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11
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
La lutte contre le changement climatique s’impose de
plus en plus dans les agendas politiques, écono-
miques et sociaux. Plus personne n’en nie l’impor-
tance. Le sommet de l’ONU qui débute ce lundi à
Lima, au Pérou, inaugure une année cruciale au cours
de laquelle la lutte contre le réchauffement retrouvera
le devant de la scène. Mais ce dossier ne se résume
pas aux négociations internationales.
Dans chaque pays se pose la question : que faire ? La
Belgique n’y échappe pas. Deux défis : d’abord éviter
le pire, c’est-à-dire infléchir voire inverser la courbe
des émissions de gaz à effet de serre. Mais même si
nous y parvenons, une partie des impacts du change-
ment climatique est inévitable. Les gaz déjà émis
resteront des centaines d’années dans l’atmosphère
et produiront leurs effets, même atténués. Par
ailleurs, la réponse internationale n’est pour l’instant
pas à la mesure de l’enjeu. Raison de plus pour antici-
per les changements. Positifs comme négatifs. C’est
le deuxième défi indissociable du premier : s’adapter.
Certes, la Belgique n’est pas aussi vulnérable que ne
le sont les pays africains ou asiatiques. Mais nous
sommes exposés. A la mer du Nord. Dans nos forêts,
nos champs, nos cours d’eau, nos villes… Les projec-
tions prévoient une hausse du niveau de la mer, des
températures plus élevées en été, des précipitations
plus intenses en hiver. Peut-être des épisodes de
sécheresse plus prolongés. Notre pays fait donc face
à un exercice dans lequel il n’a jamais excellé : se
projeter dans l’avenir et anticiper. Pas facile de penser
à long terme. Ni pour une entreprise, ni pour un
gouvernement, ni pour une administration.
Pour beaucoup, l’adaptation au changement clima-
tique est un choc culturel. Mais un peu partout, on
cogite. Malgré les incertitudes, beaucoup pressentent
qu’une nouvelle donne se dessine. Les universités
sont à la pointe, mais pas seulement.
Ainsi, au centre fédéral de crise, on cherche à sensibi-
liser toutes les administrations à la nécessité d’inté-
grer le facteur climatique dans les réflexions. On
travaille, pour fin 2015, à une nouvelle nomenclature
des risques. Ensuite, explique Gunter Ceuppens,
responsable de l’analyse des risques, au SPF Intérieur,
les experts plancheront spécifiquement sur le facteur
climatique et les politiques de prévention.
Sous l’aiguillon européen, Régions et fédéral ont
préparé leurs premiers plans d’adaptation. A de rares
exceptions, on a regroupé sous cette étiquette des
politiques déjà existantes. « Du recyclage, reconnaît
l’auteur d’un de ces plans. Rien de révolutionnaire,
mais cela constitue une bonne base pour travailler. » A
Bruxelles et en Wallonie, il s’agit de chapitres intégrés
à des plans climat plus larges. Preuve, juge Valentine
Van Gameren (ULB), co-auteure d’un livre sur le
sujet, que pour l’instant « les ambitions sont limitées ».
Un leitmotiv des plans : objectiver les risques et les
opportunités, cartographier les lieux sensibles, identi-
fier les populations vulnérables. C’est essentiel. Mais
ensuite, il faudra élaborer des politiques et agir. En
osant bousculer les idées reçues. En « dézoomant » la
réflexion pour prendre de la hauteur. En dépassant les
intérêts de court terme. Un pari sur l’intelligence.
MICHEL DE MUELENAERE
S’ADAPTER AU CHANGEMENT
CLIMATIQUE :
UN PARI SUR L’INTELLIGENCE
Le 14 novembre 2010, la Belgique avait été frappée par des orages violents qui ont causé d’importantes inondations. Comme ici à Tubize. © BELGA.
climat La Belgique
se prépare
à tout petits pas
Une stratégie et quatre plans
Il y a, à ce jour, une stratégie nationale d’adap-
tation au changement climatique, un plan
flamand d’adaptation, un plan énergie-climat
wallon au stade de l’enquête publique, un plan
énergie-climat bruxellois adopté en première
lecture (il en faut encore deux), un plan fédéral
d’adaptation presque finalisé et un plan natio-
nal d’adaptation encore à dessiner. La nuance
entre ces deux derniers ? Le « fédéral » ne
parle que des compétences fédérales. Le « na-
tional » reprendra des mesures concernant
l’ensemble du territoire et dont la mise en
œuvre ferait l’objet d’un cofinancement du
fédéral et des Régions. Particularité de ces
dernières : elles ont, chacune de leur côté, fait
calculer leurs propres projections des futurs
impacts climatiques.
M.D.M.
POLITIQUES
10 PAGES SPÉCIALES
Sommaire
La côte se blinde
contre la tempête
du siècle
P. 12 & 13
Le derniers constats
et projections du Giec
en une infographie
P. 14
Les forêts doivent
devenir plus naturelles
P.16
L’agriculture
en pleine réflexion
P.17, 18 & 19
Le réchauffement
a des effets sur la santé
P. 20
Retrouvez toute l’actualité de l’environnement, de la biodiversité, du développement durable, sur notre site thématique www.lesoir.be/demainlaterre
12
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
13
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
mer du Nord
inondations 60 CENTIMÈTRESC’est la hausse moyenne du niveau de la Meuse à Liège en cas de survenance
d’une crue centennale. Cette hausse pourrait être de 130 centimètres en 2100.
W
enduine. Petite sta-
tion balnéaire entre
Le Coq et Blanken-
berge. En ce lundi
ensoleillé du mois
de novembre, le bruit des
mouettes a fait place à celui des
grues. Pas les migrateurs partant
rejoindre de chaudes contrées,
mais bien celles de chantier qui
s’activent çà et là sur la digue. Ou
plutôt sur ses vestiges. Car les en-
gins ont enlevé le macadam, les
pavés et les barrières.
Aujourd’hui, les commerces
« avec vue sur la mer » s’ouvrent
sur une ligne de barrières de chan-
tier. Derrière elles, une énorme
tranchée puis des tas de sable
hauts de plusieurs mètres. « Nous
avons fait ces tas au cas où il se
produit une tempête d’ici la fin des
travaux », explique Johan Pau-
wels, responsable de la communi-
cation pour le service de la côte
(Afdeling Kust) de l’administra-
tion flamande. Des couloirs per-
mettent d’accéder à la plage. On
passe entre deux barrières, on voit
la tranchée à gauche et à droite.
Ici il y a des coffrages, là une sorte
de foreuse géante qui fait d’autres
trous pour installer des pieux sur
lesquels viendra se poser la future
digue. On passe ensuite entre
deux tas de sable. Et là, on les dé-
couvre enfin : la plage et la mer.
Ce chantier fait partie du Mas-
ter Plan 2015 qui, d’ici juin pro-
chain, doit renforcer les protec-
tions de la côte contre les tem-
pêtes et les inondations. Des phé-
nomènes qui s’annoncent plus
violents en raison du réchauffe-
ment du climat. Les spécialistes
augurent une montée des eaux de
30 centimètres en 2050 et de 80
centimètres en 2100. « La côte
peut faire face à une augmenta-
tion du niveau de la mer de
30 centimètres. Le problème, c’est
ce que cela se provoque lorsqu’il y
a des orages », confie Johan Pau-
wels.
Des vagues
de 5 mètres de haut
Le pire scénario envisage une
mer montant à 8 mètres au-des-
sus de son niveau habituel et des
vagues pouvant atteindre 5 mètres
de haut. De la science-fiction ?
Non : cela se produit au moins
une fois par millénaire. Et les au-
torités flamandes veulent être
prêtes. Le Master Plan fut ap-
prouvé par le gouvernement ré-
gional en 2011 pour un budget de
300 millions d’euros.
Difficile d’imaginer ce scénario
apocalyptique alors qu’on se ba-
lade sur la plage de Wenduine
pour rejoindre l’espèce de pro-
montoire posé sur une dune. Nor-
malement, les plages possèdent
leurs propres défenses naturelles.
Mais un peu partout, le béton a
remplacé le sable et les dunes se
sont fragilisées et affaissées à force
d’être foulées.
Depuis le promontoire, on voit
qu’il reste bien peu de zones natu-
relles. « La côte belge est longue de
67 km, dont 38 km de digues. Elle
a donc été façonnée sur plus de la
moitié par l’homme, note Peter De
Wolf, ingénieur au service de la
côte. Et puis, elle est assez ouverte
et est donc vulnérable surtout face
aux tempêtes qui viennent du
Nord. »
En 2008, un état des lieux de la
côte a été réalisé. Résultat mitigé :
« Les 2/3 de la côte sont capables
de résister à une tempête millé-
naire mais un tiers est trop vulné-
rable. Ce sont des endroits où il y a
eu des constructions de digues ou
de ponts. Les digues cassent la dy-
namique naturelle de la plage (sa
capacité à résister, NDLR) ».
Dans ce tiers, se trouvent essen-
tiellement les stations balnéaires
de Wenduine, Ostende et Middel-
kerke. Mais aussi les ports.
Deux types de mesures sont pré-
vues dans le Master Plan. Les pre-
mières consistent en l’approvi-
sionnement de sable pour élargir
les dunes et les plages. Ces der-
nières sont aussi rehaussées.
« C’est la mesure la plus impor-
tante. Nous utilisons la nature
elle-même pour nous protéger
contre la nature », confie Peter De
Wolf. Des plages hautes et larges
limitent la profondeur d’eau. Les
vagues ne prennent donc pas
d’ampleur.
Des millions de m3
de sable
En trois ans, plus de 1.650.000
mètres cubes ont été ajoutés sur
les plages belges. C’est comme si
on avait rempli de sable un cube
de 118 mètres de profondeur, de
largeur et de hauteur. Ce sable est
extrait en mer, sur le plateau conti-
nental belge. La Région flamande a
obtenu deux concessions fédérales
situées à 20 et 50 km des côtes. Au
total, « nous pouvons utiliser 20
millions de m3
de sable jusqu’en
2020 mais 10 à 12 millions de m3
devraient être suffisants », dit De
Wolf. Depuis le large, le sable est ra-
mené à bord de dragueurs. Ensuite,
il est acheminé sur la plage via des
conduites de refoulement. Il est fi-
nalement étendu avec des bulldo-
zers. Le sable peut aussi être « as-
pergé » sur la plage depuis un ba-
teau par la méthode dite de l’« arc-
en-ciel ». En fonction des besoins, le
sable est placé sur la partie située
juste en dessous de la laisse de basse
mer (le niveau de la marée basse),
sur la plage elle-même ou sur la face
des dunes.
« Mais on ne sait pas toujours uti-
liser des méthodes douces. A certains
endroits, il faudrait rehausser la
plage au-dessus de la digue, sourit
Peter De Wolf. Et puis, près des
ports, cela risquerait de boucher le
chenal. » Alors, il faut opter pour
des mesures en dur. Comme des
nouvelles digues. Plus stables que
les anciennes et renforcées par des
murs anti-tempêtes. La combinai-
son de deux murs parallèles forme
un bassin où les vagues de tempête
perdent leur force. Les ouvertures
laissées dans les murs de façon pour
pouvoir accéder à la plage sont fer-
mées en cas d’annonce de tempête.
A Ostende, la zeeheldenplein est
trois fois plus vaste que l’ancienne
digue. Une ligne de pierres bleues
rappelle le tracé de cette dernière.
L’ouvrage technique est aussi esthé-
tique. Les murs anti-tempêtes se
prolongent ici et là en bancs. Enfin,
une fontaine trône en son sein :
« Comme l’eau ne peut plus arriver
jusqu’ici, on en a mis un peu », plai-
sante John Pauwels. La place est au-
jourd’hui « the place to be » où se
réunissent les jeunes. En ce lundi
après-midi, les fils du bord de mer
ont plutôt les tempes grises. A cha-
cun son heure. ■
VIOLAINE JADOUL
En trois ans, plus de 1.650.000 mètres cubes ont été ajoutés sur les plages belges. © PIERRE-YVES THIENPONT.
La côte change
de visage
pour se protéger
Quand les flots sont l’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur
Un plan d’évacuation par commune
En 1953, dans la nuit du 31 janvier au 1er
février, une tem-
pête violente provoque de terribles inondations essentiel-
lement aux Pays-Bas. Mais l’onde de choc touche aussi la
Belgique : 1.800 morts chez nos voisins, une dizaine chez
nous. « Ce n’est pas la hauteur des vagues qui a posé pro-
blème : l’eau n’est pas montée au-dessus des digues, mais elle
est entrée par le port d’Ostende envahissant le centre de la
ville. C’est la pression hydraulique : lorsqu’il y a trop de pres-
sion, l’eau s’engouffre aux endroits fragiles comme les ports »,
raconte David Dehenauw, météorologue à l’IRM.
En fait, il y eut une combinaison de facteurs : « Un vent de
nord-nord-ouest a soufflé sur toute la mer du Nord pendant
plus de 24 heures. » Ce vent perpendiculaire à la côte at-
teint une intensité de 10 à 11 Beaufort et pousse avec force
l’eau vers les terres. Mais ce n’est pas tout. La marée était
à son plus haut (cela se produit chaque quinzaine). « Au
cours du XXe
siècle, ni l’intensité ni la fréquence des tempêtes
n’ont augmenté. Par contre, le niveau de la mer a monté de
20 cm depuis 1900. » Ce qui accroît d’autant les risques
pour la côte. Le Master Plan met l’accent sur les ports :
certains quais sont rehaussés et l’on construit des murs
anti-tempête autour des docks ou des barrières contre les
inondations à l’entrée du port. A Nieuport, une sorte de
barrage anti-tempête sera installé. Qui pourra être fermé
en cas d’alerte.
On estime qu’une personne qui vit 70 ans à Ostende a une
chance sur 13 d’être témoin d’une super-tempête. Et les
spécialistes ont calculé que, sans le Master Plan, une
violente tempête inonderait l’intérieur des terres jusqu’à
Bruges et Ypres. Une zone qui se situe en dessous du
niveau de la mer et où résident environ 500.000 per-
sonnes… Face au risque, chaque commune dispose d’un
plan d’urgence qui prévoit l’évacuation de ses habitants.
C’est le service de la côte qui prévient les communes (les
orages peuvent être prévus trois jours à l’avance). A elles,
sous la coordination de la province de Flandre occidentale,
de fermer les portes des murs anti-tempête, d’installer le
mur mobile sur la plage d’Ostende, de fermer l’accès à
l’estacade et d’évacuer sa population.
V. JA.
5 km
< 50 cm
50-100 cm
100-200 cm
> 200 cm
Hauteur de l’eau
Bruges
Knokke-Heist
Jabbeke
Gistel
Blankenberge
Wenduine
Le Coq
Ostende
Middelkerke
Coxyde
Furnes
Nieuport
Les risques d’inondation à la côte belge
D
écembre 1926 : après six
semaines de pluies, la
Meuse gonflée à bloc
prend la tangente. Se-
raing, Herstal et le centre
de la ville sont noyés. Le traumatisme
est à l’origine des travaux de canalisa-
tion du fleuve et de protection de la
ville. En termes de débit, l’événement
de 1926 fut dépassé plus tard. Les
2.400 m3
par seconde estimés de
l’époque sont peu de chose à côté des
3.100 m3
/s de 1993. Mais il ne fau-
drait pas aller beaucoup au-delà pour
connaître de sérieux ennuis, sou-
lignent les spécialistes. « Le jour où il
y aura un problème, ce sera un très
gros problème », souffle un respon-
sable de la gestion des eaux.
Selon une équipe de chercheurs de
l’ULg, les débits maximums de crue
du fleuve pourraient grimper : de
15 % en 2050, de 30 % en 2100 pour
un scénario plutôt pessimiste. « A
3.000 m3
/s ça passe, à 3.300, ça ne
passe pas », résume Michel Pirotton,
du laboratoire Hydraulique et Envi-
ronnement de l’ULg. La crue centen-
nale (une chance sur cent chaque an-
née) est estimée à 3.184 m3
. Dans le
cadre d’un projet réunissant les pays
riverains du fleuve qui s’étire sur
185 km en Wallonie, les ingénieurs
ont conclu qu’en fonction de l’évolu-
tion de l’urbanisation en Wallonie, la
facture des dégâts d’inondations ca-
tastrophique atteindrait des cen-
taines de millions voire des milliards
d’euros.
S’adapter ? Pas facile, dans un pay-
sage aussi peuplé et aussi étroit que
la vallée de la Meuse, où à certains
endroits le sol s’est abaissé de six
mètres suite à l’exploitation des char-
bonnages. Et si une crue centennale
peut « passer » à Liège, les protec-
tions d’autres cours d’eau du bassin
sont dimensionnées en fonction
d’une crue décennale. « Un des en-
jeux pour l’avenir, explique Benja-
min Dewals, c’est d’introduire une sé-
curité par rapport aux sollicita-
tions. » Revoir les marges de sécurité
à la hausse.
Utiliser les dix barrages wallons
comme moyen de stockage lors de
fortes pluies ? La question a été étu-
diée. « Il y a un potentiel à gagner
dans la gestion de ces barrages, in-
dique Dewals. On pourrait abaisser
le niveau de la retenue pour consti-
tuer une capacité de stockage plus
importante avant des hivers qu’on
annonce plus pluvieux. Mais il faut
tenir compte des autres fonctions des
barrages, notamment l’alimentation
en eau potable. » Par ailleurs, le sec-
teur touristique et les riverains ne
voient pas toujours d’un bon œil
l’abaissement du niveau du lac de
barrage. « D’ici fin 2015, on va étu-
dier chaque ouvrage l’un après
l’autre, indique Paul Dewil, patron
du centre régional de crise. On verra
s’il y a lieu d’en adapter la gestion. »
Le territoire imperméable
Mieux draguer le fleuve ? « On ne
gagnera pas grand-chose, rétorque
Pirotton. S’il y avait une solution mi-
racle, on l’aurait trouvée. » La « plus
raisonnable » prévention dans le sec-
teur mosan semble finalement être
de renforcer les protections. Rehaus-
ser les murs, dans les secteurs de Huy
et de Liège, « là où c’est nécessaire » :
moins de la moitié nécessite une re-
hausse, dit Pierre Archambeau.
