description de l'élévation du moi à Dieu. Il redonne une valeur à l'argument ontologique en opposant ici la représentation qui n'implique pas la réalité de son objet et le concept, notamment le concept absolu qui renferme l'être comme une de ses détermina- tions. Le fini est ce qui ne correspond pas à son concept, là où le concept et l'être sont différents. Mais quand il s'agit du concept en soi et pour soi, du concept de Dieu, le concept et l'être sont abso- lument inséparahles. , He~ oppose à la le reli~on absolue Il, qy~urJ) l' t.:t 57 l.ul~e christianisme, les autres religions, dites· ' déterminées ou particulières, qui ne sont que les moments particuliers du développement de la J c~ence religfeuse. Il distmgue ici : 10 Les religions de la Nature en entendant sous ce nom
  • 59. 56 HEGEL ET L'HEGELIANISME J les religions de l'Orient où la divinité est conçue comme la puissance infinie de la Nature en face de laquelle l'être fini, l'individu se perd dans son néant; 20 Les religions de l'individualité spirituelle dans lesquelles la réalité naturelle n'est qu'une manifestation de l'Esprit-Tels sont : a) Le mono­ 'lthéism~ucelui de tIslamlqui écra.§.~re devant le « sublime Il divi~Le polythéisme grec, religion de la bcauté ; c) La religion romaine, culte de l'intérêt national. III. - Le christianisme chez Hegel C'est, bien entendu, au christianisme que Hegel consacre le plus long développement. Sa haute valeur vient de l'idée de l'incarnation, l'union du divin et de la nature humaine réalisée dalls'Ta personne du Christ. Alors queKant séparait la foi /( et la science, Hegel veut au contraire les concilier '2 en élevant la foi au niveau de la science. II le fait en donnant une interprétation .spe<:ulative des dogmes chrétiens. Ainsi dans la Trinité il retrouve les trois moments que la Logique distingue dans le concept: universel, particulier, singulier. D~e ..,.- ~e c'est l'universel, la pensée pure dont l'activité est le savoir. Tout savoir supposant un objet à connaître, l'universel divin se particularise, se différencie, devient, d'Idée une, pluralité d'idées: 2._ c'est Dieu le .BIs, engendré perpétuellement par le Père. Enfin Dieu revient à lui-même, reconnaît son objet comme identique à lui et. supprIDïë la différenciation dans l'amour: il est· aror8··Esp~t ou 3 . personnalité absolue. Ou bien encore, suiV3Qt la division ternaire du système hégélien, pieu ,est "1 ~ d'abord danS!!9n Idée éternelle « comme il .- ~st en <rte1que sorte avant la c~éation du ~ond,e )1 , : 1