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Climat6
- 1. Le Soir Mardi 12 novembre 2013
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LE BULLETIN CLIMATIQUE
Les progrès
sont nets.
Mais le plus
facile a été fait
dans les entreprises. Il reste
encore de la
marge pour
réduire les
émissions de
CO2 et la
consommation
d’énergie.
ci, on sait faire les comptes.
On sait que diminuer la
consommation d’énergie
aura certes un impact sur
les émissions de CO2, mais
surtout que cela entraînera la
facture à la baisse. Les entreprises belges présentent un bulletin plus qu’honorable en matière de réduction des émissions
de gaz à effet de serre. Un
exemple : depuis 1990, la
consommation totale du secteur
industriel en Wallonie a baissé
d’un tiers. Un autre : les émissions de gaz à effet de serre par
volume produit dans le secteur
de la chimie belge ont diminué
de 77 % depuis 1990. « En une
décennie, indique Frank Vandermarliere, directeur de la cellule
énergie chez Agoria, la puissante
fédération des entreprises de
l’industrie technologique, les 47
sites industriels signataires des
accords de branche en Wallonie
ont gagné près de 27 % en efficacité énergétique. »
Les fermetures d’outils ont pesé sur le bilan global. Malgré cela, l’amélioration de l’efficacité
énergétique (diminution de la
quantité d’énergie par unité produite) s’est poursuivie. Perfectionnement des processus industriels, électrification, diminution
des émissions de gaz fluorés, passage au gaz naturel… Les progrès
sont notables. Et l’innovation se
poursuit : chimie verte, nouveaux isolants, construction, recyclage des déchets, production
d’énergie…
Tout bon ? « Grâce à la mise en
Dans l’industrie, on a engrangé les premières économies d’énergie et de CO2. Mais il ne faut pas
s’arrêter là. © ALAIN DEWEZ.
place du système européen
d’échange de quotas d’émission
de gaz à effet de serre, le climat est
désormais en discussion dans les
conseils d’administration de
toutes les grandes entreprises,
souligne Olivier Van Der Maren,
conseiller énergie à la Fédération
des entreprises de Belgique. Plus
aucun patron n’ignore la question. Les entreprises sont fières de
ce qu’elles ont fait. » Un expert du
secteur modère : « C’est à l’agen-
da de toutes les grosses boîtes car
elles ont tout à gagner en termes
financiers. Par ailleurs, c’est bon
pour l’image, donc pour la stratégie. » Obligation, calcul économique, bonne foi et greenwashing, il y a un peu de tout cela
dans le positionnement des entreprises toujours très réticentes
à l’égard un cadre trop normatif.
On ne compte plus, dans les rédactions, les communiqués des
sociétés qui lavent plus blanc que
© ALAIN DEWEZ.
ENTREPRISES
Les entreprises doivent
I
Les petits largués ?
La grande largesse dans l’octroi des quotas de CO2 aux entreprises et le prix du carbone sur
les marchés ont cependant fortement limité l’incitation à investir.
Plus facile, parfois, d’acheter du
CO2 bon marché que d’investir.
Pour les connaisseurs, seule une
remontée du prix du CO2 incitera
MOBILITY
PACKS
« Concurrencer » la voiture de société
L’EXPERT
habitations exige des matériaux de construction
de pointe (vitrage, isolation, ciment, chimie…).
Il y aura donc des créations d’emplois y compris
dans les PME.
Sont-elles aujourd’hui suffisamment
conscientes ? Leurs actions sont-elles à la
hauteur des efforts requis ?
Toute une série de secteurs sont clairement
conscients des enjeux et demandent explicitement des politiques plus contraignantes, intégrant véritablement l’externalité carbone dans
les prix. Ils attendent une réforme du marché
européen des quotas d’émission qui redresse le
prix du CO2 et favorise ainsi les investissements.
Ils voient l’opportunité de construire une nouvelle politique industrielle, basée sur les secteurs
d’avenir. Par contre, d’autres secteurs appliquent
la politique de l’autruche, attendant peut-être les
directives des autorités.
Celles-ci devraient donc accompagner/susciter ce mouvement ?
En effet, les politiques à long terme font cruellement défaut alors qu’elles sont indispensables
pour fournir de la clarté aux investisseurs privés
qui ont besoin de 20 ans pour rentabiliser leurs
investissements. D’où l’importance de la finalisation du « paquet énergie/climat 2030 » au
niveau européen et la nécessité d’un accord
climatique mondial. La réussite de la nécessaire
transition exige des objectifs contraignants car
on parle bien d’un véritable changement de
système, d’une mutation complète de nos modes
de production et de consommation.