« 10 % de la longueur mériteraient
70 cm en plus. » On a parfois fait l’in-
verse en remplaçant des murs par des
rambardes. « La sécurité est une
question politique », disent les cher-
cheurs. Question internationale :
l’eau qui déborde en Wallonie
n’inonde pas les Pays-Bas, bien plus
exposés. « Liège n’est pas seule
concernée : pour une même sollicita-
tion Namur sera inondée. » L’admi-
nistration des voies hydrauliques
« étudie les conclusions des experts
et réfléchit à la manière de protéger
les zones les plus sensibles », dit son
patron, Yvon Loyaerts. Reste la
question fondamentale : l’aména-
gement du territoire. « Le princi-
pal problème, insiste Benjamin Er-
picum, c’est que des gens se sont ins-
tallés dans le lit de la rivière. » La
réflexion vaut pour les plus petits
bassins versants qui sont sous sur-
veillance. La carte wallonne de
l’aléa d’inondation indique les
zones sensibles. Pour les experts,
c’est clair : « Il faut interdire toute
construction nouvelle en zone à
risque élevé » et qui pourrait s’ac-
croître. Ce n’est pas le cas actuelle-
ment. « C’était l’idée de départ,
mais on a préféré ne pas l’appli-
quer de façon trop brutale, dit De-
wil. Mais peut-être faudra-t-il être
plus strict au vu des conséquences
du changement climatique. » En
attendant, les assureurs jouent le
rôle de « législateur occulte ». Il
devient en effet de plus en plus dif-
ficile de trouver une compagnie qui
accepte de couvrir un risque en
zone inondable. Ou alors moyen-
nant une sérieuse surprime ou des
adaptations du logement ou du lo-
tissement (bassin d’orage…). « Si le
risque d’inondation est bien maî-
trisé, les primes restent raison-
nables, explique Wauthier Robyns,
porte-parole des assureurs. Dans le
cas contraire, les contrats ne bénéfi-
cieront pas du mécanisme de soli-
darité. »
« L’aménagement du territoire
est la première piste d’adaptation
au changement climatique, insiste
Jean-Pierre Silan, directeur de l’in-
tercommunale liégeoise pour le dé-
mergement. Il faut y intégrer la
gestion de l’eau. Cela ne se fait pas
assez. » La superficie bâtie ne cesse
de croître en Wallonie. La Région a
gagné 5 % de population en une di-
zaine d’années. Soit des construc-
tions, de l’imperméabilisation, une
charge pluviale supplémentaire
sur les réseaux d’égouttage. Les ou-
tils pour y faire face ? « Densifier
l’habitat, lutter contre l’imperméa-
bilisation. Minimiser le ruisselle-
ment, maximiser l’infiltration, ré-
sume Cédric Prevedello, conseiller
scientifique d’Aquawal. Travailler
en amont, c’est ce qui coûte le moins
cher pour la société .» A Bruxelles
et en Flandre, les plans inonda-
tions prévoient l’obligation de pla-
cer une citerne d’eau de pluie pour
toute nouvelle construction. On
commence à imposer des toitures
vertes et on cherche à limiter l’im-
perméabilisation, à créer des zones
inondables. Mais on s’interroge
aussi sur les infrastructures. Suffi-
santes ? Comme à Bruxelles, la So-
ciété wallonne de la gestion de l’eau
a ouvert les dossiers, détaille Chris-
tian Didy, directeur d’exploitation :
gestion des réseaux, conception et
dimensionnement des ouvrages
(égout, déversoirs, bassins
d’orage…), gestion des eaux de
pluies… les réflexions sont ou-
vertes. Et elles devront intégrer les
perspectives climatiques. Objectif :
produire des guides techniques
mais aussi des propositions de lé-
gislations pour les années à venir. ■
MICHEL DE MUELENAERE
Se barricader : une solution insuffisante face à l’eau
Devant l’imperméabilisation croissante du territoire, il faut retenir l’eau,
l’obliger à s’infiltrer plutôt que ruisseler. © B.
Tubize se prépare pour éviter de revivre le pire
Prenez 25.000 habitants sur 3.265 ha ; un canal proche ; une autoroute (la A8) et une ligne TGV qui
sont autant de corniches géantes pour l’eau de pluie ; un relief propice aux ruissellements… Ajoutez
13 cours d’eau. Voilà Tubize. La cité brabançonne, les inondations, elle connaît. Qu’elles viennent des
champs ou des ruisseaux. Généralement les deux ensemble. Le pompon en novembre 2010, avec
d’autres villages avoisinants, y compris en Flandre. Trois morts, 3.000 habitations inondées, des
dégâts considérables. Le canal Bruxelles-Charleroi débordé. Un choc. 2015 verra la fin d’un ambi-
tieux programme de travaux, à Tubize et ailleurs, destinés à sécuriser le bassin de la Senne. Creuse-
ment de bassins d’orage et de zones d’immersion temporaire, curage de cours d’eau, rectification de
berges, nettoyage des égouts… « Pour le dimensionnement des ouvrages, on a travaillé sur des périodes
de retour de 20 ans, 50 quand c’était possible », explique l’échevin des inondations Bernard Soudan.
Deux idées : retenir au maximum les eaux en amont. Et assurer leur passage rapide et sans dégâts
lorsqu’elles arrivent dans les quartiers. Coût du programme pour la commune : 2,5 millions.
Mais les moyens sont limités, la topographie et l’urbanisation ne permettent pas tout. L’argent
manque. L’autoroute dispose de bassins d’orage, mais ceux-ci sont inefficaces car ils ne sont pas
entretenus, regrette l’échevin. La ligne TGV ne dispose pas de retenues. Or, les quantités d’eau que
ces deux ouvrages drainent dans le Hain et dans le Laubecq sont considérables. Pas sous contrôle
non plus la coordination avec la Flandre qui gère l’écluse de Lembeek sur le canal de Charleroi. En
cas de fortes pluies, l’abaissement du niveau du canal facilite l’écoulement du Hain et atténue le
danger d’inondation à Tubize. Pas simple. « Pour faire bouger les choses, il faut l’intervention du centre
de crise, voire du politique. Si les inondations se passent un week-end ou la nuit, il n’y a plus personne à
l’écluse qui n’est pas automatique contrairement à Bruxelles. » L’adaptation, c’est aussi dans les têtes et
dans les procédures… A Tubize, on sait qu’il n’est pas possible de se protéger de tout. Et on espère
qu’après les travaux on pourra mettre en valeur la richesse d’être baigné par 13 ruisseaux.
M.D.M.
Il faut tenir la ressource à l’œil
Avec des étés moins pluvieux et d’éventuelles séche-
resses printanières, il faut préserver l’indispensable
ressource. Du souci pour l’eau que nous consommons ?
Cédric Prevedello, conseiller scientifique chez Aquawal,
rassure : « Au niveau de la ressource, nous sommes blin-
dés. On exploite les nappes bien en deçà du point de re-
nouvellement. » L’eau wallonne n’alimente pas que le
Sud ; 40 % sont exportés, notamment à Bruxelles et en
Flandre. Rassurant : la consommation diminue et la
Flandre cherche à être plus autonome en matière d’ap-
provisionnement en eau. Ce qui ne veut pas dire que
tout est parfait. Les aquifères ardennais sont insuffi-
sants et ils pourraient être mis sous pression si les
précipitations diminuent. D’où l’importance du pro-
gramme d’interconnexion des réseaux qui est en cours.
Autre souci : les pressions sur les eaux de surface et les
aquifères qui pourraient venir d’une agriculture dési-
reuse de développer l’irrigation. « Il faut songer à hiérar-
chiser les usages de l’eau en cas de sécheresse. Eventuelle-
ment revoir les quotas », dit Prevedello. Car moins d’eau
signifie une eau de moins bonne qualité.
Enfin, la situation des voies navigables fait l’objet d’une
attention particulière. « On s’attend à des étiages plus
fréquents, indique Yvon Loyaerts, patron des voies hy-
drauliques wallonnes. Depuis 2008, il a fallu à 3-4 re-
prises limiter la navigation. C’est préoccupant, même si
cela reste marginal. Certains barrages ont été construits
pour maintenir le niveau des fleuves. Mais leur vocation
touristique rend cela plus difficile. D’ici 2030, on pourrait
construire de nouvelles écluses entre Charleroi et Mons qui
demanderont plus d’eau. On devrait pouvoir tenir, mais
avec l’évolution climatique, rien ne dit qu’un jour on ne
devra pas réfléchir à la question d’un nouveau barrage. »
A Tihange, où l’on construit un mur de protection de 1,8
km de long contre d’éventuelles inondations décamillé-
nales (après le stress-test post-Fukushima), on a plus
réfléchi à une rupture d’arrivée d’eau qu’à une montée
des flots. « Si la température de l’eau de Meuse est trop
élevée, on fera circuler l’eau dans le circuit tertiaire de la
centrale avant de la rejeter, dit Serge Dauby, porte-pa-
role de la centrale nucléaire. Au pire, on arrête l’unité. Ce
n’est jamais arrivé. » Contrairement à la France…
M.D.M.
30 CENTIMÈTRESLa montée des eaux devrait être de 30 centimètres en 2050. Et de 80 en 2100. Les projets du Master Plan 2015 tiennent compte
des changements prévus jusqu’en 2050 et doivent protéger le littoral au moins jusqu’à cette date en ce qui concerne les ajouts de
sable et jusqu’en 2100 pour les constructions en dur. Sans lui, toute la plaine côtière serait inondée jusqu’à Bruges et Ypres.
En 2012, la commune de Tubize a été victime d’inondations. © BELGA.
14
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
chiffres
UnUn dososdos isiesiesier rr rr rréalééaléalé iséisééiséi papaapapar Mr Mr MMichhichchichelelelel DeDeDee MueMueMueMueM lenlenlenenlenle aeraeraera ee -e - INNININFOFOGFOGFOGRAPRAPHIEHIE LELELEE SOSOSOIRIRIR 0101.1 1212.12.2012012014 -4 -4 - SSoSoSourcurcurcce :ee :ee :e : GiGiGGiGGiGiGGiGiecececeeecc 2012012012013 23 23-233-2014001414014
Fonte de la banquise
arctique en 2100
Par rapport au pourcentage
moyen 1986-2005
Trajectoire
actuelle
Scénario
optimiste
Fonte
à
94 %
Fonte
à
43 %
1900 1950
0,6
0,4
0,2
0
- 0,2
- 0,4
-0,6
1850 1900 1950 2000
Hausse de la température
Par rapport à la moyenne 1986-2005
En ° Celsius
Hausse du niveau des mers
En millimètres
250
200
150
100
50
0
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2012
1993
210
190
170
1997 2001 20052009 2012
Augmentation des gaz à effet de serre
Emissions
En équivalent de gigatonnes de CO2
par an
Gaz fluorés Protoxyde d’azote (N2
O)
Dioxyde de carbone (CO2
) provenant des carburants fossiles
et des activités industrielles
Méthane (CH4
)
50
40
30
20
10
0
1970 1980 1990 2000 2010
+ 1,3 %
par an
+ 2,2 %
par an
Gaz à effet de serre
Les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine n’ont cessé
d’augmenter. On constate cependant que cette croissance est plus forte
depuis le début du XXIe
siècle : 1,3 % par an entre 1970 et 2000, 2,2 %
entre 2000 et 2010. Sur la période 1970-2010, étudiée par le Giec, le
CO2
(issu de l’utilisation des combustibles fossiles) représente 76 % de
la hausse des émissions totales de gaz à effet de serre, contre 16 % pour
le méthane, 6 % pour le protoxyde d’azote et 2 % pour les gaz fluorés.
Projection de l’augmentation
du niveau des mers en 2100
Le budget carbone*
presque dépassé
En gigatonnes de carbone
26 cm
82 cm
scénario
le moins
optimiste
scénario
le plus
optimiste
Changement de température globale Par rapport à 1850-1900
2000 2050 2100
Températures observées
Scénario haute émission
Scénario basse émission
Température
Constatant l’augmentation passée de la température, le Giec construit, pour
l’avenir, des projections basées sur quatre scénarios. Deux de stabilisation,
un de très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre et un
de poursuite des tendances actuelles (peu ou pas de mesures
de réduction). Ces deux derniers sont repris ici. Ils montrent
qu'il n'y a pas de fatalité; juste de bonnes décisions
à prendre. Le scénario optimiste permet de maintenir
la hausse de la température sous 2°.
Dans le scénario pessimiste, la température
moyenne augmente de 3,3 à 5,5° d’ici
la fin du siècle par rapport
à 1850.
5
6
4
3
2
1
0
°C
515
La quantité
utilisée entre
1870 et 2011
Le budget carbone total : 790
275
La quantité
restant
à utiliser
65 % de notre budget carbone
compatible avec un réchauffement
de 2 °C maximum est déjà dépassé.
* Le terme de budget carbone désigne
le volume total de CO2
émis ou à émettre
que le monde ne peut dépasser s'il veut
maintenir la hausse de la température sous 2°
Les experts du Giec adressent
leur dernier avertissement
Septembre 2013, printemps 2014, le groupe intergouver-
nemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) met
à jour la synthèse des connaissances sur le changement
climatique. L’expertise s’affine : depuis 1995, le degré de
certitude concernant la responsabilité de l’Homme dans
les changements observés est passé de 50 % à 66 %
(en 2001), 90 % (en 2007) puis à 95 % en 2013. Il n’y a
plus de discussion : c’est bien l’Homme, via ses émis-
sions de gaz à effet de serre, qui est responsable de
l’évolution du climat de la planète.
Le Giec redit que la poursuite des émissions au rythme
soutenu que nous connaissons aura des impacts néga-
tifs sévères sur les populations et les écosystèmes. Le
monde s’est engagé à limiter la hausse de la tempéra-
ture sous 2o
en 2100 ; mais la trajectoire actuelle mène à
un réchauffement qui pourrait atteindre 4 à 5o
.
Il est possible d’éviter ce scénario extrême. Moyennant
des mesures volontaires, il est possible d’atteindre l’ob-
jectif des 2o
. Mais cela suppose que les émissions de gaz
à effet de serre mondiales atteignent leur maximum
vers 2025 pour diminuer constamment ensuite et deve-
nir nulles, voire négatives, à la fin du siècle.
Il faut réduire fortement les émissions et mettre en
œuvre des mesures d’adaptation afin d’atténuer les
pires effets du changement climatique, dit le Giec. Cela
veut dire économiser l’énergie, abandonner progressive-
ment les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour
utiliser des énergies propres, préserver les puits de
carbone (forêts, prairies, tourbières…), changer des
comportements. Une politique peu coûteuse au regard
des impacts négatifs du changement climatique. Une
politique qui créera de la richesse, des emplois, du bien-
être. Mais qui deviendra de plus en plus chère et difficile
à concrétiser à mesure qu’on la postpose.
M.D.M.
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16
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
forêts 140 MILLIMÈTRESC’est le déficit moyen de la « balance hydrique » prévue en 2100 en moyenne Belgique.
Ce déficit, qui est la différence entre la quantité de pluie et l’évapotranspiration de
l’arbre et du sol, atteindrait 110 mm en Basses et Moyennes Ardennes et 70-80 mm en
Hautes Ardennes. Les arbres à enracinement superficiel et ceux qui sont plantés sur des
sols ne disposant pas d’une bonne réserve en eau s’en trouveront fragilisés.
L
orsqu’un forestier plante un arbre,
il sait qu’il devra attendre des dé-
cennies avant de le couper et d’en
tirer d’éventuels bénéfices. Rien
d’étonnant à ce que, dans ce sec-
teur, on se soit rapidement inquiété du
changement climatique. Dès 2009, un rap-
port résumait la situation : il y a du souci
pour les hêtres, les épicéas et les chênes pé-
donculés. « Depuis quelques années, nous
sommes alertés par des dépérissements, ex-
plique Hugues Claessens, responsable de
l’unité de gestion des ressources forestières
à la faculté de Gembloux (ULg). Cela
touche les hêtres mais, compte tenu des sur-
faces plantées, c’est très visible chez les épi-
céas. » Très visible aussi car une partie des
peuplements se trouve « hors station »,
dans des lieux peu propices où l’arbre est
fragilisé. A plusieurs reprises, des grandes
tempêtes ont provoqué d’importants dégâts
dans les peuplements. Augmentation des
températures, augmentation des périodes
sèches, les projections sont « assez inquié-
tantes ». C’est dès aujourd’hui qu’il faut
prendre les bonnes décisions dans la ges-
tion forestière.
Il faut « di-ver-si-fier »
Diversifier : c’est la règle de tout épar-
gnant qui veut agir en bon père de famille.
Et pourtant, en raison de vues à court
terme et des pressions du marché, elle a
souvent été négligée. « Aujourd’hui, relève
Claessens, trois quarts de l’offre de bois en
Wallonie sont composés d’épicéas, de hêtres
et de chênes. C’est une grosse faiblesse. Il
faut diversifier : tant les espèces qu’au sein
d’une espèce. »
Plus difficile à gérer ? « Il faut en tout cas
changer les pratiques », explique un profes-
sionnel. « C’est optimum, insiste Claessens.
