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A
u centre du ring, un joyau : la
station polaire Princesse Elisa-
beth qui, en 2009, a marqué le
retour de la Belgique sur le sol de l’An-
tarctique. Aujourd’hui, elle fait l’objet
d’une lutte aussi âpre que les vents ca-
tabatiques balayant la région.
Le conflit oppose depuis des années
l’Etat belge à la Fondation polaire in-
ternationale (IPF). Le premier est pro-
priétaire de la station. Le second – fon-
dation privée d’utilité publique prési-
dée par l’explorateur Alain Hubert – en
est l’opérateur. La Fondation reproche
à l’Etat d’être mauvais payeur et de la
mettre dans des difficultés financières
inextricables. Le second accuse la Fon-
dation de ne pas se plier aux règles de
transparence et de contrôle auxquels
sont soumis tous les organismes œu-
vrant avec l’argent public. Pour cou-
ronner le tout, des oppositions de per-
sonnes et des luttes de pouvoirs empoi-
sonnent ce brouet déjà indigeste.
Un pas vers la solution (?) du conflit
sera posé cette semaine. Après des se-
maines de négociations avec la Fonda-
tion polaire, le cabinet du ministre de
la politique scientifique, Philippe Cou-
rard (PS), présente au gouvernement
une ébauche de sortie de crise. De quoi
permettre le démarrage de la cam-
pagne 2013-2014 en Antarctique.
Mais l’essentiel du conflit subsiste.
Latent depuis des années, le conflit
avait explosé en avril. Le 22, dans une
lettre adressée au gouvernement, l’IPF
dénonçait la carence des pouvoirs pu-
blics. Une campagne en Antarctique
coûte 4,2 millions dont 3 millions fi-
nancés par l’Etat via le secrétariat po-
laire. Or, la Fondation doit régulière-
ment avancer l’argent nécessaire au
fonctionnement de la station et s’en
trouve en graves difficultés financières.
Le contentieux porterait sur une fac-
ture d’environ 1,9 million, dit une
source. La lettre au picrate conclut à la
« résolution » de la convention avec
l’Etat. En clair : la propriété de la sta-
tion revient de facto à la Fondation.
« Cette lettre fut une erreur straté-
gique de la part de la Fondation, dit un
proche du dossier. On ne fait pas ça
avec un partenaire. ». La réplique de la
Politique scientifique fut immédiate.
Dans une lettre du 19 juin, son pré-
sident, Philippe Mettens, demande la
suspension du budget 2013. Il est suivi
par Courard, son ministre de tutelle.
L’épisode avait été précédé, le 10 juin,
d’un conflit entre représentants de
l’Etat et du privé au sein du Secrétariat
polaire qui attribue le budget de l’IPF.
Les premiers étaient mis en minorité
lors d’un vote d’attribution du budget.
Affaire déminée ? La Fondation re-
tire sa lettre. La propriété de la station
n’est plus contestable. L’Etat s’engage à
payer son dû ; au moins la partie « in-
contestable » ; l’Inspection des Fi-
nances contrôlera les autres de-
mandes. « L’argent sera libéré moyen-
nant le respect de la transparence et des
règles des marchés publics. » Pour le
reste, on continuera à palabrer. Objec-
tif : trouver un accord pour mars 2014.
Sur le fond rien n’est réglé. En désac-
cord sur des créances, la Fondation
considère qu’il n’y a pas de conflit d’in-
térêt dans le fait qu’une seule et même
personne (Alain Hubert) préside le
conseil stratégique du secrétariat po-
laire (instance qui attribue le finance-
ment) et préside l’IPF (qui reçoit l’ar-
gent). Chaque partie a lâché ses avo-
cats. La salve de l’Etat est sanglante.