PROPOS RECUEILLIS PAR
M.D.M.
© D.R.
« Les entreprises doivent apporter
des solutions concrètes »
Roland Moreau est patron de la direction
« Environnement » de l’administration fédérale. Venu du privé, passé par Greenpeace
puis arrivé au « top » de la fonction publique,
c’est un observateur privilégié des relations
parfois tumultueuses entre les entreprises et
le dossier climatique.
Les entreprises sont souvent considérées
comme les principales responsables de ces
émissions, parfois comme un facteur de
résistance que seul le profit intéresse.
Parler « des entreprises » ne signifie rien ! Les
fédérations patronales doivent faire le grand
écart entre les « visionnaires » qui voient la
transition bas carbone comme une opportunité
et les « attentistes » qui nient les défis communs
à relever et veulent continuer « business as
usual ». Rappelons encore que, depuis la première crise pétrolière de 1973, les gros consommateurs d’énergie font des efforts de réduction
de leurs factures et donc de leurs émissions.
Rappelons enfin que les politiques climatiques
ne sont pas l’enjeu no1 en matière de compétitivité ; elles sont un fragment du différentiel dans
les coûts énergétiques entre l’Europe et les USA,
ou du coût salarial entre Europe et Asie.
Quel rôle peuvent-elles jouer dans la transition ?
Un rôle essentiel en apportant les solutions
concrètes, en harmonie avec les pouvoirs publics
qui fixent le cadre et investissent dans les infrastructures. Il faut réinventer et décentraliser la
production et la distribution de l’électricité en
passant au renouvelable, investir dans des véhicules électriques performants. La rénovation des
blanc. Difficile, souvent, de faire
la part des choses.
Renoncer à la voiture de société pour se rendre au
travail ? L’asphyxie des centres oblige les entreprises à
trouver des solutions : carsharing, vélo, restrictions de
stationnement, métro, tram, bus ou train… Les idées ne
manquent pas.
Une poignée d’employeurs propose des « mobility
packs » ou autres « budgets mobilité ». Le principe : sur
base volontaire, le salarié choisit ses modes de transport, à la carte, dans les limites d’un cadre financier. En
Belgique, GDF Suez est parmi ceux à avoir intégré ce
principe dans sa politique mobilité. « Tous nos cadres
peuvent bénéficier d’une voiture de société. Mais depuis
2008, nous faisons la promotion d’autres formes de transport pour les trajets domicile-travail », explique Lieve
Lemmens, mobility manager auprès d’Electrabel. En
interne, cette société caresse l’objectif de réduire de
25 % ses émissions de CO2 d’ici 2015. Concrètement,
chaque cadre se voit allouer un « budget mobilité », en
complément de la voiture de société. « Plutôt que d’opter
pour un modèle avec options complètes, nos collaborateurs
peuvent choisir une petite citadine, à faible consommation.
Avec le solde, ils ont la possibilité de choisir des alternatives de transports », détaille Lemmens. Au menu : des
abonnements annuels aux trains (première et deuxième
classe), aux transports en commun régionaux (Stib, De
Lijn, TEC), l’accès au système de partage de voitures
Cambio, ZenCar et au Villo, l’achat ou la mise à disposition d’un vélo ou d’un scooter électrique. L’initiative
porte-t-elle ses fruits ? Actuellement, GDF Suez possède une flotte de 2.300 voitures. « Mais 30 % des
cadres ont pris un abonnement aux transports en commun
en plus de leur voiture, pointe Lieve Lemmens. Nous
avons intégré des voitures hybrides dans notre flotte. Et
analysons la possibilité de compléter l’offre avec des véhicules électriques. » Autre démarche : depuis le déménagement de son siège social à proximité de la gare du
Nord, le groupe propose un plan de mobilité durable,
baptisé « Let’s Choose ». L’objectif reste local. Vu le
nombre de places de parking limité, le groupe veut
convaincre les occupants de sa tour bruxelloise de
délaisser leur voiture au profit d’autres formes de transport. Résultat : sur 1.150 employés directement concernés, plus de la moitié ont renoncé à leur emplacement
de parking, 770 ont choisi de se déplacer en train, et
l’utilisation des transports en commun est passée de
29 % à 58 % en un an. Si seulement 2 % des employés
font le trajet jusqu’au travail à vélo, les déplacements
en voiture ont, quant à eux, été réduits de 40 %. Sur
l’ensemble du projet, 1.247 tonnes de CO2 ont été épargnées en mobilité.
RAFAL NACZYK
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