Une forêt mélangée est plus efficace. » Le
code forestier wallon veut promouvoir
« une forêt mélangée et d’âges multiples,
adaptée aux changements climatiques et
capable d’en atténuer certains effets ». Illus-
tration avec le scolyte qui nuit aux épicéas
en raison du champignon qui l’accom-
pagne. « A la faveur de températures plus
élevées au printemps et en été, l’insecte
pourrait augmenter son taux de reproduc-
tion, explique Etienne Branquart, spécia-
liste des espèces invasives à Gembloux. On
peut s’attendre à des pics d’infestation plus
fréquents et plus importants. Mais on sait
qu’en association avec le pin noir, l’épicéa
résiste mieux. »
On a tiré les leçons du passé
Améliorer la forêt, c’est aussi la rendre
plus « naturelle », favoriser des arbres
d’âges différents. La présence d’arbres
morts attire les oiseaux qui mangent les in-
sectes défoliateurs. Ici aussi, le code fores-
tier impose le maintien d’un minimum
d’arbres morts ou de chablis (arbres déraci-
nés) dans la forêt. Celle-ci résiste mieux
aux maladies, mais elle réagit aussi plus ef-
ficacement aux tempêtes. Ce sont les plus
gros arbres qui s’abattent en cas de grands
vents. Dans une forêt mélangée, les grands
voisinent avec les plus jeunes. Ces derniers
prennent rapidement et naturellement le
relais de leurs aînés effondrés.
On a tiré une partie des leçons du passé.
Dans les forêts publiques gérées par l’admi-
nistration wallonne on ne peut plus planter
d’arbres dans un endroit inadéquat. C’est
d’ailleurs une des conditions pour pré-
tendre au label PEFC de gestion forestière
durable. C’est à cela que servent le Fichier
écologique des essences forestières et le
Guide de boisement qu’à Gembloux on se
promet d’informatiser entièrement dans
cinq ans. Les propriétaires privés restent,
quant à eux, libres de faire ce qu’ils
veulent. Mais la question de la diversité est
plus délicate à régler. Car elle touche aux
pratiques de gestion. Il est tentant de rem-
placer les monocultures d’épicéas par des
monocultures de douglas, un arbre plus
productif et plus adapté au climat futur de
la Wallonie. Mauvaise idée, explique Marc
Dufrêne (unité biodiversité et paysage de
Gembloux). « On ne maîtrise pas bien cet
arbre qui n’est chez nous que depuis une
trentaine d’années. » Claessens abonde :
« C’est un risque de le généraliser, surtout
quand on l’implante à la place d’un écosys-
tème complexe comme une forêt naturelle. »
Outre sa fragilité et un impact négatif sur
la biodiversité, la monoculture pose le pro-
blème des coupes à blanc, toujours prati-
quées en Wallonie, mais qui ont un effet
dévastateur notamment sur le sol dont elles
accroissent l’érosion. « Il y a des techniques
éprouvées pour gérer des forêts mélangées,
dit Claessens. Mais il faut accepter l’inno-
vation, changer le fonctionnement tradi-
tionnel. Agir de manière plus ciblée. »
Autre obstacle à la diversification : les
surdensités de gibier (sangliers, cervidés…).
Ces derniers apprécient particulièrement
les plantations de jeunes chênes ou autres
feuillus. « Ils mangent le meilleur en pre-
mier », compliquant la tâche du forestier.
Le plan wallon d’adaptation au change-
ment climatique parle « d’encourager les
initiatives pour une sylviculture durable et
respectueuse du fonctionnement de l’écosys-
tème naturel ». Encore faut-il que le mar-
ché suive. C’est un souci. « L’industrie du
bois est à la recherche de résineux, de pro-
duits aux dimensions très standardisées,
adaptés aux scieries. Elle pousse en fait à
mettre du douglas partout. Il faut que la
gestion de la forêt soit moins dominée par
l’industrie du bois », insiste Claessens. Pas
toujours facile pour un propriétaire de ré-
sister à la perspective d’un gain rapide… ■
MICHEL DE MUELENAERE
Dans la forêt de Soignes, une autre cathédrale croît peu à peu. Faite de chênes... © BRUNO D’ALIMONTE
La nature va devoir
reprendre ses droits
Fragile épicéa
C’est le roi fragile des forêts
wallonnes. Surtout lorsqu’il
est « mal » planté. Il sera de
plus en plus exposé. « Cette
espèce boréo-montagnarde
pâtit du manque de froid en
hiver et de la pénurie d’eau en
été », dit Hugues Claessens,
responsable de l’unité de
gestion des ressources fo-
restières à la faculté de
Gembloux (ULg). C’est ce
qui attend la Wallonie. Le
réchauffement gâte par
ailleurs le puceron vert de
l’épicéa dont les pics de
population sont plus in-
tenses à la faveur d’hivers
plus doux, selon Branquart,
expert des espèces inva-
sives. Un roi contesté : « Au
pied des arbres, le sol est
mort », dit un naturaliste.
M. D. M.
Hêtre au pied
d’argile
Montagnard, le hêtre
souffre de la chaleur esti-
vale au nord du sillon
Sambre-et-Meuse. Un souci
à Bruxelles, où la forêt de
Soignes est composée à
74 % de hêtres et dont
64 % est couverte de hê-
traie cathédrale. Ces pro-
portions vont diminuer :
65 % pour l’espèce et 50 %
de hêtraie cathédrale. On
plante plus de chênes.
Sujet délicat. « La hêtraie
cathédrale est un patrimoine
essentiel lié à l’image de
Bruxelles. Nous allons tout
mettre en œuvre pour le
préserver sur des surfaces
suffisamment significatives »,
dit-on.
M. D. M.
©LESOIR.
La sessile,
ça, c’est sûr
Contrairement à son cousin,
le chêne pédonculé, dont
les besoins chimiques et en
eau sont parfois déçus et
qui en conçoit une certaine
fragilité, le chêne sessile est
le costaud de la famille. Il
est sans doute appelé à
prendre la place du pédon-
culé qui est une des es-
sences de base en forêt de
Soignes. D’autres se pous-
seront-elles du col ? Châtai-
gniers, platanes, cèdre
atlantique sont sur la liste.
« Il est temps de faire des
arboretums », s’exclame
Hugues Claessens.
M. D. M.
©D.R.
Douglas :
l’arme fatale ?
Depuis des années, il n’y en
a plus que pour lui en Wallo-
nie. Un bois de meilleure
qualité que l’épicéa, une
production 30 % supérieure.
Cette espèce de l’Ouest
américain est bien adaptée
aux sécheresses et aux ver-
sants secs. Mais il n’aime
pas le manque d’eau au
printemps et est sensible à
la rouille suisse qui retarde
sa croissance. Gare à ne pas
mettre tous les œufs dans le
même panier. « Une espèce
exotique est toujours plus
fragile qu’une espèce indi-
gène », rappelle un expert.
M. D. M.
©D.R.
LES GAGNANTS
LES PERDANTS
©LESOIR.
17
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
agriculture 3.400 VARIÉTÉSC’est le nombre d’anciennes variétés de pommes, de poires, de prunes, de cerises,
de pêches et de vignes qui sont cultivées dans le verger conservatoire de Gem-
bloux. Elles formeront un réservoir génétique d’un prix inestimable destiné à créer
les futures variétés adaptées aux sols wallons et au changement climatique.
A
quoi ressembleront les paysages
agricoles de la Wallonie d’ici
trente ans ? Et au tournant du
XXIIe
siècle ? L’impression pré-
vaut aujourd’hui que nous
échapperons aux changements drama-
tiques qui frapperont les pays du Sud. Mais
l’impact n’en sera pas moins important.
De quoi cultiver les paradoxes de l’amour-
haine qui animent le débat sur les relations
entre agriculture et changement clima-
tique. « On peut voir l’agriculture à la fois
comme une cause des modifications du cli-
mat mais aussi comme victime de cette évo-
lution », rappelle Bernard Watillon, chef du
département des sciences du vivant au
Centre wallon de recherches agronomiques
de Gembloux (Cra-W).
L’activité agricole est en effet un produc-
teur majeur de gaz à effet de serre. Par le
méthane, résultat de la digestion du bétail
et du stockage du fumier et aussi par le gaz
qui se dégage des engrais azotés. Mais en re-
vanche, les agriculteurs risquent également
de trinquer. Les vagues de chaleur et la di-
minution des précipitations dans certaines
régions du globe auront des effets catastro-
phiques. Chez nous, on peut s’attendre à des
épisodes de sécheresse plus fréquents mais
aussi à des conditions extrêmes qui se tra-
duiront par des grêles, des tempêtes ou des
inondations. De quoi hypothéquer réguliè-
rement les récoltes et mettre sous haute
pression la situation économique dans les
fermes.
Le débat fait également rage sur la
concurrence entre l’homme et l’animal dans
les productions agricoles. Certains s’in-
quiètent de voir des surfaces de plus en plus
importantes de la planète « squattées » par
la production de soja ou d’autres matières
premières utilisées pour nourrir le bétail au
détriment de l’homme.
« On fait parfois un mauvais procès aux
agriculteurs, nuance Didier Stilmant, en
charge du département Agriculture et mi-
lieu naturel du Cra-W, qui épingle le cas de
la production laitière. Il est vrai que les ru-
minants émettent beaucoup de méthane.
Mais ce sont aussi les seuls capables de
transformer la cellulose de l’herbe en pro-
téines. Si on laissait les prairies à l’aban-
don, l’herbe en pourrissant produirait elle
aussi du méthane, mais nous n’en aurions
pas retiré au passage un aliment précieux
pour l’homme. » Des recherches pourraient
d’ailleurs tout changer. « Grâce à l’analyse
spectroscopique du lait, des chercheurs wal-
lons sélectionnent les animaux qui pro-
duisent moins de méthane et identifient les
pratiques qui permettront de réduire son
émission », ajoute Didier Stilmant.
Une mouche qui s’acclimate
Il faudra cependant du temps pour que
les nouvelles pratiques soient intégrées au
quotidien par tous les agriculteurs. « Par
comparaison avec ce qui attend les pays mé-
diterranéens, on a l’impression que dans
nos zones tempérées, on est relativement à
l’abri, constate Marc Lateur, un chercheur
spécialisé dans l’amélioration des espèces et
la biodiversité. Dans le subconscient collec-
tif des agriculteurs, on se dit qu’on adoptera
les variétés du Sud qui vont étendre leur
aire écologique à nos régions. »
Mais pour ce spécialiste, l’un des dangers
serait de se satisfaire d’une diversité géné-
tique trop réduite. « Pour la production de
poires, nos arboriculteurs cultivent de ma-
nière quasi exclusive la Conférence. Si la gé-
nétique de cette variété dominante est sou-
dain mise sous pression à cause du change-
ment de climat, le résultat peut être catas-
trophique. » D’où l’intérêt de protéger un
réservoir génétique sur le long terme. A
Gembloux, dans le verger conservatoire, ce
sont plus de 1.600 « vieilles » variétés de
pommes et 1.200 de poires et d’autres fruits
sur lesquelles veille aujourd’hui Marc La-
teur.
Reste la manière dont les maladies et les
insectes ravageurs tireront parti sous nos la-
titudes de la nouvelle donne climatique.
Pour certains, ces changements produisent
déjà leurs effets chez nous. L’un des repré-
sentants les plus symboliques de cette évo-
lution potentiellement imputable aux chan-
gements de climat, c’est est une petite
mouche de quelques millimètres de long, la
« drosophila suzukii ». Sa présence était
connue dans le bassin méditerranéen.
« Mais depuis deux ans environ elle s’est ac-
climatée en Belgique, où elle cause des dégâts
inquiétants chez les producteurs de fraises,
notamment », s’inquiète Bernard Watillon.
Un exemple parmi une kyrielle d’autres. ■
ALAIN JENNOTTE
La Wallonie risque
la surchauffe
Grâce à l’analyse du lait, des chercheurs wallons sélectionnent des vaches
qui produisent le moins de méthane possible. © REPORTERS.
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énergie,
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le meilleur !
18
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
érosionagriculture
« Je crains
une intensification
encore plus forte »
Au niveau européen, l’heure est à
la mise en avant du réseautage et
des projets en partenariats entre
différents pays. Chargé de cours à
l’ULg, dans son antenne d’Arlon,
Bernard Tychon coordonne le
volet wallon de Macsur, un réseau
de scientifiques dédié au climat et
à l’agriculture.
Comment l’agriculture wallonne
s’adaptera-t-elle aux change-
ments climatiques annoncés ?
Il y a un paradoxe. Les conditions
des prochaines décennies risquent
d’être meilleures qu’aujourd’hui
pour nos agriculteurs alors que les
pays du Sud devraient sérieusement
s’assécher. Bien sûr, on ne doit
jamais perdre de vue qu’il ne s’agit
que de projections. Mais
je suis convaincu que la
situation dans le Sud aura
plus d’impact sur notre
agriculture que les chan-
gements du climat qui
surviendront chez nous.
Qu’est-ce qui va changer ?
J’ai une crainte majeure. C’est que
les déséquilibres qui toucheront
d’autres régions de plein fouet, mais
qui devraient nous épargner, n’aient
pour conséquence une intensifica-
tion encore plus forte de notre
agriculture. Les zones de la Wallo-
nie qui disposent d’excellentes
terres seront inévitablement mises à
contribution au maximum. Les
agriculteurs sont des acteurs écono-
miques et ils vont tenter d’optimiser
leur rentabilité.
Quelles formes pourraient
prendre cette intensification ?
L’irrigation, par exemple. On risque
de connaître en été, pendant la
croissance des cultures, des pé-
riodes de sécheresse plus fréquentes
et plus marquées que par le passé.
Cela poussera des agriculteurs à
s’équiper pour irriguer. Avec le
risque d’assèchement des nappes
phréatiques qu’il sera difficile de
reconstituer.
Si les surfaces cultivables dimi-
nuent pour l’ensemble de l’Eu-
rope, doit-on être inquiet pour la
sécurité alimentaire ?
Aujourd’hui, les échanges se font
sur un marché mondialisé. Mais les
institutions européennes sont
conscientes qu’il faut garantir cette
sécurité alimentaire.
Si l’on constatait une trop
forte concurrence entre les
terres agricoles et d’autres
spéculations, comme l’im-
mobilier, il faudrait certai-
nement mettre en œuvre
une régulation.
Les agriculteurs commencent
déjà à changer leurs pratiques ?
On n’en est pas du tout là. Il n’est
pas facile de changer les pratiques
culturales ou d’élevage. Alors c’est
difficile de se projeter dans trente
ans. Cela fait dix générations que
l’on pollue notre planète en déga-
geant massivement du CO2. On ne
peut pas espérer tout régler en une
seule génération.
A.JE.
Modéliser
pour mieux prévoir
Il est déjà bien compliqué de prédire le temps
qu’il fera dans une semaine. Alors tirer des
plans sur la météo à l’horizon de 2045 ou de
2100 est sans le moindre doute un exercice
périlleux. Pourtant, les scientifiques disposent
d’un outil puissant pour tenter d’anticiper les
mutations climatiques : la modélisation.
Agronomes, physiciens et informaticiens
s’associent pour créer des programmes ca-
pables de digérer des données et les passer à
la moulinette en fonction de scénarios. C’est
le cas de « Caraib », un modèle dynamique
d’analyse de la végétation. « L’objectif est de
créer un outil prévisionnel pour le rendement des
cultures et des prairies », explique Louis Fran-
çois, spécialiste de la modélisation du climat
et des cycles biogéochimiques à l’université
de Liège. Les modèles, ce physicien les
connaît bien. C’est lui qui a créé Caraib au
début des années nonante. « Les agronomes
ont souhaité l’utiliser pour faire de la prévision en
matière d’évolutions climatiques et mesurer
l’impact qu’elles auront sur l’agriculture en Bel-
gique », poursuit Louis François.
À l’entrée du programme, on introduit des
données météorologiques, des informations
sur les sols et sur les espèces cultivées. A
l’arrivée, le programme simule le rendement
ou encore les flux d’eau et de CO2.
Les résultats sont très encourageants. Une
comparaison portant sur vingt-six modèles
utilisés un peu partout dans le monde vient de
conclure que Caraib était l’un des systèmes
les plus performants. Lors de cette validation,
les modèles ont simulé les rendements de
différents types de blés dans trois régions
d’Europe sur une trentaine d’années, dans un
passé récent. Les résultats ont été ensuite
comparés avec les « vrais » chiffres des ré-
coltes. C’est le modèle liégeois s’est montré le
plus efficace dans cet exercice. Ce qui devrait
le rendre encore plus populaire auprès des
agronomes dans les prochaines années.
A.JE.
10 À 200 TONNESC’est la quantité de terre érodée par hectare chaque année en
Wallonie. Les spécialistes prévoient une hausse de l’intensité
et de la fréquence des orages, ce qui aura un effet direct sur
la quantité de terre érodée. Les coulées boueuses glissent
vers le fond de la vallée causant des dégâts importants. Par
ailleurs, à chaque ruissellement, c’est une partie de la couche
arable – le capital agricole – qui disparaît.
Orp-Jauche se barricade
contre les coulées de boue
Eté 2011, de violents orages ont inondé à
plusieurs reprises le village d’Orp-Jauche
dans l’Est du Brabant wallon. L’eau s’en-
gouffre dans les maisons, la boue s’infiltre
partout. Ce n’est pas la première fois que ça
arrive, mais c’est de pire en pire d’après les
habitants. Il était temps de prendre des
mesures drastiques. « J’ai directement organi-
sé une concertation avec les habitants inondés,
car ils montraient les agriculteurs du doigt »,
explique Joël Lambert, agriculteur à Orp-
Jauche. Il leur a expliqué les causes des
inondations, notamment le relief très pentu
et la construction de maisons sur le chemin
de l’eau.
La pluie ruisselle naturellement sur les
terres agricoles, mais certains agriculteurs
essaient de la freiner au maximum pour
limiter l’impact en aval (voir ci-contre). Joël
Lambert a par exemple morcelé sa parcelle
en quatorze morceaux qui accueillent des
cultures différentes. Une des causes des
inondations de 2011 était en effet le choix
des agriculteurs de ne planter que des
pommes de terre à perte de vue, une culture
à risque en cas de précipitations.