Mettant en cause la « transparence et
la légalité budgétaire », il met en garde
contre une « prise illégale d’intérêt »
dans le chef d’Hubert. Et doute de la
« légalité » d’une convention qui attri-
bue « une fonction publique à l’IPF
dans laquelle celle-ci pourra favoriser
ses intérêts propres ». Bref, les rela-
tions entre l’Etat et la Fondation sont
bancales.
Palabres jusqu’en mars
La double présidence ? « Faux pro-
blème, dit Thierry Touchais,
directeur exécutif de la Fon-
dation. Le président du
conseil stratégique n’a ni
prérogatives, ni pouvoir
d’influence. Il ne peut se tar-
guer de son rôle pour avan-
tager l’IPF. On a des avis
d’avocats là-dessus ». La
Fondation en a aussi sur les
règles de marchés publics.
Les conseils de l’Etat et la
Chancellerie jugent qu’elle
doit s’y soumettre, dit-on
dans les cabinets. « Nous n’y
sommes pas soumis », ré-
plique Touchais.
Même des proches de la
Fondation, jugent que la
double présidence d’Hubert
pose problème. « Il ne de-
vrait pas participer aux dé-
cisions concernant l’IPF », dit un cabi-
nettard. « C’est malsain, ajoute un
scientifique. Et cela mène au despo-
tisme. Les deux présidences doivent
être séparées ».
La transparence budgétaire ? « Il
faut ramer pour obtenir une facture
justificative », dit-on d’un côté. « Nous
n’avons rien à cacher, rétorque Tou-
chais. En trois ans, nous avons subi 8
audits. Rien n’a été trouvé. » Le der-
nier, ne relève pas d’irrégularités mais
note qu’il n’a pu avoir accès à toutes les
informations et relève que l’existence
de sociétés liées (dont certaines impli-
quant Alain Hubert ou son épouse)
« par lesquelles transitent certaines dé-
penses ne facilite pas la compréhension
de la formation des coûts ».
La note soumise aux ministres, ven-
dredi, prévoit un contrôle par l’Inspec-
tion des Finances. « La question des
différentes sociétés autour de l’IPF sera
posée », dit un participant aux
réunions de la semaine. « Le dernier
audit a soulevé des éléments qui mé-
ritent l’attention », dit un autre. Le ton
est plus dur. Si « chacun a intérêt à un
accord », insiste un observateur marri
du « gâchis », la situation de l’IPF où
certains salaires n’ont pu être payés, la
fragilise. L’avenir ? « La station est
propriété de l’Etat, il n’y a pas à discu-
ter, claque un expert. La Fondation de-
vra accepter les règles et le contrôle de
l’Etat . La structure doit être redéfinie
et simplifiée. » Sinon ? De part et
d’autre, le tribunal n’est pas exclu.
Touchais : « Nous surveillons le bud-
get comme le lait sur le feu. Il est ridi-
culement bas. Et l’Etat pratique un cer-
tain autisme à ne pas vouloir recon-
naître que l’IPF fait un bon travail. Ce-
la, on ne l’a jamais entendu ! » ■
MICHEL DE MUELENAERE
Pôle : l’Etat hausse le ton
ENVIRONNEMENT Le conflit entre Fondation polaire et Etat sur la table de l’exécutif
Le dossier de la station
Princesse Élisabeth en phase
d’atterrissage ?
L’Etat et la Fondation que
préside Alain Hubert auraient
trouvé un compromis.
Qui ne règle pas tout.
* 6
Le Soir Jeudi 11 juillet 2013
6 LASOCIÉTÉ
A lain Hubert fait l’unanimi-
té. Où qu’on pêche, les opi-
nions se recoupent. L’antienne :
« Sans lui, la station polaire
n’aura jamais vu le jour ». Sûr,
même si ceux qui l’on contacté
ces derniers jours s’inquiètent de
le voir « parfois complètement à
bout », l’homme qui fêtera ses
60 ans en septembre n’a pas per-
du un électron de l’énergie qui
lui a permis d’atteindre le pôle
nord et le pôle sud. Hubert, c’est
« le charisme », dit un scienti-
fique qui l’a côtoyé en Antarc-
tique. C’est « la volonté, le carac-
tère ». Un infatigable, un péda-
gogue, un homme de conviction
et d’engagement pour la sauve-
garde de la Planète. Une icône.
