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Futs
- 1. C
’est l’histoire d’une décou-
verte que tout le monde au-
rait préféré ne pas faire. Et
qui pourrait reposer la question de
l’entreposage des déchets radioac-
tifs dans notre pays. Le pitch ? La
détection, dans une quarantaine
de fûts entreposés sur le site de
Belgoprocess, à Dessel (Lim-
bourg), d’une « substance gélati-
neuse » suspecte. Elle serait issue
d’une réaction chimique au sein
des matières (béton, sable, gra-
vier) destinées à « piéger » les dé-
chets légèrement radioactifs. Il n’y
a, assure-t-on à l’Agence fédérale
de contrôle nucléaire (AFCN), pas
de danger de contamination ra-
dioactive, « ni pour les tra-
vailleurs du site, ni pour les rive-
rains ». Tous les fûts douteux n’ont
pas fui. Les colis suspects ont été
mis en quarantaine.
Mais l’affaire embarrasse. C’est
une épine dans le pied des respon-
sables de la gestion des déchets
nucléaires aussi bien que de l’opé-
rateur de la centrale, responsable
de sa marchandise. Si la décision a
été prise d’entreposer des déchets
de faible et moyenne activité et de
courte durée de vie en surface, à
Dessel, on attend toujours une dé-
cision du gouvernement quant au
stockage en sous-sol des déchets
moyennement et hautement ra-
dioactifs à longue durée de vie.
L’histoire commence au début
de l’année, dans le bâtiment 151 de
Belgoprocess. C’est là que, réguliè-
rement, les experts de l’Organisme
national des déchets radioactifs
viennent inspecter les fûts de 400
litres qui s’empilent sur le site de
on peut être sûr que la campagne
est affectée, indique la porte-parole
de l’Ondraf. S’il ne l’est pas, on en
ouvrira quelques autres ». Electra-
bel assumera ses responsabilités, il
n’y a pas de discussion là-dessus,
dit-on en chœur à l’Ondraf et à
Electrabel. Les solutions ? « Trop
tôt pour des pistes. Il faut attendre
les résultats des analyses ».
Dans la foulée, il faudra exami-
ner quelques points d’histoire. En
2002 et en 2003, la présence de
substance gélatineuse avait déjà
été constatée à deux reprises à
Doel. Electrabel « en a informé
son autorité de sûreté, dit un
proche du dossier. Les fûts ont été
nettoyés, mais on a omis de faire
suivre l’information à l’Ondraf
lors de la demande d’acceptation
des fûts à Belgoprocess ».
Le conseil d’administration de
l’Ondraf sera informé du dossier
ce vendredi après-midi. ■
MICHEL DE MUELENAERE
tion. Chez Electrabel, on soup-
çonne que l’ajout de gravier dans
le béton est à l’origine du pro-
blème ; la dureté de l’eau utilisée
pourrait aussi être en cause. Les
colis produits à Tihange, sans gra-
vier, ne semblent pas affectés.
Reste que selon la littérature, la
réaction alcali-silice se déroule sur
des périodes de temps très longues
et « se manifeste par la fissuration
et le gonflement des bétons ». A la
fin septembre 2013, il y avait 7.268
colis de déchets contenant des
concentrats entreposés chez Bel-
goprocess et à Doel. Si trois d’entre
eux sur quatre sont affectés, cela
risque de faire beaucoup. A l’On-
draf, on vérifiera par sondage.
Deux fûts au moins pour chacune
des 61 « campagnes » de produc-
tion. « Si le phénomène est présent,
contrôle nucléaire. En tout cas,
ça ne devrait pas arriver, ce
n’était pas prévu. Cela pose des
questions sur assemblage en bé-
ton ». L’AFCN insiste : « Les élé-
ments qui se trouvent à l’inté-
rieur des fûts doivent être secs ».
Quand et comment la réac-
tion, connue dans le génie civil,
est-elle apparue ? Quelle est son
évolution ? A-t-elle un impact
sur la solidité des fûts ? Peut-on
les reconditionner ? Les rouvrir,
les emballer dans un conteneur
plus large ? Ces questions sont
explorées par les experts d’Elec-
trabel, de l’Ondraf et de Belgo-
process. A première vue, la
couche de zinc des fûts ne
semble pas affectée. A l’Ondraf,
on assure que la matrice de bé-
ton n’est pas altérée par la réac-
le cœur net, les inspecteurs véri-
fient d’autres fûts facilement ac-
cessibles : quatre d’entre eux
présentent le même problème.
La substance est légèrement
contaminée. De fil en aiguille, en
mars, juillet et septembre, l’On-
draf procède au contrôle de onze
colis. Neuf sont affectés. Puis
neuf autres, puis 20… Au total,
sur les 58 colis qui auront été
inspectés, 42 présentaient une
anomalie. La même substance
gélatineuse « au-dessus de la
matrice en béton ». Le gel serait
issu d’une réaction alcali-silice
interne au béton dans lequel les
déchets sont immobilisés. Pour
Electrabel, c’est « quasi-sûr ».
« Ce n’est encore qu’une hypo-
thèse, nuance-t-on à l’Agence de
la filiale de l’Ondraf en attendant
la construction des bâtiments défi-
nitifs qui les accueilleront pendant
la lente décrue de leur radioactivi-
té (200 à 300 ans). Tout allait bien
jusqu’au 6 février, jour où les ins-
pecteurs découvrent un « colis non
conforme ». Entendez : le débor-
dement d’une substance gélati-
neuse sur le couvercle et la paroi
externe d’un fût, dit un rapport
que Le Soir a pu consulter.
Le colis vient de la centrale de
Doel. Il contient, dit-on chez Elec-
trabel, des concentrats, « une sorte
de boue qui subsiste après l’évapo-
ration des eaux sur le site des cen-
trales ». Le fût a été produit à Doel
en 1995. Les précédentes inspec-
tions n’avaient rien repéré. Un
phénomène récent ? Pour en avoir
Dessel : un gel suspect
dans des fûts radioactifs
Le béton de fûts radio-
actifs à Dessel s’est mis à
« mousser ».
42 fûts sur les 58 véri-
fiés sont affectés.
Pas de contamination
radioactive, mais il y a
bien d’autres fûts du
même tonneau…
A la fin septembre 2013, il y avait 7.268 colis de déchets contenant
des concentrats faiblement radioactifs entreposés chez Belgoprocess
et à Doel. © BONSAI PUBLICATIEBUREAU