La commune a également mis en place une
digue et une fascine (une sorte de barrière
de branches) sur son terrain. Il a renforcé
l’efficacité de ces solutions en plantant une
haie et en entourant la fascine d’une prairie
qui ralentit encore davantage le ruisselle-
ment. « Ce n’est pas efficace à 100 %, mais ça
limite fortement les dégâts. Il y a une améliora-
tion. Les gens qui avaient de la boue chez eux
n’en ont plus eu cette année. »
Cet agriculteur bio ne compte pas s’arrêter
là, conscient que l’érosion risque encore
d’empirer. « Il faut penser à demain et repen-
ser l’agriculture qui favorise aujourd’hui les
grandes parcelles. J’ai encore des projets. » Il
aimerait protéger davantage les maisons en
remplaçant les bandes de terre à proximité
des habitations par une bande enherbée. Il
aimerait aussi créer une digue pour retenir
et rediriger l’eau vers des terrains non habi-
tés. « Mais les habitants doivent aussi collabo-
rer et accepter qu’on plante une haie derrière
leur jardin pour freiner les eaux. Tout le monde
doit mettre du sien. »
D.M.
Dans le futur, les meilleures terres agricoles devraient encore être
plus mises à contribution. © D .R.
Le programme « Caraib » permet de prévoir les rendements des différentes céréales, dont le blé,
en introduisant les données météorologiques, les informations sur le sol, ... © D.R.
Sur le terrain de Joël Lambert, des fascines freinent l’écoulement des eaux de pluie
et limitent l’érosion. © BRUNO D’ALIMONTE.
19
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
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Le Soir
L
’hiverabeauêtreànosportes,de
nombreux terrains agricoles
sont toujours verts. Certaines
parcelles ont été semées de cé-
réales, d’autres sont recouvertes
de trèfles, d’avoine ou de moutarde
jaune. Ces cultures ne sont pas principa-
lement plantées pour les récoltes, mais
pour contrer l’érosion du sol. « Pour lut-
ter contre ce phénomène, il faut associer
plusieurs petites mesures », explique Bé-
nédicte Maréchal, éco-conseillère à la
commune de Jodoigne. Des solutions
prises en amont et en aval.
En amont, pour éviter le détachement
departiculesdeterre,lesoldoitêtrepro-
tégé de la force de la pluie. Voilà pour-
quoi les agriculteurs sèment, entre deux
cultures, une plante qui sert de couver-
ture. L’association d’agriculteurs Gree-
notec promeut quant à elle la technique
de non-labour. D’après le coordinateur
de cette ASBL, Maxime Merchier,
« quand l’agriculteur ne laboure plus
son champ, des restes de la culture précé-
dente continuent à protéger le sol ». Sup-
primer complètement l’érosion est im-
possible. Mais on peut mettre en place
des mesures pour ralentir l’eau lors de sa
descente. De larges bandes d’herbe sont
plantées perpendiculairement à la pente
(obligatoire à partir d’une certaine décli-
vité). « C’est comme une ceinture de sécu-
rité qui freine le ruissellement », ex-
plique Arnaud Dewez, conseiller de la
cellule wallonne Giser (Gestion intégrée
sol-érosion-ruissellement) qui conseille
les agriculteurs et les communes.
Des haies sont également plantées et
des buttes de terre érigées pour rediriger
l’eau vers des endroits non habités. « Ces
haies, ces bandes herbeuses ou fleuries
ont d’autres avantages, ajoute Marc Du-
frêne, de l’unité biodiversité et paysage
de Gembloux. Elles sont un refuge pour
la biodiversité – les oiseaux, les insectes
quisontdeprécieuxauxiliairesdel’agri-
culteur – et lors du ruissellement, elles
arrêtent la migration des sédiments et
des produits chimiques qui y sont asso-
ciés. »
PourAuroreDegré,professeurdephy-
sique des sols à la faculté de Gembloux
(ULg), « le problème ce n’est pas tant
l’eau, c’est surtout la boue qui fait de gros
dégâts en aval ». De nombreuses com-
munes ont installé des fascines, des bar-
rières de branches, dans des endroits cri-
tiques où de grandes quantités d’eau
s’engouffrent. « L’eau prend plus de
temps à ruisseler et elle se décharge ainsi
de la terre. Elle arrive plus propre dans
les égouts et les maisons, ce qui fait
moins de dégâts », explique Bénédicte
Maréchal.
En aval, « on peut mettre en place des
bassins d’orage, des grands fossés ou des
fossés entrecoupés de barrières qui fonc-
tionnent comme des écluses », explique
Arnaud Dewez. Pour lui, il faut repenser
l’urbanisation des campagnes. « Les
communes ne consultent pas assez la
carte qui identifie les zones à risques,
avant d’accorder un permis d’urba-
nisme. » C’est clair, selon Charles Biel-
ders, professeur à l’UCL spécialisé dans
la conservation du sol, « s’il y a plus de
permet de réduire ses frais » par rapport
à des parcelles segmentées qui ralen-
tissent le ruissellement, mais de-
mandent plus de travail. Bénédicte Ma-
réchal qui dialogue avec les agriculteurs
pour susciter une réflexion confirme :
« Il y a encore un énorme travail de
conscientisation des agriculteurs à réa-
liser ».
Un taux d’érosion inacceptable
Certains agriculteurs changent cepen-
dantleurspratiques.AOrp-Jauche,Em-
manuel Vranckx a notamment installé
des bandes enherbées et des fascines qui
rognent sur son terrain. « C’est vrai que
ça coûte de l’argent, mais ces quelques
mètres carrés ne vont pas mettre en péril
la viabilité de mon exploitation. Désor-
mais, les voisins en aval ont moins
d’eau. Mes terres retiennent beaucoup
d’humidité grâce aux fascines. »
« Il faudrait promouvoir les solutions
à l’érosion de manière plus active », in-
siste Charles Bielders. A l’heure actuelle,
on n’observe pas encore de pertes de ren-
dement directes pour les agriculteurs
grâce à l’épaisseur et la richesse du sol.
Mais ça pourrait arriver d’ici une dizaine
d’années. « L’érosion, détaille Dufrêne,
est une perte progressive de capital pour
l’agriculteur qui voit la couche de terre
arable se réduire. C’est aussi dans son in-
térêt de préserver ce capital. » Pour Au-
rore Degré, « le taux actuel d’érosion est
non durable », particulièrement au vu
des changements attendus avec le chan-
gement climatique. « Il fera plus chaud
etdoncilyauraplusdevapeurdansl’at-
mosphère. Quand il pleuvra, il pleuvra
plus fort et on observera plus de coulées
de boue, car quand la pluie augmente
d’un facteur 2, l’érosion augmente d’un
facteur 4. » Heureusement, dit Charles
Bielders, « on n’a pas attendu le change-
ment climatique pour trouver des solu-
tions ». Reste à convaincre tout le
monde de les mettre en œuvre. ■
DANAÉ MALENGREAU (avec M.d.M.)
maisons, notamment sur des terrains à
risques, il y a une probabilité plus im-
portante d’y voir s’accumuler la terre
érodée ».
« 80 % des solutions trouvent leur ori-
gine dans les pratiques agricoles, or c’est
le plus dur à changer », analyse Arnaud
Dewez. Les solutions contre l’érosion ne
sont pas rentables à court terme pour les
agriculteurs. Aurore Degré explique que
« les cultures à risques en termes d’éro-
sion, comme la pomme de terre, rap-
portentplusd’argentàl’agriculteur.Pos-
séder de grandes superficies de terres lui
Eviter que l’eau ne balaie le capital agricole
Lorsque l’eau ruisselle, elle emporte une partie de la couche arable. C’est le capital agricole qui disparaît.
Pour l’en empêcher, on plante des haies, on pose des fascines. © BRUNO D’ALIMONTE.
20
Le Soir Lundi 1er
décembre 2014
santé +1,9O
EN 2030Selon une étude réalisée pour la Région bruxelloise, la température moyenne à Bruxelles
devrait progresser de 0,8o
à 1,9o
en 2030, de 1,3o
à 2,8o
en 2050 et de 1,9° à 5,4o
en 2085.
C
’est tout sauf une plaisanterie.
En août 2003, la Belgique et
une grande partie de l’Europe de
l’Ouest connaissent une vague
de chaleur sans précédent. La
porte du four demeure ouverte deux se-
maines entières, du 1er
au 15. Elle s’ac-
compagne de taux inhabituels de pollu-
tion. Certains jours, la température maxi-
male mesurée à Uccle flirte avec les
34 degrés. Et les minimas restent aux
alentours des 20 degrés, jusqu’à
21,7o
dans la nuit du 7 août. Le seuil
d’alerte pour l’ozone est dépassé pendant
sept jours consécutifs.
On estime que l’excès de mortalité par
rapport à la moyenne est de 1.300 per-
sonnes de plus de 65 ans, soit une hausse
de 19 % des décès totaux durant la pre-
mière quinzaine d’août, selon un rapport
de la Cellule nationale environnement et
santé. Aujourd’hui, il n’est pas un seul do-
cument parlant de l’adaptation au chan-
gement climatique qui ne comporte un
volet sanitaire.
Car 2003 fut un électrochoc montrant
que nos pays sont mal préparés à affron-
ter d’importantes vagues de chaleur. En
Belgique, cet épisode est à l’origine de la
mise en place d’un plan « vague de cha-
leur et ozone ». Depuis son entrée en vi-
gueur en 2005, la phase d’alerte a été ac-
tivée à sept reprises. Elle l’a été chaque
année depuis 2010 ; pas en 2014. Et si
l’on en a moins parlé, on estime que les
étés les plus chauds (2006 et 2010) ont
entraîné une surmortalité de 300 per-
sonnes âgées (de 7 à 8 % de plus que la
moyenne). Autant savoir : tous les scéna-
rios des climatologues prédisent une re-
crudescence des vagues des épisodes de
hautes températures dans les années à
venir.
Alerter plutôt que prévenir ?
L’heure n’est pourtant pas à la mobili-
sation générale. L’adaptation face aux
vagues de chaleur consiste essentielle-
ment à surveiller et à prendre des me-
sures d’urgence au cas où le « mercure »
atteigne des niveaux préoccupants. Prin-
cipales mesures : communication au pu-
blic, avertissements aux professionnels de
la santé (médecins, hôpitaux, services de
soins à domicile, maisons de repos…) et
aux travailleurs sociaux dans les milieux
précarisés. Il s’agit de faire en sorte qu’on
redouble d’attention à l’égard des per-
sonnes fragiles (très jeunes enfants, per-
sonnes âgées, personnes isolées). « En pé-
riodes sensibles, nos inspecteurs ont pour
consigne de porter une attention particu-
lière aux soins et à la prévention des
risques liés à la chaleur », explique Bri-
gitte Bouton, inspectrice générale au dé-
partement des aînés et de la famille de
l’administration wallonne.
Ici, on n’ose pas anticiper sur le conte-
nu d’un futur plan wallon « vague de cha-
leur », compétence bientôt régionalisée.
Mais la réflexion sur les futures évolu-
tions climatiques en fera partie. « Il y a
une réflexion avec les administrations fé-
dérale et fédérées et l’Institut de santé pu-
blique », dit Luc Tsachoua, médecin à
l’ISP. Adapter le plan ? « Les seuils
d’alerte actuels sont pertinents, il n’y a
pas de nouveaux facteurs de risque signi-
ficatifs et le profil des groupes à risques
reste le même. » Les changements touche-
ront la communication.
Le plan sera diffusé à plus grande
échelle et le SPF Santé publique veut
mettre l’accent sur la solidarité, « deman-
der aux voisins, aux collègues et aux fa-
milles d’être attentifs au bien-être des per-
sonnes à risques de leur entourage ».
Il est possible d’agir
Ailleurs, la réflexion porte sur la pré-
vention. Le risque lié aux vagues de cha-
leur est plus concret en milieu urbain. En
concentrant des activités émettrices de
chaleur, même en été, et en modifiant
l’environnement (surfaces absorbant les
calories solaires, absence de vent, moins
de verdure…), les villes sont particulière-
ment exposées aux canicules.
Mais il est possible d’agir. Un seul ob-
jectif : rafraîchir et aérer au maximum. Il
faut préserver les espaces verts et la pré-
sence de l’eau (voir dessous). Renforcer
l’isolation des bâtiments : cela protège
contre le froid et contre le chaud, pour
autant que l’on s’équipe des protections
solaires. D’autres solutions sont scientifi-
quement validées : utiliser des matériaux
réfléchissant les rayons du soleil, conce-
voir des bâtiments aérés naturellement
plutôt que par l’air conditionné (qui
consomme de l’énergie et produit de la
chaleur), orienter et disposer les aména-
gements urbains de façon à ce qu’ils n’ac-
centuent pas l’effet d’îlot de chaleur. A de
rares exceptions près, à Bruxelles, il s’agit
cependant de réflexions, d’intentions et
de recommandations, très exceptionnel-
lement transposées en mesures concrètes
ou en normes contraignantes. ■
MICHEL DE MUELENAERE
et DANAÉ MALENGREAU
La chaleur peut tuer les plus faibles
Face au risque de vague de chaleur en ville, il faut prévenir : préserver les espaces verts et la présence de l’eau. © BRUNO D’ALIMONTE.
Pollens :
un risque accru
pour les allergies
La chaleur ne sera pas la
seule à s’inviter plus souvent
en Belgique dans les années
qui viennent. D’autres hôtes
seront de la partie : les pol-
lens. Selon les projections,
on devrait assister à un
allongement de la période
de végétation – donc de la
présence de pollens dans
l’air. Des pollens connus,
mais aussi de plantes nou-
velles. Comme l’ambroisie
que surveille Etienne Bran-
quart, expert à l’administra-
tion wallonne. « Des graines
d’ambroisie se mélangent avec
des graines de tournesols,
maïs, ou des graines pour les
oiseaux. On la trouve déjà
chez nous à quelques en-
droits ; en Campine, sur des
terrils liégeois. Mais pour se
développer, elle a besoin de
températures un peu plus
élevées. Pour le moment, on
est à la limite. Dans tous les
scénarios futurs, la Belgique se
trouve au centre de l’aire de
répartition ; un degré de plus
suffira pour qu’elle s’implante.
L’ambroisie produit beaucoup
de pollens dont une très faible
quantité peut provoquer un
rhume des foins assez poussé ;
10 % de la population y serait
sensible. Au toucher, elle
provoque des allergies cuta-
nées. La plante fleurissant en
août-septembre, cela allonge-
rait la période des allergies . »
Surveiller et sensibiliser
La plante se répand en ac-
compagnant le mouvement
des terres de remblai lors de
travaux. Pas question de la
combattre avec des herbi-
cides. Il n’en existe pas de
sélectif. Que faire ? Il
n’existe pas de plan pour
combattre l’ambroisie, re-
grette Branquart. Mais
comme toutes les espèces
exotiques envahissantes, elle
va faire l’objet d’un pro-
gramme de surveillance
européen. Pour Luc Tsa-
choua (ISP), « il faut mieux
sensibiliser la population aux
risques des allergies, lui ap-
prendre à reconnaître les
symptômes et pousser les
personnes atteintes à consul-
ter directement un médecin
avant que ça dégénère ». Le
personnel médical doit aussi
être informé afin de mieux
guider les personnes qui se
découvrent une allergie.
Idem pour les cas de mala-
die de Lyme, transmise par
les tiques, dont on attend
une recrudescence.
M.D.M. ET D.M.
B ruxelles, ville verte : la moi-
tié du territoire couverte
d’espaces verts. Huit mille hec-
tares, dont 2.779 accessibles au
public. Une performance ? A re-
lativiser : la forêt de Soignes
compte à elle seule pour
1.650 hectares. Et la plupart des
grands parcs et forêts se
trouvent en périphérie – la se-
conde couronne. Au centre, le
minéral l’emporte largement.
Conséquences : la température
moyenne à Bruxelles est supé-
rieure de 2,5o
à celle de la cam-
pagne, indique l’IRM. Dans les
quartiers les moins verts de Mo-
lenbeek ou d’Anderlecht, cela
peut aller jusqu’à 5o
. « Jusqu’à
7-8o
parfois », dit Serge Kempe-
neers, directeur de la division es-
paces verts chez Bruxelles-Envi-
ronnement. Ce phénomène
d’îlot de chaleur était déjà docu-
menté au milieu des années 70.
La ville dispose pourtant d’un
« conditionnement d’air » natu-
rel à ne pas négliger. Non seule-
ment parce que les températures
– aussi les extrêmes – pourraient
augmenter. Mais aussi parce que
la population de la Région va
croître de près de 100.000 habi-
tants d’ici 2020. Il serait tentant
de rogner sur les espaces dispo-
nibles, éventuellement verts,
pour loger ces nouveaux venus.
« Face aux impacts du change-
ment climatique en ville, indique
Benoît Willocx, responsable de
la gestion de l’eau chez
Bruxelles-Environnement, le
maître-mot doit être la résilience
(capacité à absorber les chocs, à
se réorganiser et à reprendre un
cours normal, NDLR). La popu-
lation va augmenter : il faut
densifier l’habitat et intégrer de
la nature et de l’eau partout où
c’est possible. » Ça passe par le
maintien des espaces verts. Pré-
server les intérieurs d’îlots et le
vrai sol, celui qui contient de la
vie. Valoriser les talus de chemin
de fer. Encourager les toitures
vertes (obligatoires pour les toi-
tures plates de plus de 100 m2
) et
des façades vertes. Remettre à
ciel ouvert d’un maximum de
cours d’eau. Une même logique :
du vert, du frais et un coup de
pouce à la biodiversité. La mise
au jour des cours d’eau en pour-
suit une autre : lutter contre les
inondations en retenant l’eau et
en lui permettant de s’étaler.
Des arbitrages
Mais la pression est forte, no-
tamment pour recouvrir les ruis-
seaux et pouvoir urbaniser l’es-
pace gagné. Ce serait, avertit
Willocx, « le meilleur moyen
pour “figer le gabarit” d’un cours
d’eau, donc le rendre moins effi-
cace face aux risques d’inonda-
tion. Cela aura aussi pour consé-
quence de le tuer, puisque l’eau
est privée d’air et de lumière qui
sont ses principaux dépol-
lueurs ». Kempeneers embraye :
« Il y a une forte concurrence
pour l’utilisation de l’espace.