« Chez les politiques, tout le
monde veut être sur la photo avec
lui », ironise un fonctionnaire.
Mais ce qui a permis à Hubert
de traverser l’Antarctique à pied
est peut-être ce qui le dessert le
plus. L’opinion est aussi quasi-
unanime : « Impossible de dialo-
guer avec lui », dit un fonction-
naire en contact régulier avec
l’explorateur. « Il sait tout mieux
que tout le monde. Dès qu’il est
contredit, le ton monte. Ça
hurle ». Beaucoup qui l’ont adulé
le trouvent désormais insuppor-
table. Mais l’homme a des ré-
seaux, une notoriété. Le prince
Philippe est président d’honneur
de sa Fondation. Un haut fonc-
tionnaire qui travaille sur le dos-
sier polaire se désole : « Il n’y
personne derrière lui pour le cal-
mer. Au contraire. Avec un peu
de diplomatie, il aurait 300 %
de ce qu’il demande ». Mais ce
gène-là ne semble pas lui avoir
été implanté. « C’est un gars qui
ne négocie pas !, dit un autre. un
super-chouette type, un idéaliste,
mais aussi un bonimenteur, pas
un gestionnaire ».
Du côté des scientifiques, on
souffle le chaud et le froid. On
connaît les humeurs du person-
nage. « Avec certaines équipes ça
se passe bien, dit l’un. D’autres
ont eu des soucis. Souvent des
chercheurs de sexe féminin à qui
on a fait sentir qu’elles n’avaient
pas leur place en Antarctique ».
Sur le terrain, certains ont été
surpris de voir l’explorateur in-
terférer avec des protocoles de
recherche. « On s’est senti infan-
tilisés. Son rêve est manifeste-
ment de ne plus avoir de scienti-
fiques dans les pieds et de faire
les recherches lui-même ». Un
autre grince : « Lorsqu’il s’estime
compétent, il peut penser qu’il
sait mieux faire les choses que le
scientifique ».
Principal obstacle à la solution
du conflit ? Injoignable, Hubert
est clairement en retrait du dos-
sier politique « station princesse
Elisabeth ». « Il est volcanique,
c’est un poil à gratter. Cela peut
avoir une contrepartie négative,
reconnaît Thierry Touchais, di-
recteur de la Fondation polaire.
Mais il faut le gérer. Ça ne sert à
rien d’être tête de bélier contre
tête de bélier ». A l’autre bout du
« champ » : le patron de la poli-
tique scientifique, Philippe Met-
tens, bien décidé à (re)prendre le
contrôle sur le secrétariat polaire
et la station. Un duel d’egos. Qui
fait du bruit. Et des dégâts. ■
M.d.M.
Hubert, l’homme controversé par qui la station est arrivée
© ROGER MILUTIN
Le budget
« La station devait coûter 2,5
millions, dit un des experts
historiques. Puis 12, puis 21,
facture finale : 26 millions.
Dont la moitié pour l’Etat. Le
fonctionnement : 2,5 millions
étaient prévus. Au final, l’ap-
port de l’Etat est de 3,2 à 3,5.
Pas étonnant qu’il y ait des
soucis de financement ».
L’IPF : « Nous sommes bien
moins chers que toutes les
autres stations polaires, tous
les audits l’ont prouvé. »
AU CŒUR DU PROBLÈME
En chiffres
La station Princesse
Elisabeth a été inaugu-
rée en février 2009. Elle
occupe 400 m2
habi-
tables et appuie ses
200 tonnes sur un
éperon des terres de la
Reine Maud. Elle peut
héberger 20 personnes.