Mais l’accroissement de la popu-
lation bruxelloise s’accompagne
d’une diminution de la taille des
logements. Les habitants auront
donc d’autant plus besoin d’es-
paces verts à l’extérieur. C’est la
qualité de vie qui compensera la
densification urbaine. » Pour-
tant l’urbanisation est en
marche ; près de 50 % du terri-
toire. En deuxième couronne, de
grandes friches urbanisées se
sont remplies (Ixelles, Uccle,
Jette). Beaucoup de villas se sont
agrandies au fil de rénovations.
La minéralisation de l’espace ne
pourra qu’accentuer l’impact des
fortes chaleurs. « Nous conce-
vons nos espaces verts pour opti-
miser le confort microclima-
tique, notamment en assurant
des zones d’ombre en fin de jour-
née, heures de grande fréquenta-
tion », explique Kempeneers.
Une politique à long terme. Il
faut convaincre. Les mots ont
leur importance : ne parlez plus
de parcs, jardins ou ruisseaux,
mais d’infrastructures vertes et
bleues, au même niveau que les
infrastructures de transports ou
les bâtiments. « Bruxelles ne sera
pas vivable sans une infrastruc-
ture verte et bleue », estiment les
deux hommes. Une décision po-
litique ; une de plus. ■
MICHEL DE MUELENAERE
Bruxelles Bâtisseurs contre rafraîchisseurs : la lutte pour l’espace
L’eau et de la nature doivent être intégrées partout où c’est possible,
comme ici dans la vallée de la Woluwe. © D’ALIMONTE.

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  • 1. 11 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 La lutte contre le changement climatique s’impose de plus en plus dans les agendas politiques, écono- miques et sociaux. Plus personne n’en nie l’impor- tance. Le sommet de l’ONU qui débute ce lundi à Lima, au Pérou, inaugure une année cruciale au cours de laquelle la lutte contre le réchauffement retrouvera le devant de la scène. Mais ce dossier ne se résume pas aux négociations internationales. Dans chaque pays se pose la question : que faire ? La Belgique n’y échappe pas. Deux défis : d’abord éviter le pire, c’est-à-dire infléchir voire inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Mais même si nous y parvenons, une partie des impacts du change- ment climatique est inévitable. Les gaz déjà émis resteront des centaines d’années dans l’atmosphère et produiront leurs effets, même atténués. Par ailleurs, la réponse internationale n’est pour l’instant pas à la mesure de l’enjeu. Raison de plus pour antici- per les changements. Positifs comme négatifs. C’est le deuxième défi indissociable du premier : s’adapter. Certes, la Belgique n’est pas aussi vulnérable que ne le sont les pays africains ou asiatiques. Mais nous sommes exposés. A la mer du Nord. Dans nos forêts, nos champs, nos cours d’eau, nos villes… Les projec- tions prévoient une hausse du niveau de la mer, des températures plus élevées en été, des précipitations plus intenses en hiver. Peut-être des épisodes de sécheresse plus prolongés. Notre pays fait donc face à un exercice dans lequel il n’a jamais excellé : se projeter dans l’avenir et anticiper. Pas facile de penser à long terme. Ni pour une entreprise, ni pour un gouvernement, ni pour une administration. Pour beaucoup, l’adaptation au changement clima- tique est un choc culturel. Mais un peu partout, on cogite. Malgré les incertitudes, beaucoup pressentent qu’une nouvelle donne se dessine. Les universités sont à la pointe, mais pas seulement. Ainsi, au centre fédéral de crise, on cherche à sensibi- liser toutes les administrations à la nécessité d’inté- grer le facteur climatique dans les réflexions. On travaille, pour fin 2015, à une nouvelle nomenclature des risques. Ensuite, explique Gunter Ceuppens, responsable de l’analyse des risques, au SPF Intérieur, les experts plancheront spécifiquement sur le facteur climatique et les politiques de prévention. Sous l’aiguillon européen, Régions et fédéral ont préparé leurs premiers plans d’adaptation. A de rares exceptions, on a regroupé sous cette étiquette des politiques déjà existantes. « Du recyclage, reconnaît l’auteur d’un de ces plans. Rien de révolutionnaire, mais cela constitue une bonne base pour travailler. » A Bruxelles et en Wallonie, il s’agit de chapitres intégrés à des plans climat plus larges. Preuve, juge Valentine Van Gameren (ULB), co-auteure d’un livre sur le sujet, que pour l’instant « les ambitions sont limitées ». Un leitmotiv des plans : objectiver les risques et les opportunités, cartographier les lieux sensibles, identi- fier les populations vulnérables. C’est essentiel. Mais ensuite, il faudra élaborer des politiques et agir. En osant bousculer les idées reçues. En « dézoomant » la réflexion pour prendre de la hauteur. En dépassant les intérêts de court terme. Un pari sur l’intelligence. MICHEL DE MUELENAERE S’ADAPTER AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : UN PARI SUR L’INTELLIGENCE Le 14 novembre 2010, la Belgique avait été frappée par des orages violents qui ont causé d’importantes inondations. Comme ici à Tubize. © BELGA. climat La Belgique se prépare à tout petits pas Une stratégie et quatre plans Il y a, à ce jour, une stratégie nationale d’adap- tation au changement climatique, un plan flamand d’adaptation, un plan énergie-climat wallon au stade de l’enquête publique, un plan énergie-climat bruxellois adopté en première lecture (il en faut encore deux), un plan fédéral d’adaptation presque finalisé et un plan natio- nal d’adaptation encore à dessiner. La nuance entre ces deux derniers ? Le « fédéral » ne parle que des compétences fédérales. Le « na- tional » reprendra des mesures concernant l’ensemble du territoire et dont la mise en œuvre ferait l’objet d’un cofinancement du fédéral et des Régions. Particularité de ces dernières : elles ont, chacune de leur côté, fait calculer leurs propres projections des futurs impacts climatiques. M.D.M. POLITIQUES 10 PAGES SPÉCIALES Sommaire La côte se blinde contre la tempête du siècle P. 12 & 13 Le derniers constats et projections du Giec en une infographie P. 14 Les forêts doivent devenir plus naturelles P.16 L’agriculture en pleine réflexion P.17, 18 & 19 Le réchauffement a des effets sur la santé P. 20 Retrouvez toute l’actualité de l’environnement, de la biodiversité, du développement durable, sur notre site thématique www.lesoir.be/demainlaterre
  • 2. 12 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 13 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 mer du Nord inondations 60 CENTIMÈTRESC’est la hausse moyenne du niveau de la Meuse à Liège en cas de survenance d’une crue centennale. Cette hausse pourrait être de 130 centimètres en 2100. W enduine. Petite sta- tion balnéaire entre Le Coq et Blanken- berge. En ce lundi ensoleillé du mois de novembre, le bruit des mouettes a fait place à celui des grues. Pas les migrateurs partant rejoindre de chaudes contrées, mais bien celles de chantier qui s’activent çà et là sur la digue. Ou plutôt sur ses vestiges. Car les en- gins ont enlevé le macadam, les pavés et les barrières. Aujourd’hui, les commerces « avec vue sur la mer » s’ouvrent sur une ligne de barrières de chan- tier. Derrière elles, une énorme tranchée puis des tas de sable hauts de plusieurs mètres. « Nous avons fait ces tas au cas où il se produit une tempête d’ici la fin des travaux », explique Johan Pau- wels, responsable de la communi- cation pour le service de la côte (Afdeling Kust) de l’administra- tion flamande. Des couloirs per- mettent d’accéder à la plage. On passe entre deux barrières, on voit la tranchée à gauche et à droite. Ici il y a des coffrages, là une sorte de foreuse géante qui fait d’autres trous pour installer des pieux sur lesquels viendra se poser la future digue. On passe ensuite entre deux tas de sable. Et là, on les dé- couvre enfin : la plage et la mer. Ce chantier fait partie du Mas- ter Plan 2015 qui, d’ici juin pro- chain, doit renforcer les protec- tions de la côte contre les tem- pêtes et les inondations. Des phé- nomènes qui s’annoncent plus violents en raison du réchauffe- ment du climat. Les spécialistes augurent une montée des eaux de 30 centimètres en 2050 et de 80 centimètres en 2100. « La côte peut faire face à une augmenta- tion du niveau de la mer de 30 centimètres. Le problème, c’est ce que cela se provoque lorsqu’il y a des orages », confie Johan Pau- wels. Des vagues de 5 mètres de haut Le pire scénario envisage une mer montant à 8 mètres au-des- sus de son niveau habituel et des vagues pouvant atteindre 5 mètres de haut. De la science-fiction ? Non : cela se produit au moins une fois par millénaire. Et les au- torités flamandes veulent être prêtes. Le Master Plan fut ap- prouvé par le gouvernement ré- gional en 2011 pour un budget de 300 millions d’euros. Difficile d’imaginer ce scénario apocalyptique alors qu’on se ba- lade sur la plage de Wenduine pour rejoindre l’espèce de pro- montoire posé sur une dune. Nor- malement, les plages possèdent leurs propres défenses naturelles. Mais un peu partout, le béton a remplacé le sable et les dunes se sont fragilisées et affaissées à force d’être foulées. Depuis le promontoire, on voit qu’il reste bien peu de zones natu- relles. « La côte belge est longue de 67 km, dont 38 km de digues. Elle a donc été façonnée sur plus de la moitié par l’homme, note Peter De Wolf, ingénieur au service de la côte. Et puis, elle est assez ouverte et est donc vulnérable surtout face aux tempêtes qui viennent du Nord. » En 2008, un état des lieux de la côte a été réalisé. Résultat mitigé : « Les 2/3 de la côte sont capables de résister à une tempête millé- naire mais un tiers est trop vulné- rable. Ce sont des endroits où il y a eu des constructions de digues ou de ponts. Les digues cassent la dy- namique naturelle de la plage (sa capacité à résister, NDLR) ». Dans ce tiers, se trouvent essen- tiellement les stations balnéaires de Wenduine, Ostende et Middel- kerke. Mais aussi les ports. Deux types de mesures sont pré- vues dans le Master Plan. Les pre- mières consistent en l’approvi- sionnement de sable pour élargir les dunes et les plages. Ces der- nières sont aussi rehaussées. « C’est la mesure la plus impor- tante. Nous utilisons la nature elle-même pour nous protéger contre la nature », confie Peter De Wolf. Des plages hautes et larges limitent la profondeur d’eau. Les vagues ne prennent donc pas d’ampleur. Des millions de m3 de sable En trois ans, plus de 1.650.000 mètres cubes ont été ajoutés sur les plages belges. C’est comme si on avait rempli de sable un cube de 118 mètres de profondeur, de largeur et de hauteur. Ce sable est extrait en mer, sur le plateau conti- nental belge. La Région flamande a obtenu deux concessions fédérales situées à 20 et 50 km des côtes. Au total, « nous pouvons utiliser 20 millions de m3 de sable jusqu’en 2020 mais 10 à 12 millions de m3 devraient être suffisants », dit De Wolf. Depuis le large, le sable est ra- mené à bord de dragueurs. Ensuite, il est acheminé sur la plage via des conduites de refoulement. Il est fi- nalement étendu avec des bulldo- zers. Le sable peut aussi être « as- pergé » sur la plage depuis un ba- teau par la méthode dite de l’« arc- en-ciel ». En fonction des besoins, le sable est placé sur la partie située juste en dessous de la laisse de basse mer (le niveau de la marée basse), sur la plage elle-même ou sur la face des dunes. « Mais on ne sait pas toujours uti- liser des méthodes douces. A certains endroits, il faudrait rehausser la plage au-dessus de la digue, sourit Peter De Wolf. Et puis, près des ports, cela risquerait de boucher le chenal. » Alors, il faut opter pour des mesures en dur. Comme des nouvelles digues. Plus stables que les anciennes et renforcées par des murs anti-tempêtes. La combinai- son de deux murs parallèles forme un bassin où les vagues de tempête perdent leur force. Les ouvertures laissées dans les murs de façon pour pouvoir accéder à la plage sont fer- mées en cas d’annonce de tempête. A Ostende, la zeeheldenplein est trois fois plus vaste que l’ancienne digue. Une ligne de pierres bleues rappelle le tracé de cette dernière. L’ouvrage technique est aussi esthé- tique. Les murs anti-tempêtes se prolongent ici et là en bancs. Enfin, une fontaine trône en son sein : « Comme l’eau ne peut plus arriver jusqu’ici, on en a mis un peu », plai- sante John Pauwels. La place est au- jourd’hui « the place to be » où se réunissent les jeunes. En ce lundi après-midi, les fils du bord de mer ont plutôt les tempes grises. A cha- cun son heure. ■ VIOLAINE JADOUL En trois ans, plus de 1.650.000 mètres cubes ont été ajoutés sur les plages belges. © PIERRE-YVES THIENPONT. La côte change de visage pour se protéger Quand les flots sont l’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur Un plan d’évacuation par commune En 1953, dans la nuit du 31 janvier au 1er février, une tem- pête violente provoque de terribles inondations essentiel- lement aux Pays-Bas. Mais l’onde de choc touche aussi la Belgique : 1.800 morts chez nos voisins, une dizaine chez nous. « Ce n’est pas la hauteur des vagues qui a posé pro- blème : l’eau n’est pas montée au-dessus des digues, mais elle est entrée par le port d’Ostende envahissant le centre de la ville. C’est la pression hydraulique : lorsqu’il y a trop de pres- sion, l’eau s’engouffre aux endroits fragiles comme les ports », raconte David Dehenauw, météorologue à l’IRM. En fait, il y eut une combinaison de facteurs : « Un vent de nord-nord-ouest a soufflé sur toute la mer du Nord pendant plus de 24 heures. » Ce vent perpendiculaire à la côte at- teint une intensité de 10 à 11 Beaufort et pousse avec force l’eau vers les terres. Mais ce n’est pas tout. La marée était à son plus haut (cela se produit chaque quinzaine). « Au cours du XXe siècle, ni l’intensité ni la fréquence des tempêtes n’ont augmenté. Par contre, le niveau de la mer a monté de 20 cm depuis 1900. » Ce qui accroît d’autant les risques pour la côte. Le Master Plan met l’accent sur les ports : certains quais sont rehaussés et l’on construit des murs anti-tempête autour des docks ou des barrières contre les inondations à l’entrée du port. A Nieuport, une sorte de barrage anti-tempête sera installé. Qui pourra être fermé en cas d’alerte. On estime qu’une personne qui vit 70 ans à Ostende a une chance sur 13 d’être témoin d’une super-tempête. Et les spécialistes ont calculé que, sans le Master Plan, une violente tempête inonderait l’intérieur des terres jusqu’à Bruges et Ypres. Une zone qui se situe en dessous du niveau de la mer et où résident environ 500.000 per- sonnes… Face au risque, chaque commune dispose d’un plan d’urgence qui prévoit l’évacuation de ses habitants. C’est le service de la côte qui prévient les communes (les orages peuvent être prévus trois jours à l’avance). A elles, sous la coordination de la province de Flandre occidentale, de fermer les portes des murs anti-tempête, d’installer le mur mobile sur la plage d’Ostende, de fermer l’accès à l’estacade et d’évacuer sa population. V. JA. 5 km < 50 cm 50-100 cm 100-200 cm > 200 cm Hauteur de l’eau Bruges Knokke-Heist Jabbeke Gistel Blankenberge Wenduine Le Coq Ostende Middelkerke Coxyde Furnes Nieuport Les risques d’inondation à la côte belge D écembre 1926 : après six semaines de pluies, la Meuse gonflée à bloc prend la tangente. Se- raing, Herstal et le centre de la ville sont noyés. Le traumatisme est à l’origine des travaux de canalisa- tion du fleuve et de protection de la ville. En termes de débit, l’événement de 1926 fut dépassé plus tard. Les 2.400 m3 par seconde estimés de l’époque sont peu de chose à côté des 3.100 m3 /s de 1993. Mais il ne fau- drait pas aller beaucoup au-delà pour connaître de sérieux ennuis, sou- lignent les spécialistes. « Le jour où il y aura un problème, ce sera un très gros problème », souffle un respon- sable de la gestion des eaux. Selon une équipe de chercheurs de l’ULg, les débits maximums de crue du fleuve pourraient grimper : de 15 % en 2050, de 30 % en 2100 pour un scénario plutôt pessimiste. « A 3.000 m3 /s ça passe, à 3.300, ça ne passe pas », résume Michel Pirotton, du laboratoire Hydraulique et Envi- ronnement de l’ULg. La crue centen- nale (une chance sur cent chaque an- née) est estimée à 3.184 m3 . Dans le cadre d’un projet réunissant les pays riverains du fleuve qui s’étire sur 185 km en Wallonie, les ingénieurs ont conclu qu’en fonction de l’évolu- tion de l’urbanisation en Wallonie, la facture des dégâts d’inondations ca- tastrophique atteindrait des cen- taines de millions voire des milliards d’euros. S’adapter ? Pas facile, dans un pay- sage aussi peuplé et aussi étroit que la vallée de la Meuse, où à certains endroits le sol s’est abaissé de six mètres suite à l’exploitation des char- bonnages. Et si une crue centennale peut « passer » à Liège, les protec- tions d’autres cours d’eau du bassin sont dimensionnées en fonction d’une crue décennale. « Un des en- jeux pour l’avenir, explique Benja- min Dewals, c’est d’introduire une sé- curité par rapport aux sollicita- tions. » Revoir les marges de sécurité à la hausse. Utiliser les dix barrages wallons comme moyen de stockage lors de fortes pluies ? La question a été étu- diée. « Il y a un potentiel à gagner dans la gestion de ces barrages, in- dique Dewals. On pourrait abaisser le niveau de la retenue pour consti- tuer une capacité de stockage plus importante avant des hivers qu’on annonce plus pluvieux. Mais il faut tenir compte des autres fonctions des barrages, notamment l’alimentation en eau potable. » Par ailleurs, le sec- teur touristique et les riverains ne voient pas toujours d’un bon œil l’abaissement du niveau du lac de barrage. « D’ici fin 2015, on va étu- dier chaque ouvrage l’un après l’autre, indique Paul Dewil, patron du centre régional de crise. On verra s’il y a lieu d’en adapter la gestion. » Le territoire imperméable Mieux draguer le fleuve ? « On ne gagnera pas grand-chose, rétorque Pirotton. S’il y avait une solution mi- racle, on l’aurait trouvée. » La « plus raisonnable » prévention dans le sec- teur mosan semble finalement être de renforcer les protections. Rehaus- ser les murs, dans les secteurs de Huy et de Liège, « là où c’est nécessaire » : moins de la moitié nécessite une re- hausse, dit Pierre Archambeau. « 10 % de la longueur mériteraient 70 cm en plus. » On a parfois fait l’in- verse en remplaçant des murs par des rambardes. « La sécurité est une question politique », disent les cher- cheurs. Question internationale : l’eau qui déborde en Wallonie n’inonde pas les Pays-Bas, bien plus exposés. « Liège n’est pas seule concernée : pour une même sollicita- tion Namur sera inondée. » L’admi- nistration des voies hydrauliques « étudie les conclusions des experts et réfléchit à la manière de protéger les zones les plus sensibles », dit son patron, Yvon Loyaerts. Reste la question fondamentale : l’aména- gement du territoire. « Le princi- pal problème, insiste Benjamin Er- picum, c’est que des gens se sont ins- tallés dans le lit de la rivière. » La réflexion vaut pour les plus petits bassins versants qui sont sous sur- veillance. La carte wallonne de l’aléa d’inondation indique les zones sensibles. Pour les experts, c’est clair : « Il faut interdire toute construction nouvelle en zone à risque élevé » et qui pourrait s’ac- croître. Ce n’est pas le cas actuelle- ment. « C’était l’idée de départ, mais on a préféré ne pas l’appli- quer de façon trop brutale, dit De- wil. Mais peut-être faudra-t-il être plus strict au vu des conséquences du changement climatique. » En attendant, les assureurs jouent le rôle de « législateur occulte ». Il devient en effet de plus en plus dif- ficile de trouver une compagnie qui accepte de couvrir un risque en zone inondable. Ou alors moyen- nant une sérieuse surprime ou des adaptations du logement ou du lo- tissement (bassin d’orage…). « Si le risque d’inondation est bien maî- trisé, les primes restent raison- nables, explique Wauthier Robyns, porte-parole des assureurs. Dans le cas contraire, les contrats ne bénéfi- cieront pas du mécanisme de soli- darité. » « L’aménagement du territoire est la première piste d’adaptation au changement climatique, insiste Jean-Pierre Silan, directeur de l’in- tercommunale liégeoise pour le dé- mergement. Il faut y intégrer la gestion de l’eau. Cela ne se fait pas assez. » La superficie bâtie ne cesse de croître en Wallonie. La Région a gagné 5 % de population en une di- zaine d’années. Soit des construc- tions, de l’imperméabilisation, une charge pluviale supplémentaire sur les réseaux d’égouttage. Les ou- tils pour y faire face ? « Densifier l’habitat, lutter contre l’imperméa- bilisation. Minimiser le ruisselle- ment, maximiser l’infiltration, ré- sume Cédric Prevedello, conseiller scientifique d’Aquawal. Travailler en amont, c’est ce qui coûte le moins cher pour la société .» A Bruxelles et en Flandre, les plans inonda- tions prévoient l’obligation de pla- cer une citerne d’eau de pluie pour toute nouvelle construction. On commence à imposer des toitures vertes et on cherche à limiter l’im- perméabilisation, à créer des zones inondables. Mais on s’interroge aussi sur les infrastructures. Suffi- santes ? Comme à Bruxelles, la So- ciété wallonne de la gestion de l’eau a ouvert les dossiers, détaille Chris- tian Didy, directeur d’exploitation : gestion des réseaux, conception et dimensionnement des ouvrages (égout, déversoirs, bassins d’orage…), gestion des eaux de pluies… les réflexions sont ou- vertes. Et elles devront intégrer les perspectives climatiques. Objectif : produire des guides techniques mais aussi des propositions de lé- gislations pour les années à venir. ■ MICHEL DE MUELENAERE Se barricader : une solution insuffisante face à l’eau Devant l’imperméabilisation croissante du territoire, il faut retenir l’eau, l’obliger à s’infiltrer plutôt que ruisseler. © B. Tubize se prépare pour éviter de revivre le pire Prenez 25.000 habitants sur 3.265 ha ; un canal proche ; une autoroute (la A8) et une ligne TGV qui sont autant de corniches géantes pour l’eau de pluie ; un relief propice aux ruissellements… Ajoutez 13 cours d’eau. Voilà Tubize. La cité brabançonne, les inondations, elle connaît. Qu’elles viennent des champs ou des ruisseaux. Généralement les deux ensemble. Le pompon en novembre 2010, avec d’autres villages avoisinants, y compris en Flandre. Trois morts, 3.000 habitations inondées, des dégâts considérables. Le canal Bruxelles-Charleroi débordé. Un choc. 2015 verra la fin d’un ambi- tieux programme de travaux, à Tubize et ailleurs, destinés à sécuriser le bassin de la Senne. Creuse- ment de bassins d’orage et de zones d’immersion temporaire, curage de cours d’eau, rectification de berges, nettoyage des égouts… « Pour le dimensionnement des ouvrages, on a travaillé sur des périodes de retour de 20 ans, 50 quand c’était possible », explique l’échevin des inondations Bernard Soudan. Deux idées : retenir au maximum les eaux en amont. Et assurer leur passage rapide et sans dégâts lorsqu’elles arrivent dans les quartiers. Coût du programme pour la commune : 2,5 millions. Mais les moyens sont limités, la topographie et l’urbanisation ne permettent pas tout. L’argent manque. L’autoroute dispose de bassins d’orage, mais ceux-ci sont inefficaces car ils ne sont pas entretenus, regrette l’échevin. La ligne TGV ne dispose pas de retenues. Or, les quantités d’eau que ces deux ouvrages drainent dans le Hain et dans le Laubecq sont considérables. Pas sous contrôle non plus la coordination avec la Flandre qui gère l’écluse de Lembeek sur le canal de Charleroi. En cas de fortes pluies, l’abaissement du niveau du canal facilite l’écoulement du Hain et atténue le danger d’inondation à Tubize. Pas simple. « Pour faire bouger les choses, il faut l’intervention du centre de crise, voire du politique. Si les inondations se passent un week-end ou la nuit, il n’y a plus personne à l’écluse qui n’est pas automatique contrairement à Bruxelles. » L’adaptation, c’est aussi dans les têtes et dans les procédures… A Tubize, on sait qu’il n’est pas possible de se protéger de tout. Et on espère qu’après les travaux on pourra mettre en valeur la richesse d’être baigné par 13 ruisseaux. M.D.M. Il faut tenir la ressource à l’œil Avec des étés moins pluvieux et d’éventuelles séche- resses printanières, il faut préserver l’indispensable ressource. Du souci pour l’eau que nous consommons ? Cédric Prevedello, conseiller scientifique chez Aquawal, rassure : « Au niveau de la ressource, nous sommes blin- dés. On exploite les nappes bien en deçà du point de re- nouvellement. » L’eau wallonne n’alimente pas que le Sud ; 40 % sont exportés, notamment à Bruxelles et en Flandre. Rassurant : la consommation diminue et la Flandre cherche à être plus autonome en matière d’ap- provisionnement en eau. Ce qui ne veut pas dire que tout est parfait. Les aquifères ardennais sont insuffi- sants et ils pourraient être mis sous pression si les précipitations diminuent. D’où l’importance du pro- gramme d’interconnexion des réseaux qui est en cours. Autre souci : les pressions sur les eaux de surface et les aquifères qui pourraient venir d’une agriculture dési- reuse de développer l’irrigation. « Il faut songer à hiérar- chiser les usages de l’eau en cas de sécheresse. Eventuelle- ment revoir les quotas », dit Prevedello. Car moins d’eau signifie une eau de moins bonne qualité. Enfin, la situation des voies navigables fait l’objet d’une attention particulière. « On s’attend à des étiages plus fréquents, indique Yvon Loyaerts, patron des voies hy- drauliques wallonnes. Depuis 2008, il a fallu à 3-4 re- prises limiter la navigation. C’est préoccupant, même si cela reste marginal. Certains barrages ont été construits pour maintenir le niveau des fleuves. Mais leur vocation touristique rend cela plus difficile. D’ici 2030, on pourrait construire de nouvelles écluses entre Charleroi et Mons qui demanderont plus d’eau. On devrait pouvoir tenir, mais avec l’évolution climatique, rien ne dit qu’un jour on ne devra pas réfléchir à la question d’un nouveau barrage. » A Tihange, où l’on construit un mur de protection de 1,8 km de long contre d’éventuelles inondations décamillé- nales (après le stress-test post-Fukushima), on a plus réfléchi à une rupture d’arrivée d’eau qu’à une montée des flots. « Si la température de l’eau de Meuse est trop élevée, on fera circuler l’eau dans le circuit tertiaire de la centrale avant de la rejeter, dit Serge Dauby, porte-pa- role de la centrale nucléaire. Au pire, on arrête l’unité. Ce n’est jamais arrivé. » Contrairement à la France… M.D.M. 30 CENTIMÈTRESLa montée des eaux devrait être de 30 centimètres en 2050. Et de 80 en 2100. Les projets du Master Plan 2015 tiennent compte des changements prévus jusqu’en 2050 et doivent protéger le littoral au moins jusqu’à cette date en ce qui concerne les ajouts de sable et jusqu’en 2100 pour les constructions en dur. Sans lui, toute la plaine côtière serait inondée jusqu’à Bruges et Ypres. En 2012, la commune de Tubize a été victime d’inondations. © BELGA.
  • 3. 14 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 chiffres UnUn dososdos isiesiesier rr rr rréalééaléalé iséisééiséi papaapapar Mr Mr MMichhichchichelelelel DeDeDee MueMueMueMueM lenlenlenenlenle aeraeraera ee -e - INNININFOFOGFOGFOGRAPRAPHIEHIE LELELEE SOSOSOIRIRIR 0101.1 1212.12.2012012014 -4 -4 - SSoSoSourcurcurcce :ee :ee :e : GiGiGGiGGiGiGGiGiecececeeecc 2012012012013 23 23-233-2014001414014 Fonte de la banquise arctique en 2100 Par rapport au pourcentage moyen 1986-2005 Trajectoire actuelle Scénario optimiste Fonte à 94 % Fonte à 43 % 1900 1950 0,6 0,4 0,2 0 - 0,2 - 0,4 -0,6 1850 1900 1950 2000 Hausse de la température Par rapport à la moyenne 1986-2005 En ° Celsius Hausse du niveau des mers En millimètres 250 200 150 100 50 0 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2012 1993 210 190 170 1997 2001 20052009 2012 Augmentation des gaz à effet de serre Emissions En équivalent de gigatonnes de CO2 par an Gaz fluorés Protoxyde d’azote (N2 O) Dioxyde de carbone (CO2 ) provenant des carburants fossiles et des activités industrielles Méthane (CH4 ) 50 40 30 20 10 0 1970 1980 1990 2000 2010 + 1,3 % par an + 2,2 % par an Gaz à effet de serre Les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine n’ont cessé d’augmenter. On constate cependant que cette croissance est plus forte depuis le début du XXIe siècle : 1,3 % par an entre 1970 et 2000, 2,2 % entre 2000 et 2010. Sur la période 1970-2010, étudiée par le Giec, le CO2 (issu de l’utilisation des combustibles fossiles) représente 76 % de la hausse des émissions totales de gaz à effet de serre, contre 16 % pour le méthane, 6 % pour le protoxyde d’azote et 2 % pour les gaz fluorés. Projection de l’augmentation du niveau des mers en 2100 Le budget carbone* presque dépassé En gigatonnes de carbone 26 cm 82 cm scénario le moins optimiste scénario le plus optimiste Changement de température globale Par rapport à 1850-1900 2000 2050 2100 Températures observées Scénario haute émission Scénario basse émission Température Constatant l’augmentation passée de la température, le Giec construit, pour l’avenir, des projections basées sur quatre scénarios. Deux de stabilisation, un de très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre et un de poursuite des tendances actuelles (peu ou pas de mesures de réduction). Ces deux derniers sont repris ici. Ils montrent qu'il n'y a pas de fatalité; juste de bonnes décisions à prendre. Le scénario optimiste permet de maintenir la hausse de la température sous 2°. Dans le scénario pessimiste, la température moyenne augmente de 3,3 à 5,5° d’ici la fin du siècle par rapport à 1850. 5 6 4 3 2 1 0 °C 515 La quantité utilisée entre 1870 et 2011 Le budget carbone total : 790 275 La quantité restant à utiliser 65 % de notre budget carbone compatible avec un réchauffement de 2 °C maximum est déjà dépassé. * Le terme de budget carbone désigne le volume total de CO2 émis ou à émettre que le monde ne peut dépasser s'il veut maintenir la hausse de la température sous 2° Les experts du Giec adressent leur dernier avertissement Septembre 2013, printemps 2014, le groupe intergouver- nemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) met à jour la synthèse des connaissances sur le changement climatique. L’expertise s’affine : depuis 1995, le degré de certitude concernant la responsabilité de l’Homme dans les changements observés est passé de 50 % à 66 % (en 2001), 90 % (en 2007) puis à 95 % en 2013. Il n’y a plus de discussion : c’est bien l’Homme, via ses émis- sions de gaz à effet de serre, qui est responsable de l’évolution du climat de la planète. Le Giec redit que la poursuite des émissions au rythme soutenu que nous connaissons aura des impacts néga- tifs sévères sur les populations et les écosystèmes. Le monde s’est engagé à limiter la hausse de la tempéra- ture sous 2o en 2100 ; mais la trajectoire actuelle mène à un réchauffement qui pourrait atteindre 4 à 5o . Il est possible d’éviter ce scénario extrême. Moyennant des mesures volontaires, il est possible d’atteindre l’ob- jectif des 2o . Mais cela suppose que les émissions de gaz à effet de serre mondiales atteignent leur maximum vers 2025 pour diminuer constamment ensuite et deve- nir nulles, voire négatives, à la fin du siècle. Il faut réduire fortement les émissions et mettre en œuvre des mesures d’adaptation afin d’atténuer les pires effets du changement climatique, dit le Giec. Cela veut dire économiser l’énergie, abandonner progressive- ment les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour utiliser des énergies propres, préserver les puits de carbone (forêts, prairies, tourbières…), changer des comportements. Une politique peu coûteuse au regard des impacts négatifs du changement climatique. Une politique qui créera de la richesse, des emplois, du bien- être. Mais qui deviendra de plus en plus chère et difficile à concrétiser à mesure qu’on la postpose. M.D.M.