Selon ses concepteurs,
la base est « la plus
écologique ». « Zéro
émission » ? En tout cas
reconnue de partout.
ZÉRO ÉMISSION
Ce qu’on y étudie
Pendant l’été austral
(quatre mois par an),
la station polaire ac-
cueille des chercheurs
belges et étrangers de
nombreuses disci-
plines. On y étudie la
glace, le sommeil, les
microorganismes, les
météorites, la sismolo-
gie, le magnétisme
terrestre… « La Bel-
gique est dans le top 10
de la recherche polaire
dans le monde, dit un
expert. La station n’est
pas le seul outil, mais il
est essentiel. Une su-
perbe réalisation ».
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Station pae

  • 1. A u centre du ring, un joyau : la station polaire Princesse Elisa- beth qui, en 2009, a marqué le retour de la Belgique sur le sol de l’An- tarctique. Aujourd’hui, elle fait l’objet d’une lutte aussi âpre que les vents ca- tabatiques balayant la région. Le conflit oppose depuis des années l’Etat belge à la Fondation polaire in- ternationale (IPF). Le premier est pro- priétaire de la station. Le second – fon- dation privée d’utilité publique prési- dée par l’explorateur Alain Hubert – en est l’opérateur. La Fondation reproche à l’Etat d’être mauvais payeur et de la mettre dans des difficultés financières inextricables. Le second accuse la Fon- dation de ne pas se plier aux règles de transparence et de contrôle auxquels sont soumis tous les organismes œu- vrant avec l’argent public. Pour cou- ronner le tout, des oppositions de per- sonnes et des luttes de pouvoirs empoi- sonnent ce brouet déjà indigeste. Un pas vers la solution (?) du conflit sera posé cette semaine. Après des se- maines de négociations avec la Fonda- tion polaire, le cabinet du ministre de la politique scientifique, Philippe Cou- rard (PS), présente au gouvernement une ébauche de sortie de crise. De quoi permettre le démarrage de la cam- pagne 2013-2014 en Antarctique. Mais l’essentiel du conflit subsiste. Latent depuis des années, le conflit avait explosé en avril. Le 22, dans une lettre adressée au gouvernement, l’IPF dénonçait la carence des pouvoirs pu- blics. Une campagne en Antarctique coûte 4,2 millions dont 3 millions fi- nancés par l’Etat via le secrétariat po- laire. Or, la Fondation doit régulière- ment avancer l’argent nécessaire au fonctionnement de la station et s’en trouve en graves difficultés financières. Le contentieux porterait sur une fac- ture d’environ 1,9 million, dit une source. La lettre au picrate conclut à la « résolution » de la convention avec l’Etat. En clair : la propriété de la sta- tion revient de facto à la Fondation. « Cette lettre fut une erreur straté- gique de la part de la Fondation, dit un proche du dossier. On ne fait pas ça avec un partenaire. ». La réplique de la Politique scientifique fut immédiate. Dans une lettre du 19 juin, son pré- sident, Philippe Mettens, demande la suspension du budget 2013. Il est suivi par Courard, son ministre de tutelle. L’épisode avait été précédé, le 10 juin, d’un conflit entre représentants de l’Etat et du privé au sein du Secrétariat polaire qui attribue le budget de l’IPF. Les premiers étaient mis en minorité lors d’un vote d’attribution du budget. Affaire déminée ? La Fondation re- tire sa lettre. La propriété de la station n’est plus contestable. L’Etat s’engage à payer son dû ; au moins la partie « in- contestable » ; l’Inspection des Fi- nances contrôlera les autres de- mandes. « L’argent sera libéré moyen- nant le respect de la transparence et des règles des marchés publics. » Pour le reste, on continuera à palabrer. Objec- tif : trouver un accord pour mars 2014. Sur le fond rien n’est réglé. En désac- cord sur des créances, la Fondation considère qu’il n’y a pas de conflit d’in- térêt dans le fait qu’une seule et même personne (Alain Hubert) préside le conseil stratégique du secrétariat po- laire (instance qui attribue le finance- ment) et préside l’IPF (qui reçoit l’ar- gent). Chaque partie a lâché ses avo- cats. La salve de l’Etat est sanglante. Mettant en cause la « transparence et la légalité budgétaire », il met en garde contre une « prise illégale d’intérêt » dans le chef d’Hubert. Et doute de la « légalité » d’une convention qui attri- bue « une fonction publique à l’IPF dans laquelle celle-ci pourra favoriser ses intérêts propres ». Bref, les rela- tions entre l’Etat et la Fondation sont bancales. Palabres jusqu’en mars La double présidence ? « Faux pro- blème, dit Thierry Touchais, directeur exécutif de la Fon- dation. Le président du conseil stratégique n’a ni prérogatives, ni pouvoir d’influence. Il ne peut se tar- guer de son rôle pour avan- tager l’IPF. On a des avis d’avocats là-dessus ». La Fondation en a aussi sur les règles de marchés publics. Les conseils de l’Etat et la Chancellerie jugent qu’elle doit s’y soumettre, dit-on dans les cabinets. « Nous n’y sommes pas soumis », ré- plique Touchais. Même des proches de la Fondation, jugent que la double présidence d’Hubert pose problème. « Il ne de- vrait pas participer aux dé- cisions concernant l’IPF », dit un cabi- nettard. « C’est malsain, ajoute un scientifique. Et cela mène au despo- tisme. Les deux présidences doivent être séparées ». La transparence budgétaire ? « Il faut ramer pour obtenir une facture justificative », dit-on d’un côté. « Nous n’avons rien à cacher, rétorque Tou- chais. En trois ans, nous avons subi 8 audits. Rien n’a été trouvé. » Le der- nier, ne relève pas d’irrégularités mais note qu’il n’a pu avoir accès à toutes les informations et relève que l’existence de sociétés liées (dont certaines impli- quant Alain Hubert ou son épouse) « par lesquelles transitent certaines dé- penses ne facilite pas la compréhension de la formation des coûts ». La note soumise aux ministres, ven- dredi, prévoit un contrôle par l’Inspec- tion des Finances. « La question des différentes sociétés autour de l’IPF sera posée », dit un participant aux réunions de la semaine. « Le dernier audit a soulevé des éléments qui mé- ritent l’attention », dit un autre. Le ton est plus dur. Si « chacun a intérêt à un accord », insiste un observateur marri du « gâchis », la situation de l’IPF où certains salaires n’ont pu être payés, la fragilise. L’avenir ? « La station est propriété de l’Etat, il n’y a pas à discu- ter, claque un expert. La Fondation de- vra accepter les règles et le contrôle de l’Etat . La structure doit être redéfinie et simplifiée. » Sinon ? De part et d’autre, le tribunal n’est pas exclu. Touchais : « Nous surveillons le bud- get comme le lait sur le feu. Il est ridi- culement bas. Et l’Etat pratique un cer- tain autisme à ne pas vouloir recon- naître que l’IPF fait un bon travail. Ce- la, on ne l’a jamais entendu ! » ■ MICHEL DE MUELENAERE Pôle : l’Etat hausse le ton ENVIRONNEMENT Le conflit entre Fondation polaire et Etat sur la table de l’exécutif Le dossier de la station Princesse Élisabeth en phase d’atterrissage ? L’Etat et la Fondation que préside Alain Hubert auraient trouvé un compromis. Qui ne règle pas tout. * 6 Le Soir Jeudi 11 juillet 2013 6 LASOCIÉTÉ A lain Hubert fait l’unanimi- té. Où qu’on pêche, les opi- nions se recoupent. L’antienne : « Sans lui, la station polaire n’aura jamais