  • 4. 15 Pour nos générations futures, rapportez vos piles usagées. Bebat recycle toutes les piles usagées et leur donne une nouvelle vie. Les matières premières des piles seront réutilisées pour fabriquer des nouveaux objets comme par exemple des lunettes, un trycicle, un arrosoir etc. www.bebat.be
  • 5. 16 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 forêts 140 MILLIMÈTRESC’est le déficit moyen de la « balance hydrique » prévue en 2100 en moyenne Belgique. Ce déficit, qui est la différence entre la quantité de pluie et l’évapotranspiration de l’arbre et du sol, atteindrait 110 mm en Basses et Moyennes Ardennes et 70-80 mm en Hautes Ardennes. Les arbres à enracinement superficiel et ceux qui sont plantés sur des sols ne disposant pas d’une bonne réserve en eau s’en trouveront fragilisés. L orsqu’un forestier plante un arbre, il sait qu’il devra attendre des dé- cennies avant de le couper et d’en tirer d’éventuels bénéfices. Rien d’étonnant à ce que, dans ce sec- teur, on se soit rapidement inquiété du changement climatique. Dès 2009, un rap- port résumait la situation : il y a du souci pour les hêtres, les épicéas et les chênes pé- donculés. « Depuis quelques années, nous sommes alertés par des dépérissements, ex- plique Hugues Claessens, responsable de l’unité de gestion des ressources forestières à la faculté de Gembloux (ULg). Cela touche les hêtres mais, compte tenu des sur- faces plantées, c’est très visible chez les épi- céas. » Très visible aussi car une partie des peuplements se trouve « hors station », dans des lieux peu propices où l’arbre est fragilisé. A plusieurs reprises, des grandes tempêtes ont provoqué d’importants dégâts dans les peuplements. Augmentation des températures, augmentation des périodes sèches, les projections sont « assez inquié- tantes ». C’est dès aujourd’hui qu’il faut prendre les bonnes décisions dans la ges- tion forestière. Il faut « di-ver-si-fier » Diversifier : c’est la règle de tout épar- gnant qui veut agir en bon père de famille. Et pourtant, en raison de vues à court terme et des pressions du marché, elle a souvent été négligée. « Aujourd’hui, relève Claessens, trois quarts de l’offre de bois en Wallonie sont composés d’épicéas, de hêtres et de chênes. C’est une grosse faiblesse. Il faut diversifier : tant les espèces qu’au sein d’une espèce. » Plus difficile à gérer ? « Il faut en tout cas changer les pratiques », explique un profes- sionnel. « C’est optimum, insiste Claessens. Une forêt mélangée est plus efficace. » Le code forestier wallon veut promouvoir « une forêt mélangée et d’âges multiples, adaptée aux changements climatiques et capable d’en atténuer certains effets ». Illus- tration avec le scolyte qui nuit aux épicéas en raison du champignon qui l’accom- pagne. « A la faveur de températures plus élevées au printemps et en été, l’insecte pourrait augmenter son taux de reproduc- tion, explique Etienne Branquart, spécia- liste des espèces invasives à Gembloux. On peut s’attendre à des pics d’infestation plus fréquents et plus importants. Mais on sait qu’en association avec le pin noir, l’épicéa résiste mieux. » On a tiré les leçons du passé Améliorer la forêt, c’est aussi la rendre plus « naturelle », favoriser des arbres d’âges différents. La présence d’arbres morts attire les oiseaux qui mangent les in- sectes défoliateurs. Ici aussi, le code fores- tier impose le maintien d’un minimum d’arbres morts ou de chablis (arbres déraci- nés) dans la forêt. Celle-ci résiste mieux aux maladies, mais elle réagit aussi plus ef- ficacement aux tempêtes. Ce sont les plus gros arbres qui s’abattent en cas de grands vents. Dans une forêt mélangée, les grands voisinent avec les plus jeunes. Ces derniers prennent rapidement et naturellement le relais de leurs aînés effondrés. On a tiré une partie des leçons du passé. Dans les forêts publiques gérées par l’admi- nistration wallonne on ne peut plus planter d’arbres dans un endroit inadéquat. C’est d’ailleurs une des conditions pour pré- tendre au label PEFC de gestion forestière durable. C’est à cela que servent le Fichier écologique des essences forestières et le Guide de boisement qu’à Gembloux on se promet d’informatiser entièrement dans cinq ans. Les propriétaires privés restent, quant à eux, libres de faire ce qu’ils veulent. Mais la question de la diversité est plus délicate à régler. Car elle touche aux pratiques de gestion. Il est tentant de rem- placer les monocultures d’épicéas par des monocultures de douglas, un arbre plus productif et plus adapté au climat futur de la Wallonie. Mauvaise idée, explique Marc Dufrêne (unité biodiversité et paysage de Gembloux). « On ne maîtrise pas bien cet arbre qui n’est chez nous que depuis une trentaine d’années. » Claessens abonde : « C’est un risque de le généraliser, surtout quand on l’implante à la place d’un écosys- tème complexe comme une forêt naturelle. » Outre sa fragilité et un impact négatif sur la biodiversité, la monoculture pose le pro- blème des coupes à blanc, toujours prati- quées en Wallonie, mais qui ont un effet dévastateur notamment sur le sol dont elles accroissent l’érosion. « Il y a des techniques éprouvées pour gérer des forêts mélangées, dit Claessens. Mais il faut accepter l’inno- vation, changer le fonctionnement tradi- tionnel. Agir de manière plus ciblée. » Autre obstacle à la diversification : les surdensités de gibier (sangliers, cervidés…). Ces derniers apprécient particulièrement les plantations de jeunes chênes ou autres feuillus. « Ils mangent le meilleur en pre- mier », compliquant la tâche du forestier. Le plan wallon d’adaptation au change- ment climatique parle « d’encourager les initiatives pour une sylviculture durable et respectueuse du fonctionnement de l’écosys- tème naturel ». Encore faut-il que le mar- ché suive. C’est un souci. « L’industrie du bois est à la recherche de résineux, de pro- duits aux dimensions très standardisées, adaptés aux scieries. Elle pousse en fait à mettre du douglas partout. Il faut que la gestion de la forêt soit moins dominée par l’industrie du bois », insiste Claessens. Pas toujours facile pour un propriétaire de ré- sister à la perspective d’un gain rapide… ■ MICHEL DE MUELENAERE Dans la forêt de Soignes, une autre cathédrale croît peu à peu. Faite de chênes... © BRUNO D’ALIMONTE La nature va devoir reprendre ses droits Fragile épicéa C’est le roi fragile des forêts wallonnes. Surtout lorsqu’il est « mal » planté. Il sera de plus en plus exposé. « Cette espèce boréo-montagnarde pâtit du manque de froid en hiver et de la pénurie d’eau en été », dit Hugues Claessens, responsable de l’unité de gestion des ressources fo- restières à la faculté de Gembloux (ULg). C’est ce qui attend la Wallonie. Le réchauffement gâte par ailleurs le puceron vert de l’épicéa dont les pics de population sont plus in- tenses à la faveur d’hivers plus doux, selon Branquart, expert des espèces inva- sives. Un roi contesté : « Au pied des arbres, le sol est mort », dit un naturaliste. M. D. M. Hêtre au pied d’argile Montagnard, le hêtre souffre de la chaleur esti- vale au nord du sillon Sambre-et-Meuse. Un souci à Bruxelles, où la forêt de Soignes est composée à 74 % de hêtres et dont 64 % est couverte de hê- traie cathédrale. Ces pro- portions vont diminuer : 65 % pour l’espèce et 50 % de hêtraie cathédrale. On plante plus de chênes. Sujet délicat. « La hêtraie cathédrale est un patrimoine essentiel lié à l’image de Bruxelles. Nous allons tout mettre en œuvre pour le préserver sur des surfaces suffisamment significatives », dit-on. M. D. M. ©LESOIR. La sessile, ça, c’est sûr Contrairement à son cousin, le chêne pédonculé, dont les besoins chimiques et en eau sont parfois déçus et qui en conçoit une certaine fragilité, le chêne sessile est le costaud de la famille. Il est sans doute appelé à prendre la place du pédon- culé qui est une des es- sences de base en forêt de Soignes. D’autres se pous- seront-elles du col ? Châtai- gniers, platanes, cèdre atlantique sont sur la liste. « Il est temps de faire des arboretums », s’exclame Hugues Claessens. M. D. M. ©D.R. Douglas : l’arme fatale ? Depuis des années, il n’y en a plus que pour lui en Wallo- nie. Un bois de meilleure qualité que l’épicéa, une production 30 % supérieure. Cette espèce de l’Ouest américain est bien adaptée aux sécheresses et aux ver- sants secs. Mais il n’aime pas le manque d’eau au printemps et est sensible à la rouille suisse qui retarde sa croissance. Gare à ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. « Une espèce exotique est toujours plus fragile qu’une espèce indi- gène », rappelle un expert. M. D. M. ©D.R. LES GAGNANTS LES PERDANTS ©LESOIR.
  • 6. 17 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 agriculture 3.400 VARIÉTÉSC’est le nombre d’anciennes variétés de pommes, de poires, de prunes, de cerises, de pêches et de vignes qui sont cultivées dans le verger conservatoire de Gem- bloux. Elles formeront un réservoir génétique d’un prix inestimable destiné à créer les futures variétés adaptées aux sols wallons et au changement climatique. A quoi ressembleront les paysages agricoles de la Wallonie d’ici trente ans ? Et au tournant du XXIIe siècle ? L’impression pré- vaut aujourd’hui que nous échapperons aux changements drama- tiques qui frapperont les pays du Sud. Mais l’impact n’en sera pas moins important. De quoi cultiver les paradoxes de l’amour- haine qui animent le débat sur les relations entre agriculture et changement clima- tique. « On peut voir l’agriculture à la fois comme une cause des modifications du cli- mat mais aussi comme victime de cette évo- lution », rappelle Bernard Watillon, chef du département des sciences du vivant au Centre wallon de recherches agronomiques de Gembloux (Cra-W). L’activité agricole est en effet un produc- teur majeur de gaz à effet de serre. Par le méthane, résultat de la digestion du bétail et du stockage du fumier et aussi par le gaz qui se dégage des engrais azotés. Mais en re- vanche, les agriculteurs risquent également de trinquer. Les vagues de chaleur et la di- minution des précipitations dans certaines régions du globe auront des effets catastro- phiques. Chez nous, on peut s’attendre à des épisodes de sécheresse plus fréquents mais aussi à des conditions extrêmes qui se tra- duiront par des grêles, des tempêtes ou des inondations. De quoi hypothéquer réguliè- rement les récoltes et mettre sous haute pression la situation économique dans les fermes. Le débat fait également rage sur la concurrence entre l’homme et l’animal dans les productions agricoles. Certains s’in- quiètent de voir des surfaces de plus en plus importantes de la planète « squattées » par la production de soja ou d’autres matières premières utilisées pour nourrir le bétail au détriment de l’homme. « On fait parfois un mauvais procès aux agriculteurs, nuance Didier Stilmant, en charge du département Agriculture et mi- lieu naturel du Cra-W, qui épingle le cas de la production laitière. Il est vrai que les ru- minants émettent beaucoup de méthane. Mais ce sont aussi les seuls capables de transformer la cellulose de l’herbe en pro- téines. Si on laissait les prairies à l’aban- don, l’herbe en pourrissant produirait elle aussi du méthane, mais nous n’en aurions pas retiré au passage un aliment précieux pour l’homme. » Des recherches pourraient d’ailleurs tout changer. « Grâce à l’analyse spectroscopique du lait, des chercheurs wal- lons sélectionnent les animaux qui pro- duisent moins de méthane et identifient les pratiques qui permettront de réduire son émission », ajoute Didier Stilmant. Une mouche qui s’acclimate Il faudra cependant du temps pour que les nouvelles pratiques soient intégrées au quotidien par tous les agriculteurs. « Par comparaison avec ce qui attend les pays mé- diterranéens, on a l’impression que dans nos zones tempérées, on est relativement à l’abri, constate Marc Lateur, un chercheur spécialisé dans l’amélioration des espèces et la biodiversité. Dans le subconscient collec- tif des agriculteurs, on se dit qu’on adoptera les variétés du Sud qui vont étendre leur aire écologique à nos régions. » Mais pour ce spécialiste, l’un des dangers serait de se satisfaire d’une diversité géné- tique trop réduite. « Pour la production de poires, nos arboriculteurs cultivent de ma- nière quasi exclusive la Conférence. Si la gé- nétique de cette variété dominante est sou- dain mise sous pression à cause du change- ment de climat, le résultat peut être catas- trophique. » D’où l’intérêt de protéger un réservoir génétique sur le long terme. A Gembloux, dans le verger conservatoire, ce sont plus de 1.600 « vieilles » variétés de pommes et 1.200 de poires et d’autres fruits sur lesquelles veille aujourd’hui Marc La- teur. Reste la manière dont les maladies et les insectes ravageurs tireront parti sous nos la- titudes de la nouvelle donne climatique. Pour certains, ces changements produisent déjà leurs effets chez nous. L’un des repré- sentants les plus symboliques de cette évo- lution potentiellement imputable aux chan- gements de climat, c’est est une petite mouche de quelques millimètres de long, la « drosophila suzukii ». Sa présence était connue dans le bassin méditerranéen. « Mais depuis deux ans environ elle s’est ac- climatée en Belgique, où elle cause des dégâts inquiétants chez les producteurs de fraises, notamment », s’inquiète Bernard Watillon. Un exemple parmi une kyrielle d’autres. ■ ALAIN JENNOTTE La Wallonie risque la surchauffe Grâce à l’analyse du lait, des chercheurs wallons sélectionnent des vaches qui produisent le moins de méthane possible. © REPORTERS. Pour diminuer notre facture énergie, c’est mon papa le meilleur !
  • 7. 18 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 érosionagriculture « Je crains une intensification encore plus forte » Au niveau européen, l’heure est à la mise en avant du réseautage et des projets en partenariats entre différents pays. Chargé de cours à l’ULg, dans son antenne d’Arlon, Bernard Tychon coordonne le volet wallon de Macsur, un réseau de scientifiques dédié au climat et à l’agriculture. Comment l’agriculture wallonne s’adaptera-t-elle aux change- ments climatiques annoncés ? Il y a un paradoxe. Les conditions des prochaines décennies risquent d’être meilleures qu’aujourd’hui pour nos agriculteurs alors que les pays du Sud devraient sérieusement s’assécher. Bien sûr, on ne doit jamais perdre de vue qu’il ne s’agit que de projections. Mais je suis convaincu que la situation dans le Sud aura plus d’impact sur notre agriculture que les chan- gements du climat qui surviendront chez nous. Qu’est-ce qui va changer ? J’ai une crainte majeure. C’est que les déséquilibres qui toucheront d’autres régions de plein fouet, mais qui devraient nous épargner, n’aient pour conséquence une intensifica- tion encore plus forte de notre agriculture. Les zones de la Wallo- nie qui disposent d’excellentes terres seront inévitablement mises à contribution au maximum. Les agriculteurs sont des acteurs écono- miques et ils vont tenter d’optimiser leur rentabilité. Quelles formes pourraient prendre cette intensification ? L’irrigation, par exemple. On risque de connaître en été, pendant la croissance des cultures, des pé- riodes de sécheresse plus fréquentes et plus marquées que par le passé. Cela poussera des agriculteurs à s’équiper pour irriguer. Avec le risque d’assèchement des nappes phréatiques qu’il sera difficile de reconstituer. Si les surfaces cultivables dimi- nuent pour l’ensemble de l’Eu- rope, doit-on être inquiet pour la sécurité alimentaire ? Aujourd’hui, les échanges se font sur un marché mondialisé. Mais les institutions européennes sont conscientes qu’il faut garantir cette sécurité alimentaire. Si l’on constatait une trop forte concurrence entre les terres agricoles et d’autres spéculations, comme l’im- mobilier, il faudrait certai- nement mettre en œuvre une régulation. Les agriculteurs commencent déjà à changer leurs pratiques ? On n’en est pas du tout là. Il n’est pas facile de changer les pratiques culturales ou d’élevage. Alors c’est difficile de se projeter dans trente ans. Cela fait dix générations que l’on pollue notre planète en déga- geant massivement du CO2. On ne peut pas espérer tout régler en une seule génération. A.JE. Modéliser pour mieux prévoir Il est déjà bien compliqué de prédire le temps qu’il fera dans une semaine. Alors tirer des plans sur la météo à l’horizon de 2045 ou de 2100 est sans le moindre doute un exercice périlleux. Pourtant, les scientifiques disposent d’un outil puissant pour tenter d’anticiper les mutations climatiques : la modélisation. Agronomes, physiciens et informaticiens s’associent pour créer des programmes ca- pables de digérer des données et les passer à la moulinette en fonction de scénarios. C’est le cas de « Caraib », un modèle dynamique d’analyse de la végétation. « L’objectif est de créer un outil prévisionnel pour le rendement des cultures et des prairies », explique Louis Fran- çois, spécialiste de la modélisation du climat et des cycles biogéochimiques à l’université de Liège. Les modèles, ce physicien les connaît bien. C’est lui qui a créé Caraib au début des années nonante. « Les agronomes ont souhaité l’utiliser pour faire de la prévision en matière d’évolutions climatiques et mesurer l’impact qu’elles auront sur l’agriculture en Bel- gique », poursuit Louis François. À l’entrée du programme, on introduit des données météorologiques, des informations sur les sols et sur les espèces cultivées. A l’arrivée, le programme simule le rendement ou encore les flux d’eau et de CO2. Les résultats sont très encourageants. Une comparaison portant sur vingt-six modèles utilisés un peu partout dans le monde vient de conclure que Caraib était l’un des systèmes les plus performants. Lors de cette validation, les modèles ont simulé les rendements de différents types de blés dans trois régions d’Europe sur une trentaine d’années, dans un passé récent. Les résultats ont été ensuite comparés avec les « vrais » chiffres des ré- coltes. C’est le modèle liégeois s’est montré le plus efficace dans cet exercice. Ce qui devrait le rendre encore plus populaire auprès des agronomes dans les prochaines années. A.JE. 10 À 200 TONNESC’est la quantité de terre érodée par hectare chaque année en Wallonie. Les spécialistes prévoient une hausse de l’intensité et de la fréquence des orages, ce qui aura un effet direct sur la quantité de terre érodée. Les coulées boueuses glissent vers le fond de la vallée causant des dégâts importants. Par ailleurs, à chaque ruissellement, c’est une partie de la couche arable – le capital agricole – qui disparaît. Orp-Jauche se barricade contre les coulées de boue Eté 2011, de violents orages ont inondé à plusieurs reprises le village d’Orp-Jauche dans l’Est du Brabant wallon. L’eau s’en- gouffre dans les maisons, la boue s’infiltre partout. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, mais c’est de pire en pire d’après les habitants. Il était temps de prendre des mesures drastiques. « J’ai directement organi- sé une concertation avec les habitants inondés, car ils montraient les agriculteurs du doigt », explique Joël Lambert, agriculteur à Orp- Jauche. Il leur a expliqué les causes des inondations, notamment le relief très pentu et la construction de maisons sur le chemin de l’eau. La pluie ruisselle naturellement sur les terres agricoles, mais certains agriculteurs essaient de la freiner au maximum pour limiter l’impact en aval (voir ci-contre). Joël Lambert a par exemple morcelé sa parcelle en quatorze morceaux qui accueillent des cultures différentes. Une des causes des inondations de 2011 était en effet le choix des agriculteurs de ne planter que des pommes de terre à perte de vue, une culture à risque en cas de précipitations. La commune a également mis en place une digue et une fascine (une sorte de barrière de branches) sur son terrain. Il a renforcé l’efficacité de ces solutions en plantant une haie et en entourant la fascine d’une prairie qui ralentit encore davantage le ruisselle- ment. « Ce n’est pas efficace à 100 %, mais ça limite fortement les dégâts. Il y a une améliora- tion. Les gens qui avaient de la boue chez eux n’en ont plus eu cette année. » Cet agriculteur bio ne compte pas s’arrêter là, conscient que l’érosion risque encore d’empirer. « Il faut penser à demain et repen- ser l’agriculture qui favorise aujourd’hui les grandes parcelles. J’ai encore des projets. » Il aimerait protéger davantage les maisons en remplaçant les bandes de terre à proximité des habitations par une bande enherbée. Il aimerait aussi créer une digue pour retenir et rediriger l’eau vers des terrains non habi- tés. « Mais les habitants doivent aussi collabo- rer et accepter qu’on plante une haie derrière leur jardin pour freiner les eaux. Tout le monde doit mettre du sien. » D.M. Dans le futur, les meilleures terres agricoles devraient encore être plus mises à contribution. © D .R. Le programme « Caraib » permet de prévoir les rendements des différentes céréales, dont le blé, en introduisant les données météorologiques, les informations sur le sol, ... © D.R. Sur le terrain de Joël Lambert, des fascines freinent l’écoulement des eaux de pluie et limitent l’érosion. © BRUNO D’ALIMONTE.