vu le jour ». Sûr, même si ceux qui l’on contacté ces derniers jours s’inquiètent de le voir « parfois complètement à bout », l’homme qui fêtera ses 60 ans en septembre n’a pas per- du un électron de l’énergie qui lui a permis d’atteindre le pôle nord et le pôle sud. Hubert, c’est « le charisme », dit un scienti- fique qui l’a côtoyé en Antarc- tique. C’est « la volonté, le carac- tère ». Un infatigable, un péda- gogue, un homme de conviction et d’engagement pour la sauve- garde de la Planète. Une icône. « Chez les politiques, tout le monde veut être sur la photo avec lui », ironise un fonctionnaire. Mais ce qui a permis à Hubert de traverser l’Antarctique à pied est peut-être ce qui le dessert le plus. L’opinion est aussi quasi- unanime : « Impossible de dialo- guer avec lui », dit un fonction- naire en contact régulier avec l’explorateur. « Il sait tout mieux que tout le monde. Dès qu’il est contredit, le ton monte. Ça hurle ». Beaucoup qui l’ont adulé le trouvent désormais insuppor- table. Mais l’homme a des ré- seaux, une notoriété. Le prince Philippe est président d’honneur de sa Fondation. Un haut fonc- tionnaire qui travaille sur le dos- sier polaire se désole : « Il n’y personne derrière lui pour le cal- mer. Au contraire. Avec un peu de diplomatie, il aurait 300 % de ce qu’il demande ». Mais ce gène-là ne semble pas lui avoir été implanté. « C’est un gars qui ne négocie pas !, dit un autre. un super-chouette type, un idéaliste, mais aussi un bonimenteur, pas un gestionnaire ». Du côté des scientifiques, on souffle le chaud et le froid. On connaît les humeurs du person- nage. « Avec certaines équipes ça se passe bien, dit l’un. D’autres ont eu des soucis. Souvent des chercheurs de sexe féminin à qui on a fait sentir qu’elles n’avaient pas leur place en Antarctique ». Sur le terrain, certains ont été surpris de voir l’explorateur in- terférer avec des protocoles de recherche. « On s’est senti infan- tilisés. Son rêve est manifeste- ment de ne plus avoir de scienti- fiques dans les pieds et de faire les recherches lui-même ». Un autre grince : « Lorsqu’il s’estime compétent, il peut penser qu’il sait mieux faire les choses que le scientifique ». Principal obstacle à la solution du conflit ? Injoignable, Hubert est clairement en retrait du dos- sier politique « station princesse Elisabeth ». « Il est volcanique, c’est un poil à gratter. Cela peut avoir une contrepartie négative, reconnaît Thierry Touchais, di- recteur de la Fondation polaire. Mais il faut le gérer. Ça ne sert à rien d’être tête de bélier contre tête de bélier ». A l’autre bout du « champ » : le patron de la poli- tique scientifique, Philippe Met- tens, bien décidé à (re)prendre le contrôle sur le secrétariat polaire et la station. Un duel d’egos. Qui fait du bruit. Et des dégâts. ■ M.d.M. Hubert, l’homme controversé par qui la station est arrivée © ROGER MILUTIN Le budget « La station devait coûter 2,5 millions, dit un des experts historiques. Puis 12, puis 21, facture finale : 26 millions. Dont la moitié pour l’Etat. Le fonctionnement : 2,5 millions étaient prévus. Au final, l’ap- port de l’Etat est de 3,2 à 3,5. Pas étonnant qu’il y ait des soucis de financement ». L’IPF : « Nous sommes bien moins chers que toutes les autres stations polaires, tous les audits l’ont prouvé. » AU CŒUR DU PROBLÈME En chiffres La station Princesse Elisabeth a été inaugu- rée en février 2009. Elle occupe 400 m2 habi- tables et appuie ses 200 tonnes sur un éperon des terres de la Reine Maud. Elle peut héberger 20 personnes. 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