  • 8. 19 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 J’y vois clair iPad Pack iPad Air 2 Wi-Fi 16 Go avec pendant 2 ans : l’édition papier 1 jour/semaine (au choix) dans votre boite aux lettres + l’accès quotidien au journal PDF et à l’édition 100 % numérique de 17h. *acompte de 120€ + 23 mensualités de 28€. Pour plus d’infos, rendez-vous sur LeSoir.be/iPadPack Le nouvel iPad Air 2 + Le Soir full numérique + Le Soir papier 1 jour/semaine = 28€/mois* iPad est une marque d’Apple Inc., déposée aux États-Unis et dans d’autres pays. Apple n’est pas sponsor, ni participant de cette promotion. Le Soir L ’hiverabeauêtreànosportes,de nombreux terrains agricoles sont toujours verts. Certaines parcelles ont été semées de cé- réales, d’autres sont recouvertes de trèfles, d’avoine ou de moutarde jaune. Ces cultures ne sont pas principa- lement plantées pour les récoltes, mais pour contrer l’érosion du sol. « Pour lut- ter contre ce phénomène, il faut associer plusieurs petites mesures », explique Bé- nédicte Maréchal, éco-conseillère à la commune de Jodoigne. Des solutions prises en amont et en aval. En amont, pour éviter le détachement departiculesdeterre,lesoldoitêtrepro- tégé de la force de la pluie. Voilà pour- quoi les agriculteurs sèment, entre deux cultures, une plante qui sert de couver- ture. L’association d’agriculteurs Gree- notec promeut quant à elle la technique de non-labour. D’après le coordinateur de cette ASBL, Maxime Merchier, « quand l’agriculteur ne laboure plus son champ, des restes de la culture précé- dente continuent à protéger le sol ». Sup- primer complètement l’érosion est im- possible. Mais on peut mettre en place des mesures pour ralentir l’eau lors de sa descente. De larges bandes d’herbe sont plantées perpendiculairement à la pente (obligatoire à partir d’une certaine décli- vité). « C’est comme une ceinture de sécu- rité qui freine le ruissellement », ex- plique Arnaud Dewez, conseiller de la cellule wallonne Giser (Gestion intégrée sol-érosion-ruissellement) qui conseille les agriculteurs et les communes. Des haies sont également plantées et des buttes de terre érigées pour rediriger l’eau vers des endroits non habités. « Ces haies, ces bandes herbeuses ou fleuries ont d’autres avantages, ajoute Marc Du- frêne, de l’unité biodiversité et paysage de Gembloux. Elles sont un refuge pour la biodiversité – les oiseaux, les insectes quisontdeprécieuxauxiliairesdel’agri- culteur – et lors du ruissellement, elles arrêtent la migration des sédiments et des produits chimiques qui y sont asso- ciés. » PourAuroreDegré,professeurdephy- sique des sols à la faculté de Gembloux (ULg), « le problème ce n’est pas tant l’eau, c’est surtout la boue qui fait de gros dégâts en aval ». De nombreuses com- munes ont installé des fascines, des bar- rières de branches, dans des endroits cri- tiques où de grandes quantités d’eau s’engouffrent. « L’eau prend plus de temps à ruisseler et elle se décharge ainsi de la terre. Elle arrive plus propre dans les égouts et les maisons, ce qui fait moins de dégâts », explique Bénédicte Maréchal. En aval, « on peut mettre en place des bassins d’orage, des grands fossés ou des fossés entrecoupés de barrières qui fonc- tionnent comme des écluses », explique Arnaud Dewez. Pour lui, il faut repenser l’urbanisation des campagnes. « Les communes ne consultent pas assez la carte qui identifie les zones à risques, avant d’accorder un permis d’urba- nisme. » C’est clair, selon Charles Biel- ders, professeur à l’UCL spécialisé dans la conservation du sol, « s’il y a plus de permet de réduire ses frais » par rapport à des parcelles segmentées qui ralen- tissent le ruissellement, mais de- mandent plus de travail. Bénédicte Ma- réchal qui dialogue avec les agriculteurs pour susciter une réflexion confirme : « Il y a encore un énorme travail de conscientisation des agriculteurs à réa- liser ». Un taux d’érosion inacceptable Certains agriculteurs changent cepen- dantleurspratiques.AOrp-Jauche,Em- manuel Vranckx a notamment installé des bandes enherbées et des fascines qui rognent sur son terrain. « C’est vrai que ça coûte de l’argent, mais ces quelques mètres carrés ne vont pas mettre en péril la viabilité de mon exploitation. Désor- mais, les voisins en aval ont moins d’eau. Mes terres retiennent beaucoup d’humidité grâce aux fascines. » « Il faudrait promouvoir les solutions à l’érosion de manière plus active », in- siste Charles Bielders. A l’heure actuelle, on n’observe pas encore de pertes de ren- dement directes pour les agriculteurs grâce à l’épaisseur et la richesse du sol. Mais ça pourrait arriver d’ici une dizaine d’années. « L’érosion, détaille Dufrêne, est une perte progressive de capital pour l’agriculteur qui voit la couche de terre arable se réduire. C’est aussi dans son in- térêt de préserver ce capital. » Pour Au- rore Degré, « le taux actuel d’érosion est non durable », particulièrement au vu des changements attendus avec le chan- gement climatique. « Il fera plus chaud etdoncilyauraplusdevapeurdansl’at- mosphère. Quand il pleuvra, il pleuvra plus fort et on observera plus de coulées de boue, car quand la pluie augmente d’un facteur 2, l’érosion augmente d’un facteur 4. » Heureusement, dit Charles Bielders, « on n’a pas attendu le change- ment climatique pour trouver des solu- tions ». Reste à convaincre tout le monde de les mettre en œuvre. ■ DANAÉ MALENGREAU (avec M.d.M.) maisons, notamment sur des terrains à risques, il y a une probabilité plus im- portante d’y voir s’accumuler la terre érodée ». « 80 % des solutions trouvent leur ori- gine dans les pratiques agricoles, or c’est le plus dur à changer », analyse Arnaud Dewez. Les solutions contre l’érosion ne sont pas rentables à court terme pour les agriculteurs. Aurore Degré explique que « les cultures à risques en termes d’éro- sion, comme la pomme de terre, rap- portentplusd’argentàl’agriculteur.Pos- séder de grandes superficies de terres lui Eviter que l’eau ne balaie le capital agricole Lorsque l’eau ruisselle, elle emporte une partie de la couche arable. C’est le capital agricole qui disparaît. Pour l’en empêcher, on plante des haies, on pose des fascines. © BRUNO D’ALIMONTE.
  • 9. 20 Le Soir Lundi 1er décembre 2014 santé +1,9O EN 2030Selon une étude réalisée pour la Région bruxelloise, la température moyenne à Bruxelles devrait progresser de 0,8o à 1,9o en 2030, de 1,3o à 2,8o en 2050 et de 1,9° à 5,4o en 2085. C ’est tout sauf une plaisanterie. En août 2003, la Belgique et une grande partie de l’Europe de l’Ouest connaissent une vague de chaleur sans précédent. La porte du four demeure ouverte deux se- maines entières, du 1er au 15. Elle s’ac- compagne de taux inhabituels de pollu- tion. Certains jours, la température maxi- male mesurée à Uccle flirte avec les 34 degrés. Et les minimas restent aux alentours des 20 degrés, jusqu’à 21,7o dans la nuit du 7 août. Le seuil d’alerte pour l’ozone est dépassé pendant sept jours consécutifs. On estime que l’excès de mortalité par rapport à la moyenne est de 1.300 per- sonnes de plus de 65 ans, soit une hausse de 19 % des décès totaux durant la pre- mière quinzaine d’août, selon un rapport de la Cellule nationale environnement et santé. Aujourd’hui, il n’est pas un seul do- cument parlant de l’adaptation au chan- gement climatique qui ne comporte un volet sanitaire. Car 2003 fut un électrochoc montrant que nos pays sont mal préparés à affron- ter d’importantes vagues de chaleur. En Belgique, cet épisode est à l’origine de la mise en place d’un plan « vague de cha- leur et ozone ». Depuis son entrée en vi- gueur en 2005, la phase d’alerte a été ac- tivée à sept reprises. Elle l’a été chaque année depuis 2010 ; pas en 2014. Et si l’on en a moins parlé, on estime que les étés les plus chauds (2006 et 2010) ont entraîné une surmortalité de 300 per- sonnes âgées (de 7 à 8 % de plus que la moyenne). Autant savoir : tous les scéna- rios des climatologues prédisent une re- crudescence des vagues des épisodes de hautes températures dans les années à venir. Alerter plutôt que prévenir ? L’heure n’est pourtant pas à la mobili- sation générale. L’adaptation face aux vagues de chaleur consiste essentielle- ment à surveiller et à prendre des me- sures d’urgence au cas où le « mercure » atteigne des niveaux préoccupants. Prin- cipales mesures : communication au pu- blic, avertissements aux professionnels de la santé (médecins, hôpitaux, services de soins à domicile, maisons de repos…) et aux travailleurs sociaux dans les milieux précarisés. Il s’agit de faire en sorte qu’on redouble d’attention à l’égard des per- sonnes fragiles (très jeunes enfants, per- sonnes âgées, personnes isolées). « En pé- riodes sensibles, nos inspecteurs ont pour consigne de porter une attention particu- lière aux soins et à la prévention des risques liés à la chaleur », explique Bri- gitte Bouton, inspectrice générale au dé- partement des aînés et de la famille de l’administration wallonne. Ici, on n’ose pas anticiper sur le conte- nu d’un futur plan wallon « vague de cha- leur », compétence bientôt régionalisée. Mais la réflexion sur les futures évolu- tions climatiques en fera partie. « Il y a une réflexion avec les administrations fé- dérale et fédérées et l’Institut de santé pu- blique », dit Luc Tsachoua, médecin à l’ISP. Adapter le plan ? « Les seuils d’alerte actuels sont pertinents, il n’y a pas de nouveaux facteurs de risque signi- ficatifs et le profil des groupes à risques reste le même. » Les changements touche- ront la communication. Le plan sera diffusé à plus grande échelle et le SPF Santé publique veut mettre l’accent sur la solidarité, « deman- der aux voisins, aux collègues et aux fa- milles d’être attentifs au bien-être des per- sonnes à risques de leur entourage ». Il est possible d’agir Ailleurs, la réflexion porte sur la pré- vention. Le risque lié aux vagues de cha- leur est plus concret en milieu urbain. En concentrant des activités émettrices de chaleur, même en été, et en modifiant l’environnement (surfaces absorbant les calories solaires, absence de vent, moins de verdure…), les villes sont particulière- ment exposées aux canicules. Mais il est possible d’agir. Un seul ob- jectif : rafraîchir et aérer au maximum. Il faut préserver les espaces verts et la pré- sence de l’eau (voir dessous). Renforcer l’isolation des bâtiments : cela protège contre le froid et contre le chaud, pour autant que l’on s’équipe des protections solaires. D’autres solutions sont scientifi- quement validées : utiliser des matériaux réfléchissant les rayons du soleil, conce- voir des bâtiments aérés naturellement plutôt que par l’air conditionné (qui consomme de l’énergie et produit de la chaleur), orienter et disposer les aména- gements urbains de façon à ce qu’ils n’ac- centuent pas l’effet d’îlot de chaleur. A de rares exceptions près, à Bruxelles, il s’agit cependant de réflexions, d’intentions et de recommandations, très exceptionnel- lement transposées en mesures concrètes ou en normes contraignantes. ■ MICHEL DE MUELENAERE et DANAÉ MALENGREAU La chaleur peut tuer les plus faibles Face au risque de vague de chaleur en ville, il faut prévenir : préserver les espaces verts et la présence de l’eau. © BRUNO D’ALIMONTE. Pollens : un risque accru pour les allergies La chaleur ne sera pas la seule à s’inviter plus souvent en Belgique dans les années qui viennent. D’autres hôtes seront de la partie : les pol- lens. Selon les projections, on devrait assister à un allongement de la période de végétation – donc de la présence de pollens dans l’air. Des pollens connus, mais aussi de plantes nou- velles. Comme l’ambroisie que surveille Etienne Bran- quart, expert à l’administra- tion wallonne. « Des graines d’ambroisie se mélangent avec des graines de tournesols, maïs, ou des graines pour les oiseaux. On la trouve déjà chez nous à quelques en- droits ; en Campine, sur des terrils liégeois. Mais pour se développer, elle a besoin de températures un peu plus élevées. Pour le moment, on est à la limite. Dans tous les scénarios futurs, la Belgique se trouve au centre de l’aire de répartition ; un degré de plus suffira pour qu’elle s’implante. L’ambroisie produit beaucoup de pollens dont une très faible quantité peut provoquer un rhume des foins assez poussé ; 10 % de la population y serait sensible. Au toucher, elle provoque des allergies cuta- nées. La plante fleurissant en août-septembre, cela allonge- rait la période des allergies . » Surveiller et sensibiliser La plante se répand en ac- compagnant le mouvement des terres de remblai lors de travaux. Pas question de la combattre avec des herbi- cides. Il n’en existe pas de sélectif. Que faire ? Il n’existe pas de plan pour combattre l’ambroisie, re- grette Branquart. Mais comme toutes les espèces exotiques envahissantes, elle va faire l’objet d’un pro- gramme de surveillance européen. Pour Luc Tsa- choua (ISP), « il faut mieux sensibiliser la population aux risques des allergies, lui ap- prendre à reconnaître les symptômes et pousser les personnes atteintes à consul- ter directement un médecin avant que ça dégénère ». Le personnel médical doit aussi être informé afin de mieux guider les personnes qui se découvrent une allergie. Idem pour les cas de mala- die de Lyme, transmise par les tiques, dont on attend une recrudescence. M.D.M. ET D.M. B ruxelles, ville verte : la moi- tié du territoire couverte d’espaces verts. Huit mille hec- tares, dont 2.779 accessibles au public. Une performance ? A re- lativiser : la forêt de Soignes compte à elle seule pour 1.650 hectares. Et la plupart des grands parcs et forêts se trouvent en périphérie – la se- conde couronne. Au centre, le minéral l’emporte largement. Conséquences : la température moyenne à Bruxelles est supé- rieure de 2,5o à celle de la cam- pagne, indique l’IRM. Dans les quartiers les moins verts de Mo- lenbeek ou d’Anderlecht, cela peut aller jusqu’à 5o . « Jusqu’à 7-8o parfois », dit Serge Kempe- neers, directeur de la division es- paces verts chez Bruxelles-Envi- ronnement. Ce phénomène d’îlot de chaleur était déjà docu- menté au milieu des années 70. La ville dispose pourtant d’un « conditionnement d’air » natu- rel à ne pas négliger. Non seule- ment parce que les températures – aussi les extrêmes – pourraient augmenter. Mais aussi parce que la population de la Région va croître de près de 100.000 habi- tants d’ici 2020. Il serait tentant de rogner sur les espaces dispo- nibles, éventuellement verts, pour loger ces nouveaux venus. « Face aux impacts du change- ment climatique en ville, indique Benoît Willocx, responsable de la gestion de l’eau chez Bruxelles-Environnement, le maître-mot doit être la résilience (capacité à absorber les chocs, à se réorganiser et à reprendre un cours normal, NDLR). La popu- lation va augmenter : il faut densifier l’habitat et intégrer de la nature et de l’eau partout où c’est possible. » Ça passe par le maintien des espaces verts. Pré- server les intérieurs d’îlots et le vrai sol, celui qui contient de la vie. Valoriser les talus de chemin de fer. Encourager les toitures vertes (obligatoires pour les toi- tures plates de plus de 100 m2 ) et des façades vertes. Remettre à ciel ouvert d’un maximum de cours d’eau. Une même logique : du vert, du frais et un coup de pouce à la biodiversité. La mise au jour des cours d’eau en pour- suit une autre : lutter contre les inondations en retenant l’eau et en lui permettant de s’étaler. Des arbitrages Mais la pression est forte, no- tamment pour recouvrir les ruis- seaux et pouvoir urbaniser l’es- pace gagné. Ce serait, avertit Willocx, « le meilleur moyen pour “figer le gabarit” d’un cours d’eau, donc le rendre moins effi- cace face aux risques d’inonda- tion. Cela aura aussi pour consé- quence de le tuer, puisque l’eau est privée d’air et de lumière qui sont ses principaux dépol- lueurs ». Kempeneers embraye : « Il y a une forte concurrence pour l’utilisation de l’espace. Mais l’accroissement de la popu- lation bruxelloise s’accompagne d’une diminution de la taille des logements. Les habitants auront donc d’autant plus besoin d’es- paces verts à l’extérieur. C’est la qualité de vie qui compensera la densification urbaine. » Pour- tant l’urbanisation est en marche ; près de 50 % du terri- toire. En deuxième couronne, de grandes friches urbanisées se sont remplies (Ixelles, Uccle, Jette). Beaucoup de villas se sont agrandies au fil de rénovations. La minéralisation de l’espace ne pourra qu’accentuer l’impact des fortes chaleurs. « Nous conce- vons nos espaces verts pour opti- miser le confort microclima- tique, notamment en assurant des zones d’ombre en fin de jour- née, heures de grande fréquenta- tion », explique Kempeneers. Une politique à long terme. Il faut convaincre. Les mots ont leur importance : ne parlez plus de parcs, jardins ou ruisseaux, mais d’infrastructures vertes et bleues, au même niveau que les infrastructures de transports ou les bâtiments. « Bruxelles ne sera pas vivable sans une infrastruc- ture verte et bleue », estiment les deux hommes. Une décision po- litique ; une de plus. ■ MICHEL DE MUELENAERE Bruxelles Bâtisseurs contre rafraîchisseurs : la lutte pour l’espace L’eau et de la nature doivent être intégrées partout où c’est possible, comme ici dans la vallée de la Woluwe. © D’ALIMONTE.